CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. JEAN RICHARD DE LA TOUR
présentées le 22 juin 2023 ( 1 )
Affaire C‑422/22
Zakład Ubezpieczeń Społecznych Oddział w Toruniu
contre
TE
[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne)]
« Renvoi préjudiciel – Travailleurs migrants – Sécurité sociale – Législation applicable – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 76 – Obligation mutuelle d’information et de coopération – Règlement (CE) no 987/2009 – Certificat A1 – Retrait d’office – Articles 6 et 16 – Absence d’obligation de l’institution émettrice d’engager une procédure de dialogue et de conciliation avec l’autorité compétente de l’État membre d’accueil – Articles 2 et 20 – Obligation d’information de cette autorité dans les délais les plus brefs après le retrait du certificat »
I. Introduction
1. |
La demande de décision préjudicielle a pour objet l’interprétation du règlement (CE) no 987/2009 ( 2 ) et porte, plus particulièrement, sur l’application, par analogie, des articles 6 et 16 de ce règlement à une procédure de retrait d’un certificat A1. |
2. |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant TE au Zakład Ubezpieczeń Społecznych Oddział w Toruniu (Organisme d’assurances sociales, bureau de Toruń, Pologne) (ci-après le « ZUS ») au sujet de la décision de ce dernier de retirer le certificat A1 attestant, à la demande de ce requérant, de sa situation aux fins de l’application de la législation polonaise en matière de sécurité sociale au cours de la période allant du 22 août 2016 au 21 août 2017. |
3. |
La Cour n’a pas encore statué sur la procédure applicable dans un tel cas de retrait d’un certificat A1 à l’initiative de l’institution qui l’a émis. Je vais exposer les raisons pour lesquelles les dispositions du règlement no 987/2009 relatives aux cas de doute sur la validité d’un tel certificat ou quant à la détermination de la législation applicable ne sont pas pertinentes dans une telle situation. Je suis, en effet, d’avis que, à défaut de procédure de dialogue et de conciliation en cas de retrait d’office d’un certificat A1, les institutions compétentes des États membres concernés doivent procéder à un échange d’informations a posteriori, au titre de la coopération organisée par le législateur de l’Union, afin que les droits des personnes concernées ne soient pas affectés. |
II. Le cadre juridique
A. Le règlement (CE) no 883/2004
4. |
Le titre II du règlement (CE) no 883/2004 ( 3 ), intitulé « Détermination de la législation applicable », comprend les articles 11 à 16. |
5. |
Aux termes de l’article 11 de ce règlement : « 1. Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre. [...] 3. Sous réserve des articles 12 à 16 :
[...] » |
6. |
Sous l’intitulé « Exercice d’activités dans deux ou plusieurs États membres », l’article 13 dudit règlement dispose, à son paragraphe 2 : « La personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise :
|
7. |
En vertu de l’article 72, sous a), du règlement no 883/2004, la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci‑après la « commission administrative ») est chargée de traiter toute question administrative ou d’interprétation découlant des dispositions de ce règlement ou de celles du règlement no 987/2009. |
8. |
L’article 76 du règlement no 883/2004, intitulé « Coopération », dispose, à ses paragraphes 3, 4 et 6 : « 3. Aux fins du présent règlement, les autorités et les institutions des États membres peuvent communiquer directement entre elles ainsi qu’avec les personnes intéressées ou leurs mandataires. 4. Les institutions et les personnes couvertes par le présent règlement sont tenues à une obligation mutuelle d’information et de coopération pour assurer la bonne application du présent règlement. Les institutions, conformément au principe de bonne administration, répondent à toutes les demandes dans un délai raisonnable et communiquent, à cet égard, aux personnes concernées toute information nécessaire pour faire valoir les droits qui leur sont conférés par le présent règlement. [...] 6. En cas de difficultés d’interprétation ou d’application du présent règlement, susceptibles de mettre en cause les droits d’une personne couverte par celui-ci, l’institution de l’État membre compétent ou de l’État membre de résidence de l’intéressé contacte la ou les institutions du ou des États membres concernés. À défaut d’une solution dans un délai raisonnable, les autorités concernées peuvent saisir la commission administrative. » |
B. Le règlement no 987/2009
9. |
Les considérants 1, 2, 8, et 10 du règlement no 987/2009 énoncent :
[...]
[...]
|
10. |
Le titre I, chapitre II, du règlement no 987/2009, intitulé « Dispositions relatives à la coopération et aux échanges de données », comprend les articles 2 à 7. |
11. |
L’article 2 de ce règlement, intitulé « Portée et modalités des échanges entre les institutions », dispose, à son paragraphe 2 : « Les institutions communiquent ou échangent dans les meilleurs délais toutes les données nécessaires à l’établissement et à la détermination des droits et des obligations des personnes auxquelles s’applique le règlement de base. Ces données sont transmises entre les États membres soit directement par les institutions elles-mêmes, soit par l’intermédiaire des organismes de liaison. » |
12. |
L’article 5 du règlement no 987/2009, intitulé « Valeur juridique des documents et pièces justificatives établis dans un autre État membre », énonce : « 1. Les documents établis par l’institution d’un État membre qui attestent de la situation d’une personne aux fins de l’application du règlement de base et du règlement d’application, ainsi que les pièces justificatives y afférentes, s’imposent aux institutions des autres États membres aussi longtemps qu’ils ne sont pas retirés ou déclarés invalides par l’État membre où ils ont été établis. 2. En cas de doute sur la validité du document ou l’exactitude des faits qui sont à la base des mentions y figurant, l’institution de l’État membre qui reçoit le document demande à l’institution émettrice les éclaircissements nécessaires et, le cas échéant, le retrait dudit document. L’institution émettrice réexamine ce qui l’a amenée à établir le document et, au besoin, le retire. 3. En application du paragraphe 2, en cas de doute sur les informations fournies par les intéressés, sur le bien-fondé d’un document ou d’une pièce justificative, ou encore sur l’exactitude des faits qui sont à la base des mentions y figurant, l’institution du lieu de séjour ou de résidence procède, pour autant que cela soit possible, à la demande de l’institution compétente, à la vérification nécessaire desdites informations ou dudit document. 4. À défaut d’un accord entre les institutions concernées, les autorités compétentes peuvent saisir la commission administrative au plus tôt un mois après la date à laquelle l’institution qui a reçu le document a présenté sa demande. La commission administrative s’efforce de concilier les points de vue dans les six mois suivant sa saisine. » |
13. |
L’article 6 du règlement no 987/2009, intitulé « Application provisoire d’une législation et octroi provisoire de prestations », est libellé comme suit : « 1. Sauf disposition contraire du règlement d’application, lorsque les institutions ou les autorités de deux États membres ou plus ont des avis différents quant à la détermination de la législation applicable, la personne concernée est soumise provisoirement à la législation de l’un de ces États membres [...] [...] 2. En cas de divergence de vues entre les institutions ou les autorités de deux États membres ou plus au sujet de la détermination de l’institution appelée à servir les prestations en espèces ou en nature, la personne concernée qui pourrait prétendre à des prestations s’il n’y avait pas de contestation bénéficie à titre provisoire des prestations prévues par la législation qu’applique l’institution de son lieu de résidence ou, si elle ne réside pas sur le territoire de l’un des États membres en cause, des prestations prévues par la législation qu’applique l’institution à laquelle la demande a été présentée en premier lieu. 3. À défaut d’un accord entre les institutions ou autorités concernées, les autorités compétentes peuvent saisir la commission administrative au plus tôt un mois après la date à laquelle la divergence de vues visée aux paragraphes 1 et 2 s’est manifestée. La commission administrative s’efforce de concilier les points de vue dans les six mois suivant sa saisine. 4. Lorsqu’il est établi que la législation applicable n’est pas celle de l’État membre dans lequel l’affiliation provisoire a eu lieu ou que l’institution qui a servi les prestations à titre provisoire n’était pas l’institution compétente, l’institution reconnue comme compétente est réputée l’être rétroactivement, comme si cette divergence de vues n’avait pas existé, au plus tard à partir de la date de l’affiliation provisoire ou du premier octroi à titre provisoire des prestations en cause. 5. Si nécessaire, l’institution reconnue comme compétente et l’institution ayant versé des prestations en espèces à titre provisoire ou ayant perçu des cotisations à titre provisoire règlent la situation financière de la personne concernée au regard des cotisations et des prestations en espèces versées à titre provisoire, le cas échéant en conformité avec le titre IV, chapitre III, du règlement d’application. Les prestations en nature qu’une institution a servies à titre provisoire conformément au paragraphe 2 sont remboursées par l’institution compétente conformément au titre IV du règlement d’application. » |
14. |
Aux termes de l’article 7 de ce règlement, intitulé « Calcul provisoire des prestations et des cotisations » : « 1. Sauf disposition contraire du règlement d’application, lorsqu’une personne est admissible au bénéfice d’une prestation ou est tenue au paiement d’une cotisation conformément au règlement de base, et que l’institution compétente ne dispose pas de l’ensemble des éléments concernant la situation dans un autre État membre permettant d’effectuer le calcul définitif du montant de cette prestation ou cotisation, ladite institution procède à la liquidation provisoire de cette prestation à la demande de la personne concernée, ou au calcul provisoire de cette cotisation si ce calcul est possible à partir des éléments dont elle dispose. 2. Un nouveau calcul de la prestation ou de la cotisation en cause doit être établi une fois que l’ensemble des pièces justificatives et des documents sont fournis à l’institution concernée. » |
15. |
Le titre II dudit règlement, intitulé « Détermination de la législation applicable », comprend les articles 14 à 21. |
16. |
L’article 16 du même règlement, intitulé « Procédure pour l’application de l’article 13 du règlement de base », dispose : « 1. La personne qui exerce des activités dans deux États membres ou plus en informe l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre de résidence. 2. L’institution désignée du lieu de résidence détermine dans les meilleurs délais la législation applicable à la personne concernée, compte tenu de l’article 13 du règlement de base et de l’article 14 du règlement d’application. Cette détermination initiale est provisoire. L’institution informe de cette détermination provisoire les institutions désignées de chaque État membre où une activité est exercée. 3. La détermination provisoire de la législation applicable visée au paragraphe 2 devient définitive dans les deux mois suivant sa notification à l’institution désignée par les autorités compétentes des États membres concernés, conformément au paragraphe 2, sauf si la législation a déjà fait l’objet d’une détermination définitive en application du paragraphe 4, ou si au moins une des institutions concernées informe l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre de résidence, à l’expiration de cette période de deux mois, qu’elle ne peut encore accepter la détermination ou qu’elle a un avis différent à cet égard. 4. Lorsqu’une incertitude quant à la détermination de la législation applicable nécessite des contacts entre les institutions ou autorités de deux États membres ou plus, la législation applicable à la personne concernée est déterminée d’un commun accord, à la demande d’une ou plusieurs des institutions désignées par les autorités compétentes des États membres concernés ou des autorités compétentes elles-mêmes, compte tenu de l’article 13 du règlement de base et des dispositions pertinentes de l’article 14 du règlement d’application. Si les institutions ou autorités compétentes concernées ont des avis divergents, elles recherchent un accord conformément aux conditions énoncées ci-dessus, et l’article 6 du règlement d’application s’applique. [...] » |
17. |
L’article 19 du règlement no 987/2009, intitulé « Information des personnes concernées et des employeurs », prévoit, à son paragraphe 2 : « À la demande de la personne concernée ou de l’employeur, l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en vertu d’une disposition du titre II du règlement de base atteste que cette législation est applicable et indique, le cas échéant, jusqu’à quelle date et à quelles conditions. » |
18. |
L’article 20 du règlement no 987/2009, intitulé « Coopération entre institutions », énonce : « 1. Les institutions concernées communiquent à l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable à une personne en vertu du titre II du règlement de base les informations nécessaires pour déterminer la date à laquelle cette législation devient applicable et établir les cotisations dont cette personne et son ou ses employeurs sont redevables au titre de cette législation. 2. L’institution compétente de l’État membre dont la législation devient applicable à une personne en vertu du titre II du règlement de base met à la disposition de l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre à la législation duquel la personne était soumise en dernier lieu les informations indiquant la date à laquelle l’application de cette législation prend effet. » |
III. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles
19. |
TE, un entrepreneur inscrit au registre de commerce polonais exerçant une activité non salariée dont les revenus sont imposés en Pologne, a, le 11 août 2016, signé un contrat avec une société établie à Varsovie (Pologne) en vertu duquel il devait fournir en France, dans le cadre d’un projet déterminé, des services relevant habituellement des fonctions d’un « second site manager », à partir du 22 août 2016 et jusqu’à la fin de ce projet. |
20. |
Sur la base de ce contrat, un certificat A1 ( 4 ) a été délivré par le ZUS ( 5 ), attestant que TE relevait de la législation polonaise au cours de la période allant du 22 août 2016 au 21 août 2017 (ci-après la « période litigieuse »). |
21. |
À la suite d’un réexamen d’office, le ZUS a constaté que, au cours de la période litigieuse, TE n’exerçait son activité que dans un seul État membre, à savoir la France. Ainsi, par une décision du 1er décembre 2017 (ci-après la « décision litigieuse »), le ZUS a retiré ce certificat A1 ( 6 ) et a considéré que TE n’était pas soumis à la législation polonaise pendant la période litigieuse. Estimant que la disposition pertinente pour déterminer la législation applicable à TE était l’article 11 du règlement no 883/2004, le ZUS a adopté cette décision sans avoir suivi préalablement la procédure visée à l’article 16 ( 7 ) du règlement no 987/2009 en vue d’une coordination avec l’institution française compétente en ce qui concerne la détermination de la législation applicable. |
22. |
TE a formé un recours devant le Sąd Okręgowy w Toruniu (tribunal régional de Toruń, Pologne) contre la décision litigieuse. Par jugement du 5 juin 2019, cette juridiction a considéré que, d’une part, au cours de la période litigieuse, TE ne travaillait pas dans un seul État membre, de sorte qu’il relevait de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, et, d’autre part, le ZUS n’avait pas épuisé la procédure de coordination prévue aux articles 6, 15 ( 8 ) et 16 du règlement no 987/2009, alors que cette procédure serait obligatoire aux fins de la détermination de la législation applicable. Ainsi, au cours de la procédure judiciaire, ladite juridiction a demandé au ZUS d’engager ladite procédure de coopération avec l’institution française compétente, ce que le ZUS a refusé de faire, estimant que cela n’était pas justifié. Afin d’éviter une situation dans laquelle TE ne serait couvert par aucun régime de sécurité sociale, le Sąd Okręgowy w Toruniu (tribunal régional de Toruń) a jugé que, pendant la période litigieuse, TE était soumis à la législation polonaise et a, en conséquence, maintenu en vigueur le certificat A1 en cause au principal. |
23. |
Par un arrêt du 5 février 2020, le Sąd Apelacyjny w Gdańsku (cour d’appel de Gdansk, Pologne) a rejeté l’appel interjeté par le ZUS contre ce jugement. |
24. |
Le ZUS s’est pourvu en cassation contre cet arrêt devant le Sąd Najwyższy (Cour suprême). Il fait valoir que, dès lors que le retrait du certificat A1 en cause exigeait l’épuisement préalable de la procédure de coordinpération prévue par le règlement no 987/2009, la décision litigieuse était entachée d’une irrégularité à laquelle il ne pouvait être remédié que dans le cadre de la procédure devant le ZUS lui-même. Ainsi, les décisions judiciaires rendues par le Sąd Okręgowy w Toruniu (tribunal régional de Toruń) et par le Sąd Apelacyjny w Gdańsku (cour d’appel de Gdansk) seraient erronées au motif que ces juridictions auraient dû renvoyer l’affaire devant le ZUS afin que ce dernier procède au réexamen de ce certificat A1 en collaboration avec l’institution française compétente au lieu de statuer sur la législation applicable. |
25. |
Dans ces conditions, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
|
26. |
Le ZUS, les gouvernements polonais, belge, tchèque et français ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites. |
IV. Analyse
27. |
Par ses deux questions préjudicielles, qui peuvent, à mon sens, être examinées ensemble, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si les articles 6 et 16 du règlement no 987/2009 doivent être interprétés en ce sens qu’une institution, qui a constaté, à la suite de vérifications effectuées de sa propre initiative, qu’elle a émis à tort un certificat A1, peut le retirer sans engager préalablement une procédure de dialogue et de conciliation avec les institutions compétentes des États membres concernés en vue de déterminer la législation applicable. |
28. |
Il y a lieu d’emblée de constater que ni le règlement no 883/2004 ni le règlement no 987/2009 ne contiennent de disposition directement applicable aux circonstances de l’espèce dans lesquelles un certificat A1 a été retiré. |
29. |
L’article 76, paragraphe 6, du règlement no 883/2004 se borne à fixer le cadre général d’une procédure de dialogue et de conciliation, le premier étant préalable à la seconde ( 9 ). Le règlement no 987/2009 décline les situations dans lesquelles cette procédure est mise en œuvre. |
30. |
Ainsi, s’agissant du retrait d’un certificat A1, seul l’article 5 de ce dernier règlement détermine une procédure particulière « en cas de doute sur la validité du document [qui atteste de la situation d’une personne] ou l’exactitude des faits qui sont à la base des mentions y figurant » ( 10 ). |
31. |
Les différentes étapes de cette procédure, décrites aux paragraphes 2 à 4 de cet article 5, visent, d’une part, à recueillir les éléments d’information utiles à la confirmation ou non de la validité du certificat A1, dans le cadre d’une concertation entre institutions compétentes, et, d’autre part, à surmonter un éventuel désaccord entre celles-ci ( 11 ). |
32. |
Il résulte clairement de ces dispositions que c’est à l’initiative de « l’institution de l’État membre qui reçoit le document » ( 12 ) que ladite procédure est mise en œuvre. Par conséquent, aucune disposition ne régit la situation dans laquelle l’institution émettrice, après avoir procédé d’office à des vérifications, n’a aucun doute sur le fait que le certificat A1 doit être retiré ( 13 ). |
33. |
Dès lors, les questions préjudicielles invitent la Cour à dire si, au regard des règlements nos 883/2004 et 987/2009 ainsi que de leur interprétation dans sa jurisprudence, un certificat A1 ne peut être retiré qu’après concertation préalable entre les institutions compétentes des États membres concernés en vue de déterminer la législation applicable à la personne en cause. |
34. |
S’agissant du cadre législatif dans lequel s’inscrivent les interrogations de la juridiction de renvoi, en premier lieu, il doit être rappelé que, d’une part, le règlement no 987/2009 a codifié la jurisprudence de la Cour concernant la portée et les effets juridiques du certificat E 101 ( 14 ) ainsi que la procédure à suivre pour résoudre les éventuels différends entre les institutions des États membres concernés portant sur la validité ou l’exactitude de ce certificat ( 15 ). |
35. |
D’autre part, ce règlement a ainsi consacré les principes résultant de cette jurisprudence, à savoir :
|
36. |
Il apparaît donc, en deuxième lieu, que le législateur de l’Union n’a pas envisagé un champ d’application large de cette procédure de dialogue et de conciliation, la réservant à des besoins spécifiques de coopération loyale ( 19 ). |
37. |
Je relève, également, que, dans le guide pratique de la Commission sur la législation applicable dans l’Union européenne (UE), dans l’Espace économique européen (EEE) et en Suisse ( 20 ), des hypothèses de réexamen de la situation de la personne intéressée, à l’initiative de l’institution émettrice, suivie, le cas échéant, d’un retrait de certificat, sont évoquées. Cependant, il n’y figure aucune recommandation de mise en œuvre de la procédure de dialogue et de conciliation. Il en est de même de la décision A1 ( 21 ), qui traite uniquement de la situation dans laquelle soit une institution exprime des doutes concernant la validité d’un document délivré par une institution d’un autre État membre, soit il existe une divergence d’avis quant à la détermination de la législation applicable ( 22 ). |
38. |
Ce constat, partagé par l’ensemble des parties ayant déposé des observations écrites, est, selon moi, la conséquence logique et impérative du principe de confiance mutuelle ( 23 ). Il justifie de reconnaître le bien-fondé de la décision prise par l’institution émettrice de délivrer un certificat ( 24 ), sans autre formalité. Dès lors, ce principe doit tout autant être appliqué à la décision de le retirer, unilatéralement, en l’absence de doute sur la situation objective ( 25 ) de la personne concernée ( 26 ). Autrement dit, il est difficilement concevable, en raison du système mis en œuvre par le règlement no 987/2009, sur la base des principes énoncés dans le règlement no 883/2004, que le retrait du certificat soit soumis à un accord d’une institution d’un autre État membre, voire à une concertation préalable, a fortiori dans un tel cas de figure ( 27 ). En outre, si une fraude est avérée, ce retrait s’impose à l’institution émettrice ( 28 ). |
39. |
En troisième lieu, l’absence de volonté du législateur de l’Union de prendre des dispositions particulières dans une telle situation est corroborée par deux autres constats. D’une part, ce n’est qu’en cas d’« incertitude quant à la détermination de la législation applicable » ( 29 ) et dans le cas particulier de l’application de l’article 13 du règlement no 883/2004 que des contacts entre institutions ou autorités compétentes sont prévus à l’article 16, paragraphe 4, du règlement no 987/2009 ( 30 ). |
40. |
D’autre part, les solutions provisoires protectrices de la personne concernée relatives à la loi applicable ainsi qu’à l’octroi de prestations sont prévues par l’article 6 de ce règlement seulement en cas d’« avis différents » ou de « divergences de vues » ( 31 ) de ces institutions ou autorités. Cette restriction des cas de concertation me paraît adaptée à l’exigence de célérité ( 32 ) qu’imposent la détermination de la loi applicable à la situation de la personne concernée et la nécessité de ne pas multiplier les cas de recours à la commission administrative, prévus à l’article 5, paragraphe 4, ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 3, dudit règlement ( 33 ). |
41. |
Dès lors, soumettre le retrait du certificat A1 à l’avis ou à la décision d’un autre État membre sur la détermination du régime de sécurité sociale applicable au travailleur concerné, quand bien même le retrait interviendrait tardivement après sa délivrance ( 34 ), ne me paraît pas pouvoir résulter d’une interprétation exclusivement téléologique des règlements nos 883/2004 et 987/2009, en l’état de leurs dispositions limitées aux situations dans lesquelles des difficultés se présentent pour la détermination de la loi applicable. |
42. |
En quatrième lieu, s’agissant de la couverture sociale, je suis d’avis qu’il convient de prendre en considération le principe selon lequel le certificat A1 crée une présomption de régularité de l’affiliation du travailleur concerné à un régime de sécurité sociale ( 35 ) fondée sur une situation que ce document atteste ( 36 ). À l’instar de la Commission et du gouvernement français, je souligne que ce certificat n’est pas constitutif de droits ( 37 ). Par conséquent, son retrait n’a pour effet que de délier les autorités compétentes des effets contraignants dudit certificat. |
43. |
En outre, le risque de double cotisation n’existe pas en cas de décision de retrait de l’institution émettrice ( 38 ). |
44. |
Par conséquent, l’ensemble de ces considérations militent dans le sens de l’absence d’obligation de concertation ou de conciliation préalable entre institutions compétentes des États membres concernés en cas de retrait d’office d’un certificat A1. |
45. |
Cependant, je suis enclin à considérer que l’analyse serait incomplète si elle ne tenait pas compte de la distinction à opérer entre le retrait d’un certificat et la délivrance de celui-ci, en ce que ce retrait fait nécessairement grief au travailleur et qu’il est susceptible de produire des conséquences concrètes substantielles, voire préjudiciables, du fait de la remise en cause de l’appréciation de la situation juridique de celui-ci ( 39 ). |
46. |
En effet, selon une jurisprudence constante, le certificat A1 vise à faciliter la circulation du travailleur ( 40 ) et contribue à la sécurité juridique, tant pour celui-ci que pour les institutions concernées. La Cour a particulièrement insisté sur cet aspect dans sa jurisprudence relative aux effets contraignants de ce certificat et, en dernier lieu, à une décision de suspension de ses effets ( 41 ). |
47. |
C’est pourquoi, selon moi, quelles que soient les circonstances du retrait du certificat A1 ( 42 ), il doit être tenu compte, en vue de proposer une réponse utile à la juridiction de renvoi, de deux sources de complexité, à savoir :
|
48. |
Par ailleurs, le gouvernement polonais a appelé plus particulièrement l’attention de la Cour sur le risque d’absence de couverture sociale pour le travailleur. |
49. |
Dans ce contexte, il doit donc, à mon sens, être relevé que la procédure de dialogue et de conciliation, prévue à l’article 76, paragraphe 6, du règlement no 883/2004 ( 46 ), ne constitue pas le seul cadre prévu par le législateur de l’Union afin de garantir l’exercice effectif de la libre circulation des travailleurs par la protection sociale ( 47 ). |
50. |
En effet, plusieurs autres dispositions prévoient des échanges d’informations pour les besoins de la détermination des droits et obligations des personnes concernées. |
51. |
Premièrement, dans le cadre de la coopération prévue par l’article 76, paragraphe 4, du règlement no 883/2004, l’article 2, paragraphe 2, l’article 15, l’article 16, paragraphes 2 et 3, et l’article 20 du règlement no 987/2009 prévoient l’échange d’informations directement entre institutions ou organismes de liaison, conformément aux objectifs exprimés aux considérants 1 et 2 de ce règlement. |
52. |
Deuxièmement, l’article 16 du règlement no 883/2004, intitulé « Dérogations aux articles 11 à 15 », dispose, à son paragraphe 1, que « [d]eux ou plusieurs États membres, les autorités compétentes de ces États membres ou les organismes désignés par ces autorités peuvent prévoir d’un commun accord, dans l’intérêt de certaines personnes ou catégories de personnes, des dérogations aux articles 11 à 15 » ( 48 ). |
53. |
Par conséquent, je suis d’avis, en premier lieu, à l’instar des gouvernements tchèque, belge et français, sur la base de l’article 76, paragraphe 4, du règlement no 883/2004 ainsi que des articles 2 et 20 du règlement no 987/2009, combinés avec l’article 6 de ce règlement, que, en cas de retrait du certificat A1 à l’initiative de l’institution émettrice, ces dispositions donnent un cadre légal, suffisamment protecteur des travailleurs ( 49 ), à la procédure qui comprendrait les étapes suivantes :
|
54. |
En deuxième lieu, à ce stade, la protection du travailleur peut aussi être mise en œuvre par trois moyens. D’abord, celui-ci ou son employeur peut demander à l’institution de l’État membre d’accueil un certificat A1 ( 53 ). |
55. |
Ensuite, en cas de divergence de vues entre l’institution informée du retrait du certificat A1 et celle qui l’a décidé, la première peut octroyer à titre provisoire des prestations dans les conditions prévues par l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 987/2009 ( 54 ). S’agissant de la crainte de l’inertie de l’institution compétente, exprimée par le gouvernement polonais, j’observe qu’il ne résulte pas des observations écrites transmises à la Cour que les difficultés concrètes à surmonter dans l’intérêt du travailleur concerné ( 55 ) sont différentes de celles provoquées par le retrait d’un certificat A1 à la demande d’une institution d’un autre État membre ( 56 ). |
56. |
À l’inverse, la simple préconisation, par analogie avec certaines dispositions du règlement no 987/2009, de délais raisonnables de concertation préalablement à la décision de retrait du certificat A1 me paraît insuffisante, eu égard à la situation en cause. En effet, il s’agit de mettre fin aux effets d’un certificat dont le caractère erroné n’est pas douteux, alors qu’ils ne peuvent être maintenus provisoirement ( 57 ). Par ailleurs, j’observe, d’une part, que des solutions peuvent être mises en œuvre dans l’intérêt des travailleurs selon les institutions, en pratique, ainsi que l’ont souligné les gouvernements tchèque, belge ( 58 ) et français. D’autre part, la coopération entre États membres peut être concrétisée dans un cadre bilatéral dans le respect des droits des personnes concernées par le règlement no 883/2004 ( 59 ). |
57. |
En outre, un désaccord ou des difficultés d’interprétation ou d’application du règlement no 883/2004 justifieront de faire usage de la procédure de dialogue et de conciliation, prévue par les règlements nos 883/2004 et 987/2009 dans ces hypothèses précises ( 60 ). |
58. |
Enfin, parallèlement, en l’absence de certificat, le travailleur concerné ou son employeur ont toujours la faculté de saisir une juridiction afin de statuer sur l’affiliation de ce travailleur, ainsi que l’affaire au principal le démontre ( 61 ). |
59. |
En troisième lieu, je relève que le risque de conséquences préjudiciables pour le travailleur est limité dans des situations non frauduleuses ( 62 ). |
60. |
En conséquence, je propose à la Cour de considérer que, en l’absence de procédure de dialogue et de conciliation, prévue par les règlements nos 883/2004 et 987/2009, en cas de retrait d’office d’un certificat A1 par l’institution qui l’a émis à tort, celle-ci doit informer l’institution de l’État membre d’accueil, dans les délais les plus brefs, sans être tenue de se concerter préalablement avec celle-ci. |
V. Conclusion
61. |
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) de la manière suivante : Les articles 5, 6 et 16, d’une part, ainsi que les articles 2 et 20, d’autre part, du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (UE) no 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, doivent être interprétés en ce sens que :
|
( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 (JO 2012, L 149, p. 4) (ci-après le « règlement no 987/2009 » ou le « règlement d’application »).
( 3 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1 et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement no 465/2012 (ci‑après le « règlement no 883/2004 » ou le « règlement de base »).
( 4 ) Ainsi qu’il est rappelé dans l’arrêt du 2 mars 2023, DRV Intertrans et Verbraeken J. en Zonen (C‑410/21 et C‑661/21, ci-après l’« arrêt DRV Intertrans , EU:C:2023:138, point 42 et jurisprudence citée), « le certificat A 1, qui a remplacé le certificat E 101 prévu par le règlement [(CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO 1972, L 74, p. 1)], correspond à un formulaire type délivré, conformément au titre II du règlement no 987/2009, par l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre dont la législation en matière de sécurité sociale est applicable pour attester, selon les termes, notamment, de l’article 19, paragraphe 2, de ce règlement, de la soumission des travailleurs se trouvant dans l’une des situations visées au titre II du règlement no 883/2004 à la législation de cet État membre ». Voir, par exemple, explications pratiques et modèle d’imprimé disponibles sur le site Internet du Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (France) : https://www.cleiss.fr/reglements/a1.html.
( 5 ) Dans ses observations écrites, le ZUS a précisé que ce certificat avait été délivré le 19 août 2016, qu’il était fondé sur l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, au motif qu’il régit la situation de la personne concernée qui exerçait une activité non salariée dans deux ou plusieurs États membres, et qu’il avait été envoyé à l’institution française compétente.
( 6 ) Le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), la juridiction de renvoi, indique que cette décision a été prise en application de l’article 83a, paragraphe 1, de l’ustawa o systemie ubezpieczeń społecznych (loi sur l’assurance sociale), du 13 octobre 1998 (Dz. U. 2021, position 430).
( 7 ) Voir point 16 des présentes conclusions.
( 8 ) Selon son intitulé, cet article détermine la procédure pour l’application de l’article 11, paragraphe 3, sous b) et d), de l’article 11, paragraphe 4, et de l’article 12 du règlement de base (sur la fourniture d’informations aux institutions concernées).
( 9 ) Voir, également, considérants 10 et 11, ainsi que points 1, 2 et 17 de la décision A1, du 12 juin 2009, concernant l’établissement d’une procédure de dialogue et de conciliation relative à la validité des documents, à la détermination de la législation applicable et au service des prestations au titre du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil (JO 2010, C 106, p. 1) (ci-après la « décision A1 »). Voir, aussi, arrêt du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff [C‑620/15, ci-après l’« arrêt A-Rosa Flussschiff , EU:C:2017:309, point 58, concernant l’article 84 bis, paragraphe 3, du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO 1971, L 149, p. 2), dont les dispositions ont été reprises à l’article 76, paragraphe 6, du règlement no 883/2004].
( 10 ) Paragraphe 2 de cet article. Italique ajouté par mes soins.
( 11 ) Voir arrêt DRV Intertrans (point 46).
( 12 ) Paragraphe 2 dudit article 5.
( 13 ) Voir, en l’occurrence, s’agissant du motif du retrait résultant du fait que la personne concernée ne travaillait pas dans deux États membres différents, point 21 des présentes conclusions.
( 14 ) Le certificat E 101 a été remplacé par le certificat A1. Voir note en bas de page 4 des présentes conclusions.
( 15 ) Voir arrêt DRV Intertrans (points 43 et 52, ainsi que jurisprudence citée).
( 16 ) Voir arrêts du 16 juillet 2020, AFMB e.a. (C‑610/18, EU:C:2020:565, points 72 et 74), ainsi que DRV Intertrans (points 43 et 54 et jurisprudence citée). Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, les effets d’un certificat A1 avaient été suspendus provisoirement par une décision de l’institution émettrice. La Cour a jugé que, eu égard au libellé de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 987/2009, seul le retrait de ce certificat peut le priver de ses effets contraignants (points 48, 49, 51 et 59).
( 17 ) Sur le principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, qui impose à l’institution émettrice de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents pour l’application des règles relatives à la détermination de la législation applicable en matière de sécurité sociale et, partant, de garantir l’exactitude des mentions figurant dans le certificat E 101 (devenu certificat A1), voir arrêt A-Rosa Flussschiff (point 39 et jurisprudence citée). La Cour a aussi jugé que ce principe s’applique, quand bien même la commission administrative a conclu que le certificat avait été émis à tort [voir arrêt du 6 septembre 2018, Alpenrind e.a. (C‑527/16, ci-après l’« arrêt Alpenrind e.a. , EU:C:2018:669, point 64)] ou des juridictions d’un État membre ont été saisies dans le cadre d’une procédure judiciaire diligentée contre un employeur pour des faits de nature à révéler une obtention ou une utilisation frauduleuses de certificats [voir arrêt du 2 avril 2020, CRPNPAC et Vueling Airlines (C‑370/17 et C‑37/18, ci-après l’« arrêt Vueling , EU:C:2020:260, point 86)].
( 18 ) Voir arrêt DRV Intertrans (points 43 et 55). Dans cet arrêt, la Cour a aussi jugé que l’institution émettrice des certificats A1 en cause, saisie d’une demande de retrait dans le cadre de la procédure de dialogue et de conciliation, ne pouvait décider de différer le réexamen de la validité de ces certificats et l’appréciation du régime de sécurité sociale applicable aux travailleurs concernés jusqu’à la clôture de la procédure pénale pendante devant les juridictions de l’État membre dans lequel le travail est effectué (points 27, 53, 55 et 63).
( 19 ) Ce choix législatif pourrait aussi être justifié par le faible nombre de cas à traiter. Voir statistiques dans le rapport de la Commission intitulé « Posting of workers, Report on A1 Portable Documents issued in 2020 », octobre 2021, en particulier, commentaire au point 5 et tableau 20, sous lequel on lit que les cas d’erreurs représentent moins de 0,1 % du nombre de certificats délivrés par les États membres compétents. Voir, également, tableau 22 sur le nombre de certificats retirés. L’analyse est la suivante (sous le tableau 21) : « En chiffres absolus, le plus grand nombre de certificats A1 a été retiré par la Pologne (528 [...]) et la Slovaquie (766 [...]). En termes relatifs (c’est-à-dire en pourcentage du nombre total de certificats délivrés), tous les États membres qui ont fourni des chiffres ont retiré moins de 1 % du nombre total de certificats A1 délivrés en 2020. Par exemple, la Pologne et la Slovaquie ont retiré respectivement 0,1 % et 0,7 % du nombre total de certificats A1 émis en 2020. Néanmoins, il convient de noter que [...] les certificats A1 délivrés en 2019 ou même avant ont pu être retirés en 2020. En ce qui concerne la Pologne, le nombre de certificats A1 retirés a diminué considérablement par rapport à 2019 (de 1197 [...] en 2019 à “seulement” 528 [...] en 2020) » (traduction libre).
( 20 ) Guide pratique élaboré et approuvé par la commission administrative, disponible à l’adresse Internet suivante : https://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=11366&langId=fr (ci-après le « guide pratique »), en particulier p. 27, premier paragraphe, et p. 36, avant-dernier paragraphe.
( 21 ) Ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’arrêt du 11 juillet 2018, Commission/Belgique (C‑356/15, EU:C:2018:555, point 111), la décision A 1 est dépourvue de caractère normatif. Toutefois, selon une jurisprudence constante, cette décision est susceptible de fournir une aide aux institutions de sécurité sociale chargées d’appliquer le droit de l’Union dans ce domaine (voir même arrêt, point 110 et jurisprudence citée).
( 22 ) Voir point 1 de cette décision.
( 23 ) Voir arrêt du 14 mai 2020, Bouygues travaux publics e.a (C‑17/19, EU:C:2020:379, point 40 et jurisprudence citée).
( 24 ) En outre, la Cour a jugé que l’effet contraignant des certificats n’est pas affecté par d’éventuelles irrégularités. Voir arrêt Alpenrind e.a. (point 76).
( 25 ) Voir considérant 10 du règlement no 987/2009 et note en bas de page 34 des présentes conclusions.
( 26 ) En l’occurrence, le ZUS a souligné dans ses observations écrites que le constat de l’absence d’activité en Pologne de TE pendant la période visée dans le certificat A1 qu’il avait délivré n’a suscité aucun doute sur l’obligation de le retirer, dès lors qu’il était fondé sur l’article 13 du règlement no 883/2004. À cet égard, ce cas de figure est très différent de celui dans lequel des difficultés se présentent lors de l’appréciation des activités de la personne concernée. Voir, pour des explications et illustrations concrètes, guide pratique, p. 22 et suiv.
( 27 ) À l’inverse, il faudrait envisager qu’une discussion ait lieu sur la réalité des faits constatés par l’institution qui souhaite retirer le certificat qu’elle a émis à tort, alors qu’elle garantit l’exactitude des mentions qui figurent dans le certificat. Voir note en bas de page 17 des présentes conclusions.
( 28 ) Voir arrêt du 11 juillet 2018, Commission/Belgique (C‑356/15, EU:C:2018:555, point 99 et jurisprudence citée, à rapprocher du point 98).
( 29 ) Italique ajouté par mes soins.
( 30 ) En cas d’avis divergent sur la loi applicable, le second alinéa de cette disposition renvoie à l’article 6 du règlement no 987/2009. Voir, également, considérant 8 et point 1, sous b), de la décision A1.
( 31 ) Italique ajouté par mes soins.
( 32 ) Voir, en ce sens, article 76, paragraphe 6, du règlement no 883/2004 et considérant 2 du règlement no 987/2009. S’agissant des cas dans lesquels la Cour s’est prononcée en considération de la rapidité des actions de chaque institution ou autorité concernée et des situations dans lesquelles les délais étaient déraisonnables, voir arrêts du 6 février 2018, Altun e.a. (C‑359/16, EU:C:2018:63, points 55, 59 et 60), ainsi que Vueling (points 80 et 81, ainsi que points 85 et 86).
( 33 ) Sur le rôle de cette commission administrative, voir arrêt Alpenrind e.a. (points 58 et suiv., en particulier points 59 et 60, ainsi que point 62, s’agissant de la limitation de son rôle à la recherche d’une conciliation des points de vue des autorités compétentes des États membres qui l’ont saisie).
( 34 ) En l’occurrence, selon les observations écrites du ZUS, le certificat, émis le 19 août 2016, a été retiré le 1er décembre 2017, moins de trois mois après les premières constatations révélant de nouveaux éléments relatifs à la situation de l’intéressé.
( 35 ) Voir arrêt du 6 février 2018, Altun e.a. (C‑359/16, EU:C:2018:63, points 36 et 39).
( 36 ) Voir article 5, paragraphe 1, et article 19, paragraphe 2, du règlement no 987/2009, ainsi que arrêt Alpenrind e.a. (point 75). Voir, également, sur le rappel que les faits sont à la base de la délivrance d’un certificat, arrêt A-Rosa Flussschiff (point 57).
( 37 ) Voir, en ce sens, arrêt A-Rosa Flussschiff (point 38). Sur le rappel que les règles de conflit édictées par le règlement no 883/2004 ont pour seul objet de déterminer la législation applicable aux personnes qui se trouvent dans l’une des situations visées par les dispositions fixant ces règles et que, en tant que telles, elles n’ont pas pour objet de déterminer les conditions de l’existence du droit ou de l’obligation de s’affilier à un régime de sécurité sociale déterminé, voir arrêt du 15 septembre 2022, Rechtsanwaltskammer Wien (C‑58/21, EU:C:2022:691, point 50 et jurisprudence citée). À rapprocher du considérant 17 bis du règlement no 883/2004 et de la jurisprudence constante de la Cour rappelant que l’application du système de règles de conflit de lois instauré par ce règlement ne dépend que de la situation objective dans laquelle se trouve le travailleur intéressé [voir arrêt du 16 juillet 2020, AFMB e.a. (C‑610/18, EU:C:2020:565, point 54)].
( 38 ) Cette situation doit donc être distinguée de celle dans laquelle l’institution compétente de l’État membre d’accueil écarterait unilatéralement des certificats E 101 ou A1 émis par l’institution compétente d’un autre État membre, au motif de la seule présence d’indices concrets de l’existence d’une fraude. Voir arrêt Vueling (point 68).
( 39 ) Sur les conséquences concrètes à envisager, voir, à titre d’illustration, Morsa, M., « Retrait des documents A1 dans le cadre d’une procédure pénale et recours introduit par le prévenu devant une juridiction administrative dans l’État membre d’établissement », Droit pénal de l’entreprise, Larcier, Bruxelles, 2021, no 4, p. 352 à 362, en particulier p. 361, point 23. S’agissant des difficultés administratives liées au remboursement des cotisations déjà acquittées et au recouvrement de toute prestation déjà octroyée aux travailleurs concernés, voir conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Alpenrind e.a. (C‑527/16, EU:C:2018:52, point 20 et note en bas de page 13). Voir, sur l’obligation de prévenir tout risque que des personnes entrant dans le champ d’application du règlement no 883/2004 soient privées de protection en matière de sécurité sociale, faute de législation qui leur serait applicable, arrêt du 3 juin 2021, TEAM POWER EUROPE (C‑784/19, EU:C:2021:427, point 32).
( 40 ) Voir considérants 1 et 45 du règlement no 883/2004 et 23 du règlement no 987/2009. Voir arrêts du 3 juin 2021, TEAM POWER EUROPE (C‑784/19, EU:C:2021:427, point 58, ainsi que jurisprudence citée), et DRV Intertrans (point 58).
( 41 ) Voir arrêt DRV Intertrans (points 56 et 57).
( 42 ) Outre les circonstances de l’affaire au principal, la règle énoncée à l’article 14, paragraphe 10, du règlement no 987/2009, selon laquelle, dans certains cas, pour déterminer la législation applicable, les institutions concernées tiennent compte de la situation future prévue pour les douze mois civils à venir, favorise l’émergence de motifs de révision. Voir guide pratique, p. 28 (par analogie avec le cas d’espèce avant exemple 3) et p. 36.
( 43 ) Sur cet effet, en cas d’affiliation provisoire, voir article 6, paragraphe 4, du règlement no 987/2009.
( 44 ) Voir arrêt Alpenrind e.a. (points 70 et 71 et jurisprudence citée).
( 45 ) Voir arrêt Vueling (point 69). S’agissant, en cas de fraude, des difficultés de recouvrement des sommes dues et celles inhérentes à l’attente de la décision de retrait du certificat A1, voir Emeriau, A., « Le travail détaché en Europe : concurrence sociale déloyale ou garantie d’un socle minimal de protection ? », Informations sociales, Caisse nationale d’allocations familiales, Paris, 2021, no 203-204, p. 144 à 152, en particulier p. 150.
( 46 ) Voir points 30 à 32 des présentes conclusions.
( 47 ) Voir note en bas de page 40 des présentes conclusions.
( 48 ) Italique ajouté par mes soins.
( 49 ) Sur les principes de protection du travailleur et de sécurité juridique dans le cadre de la liberté de circulation, voir note en bas de page 40 des présentes conclusions.
( 50 ) Pour mémoire, en raison de l’obligation de l’autorité émettrice de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents pour appliquer les règlements nos 883/2004 et 987/2009 et de garantir l’exactitude des mentions figurant dans le certificat, voir note en bas de page 17 des présentes conclusions. Sur l’absence de désaccord potentiel résultant du caractère manifestement erroné de la situation attestée, voir note en bas de page 27 des présentes conclusions.
( 51 ) En raison du principe de coopération loyale, voir point 35 des présentes conclusions.
( 52 ) Voir, sur le principe d’efficacité et de rapidité, point 40 des présentes conclusions. Voir, également, sur le flux des demandes de vérification, rapport de la Commission cité à la note en bas de page 19 des présentes conclusions, en particulier, sous tableau 22.
( 53 ) Voir article 5 et article 19, paragraphe 2, du règlement no 987/2009, ainsi que note en bas de page 4 des présentes conclusions.
( 54 ) Voir, en ce sens, arrêt Alpenrind e.a. (point 76), du fait du retrait du certificat A1.
( 55 ) Voir points 45 et 47 des présentes conclusions. Je note, à cet égard, qu’aucune indication n’est fournie concernant le cas d’espèce.
( 56 ) Voir, à cet égard, rapport cité à la note en bas de page 19 des présentes conclusions, p. 51, tableau 23. Voir, également, Morsa, M., op. cit., p. 362, point 25.
( 57 ) Voir arrêt DRV Intertrans (points 27 et 57).
( 58 ) Voir, aussi, rapport cité à la note en bas de page 19 des présentes conclusions, p. 51, tableau 23.
( 59 ) Voir articles 8 des règlements nos 883/2004 et 987/2009, ainsi que considérant 8 de ce dernier règlement. Voir, pour une illustration de la coopération dans le cadre de la lutte contre la fraude, Emeriau, A., op. cit., p. 149, et Morsa, M., op. cit., p. 361, point 24.
( 60 ) Voir points 29 et 34 à 36 des présentes conclusions.
( 61 ) Voir, en ce sens, arrêt Alpenrind e.a. (point 61).
( 62 ) Voir guide pratique, p. 36, in fine, et 37.