ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
4 septembre 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté – Article 4, point 6 – Motif de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen – Conditions de la prise en charge de l’exécution de cette peine par l’État d’exécution – Article 3, point 2 – Notion de “jugement définitif pour les mêmes faits” – Décision-cadre 2008/909/JAI – Reconnaissance mutuelle des jugements en matière pénale aux fins de leur exécution dans un autre État membre – Article 25 – Respect des conditions et de la procédure prévues par cette décision-cadre dans les cas où un État membre s’engage à exécuter une condamnation prononcée par un jugement rendu par une juridiction de l’État d’émission – Exigence du consentement de l’État d’émission quant à la prise en charge de l’exécution d’une telle condamnation par un autre État membre – Article 4 – Possibilité accordée à l’État d’émission de transmettre à l’État d’exécution le jugement et le certificat visés à cet article – Conséquences de l’absence d’une telle transmission – Principe de coopération loyale – Article 22 – Droit de l’État d’émission d’exécuter cette condamnation – Maintien du mandat d’arrêt européen – Obligation incombant à l’autorité judiciaire d’exécution d’exécuter le mandat d’arrêt européen »
Dans l’affaire C‑305/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), par décision du 11 avril 2022, parvenue à la Cour le 6 mai 2022, dans la procédure relative à l’exécution du mandat d’arrêt européen émis contre
C.J.,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, M. T. von Danwitz, vice‑président, M. F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, M. C. Lycourgos, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. S. Rodin, A. Kumin, N. Jääskinen (rapporteur), D. Gratsias et M. Gavalec, présidents de chambre, M. E. Regan, Mme I. Ziemele, M. Z. Csehi et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,
avocat général : M. J. Richard de la Tour,
greffier : Mme R. Şereş, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mars 2024,
considérant les observations présentées :
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pour C.J., par lui-même, |
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pour le gouvernement roumain, par Mmes M. Chicu et E. Gane, en qualité d’agents, |
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pour le gouvernement tchèque, par Mme L. Halajová, M. M. Smolek, Mme T. Suchá et M. J. Vláčil, en qualité d’agents, |
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pour le gouvernement français, par Mme B. Dourthe, en qualité d’agent, |
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pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman, M. H. S. Gijzen et C. S. Schillemans, en qualité d’agents, |
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pour la Commission européenne, par M. H. Leupold et Mme L. Nicolae, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 juin 2024,
vu l’ordonnance de réouverture de la procédure orale du 13 septembre 2024 et à la suite de l’audience du 14 octobre 2024,
considérant les observations présentées :
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pour le gouvernement roumain, par Mmes M. Chicu, E. Gane et L. Liţu, en qualité d’agents, |
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pour le gouvernement tchèque, par Mme L. Halajová, M. M. Smolek, Mme T. Suchá et M. J. Vláčil, en qualité d’agents, |
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pour le gouvernement français, par Mme B. Dourthe, en qualité d’agent, |
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pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. S. Schillemans, en qualité d’agent, |
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pour la Commission européenne, par M. H. Leupold, Mmes L. Nicolae et J. Vondung, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 décembre 2024,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, points 5 et 6, ainsi que de l’article 8, paragraphe 1, sous c), de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), et de l’article 4, paragraphe 2, de l’article 22, paragraphe 1, ainsi que de l’article 25 de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (JO 2008, L 327, p. 27). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure relative à l’exécution du mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté contre C.J. par la Curtea de Apel Bucureşti – Biroul executări penale (cour d’appel de Bucarest – bureau d’exécution pénale, Roumanie). |
Le cadre juridique
Le droit international
3 |
L’article 3 de la convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées, signée à Strasbourg le 21 mars 1983, intitulé « Conditions du transfèrement », prévoit, à son paragraphe 1 : « Un transfèrement ne peut avoir lieu aux termes de la présente Convention qu’aux conditions suivantes : [...]
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Le droit de l’Union
La décision-cadre 2002/584
4 |
Le considérant 6 de la décision-cadre 2002/584 énonce : « Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de “pierre angulaire” de la coopération judiciaire. » |
5 |
L’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », prévoit : « 1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté. 2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre. [...] » |
6 |
L’article 3 de ladite décision-cadre, intitulé « Motifs de non-exécution obligatoire du mandat d’arrêt européen », dispose : « L’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution (ci-après dénommée “autorité judiciaire d’exécution”) refuse l’exécution du mandat d’arrêt européen dans les cas suivants : [...]
[...] » |
7 |
L’article 4 de la même décision-cadre, intitulé « Motifs de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen », est libellé comme suit : « L’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen : [...]
[...] » |
8 |
L’article 5 de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Garanties à fournir par l’État membre d’émission dans des cas particuliers », prévoit : « L’exécution du mandat d’arrêt européen par l’autorité judiciaire d’exécution peut être subordonnée par le droit de l’État membre d’exécution à l’une des conditions suivantes : [...]
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9 |
L’article 8 de cette décision-cadre, intitulé « Contenu et forme du mandat d’arrêt européen », dispose : « 1. Le mandat d’arrêt européen contient les informations suivantes, présentées conformément au formulaire figurant en annexe : [...]
[...] » |
10 |
L’article 12 de ladite décision-cadre, intitulé « Maintien de la personne en détention », est libellé comme suit : « Lorsqu’une personne est arrêtée sur la base d’un mandat d’arrêt européen, l’autorité judiciaire d’exécution décide s’il convient de la maintenir en détention conformément au droit de l’État membre d’exécution. [...] » |
11 |
L’article 26 de la même décision-cadre, intitulé « Déduction de la période de détention subie dans l’État membre d’exécution », prévoit, à son paragraphe 1 : « L’État membre d’émission déduit de la durée totale de privation de liberté qui serait à subir dans l’État membre d’émission toute période de détention résultant de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, par suite de la condamnation à une peine ou mesure de sûreté privatives de liberté. » |
La décision-cadre 2008/909
12 |
Les considérants 2, 8 et 12 de la décision-cadre 2008/909 énoncent :
[...]
[...]
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13 |
L’article 3 de cette décision-cadre, intitulé « Objet et champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 : « La présente décision-cadre vise à fixer les règles permettant à un État membre, en vue de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, de reconnaître un jugement et d’exécuter la condamnation. » |
14 |
L’article 4 de ladite décision-cadre, intitulé « Critères applicables à la transmission d’un jugement et d’un certificat à un autre État membre », est libellé comme suit : « 1. À condition que la personne condamnée se trouve dans l’État d’émission ou dans l’État d’exécution et qu’elle ait donné son consentement lorsque celui-ci est requis en vertu de l’article 6, un jugement accompagné du certificat, dont le modèle type figure à l’annexe I, peut être transmis à l’un des États membres suivants :
2. La transmission du jugement et du certificat peut avoir lieu lorsque l’autorité compétente de l’État d’émission, le cas échéant après des consultations entre les autorités compétentes de l’État d’émission et de l’État d’exécution, a acquis la certitude que l’exécution de la condamnation par l’État d’exécution contribuera à atteindre l’objectif consistant à faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée. 3. Avant de transmettre le jugement et le certificat, l’autorité compétente de l’État d’émission peut consulter, par tous les moyens appropriés, l’autorité compétente de l’État d’exécution. La consultation est obligatoire dans les cas visés au paragraphe 1, point c). Dans de tels cas, l’autorité compétente de l’État d’exécution informe sans délai l’État d’émission de sa décision de consentir ou non à la transmission du jugement. [...] 5. L’État d’exécution peut, de sa propre initiative, demander à l’État d’émission de transmettre le jugement accompagné du certificat. [...] Les demandes formulées en vertu du présent paragraphe ne créent pas pour l’État d’émission l’obligation de transmettre le jugement accompagné du certificat. 6. Lors de la mise en œuvre de la présente décision-cadre, les États membres adoptent des mesures, tenant notamment en compte l’objectif consistant à faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, ce qui constitue la base sur laquelle leurs autorités compétentes doivent décider de consentir ou non à la transmission du jugement et du certificat dans les cas relevant du paragraphe 1, point c). [...] » |
15 |
L’article 8 de la même décision-cadre, intitulé « Reconnaissance du jugement et exécution de la condamnation », prévoit : « 1. L’autorité compétente de l’État d’exécution reconnaît le jugement qui lui a été transmis conformément à l’article 4 et à la procédure décrite à l’article 5, et prend sans délai toutes les mesures nécessaires à l’exécution de la condamnation, sauf si elle décide de se prévaloir d’un des motifs de non-reconnaissance et de non-exécution prévus à l’article 9. 2. Si la durée de la condamnation est incompatible avec le droit de l’État d’exécution, l’autorité compétente de l’État d’exécution ne peut décider d’adapter cette condamnation que lorsqu’elle est supérieure à la peine maximale prévue par son droit national pour des infractions de même nature. La durée de la condamnation adaptée ne peut pas être inférieure à celle de la peine maximale prévue par le droit de l’État d’exécution pour des infractions de même nature. 3. Si la nature de la condamnation est incompatible avec le droit de l’État d’exécution, l’autorité compétente de l’État d’exécution peut adapter cette condamnation à la peine ou mesure prévue par son propre droit pour des délits similaires. Cette peine ou mesure doit correspondre autant que possible à la condamnation prononcée dans l’État d’émission et dès lors, la condamnation ne peut pas être commuée en une sanction pécuniaire. 4. La condamnation adaptée n’aggrave pas la condamnation prononcée dans l’État d’émission en ce qui concerne sa nature ou sa durée. » |
16 |
Aux termes de l’article 13 de la décision-cadre 2008/909, intitulé « Retrait du certificat » : « Tant que l’exécution de la condamnation n’a pas commencé dans l’État d’exécution, l’État d’émission peut retirer le certificat auprès de cet État, en précisant ses raisons d’agir ainsi. Après le retrait du certificat, l’État d’exécution n’exécute plus la condamnation. » |
17 |
L’article 22 de cette décision-cadre, intitulé « Conséquences du transfèrement de la personne condamnée », dispose, à son paragraphe 1 : « Sous réserve du paragraphe 2, l’État d’émission n’exécute pas une condamnation dès lors que l’exécution de cette condamnation a commencé dans l’État d’exécution. » |
18 |
L’article 23 de ladite décision-cadre, intitulé « Langues utilisées », prévoit, à son paragraphe 1 : « Le certificat est traduit dans la langue officielle ou dans l’une des langues officielles de l’État d’exécution. Tout État membre peut, lors de l’adoption de la présente décision-cadre, ou ultérieurement, indiquer dans une déclaration déposée auprès du secrétariat général du Conseil qu’il acceptera une traduction dans une ou plusieurs autres langues officielles des institutions de l’Union européenne. » |
19 |
L’article 25 de la même décision-cadre, intitulé « Exécution des condamnations à la suite d’un mandat d’arrêt européen », énonce : « Sans préjudice de la décision-cadre [2002/584], les dispositions de la présente décision-cadre s’appliquent, mutatis mutandis dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions de ladite décision-cadre, à l’exécution des condamnations dans les cas où un État membre s’engage à exécuter la condamnation conformément à l’article 4, point 6), de ladite décision-cadre ou lorsque, agissant dans le cadre de l’article 5, point 3), de cette même décision-cadre, il a imposé comme condition le renvoi de la personne dans l’État membre concerné afin d’y purger la peine, de manière à éviter l’impunité de la personne concernée. » |
20 |
L’article 26 de la décision-cadre 2008/909, intitulé « Relations avec d’autres accords et arrangements », dispose, à son paragraphe 1 : « Sans préjudice de leur application entre États membres et États tiers ni de leur application transitoire en vertu de l’article 28, la présente décision-cadre remplace, à partir du 5 décembre 2011, les dispositions correspondantes des conventions ci-après, applicables dans les relations entre les États membres :
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La procédure au principal et les questions préjudicielles
21 |
Le 25 novembre 2020, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), qui est la juridiction de renvoi, a émis un mandat d’arrêt européen contre C.J., en vue de l’exécution d’une peine d’emprisonnement infligée à celui-ci par un arrêt de sa deuxième chambre pénale, du 27 juin 2017. Cet arrêt est devenu définitif à la suite du prononcé d’un arrêt de la chambre pénale de l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), du 10 novembre 2020 (ci-après le « jugement de condamnation »). |
22 |
Le 29 décembre 2020, C.J. a été arrêté en Italie. |
23 |
Le 31 décembre 2020, le Ministero della Giustizia (ministère de la Justice, Italie) a informé la juridiction de renvoi de cette arrestation. À la demande de ce ministère, le mandat d’arrêt européen émis contre C.J. a été transmis à la Corte d’appello di Roma (cour d’appel de Rome, Italie), qui est l’autorité judiciaire d’exécution. |
24 |
Le 14 janvier 2021, à la demande des autorités italiennes, l’autorité judiciaire d’émission a transmis à ces dernières le jugement de condamnation. À cette occasion, la juridiction de renvoi a exprimé son désaccord à l’égard de la reconnaissance de ce jugement et de la prise en charge, en Italie, de l’exécution de la peine infligée à C.J. |
25 |
Sollicitée par les autorités judiciaires italiennes, cette juridiction a, le 20 janvier 2021, précisé que, en cas de refus d’exécution du mandat d’arrêt européen émis contre C.J. en application de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, elle ne donnerait pas son accord à la reconnaissance à titre incident dudit jugement et à la prise en charge, par la République italienne, de l’exécution de la peine infligée à celui-ci et qu’elle solliciterait ultérieurement une telle reconnaissance et une telle prise en charge sur le fondement de la décision-cadre 2008/909. |
26 |
Par un jugement du 6 mai 2021, la Corte d’appello di Roma (cour d’appel de Rome) a refusé la remise de C.J., a reconnu le jugement de condamnation et ordonné l’exécution de cette condamnation en Italie (ci-après la « décision de reconnaissance et d’exécution »). Cette juridiction a estimé qu’il convenait d’exécuter ladite condamnation en Italie afin d’accroître les chances de réinsertion sociale de C.J., lequel résidait légalement et effectivement en Italie. |
27 |
En déduisant les périodes de détention déjà effectuées par C.J., allant du 17 septembre au 16 décembre 2019 et du 29 décembre 2020 à la date du prononcé de la décision de reconnaissance et d’exécution, ladite juridiction a considéré que la peine totale restant à purger par celui-ci était de 3 ans, 6 mois et 21 jours. |
28 |
Le 20 mai 2021, la décision de reconnaissance et d’exécution a été communiquée à la juridiction de renvoi. |
29 |
Par la suite, un certificat du bureau d’exécution des peines du parquet de Rome, du 11 juin 2021, a été transmis aux autorités roumaines dont il ressortait que C.J. faisait l’objet d’un mandat d’exécution, émis le 20 mai 2021, sous forme d’« assignation à résidence, avec sursis concomitant » et que la peine restant à purger par celui-ci était de trois ans et onze mois d’emprisonnement, le début de l’exécution de cette peine ayant été fixé au 29 décembre 2020 et la fin de celle-ci au 28 novembre 2024. |
30 |
Par une lettre du 28 juin 2021 adressée au Ministero della Giustizia (ministère de la Justice) ainsi qu’à la Corte d’appello di Roma (cour d’appel de Rome), les autorités judiciaires roumaines ont réitéré leur position mentionnée au point 24 du présent arrêt et ont précisé que, aussi longtemps qu’elles ne seraient pas informées du début de l’exécution de la peine d’emprisonnement de C.J., elles conserveraient le droit d’exécuter le jugement de condamnation. Elles ont également indiqué que le mandat national d’exécution de la peine d’emprisonnement prononcée contre C.J. et le mandat d’arrêt européen émis contre celui-ci n’avaient pas été annulés et étaient toujours en vigueur. |
31 |
Le 15 octobre 2021, le bureau d’exécution de la deuxième chambre pénale de la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a formé une opposition à l’exécution visant le jugement de condamnation devant la juridiction de renvoi. |
32 |
En vue de statuer sur cette opposition, cette juridiction doit se prononcer sur la validité du mandat national d’exécution de la peine d’emprisonnement prononcée contre C.J. et du mandat d’arrêt européen émis contre celui-ci. |
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Dans ce contexte, la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
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La procédure devant la Cour
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Le 23 janvier 2024, la Cour a décidé de renvoyer la présente affaire devant la première chambre. Une audience a eu lieu le 13 mars 2024 et M. l’avocat général a présenté ses conclusions le 13 juin 2024, la phase orale de la procédure ayant été par la suite clôturée. |
35 |
À la demande de la première chambre de la Cour, présentée en application de l’article 60, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, cette dernière a décidé, le 9 juillet 2024, de renvoyer l’affaire à la grande chambre. |
36 |
Par l’ordonnance du 13 septembre 2024, C.J. (Exécution d’une condamnation à la suite d’un MAE) (C‑305/22, EU:C:2024:783), la Cour, l’avocat général entendu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 du règlement de procédure. Une seconde audience a eu lieu le 14 octobre 2024. |
37 |
Le 12 décembre 2024, M. l’avocat général a présenté des conclusions complémentaires. |
Sur les questions préjudicielles
Sur les première à troisième questions
38 |
Par ses première à troisième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 et les articles 4, 22 et 25 de la décision-cadre 2008/909 doivent être interprétés en ce sens que :
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Sur l’incidence de la décision-cadre 2008/909 sur la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584
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D’emblée, il convient de rappeler, s’agissant de la décision-cadre 2002/584, que celle-ci tend, par l’instauration d’un système simplifié et efficace de remise des personnes condamnées ou soupçonnées d’avoir enfreint la loi pénale, à faciliter et à accélérer la coopération judiciaire en vue de contribuer à réaliser l’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice en se fondant sur le degré de confiance élevé qui doit exister entre les États membres [arrêt du 22 février 2022, Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), C‑562/21 PPU et C‑563/21 PPU, EU:C:2022:100, point 42 ainsi que jurisprudence citée]. |
40 |
Dans le domaine régi par cette décision-cadre, le principe de reconnaissance mutuelle, qui constitue, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 6 de celle-ci, la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire en matière pénale, trouve son expression à l’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision-cadre, qui consacre la règle en vertu de laquelle les États membres sont tenus d’exécuter tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la même décision-cadre [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2023, O. G. (Mandat d’arrêt européen à l’encontre d’un ressortissant d’un État tiers), C‑700/21, EU:C:2023:444, point 32 et jurisprudence citée]. |
41 |
Il s’ensuit, d’une part, que les autorités judiciaires d’exécution ne peuvent refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen que pour des motifs procédant de la décision-cadre 2002/584, telle qu’interprétée par la Cour. D’autre part, alors que l’exécution d’un mandat d’arrêt européen constitue le principe, le refus d’exécution de celui-ci est conçu comme une exception, laquelle doit donc faire l’objet d’une interprétation stricte [arrêt du 6 juin 2023, O. G. (Mandat d’arrêt européen à l’encontre d’un ressortissant d’un État tiers), C‑700/21, EU:C:2023:444, point 33 et jurisprudence citée]. |
42 |
En ce qui concerne de tels motifs, cette décision-cadre prévoit, à son article 3, les motifs de non-exécution obligatoire d’un mandat d’arrêt européen et, à ses articles 4 et 4 bis, les motifs de non-exécution facultative de celui-ci. |
43 |
S’agissant des motifs de non-exécution facultative énumérés à l’article 4 de la décision-cadre 2002/584, l’application de celui prévu au point 6 de cet article est subordonnée à la réunion de deux conditions, à savoir, d’une part, que la personne recherchée demeure dans l’État d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et, d’autre part, que cet État s’engage à exécuter, conformément à son droit interne, la peine ou la mesure de sûreté pour laquelle le mandat d’arrêt européen a été délivré [arrêt du 6 juin 2023, O. G. (Mandat d’arrêt européen à l’encontre d’un ressortissant d’un État tiers), C‑700/21, EU:C:2023:444, point 46 et jurisprudence citée]. |
44 |
Lorsque l’autorité judiciaire d’exécution constate que ces deux conditions sont réunies, elle doit encore apprécier s’il existe un intérêt légitime justifiant que la peine infligée dans l’État d’émission soit exécutée sur le territoire de l’État d’exécution. Cette appréciation permet à cette autorité de tenir compte de l’objectif poursuivi par l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, qui consiste, selon une jurisprudence bien établie, à accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l’expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2023, O. G. (Mandat d’arrêt européen à l’encontre d’un ressortissant d’un État tiers), C‑700/21, EU:C:2023:444, point 49 et jurisprudence citée]. |
45 |
Quant à l’incidence de la décision-cadre 2008/909 sur la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, il importe de rappeler que, à l’instar de la décision-cadre 2002/584, la décision-cadre 2008/909 concrétise, dans le domaine pénal, les principes de confiance mutuelle et de reconnaissance mutuelle qui imposent, notamment en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, à chaque État membre de considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que les autres États membres respectent le droit de l’Union et, tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce droit. Cette dernière décision-cadre renforce ainsi la coopération judiciaire en ce qui concerne la reconnaissance et l’exécution des jugements en matière pénale, lorsque des personnes ont été condamnées à des peines ou à des mesures privatives de liberté dans un autre État membre, en vue de faciliter leur réinsertion sociale (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2023, Staatsanwaltschaft Aachen, C‑819/21, EU:C:2023:841, point 19). |
46 |
Conformément à son article 3, paragraphe 1, la décision-cadre 2008/909 vise à fixer les règles permettant à un État membre, en vue de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, de reconnaître un jugement ainsi que d’exécuter la condamnation prononcée par une juridiction d’un autre État membre. Ainsi qu’il résulte de son article 26, paragraphe 1, cette décision-cadre remplace les dispositions des conventions relatives au transfèrement des personnes condamnées, qui sont visées à ce dernier article, applicables dans les relations entre les États membres (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, points 36 et 37). |
47 |
Ainsi, compte tenu de l’identité de l’objectif poursuivi, d’une part, par le motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 et, d’autre part, par les règles prévues par la décision-cadre 2008/909, à savoir celui consistant à faciliter la réinsertion sociale des personnes condamnées dans un autre État membre, il y a lieu de considérer que, lorsqu’une autorité judiciaire de l’État d’exécution souhaite faire application de ce motif, elle doit tenir compte de ces règles. |
48 |
À cet égard, il y a lieu de souligner, à l’instar de M. l’avocat général au point 45 de ses conclusions du 13 juin 2024, que rien ne permet de considérer que le législateur de l’Union aurait entendu prévoir deux régimes juridiques distincts en ce qui concerne la reconnaissance et l’exécution des jugements en matière pénale, en fonction de l’existence ou non d’un mandat d’arrêt européen. |
49 |
En ce sens, l’article 25 de la décision-cadre 2008/909, lu à la lumière du considérant 12 de celle-ci, dispose que cette décision-cadre s’applique, mutatis mutandis dans la mesure où ses dispositions sont compatibles avec celles de la décision-cadre 2002/584, à l’exécution des condamnations dans les cas où un État membre s’engage à exécuter la condamnation conformément à l’article 4, point 6, de cette dernière décision-cadre. Tel est également le cas lorsque, agissant dans le cadre de l’article 5, point 3, de ladite dernière décision-cadre, un État membre a imposé comme condition de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites dans l’État d’émission le renvoi de la personne en cause dans l’État d’exécution afin d’y purger la peine qui serait prononcée dans l’État d’émission. |
50 |
En ce qui concerne cette dernière hypothèse, visée à l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’exécution de la peine est régie par la décision-cadre 2008/909. En effet, ainsi que la Cour l’a relevé, lorsque l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins de poursuites pénales est subordonnée à la condition prévue à cet article 5, point 3, l’État d’exécution, pour exécuter la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté prononcée dans l’État d’émission à l’encontre de la personne concernée doit respecter les règles pertinentes de la décision-cadre 2008/909 [voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2020, SF (Mandat d’arrêt européen – Garantie de renvoi dans l’État d’exécution), C‑314/18, EU:C:2020:191, point 68]. |
51 |
De la même manière que pour le cas de figure visé à l’article 5, point 3, de la décision-cadre 2002/584, il convient de considérer que, lorsqu’une autorité judiciaire d’exécution envisage de refuser, sur le fondement du motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté, la reconnaissance du jugement de condamnation à cette peine et de la prise en charge de l’exécution de ladite peine sont régies par la décision-cadre 2008/909. |
52 |
En effet, un refus, fondé sur l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, d’exécuter un mandat d’arrêt européen présuppose un véritable engagement de l’État d’exécution à exécuter la peine privative de liberté prononcée contre la personne recherchée [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2023, O. G. (Mandat d’arrêt européen à l’encontre d’un ressortissant d’un État tiers), C‑700/21, EU:C:2023:444, point 48 et jurisprudence citée]. Dans la mesure où cette personne a été condamnée dans l’État d’émission, cela implique nécessairement que les autorités de l’État d’exécution reconnaissent le jugement de condamnation prononcé à l’égard de ladite personne conformément aux dispositions de la décision-cadre 2008/909. |
53 |
Certes, la Cour a déduit de l’article 25 de la décision-cadre 2008/909 qu’aucune disposition de celle-ci ne saurait affecter ni la portée ni les modalités d’application du motif de non-exécution facultative énoncé à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 (arrêt du 13 décembre 2018, Sut, C‑514/17, EU:C:2018:1016, point 48). |
54 |
Cette constatation n’implique toutefois pas que les conditions de reconnaissance et d’exécution des jugements en matière pénale prévues par la décision-cadre 2008/909 ne soient pas applicables lorsqu’un État membre s’engage à exécuter une condamnation conformément à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 alors même que l’application de la décision-cadre 2008/909 n’aboutirait à aucune incompatibilité ou incohérence dans l’application combinée de ces deux actes. Comme l’a observé M. l’avocat général au point 63 de ses conclusions du 13 juin 2024, les conditions de reconnaissance et d’exécution des jugements en matière pénale prévues par la décision-cadre 2008/909 sont applicables lors de la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, pour autant que, ainsi que le prévoit explicitement l’article 25 de la décision-cadre 2008/909 et que la Cour l’a elle-même relevé au point 48 de l’arrêt du 13 décembre 2018, Sut (C‑514/17, EU:C:2018:1016), ces conditions sont compatibles avec les dispositions de la décision-cadre 2002/584. Ceci permet de garantir le bon fonctionnement du système simplifié et efficace de remise des personnes recherchées établi par cette dernière décision-cadre. |
55 |
Il convient de relever à cet égard que, conformément à l’article 26, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909, cette dernière a remplacé, à partir du 5 décembre 2011, les dispositions correspondantes de la convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées et son protocole additionnel du 18 décembre 1997. |
56 |
Ainsi que l’a relevé notamment le gouvernement français lors de l’audience de plaidoiries du 14 octobre 2024, l’article 3, paragraphe 1, sous f), de cette convention prévoyait que l’État de condamnation et l’État d’exécution devaient s’être mis d’accord sur le transfèrement d’une personne condamnée. |
57 |
Cet article 3, paragraphe 1, sous f), a été remplacé, à la suite de l’adoption de la décision-cadre 2008/909, par l’exigence du consentement de l’État d’émission quant à la prise en charge de l’exécution de la peine prononcée dans cet État. Ce consentement se traduit par la transmission, selon les modalités établies à l’article 4 de cette décision-cadre, à l’État d’exécution du jugement de condamnation rendu par une juridiction de l’État d’émission, accompagné du certificat dont le modèle figure à l’annexe I de ladite décision-cadre. |
58 |
En effet, il ressort explicitement du point f) du modèle de certificat figurant à l’annexe I de la décision-cadre 2008/909 que, précisément dans le cadre de la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, les dispositions de la décision-cadre 2008/909 sont susceptibles de s’appliquer, ce certificat devant faire référence à ce motif lorsque celui-ci est invoqué. |
59 |
La nécessité d’obtenir le consentement de l’État d’émission quant à la prise en charge de l’exécution de la condamnation prononcée ressort également de l’article 13 de la décision-cadre 2008/909. Il résulte en effet de cet article que tant que l’exécution de cette condamnation n’a pas commencé dans l’État d’exécution, l’État d’émission peut retirer le certificat correspondant auprès de l’État d’exécution et que, après ce retrait, l’État d’exécution n’exécute plus ladite condamnation. |
60 |
Or, l’application, dans le cadre de la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, des conditions prévues par la décision-cadre 2008/909 en ce qui concerne la reconnaissance, dans l’État d’exécution, de la condamnation ayant justifié l’émission du mandat d’arrêt européen et la prise en charge, par le même État de l’exécution de la peine infligée, en particulier l’exigence de consentement de l’État d’émission à une telle prise en charge, est compatible avec l’objectif consistant à accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l’expiration de cette peine, poursuivi par cette disposition. |
61 |
En effet, d’une part, il découle des dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision-cadre 2008/909, et du paragraphe 2 de cet article, lus à la lumière du considérant 8 de cette décision-cadre, que ce n’est que lorsque l’autorité compétente de l’État d’émission a acquis la certitude que l’exécution de la condamnation par l’État d’exécution contribuera à l’objectif consistant à faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée qu’elle peut transmettre à l’autorité compétente de ce dernier État le jugement de condamnation et le certificat devant l’accompagner, dont le modèle type figure à l’annexe I de ladite décision-cadre. |
62 |
D’autre part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’objectif d’accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l’expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée, pour important qu’il soit, ne revêt pas un caractère absolu, cet objectif devant être concilié, en particulier, avec la règle essentielle énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584, selon laquelle, en principe, les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2009, Wolzenburg, C‑123/08, EU:C:2009:616, point 62, et du 13 décembre 2018, Sut, C‑514/17, EU:C:2018:1016, point 46). |
63 |
Ainsi, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 68 de ses conclusions du 13 juin 2024, compte tenu des différentes fonctions de la peine au sein de la société, l’État membre dans lequel une personne a été condamnée peut légitimement faire valoir des considérations de politique pénale qui lui sont propres afin de justifier que la peine prononcée soit exécutée sur son sol, en refusant par conséquent la transmission du jugement de condamnation et du certificat devant l’accompagner au titre de la décision-cadre 2008/909, et ce même lorsque des considérations liées à la réinsertion sociale de la personne recherchée pourraient militer en faveur d’une exécution de cette peine sur le territoire d’un autre État membre. |
64 |
La marge d’appréciation de l’État d’émission concernant le consentement prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/909, telle qu’explicitée aux points 61 à 63 du présent arrêt, est d’ailleurs confirmée par le paragraphe 5 de cet article, qui prévoit que, lorsque l’État d’exécution, de sa propre initiative, demande à ce premier État la transmission du jugement accompagné de son certificat, une telle demande ne crée pas d’obligation pour l’État d’émission d’y donner une suite favorable. |
65 |
En outre, aucune disposition de cette décision-cadre ni de la décision-cadre 2002/584 ne permet de considérer que le fait, pour l’autorité judiciaire d’exécution, d’invoquer le motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de cette dernière décision-cadre, aurait pour conséquence de remettre en cause ladite marge d’appréciation de l’État d’émission. |
66 |
À cet égard, l’émission par un État membre d’un mandat d’arrêt européen à des fins d’exécution d’une peine privative de liberté témoigne précisément du fait que cet État privilégie, en principe, une exécution de la peine sur son sol plutôt qu’une mise en œuvre du mécanisme de reconnaissance et d’exécution des jugements en matière pénale prévu par la décision-cadre 2008/909, en vue d’une telle exécution dans un autre État membre. Dans ce contexte, l’efficacité du système de remise entre les États membres institué par la décision-cadre 2002/584 serait compromise si, dans un tel cas, l’État d’exécution pouvait unilatéralement déroger au principe de l’exécution du mandat d’arrêt européen, au titre de la mise en œuvre de ce motif de non-exécution facultative, sans que soient satisfaites les conditions de reconnaissance et d’exécution d’un jugement de condamnation prévues par la décision-cadre 2008/909. |
67 |
Il s’ensuit que, dans le cadre de la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, la prise en charge, par l’État d’exécution, de l’exécution de la peine infligée par le jugement de condamnation prononcé dans l’État d’émission et qui a justifié l’émission du mandat d’arrêt européen est subordonnée au consentement de cet État d’émission, conformément aux règles prévues par la décision-cadre 2008/909. |
68 |
Cela étant, si la transmission par l’État d’émission du jugement de condamnation et du certificat devant l’accompagner est ainsi conçue comme une simple possibilité, y compris dans l’hypothèse où l’État d’exécution entend prendre en charge l’exécution de la peine en mettant en œuvre ce motif de non-exécution, il importe de rappeler que, afin notamment d’assurer que le fonctionnement du mandat d’arrêt européen ne soit pas paralysé, l’obligation de coopération loyale, consacrée à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, implique un dialogue entre les autorités judiciaires d’exécution et celles d’émission. Il résulte notamment de ce principe que les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions qui découlent des traités [voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2022, Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), C‑562/21 PPU et C‑563/21 PPU, EU:C:2022:100, point 48 ainsi que jurisprudence citée]. |
69 |
Dès lors, les autorités judiciaires d’émission et d’exécution doivent, afin d’assurer une coopération efficace en matière pénale, faire pleinement usage des instruments prévus par les décisions-cadres 2002/584 et 2008/909, tels que les consultations précédant la transmission du jugement de condamnation rendu par une juridiction de l’État d’émission ainsi que le certificat dont le modèle figure à l’annexe I de la décision-cadre 2008/909 de façon à favoriser la confiance mutuelle à la base de cette coopération [voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2022, Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), C‑562/21 PPU et C‑563/21 PPU, EU:C:2022:100, point 49 ainsi que jurisprudence citée]. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, conformément à l’article 4, paragraphe 3, de cette dernière décision-cadre, de telles consultations sont obligatoires lorsque, comme en l’occurrence, l’exécution de la condamnation est envisagée dans un État membre autre que celui de la nationalité de la personne concernée, à savoir dans l’hypothèse visée à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de ladite dernière décision-cadre. |
70 |
Si une prise en charge réelle de l’exécution de la peine par l’État d’exécution n’est pas possible, pour quelque raison que ce soit, y compris en raison du non-respect des conditions et de la procédure prévues par la décision-cadre 2008/909, il découle du principe de reconnaissance mutuelle que, afin d’éviter l’impunité de la personne recherchée, un mandat d’arrêt européen doit être exécuté. En effet, comme il est relevé au point 41 du présent arrêt, l’exécution d’un mandat d’arrêt européen constitue le principe, le refus d’exécution de celui-ci étant une exception, laquelle doit donc faire l’objet d’une interprétation stricte. |
71 |
S’agissant des obligations de l’État d’émission, il convient de souligner qu’il appartient à cet État de veiller à ce que la prérogative qui lui est accordée par la décision-cadre 2008/909 de ne pas transmettre à l’État d’exécution le jugement de condamnation rendu par une de ses juridictions, ainsi que le certificat dont le modèle figure à l’annexe I de cette décision-cadre, soit exercée d’une manière qui permette une coopération efficace entre les autorités compétentes des États membres en matière pénale et qui assure que le fonctionnement du mandat d’arrêt européen et la reconnaissance mutuelle des jugements en matière pénale aux fins de leur exécution dans un autre État membre ne soient pas paralysés. |
72 |
Partant, lorsqu’une autorité judiciaire d’exécution envisage de refuser, sur le fondement du motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, l’autorité compétente de l’État d’émission peut refuser une telle transmission si elle considère, sur le fondement de circonstances objectives, que la peine ne sera pas effectivement exécutée dans l’État d’exécution ou qu’une exécution de cette peine dans cet État ne contribuera pas à l’objectif de réinsertion sociale de la personne recherchée à l’expiration de la peine privative de liberté à laquelle celle-ci a été condamnée. L’autorité judiciaire d’émission peut encore refuser cette transmission sur le fondement de considérations liées à la politique pénale propre de l’État d’émission. |
Sur le droit de l’État d’émission d’exécuter une peine privative de liberté lorsque l’autorité judiciaire d’exécution a refusé d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution de cette peine, sur le fondement de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, sans respecter les conditions et la procédure prévues par la décision-cadre 2008/909, relatives à la reconnaissance du jugement de condamnation à ladite peine et à la prise en charge de l’exécution de celle-ci
73 |
Il convient d’examiner si, dans des circonstances où, sans respecter les conditions et la procédure prévues par la décision-cadre 2008/909, l’autorité judiciaire d’exécution a refusé, sur le fondement du motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté, l’État d’émission conserve le droit d’exécuter cette peine. |
74 |
En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, saisie du mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté à l’encontre de C.J., l’autorité judiciaire d’exécution a estimé qu’il convenait, afin d’accroître les chances de réinsertion sociale de cette personne, d’exécuter cette peine en Italie. Ainsi, cette autorité a, par la décision de reconnaissance et d’exécution, refusé la remise de ladite personne, reconnu le jugement de condamnation et ordonné l’exécution de ladite peine en Italie. Cette décision a été prise alors que la juridiction de renvoi avait communiqué ce jugement à l’autorité judiciaire d’exécution, mais non pas le certificat dont le modèle figure à l’annexe I de la décision-cadre 2008/909, et que cette juridiction avait exprimé son désaccord à l’égard de la reconnaissance dudit jugement et de la prise en charge de l’exécution de la peine d’emprisonnement infligée à C.J. en Italie. |
75 |
À cet égard, ainsi qu’il ressort des points 54 à 67 du présent arrêt, dans le cadre de la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, la reconnaissance du jugement de condamnation à une peine d’emprisonnement rendu par une juridiction de l’État d’émission et la prise en charge de l’exécution de cette peine par l’État d’exécution doivent être effectuées en respectant les conditions et la procédure prévues par la décision-cadre 2008/909, ce qui implique, notamment, que l’État d’émission doit consentir à cette prise en charge. |
76 |
Force est de constater que, lorsque, comme en l’occurrence, l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté a été refusée par l’autorité judiciaire d’exécution en méconnaissance des conditions et de la procédure prévues par la décision-cadre 2008/909, ce mandat d’arrêt peut être maintenu par l’autorité judiciaire d’émission. De même, l’État d’émission conserve le droit d’exécuter cette peine. |
77 |
En effet, la Cour a déjà eu l’occasion de juger que le maintien, par l’autorité judiciaire d’émission, d’un mandat d’arrêt européen peut s’avérer nécessaire, notamment lorsque la décision de refus n’était pas conforme au droit de l’Union, en vue de mener la procédure de remise d’une personne recherchée à son terme et ainsi de favoriser la réalisation de l’objectif de lutte contre l’impunité poursuivi par cette décision-cadre. Ainsi, la seule circonstance que l’autorité judiciaire d’exécution ait refusé d’exécuter un mandat d’arrêt européen ne saurait faire obstacle, en tant que telle, à ce que l’autorité judiciaire d’émission maintienne ce mandat d’arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2024, Breian, C‑318/24 PPU, EU:C:2024:658, points 51 et 53). |
78 |
Ces considérations valent, mutatis mutandis, pour ce qui concerne le droit de l’État d’émission d’exécuter la peine d’emprisonnement infligée à la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt européen dans des circonstances telles que celles visées au point 76 du présent arrêt et ne sauraient être remises en cause au regard de l’article 22, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909, lequel prévoit que l’État d’émission ne peut plus exécuter la condamnation prononcée dès lors que l’exécution de celle-ci a commencé sur le territoire de l’État d’exécution. |
79 |
En effet, il importe de souligner que cette disposition ne trouve pas à s’appliquer lorsque, comme en l’occurrence, le refus de la remise sur le fondement de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, par l’État d’exécution, n’a pas eu lieu en conformité avec les règles énoncées par la décision-cadre 2008/909. D’une part, ainsi que l’a indiqué M. l’avocat général au point 81 de ses conclusions du 12 décembre 2024, admettre que, dans une telle situation, un commencement de l’exécution de la peine dans l’État membre d’exécution puisse enlever à l’État d’émission sa compétence pour exécuter cette peine ouvrirait la voie au contournement des règles fixées par cette décision-cadre. |
80 |
D’autre part, le fait que, dans une telle situation, l’État d’émission perde sa compétence pour exécuter ladite peine aurait pour conséquence non seulement de méconnaître les règles de reconnaissance et d’exécution du jugement de l’État d’émission prévues par la décision-cadre 2008/909, mais aussi de porter atteinte au fonctionnement du système simplifié et efficace de remise des personnes recherchées établie par la décision-cadre 2002/584 en permettant, en particulier, de remettre en cause l’objectif de lutte contre l’impunité poursuivi par celle-ci [voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 2023, Minister for Justice and Equality (Demande de consentement – Effets du mandat d’arrêt européen initial), C‑142/22, EU:C:2023:544, point 51, ainsi que du 29 juillet 2024, Breian, C‑318/24 PPU, EU:C:2024:658, point 51 et jurisprudence citée]. |
81 |
Certes, il ressort de la jurisprudence que l’articulation prévue par le législateur de l’Union entre la décision-cadre 2002/584 et la décision‑cadre 2008/909 doit contribuer à atteindre l’objectif, visé au point 46 du présent arrêt, consistant à faciliter la réinsertion sociale de la personne concernée [arrêt du 11 mars 2020, SF (Mandat d’arrêt européen – Garantie de renvoi dans l’État d’exécution), C‑314/18, EU:C:2020:191, point 51 et jurisprudence citée]. |
82 |
Toutefois, si l’État d’exécution pouvait, en s’appuyant sur cet objectif, refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté, sans le consentement de l’État d’émission quant à la prise en charge de cette exécution par le premier État, cela pourrait créer un risque élevé d’impunité de personnes qui tentent d’échapper à la justice après avoir fait l’objet d’une condamnation dans un État membre et mettrait, en définitive, en péril le fonctionnement efficace du système simplifié de remise entre les États membres établi par la décision-cadre 2002/584. |
83 |
Il importe d’ajouter que l’interprétation de l’article 22 de la décision-cadre 2008/909 énoncée au point 79 du présent arrêt consistant à subordonner la possibilité d’appliquer le motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 au consentement de l’État d’émission à ce que la peine soit exécutée dans l’État d’exécution, est confortée par le fait que, ainsi qu’il est indiqué au point 57 de cet arrêt, ce consentement se matérialise dans la transmission du jugement de condamnation et du certificat dont le modèle figure à l’annexe I de la décision-cadre 2008/909. En effet, ces documents, en particulier ce certificat, comportent des indications essentielles pour permettre l’exécution effective de la peine prononcée. À cette fin, l’article 23, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909 prévoit d’ailleurs que ledit certificat doit être traduit dans la ou les langues officielles de l’État d’exécution. |
84 |
Il en découle que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, les décisions-cadres 2002/584 et 2008/909 ne s’opposent pas à ce que le mandat d’arrêt européen émis contre C.J. soit maintenu et que la peine qui a été prononcée à son égard soit exécutée dans l’État d’émission, à savoir la Roumanie. |
85 |
Toutefois, étant donné qu’un tel maintien est susceptible de porter atteinte à la liberté individuelle de la personne recherchée, il y a encore lieu de préciser qu’il appartient à l’autorité judiciaire d’émission d’examiner si, au regard des spécificités de l’espèce, ce maintien revêt un caractère proportionné. Dans le cadre d’un tel examen, il incombe notamment à cette autorité de tenir compte des conséquences sur cette personne du maintien du mandat d’arrêt européen émis contre elle ainsi que des perspectives d’exécution de ce mandat d’arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2024, Breian, C‑318/24 PPU, EU:C:2024:658, point 54 et jurisprudence citée). |
86 |
Dans l’hypothèse où l’État d’émission déciderait, à l’issue de cet examen, de maintenir le mandat d’arrêt européen, il incomberait à celui-ci, le cas échéant, lorsque la personne recherchée est remise à cet État ou lorsqu’elle retourne volontairement sur le territoire de celui-ci, de tenir compte de l’article 26, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584. Cette disposition, en ce qu’elle impose la prise en compte de toute période durant laquelle cette personne a été détenue dans l’État d’exécution, garantit que ladite personne n’ait pas à subir, en définitive, une détention dont la durée totale, tant dans l’État d’exécution que dans l’État d’émission, dépasserait la durée de la peine privative de liberté à laquelle elle a été condamnée dans l’État d’émission (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2016, JZ, C‑294/16 PPU, EU:C:2016:610, point 43). |
87 |
Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de répondre aux première à troisième questions que l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 et les articles 4, 22 et 25 de la décision-cadre 2008/909 doivent être interprétés en ce sens que :
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Sur la quatrième question
88 |
Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 25 février 2025, Alphabet e.a., C‑233/23, EU:C:2025:110, point 33 ainsi que jurisprudence citée). |
89 |
Conformément à l’article 4, point 5, de la décision-cadre 2002/584, visé par la quatrième question, l’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen s’il résulte des informations à sa disposition que la personne recherchée a été définitivement jugée pour les mêmes faits par un pays tiers, à condition que, en cas de condamnation, celle-ci ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois du pays de condamnation. Or, en l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la décision de reconnaissance et d’exécution a été adoptée par une juridiction d’un État membre de l’Union, à savoir la République italienne. |
90 |
Dans ces conditions, est seul pertinent le motif de non-exécution obligatoire prévu à l’article 3, point 2, de la décision-cadre 2002/584, qui concrétise le principe ne bis in idem dont il incombe aux États membres d’assurer le respect. |
91 |
Partant, il convient de considérer que, par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, point 2, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que constitue un « jugement définitif pour les mêmes faits », au sens de cette disposition, une décision par laquelle l’autorité judiciaire d’exécution a refusé, sur le fondement de l’article 4, point 6, de cette décision-cadre, de remettre une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté, a reconnu le jugement de condamnation à cette peine et a ordonné l’exécution de ladite peine dans l’État d’exécution. |
92 |
Conformément à l’article 3, point 2, de la décision-cadre 2002/584, s’il résulte des informations à la disposition de l’autorité judiciaire d’exécution que la personne recherchée a fait l’objet d’un jugement définitif pour les mêmes faits par un État membre, cette autorité doit refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen à condition que, en cas de condamnation, celle‑ci ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de l’État membre de condamnation. |
93 |
À cet égard, la Cour a jugé qu’une personne recherchée est considérée comme ayant fait l’objet d’un « jugement définitif pour les mêmes faits », au sens de cet article 3, point 2, lorsque, à la suite d’une procédure pénale, l’action publique est définitivement éteinte ou encore lorsque les autorités judiciaires d’un État membre ont adopté une décision par laquelle le prévenu est définitivement acquitté pour les faits reprochés (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2010, Mantello, C‑261/09, EU:C:2010:683, point 45 et jurisprudence citée). |
94 |
En outre, s’agissant plus particulièrement d’une demande de remise, il résulte de la jurisprudence qu’une décision d’une autorité judiciaire d’exécution de refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt ne saurait être considérée comme étant un « jugement définitif pour les mêmes faits », au sens de l’article 3, point 2, de la décision-cadre 2002/584. En effet, l’examen d’une telle demande n’implique pas l’engagement de poursuites pénales par l’État d’exécution contre la personne dont la remise est demandée et ne comporte pas une appréciation sur le fond de l’affaire [voir, par analogie, arrêt du 14 septembre 2023, Sofiyska gradska prokuratura (Mandats d’arrêt successifs), C‑71/21, EU:C:2023:668, points 52 à 54]. |
95 |
Il en va de même, s’agissant d’une décision, telle que la décision de reconnaissance et d’exécution, par laquelle est reconnu un jugement de condamnation prononcé dans un autre État membre et par laquelle est ordonnée l’exécution de la condamnation prononcée par ce jugement. |
96 |
En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence visée au point 94 du présent arrêt, l’examen effectué dans ce cadre n’implique pas l’engagement de poursuites pénales contre la personne condamnée et ne comporte pas une appréciation sur le fond de l’affaire. Au lieu d’aboutir à ce qu’une nouvelle condamnation soit prononcée portant sur les mêmes faits, une telle décision vise à permettre que la condamnation prononcée dans l’État d’émission puisse être exécutée dans l’État d’exécution. |
97 |
Partant, une décision par laquelle l’autorité judiciaire d’exécution a refusé, sur le fondement de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté, a reconnu le jugement de condamnation à cette peine et a ordonné l’exécution de ladite peine, ne saurait être considérée comme constituant un « jugement définitif pour les mêmes faits », au sens de l’article 3, point 2, de cette décision-cadre. |
98 |
Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 3, point 2, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que ne constitue pas un « jugement définitif pour les mêmes faits », au sens de cette disposition, une décision par laquelle l’autorité judiciaire d’exécution a refusé, sur le fondement de l’article 4, point 6, de cette décision-cadre, de remettre une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté, a reconnu le jugement de condamnation à cette peine et a ordonné l’exécution de ladite peine dans l’État d’exécution. |
Sur la cinquième question
99 |
Eu égard à la réponse donnée à la quatrième question, il n’y a pas lieu de répondre à la cinquième question préjudicielle. |
Sur les dépens
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La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit : |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : le roumain.