ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

31 mars 2022 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑761/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 décembre 2021,

St. Hippolyt Holding GmbH, établie à Dielheim (Allemagne), représentée par Me M. Gail, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Raisioaqua Oy, établie à Raisio (Finlande),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, MM. N. Jääskinen, M. Gavalec (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocate générale, Mme T. Ćapeta, entendue,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, St. Hippolyt Holding GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 octobre 2021, St. Hippolyt/EUIPO – Raisioaqua (Vital like nature) (T‑351/20, non publié, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:719), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 9 mars 2020 (affaire R 1279/2019-2), relative à une procédure d’opposition entre Raisioaqua Oy et St. Hippolyt Holding.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la partie requérante fait valoir, en invoquant trois arguments, que son pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        Par son premier argument, la partie requérante fait valoir que l’article 58 bis du statut de la Cour de justice est inapplicable ratione temporis et qu’il a été porté atteinte à son droit de voir son affaire traitée impartialement et équitablement, tel que consacré à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »).

8        Par son deuxième argument, la partie requérante soutient que le Tribunal, en interprétant de manière erronée l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), a conclu à tort à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en cause.

9        À cet égard, elle relève qu’en considérant, aux points 33 à 48 de l’arrêt attaqué, que les marques en conflit sont similaires, le Tribunal a méconnu sa propre jurisprudence issue de l’arrêt du 12 mai 2021, Metamorfoza/EUIPO – Tiesios kreivės (MUSEUM OF ILLUSIONS) (T‑70/20, non publié, EU:T:2021:253). Dans cet arrêt, le Tribunal aurait constaté que l’élément verbal commun aux deux signes en conflit n’avait aucune signification pour le public et aurait, dès lors, nié tout risque de confusion entre ces signes. Selon la partie requérante, les mêmes considérations valent également pour la comparaison des marques dans la présente affaire qui sont, sur le plan visuel, autant différentes que les signes dans ledit arrêt du Tribunal. Toutefois, le Tribunal n’en aurait pas tenu compte dans l’arrêt attaqué.

10      En outre, la partie requérante prétend que les éléments verbaux « vital like nature » et « vital » figurant respectivement dans la marque demandée et la marque antérieure sont dépourvus de caractère distinctif et, partant, seuls les éléments figuratifs sont pertinents pour la comparaison de ces marques. Étant donné que ces derniers éléments seraient différents, tout risque de confusion entre les marques en conflit devrait être exclu.

11      Par son troisième argument, la partie requérante fait valoir que, dans la mesure où le Tribunal a omis de prendre en compte la décision de l’Office des brevets et des marques allemand, la solution retenue dans l’arrêt attaqué est erronée. En effet, selon elle, afin de parvenir à une harmonisation juridique complète des systèmes et des procédures en matière de marques, les décisions des offices nationaux des marques devraient également être prises en compte dans la décision de l’EUIPO.

12      Lesdits arguments soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, à savoir l’obligation de prendre en compte les décisions des offices nationaux ou des juridictions nationales lors de l’appréciation de la similitude des signes. Par ailleurs, la partie requérante soutient qu’il ressort de l’arrêt attaqué que la jurisprudence relative au traitement de la comparaison de signes composés de plusieurs mots et éléments graphiques n’est pas uniforme. Il serait dès lors nécessaire que la Cour rende un arrêt décisif sur les principes d’appréciation de la similitude entre de tels signes composés de plusieurs mots et des signes composés d’un seul mot.

13      À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21 et jurisprudence citée).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22 et jurisprudence citée).

16      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

17      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argument évoqué au point 7 de la présente ordonnance, il convient de constater que la partie requérante soulève une prétendue inapplicabilité ratione temporis de l’article 58 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ainsi qu’une violation de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, sans pour autant avancer le moindre élément à l’appui de cet argument. Par conséquent, ce dernier ne saurait prospérer (voir, en ce sens, ordonnance du 1er septembre 2021, 12seasons/EUIPO, C‑211/21 P, non publiée, EU:C:2021:694, points 11 et 16).

18      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argumentation résumée aux points 8 à 10 de la présente ordonnance, il importe de constater que, par celle-ci, la partie requérante cherche, en substance, à remettre en cause les appréciations factuelles auxquelles s’est livré le Tribunal en ce qui concerne la comparaison des signes. Or, une telle argumentation ne saurait, en principe, être susceptible de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 10 novembre 2021, Comercializadora Eloro/EUIPO, C‑415/21 P, non publiée, EU:C:2021:924, point 20).

19      En troisième lieu, s’agissant de l’argumentation évoquée au point 11 de la présente ordonnance, il convient de constater que les explications fournies par la partie requérante ne sont pas suffisamment claires et précises pour permettre à la Cour de comprendre en quoi consisterait l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal. En effet, la partie requérante se borne à faire valoir que le Tribunal aurait dû prendre en compte la décision de l’Office des brevets et des marques allemand sans pour autant identifier ni l’objet de cette décision, ni son rapport avec la présente affaire, et sans préciser dans quelle mesure le défaut de prise en considération de ladite décision aurait exercé une influence sur le résultat de l’arrêt attaqué. Ainsi, force est de constater que la partie requérante ne respecte pas toutes les exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance.

20      En quatrième et dernier lieu, s’agissant de l’argumentation résumée au point 12 de la présente ordonnance, il y a lieu de souligner que la simple allégation selon laquelle un arrêt décisif de la Cour est nécessaire dans la mesure où la jurisprudence relative au traitement de la comparaison de signes composés de plusieurs mots et éléments graphiques n’est pas uniforme, ne respecte pas les exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance. En effet, cet argument est d’ordre général et ne fournit pas d’indications sur les raisons concrètes pour lesquelles une telle circonstance, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 13 décembre 2021, Abitron Germany/EUIPO, C‑589/21 P, non publiée, EU:C:2021:1012, point 22).

21      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la partie requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

22      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

23      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

24      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      St. Hippolyt Holding GmbH supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.