ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
29 juillet 2024 (*)
« Pourvoi – Aide d’État – Article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE – Marché autrichien du transport aérien – Aide accordée par la République d’Autriche en faveur d’une compagnie aérienne dans le cadre de la pandémie de COVID-19 – Prêt subordonné en faveur d’Austrian Airlines AG – Décision de la Commission européenne de ne pas soulever d’objections – Aide destinée à remédier aux dommages subis par une seule entreprise – Principes de proportionnalité et de non-discrimination – Liberté d’établissement et libre prestation des services »
Dans l’affaire C‑591/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 septembre 2021,
Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande),
Laudamotion GmbH, établie à Schwechat (Autriche),
représentées initialement par Mes V. Blanc, F.-C. Laprévote, E. Vahida, avocats, Me I.-G. Metaxas-Maranghidis, dikigoros, Mes D. Pérez de Lamo et S. Rating, abogados, puis par Mes F.-C. Laprévote, E. Vahida, avocats, Me I.-G. Metaxas-Maranghidis, dikigoros, Mes D. Pérez de Lamo et S. Rating, abogados,
parties requérantes,
les autres parties à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par M. L. Flynn et Mme F. Tomat, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller et P.-L. Krüger, en qualité d’agents,
République d’Autriche, représentée par M. A. Posch, Mmes J. Schmoll et E. Samoilova, en qualité d’agents,
Austrian Airlines AG, établie à Vienne (Autriche), représentée par Me A. Zellhofer, Rechtsanwalt,
parties intervenantes en première instance,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu‑Matei, MM. J.‑C. Bonichot, S. Rodin (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,
avocat général : M. G. Pitruzzella,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi, Ryanair DAC et Laudamotion GmbH demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2021, Ryanair et Laudamotion/Commission (Austrian Airlines ; Covid-19) (T‑677/20, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:465), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision C(2020) 4684 final de la Commission, du 6 juillet 2020 relative à l’aide d’État SA.57539 (2020/N) – Autriche – COVID-19 – Aide en faveur d’Austrian Airlines (JO 2020, C 346, p. 2, ci-après la « décision litigieuse »).
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
2 Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.
3 Austrian Airlines AG (ci-après « AUA ») est une compagnie aérienne qui fait partie du groupe Lufthansa. À la tête de ce groupe se trouve la société mère Deutsche Lufthansa AG (ci-après « DLH »). Ledit groupe comprend notamment les compagnies aériennes Brussels Airlines SA/NV, AUA, Swiss International Air Lines Ltd et Edelweiss Air AG.
4 Le 23 juin 2020, la République d’Autriche a notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une mesure d’aide sous la forme d’un prêt subordonné convertible en subvention de 150 millions d’euros en faveur de AUA (ci-après la « mesure en cause »). Cette mesure visait à indemniser AUA pour les dommages résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement et d’autres mesures de confinement dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
5 Le 6 juillet 2020, la Commission a adopté la décision litigieuse, par laquelle, après avoir considéré que la mesure en cause était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et en avoir évalué la compatibilité avec le marché intérieur à la lumière de sa communication C(2020) 1863, du 19 mars 2020, intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (JO 2020, C 91 I, p. 1), telle que modifiée par ses communications C(2020) 2215, du 3 avril 2020 (JO 2020, C 112 I, p. 1), 2020/C 164/03, du 13 mai 2020 (JO 2020, C 164, p. 3), et 2020/C 218/03, du 29 juin 2020 (JO 2020, C 218, p. 3), elle a décidé que cette mesure était compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et n’a, dès lors, pas soulevé d’objections à son égard.
6 Ladite mesure s’inscrit dans le cadre d’une série de mesures d’aide en faveur de AUA et du groupe Lufthansa qui peut être résumée comme suit.
7 Par une décision du 22 mars 2020, SA.56714 (2020/N) – Allemagne – Mesures COVID‑19, la Commission a autorisé, sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, un régime d’aides instauré par la République fédérale d’Allemagne en vue de soutenir les entreprises ayant besoin de liquidités pour leurs activités en Allemagne, sans limitation du secteur économique concerné. Au titre de ce régime, DLH était éligible à recevoir une garantie d’État à hauteur de 80 % sur un prêt de 3 milliards d’euros (ci-après le « prêt allemand »).
8 Par une décision du 17 avril 2020, SA.56981 (2020/N) – Autriche – Régime autrichien de garantie des crédits-relais au titre du cadre temporaire pour les aides d’État destinées à soutenir l’économie durant la pandémie actuelle de COVID-19, telle que modifiée par la décision du 9 juin 2020, SA.57520 (2020/N) Autriche – Mesures anti-crise autrichiennes – COVID-19 : Garanties pour les grandes entreprises sur la base de la loi sur la garantie de 1977 par Austria Wirtschaftsservice GmbH (aws) – Amendement du régime d’aide SA.56981 (2020/N), la Commission a autorisé, sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, un régime d’aides instauré par la République d’Autriche en faveur des entreprises touchées par la pandémie de COVID-19, sans limitation du secteur concerné (ci-après le « régime d’aides autrichien »). Au titre de ce régime, la République d’Autriche a accordé à AUA une aide sous la forme d’une garantie d’État à hauteur de 90 % sur un prêt de 300 millions d’euros consenti par un consortium de banques commerciales.
9 Par une décision du 25 juin 2020, SA.57153 (2020/N) – Allemagne – COVID-19 – Aide à Lufthansa (ci-après la « décision Lufthansa »), la Commission a autorisé, sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, l’octroi d’une aide individuelle de 6 milliards d’euros en faveur de DLH, composée, premièrement, de 306 044 326,40 euros de participation au capital, deuxièmement, de 4 693 955 673,60 euros de « participation silencieuse », un instrument de capital hybride, traitée comme des capitaux propres selon les normes comptables internationales et, troisièmement, de 1 milliard d’euros de « participation silencieuse » avec les caractéristiques d’un titre de créance convertible. Cette aide pouvait être utilisée par DLH pour soutenir les autres sociétés du groupe Lufthansa qui ne se trouvaient pas en situation de difficulté financière au 31 décembre 2019, y compris AUA.
10 La décision Lufthansa précise que la mesure d’aide qu’elle vise fait partie d’un ensemble plus large de mesures de soutien en faveur du groupe Lufthansa, composé des mesures suivantes :
– le prêt allemand ;
– une garantie d’État de 90 % sur un prêt de 300 millions d’euros que la République d’Autriche envisageait d’accorder à AUA au titre du régime d’aides autrichien ;
– la mesure en cause ;
– une aide de trésorerie de 250 millions d’euros et un prêt de 40 millions d’euros accordés par le Royaume de Belgique en faveur de Brussels Airlines, et
– une garantie d’État de 85 % sur un prêt de 1,4 milliard d’euros accordée par la Confédération suisse à Swiss International Air Lines et à Edelweiss Air.
11 Dans la décision Lufthansa, la Commission a indiqué, en substance, que les aides octroyées par d’autres États en faveur des entreprises du groupe Lufthansa, à savoir celles énumérées aux deuxième à cinquième tirets du point précédent, comprenant donc la mesure en cause, seraient déduites de l’aide individuelle en faveur de DLH faisant l’objet de cette décision ou du prêt allemand.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
12 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 13 novembre 2020, les requérantes, Ryanair et Laudamotion, ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
13 À l’appui de ce recours, les requérantes ont soulevé cinq moyens, tirés, le premier, de ce que la Commission n’avait pas examiné l’aide éventuelle à destination ou en provenance de Lufthansa, le deuxième, d’une violation du principe de non-discrimination, de la liberté de prestation des services et de la liberté d’établissement, le troisième, d’une application erronée de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et d’une erreur manifeste d’appréciation, le quatrième, d’une violation de leurs droits procéduraux au motif que la Commission a refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen en dépit de l’existence de doutes sérieux quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur et, le cinquième, d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.
14 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les premier à troisième et cinquième moyens soulevés par les requérantes comme étant non fondés. S’agissant du quatrième moyen, il a notamment considéré que ce moyen reprenait les arguments invoqués dans le cadre des premier à troisième moyens, de sorte que, au regard des motifs l’ayant conduit à rejeter ceux-ci, il n’était pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de ce quatrième moyen. Par conséquent, le Tribunal a rejeté ledit recours dans son ensemble, sans statuer sur la recevabilité de celui-ci.
Les conclusions des parties au pourvoi
15 Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– d’annuler la décision litigieuse ;
– de condamner la Commission et les parties intervenantes en première instance aux dépens ou, à titre subsidiaire :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue à nouveau, et
– de réserver les dépens.
16 La Commission, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Autriche et AUA demandent à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérantes aux dépens.
Sur le pourvoi
17 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent sept moyens. Le premier moyen est tiré d’erreurs de droit et d’une dénaturation des faits que le Tribunal aurait commises dans le cadre du rejet de leur argument selon lequel la Commission n’avait pas examiné un éventuel « débordement de l’aide à destination ou en provenance de DLH ». Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en écartant l’argument des requérantes selon lequel les aides accordées au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ne peuvent pas viser à réparer les dommages subis par une seule entreprise d’un secteur touché dans son ensemble. Le troisième moyen est tiré d’erreurs de droit, d’une dénaturation des faits et d’une contradiction de motifs que le Tribunal aurait commises dans le cadre du rejet de l’argument des requérantes tiré d’une violation du principe de non-discrimination. Le quatrième moyen est tiré d’erreurs de droit et d’une dénaturation des faits que le Tribunal aurait commises dans le cadre du rejet de l’argument des requérantes tiré d’une violation de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services. Le cinquième moyen est tiré d’erreurs de droit et d’une dénaturation des faits que le Tribunal aurait commises dans l’application de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et du principe de proportionnalité en ce qui concerne les dommages causés à AUA par la pandémie de COVID‑19. Le sixième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits que le Tribunal aurait commises en décidant de ne pas examiner le bien-fondé du quatrième moyen du recours en première instance, pris d’une violation des droits procéduraux des requérantes. Le septième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits qui entacherait l’appréciation du Tribunal selon laquelle la Commission n’avait pas violé l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
18 Par leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit et d’avoir manifestement dénaturé les faits en rejetant, aux points 36 à 44 de l’arrêt attaqué, leur argument selon lequel la Commission avait omis d’examiner un éventuel « débordement de l’aide à destination ou en provenance de DLH ». Le Tribunal aurait, notamment, estimé à tort que la Commission avait suffisamment tenu compte de la relation entre la mesure en cause et l’aide faisant l’objet de la décision Lufthansa.
19 Plus particulièrement, les requérantes contestent certaines appréciations du Tribunal figurant aux points 40 à 42 de l’arrêt attaqué, concernant plus spécifiquement le risque que AUA bénéficie d’un soutien de la part de DLH allant au-delà de la contribution de 150 millions d’euros en fonds propres provenant de cette dernière, mentionnée dans la décision litigieuse, entraînant une surcompensation en faveur de AUA.
20 Le premier moyen est divisé en deux branches. Premièrement, selon les requérantes, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 41 de cet arrêt, elles étaient seulement tenues de démontrer qu’il était plausible que l’aide à destination de DLH puisse « déborder » vers AUA, un tel « débordement » n’étant, en outre, nullement hypothétique. Par ailleurs, le constat du Tribunal, à ce point 41, selon lequel un éventuel « débordement » ne serait pas problématique au motif qu’il « aurait pour origine l’aide déjà autorisée dans la décision Lufthansa, dont la légalité ne fait pas l’objet du présent recours » serait contradictoire avec l’arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; Covid-19) (T‑643/20, EU:T:2021:286). En outre, l’affirmation du Tribunal, aux points 40 et 41 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, d’une part, le prêt allemand et l’aide faisant l’objet de la décision Lufthansa, fondés sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, et, d’autre part, la mesure en cause, fondée sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, n’étaient pas censés couvrir les mêmes coûts éligibles, serait formaliste et superficielle. Il serait clair que tant ces prêt et aide que cette mesure visaient dans les faits à aider AUA à surmonter l’effet financier de la pandémie de COVID-19. Deuxièmement, les requérantes soutiennent que, contrairement à ce que le Tribunal a considéré au point 42 de l’arrêt attaqué, le mécanisme de déduction prévu dans la décision Lufthansa ne peut pas corriger la surcompensation qui serait causée par un « débordement » de l’aide faisant l’objet de cette décision de DLH vers AUA.
21 La Commission soutient que le premier moyen doit être rejeté comme étant dépourvu de fondement. Selon la République fédérale d’Allemagne, la République d’Autriche et AUA, ce moyen est, du moins en partie, irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.
Appréciation de la Cour
22 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, par la décision litigieuse, la mesure en cause a été déclarée compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, qui prévoit une telle compatibilité à l’égard des aides « destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ».
23 À cet égard, une aide octroyée sur le fondement de l’article 107, paragraphe 2, TFUE doit, notamment, être nécessaire pour atteindre les buts prévus à cette disposition, de sorte qu’une aide qui apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre ces buts ne saurait être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 57 et jurisprudence citée).
24 En vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, seuls peuvent être compensés les désavantages causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, points 20 et 58 et jurisprudence citée).
25 Il s’ensuit que les aides accordées ne sauraient être supérieures aux pertes encourues par les bénéficiaires de ces aides en raison de l’événement concerné (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 59 et jurisprudence citée).
26 Le premier moyen est dirigé contre les motifs de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal a rejeté, aux points 36 à 44 de cet arrêt, le premier moyen du recours en première instance, tiré de ce que la Commission n’avait pas tenu compte d’un éventuel « débordement de l’aide concernée à destination ou en provenance de DLH », et en particulier du risque que AUA puisse bénéficier d’un transfert de fonds supplémentaire provenant de DLH, au-delà de la contribution de 150 millions d’euros en fonds propres mentionnée dans la décision litigieuse, un tel transfert supplémentaire étant susceptible d’entraîner une surcompensation des dommages subis par AUA.
27 Par la première branche de leur premier moyen, les requérantes font valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 41 de l’arrêt attaqué, elles étaient seulement tenues de démontrer qu’un tel « débordement » était plausible. Il convient de constater que cette première branche repose sur une lecture erronée de ce point, le Tribunal s’étant borné, en réponse à l’affirmation des requérantes selon laquelle il n’était « pas exclu » que DLH transfère à AUA des liquidités supplémentaires au-delà de cette contribution, à constater, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, qu’un tel transfert relevait d’une simple hypothèse, les requérantes n’ayant présenté aucun élément concret en ce sens.
28 Par ailleurs, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il résulte du point 41 de l’arrêt attaqué, ce n’est qu’à titre surabondant, dans le cas où on supposerait même que DLH ait eu l’intention de transférer à AUA des liquidités supplémentaires au-delà de la contribution de 150 millions d’euros mentionnée dans la décision litigieuse, que le Tribunal a examiné les arguments présentés par les requérantes dans le cadre de leur premier moyen du recours en première instance et auxquels il a répondu par les considérations figurant dans la seconde partie de ce point 41. Dès lors, les griefs de la première branche du premier moyen du pourvoi qui concernent ces considérations doivent être écartés comme étant inopérants.
29 Par la seconde branche de leur premier moyen, les requérantes contestent l’appréciation du Tribunal, figurant au point 42 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le mécanisme de déduction prévu dans la décision Lufthansa corrigerait la surcompensation qui serait causée par un « débordement » de l’aide faisant l’objet de cette décision de DLH vers AUA.
30 Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, cette appréciation n’est pas entachée d’une erreur de droit.
31 En effet, dès lors que l’aide faisant l’objet de la décision Lufthansa avait été déclarée compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et compte tenu du fait, d’une part, que ladite aide pouvait bénéficier à l’ensemble des sociétés du groupe Lufthansa, y compris à AUA, et, d’autre part, que, selon cette décision, la même aide ne correspondait qu’au minimum nécessaire pour atteindre ses objectifs, à savoir restaurer la structure du capital du groupe Lufthansa et garantir sa viabilité, le Tribunal pouvait, sans commettre d’erreur de droit, considérer qu’il n’existait pas de risque de surcompensation des dommages et, en tout état de cause, que la Commission avait, eu égard aux considérations analogues figurant dans la décision litigieuse, suffisamment tenu compte de la relation entre les différentes mesures d’aide concernées et, notamment, d’un « débordement » éventuel de ces aides l’une sur l’autre.
32 Enfin, dans la mesure où, dans le cadre de leur premier moyen, les requérantes font, en outre, grief au Tribunal de s’être livré à une dénaturation des éléments de fait qui lui étaient soumis, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C‑14/19 P, EU:C:2020:492, point 103 et jurisprudence citée).
33 Il s’ensuit que l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C‑14/19 P, EU:C:2020:492, point 104 et jurisprudence citée).
34 Lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C‑14/19 P, EU:C:2020:492, point 105 et jurisprudence citée).
35 En l’espèce, force est de constater que, à l’appui de leur premier moyen, les requérantes n’ont avancé aucune argumentation susceptible de démontrer que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve, au sens de cette jurisprudence, en effectuant les appréciations visées par ce moyen et énoncées au point 20 du présent arrêt.
36 Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
37 Par leur deuxième moyen, visant les points 55 à 58 de l’arrêt attaqué, les requérantes reprochent au Tribunal, en substance, d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’il a considéré qu’une aide accordée au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE peut être destinée à remédier aux dommages subis par une seule des personnes affectées par un événement extraordinaire, alors même que les concurrents de cette dernière, tels que les requérantes, ont également été affectés par celui-ci.
38 Selon les requérantes, les motifs énoncés aux points 55 et 56 de l’arrêt attaqué ne justifient pas le rejet du deuxième moyen de leur recours en première instance, en tant que celui-ci était tiré d’une violation du principe de non-discrimination. En effet, si les États membres ne sont pas obligés d’accorder des aides d’État, ils devraient, lorsqu’ils décident de le faire, respecter les conditions prévues par le traité FUE, y compris le principe de non-discrimination. De même, la question serait de savoir non pas si l’aide concernée couvre l’intégralité des dommages causés par un événement extraordinaire, mais si elle est accordée à toutes les entreprises concurrentes opérant sur un marché donné qui ont subi ces dommages ou à une seule, choisie arbitrairement, ce dernier cas ne constituant pas une application correcte de cette disposition.
39 Les requérantes avancent que le Tribunal aurait dû constater que le bien-fondé de leur argumentation était corroboré par le libellé clair et l’économie de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte, ainsi que par la pratique décisionnelle de la Commission antérieure à la pandémie de COVID-19. À cet égard, l’objet même de cette disposition serait de permettre aux États membres d’agir en tant qu’« assureurs en dernier ressort », lorsque le risque lié aux calamités naturelles ou aux autres événements extraordinaires ne peut être couvert par les entreprises opérant sur un marché donné. Il s’agirait là d’un rôle économique fondamental ressortissant à chaque État membre. Par définition, cette fonction d’« assureur en dernier ressort » supposerait que l’État membre concerné offre la même protection à toutes les entreprises exposées au risque en cause. Un État membre qui n’offrirait sa protection qu’à un petit nombre d’entreprises ou, tel que cela serait le cas en l’espèce, à une seule entreprise, agirait dès lors non plus en tant qu’« assureur en dernier ressort », mais pour d’autres raisons de politique générale, telles que des raisons de politique industrielle.
40 Or, selon les requérantes, la poursuite simultanée de divers objectifs de politique générale par un État membre au moyen d’une aide accordée au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE affaiblirait le lien direct entre l’événement extraordinaire, les dommages et l’aide accordée, un tel lien constituant une condition essentielle d’application de cette disposition, qui reposerait sur une logique purement compensatrice.
41 La Commission, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Autriche et AUA soutiennent que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant dépourvu de fondement.
Appréciation de la Cour
42 Il ressort d’une jurisprudence constante que, dès lors qu’elles constituent une dérogation au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, consacré à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, les dispositions du paragraphe 2, sous b), de cet article doivent faire l’objet d’une interprétation stricte. Ainsi, la Cour a notamment jugé que seuls peuvent être compensés, au titre de ces dernières dispositions, les désavantages causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires. Il s’ensuit qu’un lien direct entre les dommages causés par l’événement extraordinaire et l’aide d’État doit exister et qu’une évaluation aussi précise que possible des dommages subis par les opérateurs concernés est nécessaire (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 20 ainsi que jurisprudence citée).
43 Selon les requérantes, dans le cas où un État membre déciderait d’adopter des mesures de soutien au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, il serait contraint de le faire à l’égard de toutes les entreprises ayant subi des dommages similaires.
44 À cet égard si, certes, la dérogation prévue à cette disposition doit faire l’objet d’une interprétation stricte, cela ne signifie pas pour autant que les termes utilisés pour définir cette dérogation doivent être interprétés d’une manière qui priverait celle-ci de ses effets, une dérogation devant être interprétée de manière conforme aux objectifs qu’elle poursuit (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 22 et jurisprudence citée).
45 Or, il ne ressort nullement des termes de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, lus à la lumière de l’objectif de cette disposition, que seule pourrait être déclarée compatible avec le marché intérieur, au sens de celle-ci, une aide qui serait octroyée à l’ensemble des entreprises concernées par les dommages causés, notamment, par un événement extraordinaire. En effet, même si elle n’est accordée qu’à une seule entreprise, une aide peut, le cas échéant, être destinée à remédier à ces dommages et, en pleine conformité avec le droit de l’Union, remplir l’objectif expressément visé à ladite disposition (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 23).
46 Dès lors, l’objectif poursuivi par l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, qui vise à compenser les désavantages causés directement par un événement extraordinaire, n’exclut pas qu’un État membre puisse, sans que cela soit dicté par une volonté de favoriser une entreprise par rapport à ses concurrents, choisir, pour des raisons objectives, de ne faire bénéficier qu’une seule entreprise d’une mesure adoptée au titre de cette disposition (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 24).
47 Une interprétation en sens contraire de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE priverait d’ailleurs cette disposition d’une grande partie de son effet utile. En effet, si ladite disposition donnait seulement la faculté aux États membres d’accorder une aide à l’ensemble des victimes d’un événement extraordinaire sans pouvoir réserver cette aide à un nombre limité d’entreprises, voire à une seule, les États membres seraient souvent dissuadés de faire usage de cette faculté en raison des coûts que représenterait l’octroi, dans de telles conditions, d’une aide significative à l’ensemble des entreprises ayant subi un préjudice en raison de cet événement (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 25).
48 Il découle des considérations qui précèdent que l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ne saurait recevoir l’interprétation préconisée par les requérantes, sous peine de porter atteinte à l’objectif et à l’effet utile de cette disposition.
49 Cela étant, il importe de rappeler, ainsi qu’il ressort, en substance, de la jurisprudence citée au point 42 du présent arrêt, qu’une mesure d’aide ne saurait être déclarée compatible avec le marché intérieur en vertu d’une dérogation prévue à l’article 107, paragraphe 2, TFUE que si toutes les conditions d’application de cette disposition sont réunies, ce qui implique, notamment, que cette mesure contribue à la réalisation de l’un des objectifs visés à ladite disposition et qu’elle soit proportionnée au but poursuivi.
50 À cet égard, une aide octroyée sur le fondement de l’article 107, paragraphe 2, TFUE doit, notamment, être nécessaire pour atteindre les buts prévus à cette disposition, de sorte qu’une aide qui apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre ces buts ne saurait être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 30 et jurisprudence citée).
51 Toutefois, contrairement à ce que les requérantes suggèrent, le seul fait qu’une aide au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ne soit accordée qu’à une seule entreprise, comme en l’espèce à AUA, parmi plusieurs entreprises affectées par l’événement extraordinaire en cause n’implique pas pour autant que cette aide vise nécessairement d’autres objectifs à l’exclusion de celui poursuivi par cette disposition ou qu’elle est octroyée de manière arbitraire (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 31).
52 Dans ce contexte, il convient de rejeter l’argumentation des requérantes tirée de ce que l’objet de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE suppose que l’État membre concerné agisse en tant qu’« assureur en dernier ressort », dès lors qu’une telle interprétation de cette disposition ne ressort ni du libellé ni de l’objectif de celle-ci, rappelés aux points 22 et 42 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 32).
53 Enfin, pour autant que les requérantes invoquent une pratique décisionnelle de la Commission antérieure à la pandémie de COVID-19, il suffit de relever que c’est, en l’espèce, dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE que doit être appréciée la légalité de la décision litigieuse et, par la suite, de l’arrêt attaqué, et non au regard d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure de cette institution (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 33 et jurisprudence citée).
54 Il ressort de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a conclu, au point 57 de l’arrêt attaqué, que les États membres n’étaient pas tenus, en application de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, de remédier à l’intégralité des dommages causés par l’événement extraordinaire en cause de sorte qu’ils n’étaient pas non plus tenus d’accorder des aides à l’ensemble des entreprises ayant subi ces dommages.
55 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
56 Par leur troisième moyen, qui comporte trois branches et vise les points 48 à 69 de l’arrêt attaqué, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit et une dénaturation des faits dans le cadre du rejet du deuxième moyen de leur recours en première instance en tant que celui-ci était tiré d’une violation du principe de non-discrimination.
57 Par la première branche de leur troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal n’a pas dûment appliqué le principe relatif à l’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité. Bien que le Tribunal ait reconnu, au point 59 de l’arrêt attaqué, que la différence de traitement instituée par la mesure en cause, en ce qu’elle ne bénéficiait qu’à AUA, pouvait être assimilée à une discrimination, il aurait considéré à tort qu’une telle discrimination ne devait être appréciée qu’au regard de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, au motif que cette disposition constituait une disposition particulière prévue par les traités, au sens de l’article 18 TFUE. En outre, le Tribunal aurait dû examiner si une telle discrimination était justifiée par des motifs d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, au sens de l’article 52 TFUE, ou, en tout état de cause, si elle était fondée sur des considérations objectives, indépendantes de la nationalité des personnes concernées.
58 Par la deuxième branche de ce moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a, aux points 52, 58, 61 et 62 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit et dénaturé les faits en ce qui concerne la détermination de l’objectif de la mesure en cause. Il aurait notamment considéré à tort, au point 52 de l’arrêt attaqué, que cette mesure visait uniquement à indemniser partiellement AUA pour le dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols, et non à préserver la « connectivité » de l’Autriche eu égard à l’importance de AUA à cet égard. Cette considération serait, de plus, en contradiction avec le point 61 de l’arrêt attaqué. Selon les requérantes, les affirmations du Tribunal figurant au point 58 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles une aide individuelle ne bénéficie, par définition, qu’à une seule entreprise et que, par sa nature, une telle aide instaure une discrimination, qui est inhérente à son caractère individuel, sont également erronées.
59 Par la troisième branche de leur troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit en estimant à tort, au point 64 de l’arrêt attaqué, que la différence de traitement établie par la mesure en cause était justifiée, dès lors que AUA, du fait de son rôle essentiel pour la desserte de l’Autriche, avait été davantage affectée par les restrictions relatives à la pandémie de COVID-19 que les autres compagnies aériennes présentes en Autriche.
60 Or, premièrement, cette justification ne figurerait pas dans la décision litigieuse. Deuxièmement, ladite justification reviendrait en substance à affirmer qu’une entreprise détenant une part de marché importante serait en droit de se voir accorder l’intégralité des aides octroyées au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, ce qui serait contraire aux principes de proportionnalité et de concurrence non faussée. Troisièmement, au point 65 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait justifié un tel droit de AUA à la totalité de l’aide concernée par le fait qu’elle était « en proportion et par l’ampleur de ses activités en Autriche, significativement plus touchée par ces restrictions que ne l’[était] Ryanair », ce qui n’aurait « aucun sens » et serait « manifestement erroné ». Quatrièmement, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant, au point 68 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu de l’importance relative du montant de la mesure en cause, les requérantes n’avaient pas établi qu’une répartition de ce montant entre l’ensemble des compagnies aériennes présentes en Autriche n’aurait pas privé ladite mesure d’effet utile. En tout état de cause, une telle analyse ne figurerait pas dans la décision litigieuse.
61 La Commission, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Autriche et AUA soutiennent que le troisième moyen doit être rejeté comme étant dépourvu de fondement.
Appréciation de la Cour
62 Par la deuxième branche du troisième moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, les requérantes soutiennent, en substance, que le Tribunal a, aux points 52, 58, 61 et 62 de l’arrêt attaqué, mal identifié l’objectif de la mesure en cause, tel qu’il ressort de la décision litigieuse, et qu’il a, à tort, considéré que cet objectif ne consistait pas à préserver la « connectivité » de l’Autriche.
63 À cet égard, il convient de relever que, au point 52 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que la mesure en cause visait uniquement à indemniser partiellement AUA pour le dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement ou d’autres mesures de confinement dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
64 Ce faisant, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit. D’une part, ainsi qu’il ressort du point 51 de l’arrêt attaqué, une telle description est fort semblable à celle que les requérantes ont elles-mêmes donnée de l’objectif de la mesure en cause.
65 D’autre part, si le Tribunal a, ainsi que le soulignent les requérantes, relevé, au point 61 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait de la décision litigieuse que, selon les autorités autrichiennes, AUA était importante pour l’économie autrichienne et pour la « connectivité » de l’Autriche, force est de constater que ce point concerne les modalités d’octroi de la mesure en cause et que ces éléments de la décision litigieuse tendent uniquement à décrire le profil de l’entreprise bénéficiaire de cette mesure, et non pas l’objectif de celle-ci.
66 Par conséquent, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, la description de l’objectif de la mesure en cause opérée par le Tribunal au point 52 de l’arrêt attaqué n’est ni entachée d’une erreur de droit ni contredite par la référence auxdits éléments figurant au point 61 de cet arrêt.
67 Dans la mesure où, par la deuxième branche de leur troisième moyen, les requérantes font grief au Tribunal de s’être livré à une dénaturation des éléments de fait qui lui étaient soumis, il y a lieu de constater que celles-ci ne précisent pas les éléments de preuve qui auraient ainsi été dénaturés en déterminant l’objectif de la mesure en cause ni, a fortiori, ne démontrent en quoi ces éléments auraient été dénaturés, au sens de la jurisprudence rappelée au point 34 du présent arrêt.
68 Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit ni dénaturer des éléments de fait que le Tribunal a considéré, au point 52 de l’arrêt attaqué, que la mesure en cause avait uniquement pour objectif d’indemniser partiellement AUA pour le dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement ou d’autres mesures de confinement dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
69 Par un dernier argument avancé dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen et par la première branche de ce moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir, aux points 58 et 59 de l’arrêt attaqué, commis des erreurs de droit dans l’application du principe de non-discrimination et, plus particulièrement, de l’interdiction de toute discrimination exercée en raison de la nationalité, prévue à l’article 18, premier alinéa, TFUE.
70 S’agissant, en premier lieu, de l’allégation des requérantes relative à l’erreur de droit que le Tribunal aurait commise au point 58 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir, notamment, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 101 et jurisprudence citée).
71 C’est donc à l’égard de mesures présentant de telles caractéristiques, en ce qu’elles sont susceptibles de fausser le jeu de la concurrence et de porter atteinte aux échanges entre les États membres, que l’article 107, paragraphe 1, TFUE pose le principe d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 102).
72 En particulier, l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose que la Commission établisse que l’avantage économique, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises. Il lui incombe, pour ce faire, de démontrer, en particulier, que la mesure concernée introduit des différenciations entre les entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable. Il faut donc que l’avantage soit octroyé de façon sélective et qu’il soit susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d’autres (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 103 et jurisprudence citée).
73 Lorsque, comme en l’espèce, la mesure concernée est envisagée comme une aide individuelle, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 104 et jurisprudence citée).
74 Il s’ensuit que, en affirmant, en substance, au point 58 de l’arrêt attaqué, que, par sa nature, une aide individuelle instaure une différence de traitement entre l’entreprise bénéficiaire de cette aide et toutes les autres entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ladite aide, dans une situation comparable, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit. En outre, contrairement à ce que les requérantes font valoir, ce point 58 ne saurait être compris en ce sens que le Tribunal y a considéré qu’une aide individuelle qui serait, selon lui, contraire au principe de non-discrimination, est néanmoins compatible avec le marché intérieur, dès lors qu’il a expressément précisé, à la fin dudit point, que le droit de l’Union permet aux États membres d’octroyer de telles aides, « pourvu que toutes les conditions prévues à l’article 107 TFUE soient remplies ».
75 À ce dernier égard, l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE prévoit certaines dérogations au principe d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, évoqué au point 71 du présent arrêt, à l’instar de celle énoncée à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, concernant les « aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ». Sont, ainsi, compatibles ou susceptibles d’être déclarées compatibles avec le marché intérieur des aides d’État octroyées aux fins et dans les conditions prévues à ces dispositions dérogatoires, nonobstant le fait qu’elles présentent les caractéristiques et déploient les effets visés au point 70 du présent arrêt (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 106).
76 Il s’ensuit que, sauf à priver lesdites dispositions dérogatoires de tout effet utile, des aides d’État qui sont octroyées en conformité avec ces conditions, c’est-à-dire aux fins d’un objectif qui y est reconnu et dans les limites de ce qui est nécessaire et proportionné à la réalisation de cet objectif, ne sauraient être jugées incompatibles avec le marché intérieur au regard des seules caractéristiques ou des seuls effets visés au point 70 du présent arrêt, qui sont inhérents à toute aide d’État, à savoir, notamment, pour des raisons liées à ce que l’aide est sélective ou à ce qu’elle fausserait la concurrence (arrêts du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, EU:C:1977:51, points 14 et 15, et du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 107).
77 Cela étant, s’agissant, en second lieu, de l’allégation des requérantes selon laquelle le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il n’a pas appliqué, au point 59 de l’arrêt attaqué, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité consacré à l’article 18 TFUE, mais a examiné la mesure en cause uniquement au regard de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité. Ainsi, une aide qui, en tant que telle ou par certaines de ses modalités, viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 109 et jurisprudence citée).
78 Toutefois, en ce qui concerne spécifiquement l’article 18 TFUE, il est de jurisprudence constante que cet article n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité FUE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 110 et jurisprudence citée).
79 Dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 75 du présent arrêt, l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE prévoit des dérogations au principe, énoncé au paragraphe 1 de cet article, d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, et admet ainsi, en particulier, des différences de traitement entre les entreprises, sous réserve de remplir les exigences prévues par ces dérogations, ces dernières doivent être considérées comme étant des « dispositions particulières » prévues par les traités, au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 111).
80 Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, au point 59 de l’arrêt attaqué, que l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE constituait une telle disposition particulière et qu’il convenait seulement d’examiner si la différence de traitement induite par la mesure en cause était permise au titre de cette disposition.
81 Il en découle que les différences de traitement qu’entraîne la mesure en cause n’ont pas davantage à être justifiées au regard des motifs énoncés à l’article 52 TFUE, contrairement à ce que soutiennent les requérantes.
82 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’écarter les première et deuxième branches du troisième moyen comme étant non fondées.
83 Par la troisième branche de ce moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit et entaché l’arrêt attaqué de dénaturation lorsqu’il a examiné, notamment aux points 62 à 68 de cet arrêt, en relation avec la proportionnalité de la mesure en cause, leur argumentation selon laquelle la différence de traitement résultant de cette mesure n’était pas proportionnée, dans la mesure où cette dernière accorde à AUA l’intégralité de l’aide destinée à remédier aux dommages concernés par ladite mesure, alors que AUA n’aurait subi que 43 % de ces dommages.
84 À cet égard, les requérantes font valoir, par un premier grief, en substance, que, en affirmant, notamment au point 64 de l’arrêt attaqué, que AUA, du fait de son rôle essentiel pour la desserte aérienne de l’Autriche, avait été davantage affectée par les restrictions imposées dans le cadre de la pandémie de COVID-19 que les autres compagnies aériennes présentes en Autriche, le Tribunal a avancé une justification qui ne figurait pas dans la décision litigieuse, de telle sorte qu’il a substitué ses propres motifs à ceux retenus par la Commission à l’appui de cette décision.
85 Or, s’il ressort, certes, de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, la Cour et le Tribunal ne peuvent, en toute hypothèse, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 117 et jurisprudence citée), force est de constater que, au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné, en réponse à l’argumentation des requérantes mentionnée au point 60 de cet arrêt, à rappeler le contenu de la décision litigieuse et, plus particulièrement, à tirer des conclusions des indications qui y figurent, sans pour autant substituer ses propres motifs à ceux de cette décision.
86 Dans la mesure où, par les deuxième et troisième griefs de la troisième branche de leur troisième moyen, les requérantes visent également les affirmations du Tribunal, figurant aux points 62 et 65 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles les parts de marché de AUA étaient « significativement plus élevées que celles de la deuxième compagnie aérienne » et que AUA était, « en proportion et par l’ampleur de ses activités en Autriche, significativement plus touchée par [l]es restrictions [imposées dans le cadre de la pandémie de COVID-19] que ne l’[était] Ryanair », il convient de constater qu’il s’agit d’appréciations souveraines des faits de la part du Tribunal, dont la dénaturation n’est pas alléguée.
87 En outre, pour autant que les requérantes font valoir à l’appui de ces griefs, en substance, que, selon le principe de proportionnalité, les aides auraient dû être réparties entre toutes les victimes de l’événement extraordinaire en cause, proportionnellement aux dommages subis par celles-ci, ce raisonnement repose sur une prémisse erronée, ainsi qu’il ressort des points 43 à 54 du présent arrêt.
88 S’agissant enfin de la partie de l’argumentation des requérantes visant à contester le point 68 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que ce point revêt un caractère surabondant au regard de la conclusion à laquelle le Tribunal parvient au point 67 de cet arrêt, selon laquelle la différence de traitement en faveur de AUA ne contrevient pas au principe de proportionnalité. Ce quatrième grief doit, dès lors, être écarté comme étant inopérant.
89 Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter la troisième branche du troisième moyen et, par voie de conséquence, de rejeter ce moyen dans son intégralité.
Sur le quatrième moyen
Argumentation des parties
90 Par leur quatrième moyen, qui comporte trois branches, les requérantes soutiennent que le Tribunal a, au point 74 de l’arrêt attaqué, commis des erreurs de droit et une dénaturation des faits dans le cadre du rejet du deuxième moyen de leur recours en première instance en tant que, par celui-ci, elles invoquaient une violation de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement.
91 Par la première branche de leur quatrième moyen, les requérantes font valoir que, en affirmant, au point 74 de l’arrêt attaqué, qu’elles n’avaient pas établi en quoi leur exclusion de la mesure en cause, qui n’a bénéficié qu’à AUA, était « de nature à les dissuader de s’établir en Autriche ou d’effectuer des prestations de services depuis ce pays et à destination de celui-ci », le Tribunal a choisi un critère erroné pour apprécier si cette mesure entravait ou rendait moins attrayant l’exercice de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement. Conformément à la jurisprudence, le Tribunal aurait plutôt dû examiner si ladite mesure était de nature à dissuader « l’un quelconque des opérateurs affectés » par celle-ci, à savoir, en l’espèce, des compagnies aériennes opérant en Autriche autres que les requérantes, de s’établir ou de fournir des services dans cet État membre.
92 Par la deuxième branche de ce moyen, les requérantes soutiennent que, dans le cadre de leur recours en première instance, elles ont démontré à suffisance de droit, conformément au critère pertinent, que la mesure en cause désavantageait, en pratique, des compagnies autres que AUA, la principale compagnie aérienne autrichienne, en ce que le bénéfice de cette mesure était réservé à cette dernière. En effet, les requérantes auraient fourni de multiples éléments de preuve relatifs à l’effet restrictif de ladite mesure sur la libre prestation des services et, en omettant de les examiner, le Tribunal aurait commis une erreur de droit et entaché l’arrêt attaqué de dénaturation.
93 Par la troisième branche dudit moyen, les requérantes soutiennent que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 74 de l’arrêt attaqué, elles ont démontré que la restriction alléguée à la libre prestation des services et à la liberté d’établissement n’était pas justifiée. Le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant que cette restriction était justifiée lorsqu’elle était conforme à l’article 107 TFUE. En réalité, le Tribunal et, avant lui, la Commission auraient dû examiner si ladite restriction était justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, c’est-à-dire si elle était non discriminatoire, nécessaire et proportionnée à l’objectif d’intérêt général poursuivi. Or, les requérantes auraient identifié des éléments de fait et de droit démontrant que la mesure en cause a eu des effets restrictifs sur la libre prestation des services qui n’étaient ni nécessaires, ni appropriés, ni proportionnés au regard de l’objectif poursuivi par celle-ci, à savoir remédier aux dommages concernés causés dans le secteur de l’aviation par la pandémie de COVID-19 et préserver la structure de ce secteur. De plus, dans ce contexte, elles auraient mentionné un critère alternatif d’éligibilité à la mesure en cause, fondé sur les parts de marché, qui aurait été moins préjudiciable à la libre prestation des services et à la liberté d’établissement. En statuant comme il l’a fait, le Tribunal aurait commis une erreur de droit et entaché cet arrêt de dénaturation.
94 La Commission, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Autriche et AUA soutiennent que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant dépourvu de fondement. AUA estime, en outre, que ce moyen est, en partie, irrecevable.
Appréciation de la Cour
95 Par la première branche de leur quatrième moyen, les requérantes soutiennent que, à la première phrase du point 74 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a eu recours à un critère erroné pour apprécier si la mesure en cause entravait ou rendait moins attrayant l’exercice de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement. Il convient de constater que cette première branche repose sur une lecture erronée de ce point. En effet, il ressort de la seconde phrase dudit point, qui renvoie aux points 60 à 66 de l’arrêt attaqué, auxquels le Tribunal a analysé la proportionnalité de la mesure en cause au regard de la situation de l’ensemble des compagnies aériennes présentes en Autriche, que le Tribunal a visé l’existence d’effets restrictifs en général, et donc des effets qui se produiraient à l’égard non pas exclusivement des requérantes, mais bien de l’ensemble des compagnies aériennes opérant ou voulant opérer en Autriche.
96 Dès lors, ladite première branche doit être écartée comme étant non fondée.
97 Par les deuxième et troisième branches de leur quatrième moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, les requérantes font valoir, en substance, que le point 74 de l’arrêt attaqué est entaché d’erreurs de droit, au motif que le Tribunal y a seulement examiné le fait que la mesure en cause ne bénéficiait qu’à AUA au regard de l’article 107 TFUE, au lieu de vérifier si cette mesure était justifiée au regard des motifs visés par les dispositions du traité FUE relatives à la libre prestation des services ou à la liberté d’établissement. Or, les requérantes auraient soumis au Tribunal des éléments de fait et de droit démontrant une violation de ces dispositions.
98 À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 77 du présent arrêt, la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité FUE. Ainsi, une aide qui, en tant que telle ou par certaines de ses modalités, viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur.
99 Toutefois, d’une part, les effets restrictifs qu’une mesure d’aide déploierait sur la libre prestation des services ou sur la liberté d’établissement ne constituent pas pour autant une restriction interdite par le traité FUE, dans la mesure où il peut s’agir d’un effet inhérent à la nature même d’une aide d’État, tel que son caractère sélectif (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 132).
100 D’autre part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsque les modalités d’une aide sont à ce point indissolublement liées à l’objet de l’aide qu’il ne serait pas possible de les apprécier isolément, leur effet sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide dans son ensemble avec le marché intérieur doit nécessairement être apprécié au moyen de la procédure prévue à l’article 108 TFUE (arrêts du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, EU:C:1977:51, point 14, et du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 133).
101 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort du point 63 du présent arrêt, le choix de AUA en tant que bénéficiaire de la mesure en cause fait partie de l’objet de celle-ci et, en tout état de cause, quand bien même ce choix devrait être considéré comme constituant une modalité de cette mesure, les requérantes ne contestent pas qu’une telle modalité est indissolublement liée à cet objet, qui est d’indemniser partiellement cette entreprise des dommages concernés résultant de la pandémie de COVID-19. Il s’ensuit que l’effet résultant dudit choix sur le marché intérieur ne peut pas faire l’objet d’un examen séparé de celui de la compatibilité de ladite mesure dans son ensemble avec le marché intérieur au moyen de la procédure prévue à l’article 108 TFUE.
102 Il résulte des motifs qui précèdent et de ce qui a été relevé, notamment, au point 76 du présent arrêt que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 74 de l’arrêt attaqué, en substance, que, pour établir que la mesure en cause constituait, du fait qu’elle ne bénéficiait qu’à AUA, une entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, les requérantes auraient dû démontrer, en l’espèce, que cette mesure produisait des effets restrictifs qui allaient au-delà de ceux qui sont inhérents à une aide d’État octroyée conformément aux exigences prévues à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 135).
103 Or, l’argumentation avancée par les requérantes à l’appui des deuxième et troisième branches du quatrième moyen vise, dans son ensemble, à critiquer le choix de AUA en tant qu’unique bénéficiaire de la mesure en cause et les conséquences de ce choix, alors même que ce dernier est inhérent au caractère sélectif de cette mesure.
104 Enfin, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont avancé aucun argument susceptible de démontrer que le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve qui lui étaient soumis.
105 Il ressort de ce qui précède que les deuxième et troisième branches du quatrième moyen doivent être écartées et que, partant, ce moyen doit être rejeté dans son intégralité.
Sur le cinquième moyen
Argumentation des parties
106 Par leur cinquième moyen, qui vise les points 83 à 88, 95, 101 à 108, 113 à 116 et 119 à 121 de l’arrêt attaqué et comprend cinq branches, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit et d’avoir dénaturé les faits en considérant à tort que la mesure en cause était fondée sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et qu’elle était proportionnée au regard des dommages concernés subis par AUA du fait de la pandémie de COVID-19.
107 Par la première branche de leur cinquième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans le cadre de l’examen de leur argument tiré de ce que, en prenant en compte le dommage survenu au cours de la période allant du 9 au 18 mars 2020, la Commission avait surévalué ce dommage.
108 À cet égard, premièrement, au point 83 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait retenu une interprétation erronée des points 40 et 41 de l’arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission (C‑73/03, EU:C:2004:711), en ce qu’il en a inféré un critère de probabilité. En effet, lorsque la mesure concernée est destinée à couvrir des dommages qui seront évalués ex post, comme en l’espèce, toutes les aides qui pourraient être supérieures aux pertes encourues par les entreprises bénéficiaires, indépendamment du degré de probabilité qu’une surcompensation des dommages se produise, devraient être considérées comme étant incompatibles avec le marché intérieur. L’instauration d’un mécanisme de recouvrement des aides versées en excédent ne suffirait pas pour éviter que soit conféré à l’entreprise bénéficiaire un avantage indu, fût-il temporaire. Deuxièmement, le Tribunal aurait, aux points 84 à 88 de l’arrêt attaqué, considéré à tort que la Commission avait correctement motivé la décision litigieuse pour autoriser une aide couvrant les dommages subis par AUA non seulement durant la période allant du 19 mars au 14 juin 2020, mais également durant celle allant du 9 au 18 mars 2020.
109 Par la deuxième branche de leur cinquième moyen, les requérantes font grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en rejetant, au point 95 de l’arrêt attaqué, leur argument selon lequel la Commission aurait dû tenir compte du dommage subi par les compagnies aériennes opérant en Autriche autres que AUA. En effet, ainsi qu’il a été soutenu dans le cadre des deuxième et troisième moyens du pourvoi, le principe selon lequel l’aide doit être proportionnée au dommage imposerait que celui-ci soit évalué à l’égard non seulement du bénéficiaire de l’aide, mais aussi de ses concurrents. En l’espèce, il y aurait donc eu lieu de procéder à une évaluation de l’incidence de la mesure en cause sur les autres compagnies aériennes ayant subi des dommages en Autriche en raison des restrictions de voyage imposées dans le cadre de la pandémie de COVID-19. En tout état de cause, le Tribunal ne pourrait pas valablement affirmer, comme il l’a fait aux points 62, 64 et 65 de l’arrêt attaqué, que cette mesure était justifiée au regard du dommage plus important subi par AUA en raison de sa situation concurrentielle ni refuser de tenir compte de cette situation dans l’appréciation de la proportionnalité de ladite mesure.
110 Par la troisième branche de ce cinquième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a, aux points 101 à 108 de l’arrêt attaqué, erronément rejeté leur argumentation relative à une éventuelle aide supplémentaire provenant de DLH en faveur de AUA.
111 En particulier, premièrement, comme cela aurait été démontré dans le cadre du premier moyen du pourvoi, la Commission et le Tribunal auraient commis une erreur de droit et dénaturé les faits en ne tenant pas compte d’un risque de « débordement » des aides perçues par DLH vers AUA pouvant donner lieu à une surcompensation du dommage subi par cette dernière. Deuxièmement, le Tribunal aurait commis une erreur de droit et entaché l’arrêt attaqué de dénaturation en justifiant par des explications non pertinentes, aux points 101 à 108 de cet arrêt, l’absence de prise en compte, par la Commission, d’une aide supplémentaire provenant de DLH en faveur de AUA. Troisièmement, l’affirmation du Tribunal, au point 108 dudit arrêt, selon laquelle les requérantes n’ont apporté « aucun élément concret et étayé de nature à démontrer que toutes ou certaines des mesures d’aide en question visaient à couvrir les mêmes coûts éligibles que ceux compris dans le dommage auquel la mesure en cause vise à remédier » constitue, selon les requérantes, une dénaturation des faits et reviendrait à exiger une preuve impossible à rapporter. En tout état de cause, un tel raisonnement ferait, à tort, systématiquement peser la charge de la preuve sur les requérantes.
112 Par la quatrième branche de leur cinquième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a, aux points 113 à 116 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit et entaché cet arrêt de dénaturation en rejetant leur argument selon lequel le régime d’aides autrichien pourrait couvrir les mêmes coûts que ceux faisant l’objet de la mesure en cause. Les requérantes réitèrent, premièrement, que le fait que ce régime d’aides a été instauré sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et qu’il « visait » à remédier à une perturbation grave de l’économie autrichienne ou que le but poursuivi par ledit régime fût différent de celui de la mesure en cause n’exclut pas que le même régime puisse, en pratique, couvrir les mêmes coûts que ceux indemnisés au titre de la mesure en cause. Deuxièmement, le Tribunal aurait, aux points 115 et 116 de l’arrêt attaqué, considéré à tort que l’estimation des pertes prévues par AUA pour le second semestre de l’année 2020 n’avait aucune incidence sur la légalité de la décision litigieuse. Troisièmement, le Tribunal aurait estimé de manière erronée que les requérantes ne pouvaient pas critiquer utilement l’estimation, par la Commission, du montant de l’aide accordée à AUA au titre du régime d’aides autrichien au motif que sa légalité et sa compatibilité n’étaient pas soumises au contrôle du Tribunal.
113 Par la cinquième branche de leur cinquième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a, aux points 119 à 121 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit en rejetant leur argument selon lequel l’avantage concurrentiel procuré à AUA du fait qu’elle était la seule compagnie aérienne bénéficiaire de la mesure en cause aurait dû être pris en compte aux fins de l’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur au regard de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Selon les requérantes, l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity (C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990), sur lequel le Tribunal s’est appuyé à cet égard, n’est pas pertinent, dès lors qu’il concerne le calcul du montant d’une aide aux fins de sa récupération. En faisant l’amalgame entre ce calcul et l’examen de la proportionnalité d’une aide accordée sur le fondement de cette disposition et en omettant de tenir compte de la nature essentiellement économique de cet examen de proportionnalité, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.
114 La Commission, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Autriche et AUA soutiennent que le cinquième moyen doit être rejeté comme étant dénué de fondement.
Appréciation de la Cour
115 Le cinquième moyen est, en ses cinq branches, dirigé contre des points de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal a examiné et rejeté les deux branches du troisième moyen du recours en première instance, qui visaient à contester la proportionnalité de la mesure en cause par rapport aux dommages concernés subis par AUA, en particulier en ce que la Commission aurait autorisé une possible surcompensation de ces dommages.
116 Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 23 du présent arrêt, une aide octroyée sur le fondement de l’article 107, paragraphe 2, TFUE doit être nécessaire pour atteindre les buts prévus à cette disposition, de sorte qu’une aide qui apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre ces buts ne saurait être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur.
117 Il y a lieu de rappeler également que, selon la jurisprudence citée au point 24 du présent arrêt, seuls peuvent être compensés, en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, les désavantages causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires.
118 Il s’ensuit que, ainsi qu’il a été rappelé au point 25 du présent arrêt, les aides accordées sur ce fondement ne sauraient être supérieures aux pertes encourues par les bénéficiaires de ces aides en raison de l’événement concerné, ce que le Tribunal a mentionné, en substance, au point 83 de l’arrêt attaqué, en renvoyant aux points 40 et 41 de l’arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission (C‑73/03, EU:C:2004:711).
119 À cet égard, pour autant que, par le premier grief de la première branche de leur cinquième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir, à ce point 83, introduit à tort un critère de probabilité, qui serait incompatible avec l’enseignement de l’arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission (C‑73/03, EU:C:2004:711), il convient de relever que ce grief repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’ayant pas introduit un tel critère. Au point 83 de ce dernier arrêt, le Tribunal a seulement précisé que, dans la mesure où le montant d’une aide viendrait à être supérieur à celui des pertes encourues par le bénéficiaire de cette aide, la partie de cette dernière excédant le montant de ces pertes ne saurait relever de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
120 Il s’ensuit que ledit grief doit être écarté comme étant non fondé.
121 S’agissant du second grief de la première branche du cinquième moyen, par lequel les requérantes soutiennent que le Tribunal a considéré à tort, aux points 84 à 88 de l’arrêt attaqué, que, au regard des motifs de la décision litigieuse, la Commission pouvait prendre en compte le dommage subi par AUA au cours de la période allant du 9 mars au 14 juin 2020, il convient de relever que le Tribunal a, notamment au point 86 de l’arrêt attaqué, exposé d’une manière détaillée les circonstances, telles qu’elles ressortaient de cette décision, ayant trait aux restrictions de voyage imposées progressivement en raison de la pandémie de COVID-19, y compris durant la période allant du 9 au 18 mars 2020, ayant immédiatement précédé l’immobilisation de la flotte de AUA, et qui justifiaient, selon l’appréciation du Tribunal, la prise en compte de cette dernière période.
122 Le Tribunal en a conclu, au point 87 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu de la détérioration progressive des conditions de voyage dues à ces restrictions, ayant conduit à l’annulation et à la reprogrammation des vols de AUA pendant la période allant du 9 mars au 14 juin 2020, la Commission pouvait tenir compte, sans commettre d’erreur, du dommage causé à AUA par ces annulations et reprogrammations au cours de cette période.
123 Or, il y a lieu de relever que le Tribunal n’a commis, à cet égard, aucune erreur de droit. En effet, il suffit de souligner que le constat, non contesté en tant que tel par les requérantes, selon lequel, dès le 9 mars 2020, il existait « une détérioration progressive » des conditions de voyage dues auxdites restrictions a permis au Tribunal de confirmer que la Commission était en droit de tenir compte du dommage causé à AUA à partir de cette date.
124 Il s’ensuit que le second grief de la première branche du cinquième moyen et, par conséquent, cette première branche doivent être écartés comme étant non fondés.
125 La deuxième branche de ce moyen est tirée, en substance, de ce que, en examinant si la Commission avait pu valablement considérer, d’une part, que la mesure en cause était proportionnée au regard des dommages concernés subis par AUA du fait de la pandémie de COVID-19 et, d’autre part, que AUA ne bénéficiait pas d’une surcompensation de ces dommages, le Tribunal a rejeté à tort, au point 95 de l’arrêt attaqué, l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû tenir compte des dommages subis par les compagnies aériennes opérant en Autriche autres que AUA.
126 À cet égard, s’agissant de la proportionnalité d’une mesure d’aide octroyée au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE au regard du montant de cette aide, il ressort du point 24 du présent arrêt que ce montant ne saurait être supérieur à celui des pertes encourues par le bénéficiaire de ladite aide. Lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’une aide individuelle, il appartient donc à la Commission de vérifier, lors de l’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur, si le bénéficiaire n’obtient pas un montant d’aide qui dépasserait celui du dommage qu’il a réellement subi en raison de l’événement extraordinaire en cause.
127 Or, en vue d’une telle appréciation à l’égard d’une compagnie aérienne déterminée, le fait de savoir si, ou dans quelle mesure, d’autres compagnies aériennes ont également subi des dommages à cause du même événement apparaît clairement dénué de pertinence (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 77).
128 En outre, il ressort des considérations figurant aux points 44 à 54 du présent arrêt que, à l’appui de leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent à tort que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant décidé que l’État membre concerné n’est pas tenu de prendre en compte l’intégralité des dommages causés par l’événement extraordinaire en question ou de faire bénéficier de l’aide concernée toutes les victimes de ces dommages. C’est, partant, à bon droit que le Tribunal a, sur la base de ces considérations, jugé, au point 95 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue d’évaluer, dans la décision litigieuse, les dommages qui auraient été subis par d’autres compagnies aériennes.
129 Enfin, les requérantes se limitent à affirmer qu’il est contradictoire que le Tribunal ait justifié la nécessité de la mesure en cause en faisant référence à la situation concurrentielle de AUA, mais n’ait pas tenu compte de cette situation lors de l’appréciation de la proportionnalité de cette mesure, sans, toutefois, indiquer de manière précise les arguments juridiques soutenant de façon spécifique cette affirmation.
130 Il s’ensuit que la deuxième branche du cinquième moyen doit être écartée.
131 Par la troisième branche de ce moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a, aux points 101 à 108 de l’arrêt attaqué, rejeté à tort leur argument selon lequel la Commission aurait omis de tenir compte d’une éventuelle aide supplémentaire provenant de DLH en faveur de AUA.
132 Les premier et deuxième griefs invoqués à l’appui de cette troisième branche se bornent, pour l’essentiel, à renvoyer à l’argumentation avancée dans le cadre du premier moyen, voire à répéter celle-ci. Il convient de les rejeter pour les motifs énoncés aux points 22 à 31 du présent arrêt.
133 S’agissant du troisième grief de ladite troisième branche, par lequel les requérantes invoquent une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en affirmant, au point 108 de l’arrêt attaqué, qu’elles n’apportaient « aucun élément concret et étayé de nature à démontrer que toutes ou certaines des mesures d’aide en question visent à couvrir les mêmes coûts éligibles que ceux compris dans le dommage auquel la mesure en cause vise à remédier », faisant ainsi systématiquement peser la charge de la preuve sur les requérantes, il convient de rappeler qu’il incombe en principe à la personne qui allègue des faits au soutien d’une demande ou d’un argument d’apporter la preuve de leur réalité (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 72 et jurisprudence citée).
134 C’est donc sans méconnaître les règles régissant la charge de la preuve que le Tribunal a pu, au point 108 de l’arrêt attaqué, constater que les requérantes n’avaient pas apporté la preuve des faits invoqués à l’appui de leur argumentation selon laquelle toutes ou certaines des mesures d’aide en question visaient à couvrir les mêmes coûts éligibles que ceux compris dans le dommage auquel la mesure en cause visait à remédier. En outre, les requérantes n’ont avancé aucun argument susceptible de démontrer que, par une telle constatation, le Tribunal aurait entaché cet arrêt de dénaturation.
135 Il s’ensuit que la troisième branche du cinquième moyen doit être écartée comme étant non fondée.
136 Par la quatrième branche du cinquième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a, aux points 113 à 116 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit et dénaturé les faits en rejetant leur argument selon lequel l’aide accordée, sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à AUA au titre du régime d’aides autrichien sous la forme d’une garantie de l’État pourrait couvrir les mêmes coûts que ceux faisant l’objet de la mesure en cause, accordée sur le fondement de l’article 107, paragraphe 2, sous b) TFUE.
137 À cet égard il convient de rappeler, à titre liminaire, que rien ne s’oppose, en principe, à une application concomitante de ces dispositions à l’égard d’un même événement, tel que la pandémie de COVID-19, pour autant que les conditions prévues à chacune desdites dispositions soient réunies (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, points 50 à 52), y compris celles tenant à la proportionnalité de la mesure concernée et à l’absence d’une surcompensation du dommage en cause.
138 En l’occurrence, force est de relever, s’agissant du premier grief de la quatrième branche du cinquième moyen, que, loin de considérer que, du seul fait que l’aide accordée à AUA au titre du régime d’aides autrichien et la mesure en cause reposaient respectivement sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et l’article 107, paragraphe 2, sous b) TFUE et poursuivaient, par conséquent, des objectifs distincts, il aurait été exclu qu’elles couvrent les mêmes coûts et que, ainsi, elles aient pu donner lieu à une surcompensation du dommage subi par AUA, le Tribunal a conclu, au regard, notamment, de ce qui ressortait de la décision litigieuse, que tel n’était pas le cas en l’espèce, dès lors que, notamment, l’aide accordée à AUA au titre du régime d’aides autrichien visait à couvrir des pertes subies par celle-ci au cours du second semestre 2020, tandis que la mesure en cause visait à couvrir le dommage causé à AUA durant la période allant du 9 mars au 14 juin 2020 en raison des restrictions de voyage imposées dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
139 Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a pu considérer, au point 114 de l’arrêt attaqué, d’une part, que l’explication contenue au point 87 de la décision litigieuse, selon laquelle l’aide accordée à AUA au titre du régime d’aides autrichien visait à couvrir des pertes subies par celle-ci qui n’étaient pas directement causées par l’annulation et la reprogrammation des vols de AUA au cours de cette période en raison des restrictions de voyage, était cohérente avec les finalités différentes de cette aide et de la mesure en cause, et, d’autre part, que l’absence de précisions à cet égard dans cette décision n’était pas susceptible de remettre en cause la légalité de cette dernière.
140 Ne sont pas non plus erronées en droit les constatations du Tribunal figurant aux points 115 et 116 de l’arrêt attaqué, visées par les deuxième et troisième griefs de la quatrième branche du cinquième moyen, selon lesquelles l’estimation exacte des pertes que l’aide accordée à AUA au titre du régime d’aides autrichien visait à couvrir était sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse et que l’estimation du montant de cette aide n’était pas soumise au contrôle du Tribunal dans le cadre du litige dont il était saisi, cela notamment au regard du constat, aux points 112 à 115 de cet arrêt, selon lequel ladite aide et la mesure en cause visaient à couvrir des pertes ou des dommages différents.
141 Or, d’une part, quant au point 115 de l’arrêt attaqué, les requérantes se limitent à affirmer que, si la garantie d’État accordée à AUA au titre du régime d’aides autrichien excède les pertes que ce régime d’aides devait couvrir, un tel régime « contribuera nécessairement aux autres pertes subies par AUA », sans étayer davantage cette affirmation. D’autre part, s’agissant du point 116 de cet arrêt, il est constant que la légalité dudit régime d’aides n’était pas soumise au contrôle du Tribunal, ce que, d’ailleurs, les requérantes ne contestent pas en tant que tel. En outre, elles ne sauraient valablement alléguer que le montant de l’aide accordée à AUA au titre du même régime d’aides était étroitement lié à la proportionnalité de la mesure en cause, dès lors que ces deux mesures d’aide visaient à couvrir des pertes différentes.
142 Dans la mesure où les requérantes allèguent, par ailleurs, par la quatrième branche de leur cinquième moyen, une dénaturation des faits, il convient de constater qu’elles n’ont avancé aucune argumentation susceptible de démontrer que les points 113 à 116 de l’arrêt attaqué seraient entachés d’une telle dénaturation.
143 Il résulte de ce qui précède que la quatrième branche du cinquième moyen doit être écartée.
144 Par la cinquième branche de ce moyen, les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant considéré, aux points 119 et 120 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue, aux fins de l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, et notamment de la proportionnalité de celle-ci, de prendre en compte l’avantage concurrentiel procuré à AUA du fait qu’elle était la seule compagnie aérienne bénéficiaire de cette mesure.
145 À cet égard, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity (C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990), auquel le Tribunal s’est référé au point 119 de l’arrêt attaqué, bien qu’il concerne la détermination du montant d’une aide illégale aux fins de sa récupération, est pertinent en l’espèce, dans la mesure où il peut être déduit du point 92 de cet arrêt que l’avantage qu’une aide procure à son bénéficiaire ne comprend pas l’éventuel bénéfice économique que ce bénéficiaire réaliserait par l’exploitation de cet avantage (voir, en ce sens, arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 84, et du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C‑210/21 P, EU:C:2023:908, point 98).
146 C’est ainsi que la Cour a déjà jugé que, aux fins de déterminer l’existence d’une éventuelle surcompensation des dommages subis par le bénéficiaire d’une aide en raison de l’événement extraordinaire en cause, la Commission ne doit pas tenir compte des éventuels avantages que ce bénéficiaire aurait indirectement retirés de cette aide, tel que l’avantage concurrentiel allégué par les requérantes (voir, en ce sens, arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 85, ainsi que du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C‑210/21 P, EU:C:2023:908, point 99).
147 Il s’ensuit que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant, aux points 119 et 120 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue de prendre en compte l’avantage concurrentiel dont les requérantes alléguaient l’existence.
148 Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter la cinquième branche du cinquième moyen comme étant non fondée et, par voie de conséquence, de rejeter ce moyen dans son intégralité.
Sur le sixième moyen
Argumentation des parties
149 Par leur sixième moyen, les requérantes font valoir que, en considérant, aux points 125 et 126 de l’arrêt attaqué, que le quatrième moyen de leur recours en première instance, relatif à une violation de leurs droits procéduraux au motif que la Commission a refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, se trouvait privé d’objet du fait du rejet des premier à troisième moyens de ce recours et était dépourvu de contenu autonome par rapport à ces derniers, le Tribunal a commis une erreur de droit et entaché cet arrêt de dénaturation.
150 En effet, contrairement à ce que le Tribunal a considéré, ce quatrième moyen aurait présenté un contenu autonome par rapport auxdits premier à troisième moyens. Le contrôle juridictionnel portant sur l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire à l’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE différerait de celui portant sur une erreur de droit ou sur une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission lors de l’examen au fond de la mesure en cause. L’existence de telles difficultés sérieuses pourrait ainsi être constatée alors même que, contrairement à ce que les requérantes avaient soutenu par ailleurs, l’examen par la Commission de cette mesure ne serait entaché ni d’une erreur manifeste d’appréciation ni d’une erreur de droit.
151 De même, le quatrième moyen du recours en première instance n’aurait pas été privé d’objet, dès lors que la démonstration de l’existence de telles erreurs serait totalement différente de celle de l’existence de ces difficultés sérieuses. En outre, les requérantes auraient soulevé des arguments autonomes à cet effet, démontrant, notamment, que la Commission ne disposait pas de données de marché sur la structure du secteur de l’aviation ni d’informations sur l’évaluation des dommages causés à AUA par la pandémie de COVID-19 et du montant de l’aide accordée à celle-ci, qui revêtaient une importance cruciale pour examiner la compatibilité de la mesure en cause au regard de son objectif allégué. Devant le Tribunal, les requérantes auraient identifié des lacunes précises dans l’information de la Commission et auraient mis en évidence des difficultés sérieuses conférant à leur moyen un contenu autonome par rapport à celui des premier à troisième moyens de ce recours.
152 La Commission, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Autriche et AUA soutiennent que le sixième moyen doit être rejeté comme étant dépourvu de fondement.
Appréciation de la Cour
153 Lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une aide d’État, il met en cause essentiellement le fait que cette décision a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, violant, ce faisant, ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9) (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 143 et jurisprudence citée).
154 Ainsi, il appartient à l’auteur d’une telle demande de démontrer que des doutes sur la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur existaient, de telle sorte que la Commission était tenue d’ouvrir cette procédure formelle d’examen. Une telle preuve doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de cette décision que dans son contenu, à partir d’un faisceau d’indices concordants (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 144 et jurisprudence citée).
155 En particulier, le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de ce que cette institution a été confrontée à des difficultés sérieuses pour apprécier la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché intérieur, ce qui aurait dû la conduire à ouvrir ladite procédure formelle d’examen (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 145 et jurisprudence citée).
156 S’agissant, tout d’abord, du grief tiré de ce que le Tribunal a jugé, au point 126 de l’arrêt attaqué, que le quatrième moyen du recours en première instance était dépourvu de contenu autonome, il convient de relever que, ainsi que les requérantes l’ont fait valoir dans leur pourvoi, il est exact que, si l’existence de difficultés sérieuses, au sens de la jurisprudence de la Cour visée au point précédent du présent arrêt, avait été démontrée, la décision litigieuse aurait été susceptible d’être annulée pour ce seul motif, quand bien même il n’aurait pas été établi, par ailleurs, que les appréciations portées sur le fond par la Commission étaient erronées en droit ou en fait (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 146 et jurisprudence citée).
157 L’existence de telles difficultés peut être recherchée, notamment, dans ces appréciations et peut, en principe, être établie par des moyens ou des arguments avancés par un requérant afin de contester le bien-fondé d’une décision de ne pas soulever d’objections, même si l’examen de ces moyens ou de ces arguments n’aboutit pas à la conclusion que lesdites appréciations portées sur le fond par la Commission sont erronées en fait ou en droit (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 147 et jurisprudence citée).
158 En l’espèce, il y a lieu de constater que le quatrième moyen du recours en première instance des requérantes était tiré, en substance, du caractère incomplet et insuffisant de l’examen effectué par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire de la mesure en cause et de l’appréciation différente de la compatibilité de cette mesure à laquelle la Commission serait parvenue si elle avait décidé d’ouvrir une procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Or, il ressort également de ce recours que, à l’appui de ce moyen, les requérantes ont, pour l’essentiel, soit repris de manière condensée des arguments développés dans le cadre des premier à troisième moyens dudit recours, relatifs au bien-fondé de la décision litigieuse, soit directement renvoyé à ces arguments.
159 Dans ces conditions, le Tribunal a pu, à bon droit, considérer, au point 126 de l’arrêt attaqué, que le quatrième moyen du recours en première instance était « dépourvu de contenu autonome » par rapport aux premier à troisième moyens de celui-ci, en ce sens que, après avoir examiné au fond ces derniers moyens, y compris les arguments tirés du caractère incomplet et insuffisant de l’examen mené par la Commission, il n’était pas tenu d’apprécier le bien-fondé de ce quatrième moyen de manière séparée, d’autant plus que, ainsi que le Tribunal l’a, également à bon droit, relevé à ce point 126, par ce dernier moyen, les requérantes n’avaient pas mis en évidence d’éléments spécifiques susceptibles de démontrer l’existence d’éventuelles difficultés sérieuses rencontrées par la Commission pour apprécier la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.
160 Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 126 de l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le bien-fondé du quatrième moyen du recours en première instance. Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire d’examiner, par ailleurs, si c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 125 de cet arrêt, que ce moyen présentait un caractère subsidiaire et qu’il se trouvait privé de sa finalité affichée.
161 Enfin, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont avancé aucun argument susceptible de démontrer que le Tribunal a entaché ledit arrêt de dénaturation dans le cadre de son examen dudit moyen.
162 Il ressort de ce qui précède que le sixième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur le septième moyen
Argumentation des parties
163 Par leur septième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit et entaché l’arrêt attaqué de dénaturation en jugeant, aux points 130 à 138 de cet arrêt, que la Commission n’avait pas violé l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.
164 Selon les requérantes, le Tribunal aurait admis que le contexte dans lequel a été adoptée la décision litigieuse, marqué par la survenance de la pandémie de COVID‑19 et les difficultés que cette pandémie a pu susciter pour la rédaction des décisions de la Commission, pouvait justifier que certains éléments cruciaux fassent défaut dans la motivation de cette décision, alors même que ces éléments auraient été nécessaires afin de leur permettre de comprendre le raisonnement qui sous-tendait les conclusions de la Commission figurant dans ladite décision. L’interprétation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE à laquelle se serait livré le Tribunal dans l’arrêt attaqué serait contraire à la jurisprudence de la Cour et priverait l’obligation de motivation prévue à cette disposition de tout effet utile.
165 La Commission, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Autriche et AUA soutiennent que le septième moyen doit être rejeté comme étant dénué de fondement.
Appréciation de la Cour
166 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 198 ainsi que jurisprudence citée).
167 Lorsqu’il s’agit, plus particulièrement, comme en l’espèce, d’une décision, prise en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une mesure d’aide, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser qu’une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur et que même une motivation succincte de cette décision doit être considérée comme étant suffisante au regard de l’exigence de motivation que prévoit l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, pour autant qu’elle fasse apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de telles difficultés, la question du bien-fondé de cette motivation étant étrangère à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 199 ainsi que jurisprudence citée).
168 C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la décision litigieuse était suffisamment motivée.
169 En premier lieu, les requérantes font grief au Tribunal, en substance, d’avoir assoupli les exigences relatives à l’obligation de motivation qui incombait à la Commission au regard, notamment, du contexte de la pandémie de COVID‑19 dans lequel elle avait adopté la décision litigieuse. Il suffit toutefois de constater que rien n’indique que le Tribunal ait procédé à un tel assouplissement en rappelant, au point 132 de l’arrêt attaqué, les exigences de motivation telles qu’elles s’appliquent, selon la jurisprudence de la Cour, à une décision adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen des aides instituée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
170 En second lieu, les requérantes font état d’éléments spécifiques sur lesquels la Commission, en méconnaissance de cette obligation, ne se serait pas prononcée ou qu’elle n’aurait pas appréciés dans la décision litigieuse, tels que la prise en compte du risque de « débordement » des aides perçues par DLH vers AUA, la conformité de la mesure en cause au principe d’égalité de traitement, à la libre prestation des services et à la liberté d’établissement ainsi que l’appréciation de la valeur de l’avantage concurrentiel procuré à AUA et d’autres éléments relatifs, notamment, à l’évaluation des dommages causés à AUA par la pandémie de COVID-19 ou du montant de l’aide accordée à celle-ci.
171 Il ressort des points 133 à 137 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que ces éléments soit n’étaient pas pertinents aux fins de cette décision, soit qu’il était suffisamment fait référence à ceux-ci dans ladite décision pour que le raisonnement de la Commission puisse être compris à cet égard.
172 Or, il n’apparaît pas que, par ces considérations, le Tribunal aurait méconnu les exigences de motivation d’une décision de la Commission, prise en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de ne pas soulever d’objections, telles qu’elles découlent de la jurisprudence rappelée aux points 166 et 167 du présent arrêt, une telle motivation permettant, en l’espèce, aux requérantes de connaître les justifications de la décision litigieuse et au juge de l’Union d’exercer son contrôle à son égard, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de l’arrêt attaqué.
173 En outre, dans la mesure où l’argumentation avancée dans le cadre du septième moyen vise en réalité à démontrer que la décision litigieuse a été adoptée sur le fondement d’une appréciation insuffisante ou juridiquement erronée de la Commission, cette argumentation a trait au bien-fondé de cette décision plutôt qu’à l’exigence de motivation en tant que formalité substantielle, de telle sorte qu’elle doit être écartée au regard de la jurisprudence rappelée au point 167 du présent arrêt.
174 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant, aux points 130 à 138 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse était motivée à suffisance de droit.
175 Enfin, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont avancé aucun argument susceptible de démontrer que le Tribunal a entaché cet arrêt de dénaturation en examinant le cinquième moyen du recours en première instance.
176 Il ressort de ce qui précède que le septième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
177 Aucun des moyens invoqués par les requérantes n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.
Sur les dépens
178 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
179 L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de celles-ci aux dépens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission.
180 Conformément à l’article 184, paragraphe 4, dudit règlement, lorsqu’elle n’a pas, elle-même, formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance ne peut être condamnée aux dépens dans la procédure de pourvoi que si elle a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour. Lorsqu’une telle partie participe à la procédure, la Cour peut décider qu’elle supporte ses propres dépens. Par conséquent, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Autriche et AUA, parties intervenantes en première instance et ayant participé à la procédure devant la Cour, supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Ryanair DAC et Laudamotion GmbH supportent, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
3) La République fédérale d’Allemagne, la République d’Autriche et Austrian Airlines AG supportent leurs propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : l’anglais.