ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

16 février 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur – Directive 2008/94/CE – Article 9, paragraphe 1 – Entreprise ayant son siège dans un État membre et offrant ses services dans un autre État membre – Travailleur ayant sa résidence dans cet autre État membre – Travail effectué dans l’État membre du siège de son employeur et, une semaine sur deux, dans l’État membre de sa résidence – Détermination de l’État membre dont l’institution de garantie est compétente pour le paiement des créances salariales impayées »

Dans l’affaire C‑710/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 14 septembre 2021, parvenue à la Cour le 25 novembre 2021, dans la procédure

IEF Service GmbH

contre

HB,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. N. Wahl et J. Passer, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour HB, par Me C. Orgler, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, Mme J. Schmoll et M. F. Werni, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par MM. O. Serdula, M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme A. Hoesch, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. B.-R. Killmann et Mme D. Recchia, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO 2008, L 283, p. 36).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant IEF Service GmbH à HB au sujet de l’octroi à ce dernier d’une indemnité en raison de l’insolvabilité de son employeur, au titre des créances salariales restées impayées.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2008/94

3

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2008/94 :

« La présente directive s’applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’égard d’employeurs qui se trouvent en état d’insolvabilité au sens de l’article 2, paragraphe 1. »

4

L’article 2, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Aux fins de la présente directive, un employeur est considéré comme se trouvant en état d’insolvabilité lorsqu’a été demandée l’ouverture d’une procédure collective fondée sur l’insolvabilité de l’employeur, prévue par les dispositions législatives, réglementaires et administratives d’un État membre, qui entraîne le dessaisissement partiel ou total de cet employeur ainsi que la désignation d’un syndic, ou une personne exerçant une fonction similaire, et que l’autorité qui est compétente en vertu desdites dispositions a :

a)

soit décidé l’ouverture de la procédure ;

b)

soit constaté la fermeture définitive de l’entreprise ou de l’établissement de l’employeur, ainsi que l’insuffisance de l’actif disponible pour justifier l’ouverture de la procédure. »

5

L’article 3, premier alinéa, de ladite directive dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que les institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail y compris, lorsque le droit national le prévoit, des dédommagements pour cessation de la relation de travail. »

6

L’article 9 de la même directive, qui fait partie du chapitre IV de celle‑ci, intitulé « Dispositions relatives aux situations transnationales », énonce, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’une entreprise ayant des activités sur le territoire d’au moins deux États membres se trouve en état d’insolvabilité au sens de l’article 2, paragraphe 1, l’institution compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs salariés est celle de l’État membre sur le territoire duquel ils exercent ou exerçaient habituellement leur travail. »

Le règlement (CE) no 883/2004

7

L’article 3 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 (JO 2012, L 149, p. 4) (ci-après le « règlement no 883/2004 »), intitulé « Champ d’application matériel », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

a)

les prestations de maladie ;

b)

les prestations de maternité et de paternité assimilées ;

c)

les prestations d’invalidité ;

d)

les prestations de vieillesse ;

e)

les prestations de survivant ;

f)

les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles ;

g)

les allocations de décès ;

h)

les prestations de chômage ;

i)

les prestations de préretraite ;

j)

les prestations familiales. »

8

L’article 12 de ce règlement, intitulé « Règles particulières », dispose, à son paragraphe 1 :

« La personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt-quatre mois et que cette personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne détachée. »

9

L’article 13 dudit règlement, intitulé « Exercice d’activités dans deux ou plusieurs États membres », énonce, à son paragraphe 1 :

« La personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise :

a)

à la législation de l’État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre ; ou

b)

si elle n’exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l’État membre de résidence :

i)

à la législation de l’État membre dans lequel l’entreprise ou l’employeur a son siège social ou son siège d’exploitation, si cette personne est salariée par une entreprise ou un employeur ; ou

ii)

à la législation de l’État membre dans lequel les entreprises ou les employeurs ont leur siège social ou leur siège d’exploitation si cette personne est salariée par deux ou plusieurs entreprises ou employeurs qui n’ont leur siège social ou leur siège d’exploitation que dans un seul État membre ; ou

iii)

à la législation de l’État membre autre que l’État membre de résidence, dans lequel l’entreprise ou l’employeur a son siège social ou son siège d’exploitation, si cette personne est salariée par deux ou plusieurs entreprises ou employeurs qui ont leur siège social ou leur siège d’exploitation dans deux États membres dont un est l’État membre de résidence ; ou

iv)

à la législation de l’État membre de résidence si cette personne est salariée par deux ou plusieurs entreprises ou employeurs, dont deux au moins ont leur siège social ou leur siège d’exploitation dans différents États membres autres que l’État membre de résidence. »

Le règlement (CE) no 987/2009

10

L’article 5 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1), intitulé « Valeur juridique des documents et pièces justificatives établis dans un autre État membre », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les documents établis par l’institution d’un État membre qui attestent de la situation d’une personne aux fins de l’application du [règlement no 883/2004] et du [présent règlement], ainsi que les pièces justificatives y afférentes, s’imposent aux institutions des autres États membres aussi longtemps qu’ils ne sont pas retirés ou déclarés invalides par l’État membre où ils ont été établis. »

11

L’article 19 de ce règlement, intitulé « Information des personnes concernées et des employeurs », dispose, à son paragraphe 2 :

« À la demande de la personne concernée ou de l’employeur, l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en vertu d’une disposition du titre II du [règlement no 883/2004] atteste que cette législation est applicable et indique, le cas échéant, jusqu’à quelle date et à quelles conditions. »

Le droit autrichien

12

L’article 1er, paragraphe 1, de l’Insolvenz-Entgeltsicherungsgesetz (loi de protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur, BGBl., 324/1977), modifiée en dernier lieu par le BGBl. I, 218/2021 (ci-après l’« IESG »), est ainsi libellé :

« Ont droit à une indemnité d’insolvabilité les travailleurs salariés, les travailleurs indépendants au sens de l’article 4, paragraphe 4, de l’Allgemeines Sozialversicherungsgesetz [(loi générale sur les assurances sociales, BGBl., 189/1955) (ci-après l’“ASVG”)], les travailleurs à domicile et leurs survivants ainsi que leurs ayants droit à cause de mort (bénéficiaires), pour les créances garanties en vertu du paragraphe 2, s’ils entretiennent ou entretenaient une relation de travail (relation de travail free-lance, mandat) et qu’ils sont (étaient) considérés comme employés sur le territoire national en vertu de l’article 3, paragraphe 1, ou paragraphe 2, sous a) à d), de l’ASVG, et si une procédure au titre de la législation sur l’insolvabilité est ouverte sur le territoire national à l’encontre du patrimoine de l’employeur (mandant). »

13

Aux termes de l’article 12, paragraphe 1, de cette loi :

« Les dépenses du fonds de protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur sont couvertes par :

[...]

4)

[...] une majoration de la part des cotisations d’assurance chômage due par l’employeur [...] »

14

L’article 3 de l’ASVG dispose :

« 1.   Sont considérés comme employés sur le territoire national les travailleurs salariés dont le lieu de travail [...] est situé sur le territoire national, ainsi que les travailleurs indépendants dont le lieu d’établissement est situé sur le territoire national.

2.   Sont également considérés comme employés sur le territoire national

a)

les travailleurs qui font partie du personnel navigant d’une entreprise de transport international par voie fluviale ou lacustre [...]

d)

les travailleurs dont l’employeur est établi en Autriche et qui sont détachés à l’étranger, pour autant que leur emploi à l’étranger n’excède pas une durée de cinq ans ; [...] »

15

L’article 4 de cette loi dispose, à son paragraphe 1 :

« Sont affiliés au titre de la présente loi fédérale à l’assurance maladie, à l’assurance accident et à l’assurance pension (couverture totale), lorsque l’emploi concerné n’est pas exclu de la prise en charge totale conformément aux articles 5 et 6 ou ne confère qu’une prise en charge partielle conformément à l’article 7 :

1)

les travailleurs employés par un ou plusieurs employeurs ; [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16

Depuis le 1er juillet 2017, HB était employé en tant que directeur du développement commercial stratégique par S GmbH, dont le siège est établi à Graz (Autriche). Cette société proposait également ses services en Allemagne et y collaborait avec un ingénieur commercial indépendant, mais n’y employait pas d’autres collaborateurs.

17

Le contrat de travail de HB prévoyait que le cœur de l’activité de celui‑ci ainsi que son lieu de travail habituel se situaient en Autriche. HB dirigeait deux départements et assumait la responsabilité des employés du bureau de Graz. HB y travaillait, de facto, en alternance, une semaine, et une semaine depuis son domicile en Allemagne, où se trouvait sa résidence principale.

18

HB dispose d’un certificat délivré par un organisme d’assurance allemand conformément à l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 987/2009, l’informant que la législation allemande lui est applicable en matière de sécurité sociale.

19

Le 4 juin 2019, une procédure de redressement judiciaire avec dessaisissement a été ouverte contre S.

20

IEF Service représente le fonds d’indemnisation en cas d’insolvabilité de l’employeur, à savoir l’institution de garantie autrichienne, au sens de la directive 2008/94.

21

HB a introduit une demande d’indemnité d’insolvabilité au titre de ses créances salariales qui sont restées impayées jusqu’à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Cette demande a été introduite tant auprès d’IEF Service que de l’institution de garantie allemande. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, l’issue de la procédure en Allemagne n’est pas encore connue.

22

Par jugement du 14 octobre 2019, le Landesgericht für Zivilrechtssachen Graz (tribunal régional des affaires civiles de Graz, Autriche) a accueilli la demande de HB.

23

IEF Service a interjeté appel de ce jugement devant l’Oberlandesgericht Graz (tribunal régional supérieur de Graz, Autriche) qui a confirmé ledit jugement par un arrêt du 18 juin 2020.

24

Dans ces conditions, IEF Service a formé un recours en Revision contre cet arrêt devant l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), la juridiction de renvoi.

25

Cette juridiction considère que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 6 septembre 2018, Alpenrind e.a. (C‑527/16, EU:C:2018:669), un certificat A1 en cours de validité, délivré par l’institution compétente d’un État membre conformément à l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 987/2009, lie non seulement les institutions de l’État membre dans lequel l’activité est exercée, mais également les juridictions de cet État membre.

26

Dès lors, bien que HB ait conclu son contrat de travail en Autriche et qu’il ait exercé son activité salariée à mi-temps au siège de la société S en Autriche, il remplirait les conditions de l’obligation d’assurance dans son État de résidence, à savoir l’Allemagne, la législation allemande étant applicable en l’occurrence. En outre, conformément à cette législation, il aurait probablement, au moins fictivement, un lieu de travail en Allemagne.

27

Le législateur autrichien aurait transposé les dispositions de la directive 2008/94 à l’article 1er, paragraphe 1, de l’IESG, en prévoyant qu’un emploi est exercé sur le territoire national lorsqu’il existe une « relation de travail », au sens de l’article 3, paragraphe 1, ou paragraphe 2, sous a) à d), de l’ASVG. À cet égard, il y aurait une obligation d’assurance sur le territoire autrichien.

28

Conformément à la jurisprudence de l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême), l’article 1er, paragraphe 1, de l’IESG n’ouvre pas droit à une indemnité d’insolvabilité lorsqu’un travailleur salarié employé à l’étranger n’est pas soumis à l’obligation d’assurance en Autriche en raison de son activité.

29

En l’occurrence, HB partageant son temps de travail de manière égale entre l’Autriche et l’Allemagne tout en étant soumis au régime de la sécurité sociale allemande, la question se poserait de savoir si l’article 9 de la directive 2008/94, qui concerne les situations transnationales, doit s’appliquer. La juridiction de renvoi considère que la réponse à cette question dépend du point de savoir si les prestations de services proposées par S en Allemagne, la collaboration constatée avec un ingénieur commercial indépendant dans cet État membre et le travail régulier effectué par HB depuis son domicile en Allemagne sont des éléments de rattachement suffisants pour conclure à une « présence économique stable » de l’employeur en Allemagne, au sens des arrêts du 16 octobre 2008, Holmqvist (C‑310/07, EU:C:2008:573), et du 10 mars 2011, Defossez (C‑477/09, EU:C:2011:134).

30

Si tel était le cas, il conviendrait de déterminer, eu égard à l’égale répartition du temps de travail pour un contenu d’activité identique, et en application des critères relatifs au lieu de résidence et à l’obligation d’assurance de HB, dans quel État ce dernier exerçait « habituellement » son travail, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94, pour pouvoir ensuite déterminer la compétence de l’institution de garantie nationale.

31

La juridiction de renvoi ajoute que, même à supposer qu’il n’existe pas nécessairement de lien entre l’obligation de cotisation et la garantie des créances (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2016, Stroumpoulis e.a., C‑292/14, EU:C:2016:116, point 68), il semble conforme à l’objectif des libertés fondamentales d’éviter de faire peser une double charge sur les employeurs dont les salariés travaillent dans deux États membres et ont, de ce fait, la garantie de percevoir une indemnité en cas d’insolvabilité, financée par des cotisations.

32

Dans ces conditions, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94 doit-il être interprété en ce sens qu’une entreprise au sens de [cette disposition] a des activités sur le territoire d’au moins deux États membres dès lors qu’elle propose ses services dans un autre État membre, qu’elle y emploie à cet effet un ingénieur commercial indépendant et qu’un travailleur employé au siège de l’entreprise travaille de manière régulière une semaine sur deux dans l’autre État membre depuis son domicile ?

Si la première question appelle une réponse affirmative :

2)

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94 doit-il être interprété en ce sens qu’un travailleur d’une telle entreprise, qui réside dans le deuxième État membre et y est obligatoirement assujetti à la sécurité sociale, mais qui exerce alternativement son travail une semaine dans l’État membre où l’employeur a son siège, et une semaine dans l’État membre où il réside et est assujetti à la sécurité sociale, exerce “habituellement” son travail dans les deux États membres au sens de cet article ?

Si la deuxième question appelle une réponse affirmative :

3)

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94 doit-il être interprété en ce sens que, pour le paiement des créances impayées d’un travailleur salarié qui exerce ou exerçait habituellement son travail dans deux États membres, l’institution de garantie compétente est :

a)

l’institution de garantie de l’État membre à la législation duquel il est soumis dans le cadre de la coordination des régimes de sécurité sociale (assurance sociale) lorsque, conformément à l’article 3 de la directive 2008/94, les institutions de garantie sont conçues dans les deux États de telle manière que les contributions des employeurs au financement de l’institution de garantie sont dues au titre des cotisations obligatoires d’assurance sociale, ou

b)

l’institution de garantie de l’autre État membre dans lequel l’entreprise insolvable a son siège social, ou

c)

les institutions de garantie des deux États membres, de sorte que le travailleur salarié peut choisir celle qu’il veut faire intervenir lorsqu’il introduit sa demande ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

33

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94 doit être interprété en ce sens que, afin de déterminer l’État membre dont l’institution de garantie est compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs, il convient de considérer que l’employeur qui se trouve en état d’insolvabilité a des activités sur le territoire d’au moins deux États membres, au sens de cette disposition, dès lors que le contrat de travail du travailleur concerné prévoit que le cœur de l’activité de celui-ci ainsi que son lieu de travail habituel se situent dans l’État membre du siège de l’employeur, mais que, à proportion égale de son temps de travail, ce travailleur exerce ses tâches à distance à partir d’un autre État membre où se trouve sa résidence principale.

34

Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler d’emblée que, conformément à l’article 3, premier alinéa, de la directive 2008/94, les États membres prennent les mesures nécessaires afin que les institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4 de cette directive, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail, y compris, lorsque le droit national le prévoit, des dédommagements pour cessation de la relation de travail.

35

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94, qui porte sur les « situations transnationales », prévoit que, lorsqu’une entreprise ayant des activités sur le territoire d’au moins deux États membres se trouve en état d’insolvabilité, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, l’institution compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs salariés est celle de l’État membre sur le territoire duquel ils exercent ou exerçaient habituellement leur travail.

36

Afin d’apprécier si, dans un cas tel que celui visé au point 33 du présent arrêt, ledit article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94 trouve à s’appliquer, il convient d’examiner si l’employeur « a des activités sur le territoire d’au moins deux États membres », au sens de cette disposition.

37

À cet égard, il convient de constater que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 octobre 2008, Holmqvist (C‑310/07, EU:C:2008:573), la Cour était appelée à interpréter l’article 8 bis, paragraphe 1, de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO 1980, L 283, p. 23), telle que modifiée par la directive 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (JO 2002, L 270, p. 10), dont la teneur est identique à celle de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94.

38

La Cour a jugé que, bien que l’article 8 bis, paragraphe 1, de la directive 80/987, telle que modifiée par la directive 2002/74, n’implique pas des conditions strictes de rattachement, mais vise un lien plus faible qu’une présence de l’entreprise par l’intermédiaire d’une succursale ou d’un établissement stable, il n’y a pas lieu pour autant de suivre le raisonnement selon lequel il suffirait qu’un travailleur effectue une forme quelconque de travail dans un autre État membre pour le compte de son employeur, et que ce travail résulte d’un besoin et d’une instruction de celui-ci, pour qu’une entreprise soit considérée comme ayant des activités sur le territoire de cet autre État membre (arrêt du 16 octobre 2008, Holmqvist, C‑310/07, EU:C:2008:573, point 29).

39

En effet, la notion d’« activités », figurant à ladite disposition, doit être entendue comme se référant à des éléments comportant un certain degré de permanence sur le territoire d’un État membre. Cette permanence se traduit par l’emploi durable d’un travailleur ou de travailleurs sur ledit territoire (arrêt du 16 octobre 2008, Holmqvist, C‑310/07, EU:C:2008:573, point 30).

40

Certes, eu égard aux différentes formes que peut prendre le travail transfrontalier et compte tenu des changements intervenus dans les conditions de travail et des progrès du secteur des télécommunications, il ne saurait être soutenu qu’une entreprise doit nécessairement disposer d’une infrastructure physique pour assurer une présence économique stable dans un État membre autre que celui où elle a établi son siège social. En effet, les différents aspects d’une relation de travail, notamment la communication des instructions au travailleur et la transmission des rapports de ce dernier à l’employeur, ainsi que le virement des rémunérations, sont désormais susceptibles d’être effectués à distance (arrêt du 16 octobre 2008, Holmqvist, C‑310/07, EU:C:2008:573, point 32).

41

Cependant, une entreprise établie dans un État membre, pour être considérée comme ayant des activités sur le territoire d’un autre État membre, doit disposer dans ce dernier État d’une présence économique stable, caractérisée par l’existence de moyens humains lui permettant d’y accomplir des activités (arrêt du 16 octobre 2008, Holmqvist, C‑310/07, EU:C:2008:573, point 34).

42

En l’occurrence, ainsi qu’il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour, bien que HB ait effectué de facto la moitié de son travail, en ce qui concerne la dimension temporelle, à partir de son domicile en Allemagne, le cœur de ce travail, qui consistait à diriger deux départements et à assumer la responsabilité des employés du bureau de l’employeur en Autriche, était situé, conformément au contrat de travail et dans la pratique, dans ce dernier État membre.

43

En outre, la circonstance que l’employeur de HB n’avait pas d’autres employés en Allemagne, à l’exception d’un ingénieur commercial indépendant avec lequel cet employeur collaborait dans cet État membre, confirme que les activités de HB n’ont pas pu être liées à une quelconque présence durable de cet employeur dans ledit État membre.

44

Il convient de constater que, à la lumière de la jurisprudence visée aux points 38 à 41 du présent arrêt, dans ces circonstances, un employeur tel que celui de HB n’a pas d’activités sur le territoire d’au moins deux États membres au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94.

45

Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que HB dispose d’un certificat délivré conformément à l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 987/2009, en vertu duquel il est soumis à la législation allemande. En effet, ainsi que l’a relevé la Commission européenne dans ses observations écrites, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 987/2009, ce certificat a un effet contraignant en ce qui concerne les obligations imposées par les législations nationales en matière de sécurité sociale visée par la coordination instaurée par le règlement no 883/2004, un tel certificat n’a, toutefois, aucune incidence sur la détermination de l’État membre dans lequel HB doit faire valoir ses créances salariales impayées, conformément à la directive 2008/94.

46

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94 doit être interprété en ce sens que, afin de déterminer l’État membre dont l’institution de garantie est compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs, il y a lieu de considérer que l’employeur qui se trouve en état d’insolvabilité n’a pas d’activités sur le territoire d’au moins deux États membres, au sens de cette disposition, dès lors que le contrat de travail du travailleur concerné prévoit que le cœur de l’activité de celui-ci ainsi que son lieu de travail habituel se situent dans l’État membre du siège de l’employeur, mais que, à proportion égale de son temps de travail, ce travailleur exerce ses tâches à distance à partir d’un autre État membre où se trouve sa résidence principale.

Sur les deuxième et troisième questions

47

Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.

Sur les dépens

48

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur,

 

doit être interprété en ce sens que :

 

afin de déterminer l’État membre dont l’institution de garantie est compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs, il y a lieu de considérer que l’employeur qui se trouve en état d’insolvabilité n’a pas d’activités sur le territoire d’au moins deux États membres, au sens de cette disposition, dès lors que le contrat de travail du travailleur concerné prévoit que le cœur de l’activité de celui-ci ainsi que son lieu de travail habituel se situent dans l’État membre du siège de l’employeur, mais que, à proportion égale de son temps de travail, ce travailleur exerce ses tâches à distance à partir d’un autre État membre où se trouve sa résidence principale.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.