ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
21 décembre 2023 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision–cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Article 4 bis, paragraphe 1 – Procédure de remise entre États membres – Conditions d’exécution – Motifs de non-exécution facultative – Exceptions – Exécution obligatoire – Peine prononcée par défaut – Notion de “procès qui a mené à la décision” – Procédure portant modification de peines antérieurement prononcées – Décision prononçant une peine globale – Décision rendue sans que l’intéressé ait comparu en personne – Réglementation nationale prévoyant une interdiction absolue de remise de l’intéressé dans le cas d’une décision prononcée par défaut – Obligation d’interprétation conforme »
Dans l’affaire C‑396/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne), par décision du 14 juin 2022, parvenue à la Cour le 15 juin 2022, dans la procédure relative à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen
Generalstaatsanwaltschaft Berlin,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de chambre, M N. Wahl et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
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pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller, P. Busche, M. Hellmann et R. Kanitz, en qualité d’agents, |
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pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent, |
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pour la Commission européenne, par Mme S. Grünheid et M. H. Leupold, en qualité d’agents, |
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre de la procédure relative à l’exécution, en Allemagne, du mandat d’arrêt européen émis contre un ressortissant polonais en vue de l’exécution, en Pologne, d’une peine privative de liberté. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 |
L’article 1er de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », dispose : « 1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté. 2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre. 3. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE]. » |
4 |
L’article 4 bis, paragraphe 1, de cette décision-cadre, intitulé « Décisions rendues à l’issue d’un procès auquel l’intéressé n’a pas comparu en personne », est libellé comme suit : « L’autorité judiciaire d’exécution peut également refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision, sauf si le mandat d’arrêt européen indique que l’intéressé, conformément aux autres exigences procédurales définies dans la législation nationale de l’État membre d’émission :
[...] » |
Le droit allemand
5 |
L’article 83, paragraphe 1, point 3, du Gesetz über die Internationale Rechtshilfe in Strafsachen (loi sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale), du 23 décembre 1982 (BGBl. 1982 I, p. 2071), dans sa version publiée le 27 juin 1994 (BGBl. 1994 I, p. 1537) (ci-après l’« IRG »), prévoit : « L’extradition est exclue lorsque : [...]
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6 |
L’article 460 du Strafprozessordnung (code de procédure pénale) prévoit l’établissement ultérieur d’un jugement global, en vertu de l’article 55 du Strafgesetzbuch (code pénal), et l’article 462, paragraphe 1, du code de procédure pénale précise que la juridiction compétente prend sa décision sans tenir audience, par ordonnance. |
Le droit polonais
7 |
L’article 139, paragraphe 1, du Kodeks postępowania karnego (code de procédure pénale, ci-après le « kpk ») prévoit, en substance, la possibilité d’effectuer une signification à l’adresse connue d’une personne qui n’a pas communiqué sa nouvelle adresse. |
8 |
En vertu de l’article 75, paragraphe 1, du kpk, la personne mise en cause est tenue de communiquer sa nouvelle adresse en cas de changement de domicile dans le cadre d’une procédure pénale. |
9 |
L’article 86 du Kodeks karny (code pénal), dans sa version applicable au moment des faits au principal, dispose, en substance, que, dans le cadre de l’établissement d’un jugement global, la peine individuelle maximale constitue le minimum de la peine globale et la somme des peines constitue le maximum de cette peine globale, tout en fixant dans le même temps un seuil concret maximal pour une telle peine globale. |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10 |
Le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi, a été saisi par les autorités polonaises d’une demande visant à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis le 5 février 2021 contre un ressortissant polonais par le Sąd Okręgowy w Piotrkowie Trybunalskim (tribunal régional de Piotrków Trybunalski, Pologne). Ce mandat d’arrêt européen tend à l’arrestation et à la remise de l’intéressé à ces autorités aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté de trois ans prononcée par le Sąd Rejonowy w Piotrkowie Trybunalskim (tribunal d’arrondissement de Piotrków Trybunalski, Pologne), par un jugement du 30 octobre 2019 condamnant l’intéressé à une peine globale (ci-après le « jugement global du 30 octobre 2019 »), dont deux ans, onze mois et 27 jours restent encore à être exécutés par celui-ci. |
11 |
Le jugement global du 30 octobre 2019 englobe plusieurs jugements de condamnation prononcés par le Sąd Rejonowy w Piotrkowie Trybunalskim (tribunal d’arrondissement de Piotrków Trybunalski), à savoir un jugement du 25 avril 2019, qui procédait à la confusion de plusieurs peines prononcées antérieurement à l’encontre l’intéressé, et un jugement du 10 juin 2019. |
12 |
L’intéressé a comparu en personne ou a été représenté par un avocat commis d’office dans le cadre des procédures ayant abouti aux peines dont la confusion a été prononcée par ce jugement du 25 avril 2019. En revanche, ce jugement du 10 juin 2019 et le jugement global du 30 octobre 2019 ont été prononcés par défaut. Cependant, les citations à comparaître aux audiences ayant précédé le prononcé de ces jugements, envoyées par les autorités polonaises compétentes à l’intéressé par voie d’avis de la poste polonaise à l’adresse que ce dernier leur avait indiquée comme étant celle de sa résidence permanente, sont, en vertu de l’article 139, paragraphe 1, du kpk, réputées lui avoir été signifiées. |
13 |
La Generalstaatsanwaltschaft Berlin (procureur général de Berlin, Allemagne) a, dans un premier temps, demandé que l’intéressé soit placé en détention en vue de sa remise aux autorités polonaises. Dans un second temps, elle a considéré que l’article 83, paragraphe 1, point 3, de l’IRG, qui transpose dans le droit allemand l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, fait obstacle à cette remise. Selon elle, une citation à comparaître réputée avoir été signifiée en vertu de l’article 139, paragraphe 1, du kpk ne saurait garantir que l’intéressé a été informé de manière effective de la date et du lieu de l’audience comme l’exigerait la jurisprudence de la Cour, issue, notamment, de l’arrêt du 24 mai 2016, Dworzecki (C‑108/16 PPU, EU:C:2016:346). Elle demande donc désormais que la remise de l’intéressé soit déclarée illicite. |
14 |
La juridiction de renvoi estime que la condition de la double incrimination du fait, à laquelle une telle remise est subordonnée et qui consiste à vérifier que les faits reprochés constituent une infraction dans les deux États membres amenés à coopérer, est satisfaite en l’occurrence. |
15 |
En premier lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si la notion de « procès qui a mené à la décision », figurant à l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise la procédure ayant abouti à un jugement prononçant une peine globale, par la confusion a posteriori de peines prononcées antérieurement, lorsque l’autorité qui a prononcé ce jugement ne peut réexaminer la déclaration de culpabilité ni modifier les peines prononcées antérieurement. |
16 |
La juridiction de renvoi relève, à cet égard, que, dans l’arrêt du 10 août 2017, Zdziaszek (C‑271/17 PPU, EU:C:2017:629), la Cour a jugé que cette notion vise également une procédure subséquente, telle que celle aboutissant à un jugement global, à l’issue de laquelle est intervenue la décision ayant modifié de façon définitive le niveau de la peine initialement prononcée, à la condition que l’autorité qui a adopté cette dernière décision ait bénéficié à cet égard d’un certain pouvoir d’appréciation. |
17 |
En l’occurrence, il ressort des informations fournies par les juridictions polonaises que, dans le cadre d’une procédure de confusion a posteriori de peines prononcées antérieurement, le juge dispose, en vertu de la législation nationale pertinente, d’une certaine marge d’appréciation, puisqu’il peut prononcer à sa discrétion une peine globale dont le seuil est constitué par la peine initiale la plus élevée et le plafond par la somme de toutes les peines initialement prononcées. Toutefois, dans la mesure où le jugement global du 30 octobre 2019 n’a pas donné lieu à un réexamen de la déclaration de culpabilité de l’intéressé ni modifié les peines prononcées antérieurement, la juridiction de renvoi doute qu’un tel jugement puisse effectivement relever de la notion de « procès qui a mené à la décision », au sens de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584. |
18 |
Les doutes de la juridiction de renvoi sont confortés par le fait que, selon elle, l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 s’applique uniquement lorsqu’une procédure de confusion de peines prononcées antérieurement donne lieu au prononcé d’un jugement sur la base d’une audience. Or, tel ne serait, notamment, pas le cas dans le droit allemand. Elle considère dès lors qu’il existe, compte tenu des divergences dans l’organisation de la procédure pénale dans les différents États membres, un risque que, selon le droit national applicable, une telle procédure relève ou non du champ d’application de cette disposition. |
19 |
En second lieu, la juridiction de renvoi se demande si le principe de primauté du droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale, telle que l’article 83, paragraphe 1, point 3, de l’IRG, qui érige la condamnation par défaut en « obstacle absolu » à la remise d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen alors que l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, que cette réglementation transpose dans le droit allemand, ne prévoit à cet égard qu’un motif facultatif de refus. |
20 |
Selon la juridiction de renvoi, cette dernière disposition n’a pas été pleinement transposée dans le droit allemand dès lors que l’article 83, paragraphe 1, point 3, de l’IRG ne prévoit pas la possibilité pour une autorité judiciaire d’exécution d’exercer un pouvoir d’appréciation en cas de condamnation par défaut. |
21 |
La juridiction de renvoi relève que, dans l’arrêt du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, points 69, 72, 73 et 76), la Cour a jugé que, si l’application directe de la décision-cadre 2002/584 est exclue, celle-ci étant dépourvue d’effet direct, il n’en demeure pas moins qu’une autorité judiciaire d’exécution est tenue d’interpréter le droit national conformément à cette décision-cadre afin d’atteindre le résultat visé par celle-ci, une interprétation contra legem de ce droit étant toutefois exclue. |
22 |
La juridiction de renvoi considère qu’elle n’est pas en mesure d’interpréter l’article 83, paragraphe 1, point 3, de l’IRG en ce sens qu’il lui conférerait, dans le cadre de l’examen de l’obstacle à la remise de l’intéressé, une marge d’appréciation qui lui permettrait de déclarer licite cette remise en dépit des exceptions prévues aux paragraphes 2 à 4 de cet article. Elle estime que, en application de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 et de la marge d’appréciation dont elle est censée disposer à cet égard, elle devrait pouvoir considérer que, au regard des circonstances de l’espèce, le droit d’être entendu de l’intéressé a été dûment respecté et que la remise de ce dernier est donc licite. |
23 |
En effet, à première vue, les circonstances dans lesquelles la citation à comparaître a été signifiée à l’intéressé pourraient, selon la juridiction de renvoi, être considérées comme ne garantissant pas à suffisance que celui-ci a été informé de façon certaine de la date de l’audience ayant donné lieu au jugement global du 30 octobre 2019, ainsi que l’exigerait la jurisprudence de la Cour, issue notamment de l’arrêt du 24 mai 2016, Dworzecki (C‑108/16 PPU, EU:C:2016:346), et ne répondraient, dès lors, pas aux exigences prévues à l’article 4 bis, paragraphe 1, sous a), i), de la décision-cadre 2002/584. Toutefois, il ressortirait des points 50 et 51 de cet arrêt que l’autorité judiciaire d’exécution concernée peut prendre en compte d’autres circonstances, notamment, le comportement dont a fait preuve l’intéressé, lui permettant de s’assurer que la remise de celui-ci n’implique pas une violation de ses droits de la défense, une attention particulière pouvant être accordée à un éventuel « défaut manifeste de diligence » de l’intéressé, par exemple lorsqu’il apparaît que ce dernier a cherché à échapper à la signification de l’information qui lui était adressée. Or, en l’occurrence, il serait constant que, en ne tenant pas les autorités polonaises compétentes informées de son adresse de résidence réelle, l’intéressé a empêché sa convocation à l’audience ayant donné lieu au jugement global du 30 octobre 2019. |
24 |
Dans ces conditions, le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
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Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
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Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que la notion de « procès ayant mené à la décision », figurant à cette disposition, vise une procédure ayant abouti à un jugement prononçant une peine globale, par la confusion a posteriori de peines prononcées antérieurement, lorsque l’autorité prononçant ce jugement ne peut réexaminer la déclaration de culpabilité de l’intéressé ni modifier ces dernières peines. |
26 |
Il importe de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion de « procès qui a mené à la décision », au sens de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, doit être appréhendée comme une notion autonome du droit de l’Union et interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière, indépendamment des qualifications dans les États membres (voir, en ce sens, arrêts du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 67, et du 22 décembre 2017, Ardic, C‑571/17 PPU, EU:C:2017:1026, point 63). |
27 |
Cette notion doit être comprise comme désignant la procédure qui a conduit à la décision judiciaire ayant définitivement condamné la personne dont la remise est sollicitée dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen [arrêts du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 74, ainsi que du 23 mars 2023, Minister for Justice and Equality (Levée du sursis), C‑514/21 et C‑515/21, EU:C:2023:235, point 52]. |
28 |
La Cour a précisé que, dans l’hypothèse où la procédure a comporté plusieurs instances ayant donné lieu à des décisions successives, dont l’une au moins a été rendue par défaut, ladite notion vise l’instance qui a conduit à la dernière de ces décisions, à la condition que la juridiction concernée ait statué de façon définitive sur la culpabilité de l’intéressé et l’ait condamné à une peine, telle qu’une mesure privative de liberté, à la suite d’un examen, en fait comme en droit, des éléments à charge et à décharge, ce qui inclut, le cas échéant, la prise en compte de la situation individuelle de celui-ci (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 81). |
29 |
En outre, la Cour a considéré que, bien qu’intervenant après qu’une ou plusieurs décisions ont condamné l’intéressé à une ou plusieurs peines, une décision, intervenue à un stade ultérieur de la procédure et portant modification d’une ou de plusieurs peines privatives de liberté prononcées antérieurement, tel qu’un jugement prononçant une peine globale, n’affecte cependant pas la déclaration de culpabilité opérée par ces décisions antérieures, celle-ci étant, partant, définitivement acquise (arrêt du 10 août 2017, Zdziaszek, C‑271/17 PPU, EU:C:2017:629, point 84). |
30 |
D’une part, un tel jugement modifie le quantum de la ou des peines infligées et doit, partant, être distingué des mesures relatives aux modalités d’exécution d’une peine privative de liberté. D’autre part, une procédure menant à une décision, telle qu’un jugement prononçant une peine globale, consistant, notamment, à commuer en une nouvelle peine unique une ou plusieurs peines prononcées antérieurement à l’encontre de l’intéressé, aboutit nécessairement à un résultat plus favorable pour ce dernier. Ainsi, par exemple, à la suite de plusieurs condamnations dont chacune a comporté l’infliction d’une peine, les peines prononcées peuvent être cumulées pour obtenir une peine globale dont le quantum est moindre que l’addition des différentes peines issues de décisions distinctes antérieures (arrêt du 10 août 2017, Zdziaszek, C‑271/17 PPU, EU:C:2017:629, points 85 et 86). |
31 |
Le respect du caractère équitable du procès implique le droit, pour l’intéressé, d’assister aux débats en raison des conséquences importantes que ceux-ci peuvent avoir sur le quantum de la peine qui lui sera infligée. Ainsi, une procédure spécifique de fixation d’une peine globale ne saurait constituer un exercice purement formel et arithmétique, mais doit comporter une marge d’appréciation pour la détermination du niveau de la peine au moyen, notamment, d’une prise en considération de la situation ou de la personnalité de l’intéressé, ou bien de circonstances atténuantes ou aggravantes. Est dépourvu de pertinence, à cet égard, le point de savoir si la juridiction concernée dispose ou non du pouvoir d’aggraver la peine antérieurement prononcée (arrêt du 10 août 2017, Zdziaszek, C‑271/17 PPU, EU:C:2017:629, points 87 à 89). |
32 |
Dès lors, une procédure donnant lieu à un jugement prononçant une peine globale, qui a conduit à une nouvelle détermination du niveau de peines privatives de liberté prononcées antérieurement, doit être considérée comme relevant de l’application de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, lorsqu’elle accorde, à cet effet, à l’autorité compétente une marge d’appréciation et qu’elle donne lieu à une décision qui statue définitivement sur la peine (arrêt du 10 août 2017, Zdziaszek, C‑271/17 PPU, EU:C:2017:629, point 90). |
33 |
Il en découle que la notion de « procès ayant mené à la décision », figurant à l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, vise un jugement prononçant une peine globale tel que le jugement global du 30 octobre 2019, dès lors qu’il ressort des informations fournies par la juridiction de renvoi que la procédure ayant donné lieu à ce jugement comporte une marge d’appréciation pour la détermination du niveau de cette peine globale. |
34 |
Par conséquent, il convient de répondre à la première question que l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que la notion de « procès ayant mené à la décision », figurant à cette disposition, vise une procédure ayant abouti à un jugement prononçant une peine globale, par la confusion a posteriori de peines prononcées antérieurement, lorsque, dans le cadre de cette procédure, l’autorité prononçant ce jugement ne peut réexaminer la déclaration de culpabilité de l’intéressé ni modifier ces dernières peines, mais dispose d’une marge d’appréciation pour la détermination du niveau de cette peine globale. |
Sur la seconde question
35 |
Par sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si le principe de primauté du droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, transposant l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, qui exclut, de manière générale, la possibilité pour une autorité judiciaire d’exécution d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exécution d’une peine lorsque l’intéressé n’a pas comparu en personne dans le cadre du procès qui a mené à la décision concernée. |
36 |
Il importe de rappeler, à cet égard, que la décision-cadre 2002/584 consacre, à son article 1er, paragraphe 2, la règle selon laquelle les États membres sont tenus d’exécuter tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de cette décision-cadre. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, les autorités judiciaires d’exécution ne peuvent donc refuser d’exécuter un tel mandat que dans les cas, exhaustivement énumérés, prévus par ladite décision-cadre. L’exécution d’un mandat d’arrêt européen ne saurait être subordonnée qu’à l’une des conditions qui y sont limitativement énumérées. Par conséquent, alors que l’exécution d’un mandat d’arrêt européen constitue le principe, le refus d’exécution de celui-ci est conçu comme une exception qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 50). |
37 |
Ainsi, la décision-cadre 2002/584 énonce explicitement, d’une part, les motifs obligatoires (article 3 de cette décision-cadre) et, d’autre part, les motifs facultatifs (articles 4 et 4 bis de ladite décision-cadre) de non-exécution d’un mandat d’arrêt européen. En particulier, l’article 4 bis de la même décision-cadre limite la possibilité de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen en énumérant, de façon précise et uniforme, les conditions dans lesquelles la reconnaissance et l’exécution d’une décision rendue à l’issue d’un procès auquel la personne concernée n’a pas comparu en personne ne peuvent être refusées (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 53). |
38 |
Il ressort du libellé de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 que cette disposition prévoit un motif facultatif de non-exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a abouti à sa condamnation. Cette faculté est, néanmoins, assortie de quatre exceptions, énoncées, respectivement, aux points a) à d) de cette disposition, qui privent l’autorité judiciaire d’exécution concernée de la possibilité de refuser l’exécution du mandat d’arrêt européen qui lui a été adressé (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, point 40). |
39 |
Partant, une autorité judiciaire d’exécution dispose de la faculté de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen délivré aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision concernée, sauf si ce mandat d’arrêt européen indique que les conditions énoncées, respectivement, aux points a) à d) de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 sont satisfaites (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628 point 54). |
40 |
Il s’ensuit qu’une autorité judiciaire d’exécution est tenue de procéder à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, nonobstant l’absence de l’intéressé au procès qui a mené à la décision concernée, lorsque l’existence de l’une des circonstances visées, respectivement, aux points a) à d) de l’article 4 bis, paragraphe 1, de cette décision-cadre est vérifiée (arrêt du 10 août 2017, Tupikas, C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 55). |
41 |
La Cour a eu l’occasion de préciser que, cet article 4 bis prévoyant un cas de non-exécution facultative d’un mandat d’arrêt européen, une autorité judiciaire d’exécution peut, en tout état de cause, même après avoir constaté que les circonstances visées au point précédent du présent arrêt ne couvrent pas la situation de la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, prendre en compte d’autres circonstances lui permettant de s’assurer que la remise de l’intéressé n’implique pas une violation des droits de la défense de ce dernier (voir, en ce sens, arrêts du 10 août 2017, Zdziaszek, C‑271/17 PPU, EU:C:2017:629, point 107, ainsi que du 17 décembre 2020, Generalstaatsanwaltschaft Hamburg, C‑416/20 PPU, EU:C:2020:1042, point 51 et jurisprudence citée). |
42 |
Dans le cadre d’une telle appréciation, une autorité judiciaire d’exécution pourra ainsi prendre en considération le comportement dont l’intéressé a fait preuve. C’est, en effet, à ce stade de la procédure de remise qu’une attention particulière pourrait être accordée, notamment, au fait que l’intéressé a cherché à échapper à la signification de l’information qui lui était adressée (arrêt du 17 décembre 2020, Generalstaatsanwaltschaft Hamburg, C‑416/20 PPU, EU:C:2020:1042, point 52 et jurisprudence citée). |
43 |
Il en découle que, lorsqu’elle vérifie que l’une des conditions prévues à l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 est satisfaite, une autorité judiciaire d’exécution ne saurait être empêchée de s’assurer du respect des droits de la défense de la personne concernée en prenant, à cet égard, dûment en considération l’ensemble des circonstances caractérisant l’affaire dont elle est saisie, y compris les informations dont elle peut disposer d’elle-même. |
44 |
En l’occurrence, il découle des informations fournies par la juridiction de renvoi que la réglementation allemande en cause au principal oblige, de manière générale, l’autorité judiciaire d’exécution concernée à refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen en cas de condamnation par défaut. Cette réglementation ne laisse à cette autorité judiciaire d’exécution aucune marge d’appréciation aux fins de la vérification de l’existence de l’une des situations visées, respectivement, aux points a) à d) de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, sur la base des circonstances de l’espèce, si les droits de la défense de l’intéressé peuvent être considérés comme ayant été respectés, et, partant, pour décider d’exécuter le mandat d’arrêt européen concerné. |
45 |
Dans ces conditions, force est de constater qu’une telle réglementation nationale est contraire à l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584. |
46 |
Il convient de rappeler que la Cour a dit pour droit que le principe de primauté du droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas à une juridiction nationale de laisser inappliquée une disposition du droit national incompatible avec des dispositions de la décision-cadre 2002/584, celle-ci étant dépourvue d’effet direct. Toutefois, les autorités des États membres, y compris les juridictions, sont tenues de procéder, dans toute la mesure du possible, à une interprétation conforme de leur droit national qui leur permet d’assurer un résultat compatible avec la finalité poursuivie par cette décision-cadre (arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 109). |
47 |
En effet, si les décisions-cadres ne peuvent produire d’effet direct, leur caractère contraignant entraîne néanmoins à l’égard des autorités nationales une obligation d’interprétation conforme de leur droit interne à partir de la date d’expiration du délai de transposition de ces décisions-cadres. En appliquant leur droit national, ces autorités sont donc tenues d’interpréter celui-ci, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la décision-cadre concernée afin d’atteindre le résultat visé par celle-ci, une interprétation contra legem du droit national étant toutefois exclue. Ainsi, le principe d’interprétation conforme requiert de prendre en considération l’ensemble du droit interne et de faire application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine efficacité de cette décision-cadre et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, points 72 à 77). |
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Il s’ensuit qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi, en prenant en considération l’ensemble de son droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, d’interpréter la réglementation nationale en cause au principal, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la décision-cadre 2002/584. |
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Par conséquent, il convient de répondre à la seconde question que l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale transposant cette disposition qui exclut, de manière générale, la possibilité pour une autorité judiciaire d’exécution d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exécution d’une peine lorsque l’intéressé n’a pas comparu en personne dans le cadre du procès qui a mené à la décision concernée est contraire à ladite disposition. Une juridiction nationale est tenue, en prenant en considération l’ensemble de son droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, d’interpréter cette réglementation nationale, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette décision-cadre. |
Sur les dépens
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La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit : |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.