CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. JEAN RICHARD DE LA TOUR
présentées le 13 juillet 2023 ( 1 )
Affaire C‑392/22
X
contre
Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid
[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Den Haag, zittingsplaats ’s-Hertogenbosch (tribunal de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc, Pays-Bas)]
« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Système de Dublin – Règlement (UE) no 604/2013 – Transfert du demandeur d’asile vers l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale – Article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa – Impossibilité d’exécuter le transfert en raison de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs – Portée – Refoulements sommaires aux frontières extérieures et mesures de placement en rétention aux postes-frontières – Régime de preuve applicable – Devoir et portée de la coopération entre le demandeur et l’autorité compétente »
I. Introduction
1. |
Le présent renvoi préjudiciel soulève une nouvelle fois la question de la portée de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (UE) no 604/2013 ( 2 ), en vertu duquel, lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur de protection internationale vers l’État membre initialement désigné comme responsable de l’examen de sa demande (ci-après l’« État membre responsable »), parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile, exposant ce dernier à un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 3 ), l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. |
2. |
Ce renvoi a été présenté dans le cadre d’un litige opposant X, ressortissant syrien, au Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas) (ci-après le « secrétaire d’État »), au sujet de la décision de ce dernier de ne pas procéder à l’examen de sa demande de protection internationale, l’État membre responsable à cette fin étant la République de Pologne. X s’oppose à l’exécution de son transfert vers cet État membre au motif qu’il a fait l’objet de refoulements sommaires aux frontières extérieures de la Pologne, puis d’un placement en rétention prétendument illégal au poste-frontière de cet État membre, dans des conditions ne répondant pas de surcroît à ses besoins. |
3. |
Dans la présente affaire, la Cour est appelée à apporter une nouvelle pierre à son édifice. En effet, si elle a dégagé le principe sur lequel repose l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III dans l’arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. ( 4 ), elle a, par la suite, précisé sa portée dans les arrêts du 16 février 2017, C. K. e.a. ( 5 ) et du 19 mars 2019, Jawo ( 6 ). La présente affaire se distingue de ces précédents jurisprudentiels dans la mesure où le transfert serait rendu impossible en raison de la commission, par l’État membre normalement responsable, de violations graves et systématiques des droits fondamentaux des ressortissants de pays tiers à ses frontières. |
4. |
Dans le cadre de la présente analyse, j’exposerai, tout d’abord, les raisons pour lesquelles je considère que les pratiques visées au point 2 des présentes conclusions ne permettent pas, à elles seules, de considérer qu’il existe un motif sérieux et avéré de croire que le demandeur de protection internationale encourrait, en cas de transfert vers l’État membre normalement responsable, un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte au cours de l’examen de sa demande de protection internationale et à l’issue de celui-ci. |
5. |
Ensuite, j’expliquerai que, dans ces circonstances, l’autorité compétente est tenue d’exécuter la décision de transfert sans procéder, au préalable, à des vérifications ou requérir auprès de l’État membre normalement responsable la communication d’informations complémentaires ou la fourniture de garanties individuelles quant aux conditions d’accueil et de prise en charge du demandeur. |
6. |
Enfin, je préciserai, à l’aune des principes que la Cour a déjà dégagés dans sa jurisprudence, le régime de preuve ainsi que les modalités de la coopération devant présider à l’établissement d’un risque de traitement inhumain ou dégradant du demandeur dans le contexte de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III. |
II. Le cadre juridique
7. |
Les considérants 19, 32 et 39 du règlement Dublin III énoncent :
[...]
[...]
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8. |
L’article 3 de ce règlement, intitulé « Accès à la procédure d’examen d’une demande de protection internationale », dispose : « 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l’examen. Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la [Charte], l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu’il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable devient l’État membre responsable. [...] » |
III. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles
9. |
Le requérant, un ressortissant syrien né en 1992, a introduit une demande de protection internationale en Pologne le 9 novembre 2021. Le 21 novembre 2021, il s’est rendu aux Pays-Bas où il a introduit une nouvelle demande de protection internationale le 22 novembre 2021. Le 20 janvier 2022, le Royaume des Pays-Bas a demandé à la République de Pologne de reprendre en charge le requérant sur le fondement de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement Dublin III. Le 1er février 2022, la République de Pologne a accepté sa reprise en charge sur la base de l’article 18, paragraphe 1, sous c), de ce règlement. Par décision du 20 avril 2022, le secrétaire d’État n’a pas pris en considération la demande de protection internationale présentée par le requérant. |
10. |
Ce dernier a introduit un recours contre cette décision devant le rechtbank Den Haag, zittingsplaats ’s-Hertogenbosch (tribunal de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc, Pays-Bas), la juridiction de renvoi, et a sollicité dans le même temps des mesures provisoires du juge des référés. Le 3 juin 2022, ce dernier a accordé les mesures sollicitées et a interdit le transfert du requérant vers la Pologne tant qu’il n’aura pas été statué sur le recours. |
11. |
Le requérant soutient que les autorités polonaises ont violé ses droits fondamentaux et il craint, dès lors, que ce soit de nouveau le cas à la suite de son transfert vers la Pologne. À cet égard, il déclare avoir été éloigné du territoire de l’Union vers la Biélorussie par les autorités polonaises à trois reprises après son entrée en Pologne au moyen d’une procédure dite de « pushback ». Cette procédure porterait atteinte à la dignité humaine, ce qui constituerait, au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, un obstacle absolu à un transfert réalisé sur le fondement du règlement Dublin III ( 7 ). Le requérant a étayé ses déclarations en se référant à des rapports d’organisations non gouvernementales (ONG) ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour, de la Cour européenne des droits de l’homme et des juridictions nationales. Le requérant dénonce également la manière dont les autorités polonaises l’ont traité à la frontière, où il n’aurait notamment pas bénéficié de l’aide d’un interprète pour obtenir des explications ou des informations. Il aurait néanmoins reçu un document en langue arabe expliquant le règlement Dublin III. Sur les conseils d’une organisation, il aurait accepté la prise de ses empreintes digitales. Le requérant se plaint, en outre, des conditions dans lesquelles il aurait été placé en rétention à la suite de l’introduction de sa demande de protection internationale, puisqu’il aurait manqué de nourriture et n’aurait pas bénéficié d’un contrôle médical. Enfin, le requérant affirme que le pouvoir judiciaire en Pologne n’est pas indépendant et a demandé à la juridiction de renvoi de poser à la Cour les mêmes questions préjudicielles que celles qui avaient été adressées dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du président de la Cour du 20 mai 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid ( 8 ). |
12. |
Le secrétaire d’État estime, en revanche, qu’il peut se fonder pleinement sur le principe de confiance mutuelle à l’égard de la République de Pologne, de sorte qu’il peut être supposé que le requérant ne se trouvera pas dans une situation contraire à l’article 4 de la Charte après son transfert dans cet État membre. Il précise que la pratique du « pushback » n’est pas pertinente aux fins de l’appréciation de la légalité de la décision de transfert dans la mesure où le requérant ne sera pas exposé à cette pratique une fois son transfert réalisé. En outre, il souligne que ce dernier n’a pas démontré que la situation dans laquelle il se trouvera, après son transfert en Pologne, atteindra le seuil particulièrement élevé de gravité défini par la Cour dans l’arrêt Jawo. |
13. |
Le secrétaire d’État indique, enfin, qu’il ne voit aucune raison d’user de la clause discrétionnaire que lui confère l’article 17 du règlement Dublin III en examinant spontanément la demande de protection internationale du requérant. |
14. |
La juridiction de renvoi estime qu’il lui appartient de se prononcer sur la mesure dans laquelle les violations des droits fondamentaux des ressortissants de pays tiers découlant des pratiques de « pushback » et les mesures de rétention illégale commises par l’État membre normalement responsable affectent le principe de confiance mutuelle entre les États membres. |
15. |
Dans ces conditions, le rechtbank Den Haag, zittingsplaats ’s-Hertogenbosch (tribunal de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
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16. |
Des observations écrites ont été déposées par le requérant, par les gouvernements néerlandais, belge, tchèque, allemand, italien, hongrois, autrichien et polonais ainsi que par la Commission européenne. |
IV. Analyse
A. Sur la portée de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III (première et deuxième questions)
17. |
Je propose à la Cour d’examiner conjointement les première et deuxième questions préjudicielles. |
18. |
D’une part, par la première question, la Cour est invitée à préciser si l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’exécution d’une décision de transfert d’un demandeur lorsqu’il est établi que l’État membre normalement responsable a commis à son égard des « violations graves et systématiques du droit de l’Union » avant l’adoption d’une telle décision. Si cette question est formulée dans des termes particulièrement larges, il ressort d’une manière manifeste de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi concentre ses interrogations sur deux types de pratiques auxquelles semble recourir cet État membre lorsque les ressortissants de pays tiers tentent ou viennent de franchir ses frontières extérieures, à savoir la pratique des refoulements sommaires et les mesures de placement en rétention aux postes-frontières. |
19. |
Je relève donc d’emblée que cette question ne s’inscrit pas dans un cas de figure où le demandeur fait valoir l’existence de circonstances exceptionnelles qui lui sont propres, telle qu’une vulnérabilité particulière, cas de figure que la Cour a visé au point 95 de l’arrêt Jawo et qu’elle a examiné dans l’arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a. ( 9 ). |
20. |
D’autre part, par la deuxième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour de préciser, dans l’hypothèse où cette dernière considérerait que ces pratiques ne s’opposent pas à l’exécution de la décision de transfert, la mesure dans laquelle l’autorité compétente est tenue de s’assurer que le demandeur ne sera pas exposé à un risque de traitement inhumain ou dégradant en raison de ce transfert. |
1. Sur l’étendue et les modalités de l’appréciation relative à l’existence d’un risque de traitement inhumain ou dégradant en raison de l’exécution du transfert
21. |
En vertu de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III, un demandeur de protection internationale ne peut être transféré vers l’État membre normalement responsable s’il existe de sérieuses raisons de croire qu’il courra un risque de traitement inhumain ou dégradant, au sens de l’article 4 de la Charte, en raison de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs dans cet État membre. Cette disposition codifie la jurisprudence que la Cour a dégagée dans l’arrêt N. S. e.a. |
22. |
Dans l’arrêt Jawo, la Cour a étendu la portée du contrôle auquel doit procéder la juridiction saisie d’un recours contre une décision de transfert au motif que le système européen commun d’asile et le principe de confiance mutuelle reposent sur l’assurance que « l’application de ce système n’entraîne, à aucun stade et sous aucune forme, un risque sérieux de violations de l’article 4 de la Charte » ( 10 ), cet article énonçant une interdiction des traitements inhumains et dégradants de caractère général et absolu ( 11 ). Par conséquent, ce contrôle doit porter autant sur le risque de traitement inhumain ou dégradant que le demandeur court au moment du transfert que sur celui auquel il est exposé en tant que demandeur pendant la procédure d’examen de sa demande, puis, à l’issue de celle-ci, soit en tant que bénéficiaire du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire ( 12 ), soit en tant que ressortissant de pays tiers en attente d’éloignement en cas de refus d’octroi d’une protection internationale ( 13 ). |
23. |
La Cour met à la charge de l’autorité compétente un contrôle qui comporte deux étapes. |
24. |
La première étape consiste à évaluer le risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants encouru par le demandeur sur la base d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés. Ces éléments doivent lui permettre d’apprécier le fonctionnement du système de protection internationale dans l’État membre responsable et, en particulier, la réalité de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes ( 14 ) dans l’accueil et la prise en charge des demandeurs, et, le cas échéant, le caractère adéquat et suffisant des garanties individuelles que cet État membre peut offrir. Ces éléments peuvent résulter notamment de décisions judiciaires internationales, telles que des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi que de décisions, de rapports et d’autres documents établis par les organes du Conseil de l’Europe ou relevant du système des Nations unies, ou bien encore des rapports réguliers et concordants d’ONG internationales. Il est intéressant de noter, à cet égard, que, selon la Cour européenne des droits de l’homme, les autorités compétentes « sont en principe réputées avoir connaissance des défaillances générales abondamment décrites dans des rapports fiables émanant notamment du [Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés], du Conseil de l’Europe et des organes de l’Union européenne » ( 15 ). |
25. |
Quant aux critères au regard desquels l’autorité compétente doit procéder à cette appréciation, la Cour a jugé que, pour relever de l’article 4 de la Charte, ces défaillances doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause ( 16 ). Selon la Cour, ce seuil est atteint dans des situations qui se caractérisent par un dénuement matériel extrême de l’intéressé, qui ne permettrait pas à ce dernier de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou le mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine ( 17 ). Ledit seuil ne couvrirait donc pas des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de l’intéressé ( 18 ). |
26. |
La seconde étape de ce contrôle doit permettre à l’autorité compétente d’apprécier, de manière concrète et précise, s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée courra ce risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants en raison du traitement qui lui sera accordé lors de l’examen de sa demande et à l’issue de celui-ci. Cette appréciation nécessite une évaluation individuelle et prospective du risque auquel elle sera exposée. |
2. Sur les effets des refoulements sommaires de ressortissants de pays tiers et des mesures de placement en rétention des demandeurs aux postes-frontières sur la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III
27. |
En l’occurrence, les arguments du requérant se rapportent non pas à l’existence de circonstances exceptionnelles qui lui seraient propres, mais plutôt à l’existence de violations ou de carences dans la mise en œuvre par l’État membre normalement responsable des procédures d’accueil des ressortissants de pays tiers et des demandeurs de protection internationale à ses frontières. Comme l’indique la juridiction de renvoi, le requérant se plaint, d’une part, d’avoir fait l’objet de plusieurs refoulements sommaires à la frontière extérieure de la Pologne avant l’introduction de sa demande de protection internationale et, d’autre part, du traitement qui lui a été réservé lors de son entrée sur le territoire polonais et de l’introduction de sa demande de protection internationale, ce dernier ayant été placé en rétention au poste-frontière. La juridiction de renvoi souligne, à cet égard, que le recours à ces deux pratiques sont attestées par des informations objectives, fiables, précises et dûment actualisées. |
28. |
Je ne pense pas que ces arguments, quand bien même ils seraient attestés par de telles informations, soient suffisants pour écarter la mise en œuvre du principe de confiance mutuelle et, ainsi, faire obstacle à l’exécution de la décision de transfert adoptée en application de l’article 29 du règlement Dublin III. |
29. |
En effet, lesdits arguments, en tant qu’ils concernent des pratiques relatives aux conditions de franchissement des frontières extérieures d’un État membre et d’introduction des demandes de protection internationale à ces frontières, ne permettent pas de témoigner des conditions de prise en charge prévisibles du demandeur en cas de transfert dans cet État membre. |
30. |
S’agissant de la pratique des refoulements sommaires des ressortissants de pays tiers depuis la frontière d’un État membre, une telle pratique constitue, à l’évidence, une atteinte grave aux droits fondamentaux de ces derniers. Quel que soit le statut juridique de l’intéressé, le principe de non-refoulement, qui est inscrit à l’article 78, paragraphe 1, TFUE ainsi qu’aux articles 18 et 19 de la Charte, est une composante essentielle de l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Ce principe interdit l’éloignement, l’expulsion ou bien encore l’extradition non seulement vers un pays où une personne pourrait être exposée à un risque de persécution ou d’atteinte grave (refoulement direct), mais aussi vers un pays où elle courrait un risque grave d’éloignement ultérieur vers ledit pays (refoulement indirect). |
31. |
La Cour européenne des droits de l’homme examine la légalité de cette pratique, que l’on trouve également désignée par les termes d’« expulsion sommaire » ou bien encore de « renvoi forcé », dans le contexte de l’article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( 19 ) ou de l’article 4 du protocole à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnaissant certains droits et libertés autres que ceux figurant déjà dans la convention et dans le premier protocole additionnel à la convention ( 20 ), tel qu’amendé par le protocole no 11, intitulé « Interdiction des expulsions collectives d’étrangers » ( 21 ). Elle la rattache à l’expulsion, laquelle désigne tout éloignement forcé d’un ressortissant de pays tiers du territoire d’un État, indépendamment de la légalité du séjour de la personne concernée, du temps qu’elle a passé sur ce territoire, du lieu où elle a été appréhendée, de sa qualité de migrant ou de demandeur d’asile ou de son comportement lors du franchissement de la frontière ( 22 ). Le ressortissant de pays tiers se voit privé, de fait, de la possibilité d’accéder au territoire de l’État. Or, cet accès est un préalable indispensable à la mise en œuvre d’une procédure d’identification et d’évaluation des besoins particuliers des personnes les plus vulnérables. Certains ressortissants de pays tiers peuvent, dès lors, se trouver dans l’impossibilité d’introduire une demande de protection internationale. |
32. |
Dans ce contexte, je pense que la pratique des refoulements sommaires depuis la frontière d’un État membre affecte le bon fonctionnement du système européen commun d’asile dans sa dimension extérieure, en tant qu’elle ne garantit pas l’accès à une protection internationale. |
33. |
Pour autant, le fait que l’État membre normalement responsable rencontre des difficultés majeures dans le cadre de la gestion intégrée de ses frontières et de l’application du règlement (CE) no 562/2006 ( 23 ), le conduisant à adopter des pratiques à la frontière susceptibles de violer les droits fondamentaux des personnes concernées, ne saurait constituer à lui seul un motif sérieux et avéré de croire que le demandeur de protection internationale encourrait, en cas de transfert vers cet État membre, un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte au cours de l’examen de sa demande de protection internationale et à l’issue de celui-ci ( 24 ). Ainsi que le souligne le secrétaire d’État devant la juridiction de renvoi, la pratique des refoulements sommaires n’est pas pertinente aux fins de l’appréciation de la légalité de la décision de transfert dans la mesure où le requérant ne sera pas exposé à cette pratique une fois son transfert réalisé. |
34. |
La nature et la gravité du risque de traitement inhumain ou dégradant qu’encourt le demandeur en raison de son transfert vers l’État membre normalement responsable doivent être appréciées au regard de données précises relatives aux défaillances ou aux carences que cet État membre connaît dans des situations objectivement comparables à celles dans laquelle ce demandeur est appelé à se trouver à la suite de l’exécution de ce transfert en sa qualité de demandeur pendant la procédure d’examen de sa demande, puis en sa qualité soit de bénéficiaire du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire à l’issue de cette procédure, soit en sa qualité de ressortissant de pays tiers en voie d’éloignement en cas de rejet de sa demande ( 25 ). Les indications relatives aux pratiques auxquelles recourt l’État membre normalement responsable lors des tentatives de franchissement de ses frontières extérieures ou lors de l’introduction à ses frontières des demandes de protection internationale ne permettent pas de présumer du traitement qui sera accordé à l’intéressé dans la suite de la procédure d’examen de sa demande et à l’issue de celle-ci. Quand bien même ces indications témoigneraient de l’existence de violations graves des droits fondamentaux des ressortissants de pays tiers, celles-ci ne devraient pas être considérées comme des données pertinentes aux fins de l’appréciation du risque de traitement inhumain ou dégradant à laquelle doit procéder l’autorité compétente sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III, au risque de paralyser le fonctionnement de ce règlement. |
35. |
Cette conclusion s’impose également s’agissant des carences que rencontrerait l’État membre normalement responsable dans le traitement des ressortissants de pays tiers lors du franchissement des frontières et l’accueil des demandeurs de protection internationale placés en rétention aux postes-frontières. Ces carences concernent des situations qui ne sont pas comparables à celle dans laquelle le demandeur faisant l’objet d’une décision de transfert est appelé à se trouver, en raison tant du statut du ressortissant de pays tiers que du corpus juridique applicable. En l’absence de données attestant de l’existence de défaillances systémiques ou généralisées, ou affectant un certain groupe de personnes dans la mise en œuvre de la directive 2013/33 et, en particulier, dans l’accès aux conditions matérielles d’accueil, ces considérations ne sont pas non plus suffisantes pour constituer un motif sérieux et avéré de croire que la personne concernée encourrait, en cas de transfert vers cet État membre, un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants pendant l’examen de sa demande de protection internationale ou à l’issue de celui-ci, en se trouvant notamment dans une situation de dénuement matériel extrême ( 26 ). |
36. |
En conclusion, en l’absence d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés de nature à démontrer l’existence, dans l’État membre normalement responsable, de défaillances systémiques ou généralisées affectant le régime de la protection internationale ou de défaillances affectant la prise en charge et le traitement d’un groupe objectivement identifiable de personnes auquel appartiendrait le demandeur, il n’existe pas de raison valable, pour l’autorité compétente, de présumer que le traitement qui sera accordé à ce dernier, pendant la procédure d’examen de sa demande et à l’issue de celle-ci, l’exposera à un risque de traitement inhumain ou dégradant. Cette autorité est, au contraire, tenue de fonder son appréciation sur le fait que les droits fondamentaux, en ce compris ceux trouvant leur fondement dans la convention relative au statut des réfugiés ( 27 ), telle que complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés ( 28 ) ainsi que dans la CEDH ( 29 ), seront respectés, conformément au principe de confiance mutuelle. |
37. |
Dans ces circonstances, l’autorité compétente ne saurait donc être autorisée à exiger de l’État membre normalement responsable qu’il fournisse des renseignements complémentaires ou des garanties individuelles quant aux conditions d’accueil et de vie du demandeur au cours de l’examen de sa demande et à l’issue de celui-ci, sauf à méconnaître le principe de confiance mutuelle que doivent se porter les États membres et sur lequel repose le système européen commun d’asile. En outre, de telles démarches, en tant qu’elles requerraient un temps supplémentaire, ne permettraient pas de garantir la détermination rapide de l’État membre responsable et la célérité du traitement des demandes, qui sont pourtant des objectifs que cherche à atteindre le législateur de l’Union dans le cadre du règlement Dublin III ( 30 ). |
38. |
Au vu de ces éléments, j’estime que l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III, lu à la lumière de l’article 4 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’exécution d’une décision de transfert d’un demandeur de protection internationale qui a fait l’objet de refoulements sommaires à la frontière extérieure de l’État membre qui, conformément à ce règlement, est normalement responsable de l’examen de sa demande, ainsi que d’une mesure de placement en rétention prétendument illégale au poste-frontière de cet État membre, pour autant que l’autorité compétente ne dispose pas d’éléments de nature à démontrer qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que ce dernier serait exposé à un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants pendant l’examen de sa demande et à l’issue de celui-ci en raison de son transfert vers ledit État membre. |
39. |
En l’absence de tels éléments, l’autorité compétente est tenue d’exécuter la décision de transfert, conformément à l’article 29 dudit règlement, sans procéder, au préalable, à des vérifications ou requérir de l’État membre normalement responsable la communication de renseignements supplémentaires ou la fourniture de garanties individuelles quant au traitement qui sera accordé à l’intéressé pendant la procédure d’examen de sa demande de protection internationale et à l’issue de celle-ci. |
B. Sur le régime de preuve et l’obligation de coopération applicables dans le cadre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III (troisième et quatrième questions)
40. |
Je propose à la Cour de traiter conjointement les troisième et quatrième questions préjudicielles. |
41. |
Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, d’une part, à la Cour de préciser le régime de preuve applicable dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III. Elle s’interroge, en particulier, sur les moyens de preuve ainsi que sur le niveau de preuve requis aux fins de l’établissement d’un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte résultant d’un transfert vers l’État membre normalement responsable. |
42. |
D’autre part, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’existence d’un devoir de coopération incombant à l’autorité compétente aux fins de l’établissement d’un tel risque et, le cas échéant, sur la portée de celui-ci. Dans ce contexte, elle invite la Cour à préciser la mesure dans laquelle l’autorité compétente a l’obligation de procéder à des vérifications quant à l’existence d’un risque de traitement inhumain ou dégradant dans l’État membre normalement responsable ou d’exiger des garanties individuelles en cas de violations graves et structurelles des droits fondamentaux par ce dernier. |
43. |
Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’influence de l’absence de protection juridique effective dans l’État membre normalement responsable sur le régime de preuve ou les modalités de la coopération établis dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III. |
1. Sur le régime de preuve applicable dans le cadre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III
44. |
Le législateur de l’Union ne réglemente pas le régime de preuve applicable dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III. Je pense néanmoins que l’économie de ce règlement ainsi que les règles que la Cour a posées dans sa jurisprudence permettent de dégager les principes sur lesquels ce régime doit reposer. |
45. |
Premièrement, l’appréciation qui doit être menée en application de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit règlement exige que le demandeur ait l’opportunité de présenter tous les éléments en sa possession qui concourent à l’établissement de l’existence d’un risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de transfert vers l’État membre normalement responsable. |
46. |
Le demandeur doit disposer de cette opportunité au stade de l’entretien individuel et, le cas échéant, du recours introduit contre la décision de transfert. |
47. |
L’entretien individuel fait partie des principes généraux et des garanties énoncés au chapitre II du règlement Dublin III. L’article 5, paragraphe 1, de ce règlement exige de l’autorité compétente qu’elle procède à un entretien individuel avec le demandeur afin de faciliter le processus de détermination de l’État membre responsable et de veiller à ce que ce demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l’article 4 dudit règlement. Cet entretien doit avant tout être l’occasion pour le demandeur de formuler des déclarations circonstanciées et/ou de fournir tous les éléments de preuve et indices visés à l’article 21, paragraphe 3, et à l’article 22, paragraphe 3, du même règlement qui permettent de présumer la responsabilité d’un État membre et sur lesquels la requête aux fins de prise en charge est introduite ( 31 ). Ces éléments de preuve et ces indices se rapportent à l’application des critères de détermination de l’État membre responsable énumérés au chapitre III du règlement Dublin III, ce qui ne couvre pas le « critère d’exclusion » énoncé à l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement ( 32 ). Toutefois, rien ne s’oppose, à mon sens, à ce que cet entretien individuel soit également l’occasion pour le demandeur d’exposer ses craintes et de communiquer, le cas échéant, les éléments susceptibles de démontrer l’existence d’un risque de traitement inhumain ou dégradant dans l’hypothèse où son transfert éventuel vers un autre État membre serait envisagé. En effet, les termes de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement sont suffisamment larges pour permettre cette interprétation qui, en outre, participe à la réalisation de l’objectif que poursuit le législateur de l’Union lorsqu’il exige qu’un entretien individuel soit mené, à savoir renforcer les droits des demandeurs et les associer le mieux possible au processus de détermination de l’État membre responsable ( 33 ). Enfin, cette interprétation me semble confortée par les principes que la Cour a dégagés dans les arrêts du 19 mars 2019, Ibrahim e.a. ( 34 ), et du 16 juillet 2020, Addis ( 35 ), relatifs à l’appréciation du risque sérieux de subir un traitement inhumain et dégradant auquel serait exposé le demandeur en cas de renvoi dans l’État membre dans lequel il bénéficie déjà d’une protection internationale. Je renvoie, à cet égard, aux points 55 à 57 des présentes conclusions. |
48. |
Après l’adoption d’une décision de transfert, le demandeur peut évoquer les raisons pour lesquelles un tel transfert risque de l’exposer à un traitement inhumain ou dégradant dans le cadre du recours qu’il peut introduire contre cette décision en vertu de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III. La présente affaire en est une illustration. |
49. |
S’agissant, deuxièmement, des éléments de preuve que ce dernier doit communiquer, la Commission a exposé, dans ses observations, que, au regard de l’arrêt Jawo, « le demandeur doit fournir des éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés indiquant l’existence de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes et atteignant un seuil particulièrement élevé de gravité ». |
50. |
Je ne partage pas cette analyse. |
51. |
D’une part, il me semble que cette interprétation aboutit à faire supporter au demandeur une charge de la preuve excessive au regard des difficultés auxquelles il peut être confronté dans l’établissement des preuves et, en particulier, des ressources dont il dispose. |
52. |
Je conviens qu’il appartient, en principe, au demandeur de produire des éléments susceptibles de démontrer qu’il y a des raisons sérieuses de penser que, si la décision de transfert était exécutée, il serait exposé à un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants. Toutefois, je pense qu’il est nécessaire d’être prudent quant aux exigences relatives à la nature et au niveau de preuve requis, puisqu’elles dépendent des circonstances de chaque cas d’espèce. Ainsi, je partage l’observation du gouvernement polonais selon lequel l’absence de tout document corroborant la déclaration du demandeur ne saurait préjuger à elle seule du défaut de sa force probante. En effet, certains demandeurs sont en mesure d’exposer, de façon concrète, leurs craintes en fournissant des informations pertinentes, voire des preuves documentaires, concernant les conditions de leur prise en charge parce qu’ils ont séjourné, en cette qualité, sur le territoire de l’État membre normalement responsable avant de le quitter. D’autres, en revanche, sont dans l’incapacité de soumettre des preuves au soutien de leurs déclarations et, s’ils en disposent, de communiquer les plus pertinentes. À cet égard, le gouvernement néerlandais souligne, dans ses observations, que le demandeur peut communiquer les informations disponibles sur l’État membre concerné, tels que les rapports établis par l’Asylum Information Database (AIDA) ou les accords de coopération conclus entre cet État membre et l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) ou bien encore les rapports des organisations de défense des droits de l’homme. Si, au stade du recours contre une décision de transfert, certains demandeurs peuvent effectivement user des moyens que leur offre leur assistance juridique et linguistique, je ne suis pas convaincu que, dans la majorité des cas, ils aient nécessairement connaissance des sources d’informations utiles relatives au respect, dans un État membre, des droits fondamentaux des demandeurs et, le cas échéant, les moyens d’y accéder. |
53. |
Dans ces circonstances, si l’on peut exiger du demandeur qu’il démontre à suffisance la réalité propre à sa situation personnelle, par la nature et la portée de ses déclarations et, le cas échéant, par les preuves documentaires ou les indices qu’il aurait en sa possession, on ne peut, en revanche, pas attendre de lui qu’il communique des données objectives, fiables, précises et dûment actualisées permettant de démontrer l’existence de défaillances dans l’État membre normalement responsable ainsi que le degré de gravité du risque qu’il encourt. De telles démarches relèvent, à mon sens, de la responsabilité de l’autorité compétente qui est seule en mesure de procéder à l’appréciation juridique que requiert la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III. |
54. |
D’autre part, je ne vois aucune raison justifiant que le demandeur supporte une charge de la preuve plus lourde que celle qui est la sienne lorsqu’il doit démontrer qu’il court un risque de traitements contraires à l’article 4 de la Charte, en cas de renvoi dans l’État membre dans lequel il bénéficie déjà d’une protection internationale. |
55. |
Je rappelle que, dans l’arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a. ( 36 ), qui a été prononcé le même jour que l’arrêt Jawo, la Cour a jugé en ce sens que l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32/UE ( 37 ) ne s’oppose pas à ce qu’un État membre exerce la faculté offerte par cette disposition de rejeter une demande de protection internationale comme étant irrecevable au motif que le demandeur s’est déjà vu accorder une telle protection par un autre État membre, lorsque les conditions de vie prévisibles que ce demandeur rencontrerait en tant que bénéficiaire de cette protection dans cet autre État membre ne l’exposeraient pas à un risque sérieux de subir un traitement inhumain ou dégradant, au sens de l’article 4 de la Charte ( 38 ). |
56. |
Dans ce contexte, la Cour a dégagé des principes identiques à ceux qu’elle a énoncés dans l’arrêt Jawo, appliquant ce dernier par analogie. Elle a ainsi considéré que, lorsque les autorités d’un État membre disposent d’éléments produits par le demandeur aux fins d’établir l’existence d’un tel risque dans l’État membre ayant déjà accordé une protection internationale, ces autorités sont tenues d’apprécier, sur la base d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés et au regard du standard de protection des droits fondamentaux garanti par le droit de l’Union, la réalité de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes ( 39 ). Quant au seuil de gravité, il est bien logiquement identique à celui défini dans l’arrêt Jawo et implique que la personne concernée soit exposée au risque de se trouver dans une situation de dénuement matériel extrême ( 40 ). |
57. |
Dans l’arrêt du 16 juillet 2020, Addis ( 41 ), la Cour en a conclu que l’appréciation d’un risque de traitements contraires à l’article 4 de la Charte doit être effectuée après avoir offert au demandeur l’opportunité de présenter tous les éléments, notamment d’ordre personnel, susceptibles d’en confirmer l’existence ( 42 ). La Cour a ainsi jugé que l’entretien personnel doit permettre à l’autorité responsable de la détermination non seulement d’évaluer la situation spécifique du demandeur ainsi que le degré de vulnérabilité de ce dernier, mais aussi de s’assurer qu’il a été invité à fournir « tous les éléments susceptibles de démontrer qu’un renvoi dans l’État membre lui ayant accordé une protection internationale l’exposerait à un risque de traitements contraires à l’article 4 de la Charte » ( 43 ). |
58. |
Force est de constater que la Cour n’a posé ici aucune exigence, à l’image du législateur de l’Union, quant à la nature et à la force des éléments de preuve que le demandeur est tenu de fournir au soutien de ses allégations. Il n’y a donc aucune raison, à mon sens, de s’écarter de ces principes dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III dans la mesure où il n’y a pas lieu de distinguer la situation du demandeur qui expose courir un risque de traitement inhumain ou dégradant selon qu’il est renvoyé vers l’État membre dans lequel il bénéficie déjà d’une protection internationale ou vers l’État membre responsable. |
59. |
J’en conclus qu’il appartient au demandeur de formuler les déclarations circonstanciées et, le cas échéant, de produire tous les éléments en sa possession susceptibles de démontrer qu’il y a des raisons sérieuses de penser qu’il serait exposé à un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants en raison de son transfert vers l’État membre normalement responsable. |
2. Sur l’existence et, le cas échéant, la portée du devoir de coopération incombant à l’autorité compétente dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III
60. |
Dans un second temps de sa troisième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour de préciser la mesure dans laquelle l’autorité compétente est tenue de coopérer avec le demandeur aux fins de l’établissement d’un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de transfert vers l’État membre normalement responsable. Une telle obligation, en tant qu’elle exigerait de cette autorité qu’elle examine et évalue de manière approfondie l’existence d’un risque réel de subir des traitements inhumains et dégradants, permettrait de compenser les difficultés auxquelles est exposé le demandeur quant à la preuve de l’existence d’un tel risque, ce dernier ne bénéficiant pas, de surcroît, des mêmes garanties procédurales que celles prévues par les directives 2011/95 et 2013/32. |
61. |
Le règlement Dublin III n’établit aucune obligation de coopération entre le demandeur et l’autorité compétente dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de ce règlement. |
62. |
D’une part, le règlement Dublin III se fonde, avant tout, sur les principes de confiance mutuelle et de coopération administrative entre les États membres. Si le demandeur est entendu par l’autorité compétente au cours d’un entretien individuel, la procédure relative à la détermination de l’État membre responsable repose notamment, conformément au chapitre VII de ce règlement, sur le partage d’informations, sur les échanges de données ainsi que sur les arrangements administratifs entre les autorités compétentes des États membres. Le règlement no 1560/2003 a ainsi pour objet, conformément à son considérant 1, de fixer clairement les modalités de mise en œuvre effective du règlement Dublin III « afin de faciliter la coopération entre les autorités des États membres compétentes pour son application aussi bien en ce qui concerne la transmission et le traitement des requêtes aux fins de prise en charge et de reprise en charge qu’en ce qui concerne les demandes d’information et l’exécution des transferts ». |
63. |
D’autre part, l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III a codifié les principes que la Cour a dégagés dans l’arrêt N. S. e.a., sans que le législateur de l’Union intègre de dispositions particulières quant à l’existence d’un éventuel devoir de coopération entre le demandeur et l’autorité compétente. |
64. |
Dans le silence de ce texte, le gouvernement polonais suggère, dans ses observations, d’appliquer par analogie les dispositions prévues à l’article 4 de la directive 2011/95, la juridiction de renvoi considérant, à cet égard, que l’obligation de coopération qui serait alors instaurée aux fins de l’établissement d’un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de transfert vers l’État membre normalement responsable serait, par sa nature et sa portée, comparable à celle qui est établie dans le cadre de la directive 2011/95. |
65. |
Une application par analogie requiert, sinon une identité, du moins une ressemblance entre la situation faisant l’objet d’un vide juridique et celle réglementée par le législateur de l’Union. Or, si le règlement Dublin III se distingue par son objet et sa finalité des directives 2011/95 et 2013/32 ( 44 ), la situation visée à l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de ce règlement, relative à l’établissement d’un risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de transfert du demandeur vers l’État membre normalement responsable, et celle visée à l’article 4 de la directive 2011/95, relative à l’établissement d’un risque réel de subir des atteintes graves en cas de retour du demandeur dans son pays d’origine, se ressemblent par la raison d’être de chacune de ces dispositions. Certes, l’appréciation du risque menée dans le cadre de la procédure de détermination de l’État membre responsable a une portée plus limitée. Elle poursuit, toutefois, la même finalité que celle menée au cours de l’examen d’une demande de protection internationale, à savoir garantir le respect des droits fondamentaux du demandeur, et fait intervenir les mêmes acteurs. |
66. |
Je ne pense pas, toutefois, qu’il soit nécessaire de procéder à une application par analogie. En effet, la Cour, dans les arrêts N. S. e.a., du 16 février 2017, C. K. e.a. ( 45 ), et Jawo, a établi en filigrane une obligation de coopération entre le demandeur et l’autorité compétente dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III, dont les modalités s’apparentent à celles établies à l’article 4 de la directive 2011/95. |
67. |
Dans les deux cas de figure, les déclarations formulées par le demandeur au cours de son entretien individuel et, le cas échéant, les preuves documentaires ou les indices qu’il communique, ne constituent que le point de départ du processus d’évaluation des faits et des circonstances mené par les autorités compétentes ( 46 ). À l’image des dispositions prévues à l’article 4, paragraphes 3 et 5, de la directive 2011/95 ( 47 ), la Cour exige que l’autorité compétente apprécie le risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants encourus par le demandeur au regard non seulement de données objectives, fiables, précises et dûment actualisées relatives au fonctionnement du système de protection internationale dans l’État membre normalement responsable, mais également de la situation particulière du demandeur, cette autorité étant alors tenue de procéder à une évaluation individuelle ( 48 ). |
68. |
J’admets que la portée de cette coopération entre le demandeur et l’autorité compétente dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III se distingue de la coopération établie dans le cadre de l’article 4 de la directive 2011/95 dans un cas de figure, celui dans lequel cette appréciation révèle l’existence de motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur courra un risque de traitement inhumain ou dégradant en raison de son transfert vers l’État membre responsable. En effet, dans ce cas, les principes de confiance mutuelle et de coopération administrative sur lesquels repose le règlement Dublin III exigent, à mon avis, que l’autorité compétente demande, au cas par cas, à l’État membre normalement responsable de communiquer des renseignements complémentaires ou de fournir des garanties individuelles et adéquates quant aux conditions d’accueil ou de prise en charge du demandeur, et ce afin d’exécuter la décision de transfert dans le respect de l’article 4 de la Charte. Dans l’hypothèse où ces garanties s’avéreraient insuffisantes, cet article implique en effet l’obligation de ne pas exécuter cette décision, l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III exigeant de l’autorité compétente qu’elle poursuive l’examen des critères énoncés au chapitre III de ce règlement afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (deuxième alinéa) ou qu’elle examine elle-même la demande de protection internationale (troisième alinéa). |
3. Sur les conséquences d’une éventuelle inefficacité ou insuffisance des recours dans l’État membre responsable sur le régime de preuve ou les modalités de la coopération établis dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III
69. |
Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi s’interroge, enfin, sur la mesure dans laquelle l’inefficacité ou l’insuffisance des voies de recours aboutissant à l’absence de protection juridique effective dans l’État membre responsable affecte le régime de preuve ou les modalités de coopération applicables dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III. |
70. |
À l’instar du gouvernement néerlandais, je pense que l’existence éventuelle de déficiences dans l’État membre normalement responsable n’a pas d’incidence, en tant que telle, sur ce régime de preuve ou sur ces modalités de coopération entre le demandeur et l’autorité compétente. Pris isolément, cet élément ne constitue pas une violation de l’article 4 de la Charte. Combiné à l’existence de défaillances du système de protection internationale, il entraîne, en revanche, une incidence quant à la portée de l’appréciation du risque à laquelle doit procéder l’autorité compétente et, le cas échéant, quant aux renseignements complémentaires ou aux garanties individuelles qu’elle peut requérir. |
71. |
Au regard de l’ensemble de ces considérations, je pense qu’il appartient à l’autorité compétente d’évaluer, en coopération avec le demandeur, s’il existe des motifs sérieux et avérés de penser que ce dernier sera exposé à un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants en raison de son transfert vers l’État membre normalement responsable. Si le demandeur est tenu de formuler les déclarations circonstanciées et, le cas échéant, de produire tous les éléments en sa possession, susceptibles de démontrer l’existence d’un tel risque, l’autorité compétente est tenue, quant à elle, d’apprécier ces éléments et d’effectuer son appréciation du risque au regard non seulement des données objectives, fiables, précises et dûment actualisées relatives au fonctionnement du système de protection internationale dans cet État membre, mais également de la situation particulière du demandeur, en requérant, le cas échéant, auprès dudit État membre des garanties individuelles et adéquates quant aux conditions d’accueil ou de prise en charge de ce dernier. |
V. Conclusion
72. |
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le rechtbank Den Haag, zittingsplaats ’s-Hertogenbosch (tribunal de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc, Pays-Bas) de la manière suivante : L’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lu à la lumière de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que :
|
( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31, ci-après le « règlement Dublin III »).
( 3 ) Ci-après la « Charte ».
( 4 ) C‑411/10 et C‑493/10, ci-après l’« arrêt N. S. e.a. , EU:C:2011:865.
( 5 ) C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127.
( 6 ) C‑163/17, ci-après l’« arrêt Jawo , EU:C:2019:218.
( 7 ) X cite l’arrêt de la Cour EDH du 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce (CE:ECHR:2011:0121JUD003069609).
( 8 ) C‑208/22, non publiée, EU:C:2022:441.
( 9 ) C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127.
( 10 ) Arrêt Jawo (point 89).
( 11 ) Voir arrêt Jawo (point 87).
( 12 ) Voir arrêt Jawo (point 89 auquel la Cour a également relevé qu’« [i]l serait, à cet égard, contradictoire que l’existence d’un tel risque au stade de la procédure d’asile empêche un transfert, alors que le même risque serait toléré lorsque cette procédure s’est achevée par la reconnaissance d’une protection internationale »).
( 13 ) L’arrêt N. S. e.a. en est une illustration puisque, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, existait une défaillance systémique dans l’État membre dans lequel devait s’effectuer la rétention en cas d’éloignement du demandeur, défaillance qui avait été constatée par la Cour européenne des droits de l’homme à la suite de recours individuels dont elle avait été saisie.
( 14 ) Voir arrêts Jawo (point 90 et jurisprudence citée), ainsi que N. S. e.a. (point 91).
( 15 ) Arrêt de la Cour EDH du 21 novembre 2019, Ilias et Ahmed c. Hongrie (CE:ECHR:2019:1121JUD004728715, § 141).
( 16 ) La Cour s’est référé, dans l’arrêt Jawo (point 91), à l’arrêt de la Cour EDH du 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce (CE:ECHR:2011:0121JUD003069609, § 254).
( 17 ) La Cour s’est référé, dans l’arrêt Jawo (point 92), à l’arrêt de la Cour EDH du 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce (CE:ECHR:2011:0121JUD003069609, § 252 à 263).
( 18 ) Voir arrêt Jawo (point 93).
( 19 ) Signée à Rome le 4 novembre 1950, ci-après la « CEDH ».
( 20 ) Signé à Strasbourg le 16 septembre 1963.
( 21 ) Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, cette notion se réfère à « diverses mesures prises par les États, parfois avec la participation de pays tiers ou d’acteurs non étatiques, qui font que les migrants, y compris les demandeurs d’asile, sont sommairement contraints de retourner, sans que leurs besoins individuels en matière de protection des droits de l’homme soient évalués, dans le pays ou le territoire, ou dans les zones maritimes, qu’il s’agisse d’eaux territoriales ou d’eaux internationales, depuis lequel ou lesquelles ils ont tenté de traverser une frontière internationale ou l’ont effectivement franchie » (voir Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants, Rapport sur les moyens de répondre aux conséquences pour les droits de l’homme des mesures de renvoi de migrants sur terre et en mer, 12 mai 2021, point 34).
( 22 ) Voir arrêt de la Cour EDH du 13 février 2020, N.D. et N.T. c. Espagne (CE:ECHR:2020:0213JUD000867515, § 185). La Cour européenne des droits de l’homme était appelée à se prononcer sur la question de l’applicabilité de l’article 4 du protocole cité au point 31 des présentes conclusions, relatif à l’« [i]nterdiction des expulsions collectives d’étrangers », au renvoi immédiat et forcé de ressortissants de pays tiers depuis une frontière terrestre à la suite d’une tentative, effectuée par un nombre important de migrants, de franchir cette frontière de façon irrégulière et en masse. Cette Cour a relevé dans cet arrêt que la spécificité du contexte migratoire et les difficultés considérables que les États rencontrent actuellement pour faire face à un flux croissant de migrants et de demandeurs d’asile ne saurait aboutir à la consécration d’un espace de non-droit au sein duquel les individus ne relèveraient d’aucun régime juridique susceptible de leur accorder la jouissance des droits et garanties prévus par la CEDH et que les États se sont engagés à reconnaître aux personnes placées sous leur juridiction (§ 106 et 110, ainsi que jurisprudence citée dudit arrêt). Voir, également, application de cette jurisprudence dans l’arrêt de la Cour EDH du 8 juillet 2021, Shahzad c. Hongrie (CE:ECHR:2021:0708JUD001262517).
( 23 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2006, L 105, p. 1).
( 24 ) Ainsi que le relève le gouvernement tchèque dans ses observations, les difficultés qu’un État membre pourrait éprouver à enregistrer en temps utile les demandes de protection internationale à ses points de passage frontaliers ne signifient pas que cet État membre n’est pas en mesure de prendre en charge le demandeur aux fins de l’examen de sa demande si rien n’indique qu’il traite, à cet égard, les demandeurs de protection internationale en violation de leurs droits fondamentaux.
( 25 ) Pendant l’examen de sa demande de protection internationale et en sa qualité de demandeur, celui-ci bénéficie des droits et des garanties que lui confère la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 96). À l’issue de l’examen de sa demande, le bénéficiaire de la protection internationale bénéficie des droits attachés à son statut de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire, énoncés dans le cadre de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9). Quant au ressortissant de pays tiers dont la demande de protection internationale a été rejetée, il ne peut être éloigné que dans les conditions énoncées par la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).
( 26 ) Les mesures que doivent adopter les États membres assurent aux demandeurs un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé tant physique que mentale. Voir article 17, paragraphes 1 et 2, de la directive 2013/33, ainsi que arrêt du 12 novembre 2019, Haqbin (C‑233/18, EU:C:2019:956, points 33 et 46).
( 27 ) Signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)] et entrée en vigueur le 22 avril 1954.
( 28 ) Conclu à New York le 31 janvier 1967 et entré en vigueur le 4 octobre 1967.
( 29 ) Voir arrêt du 23 janvier 2019, M.A. e.a. (C‑661/17, EU:C:2019:53, point 83 et jurisprudence citée).
( 30 ) Considérants 4 et 5 du règlement Dublin III, ainsi que arrêt Jawo (point 82).
( 31 ) Le règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission, du 2 septembre 2003, portant modalités d’application du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 222, p. 3), à la refonte duquel a procédé le règlement Dublin III, énumère ainsi, à son annexe II, les éléments de preuve formels pertinents ainsi que les éléments indicatifs (ou indices) à utiliser afin de déterminer l’État responsable, parmi lesquels se trouvent, notamment, les titres de séjours délivrés au membre de la famille du demandeur, des documents prouvant le lien de parenté, ou bien encore des titres de transport permettant formellement d’établir l’entrée par une frontière extérieure, ou des extraits de registres de centres de rétention, etc.
( 32 ) Voir, en ce sens, arrêt N. S. e.a. (point 85).
( 33 ) Voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409, points 47 à 51), et du 26 juillet 2017, Mengesteab (C‑670/16, EU:C:2017:587, point 58).
( 34 ) C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219.
( 35 ) C‑517/17, EU:C:2020:579.
( 36 ) C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219.
( 37 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60). En application de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de cette directive, les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable lorsqu’une protection internationale a été accordée par un autre État membre.
( 38 ) Voir arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a. (C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219, point 101).
( 39 ) Voir arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a. (C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219, point 88).
( 40 ) Voir arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a. (C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219, point 90).
( 41 ) C‑517/17, EU:C:2020:579.
( 42 ) Voir arrêt du 16 juillet 2020, Addis (C‑517/17, EU:C:2020:579, point 53).
( 43 ) Arrêt du 16 juillet 2020, Addis (C‑517/17, EU:C:2020:579, point 54).
( 44 ) Ces directives énoncent les règles de fond et de forme applicables à l’octroi d’une protection internationale, alors que ce règlement établit une méthode et des critères aux fins de déterminer l’État membre responsable.
( 45 ) C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127.
( 46 ) Voir, dans le cadre de la directive 2011/95, arrêt du 19 novembre 2020, Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Service militaire et asile) (C‑238/19, EU:C:2020:945, point 52).
( 47 ) Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/95, l’autorité compétente est tenue de procéder à une évaluation individuelle de la demande, en tenant compte, notamment, de tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur cette demande, les informations et documents pertinents présentés par le demandeur, y compris les informations permettant de déterminer s’il a fait ou pourrait faire l’objet de persécutions ou d’atteintes graves, le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, ou le fait qu’il a déjà été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves. Conformément à l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2011/95, lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres, ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque, notamment, ces déclarations sont jugées cohérentes et plausibles et qu’elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande et que sa crédibilité générale a pu être établie.
( 48 ) Voir arrêt Jawo (point 94 à 97).