ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

22 février 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Taxes perçues en violation du droit de l’Union – Obligation de rembourser la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de payer des intérêts sur le montant de celle-ci – Remboursement résultant d’erreurs commises dans la comptabilité de l’assujetti – Remboursement résultant de la modification rétroactive des modalités de calcul de la TVA déductible afférente aux frais généraux de l’assujetti »

Dans l’affaire C‑674/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le rechtbank Gelderland (tribunal de Gueldre, Pays-Bas), par décision du 26 octobre 2022, parvenue à la Cour le 31 octobre 2022, dans la procédure

Gemeente Dinkelland

contre

Ontvanger van de Belastingdienst/Grote ondernemingen, kantoor Zwolle,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, Mme O. Spineanu‑Matei, MM. J.‑C. Bonichot, S. Rodin et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Gemeente Dinkelland, par M. D. van der Zijden, conseiller fiscal,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. M. Hoogveld, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme J. Jokubauskaitė et M. W. Roels, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du droit de l’Union en matière d’obligation pour les États membres de verser des intérêts sur le montant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) remboursé qui a été perçu en violation du droit de l’Union.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Gemeente Dinkelland (commune de Dinkelland, Pays-Bas) à l’ontvanger van de Belastingdienst/Grote ondernemingen, kantoor Zwolle (receveur des impôts/Grandes entreprises, bureau de Zwolle, Pays-Bas) (ci-après l’« administration fiscale »), au sujet du refus de ce dernier de verser à la commune de Dinkelland des intérêts de recouvrement sur un montant de TVA dont elle a obtenu le remboursement.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 9 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1) (ci‑après la « directive TVA »), dispose :

« 1.   Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence.

2.   Outre les personnes visées au paragraphe 1, est considérée comme un assujetti toute personne qui effectue à titre occasionnel la livraison d’un moyen de transport neuf expédié ou transporté à destination de l’acquéreur par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, en dehors du territoire d’un État membre mais dans le territoire de la Communauté. »

4

L’article 168 de cette directive est libellé comme suit :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)

la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

b)

la TVA due pour les opérations assimilées aux livraisons de biens et aux prestations de services conformément à l’article 18, point a), et à l’article 27 ;

c)

la TVA due pour les acquisitions intracommunautaires de biens conformément à l’article 2, paragraphe 1, point b) i) ;

d)

la TVA due pour les opérations assimilées aux acquisitions intracommunautaires conformément aux articles 21 et 22 ;

e)

la TVA due ou acquittée pour les biens importés dans cet État membre. »

5

L’article 173 de ladite directive prévoit :

« 1.   En ce qui concerne les biens et les services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux articles 168, 169 et 170 et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.

Le prorata de déduction est déterminé [...] pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti.

2.   Les États membres peuvent prendre les mesures suivantes :

[...]

c)

autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services ;

[...] »

6

Aux termes de l’article 183 de la même directive :

« Lorsque le montant des déductions dépasse celui de la TVA due pour une période imposable, les États membres peuvent soit faire reporter l’excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu’ils fixent.

Toutefois, les États membres peuvent refuser le report ou le remboursement lorsque l’excédent est insignifiant. »

7

L’article 203 de la directive TVA est libellé comme suit :

« La TVA est due par toute personne qui mentionne cette taxe sur une facture. »

8

L’article 250, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Tout assujetti doit déposer une déclaration de TVA dans laquelle figurent toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris, et dans la mesure où cela est nécessaire pour la constatation de l’assiette, le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées. »

Le droit néerlandais

9

L’article 28c de l’Invorderingswet 1990 (loi de 1990 sur le recouvrement des impôts) (ci-après la « loi sur le recouvrement ») prévoit :

« 1.   Si le receveur est tenu, en vertu d’une décision de l’inspecteur, de rembourser un montant d’imposition parce que le montant en cause a été perçu en violation du droit de l’Union, des intérêts de recouvrement sont versés au contribuable à sa demande.

2.   Les intérêts de recouvrement visés au paragraphe 1 sont calculés sur une base simple sur la période prenant cours le jour suivant celui où l’impôt ou la taxe a été payé, acquitté ou versé et prenant fin le jour précédant celui du remboursement et sont calculés sur le montant à rembourser ou remboursé au contribuable. Par dérogation à la première phrase, les intérêts de recouvrement visés au paragraphe 1 ne sont pas calculés sur les jours pour lesquels des intérêts fiscaux sont payés en vertu du chapitre VA de [l’Algemene wet inzake rijksbelastingen (loi générale sur les impôts de l’État)] ou pour lesquels des intérêts de recouvrement sont payés en vertu de l’article 28b.

[...] »

10

Selon l’article 30ha de l’Algemene wet inzake rijksbelastingen (loi générale sur les impôts de l’État), si une décision de remboursement n’est pas adoptée dans un délai de huit semaines à compter de la réception de la demande de remboursement, des intérêts sont octroyés pour la période prenant cours huit semaines après la réception de la demande de remboursement et prenant fin quatorze jours après la date de la décision de remboursement. Lorsque le remboursement est en relation avec une prise de position de l’administration fiscale concernant le paiement de la taxe acquittée par voie de déclaration, des intérêts sont également versés pour la période prenant cours le lendemain du jour du paiement et prenant fin quatorze jours après la date de la décision de remboursement. Dans les autres cas, il n’y a pas lieu à versement d’intérêts.

11

La Wet op het BTW-compensatiefonds (loi sur le fonds de compensation de la TVA) n’est applicable qu’aux municipalités, aux provinces et aux organismes publics régionaux autorisés à octroyer des concessions de transport public. En vertu de cette loi, ces personnes publiques ont droit à une contribution du fonds de compensation de la TVA (ci‑après le « FCT ») pour compenser la TVA afférente aux biens et aux services qu’ils utilisent dans le cadre d’activités non économiques.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

La commune de Dinkelland exerce à la fois des activités non économiques, notamment des actes qu’elle accomplit en tant qu’autorité publique, et des activités économiques, ces dernières pouvant être soit soumises à la TVA, soit exonérées.

13

Pour ce qui concerne ses activités économiques, la commune de Dinkelland est un assujetti au sens de l’article 9 de la directive TVA. Partant, pour autant que soient remplies les conditions prévues à l’article 168 de cette directive, cette commune a le droit de déduire la TVA qui lui a été portée en compte par ses fournisseurs de biens et de services.

14

Pour ce qui concerne ses activités non économiques, la commune de Dinkelland n’est pas considérée comme assujettie à la TVA et, partant, ne bénéficie pas du droit à déduction de la TVA en amont, mais elle a droit à une contribution du FCT, qui lui permet de compenser la TVA payée ou due par elle.

15

Ainsi, pour chaque facture qui lui est délivrée et sur laquelle figure la TVA, cette commune doit déterminer si le bien ou la prestation acquis sont imputables à une activité non économique ou à une activité économique et, dans ce dernier cas, si elle bénéficie du droit à déduction de la TVA en amont.

16

Les frais généraux de ladite commune, qui ne peuvent être directement imputés à une activité déterminée, peuvent donner lieu, pour partie, à une déduction de la TVA et, pour une autre partie, à une contribution de la part du FCT. Les étendues respectives de cette déduction et de cette contribution sont établies par la commune de Dinkelland, sur la base de sa comptabilité, en appliquant une clé de répartition de la taxe en amont.

17

Pour les années 2012 à 2016, cette commune s’est acquittée de la TVA et a reçu des contributions du FCT sur la base des déclarations qu’elle a effectuées.

18

À la suite de modifications apportées à la réglementation nationale sur la comptabilité des municipalités, applicables à compter du 14 avril 2016, ainsi que de la modification de la qualification fiscale de certaines de ses activités, la commune de Dinkelland a élaboré une nouvelle clé de répartition de la TVA acquittée en amont, en application de laquelle le droit à contribution du FCT a été diminué et le droit à déduction de cette TVA a été augmenté.

19

Par ailleurs, cette commune a fait procéder à un examen de sa comptabilité, qui a fait apparaître des erreurs dans la qualification de certaines prestations fournies par elle et dans l’inscription de certains postes débiteurs ou créditeurs.

20

Les corrections apportées à la comptabilité de la commune de Dinkelland pour ces deux raisons ont entraîné un nouveau calcul de la TVA due et de la TVA en amont déductible pour les années 2012 à 2016. Sur cette base, le 29 septembre 2017, cette commune a demandé le remboursement d’une partie du montant de TVA payé au titre de ces années.

21

Par une décision du 1er juillet 2020, l’administration fiscale a accordé le remboursement du montant réclamé, pour un total de 705943 euros. Sur le fondement de l’article 30ha de la loi générale sur les impôts de l’État, l’administration fiscale a également octroyé des intérêts fiscaux, pour un montant de 75498 euros, calculés sur le montant remboursé, au titre de la période prenant cours huit semaines après la réception de la demande de remboursement et prenant fin quatorze jours après la notification de la décision de remboursement.

22

Le 31 juillet 2020, la commune de Dinkelland a demandé le versement des intérêts de recouvrement prévus à l’article 28c de la loi sur le recouvrement, calculés sur le montant remboursé, au titre d’une période prenant cours le jour du paiement de la TVA. L’administration fiscale a rejeté cette demande par une décision du 9 septembre 2020, confirmée par une décision du 15 juillet 2021, rejetant la réclamation de cette commune.

23

La commune de Dinkelland a introduit un recours contre cette dernière décision devant le rechtbank Gelderland (tribunal de Gueldre, Pays-Bas), qui est la juridiction de renvoi.

24

Cette juridiction relève que l’administration fiscale n’a pas appliqué l’article 28c de la loi sur le recouvrement, adopté à la suite de l’arrêt du 18 avril 2013, Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250), et prévoyant que, lorsqu’une taxe perçue en violation du droit de l’Union est remboursée, des intérêts doivent être versés à l’assujetti au titre d’une période prenant cours le lendemain du paiement de cette taxe.

25

Contrairement à l’administration fiscale, la juridiction de renvoi considère qu’un remboursement résultant d’une augmentation de la TVA en amont dont la déduction n’a pas été réclamée auparavant porte bien sur un montant « perçu », au sens de l’article 28c de la loi sur le recouvrement. Cela étant, cette juridiction se demande si le montant remboursé en l’occurrence a été perçu en violation du droit de l’Union.

26

Selon ladite juridiction, l’administration fiscale ne peut pas être tenue pour responsable des erreurs commises dans la comptabilité de la commune de Dinkelland. Cependant, il résulterait du point 56 de l’arrêt du 28 avril 2022, Gräfendorfer Geflügel- und Tiefkühlfeinkost Produktions e.a. (C‑415/20, C‑419/20 et C‑427/20, EU:C:2022:306), que l’obligation de verser des intérêts sur le montant remboursé découle de l’indisponibilité, pendant un certain temps, du montant indûment payé, indépendamment de l’éventuelle faute de l’assujetti.

27

S’agissant de la modification de la clé de répartition de la TVA acquittée en amont, la juridiction de renvoi se demande si, étant donné que le remboursement du montant de TVA découlant de cette modification résulte essentiellement du changement des règles de comptabilité applicables aux municipalités, l’indisponibilité dudit montant pourrait être considérée comme découlant d’une violation du droit de l’Union.

28

Dans ces conditions, le rechtbank Gelderland (tribunal de Gueldre) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La règle de droit selon laquelle des intérêts de retard doivent être octroyés parce qu’il existe un droit au remboursement de la taxe perçue en violation du droit de l’Union doit-elle être interprétée en ce sens que, lorsqu’un assujetti a obtenu le remboursement de la taxe sur le chiffre d’affaires, des intérêts de retard doivent être octroyés à cet assujetti, dans la situation où :

a)

le remboursement est le résultat d’erreurs dans la comptabilité de l’assujetti telles que celles décrites dans la présente décision, dont l’inspecteur ne peut être tenu pour responsable ;

b)

le remboursement résulte d’un nouveau calcul de la clé de [répartition] en vue de procéder à la déduction de la taxe sur le chiffre d’affaires portant sur les frais généraux, dans les circonstances décrites dans le présent arrêt ?

2)

En cas de réponse affirmative à la première question, à partir de quel jour le droit à l’octroi des intérêts de retard est-il ouvert dans ces cas ? »

Sur les questions préjudicielles

29

Par ses deux questions, auxquelles il convient de répondre conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il oblige à verser des intérêts à un assujetti à compter du paiement d’un montant de TVA, qui est, par la suite, remboursé par l’administration fiscale, lorsque ce remboursement résulte, en partie, de la constatation que cet assujetti, à la suite d’erreurs commises dans sa comptabilité, n’a pas pleinement exercé son droit à déduction de la TVA payée en amont pour les années concernées et, en partie, d’une modification, avec effet rétroactif, des modalités de calcul de la TVA déductible afférente aux frais généraux dudit assujetti.

30

Lorsqu’un État membre a prélevé des taxes en violation des règles du droit de l’Union, les justiciables ont droit au remboursement non seulement de l’impôt indûment perçu, mais également des montants payés à cet État ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt. Cela comprend également les pertes constituées par l’indisponibilité de sommes d’argent à la suite de l’exigibilité prématurée de l’impôt (arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑446/04, EU:C:2006:774, point 205, ainsi que du 23 avril 2020, Sole-Mizo et Dalmandi Mezőgazdasági, C‑13/18 et C‑126/18, EU:C:2020:292, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

31

Il ressort de cette jurisprudence que le principe de l’obligation faite aux États membres de restituer avec des intérêts les montants des taxes prélevées en violation du droit de l’Union découle de ce dernier droit (arrêt du 23 avril 2020, Sole-Mizo et Dalmandi Mezőgazdasági, C‑13/18 et C‑126/18, EU:C:2020:292, point 36 ainsi que jurisprudence citée).

32

Dans une situation de restitution d’une taxe perçue par un État membre en violation du droit de l’Union, le principe d’effectivité exige que les règles nationales relatives notamment au calcul des intérêts éventuellement dus n’aboutissent pas à priver l’assujetti d’une indemnisation adéquate de la perte occasionnée par le paiement indu de la taxe (voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a., C‑591/10, EU:C:2012:478, point 29, ainsi que du 23 avril 2020, Sole-Mizo et Dalmandi Mezőgazdasági, C‑13/18 et C‑126/18, EU:C:2020:292, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

33

Cette perte dépend notamment de la durée de l’indisponibilité de la somme indûment payée en violation du droit de l’Union et survient ainsi, en principe, dans la période entre la date du paiement indu de la taxe en cause et la date de restitution de celle-ci (arrêt du 18 avril 2013, Irimie, C‑565/11, EU:C:2013:250, point 28).

34

Dès lors, afin de déterminer si le droit de l’Union oblige à verser des intérêts à un assujetti à compter du paiement d’un montant de TVA qui fait, par la suite, l’objet d’un remboursement, il convient de vérifier si ce montant doit être considéré comme ayant été « perçu en violation du droit de l’Union », au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 30 à 33 du présent arrêt.

35

En premier lieu, un montant de TVA perçu en raison du fait que l’assujetti n’a pas exercé son droit à déduction constitue un montant « perçu » ou « prélevé ».

36

En second lieu, en ce qui concerne la notion de « violation du droit de l’Union », premièrement, lorsque l’assujetti facture la TVA par erreur, la perception de celle-ci a lieu non pas en violation du droit de l’Union, mais en application de l’article 203 de la directive TVA, qui dispose que toute personne mentionnant la TVA sur une facture est redevable de la taxe mentionnée sur cette facture (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2022, HUMDA, C‑397/21, EU:C:2022:790, point 34 et jurisprudence citée).

37

Par ailleurs, en vertu de l’article 250, paragraphe 1, de la directive TVA, tout assujetti doit déposer une déclaration de TVA dans laquelle figurent toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer. Partant, l’administration fiscale n’agit pas en violation du droit de l’Union lorsqu’elle perçoit un montant de TVA sur la base de cette déclaration, même si l’assujetti, pour des raisons qui lui sont propres, n’y a pas fait figurer les données nécessaires pour que soit constatée l’étendue de son droit à déduction, prévu à l’article 168 de cette directive, et n’a, ainsi, pas exercé ce droit.

38

Dès lors, un montant de TVA ne saurait être considéré comme perçu « en violation du droit de l’Union » au motif que l’assujetti n’a pas exercé son droit à déduction par erreur.

39

Deuxièmement, un montant de TVA remboursé en raison de la modification, avec effet rétroactif, des modalités de calcul de la TVA déductible afférente aux frais généraux d’un assujetti ne peut être considéré comme ayant été perçu « en violation du droit de l’Union », au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 30 à 33 du présent arrêt, que si les modalités initiales de ce calcul, qui ont fondé la perception de ce montant, sont incompatibles avec le droit de l’Union en raison de la réglementation nationale applicable ou d’une exigence de l’administration fiscale.

40

À cet égard, il convient d’observer que, en vertu de l’article 168 de la directive TVA, la TVA payée en amont n’est déductible que lorsque les biens ou les services pour lesquels elle a été payée sont utilisés pour les besoins d’opérations taxées.

41

Or, les montants de TVA acquittés en amont pour les frais généraux correspondent à l’acquisition de biens et de services utilisés pour l’ensemble des activités de l’assujetti.

42

Dès lors, il y a lieu de distinguer, d’une part, la répartition de ces montants de TVA selon que les frais généraux se rapportent à des activités économiques ou à des activités non économiques et, d’autre part, lorsque ces frais se rapportent à des activités économiques, leur répartition selon qu’ils se rapportent à des opérations taxées, ouvrant droit à déduction, ou à des opérations exonérées, n’ouvrant pas droit à déduction.

43

S’agissant de la répartition des montants de TVA acquittés en amont selon que les dépenses correspondantes se rapportent à des activités économiques ou à des activités non économiques, il convient de rappeler que la TVA ayant grevé en amont l’acquisition de biens et de services par un assujetti ne saurait ouvrir un droit à déduction dans la mesure où ces biens et ces services ont été utilisés pour des activités qui, eu égard à leur caractère non économique, ne tombent pas dans le champ d’application de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2021, Balgarska natsionalna televizia, C‑21/20, EU:C:2021:743, point 54 et jurisprudence citée).

44

Les dispositions de la directive TVA ne comportent pas de règles ayant pour objet les méthodes ou les critères que les États membres sont tenus d’appliquer lorsqu’ils adoptent des dispositions permettant une répartition des montants de TVA acquittés en amont selon que les dépenses correspondantes se rapportent à des activités économiques ou à des activités non économiques (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2008, Securenta, C‑437/06, EU:C:2008:166, point 33).

45

Dans ces conditions, et afin que les assujettis puissent effectuer les calculs nécessaires, il appartient aux États membres d’établir des méthodes et des critères appropriés à cette fin, dans le respect des principes qui sous-tendent le système commun de TVA (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2008, Securenta, C‑437/06, EU:C:2008:166, point 34).

46

Dès lors, les États membres doivent exercer leur pouvoir d’appréciation de façon à garantir que la déduction ne s’effectue que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux opérations ouvrant droit à déduction. Ils doivent donc veiller à ce que le calcul du prorata entre activités économiques et activités non économiques reflète objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à chacune de ces deux activités (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2008, Securenta, C‑437/06, EU:C:2008:166, point 37).

47

Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les États membres sont habilités à appliquer, le cas échéant, toute clé de répartition appropriée(voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2008, Securenta, C‑437/06, EU:C:2008:166, point 38).

48

S’agissant de la répartition des montants de TVA acquittés en amont selon que les dépenses correspondantes se rapportent à des opérations ouvrant droit à déduction ou à des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, il ressort de l’article 173, paragraphe 1, de la directive TVA que la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux opérations ouvrant droit à déduction. En vertu de l’article 173, paragraphe 2, sous c), de cette directive, les États membres peuvent autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et des services.

49

Partant, à condition que les exigences indiquées aux points 43 à 48 du présent arrêt soient respectées, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’un État membre autorise ou oblige l’assujetti à établir, par une clé de répartition élaborée sous sa responsabilité, les modalités de calcul de la TVA déductible afférente à ses frais généraux.

50

En l’occurrence, le calcul de la TVA déductible afférente aux frais généraux de la commune de Dinkelland résulte d’une clé, établie par cette commune sur la base de sa comptabilité, permettant la répartition de ces frais entre les activités non économiques et les activités économiques de ladite commune et, au sein de ces dernières, entre les opérations taxées, donnant droit à déduction de la TVA, et les opérations exonérées, qui n’y donnent pas droit. La même commune a obtenu le remboursement du montant de TVA en cause en raison de l’application rétroactive aux années 2012 à 2016 d’une nouvelle clé de répartition.

51

En réponse à une demande d’éclaircissements, que la Cour a adressée le 19 juillet 2023 à la juridiction de renvoi, cette dernière a précisé que, en vertu de la réglementation néerlandaise, l’utilisation effective est le critère d’imputation des biens et des services, y compris de ceux relevant des frais généraux, à une activité non économique ou à une activité économique ainsi que, au sein de celle-ci, à des opérations ouvrant droit à déduction de la TVA.

52

Dès lors, rien n’indique que la réglementation néerlandaise en cause au principal ne soit pas conforme aux exigences indiquées aux points 43 à 48 du présent arrêt.

53

Cela étant, il ressort également de la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissements que cette réglementation ne précise pas les modalités de détermination de l’utilisation effective des biens et des services relevant des frais généraux. La réglementation nationale sur la comptabilité des municipalités en vigueur jusqu’en 2016 permettait, contrairement à la réglementation qui l’a modifiée, d’imputer les frais généraux sur les activités principales. Les communes disposaient d’une certaine latitude dans la mise en œuvre de cette imputation.

54

La juridiction de renvoi a aussi relevé que, bien que des consultations aient eu lieu entre la commune de Dinkelland et l’administration fiscale dans un souci de sécurité juridique, aucun accord n’avait été conclu entre l’une et l’autre, l’administration fiscale s’étant bornée à accepter la méthodologie consistant à déterminer l’utilisation effective des biens et des services sur la base de la comptabilité de cette commune. D’ailleurs, la méthodologie mise en œuvre en application de la réglementation nationale sur la comptabilité des municipalités en vigueur jusqu’en 2016 ne refléterait pas l’utilisation effective des biens et des services de manière inexacte par principe.

55

En outre, il ne ressort pas de la réponse de la juridiction de renvoi à cette demande d’éclaircissements que l’éventuelle inexactitude de la qualification fiscale de certaines activités, initialement retenue, dont la modification rétroactive a été effectuée en raison de changements factuels et de conception, était due à la réglementation nationale applicable ou à une exigence de l’administration fiscale.

56

Il découle de ce qui précède, sous réserve des vérifications qui incombent à la juridiction de renvoi, que la clé de répartition utilisée initialement par la commune de Dinkelland pour les années 2012 à 2016 a été établie sous la seule responsabilité de cette dernière.

57

Partant, eu égard aux considérations qui figurent au point 39 du présent arrêt, le montant de TVA déductible calculé sur la base de cette clé de répartition ne constitue pas un montant perçu « en violation du droit de l’Union », au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 30 à 33 du présent arrêt.

58

Il importe, enfin, de rappeler que, même en l’absence d’un montant « perçu en violation du droit de l’Union », au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 30 à 33 du présent arrêt, il convient de se référer à l’article 183 de la directive TVA lorsqu’une créance de TVA doit, au vu de sa nature, être analysée comme un « excédent » de TVA au sens de cette disposition.

59

À cet égard, la Cour a jugé que, même si l’article 183 de la directive TVA ne prévoit pas d’obligation de verser des intérêts sur l’excédent de TVA à rembourser ni ne précise le moment à partir duquel de tels intérêts sont dus, le principe de neutralité du système fiscal de la TVA exige que les pertes financières issues du remboursement d’un excédent de TVA soient compensées par le paiement d’intérêts de retard. Toutefois, l’obligation de verser de tels intérêts n’existe que lorsque le remboursement de l’excédent de TVA n’est pas effectué dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2021, technoRent International e.a., C‑844/19, EU:C:2021:378, point 40).

60

En l’occurrence, dans le cas où cette disposition serait applicable, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier, il importe de relever que, dans le cas où le délai applicable pour le traitement d’une demande de remboursement de TVA par l’administration fiscale serait un délai de huit semaines, tel que celui prévu à l’article 30ha de la loi générale sur les impôts de l’État, ce délai ne paraît pas déraisonnable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 59 du présent arrêt, pour le traitement d’une demande de remboursement de TVA par l’administration fiscale, en y incluant les opérations effectives de remboursement.

61

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il n’oblige pas à verser des intérêts à un assujetti à compter du paiement d’un montant de TVA, qui est, par la suite, remboursé par l’administration fiscale, lorsque ce remboursement résulte, en partie, de la constatation que cet assujetti, à la suite d’erreurs commises dans sa comptabilité, n’a pas pleinement exercé son droit à déduction de la TVA payée en amont pour les années concernées et, en partie, d’une modification, avec effet rétroactif, des modalités de calcul de la TVA déductible afférente aux frais généraux dudit assujetti lorsque ces modalités sont établies sous la seule responsabilité de ce dernier.

Sur les dépens

62

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il n’oblige pas à verser des intérêts à un assujetti à compter du paiement d’un montant de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui est, par la suite, remboursé par l’administration fiscale, lorsque ce remboursement résulte, en partie, de la constatation que cet assujetti, à la suite d’erreurs commises dans sa comptabilité, n’a pas pleinement exercé son droit à déduction de la TVA payée en amont pour les années concernées et, en partie, d’une modification, avec effet rétroactif, des modalités de calcul de la TVA déductible afférente aux frais généraux dudit assujetti lorsque ces modalités sont établies sous la seule responsabilité de ce dernier.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.