CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PRIIT PIKAMÄE
présentées le 22 juin 2023 ( 1 )
Affaire C‑321/22
ZL,
KU,
KM
contre
Provident Polska S.A.
[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Śródmieścia w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie-Śródmieście à Varsovie, Pologne)]
« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Crédits à la consommation – Directive 93/13/CEE – Articles 6 et 7 – Action déclaratoire – Intérêt à agir – Conséquences relatives au caractère abusif d’une clause contractuelle – Droit à restitution – Principe d’effectivité »
1. |
La présente affaire donne l’occasion à la Cour de compléter sa jurisprudence concernant l’articulation entre l’exigence d’une protection juridictionnelle effective des consommateurs au titre de la directive 93/13/CEE ( 2 ) et l’autonomie procédurale des États membres en vertu de laquelle il appartient à ces derniers de définir les modalités dans le cadre desquelles le constat du caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat est établi et les effets juridiques concrets de ce constat sont matérialisés. |
2. |
La modalité en cause est celle de l’intérêt à agir dont l’existence est requise au titre des recours visant à faire constater l’inopposabilité de clauses contractuelles abusives. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3. |
Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 : « Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. » |
4. |
L’article 7, paragraphe 1, de cette directive dispose : « Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. » |
Le droit polonais
5. |
L’ustawa – Kodeks postępowania cywilnego (loi portant code de procédure civile), du 17 novembre 1964 (Dz. U. de 1964, no 4), tel que modifié (ci-après le « code de procédure civile »), prévoit à son article 189 : « Une partie requérante peut demander à une juridiction de constater l’existence ou l’inexistence d’un rapport juridique ou d’un droit, pour autant qu’elle ait un intérêt à agir. » |
6. |
Aux termes de l’article 316, paragraphe 1, de ce code : « Après la clôture de l’audience, la juridiction prononce son arrêt, en se fondant sur la situation telle qu’elle existe à la clôture de l’audience ; en particulier, la circonstance qu’une créance est devenue exigible en cours d’instance ne s’oppose pas à un jugement de condamnation au paiement de celle-ci. » |
Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles
7. |
Provident Polska S.A. ou IPF Polska sp. z o.o., société aux droits de laquelle Provident Polska est venue, a conclu des contrats de crédit à la consommation avec ZL, KU et KM. Ces dernières ont, séparément, saisi le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Śródmieścia w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie-Śródmieście à Varsovie, Pologne), qui est la juridiction de renvoi, de demandes en rapport avec les contrats qui les lient à Provident Polska, en dates, respectivement, des 15 avril, 17 mai et 14 septembre 2021. |
8. |
Au dernier stade de leurs écritures devant la juridiction de renvoi, chacune demande, en substance, qu’il soit constaté que les clauses du contrat conclu avec Provident Polska relatives aux coûts du prêt hors intérêts lui sont inopposables en raison de leur caractère abusif, du fait du caractère manifestement surévalué et déraisonnable de ces frais et commissions. Ces derniers seraient disproportionnés par rapport au montant prêté et constitueraient, en fait, la principale source de revenus du prêteur ( 3 ). |
9. |
Dans ses mémoires en défense, Provident Polska conclut au rejet des recours introduits par les emprunteuses et formule contre chacune d’elles une demande reconventionnelle ayant pour objet leur condamnation à lui payer des sommes correspondant à une partie des frais et commissions dus au titre du contrat de prêt et demeurés impayés. Les requérantes au principal concluent également au rejet de cette demande reconventionnelle. |
10. |
En premier lieu, la juridiction de renvoi se demande si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que des clauses fixant des frais ou des commissions dus à un professionnel peuvent être déclarées abusives pour le seul motif que ces frais ou commissions sont manifestement excessifs par rapport à la prestation du professionnel. |
11. |
En deuxième lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 et le principe d’effectivité de l’article 189 et de l’article 316, paragraphe 1, du code de procédure civile, tels qu’interprétés par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne). |
12. |
Aux termes de l’article 189 du code de procédure civile, une partie requérante peut demander à une juridiction de constater l’existence ou l’inexistence d’un rapport juridique ou d’un droit, pour autant qu’elle ait un intérêt à agir. Cette dernière notion ne faisant l’objet d’aucune définition légale, elle a été interprétée, selon la décision de renvoi, par le Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans le sens d’une condition de fond du recours en constatation, le succès de cette action étant soumis à la démonstration par la partie requérante d’un intérêt à agir, lequel doit exister à la date de clôture de l’audience conformément à l’article 316, paragraphe 1, du code de procédure civile. |
13. |
Selon la juridiction de renvoi, l’intérêt à agir doit être compris comme un besoin objectif de protéger la sphère juridique de la partie requérante dont les droits ont été ou pourraient être lésés ou dont l’existence ou le contenu est incertain. L’appréciation d’un tel intérêt impliquerait l’évaluation par la juridiction saisie de l’incidence d’un arrêt de constatation sur la situation juridique de cette partie, c’est-à-dire de la possibilité de mettre définitivement fin à un litige existant ou d’empêcher qu’un tel litige ne surgisse à l’avenir. Il n’y aurait, en revanche, pas d’intérêt à agir lorsque les droits de la partie requérante ne sont ni violés ni menacés ou quand ils pourraient être mieux protégés par une action de plus grande portée, telle qu’une action en exécution d’une prestation. |
14. |
Cette seconde hypothèse correspondrait à la situation des parties requérantes dans les procédures au principal. La juridiction de renvoi souligne que chacune des requérantes a déjà remboursé une partie des montants dus au titre des commissions et frais litigieux, l’autre partie étant réclamée par l’organisme prêteur dans le cadre d’une demande reconventionnelle déposée dans chacune de ces procédures. Elle indique que, dans une telle situation, le remboursement de ces commissions et frais déjà réglés peut être sollicité par les parties requérantes au moyen d’une action plus étendue qu’un recours en constatation, soit une action en recouvrement d’une prestation indue, ce qui doit conduire au rejet dudit recours pour absence d’intérêt à agir, nonobstant le constat du caractère abusif des clauses contractuelles incriminées. |
15. |
La juridiction de renvoi relève, en outre, que l’appréciation de l’existence d’un intérêt à agir de consommateurs dans des affaires très similaires a conduit à des résultats divergents, ce qui est de nature à compromettre la réalisation des objectifs de la directive 93/13, à savoir que, même dans une situation où le caractère abusif d’une clause d’un contrat conclu avec un professionnel est manifeste, un consommateur peut hésiter à introduire une action visant à faire constater la nullité ou l’inopposabilité des clauses contractuelles en question, de crainte que le juge ne considère qu’il n’a pas d’intérêt à agir et rejette le recours pour ce seul motif, tout en le condamnant aux dépens. |
16. |
En troisième et dernier lieu, la juridiction de renvoi se demande si des « raisons impérieuses », notamment le principe de proportionnalité ou le principe de sécurité juridique, s’opposent à l’annulation des contrats conclus par ZL et KU en raison du caractère abusif de la clause relative aux modalités de paiement qu’ils contiennent. |
17. |
C’est dans ce contexte que le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Śródmieścia w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie-Śródmieście à Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
|
La procédure devant la Cour
18. |
Le gouvernement polonais et la Commission européenne ont déposé des observations écrites. Ce gouvernement a fourni une réponse écrite aux questions de la Cour le 7 mars 2023. La partie défenderesse au principal, le gouvernement polonais et la Commission ont présenté des observations orales lors de l’audience du 30 mars 2023. |
Analyse
19. |
Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions porteront uniquement sur la deuxième question préjudicielle par laquelle la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière du principe d’effectivité, s’oppose à une réglementation nationale, telle qu’interprétée par la jurisprudence, exigeant la preuve par le consommateur d’un intérêt à agir pour faire droit à son recours visant à faire constater l’inopposabilité de clauses contractuelles abusives, l’existence d’un tel intérêt faisant défaut lorsque l’intéressé dispose d’un autre recours plus protecteur de ses droits, notamment, une action en exécution d’une prestation. |
Sur la portée de la question préjudicielle
20. |
Il me semble nécessaire de préciser la portée de cette question, étant rappelé que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi ( 4 ). |
21. |
Ainsi qu’il a été exposé, la procédure au principal oppose des consommateurs ayant initialement introduit un recours aux fins de constater l’inopposabilité de certaines clauses contractuelles abusives relatives à des frais et commissions à l’organisme prêteur ( 5 ), lequel a conclu au rejet de ce recours et formulé des demandes reconventionnelles ayant pour objet la condamnation des parties requérantes à lui payer des sommes correspondant à une partie de ces frais et commissions dus au titre du contrat de prêt et demeurés impayés. Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi se trouve, dans ces circonstances, confrontée à une double situation procédurale. |
22. |
S’agissant des sommes d’ores et déjà versées par les consommateurs au titre des frais et commissions prévus par le contrat de prêt, la juridiction de renvoi expose que les parties requérantes disposent « d’autres voies de recours » plus protectrices de leurs droits que les actions en constatation engagées, à savoir des actions en recouvrement d’une prestation indue fondées sur les articles 405 et 410 du code civil polonais, et qu’elle sera, dès lors, tenue de rejeter les « recours au principal » pour le seul motif du défaut d’intérêt à agir, même si les contrats conclus par ces parties contiennent des clauses abusives ( 6 ). |
23. |
En ce qui concerne, en revanche, les sommes réclamées par le prêteur au moyen des demandes reconventionnelles, il est mentionné dans le renvoi préjudiciel que les parties requérantes, défenderesses reconventionnelles, « peuvent invoquer le caractère abusif des clauses contractuelles dans le cadre des demandes reconventionnelles et l’arrêt de la juridiction de renvoi à cet égard réglera le litige entre les parties » ( 7 ). Il est constant que, en l’état de leurs dernières écritures, ces parties se sont opposées aux demandes reconventionnelles en sollicitant leur rejet. |
24. |
Il apparaît ainsi que, dans le cadre de l’instance introduite par les consommateurs, la juridiction de renvoi devrait, tout à la fois, rejeter les actions en constatation des intéressés pour défaut d’intérêt à agir et se prononcer sur la demande reconventionnelle de l’organisme prêteur. C’est au regard d’une telle situation que la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la compatibilité de la pratique jurisprudentielle nationale eu égard à l’exigence d’un intérêt à agir avec l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu à la lumière du principe d’effectivité ( 8 ). |
Sur l’harmonisation minimale de la directive 93/13
25. |
Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que ce contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. Par ailleurs, il ressort de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec le vingt-quatrième considérant de celle-ci, que les États membres doivent veiller à ce que les autorités judiciaires et les organes administratifs disposent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. À cet égard, la Cour a rappelé la nature et l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, qui se trouvent dans une situation d’infériorité par rapport aux professionnels ( 9 ). |
26. |
Si la Cour a déjà précisé, à plusieurs égards et en tenant compte des exigences de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, de quelle manière le juge national doit assurer la protection des droits que les consommateurs tirent de cette directive, il n’en reste pas moins que, en principe, le droit de l’Union n’harmonise pas les procédures applicables à l’examen du caractère prétendument abusif d’une clause contractuelle et que celles-ci relèvent, dès lors, de l’ordre juridique interne des États membres. C’est à ces derniers qu’il appartient, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, de définir les modalités dans le cadre desquelles le constat du caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat est établi et les effets juridiques concrets de ce constat sont matérialisés. Cependant, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence), ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) ( 10 ). |
27. |
Il en résulte que la condition liée à l’intérêt à agir d’un consommateur au titre d’un recours visant à faire constater l’inopposabilité de clauses contractuelles abusives relève de l’autonomie procédurale des États membres sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité. Il en va de même du régime de répartition des dépens d’une telle procédure devant les juridictions nationales, question évoquée par la juridiction de renvoi et indissolublement liée à celle de l’intérêt à agir dont le constat de l’absence entraîne, selon les indications de cette juridiction, le rejet du recours susmentionné et la condamnation subséquente du consommateur, partie requérante, aux dépens ( 11 ). |
28. |
En ce qui concerne le principe d’effectivité, qui fait seul l’objet des interrogations de la juridiction de renvoi, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, chaque cas dans lequel se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il convient de prendre en considération, le cas échéant, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure. En outre, la Cour a précisé que l’obligation pour les États membres d’assurer l’effectivité des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union implique, notamment, en ce qui concerne les droits découlant de la directive 93/13, une exigence de protection juridictionnelle effective, consacrée également à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui vaut, notamment, en ce qui concerne la définition des modalités procédurales relatives aux actions en justice fondées sur de tels droits ( 12 ). |
29. |
Toutefois, la Cour a reconnu que la protection du consommateur n’est pas absolue. Ainsi, le fait qu’une procédure particulière comporte certaines exigences procédurales que le consommateur doit respecter afin de faire valoir ses droits ne signifie pas pour autant qu’il ne bénéficie pas d’une protection juridictionnelle effective. Il convient, en outre, de rappeler que les règles procédurales relatives à la structure des voies de recours internes, poursuivant un intérêt général de bonne administration de la justice et de prévisibilité, doivent prévaloir sur les intérêts particuliers, en ce sens qu’elles ne peuvent être aménagées en fonction de la situation économique particulière d’une partie, pourvu qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre leur objectif ( 13 ). |
Sur le respect du principe d’effectivité
Sur l’existence d’un but d’intérêt général
30. |
Il convient de rappeler que le principe d’effectivité doit être appliqué en prenant en considération, notamment, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que le bon déroulement de la procédure ( 14 ). Or, il est mentionné dans la décision de renvoi que la procédure civile polonaise est fondée sur l’hypothèse que l’exercice des droits par la voie judiciaire doit être ciblé et aussi simple que possible, accordé sans multiplication des procédures. Cette présomption est satisfaite par l’exigence, en cas de demande de constatation de l’existence (ou de l’inexistence) d’un rapport juridique ou d’un droit, de démontrer un intérêt à agir et par le principe selon lequel la possibilité d’obtenir une protection plus efficace par le biais d’un autre recours ébranle l’intérêt juridique à demander une constatation ( 15 ). |
31. |
L’exigence d’un intérêt à agir dans les actions en constatation, en ce qu’elle a pour objet de cantonner ces dernières à des situations d’atteintes effectives ou de menaces avérées de la sphère juridique de la partie requérante ou d’indisponibilité d’une action plus protectrice des droits de celle-ci, poursuit un but d’intérêt général de bonne administration de la justice en prévenant ou en réduisant, le cas échéant, l’engorgement du système juridictionnel ( 16 ). C’est afin de garantir une bonne administration de la justice et de satisfaire à l’exigence d’économie de la procédure, en évitant que le juge ne soit saisi de questions purement théoriques et de recours multiples, que tout justiciable doit, indépendamment de la voie de recours choisie, avoir un intérêt à agir. Je rappelle, à cet égard, que la Cour a considéré que des règles poursuivant un tel but, y compris celles qui demandent un effort supplémentaire aux consommateurs qui entendent faire valoir leurs droits, sont susceptibles d’être justifiées pourvu qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ( 17 ). |
32. |
Dès lors, il y a lieu de considérer que l’exigence d’un intérêt à agir pour les actions en constatation formées par des consommateurs en vue de faire valoir des droits qu’ils tirent de la directive 93/13 n’est pas, en soi, contraire au principe d’effectivité, pour autant que son application ne rende pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par cette directive. |
Sur l’engagement d’une procédure distincte
33. |
Selon une jurisprudence constante, le juge national doit, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, tirer toutes les conséquences qui, selon le droit national, découlent de la constatation du caractère abusif d’une clause afin de s’assurer que le consommateur concerné n’est pas lié par celle-ci. Une telle obligation implique qu’il incombe à ce juge d’écarter l’application de la clause considérée comme étant abusive afin que cette clause ne produise pas d’effets contraignants à l’égard de ce consommateur. Dès lors qu’une telle clause doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard dudit consommateur, l’obligation pour le juge national d’écarter l’application d’une clause contractuelle abusive qui impose le paiement d’une somme emporte, en principe, un effet restitutoire correspondant à l’égard de cette somme ( 18 ). |
34. |
Dans ce contexte, la Cour a considéré qu’il appartient aux États membres, au moyen de leur droit national, de définir les modalités dans le cadre desquelles le constat du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat est établi et les effets juridiques concrets de ce constat sont matérialisés. Toutefois, ledit constat doit permettre de rétablir la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur concerné en l’absence de cette clause abusive, notamment en fondant un droit à restitution des avantages indûment acquis, à son détriment, par le professionnel concerné sur le fondement de ladite clause abusive. En effet, un tel encadrement par le droit national de la protection garantie aux consommateurs par la directive 93/13 ne saurait porter atteinte à la substance de cette protection ( 19 ). |
35. |
Je relève, à cet égard, que la Cour a pris en compte, dans le cadre de la vérification d’une protection juridictionnelle effective du consommateur liée au droit à restitution susmentionné, l’existence d’une voie procédurale autre que celle engagée par ou contre celui-ci devant la juridiction de renvoi. Elle a ainsi considéré qu’une réglementation nationale en vertu de laquelle la juridiction saisie d’une demande de délivrance d’une injonction de payer est tenue de rejeter cette demande dans la mesure où cette dernière est fondée sur une clause abusive, mais n’est pas autorisée à procéder à une compensation d’office entre les paiements effectués sur le fondement de cette clause et le solde dû, et qui a comme conséquence que le débiteur, qui ne participe pas à la procédure d’injonction de payer, est contraint d’engager une procédure distincte pour l’exercice de son droit à la restitution intégrale, n’est pas, en principe, contraire à l’article 6 de la directive 93/13 ( 20 ). |
36. |
La Cour a, ensuite, jugé que la réglementation nationale, en vertu de laquelle le contrôle de l’existence de la créance concernée échappe à la compétence du juge dans le cadre de la procédure d’injonction de payer et oblige par conséquent le consommateur concerné, pour l’exercice de son droit à la restitution intégrale qui découle de l’article 6 de la directive 93/13, à mener une procédure distincte, ne rend pas impossible ou excessivement difficile l’exercice de ce droit, quand bien même cette obligation requiert un comportement actif du débiteur concerné et la poursuite d’une procédure contradictoire ( 21 ). |
37. |
Dans une autre affaire, la Cour a opéré une distinction entre les clauses contractuelles qualifiées d’abusives par des dispositions légales et des clauses éventuellement abusives, objet d’un même recours introduit par un consommateur, et a considéré que l’effectivité de la protection voulue par la directive 93/13 ne s’opposait pas à des règles nationales prévoyant une autre voie procédurale effective permettant à l’intéressé de demander la restitution des sommes indûment payées au titre de le seconde catégorie de clauses ( 22 ). Cette solution jurisprudentielle semble s’expliquer par l’existence d’une « procédure spéciale » prévue par le droit national pour les seules premières clauses mais néanmoins utilisée par le consommateur pour l’ensemble de ses réclamations à l’encontre du prêteur. |
38. |
En l’espèce, il est constant que le contrat de prêt a fait l’objet d’une exécution partielle avec le paiement par les emprunteuses de diverses sommes en vertu des clauses relatives aux frais et commissions dont le constat du caractère abusif par la juridiction de renvoi doit aboutir au profit des intéressées à un droit de restitution intégrale de ces sommes ( 23 ). Faut-il admettre, au regard de la jurisprudence évoquée ci-dessus, que le principe d’effectivité ne s’oppose pas à l’exercice d’un tel droit au moyen d’une procédure distincte par l’effet de l’application de la condition liée à l’intérêt à agir ? Les circonstances spécifiques de la présente affaire devraient, à mon sens, conduire à une réponse négative. |
39. |
En l’occurrence, les emprunteuses sont bien parties à chacune des procédures de droit commun en constatation, puisqu’elles en sont elles-mêmes les initiatrices, procédures dont l’objet a été modifié par la demande reconventionnelle du prêteur de condamnation en paiement dont la recevabilité ne fait pas débat. Dans le cadre de cette instance étendue, les emprunteuses, défenderesses reconventionnelles, se sont opposées à la demande du prêteur de condamnation en paiement de frais et commissions fondés sur des clauses contractuelles déjà qualifiées d’abusives dans leur action en constatation et pour lesquelles aucune procédure spéciale n’est a priori légalement prévue. |
40. |
Je relève, d’une part, que, dans l’hypothèse d’un rejet d’une telle action pour défaut d’intérêt à agir, la question du caractère abusif ou non des clauses concernées devra, en tout état de cause, être tranchée par le juge de renvoi pour statuer sur la demande reconventionnelle. D’autre part, l’engagement par les emprunteuses d’une action en répétition de l’indu devant une autre juridiction qui devra également se prononcer sur le caractère abusif ou non des clauses incriminées soulève un problème de sécurité juridique en raison d’une possible contrariété jurisprudentielle sur ce point ( 24 ). |
41. |
Dans ce contexte, outre le fait qu’il ne saurait être reproché une passivité totale desdites emprunteuses ( 25 ), il convient de constater que le rejet du recours en constatation et la condamnation des parties requérantes aux dépens y afférents ainsi que le renvoi à mieux se pourvoir devant une juridiction compétente pour examiner l’action en répétition de l’indu, par l’effet de nouvelles contraintes procédurales, des coûts et du temps générés par cette procédure supplémentaire s’ajoutant à ceux de l’instance initiale, sont à l’évidence une source de complexité, de lourdeur, de frais et d’insécurité juridique inutiles. Cette situation traduit, selon moi, une dualité antagonique entre la ratio legis et la mise en œuvre de la condition liée à l’intérêt à agir prévue par le droit procédural polonais, dans la mesure où il est contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger un requérant à introduire un nouveau recours pour que soient appréciées toutes les conséquences d’une problématique juridique unique, à savoir le caractère abusif ou non de clauses contractuelles. |
42. |
Selon la jurisprudence, les moyens adéquats et efficaces visant à faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doivent comprendre des dispositions permettant de garantir à ces derniers une protection juridictionnelle effective, en leur offrant la possibilité d’attaquer en justice le contrat litigieux, et ce dans des conditions procédurales raisonnables, de sorte que l’exercice de leurs droits ne soit pas soumis à des conditions, notamment de délais ou de frais, qui rendent excessivement difficile ou en pratique impossible l’exercice des droits garantis par la directive 93/13 ( 26 ). Tel ne me semble précisément pas le cas des consommatrices dans la présente affaire au regard de l’interprétation jurisprudentielle de l’exigence légale de l’intérêt à agir pour les actions en constatation, ce qui doit conduire à une conclusion d’incompatibilité avec la directive 93/13. |
43. |
Le fait que, selon les indications fournies par le gouvernement polonais en réponse aux questions de la Cour, le juge national dispose d’une marge d’appréciation pour statuer sur les dépens et, dans des cas particulièrement justifiés, faire exception au principe selon lequel la partie qui succombe supporte les dépens, en lui imputant uniquement une fraction de ceux-ci voire en l’exonérant, ne me paraît pas, en soi, suffisant pour infirmer la conclusion précitée. |
Sur la possibilité d’une interprétation conforme
44. |
Dans ses observations et sa réponse écrites aux questions de la Cour, le gouvernement polonais a contesté l’interprétation du droit national, telle que retenue par la juridiction de renvoi, et soutient que les articles 189 et 316, paragraphe 1, du code de procédure civile sont susceptibles d’être interprétés de manière conforme aux exigences qui découlent du principe d’effectivité. |
45. |
Plus particulièrement, ce gouvernement fait valoir que le principe selon lequel il n’y a pas d’intérêt juridique à une action en constatation lorsque la partie requérante peut obtenir la satisfaction de ses droits par une action en exécution d’une prestation n’est pas un principe absolu et fait état de la jurisprudence récente du Sąd Najwyższy (Cour suprême) dont il ressort que, en matière de droit de la consommation, la partie requérante conserve, sous certaines conditions, un intérêt à une action en constatation de l’inexistence d’un rapport juridique, bien qu’elle puisse intenter une action en exécution d’une prestation ou qu’une telle action ait été intentée contre elle par la partie adverse sur la base du rapport juridique en cause ( 27 ), ce que la juridiction de renvoi elle-même ne semble pas exclure ( 28 ). |
46. |
Dans sa réponse écrite aux questions de la Cour, le gouvernement polonais a également évoqué la possibilité d’adaptation des prétentions des parties requérantes à la suite du dépôt d’une demande reconventionnelle. Il en ressort que, dans une procédure telle que celle de l’affaire au principal, les emprunteuses peuvent solliciter, outre le rejet de la demande reconventionnelle du prêteur en invoquant le caractère abusif des clauses incriminées, le remboursement des sommes versées en application de ces clauses au titre de l’exécution partielle du contrat de prêt, conduisant ainsi le juge à régler l’affaire dans le cadre d’une seule et même instance. Il apparaît ainsi que la condition d’un règlement définitif du litige par le juge repose sur la seule initiative des parties requérantes de modifier leurs prétentions initiales, sans que le professionnel puisse s’y opposer ( 29 ), et que l’exigence d’un intérêt à agir au titre de l’action en constatation devient sans objet compte tenu de la modification de l’objet du litige. |
47. |
À cet égard, il importe de rappeler que le principe d’interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci. Ainsi que la Cour l’a également jugé, l’exigence d’une telle interprétation conforme inclut, notamment, l’obligation, pour les juridictions nationales, de modifier, le cas échéant, une jurisprudence établie si celle-ci repose sur une interprétation du droit national incompatible avec les objectifs d’une directive. Partant, une juridiction nationale ne saurait valablement considérer qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’interpréter une disposition de droit national en conformité avec le droit de l’Union en raison du seul fait que cette disposition a, de manière constante, été interprétée dans un sens qui n’est pas compatible avec ce droit ( 30 ). |
48. |
Eu égard aux circonstances visées aux points 45 et 46 des présentes conclusions, il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner si la réglementation nationale en cause au principal peut effectivement faire l’objet d’une interprétation conforme à la directive 93/13 et, dans l’affirmative, d’en tirer les conséquences en droit ( 31 ). |
Conclusion
49. |
À la lumière des considérations qui précèdent, je propose de répondre en ces termes à la deuxième question préjudicielle posée par le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Śródmieścia w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie-Śródmieście à Varsovie, Pologne) : L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens que : ils s’opposent à une réglementation nationale et son interprétation jurisprudentielle en vertu desquelles l’action introduite par un consommateur en constatation de l’inopposabilité de clauses contractuelles abusives, suivie d’une demande reconventionnelle du professionnel en paiement de sommes dues au titre de ces clauses, est rejetée, et le consommateur condamné aux dépens y afférents, pour défaut d’intérêt à agir au motif de la disponibilité d’une autre voie de recours permettant le recouvrement des sommes déjà versées à ce professionnel en application desdites clauses. |
( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Directive du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
( 3 ) La demande de KU porte également sur une somme de 240 zlotys polonais (PLN) (environ 50,40 euros) versée sur un compte de l’emprunteur conformément aux instructions de ce dernier figurant dans la demande de prêt.
( 4 ) Arrêt du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453, point 37).
( 5 ) Selon les indications du gouvernement polonais, les droits et obligations découlant de la directive 93/13 sont mis en œuvre principalement au moyen de deux types d’actions régies par le code de procédure civile, à savoir une action en constatation d’un droit ou d’un rapport de droit (c’est-à-dire la constatation du caractère abusif d’une clause) ou une action en exécution d’une prestation (c’est-à-dire visant la restitution des prestations indûment perçues par le professionnel sur la base des clauses déclarées abusives par la juridiction saisie de l’action en exécution d’une prestation).
( 6 ) Point 150 de la décision de renvoi.
( 7 ) Point 149 de la décision de renvoi.
( 8 ) Le point 149 de la décision de renvoi ne contient aucune indication de nature à laisser penser que la juridiction de renvoi envisage de constater que les parties requérantes n’ont pas d’intérêt à agir pour obtenir un jugement de constatation au motif que le professionnel a introduit des demandes reconventionnelles à leur encontre et, par conséquent, de rejeter tant les demandes des consommateurs que les demandes reconventionnelles de ce professionnel. Outre la mention explicite du rejet à venir des seuls « recours au principal », il ressort de la demande de décision préjudicielle que le constat du défaut d’intérêt à agir, prévu à l’article 189 du code de procédure civile, n’a de conséquences qu’à l’égard de l’action en constatation, en l’occurrence son rejet.
( 9 ) Arrêt du 31 mai 2018, Sziber (C‑483/16, EU:C:2018:367, points 31 et 33).
( 10 ) Voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2022, Vicente (Action en paiement d’honoraires d’avocat) (C‑335/21, EU:C:2022:720, points 53 et 54), et du 22 septembre 2022, Servicios prescriptor y medios de pagos EFC (C‑215/21, EU:C:2022:723, point 33).
( 11 ) Voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2022, Caixabank (C‑385/20, EU:C:2022:278, point 47).
( 12 ) Arrêts du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance (C‑776/19 à C‑782/19, EU:C:2021:470, points 28 et 29), et du 22 septembre 2022, Servicios prescriptor y medios de pagos EFC (C‑215/21, EU:C:2022:723, points 35 et 36).
( 13 ) Arrêts du 31 mai 2018, Sziber (C‑483/16, EU:C:2018:367, points 50 et 51), et du arrêt du 12 février 2015, Baczó et Vizsnyiczai (C‑567/13, EU:C:2015:88, point 51).
( 14 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2013, Banif Plus Bank (C‑472/11, EU:C:2013:88, point 33).
( 15 ) Point 143 de la décision de renvoi.
( 16 ) S’agissant des recours régis par le droit de l’Union, la Cour a jugé que l’existence d’un intérêt à agir, dont la preuve doit être apportée par la partie requérante, constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice [arrêt du 23 novembre 2017, Bionorica et Diapharm/Commission (C‑596/15 P et C‑597/15 P, EU:C:2017:886, point 83)].
( 17 ) Voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Sziber (C‑483/16, EU:C:2018:367, point 51).
( 18 ) Arrêt du 30 juin 2022, Profi Credit Bulgaria (Compensation d’office en cas de clause abusive) (C‑170/21, EU:C:2022:518, points 41 et 42).
( 19 ) Arrêt du 30 juin 2022, Profi Credit Bulgaria (Compensation d’office en cas de clause abusive) (C‑170/21, EU:C:2022:518, point 43).
( 20 ) Arrêt du 30 juin 2022, Profi Credit Bulgaria (Compensation d’office en cas de clause abusive) (C‑170/21, EU:C:2022:518, point 45).
( 21 ) Arrêt du 30 juin 2022, Profi Credit Bulgaria (Compensation d’office en cas de clause abusive) (C‑170/21, EU:C:2022:518, point 48).
( 22 ) Voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Sziber (C‑483/16, EU:C:2018:367, point 54).
( 23 ) À cet égard, je rappelle que, selon la juridiction de renvoi, l’absence d’intérêt à agir dans le chef des parties requérantes conduira au rejet des recours au principal, nonobstant le constat du caractère abusif des clauses contractuelles incriminées.
( 24 ) C’est ce qui résulte clairement des observations du gouvernement polonais (point 48) concernant la notion d’autorité de chose jugée prévue à l’article 366 du code de procédure civile.
( 25 ) Dans l’arrêt du 22 septembre 2022, Vicente (Action en paiement d’honoraires d’avocat) (C‑335/21, EU:C:2022:720, point 56), la Cour a indiqué que le respect du principe d’effectivité ne saurait aller jusqu’à suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné.
( 26 ) Arrêt du 1er octobre 2015, ERSTE Bank Hungary (C‑32/14, EU:C:2015:637, point 59).
( 27 ) Point 40 des observations du gouvernement polonais et point 11 de la réponse de ce dernier aux questions de la Cour. Ce gouvernement précise, en outre, que, eu égard à l’interprétation par les juridictions nationales de la notion d’autorité de la chose jugée, l’indication selon laquelle l’action en exécution d’une prestation assurerait nécessairement une meilleure protection du consommateur que celle issue d’une action en constatation serait erronée (points 45 à 51 des observations du gouvernement polonais).
( 28 ) Les indications de la juridiction de renvoi sur l’hétérogénéité jurisprudentielle nationale quant à l’interprétation de la condition liée à l’intérêt à agir confirment la possibilité d’une interprétation conforme.
( 29 ) En l’occurrence, les parties requérantes semblent s’être bornées à solliciter le rejet des demandes reconventionnelles sans demander le remboursement des sommes acquittées au titre des frais et commissions prévus par les clauses contractuelles incriminées. À cet égard, je rappelle que, dans l’arrêt du 11 mars 2020, Lintner (C‑511/17, EU:C:2020:188, point 31), la Cour a jugé que le principe dispositif, selon lequel les parties définissent l’objet du litige, ainsi que le principe ne ultra petita, selon lequel le juge ne doit pas statuer au-delà des prétentions des parties, risqueraient d’être méconnus si les juridictions nationales étaient tenues, en vertu de la directive 93/13, d’ignorer ou d’excéder les limites de l’objet du litige fixées par les conclusions et les moyens des parties.
( 30 ) Arrêt du 26 juin 2019, Addiko Bank (C‑407/18, EU:C:2019:537, points 65 et 66).
( 31 ) Voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2019, Addiko Bank (C‑407/18, EU:C:2019:537, point 67).