ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

7 septembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des marchandises – Droits d’accises – Directive 92/12/CEE – Article 6, paragraphe 1, sous a) – Exigibilité des droits d’accises – Sortie irrégulière du régime suspensif – Acte illicite exclusivement imputable à un tiers – Falsification du document administratif d’accompagnement – Article 14, paragraphe 1 – Franchise pour les pertes intervenues en régime suspensif – Cas fortuit ou cas de force majeure – Responsabilité de l’entrepositaire agréé »

Dans l’affaire C‑323/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), par décision du 6 mai 2022, parvenue à la Cour le 13 mai 2022, dans la procédure

KRI SpA, venant aux droits de SI.LO.NE. – Sistema logistico nord-est Srl,

contre

Agenzia delle Dogane e dei Monopoli,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour KRI SpA, par Mes M. Logozzo et F. C. Palermo, avvocati,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme A. Collabolletta, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par M. M. Björkland et Mme F. Moro, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO 1992, L 76, p. 1), telle que modifiée par la directive 2004/106/CE du Conseil du 16 novembre 2004 (JO 2004, L 359, p. 30) (ci-après la « directive 92/12 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant KRI SpA, venant aux droits de SI.LO.NE. – Sistema logistico nord-est Srl, à l’Agenzia delle Dogane e dei Monopoli (Agence des douanes et des monopoles, Italie) au sujet du recouvrement de droits d’accises dus par cette société en raison de la prétendue violation par cette dernière du régime suspensif lors de la circulation d’huiles minérales.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les premier, quatrième et cinquième considérants de la directive 92/12 étaient libellés comme suit :

« considérant que l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur impliquent la libre circulation des marchandises, y compris celles soumises aux droits d’accises ;

[...]

considérant que pour assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, l’exigibilité des accises doit être identique dans tous les États membres ;

considérant que toute livraison, détention en vue de la livraison ou affectation aux besoins d’un opérateur accomplissant de manière indépendante une activité économique ou aux besoins d’un organisme de droit public ayant lieu dans un État membre autre que celui de la mise à la consommation donne lieu à exigibilité de l’accise dans cet autre État membre ».

4

L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive prévoyait :

« La présente directive fixe le régime des produits soumis à accise et autres impositions indirectes frappant directement ou indirectement la consommation de ces produits, à l’exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée et des impositions établies par la Communauté [européenne]. »

5

Conformément à son article 3, paragraphe 1, ladite directive était applicable, au niveau communautaire, notamment aux huiles minérales.

6

L’article 4 de la même directive disposait :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)

entrepositaire agréé : la personne physique ou morale autorisée par les autorités compétentes d’un État membre, dans l’exercice de sa profession, à produire, transformer, détenir, recevoir et expédier des produits soumis à accise en suspension de droits d’accises dans un entrepôt fiscal ;

b)

entrepôt fiscal : tout lieu où sont produites, transformées, détenues, reçues ou expédiées par l’entrepositaire agréé dans l’exercice de sa profession, en suspension de droits d’accises, des marchandises soumises à accise sous certaines conditions fixées par les autorités compétentes de l’État membre où est situé cet entrepôt fiscal ;

c)

régime suspensif : le régime fiscal applicable à la production, à la transformation, à la détention et à la circulation des produits en suspension de droits d’accises ;

d)

opérateur enregistré : la personne physique ou morale qui n’a pas la qualité d’entrepositaire agréé, autorisée par les autorités compétentes d’un État membre à recevoir dans l’exercice de sa profession des produits soumis à accise en suspension de droits d’accises en provenance d’un autre État membre. Néanmoins cet opérateur ne peut ni détenir ni expédier les produits en suspension de droits d’accises ;

[...] »

7

L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 92/12 prévoyait :

« Les produits visés à l’article 3 paragraphe 1 sont soumis à accise lors de leur production sur le territoire de la Communauté tel que défini à l’article 2 ou lors de leur importation sur ce territoire. »

8

L’article 6, paragraphe 1, sous a), de cette directive énonçait :

« 1.   L’accise devient exigible lors de la mise à la consommation ou lors de la constatation des manquants qui devront être soumis à accise conformément à l’article 14 paragraphe 3.

Est considérée comme mise à la consommation de produits soumis à accise :

a)

toute sortie, y compris irrégulière, d’un régime suspensif ».

9

L’article 13 de ladite directive prévoyait :

« L’entrepositaire agréé est tenu :

a)

de fournir une garantie éventuelle en matière de production, de transformation et de détention ainsi qu’une garantie obligatoire en matière de circulation, sous réserve de l’article 15 paragraphe 3, dont les conditions sont fixées par les autorités compétentes de l’État membre où l’entrepôt fiscal est agréé ;

b)

de se conformer aux obligations prescrites par l’État membre sur le territoire duquel se trouve l’entrepôt fiscal ;

c)

de tenir une comptabilité des stocks et des mouvements de produits par entrepôt fiscal ;

d)

de présenter les produits lors de toute réquisition ;

e)

de se prêter à tout contrôle ou recensement.

Ces obligations doivent respecter le principe de non-discrimination entre les opérations nationales et les opérations intracommunautaires. »

10

Aux termes de l’article 14 de la même directive :

« 1.   L’entrepositaire agréé bénéficie d’une franchise pour les pertes intervenues en régime suspensif, dues à des cas fortuits ou à des cas de force majeure et établies par les autorités de chaque État membre. Il bénéficie également, en régime suspensif, d’une franchise pour les pertes inhérentes à la nature des produits durant le processus de production et de transformation, le stockage et le transport. Chaque État membre fixe les conditions dans lesquelles ces franchises sont accordées. Ces franchises s’appliquent également aux opérateurs visés à l’article 16 lors du transport des produits en régime suspensif de droits d’accises.

2.   Les pertes visées au paragraphe 1 intervenues en cours de transport intracommunautaire des produits en régime suspensif de droits d’accises doivent être établies suivant les règles de l’État membre de destination.

3.   Sans préjudice de l’article 20, en cas de manquants autres que les pertes visées au paragraphe 1 et en cas de pertes pour lesquelles les franchises visées au paragraphe 1 ne sont pas accordées, les droits sont perçus en fonction des taux en vigueur dans l’État membre concerné au moment où les pertes, dûment établies par les autorités compétentes, se sont produites ou, le cas échéant, au moment de la constatation des manquants.

[...] »

11

L’article 15 de la directive 92/12 disposait :

« 1.   Sans préjudice de l’article 5 paragraphe 2, de l’article 16, de l’article 19 paragraphe 4 et de l’article 23 paragraphe 1 bis, la circulation en régime suspensif des produits soumis à accise doit s’effectuer entre entrepôts fiscaux.

[...]

2.   Les entrepositaires agréés par les autorités compétentes d’un État membre, conformément à l’article 13, sont réputés être agréés pour les opérations de circulation nationale et intracommunautaire.

3.   Les risques inhérents à la circulation intracommunautaire sont couverts par la garantie constituée par l’entrepositaire agréé expéditeur telle que prévue à l’article 13 ou, le cas échéant, par une garantie solidaire entre l’expéditeur et le transporteur. Les autorités compétentes des États membres peuvent permettre au transporteur ou au propriétaire des produits de fournir une garantie en lieu et place de celle constituée par l’entrepositaire agréé expéditeur. Le cas échéant, les États membres peuvent exiger une garantie auprès du destinataire.

Si des huiles minérales soumises à accise sont transportées à l’intérieur de la Communauté par voie maritime ou par conduits, les États membres peuvent dispenser les entrepositaires agréés expéditeurs de l’obligation de fournir la garantie visée au premier alinéa.

Les modalités de la garantie sont fixées par les États membres. La garantie doit être valable dans toute la Communauté.

4.   Sans préjudice de l’article 20, la responsabilité de l’entrepositaire agréé expéditeur, et, le cas échéant, celle du transporteur, ne peut être dégagée que par la preuve de la prise en charge des produits par le destinataire, notamment par le document d’accompagnement visé à l’article 18 dans les conditions fixées à l’article 19.

[...] »

12

L’article 18 de cette directive énonçait :

« 1.   Nonobstant l’utilisation éventuelle de procédures informatisées, tout produit soumis à accises, circulant en régime de suspension entre les territoires des différents États membres, y compris la circulation par voie maritime ou aérienne directe d’un port ou aéroport communautaires à un autre port ou aéroport communautaires, est accompagné d’un document établi par l’expéditeur. Ce document peut être soit un document administratif, soit un document commercial. La forme et le contenu de ce document, et la procédure à suivre lorsque l’usage d’un tel document est objectivement inapproprié, sont définis selon la procédure prévue à l’article 24.

[...]

3.   [...]

Ce document doit mentionner :

l’adresse du bureau concerné des autorités fiscales de l’État membre de destination,

la date et la référence du paiement ou de l’acceptation de la garantie du paiement par ce bureau.

[...] »

13

L’article 19, paragraphe 1, de ladite directive prévoyait :

« Les autorités fiscales des États membres sont informées par les opérateurs des livraisons expédiées et reçues au moyen du document ou d’une référence au document visé à l’article 18. Ce document est établi en quatre exemplaires :

un exemplaire à conserver par l’expéditeur,

un exemplaire pour le destinataire,

un exemplaire destiné au renvoi à l’expéditeur pour apurement,

un exemplaire destiné aux autorités compétentes de l’État membre de destination.

[...] »

14

L’article 20, paragraphes 1 à 3, de la même directive était libellé comme suit :

« 1.   Lorsqu’une irrégularité ou une infraction a été commise en cours de circulation entraînant l’exigibilité de l’accise, l’accise est due dans l’État membre où l’irrégularité ou l’infraction a été commise, auprès de la personne physique ou morale qui a garanti le paiement des droits d’accises conformément à l’article 15 paragraphe 3, sans préjudice de l’exercice des actions pénales.

Lorsque le recouvrement de l’accise s’effectue dans un État membre autre que celui de départ, l’État membre qui procède au recouvrement informe les autorités compétentes du pays de départ.

2.   Lorsque, en cours de circulation, une infraction ou une irrégularité a été constatée sans qu’il soit possible d’établir le lieu où elle a été commise, elle est réputée avoir été commise dans l’État membre où elle a été constatée.

3.   Sans préjudice de l’article 6 paragraphe 2, lorsque les produits soumis à accise n’arrivent pas à destination et lorsqu’il n’est pas possible d’établir le lieu de l’infraction ou de l’irrégularité, cette infraction ou cette irrégularité est réputée avoir été commise dans l’État membre de départ qui procède au recouvrement des droits d’accises au taux en vigueur à la date d’expédition des produits, à moins que dans un délai de quatre mois à partir de la date d’expédition des produits, la preuve ne soit apportée, à la satisfaction des autorités compétentes, de la régularité de l’opération ou du lieu où l’infraction ou l’irrégularité a été effectivement commise. Les États membres prennent les mesures requises pour remédier à toute infraction ou irrégularité et pour imposer des sanctions efficaces. »

15

La directive 92/12 a été abrogée et remplacée, avec effet au 1er avril 2010, par la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO 2009, L 9, p. 12). Toutefois, compte tenu de la date des faits au principal, le présent renvoi préjudiciel est examiné au regard de la directive 92/12.

Le droit italien

16

Le decreto legislativo n. 504 – Testo unico delle disposizioni legislative concernenti le imposte sulla produzione e sui consumi e relative sanzioni penali e amministrative (décret législatif no 504, portant approbation du texte unique des dispositions législatives relatives aux impôts sur la production et sur la consommation et aux sanctions pénales et administratives correspondantes), du 26 octobre 1995 (GURI no 279, du 29 novembre 1995, p. 5), tel que modifié par la legge n. 342 – Misure in materia fiscale (loi no 342, portant mesures en matière fiscale), du 21 novembre 2000 (GURI no 194, du 25 novembre 2000, p. 5) (ci-après le « décret législatif no 504/1995 »), prévoit, à son article 2, paragraphes 1, 2 et 4 :

« 1.   Pour les produits soumis à accises, l’obligation fiscale naît au moment de la fabrication ou de l’importation.

2.   L’accise est due lors de la mise à la consommation du produit sur le territoire de l’État. Sont également considérés comme des mises à la consommation :

a)

les cas où les manquants dépassent les quantités autorisées ou les cas où les conditions d’octroi de la franchise visée à l’article 4 ne sont pas remplies ;

b)

les cas de sortie, même irrégulière, d’un régime suspensif ;

c)

la fabrication ou l’importation, même irrégulière, qui a eu lieu en dehors d’un régime suspensif.

[...]

4.   Le titulaire de l’entrepôt fiscal à partir duquel a lieu la mise à la consommation et, solidairement, la personne qui s’est portée garante de ce paiement ou celle qui remplit les conditions d’exigibilité de la taxe, sont redevables de l’accise. Dans le cas de produits importés, l’assujetti à la taxe est identifié sur la base de la législation douanière.

[...] »

17

Aux termes de l’article 4 du décret législatif no 504/1995, intitulé « Franchises pour pertes et freintes » :

« 1.   En cas de perte ou de destruction de produits qui se trouvent en régime suspensif, la franchise de taxe est accordée si le redevable prouve que la perte ou la destruction des produits est due à un cas fortuit ou de force majeure. Sont assimilés à des cas fortuits et à des cas de force majeure les actes de tiers qui ne sont pas imputables à l’assujetti à titre de faute intentionnelle ou de négligence grave et ceux qui sont imputables à ce dernier à titre de négligence mineure. Si, à la suite de la commission d’infractions pénales par des tiers, des poursuites
pénales sont engagées, la procédure de perception des droits d’accises est suspendue jusqu’à ce qu’une ordonnance de non-lieu ou une décision
non susceptible de recours ait été rendue conformément à l’article 648 du code de procédure pénale. Dans ce cas, la procédure de perception de la taxe sur la valeur ajoutée portant sur les accises elles-mêmes est également suspendue. Lorsqu’il n’est pas établi que l’assujetti a été impliqué dans les faits et que les personnes réellement responsables ont été identifiées, ou lorsque ces personnes sont inconnues, la franchise de droits d’accises est accordée à l’assujetti et tout recouvrement est effectué auprès de la personne réellement responsable.

2.   Pour les pertes de produits, en régime suspensif, survenues pendant le processus de fabrication ou de transformation auquel ils sont soumis dans le cas où la dette fiscale est déjà née, la franchise est accordée dans les limites des freintes techniquement admissibles déterminées par le ministre des Finances par décret, à adopter conformément à l’article 17, paragraphe 3, de la loi no 400 du 23 août 1988.

3.   Pour les freintes naturelles et techniques, les dispositions prévues par la législation douanière s’appliquent.

4.   La réglementation relative aux freintes de transport s’applique également aux transports de produits en régime de suspension de droits d’accise en provenance des États membres de l’Union européenne. »

18

L’article 7 dudit décret législatif, intitulé « Irrégularités dans la circulation des produits soumis à accise », dispose :

« 1.   En cas d’irrégularité ou d’infraction, pour laquelle il n’est pas prévu de franchise des droits d’accises en vertu de l’article 4, commise alors que les produits circulaient en régime suspensif, les dispositions suivantes, sans préjudice des dispositions régissant l’exercice de l’action pénale, sont applicables si les faits reprochés constituent une infraction :

a)

l’accise est payée par la personne physique ou morale qui s’est portée garante du transport ;

b)

l’accise est perçue en Italie si l’irrégularité ou l’infraction a été commise sur le territoire de l’État ;

c)

si l’irrégularité ou l’infraction est constatée sur le territoire de l’État et qu’il n’est pas possible d’établir le lieu où elle a été effectivement commise, elle est présumée avoir été commise sur le territoire de l’État ;

d)

lorsque des produits expédiés depuis le territoire de l’État n’atteignent pas leur destination dans un autre État membre et qu’il n’est pas possible d’établir le lieu où ils ont été mis à la consommation, l’irrégularité ou l’infraction est réputée avoir été commise sur le territoire de l’État et l’accise est perçue au taux en vigueur à la date de l’expédition des produits, sauf si, dans un délai de quatre mois à compter de la date d’envoi, est apportée la preuve de la régularité de la transaction ou la preuve que l’irrégularité ou l’infraction a été effectivement commise en dehors du territoire de l’État ;

[...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

19

La société de droit italien SI.LO.NE. exerçait une activité de stockage et de transport de produits pétroliers. Elle a fait l’objet d’une opération de fusion absorption, réalisée par Shell Italia SpA, laquelle est devenue KRI.

20

Entre le 22 août 2005 et le 30 juin 2006, SI.LO.NE., en sa qualité d’entrepositaire agréé, a effectué, depuis son entrepôt fiscal situé en Italie, 196 envois d’huiles minérales (gasoil et essence) en régime de suspension de droits d’accises, à destination de BMB Projekt d.o.o, société établie en Slovénie, habilitée à recevoir de tels produits en qualité d’opérateur enregistré. Le montant des droits d’accises correspondant à ces envois s’élevait à 2816426,10 euros.

21

Aux fins de la circulation en régime de suspension des droits d’accises, SI.LO.NE. a établi, pour chaque envoi, un document administratif d’accompagnement (ci-après le « DAA ») en quatre exemplaires. L’exemplaire no 1 était destiné à être conservé par l’expéditeur, l’exemplaire no 2 était destiné à accompagner les marchandises et à être conservé par le destinataire, l’exemplaire no 3 était destiné à accompagner les marchandises et à être retourné par le destinataire à l’expéditeur avec l’attestation de réception des marchandises et l’exemplaire no 4 était destiné à accompagner les marchandises et à être transmis par le destinataire à l’autorité fiscale compétente du lieu de destination.

22

L’exemplaire no 3 des DAA de chacun de ces envois a été retourné par l’opérateur slovène à SI.LO.NE., revêtu d’une attestation de réception des marchandises et d’un visa apparemment apposé par l’autorité douanière slovène.

23

Le 10 juillet 2008, à la suite d’une demande de renseignements adressée par les autorités douanières italiennes aux autorités douanières slovènes dans le cadre d’une procédure d’assistance administrative fiscale, ces dernières ont constaté que les déclarations figurant au verso de l’exemplaire no 3 des DAA étaient fausses en ce qui concerne 161 de ces envois, seuls 35 desdits envois ayant été effectivement introduits sur le territoire slovène.

24

Sur la base des falsifications constatées, les autorités douanières italiennes ont estimé qu’il n’était pas prouvé que les produits en cause avaient été mis à la consommation en dehors du territoire italien. Partant, elles ont considéré que les apurements effectués par SI.LO.NE. pour les 161 envois concernés étaient irréguliers. N’ayant pas été en mesure de déterminer le lieu où les produits en cause avaient été irrégulièrement mis à la consommation, ces autorités ont également considéré que ces irrégularités avaient été commises sur le territoire italien.

25

Dans ces conditions, elles ont décidé qu’il appartenait à l’État italien de récupérer l’accise due sur les produits en cause.

26

Le 13 octobre 2008, une procédure pénale a été engagée contre des représentants légaux de SI.LO.NE. pour falsification de documents douaniers de transport. L’autorité judiciaire territorialement compétente a décidé de classer sans suite cette procédure dès lors qu’il n’a pas été possible de démontrer la participation des représentants légaux de cette société dans les manœuvres visant à éluder l’accise, les falsifications documentaires ayant été attribuées exclusivement au fait illicite d’un tiers.

27

Le 15 juillet 2009, l’Agence des douanes et des monopoles a émis un avis de paiement, à l’égard de SI.LO.NE., pour le recouvrement des droits d’accises sur les produits pétroliers ayant fait l’objet des 161 envois entachés d’irrégularités, pour un montant total de 2668179 euros.

28

SI.LO.NE. a introduit un recours contre cet avis de paiement devant la Commissione tributaria provinciale di Udine (commission fiscale provinciale d’Udine, Italie) en invoquant l’article 4 du décret législatif no 504/1995 prévoyant une franchise de taxe en cas de perte ou de destruction de produits due à un cas fortuit ou à un cas de force majeure.

29

Cette juridiction a fait droit au recours de SI.LO.NE. par un jugement du 19 janvier 2011. L’Agence des douanes et des monopoles a alors interjeté appel de ce jugement devant la Commissione tributaria regionale per il Friuli-Venezia Giulia (commission fiscale régionale du Frioul-Vénétie Julienne, Italie).

30

Par un arrêt du 6 juillet 2012, celle-ci a réformé ledit jugement et fait droit à l’appel de l’Agence des douanes et des monopoles.

31

La juridiction d’appel a relevé que l’article 4 du décret législatif no 504/1995 prévoyait la franchise de la taxe uniquement dans le cas d’une perte ou d’une destruction des produits soumis à accises, et non dans le cas, comme en l’espèce, d’une soustraction ou d’une sortie irrégulière du régime suspensif. Elle a donc estimé que SI.LO.NE. était tenue de payer l’accise à laquelle les produits en cause étaient soumis en raison de leur sortie irrégulière du régime suspensif, en application de la réglementation nationale relative à la soustraction ou à la sortie irrégulière du régime suspensif.

32

Cette juridiction s’est ralliée, en substance, à la position de l’Agence des douanes et des monopoles concernant la responsabilité de SI.LO.NE. pour le paiement de l’impôt, en observant que, s’agissant de la mise en circulation irrégulière de produits pétroliers, sous un régime suspensif, l’entrepositaire était nécessairement responsable du paiement de l’accise éludée et que le fait illicite d’un tiers était sans incidence sur l’extinction de cette obligation, la responsabilité de l’entrepositaire étant objective.

33

Shell Italia a introduit un pourvoi contre cet arrêt devant la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), qui est la juridiction de renvoi, en alléguant, au contraire, que la législation nationale relative à la franchise de taxe devait s’appliquer en l’espèce.

34

Au regard de la jurisprudence de la Cour et de sa propre jurisprudence, la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la portée de l’article 14 de la directive 92/12, et, en particulier, en ce qui concerne le champ d’application des notions de « cas fortuit » et de « force majeure » dans l’hypothèse de l’acte illicite d’un tiers pouvant faire naître la confiance légitime, en l’absence de faute de sa part, dans le chef de l’entrepositaire agréé lui-même.

35

En effet, d’une part, elle fait observer qu’un premier courant jurisprudentiel semble s’orienter, en vertu d’un mécanisme de responsabilité objective, vers l’affirmation selon laquelle le fait illicite intentionnel du tiers n’exonère pas l’assujetti de son obligation fiscale. D’autre part, elle estime qu’il existe un autre courant jurisprudentiel tendant, au contraire, à affirmer la capacité du fait illicite intentionnel du tiers à exonérer l’assujetti de son obligation fiscale, lorsque, dans les cas de fraude par contrefaçon de documents douaniers, il est établi que l’entrepositaire garant était totalement ignorant de cette fraude, et donc qu’il n’avait aucune raison de croire que le produit ne circulait pas en toute régularité en régime suspensif.

36

Selon la juridiction de renvoi, l’arrêt du 24 mars 2022, TanQuid Polska (C‑711/20, EU:C:2022:215), ne permet pas de lever les doutes sur l’interprétation de l’article 14 de la directive 92/12, au motif que, dans l’affaire ayant conduit à cet arrêt, le destinataire des huiles minérales circulant en régime de suspension de droits avait nié les avoir reçues, alors que, dans la présente affaire, le destinataire des produits a renvoyé l’exemplaire no 3 de chacune des DAA, faisant ainsi croire à l’entrepositaire que les produits en cause étaient arrivés à la destination prévue.

37

C’est dans ces conditions que la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 14, [paragraphe 1], première phrase, de la [directive 92/12], doit-il être interprété en ce sens que, en cas de sortie irrégulière du produit soumis à accises, la responsabilité de l’entrepositaire garant du paiement des droits est de nature objective, sans possibilité de se dégager de l’obligation et du [paiement des] sommes correspondant aux sanctions respectives, même lorsque cette sortie dépend d’un acte illicite – exclusivement – imputable à un tiers, ou peut-il être interprété en ce sens qu’il signifie que la franchise des droits et des pénalités correspondantes est accordée – à titre de cas fortuit ou de force majeure – à l’entrepositaire garant qui est non seulement totalement étranger à l’acte illicite du tiers, mais qui a également une confiance légitime, en l’absence de faute de sa part, dans le fait que le produit circule régulièrement en régime de suspension des droits ? »

Sur la question préjudicielle

38

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 14, paragraphe 1, première phrase, de la directive 92/12 doit être interprété en ce sens que la franchise de taxe qu’il prévoit pour les pertes intervenues en régime suspensif, dues à des cas fortuits ou à des cas de force majeure, s’applique à l’entrepositaire, responsable du paiement des droits, dans le cas d’une sortie du régime suspensif due à un acte illicite, lorsque l’entrepositaire est totalement étranger à cet acte illicite, exclusivement imputable à un tiers, et qu’il a une confiance légitime dans le fait que le produit circule régulièrement en régime de suspension des droits.

39

À titre liminaire, il convient de rappeler que la directive 92/12 vise à établir un certain nombre de règles en ce qui concerne la détention, la circulation et les contrôles des produits soumis à accises, tels que les huiles minérales visées à l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci, et ce, notamment, ainsi qu’il ressort de son quatrième considérant, afin d’assurer que l’exigibilité de l’accise soit identique dans tous les États membres. Cette harmonisation permet, en principe, d’écarter les doubles impositions dans les relations entre les États membres (voir, notamment, arrêt du 24 février 2021, Silcompa, C‑95/19, EU:C:2021:128, point 44 et jurisprudence citée).

40

Le fait imposable, au sens de la directive 92/12, est constitué, conformément à l’article 5, paragraphe 1, première phrase, de celle-ci, par la production sur le territoire de l’Union des produits soumis à accises ou par leur importation sur ce territoire.

41

En revanche, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 92/12, l’accise devient exigible, notamment, lors de la mise à la consommation des produits soumis à accises. Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), de cette directive, cette notion englobe également toute sortie, y compris irrégulière, d’un régime suspensif, défini à l’article 4, sous c), de ladite directive.

42

Un tel régime est caractérisé par le fait que les droits d’accises afférents aux produits qui en relèvent ne sont pas encore exigibles, bien que le fait générateur de l’imposition se soit déjà réalisé. Partant, en ce qui concerne les produits soumis à accises, ce régime opère le report de l’exigibilité de celles-ci jusqu’à ce qu’une condition d’exigibilité, à l’instar de celle décrite au point précédent, soit remplie (arrêt du 24 mars 2022, TanQuid Polska, C‑711/20, EU:C:2022:215, point 42 et jurisprudence citée).

43

Une telle condition d’exigibilité est remplie dans l’hypothèse où les produits en cause sont sortis, même de manière irrégulière, du régime suspensif, une telle sortie devant être considérée, selon l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 92/12, comme une mise à la consommation.

44

Il convient de ce fait d’examiner les conditions auxquelles l’article 14, paragraphe 1, de cette directive subordonne le bénéfice d’une franchise, afin de rechercher si ces conditions pourraient être réunies dans une situation telle que celle en cause au principal.

45

L’article 14, paragraphe 1, première phrase, de la directive 92/12 prévoit que l’entrepositaire agréé bénéficie d’une franchise pour les pertes intervenues en régime suspensif, dues à des cas fortuits ou à des cas de force majeure et établies par les autorités de chaque État membre.

46

Selon une jurisprudence constante, les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être établie conformément au sens habituel de ceux-ci dans le langage courant, en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie [voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2021, Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (Agent innocent), C‑279/19, EU:C:2021:473, point 23 et jurisprudence citée].

47

Il résulte du libellé de l’article 14, paragraphe 1, première phrase, de la directive 92/12 que l’entrepositaire est exonéré lorsque deux conditions sont remplies. En effet, celui-ci doit établir, en premier lieu, l’existence d’une « perte » intervenue en régime suspensif et, en second lieu, que cette « perte » est due à un cas fortuit ou à un cas de force majeure.

48

Conformément au sens habituel du terme « perte » dans le langage courant, la perte subie par l’entrepositaire agréé renvoie au fait d’être privé, en partie ou en totalité, d’une chose dont celui-ci avait la jouissance ou la possession. Il s’ensuit que constitue une « perte » au sens de cet article 14, paragraphe 1, première phrase, la disparition d’un produit au cours de sa production, de sa transformation, de sa détention ou de sa circulation.

49

Étant donné que la franchise prévue à la deuxième phrase de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 92/12 est distincte de celle prévue à la première phrase dudit paragraphe, la première franchise ne saurait être interprétée d’une manière extensive (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Société Pipeline Méditerranée et Rhône, C‑314/06, EU:C:2007:817, point 43). En outre, la franchise prévue à l’article 14, paragraphe 1, première phrase, de la directive 92/12 pour les pertes dues à un cas fortuit ou à un cas de force majeure constitue une dérogation à la règle générale, qui doit donc faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Société Pipeline Méditerranée et Rhône, C‑314/06, EU:C:2007:817, point 30).

50

Ainsi, la disparition d’un produit qui se trouve en régime suspensif ne peut signifier que l’impossibilité matérielle pour ce produit d’être mis à la consommation, voire d’entrer dans le circuit commercial de l’Union.

51

Or, un produit qui, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, sort de manière irrégulière du régime suspensif demeure néanmoins dans le circuit commercial de l’Union.

52

Partant, une telle sortie irrégulière du régime suspensif d’un produit soumis à accise ne saurait remplir la première des deux conditions cumulatives citées au point 47 du présent arrêt pour qu’une franchise du paiement de la taxe soit accordée à l’entrepositaire agréé.

53

Dès lors, en l’absence de « perte », une franchise de taxe au titre de l’article 14, paragraphe 1, première phrase, de la directive 92/12 ne saurait être accordée à l’entrepositaire agréé en cas de sortie irrégulière du régime suspensif, même lorsque cette sortie résulte d’un acte illicite exclusivement imputable à un tiers et que cet entrepositaire a une confiance légitime dans le fait que le produit circule régulièrement en régime de suspension des droits.

54

L’interprétation de cette disposition est confortée tant par le contexte dans lequel elle s’insère que par les objectifs poursuivis par la directive 92/12.

55

En particulier, il ressort de l’économie de la directive 92/12, et, notamment, de son article 13, de son article 15, paragraphes 3 et 4, ainsi que de son article 20, paragraphe 1, que le législateur a conféré un rôle central à l’entrepositaire agréé, dans le cadre de la procédure de circulation des produits soumis à accises et placés sous un régime suspensif (arrêt du 2 juin 2016, Kapnoviomichania Karelia, C‑81/15, EU:C:2016:398, point 31).

56

Cet entrepositaire, en sa qualité de personne physique ou morale autorisée par les autorités compétentes d’un État membre à produire, à transformer, à détenir, à recevoir et à expédier des produits soumis à accises en régime suspensif dans l’exercice de son activité professionnelle, est, par conséquent, désigné comme étant le redevable du paiement des droits d’accises lorsqu’une irrégularité ou une infraction entraînant l’exigibilité de ceux-ci a été commise au cours de la circulation de ces produits. Cette responsabilité est, en outre, objective et repose non pas sur la faute prouvée ou présumée de l’entrepositaire, mais sur sa participation à une activité économique (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2021, Silcompa, C‑95/19, EU:C:2021:128, point 52).

57

Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des premier et quatrième considérants de la directive 92/12, l’un des objectifs poursuivis par celle-ci est d’assurer que l’exigibilité des accises soit identique dans tous les États membres dans l’objectif du bon fonctionnement du marché intérieur, lequel implique la libre circulation des marchandises, y compris celles soumises aux droits d’accises. En outre, parmi ces objectifs, figure également la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels [voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2021, Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (Agent innocent), C‑279/19, EU:C:2021:473, point 31].

58

Or, une interprétation de la notion de « perte », au sens de l’article 14, paragraphe 1, première phrase, de cette directive incluant la sortie irrégulière du régime suspensif d’un produit soumis à accises, ne serait pas conforme aux objectifs rappelés au point précédent du présent arrêt. En effet, d’une part, une telle interprétation affaiblirait le caractère objectif de la responsabilité conférée à l’entrepositaire par ladite directive dans le cadre du régime suspensif et, partant, le rôle central de ce dernier en vue d’assurer l’exigibilité des accises et, en définitive, la libre circulation des marchandises soumises à accises. D’autre part, un tel affaiblissement compromettrait également l’objectif de lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus en rendant plus difficile, en pratique, le recouvrement des droits d’accises auprès d’un tel entrepositaire en cas d’irrégularité ou d’infraction [voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2021, Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (Agent innocent), C‑279/19, EU:C:2021:473, point 34].

59

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 14, paragraphe 1, première phrase, de la directive 92/12 doit être interprété en ce sens que la franchise de taxe qu’il prévoit ne s’applique pas à l’entrepositaire, responsable du paiement des droits, dans le cas d’une sortie du régime suspensif due à un acte illicite, même lorsque l’entrepositaire est totalement étranger à cet acte illicite, exclusivement imputable à un tiers, et qu’il a une confiance légitime dans le fait que le produit circule régulièrement en régime de suspension des droits.

Sur les dépens

60

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

 

L’article 14, paragraphe 1, première phrase, de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise,

 

doit être interprété en ce sens que :

 

la franchise de taxe qu’il prévoit ne s’applique pas à l’entrepositaire, responsable du paiement des droits, dans le cas d’une sortie du régime suspensif due à un acte illicite, même lorsque l’entrepositaire est totalement étranger à cet acte illicite, exclusivement imputable à un tiers, et qu’il a une confiance légitime dans le fait que le produit circule régulièrement en régime de suspension des droits.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’italien.