ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

30 mai 2024 (*)

« Pourvoi – Aides d’État – Article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE – Marché finlandais du transport aérien – Aide accordée par la République de Finlande en faveur d’une compagnie aérienne dans le cadre de la pandémie de COVID-19 – Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État – Garantie publique portant sur un prêt – Décision de la Commission européenne de ne pas soulever d’objections – Aide destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie – Principes de proportionnalité et de non-discrimination – Liberté d’établissement et libre prestation de services »

Dans l’affaire C‑353/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 juin 2021,

Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande), représentée initialement par Mes V. Blanc, F.-C. Laprévote, E. Vahida, avocats, Mes D. Pérez de Lamo, S. Rating, abogados, et Me I.-G. Metaxas-Maranghidis, dikigoros, puis par Mes F.-C. Laprévote, E. Vahida, avocats, Mes D. Pérez de Lamo, S. Rating, abogados, et Me I.-G. Metaxas-Maranghidis, dikigoros,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, S. Noë et Mme F. Tomat, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Royaume d’Espagne, représenté par M. I. Herranz Elizalde, en qualité d’agent,

République française, représentée initialement par Mme A.‑L. Desjonquères, MM. P. Dodeller, A. Ferrand, T. Stéhelin et Mme N. Vincent, puis par Mme A.-L. Desjonquères, M. T. Stéhelin et Mme N. Vincent, et enfin par Mme A.-L. Desjonquères et M. T. Stéhelin, en qualité d’agents,

République de Finlande, représentée par Mmes A. Laine et H. Leppo, en qualité d’agents,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu‑Matei, MM. J.‑C. Bonichot, S. Rodin (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Ryanair DAC demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19) (T‑388/20, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:196), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision C(2020) 3387 final de la Commission, du 18 mai 2020, relative à l’aide d’État SA.56809 (2020/N) – Finlande COVID-19 : Garantie de l’État accordée à Finnair (JO 2020, C 269, p. 2, ci-après la « décision litigieuse »).

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2        Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.

3        Le 13 mai 2020, la République de Finlande a notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une mesure d’aide sous la forme d’une garantie de l’État en faveur de Finnair plc (ci-après la « mesure en cause »).

4        La mesure en cause visait à aider Finnair à obtenir, auprès d’un fonds de pension, un prêt de 600 millions d’euros destiné à couvrir ses besoins en fonds de roulement. La garantie de l’État couvrait 90 % du prêt et était limitée à une durée maximale de trois ans. Les 10 % restants du prêt étaient couverts par une banque commerciale aux conditions du marché. Cette garantie avait vocation à n’être déclenchée que dans l’hypothèse d’une défaillance de Finnair à l’égard du fonds de pension.

5        Le 18 mai 2020, la Commission a adopté la décision litigieuse, par laquelle, après avoir conclu que la mesure en cause était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, elle a évalué la compatibilité de celle-ci avec le marché intérieur à la lumière de sa communication du 19 mars 2020, intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (JO 2020, C 91 I, p. 1), telle que modifiée par sa communication du 3 avril 2020 (JO 2020, C 112 I, p. 1) (ci-après l’« encadrement temporaire »).

6        À cet égard, la Commission a estimé, d’abord, que le scénario présenté par les autorités finlandaises, concernant la pénurie de liquidités à laquelle Finnair allait faire face, était réaliste. Ensuite, elle a relevé que Finnair avait tenté d’obtenir un financement sur les marchés du crédit, mais n’avait pas pu couvrir tous ses besoins en liquidités. En particulier, le 29 avril 2020, Finnair aurait annoncé que son conseil d’administration avait décidé de préparer une recapitalisation, sous forme d’émission d’actions, en raison des pertes dues à l’apparition de la COVID-19 qui avaient affecté ses fonds propres. La Commission a, notamment, noté, aux considérants 40 à 44 de la décision litigieuse, que, au moment de l’adoption de cette décision, le montant de l’émission d’actions s’élevait à environ 500 millions d’euros et qu’il n’était pas certain que cette opération soit couronnée de succès. Elle a conclu, aux considérants 45 à 52 de ladite décision, que, compte tenu de l’importance de Finnair pour l’économie finlandaise, la mesure en cause était nécessaire, appropriée et proportionnée pour remédier à une perturbation grave de l’économie de cet État membre. Enfin, au considérant 53 de la décision litigieuse, elle a vérifié si la mesure en cause remplissait toutes les conditions pertinentes de l’encadrement temporaire et a constaté que tel était le cas.

7        La Commission a ainsi conclu que la mesure en cause était compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et n’a, dès lors, pas soulevé d’objections à son égard.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juin 2020, Ryanair a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

9        À l’appui de son recours, Ryanair a soulevé quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, le deuxième, d’une violation des principes de non-discrimination en raison de la nationalité, de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement, le troisième, de la violation de ses droits procéduraux en raison du refus d’ouvrir la procédure formelle d’examen en dépit de l’existence de doutes sérieux sur la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur et, le quatrième, d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

10      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté les premier, deuxième et quatrième moyens soulevés par Ryanair comme étant non fondés. S’agissant du troisième moyen, il a considéré, notamment au regard des motifs ayant conduit au rejet des deux premiers moyens du recours, qu’il n’était pas nécessaire d’examiner son bien-fondé. Par conséquent, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble, sans statuer sur sa recevabilité.

 Les conclusions des parties devant la Cour

11      Par son pourvoi, Ryanair demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision litigieuse ;

–        de condamner la Commission et les parties intervenantes en première instance aux dépens ou, à titre subsidiaire,

–        d’annuler l’arrêt attaqué, et

–        de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

12      La Commission et le Royaume d’Espagne demandent à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner la requérante aux dépens.

13      La République française et la République de Finlande demandent à la Cour de rejeter le pourvoi.

 Sur le pourvoi

14      Au soutien de son pourvoi, Ryanair soulève cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation manifeste des faits en ce que le Tribunal a rejeté le moyen du recours tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal aurait rejeté à tort le moyen du recours tiré d’une violation du principe de non-discrimination. Le troisième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation manifeste des faits dans l’examen de l’argument de la requérante tiré de la violation de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation manifeste des faits que le Tribunal aurait commises en décidant de ne pas examiner le bien-fondé du troisième moyen du recours, pris d’une violation des droits procéduraux de la requérante. Le cinquième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation manifeste des faits en ce que le Tribunal a rejeté le quatrième moyen du recours, relatif à une violation de l’obligation de motivation qui incombe à la Commission en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

15      Par son premier moyen, qui vise les points 31 à 64 de l’arrêt attaqué et comprend deux branches, Ryanair soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit et une dénaturation manifeste des faits en ce qu’il aurait, à tort, rejeté la première branche du premier moyen du recours, tirée de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, en jugeant, d’une part, que la mesure en cause était appropriée pour remédier à une perturbation grave de l’économie finlandaise et, d’autre part, que la Commission n’était pas tenue de procéder à une mise en balance des effets bénéfiques de cette mesure avec ses effets négatifs.

16      Par la première branche de son premier moyen, Ryanair fait valoir, premièrement, que, si le Tribunal a reconnu, aux points 32 et 33 de l’arrêt attaqué, à juste titre que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE devait, en tant que disposition dérogatoire, être interprété de manière stricte, il aurait considéré à tort, au point 41 de cet arrêt, que cette disposition n’exigeait pas que la mesure en cause soit susceptible, à elle seule, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné. Une telle interprétation conduirait à ce que toute société puisse prétendre à une mesure d’aide individuelle, au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, pourvu qu’une perturbation grave de l’économie soit identifiée.

17      Selon Ryanair, le Tribunal s’est ainsi affranchi de l’interprétation stricte que requiert cette disposition pour juger en substance, aux points 40 à 42 et 56 de l’arrêt attaqué, qu’il suffisait qu’une aide contribue à remédier à la perturbation grave de l’économie concernée pour entrer dans le champ d’application de ladite disposition.

18      Deuxièmement, le Tribunal, en s’appropriant aux points 31 à 64 de l’arrêt attaqué les constatations de la Commission en ce qui concerne l’importance de Finnair pour l’économie finlandaise, aurait commis une erreur de droit, aurait manifestement dénaturé les faits et n’aurait pas exercé son pouvoir de contrôle sur la décision litigieuse.

19      En effet, sur plusieurs points, le Tribunal se serait borné à considérer l’analyse de la Commission comme satisfaisante et à la reproduire dans son arrêt sans en examiner le bien-fondé. Il n’aurait pas vérifié si les preuves à disposition de la Commission comprenaient l’ensemble des informations pertinentes et étaient à même d’étayer sa conclusion s’agissant de l’importance de Finnair pour l’économie finlandaise. En outre, l’arrêt attaqué serait entaché d’une erreur de droit en ce qu’il ferait systématiquement peser la charge de la preuve sur la requérante, alors qu’il appartenait à la Commission de démontrer la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

20      Par la seconde branche de son premier moyen, Ryanair soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’est pas contrainte par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, de procéder, lorsqu’elle examine la compatibilité d’une aide, à une mise en balance des effets bénéfiques de cette aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée.

21      À cet égard, elle fait valoir que le Tribunal a retenu une interprétation excessivement large de l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C‑594/18 P, EU:C:2020:742, points 20 et 39), pour juger que la condition tenant à ce que l’aide n’affecte pas de manière excessive les conditions des échanges s’appliquerait aux aides visées à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE mais non à celles visées au paragraphe 3, sous b), de cet article. Premièrement, l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, dont cet arrêt a fait application, ne ferait référence qu’à l’effet de l’aide sur les conditions des échanges, et non pas à la protection de la concurrence non faussée, laquelle, ainsi que le Tribunal l’a admis, doit également être prise en compte dans la mise en balance des effets positifs et des effets négatifs de l’aide. Deuxièmement, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la Cour n’aurait pas examiné de manière approfondie l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Troisièmement, l’obligation de mettre en balance les effets positifs de l’aide et ses effets négatifs sur les conditions des échanges et le maintien d’une concurrence non faussée résulterait également de principes qui s’appliquent de manière générale à toutes les aides relevant de l’article 107, paragraphe 3, TFUE.

22      C’est précisément pour cette raison que tant la Cour, par l’arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570, points 54, 57 et 58), que le Tribunal, par l’arrêt du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission (T‑447/93 à T‑449/93, EU:T:1995:130, points 138 à 143), auraient considéré que la Commission pouvait subordonner une aide accordée au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE à certaines conditions. Or, il ne serait pas possible que la Commission impose de telles conditions s’il n’y avait pas lieu de mettre en balance les effets positifs et négatifs de l’aide.

23      De plus, contrairement à ce que le Tribunal a considéré au point 66 de l’arrêt attaqué, l’existence d’une perturbation grave de l’économie d’un État membre ne devrait pas permettre de présumer que les effets positifs d’une aide l’emportent sur ses effets négatifs, mais justifierait, au contraire, une vigilance particulière dans la mise en balance de ces effets, aux fins d’apprécier la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur. En outre, d’une part, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé au point 68 de cet arrêt, le point 10 de l’encadrement temporaire comprendrait une obligation spécifique pour la Commission quant à une telle mise en balance. D’autre part, au point 74 dudit arrêt, le Tribunal aurait dénaturé les faits en affirmant que la Commission a envisagé les effets de l’aide sur la concurrence et les échanges au sein de l’Union européenne dans le cadre de l’évaluation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur.

24      La Commission, le Royaume d’Espagne, la République française et la République de Finlande soutiennent que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

 Appréciation de la Cour

25      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, par la décision litigieuse, la mesure en cause a été déclarée compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui prévoit que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur les aides « destinées [...] à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ».

26      Par la première branche de son premier moyen, Ryanair soutient, en premier lieu, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 41 de l’arrêt attaqué, que cette disposition n’exigeait pas que la mesure en cause soit susceptible, à elle seule, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné.

27      À cet égard, si la dérogation au principe d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE doit faire l’objet d’une interprétation stricte, les termes utilisés pour définir cette dérogation ne doivent cependant pas être interprétés d’une manière qui restreindrait indûment sa portée ou qui la priverait de ses effets. Une dérogation doit, en effet, être interprétée de manière conforme aux objectifs qu’elle poursuit (arrêt du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C‑209/21 P, EU:C:2023:905, point 88 et jurisprudence citée).

28      Or, il ne ressort nullement des termes de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, lus à la lumière de l’objectif de cette disposition, qui est de permettre aux États membres de remédier à une perturbation grave de leur économie, que pourraient uniquement être déclarées compatibles avec le marché intérieur, sur le fondement de cette disposition, les aides qui garantissent à elles seules qu’il soit remédié à la perturbation grave de l’économie d’un État membre. En effet, une aide peut, le cas échéant, être destinée à remédier à une telle perturbation grave de l’économie et contribuer à remplir l’objectif expressément visé à ladite disposition sans pour autant suffire à elle seule à atteindre cet objectif.

29      À cet égard, la Cour a déjà jugé que, pour pouvoir être déclarée compatible avec le marché intérieur en vertu d’une dérogation au titre de l’article 107, paragraphe 2, TFUE, une mesure d’aide ne doit, notamment, que contribuer à la réalisation d’un objectif qui y figure (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 27).

30      En outre, l’interprétation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE suggérée par Ryanair priverait cette disposition d’une grande partie de son effet utile. Si, pour pouvoir revendiquer l’application de ladite disposition, les États membres étaient tenus d’accorder des aides à l’ensemble des entreprises revêtant une importance particulière pour leur économie, de manière à ce que ces aides garantissent à elles seules qu’il soit remédié à la perturbation grave de l’économie, sans pouvoir réserver lesdites aides à un nombre limité de ces entreprises, voire à une seule, ces États membres seraient souvent dissuadés d’octroyer des aides au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, en raison des coûts qu’elles représenteraient (voir, par analogie, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 25).

31      Il s’ensuit que l’objectif poursuivi par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exclut pas qu’un État membre puisse, sans que cela soit dicté par une volonté de favoriser une entreprise par rapport à ses concurrents, choisir, pour des raisons objectives, de ne faire bénéficier qu’une seule entreprise d’une mesure adoptée au titre de cette disposition (voir, par analogie, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 24).

32      Il découle de ce qui précède que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en considérant, notamment au point 41 de l’arrêt attaqué, que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas que l’aide en cause soit susceptible, à elle seule, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné et que des aides d’État peuvent être autorisées au titre de cette disposition, sous forme de régimes d’aides ou d’aides individuelles, pourvu que toutes les conditions d’application de celle-ci soient réunies, si elles contribuent à remédier à cette perturbation grave de l’économie.

33      Dans la mesure où, en second lieu, par cette première branche, Ryanair fait grief au Tribunal de s’être livré à une dénaturation des éléments de fait qui lui étaient soumis lorsqu’il a examiné l’appréciation, dont procède la décision litigieuse, selon laquelle la mesure en cause était, compte tenu de l’importance de Finnair pour l’économie finlandaise, appropriée pour remédier à la perturbation grave de cette économie, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C‑14/19 P, EU:C:2020:492, point 103 et jurisprudence citée).

34      Il s’ensuit que l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C‑14/19 P, EU:C:2020:492, point 104 et jurisprudence citée).

35      Lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante de la Cour qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C‑14/19 P, EU:C:2020:492, point 105 et jurisprudence citée).

36      En l’espèce, dans le cadre du second grief de la première branche de son premier moyen, Ryanair reproche, en substance, au Tribunal d’avoir fait sienne l’analyse de la Commission et de ne pas avoir vérifié si les preuves à disposition de celle-ci étayaient la conclusion à laquelle elle est parvenue. Or, force est de constater que Ryanair se limite à des affirmations qui ne démontrent aucune dénaturation que le Tribunal aurait commise dans son appréciation pour parvenir, sur le fondement d’un examen détaillé de la décision litigieuse à cet égard, figurant aux points 31 à 64 de l’arrêt attaqué, à la considération selon laquelle, du fait, notamment, de l’importance de Finnair pour l’économie finlandaise, la mesure en cause était appropriée pour remédier à la perturbation grave de cette économie occasionnée par la pandémie de COVID-19.

37      Pour autant que Ryanair soutient, en outre, que le Tribunal a, ce faisant, renversé la charge de la preuve, qui, selon elle, aurait dû peser sur la Commission, il convient de rappeler qu’il incombe en principe à la personne qui allègue des faits au soutien d’une demande ou d’un argument d’apporter la preuve de leur réalité [voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2001, Brunnhofer, C‑381/99, EU:C:2001:358, point 52, et ordonnance du président de la Cour du 25 janvier 2008, Provincia di Ascoli Piceno et Comune di Monte Urano/Apache Footwear e.a., C‑464/07 P(I), EU:C:2008:49, point 9].

38      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen n’est pas fondée.

39      Par la seconde branche du premier moyen, Ryanair soutient, en substance, que le Tribunal a, aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’était pas contrainte, par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, de procéder à une mise en balance des effets bénéfiques de la mesure en cause avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée.

40      À cet égard, il convient de relever que, au point 20 de l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C‑594/18 P, EU:C:2020:742), la Cour a mis en exergue les différences entre les libellés de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, et a relevé, en particulier, que seule la première de ces dispositions énonçait la condition selon laquelle l’aide en cause devait poursuivre un objectif d’intérêt commun. La Cour en a déduit que l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne subordonnait pas la compatibilité d’une aide à une telle condition.

41      Pour un motif similaire fondé sur la comparaison des libellés des dispositions concernées, ainsi que le Tribunal l’a, en substance, jugé au point 65 de l’arrêt attaqué, en l’absence de référence, à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à la démonstration d’une absence d’altération des conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun et, donc, à la nécessité d’effectuer une mise en balance des effets bénéfiques et des effets négatifs de l’aide, cette disposition ne saurait être interprétée, à la différence de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, comme requérant que la Commission procède à une telle mise en balance aux fins d’apprécier la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C‑209/21 P, EU:C:2023:905, point 85).

42      Cette différence d’appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur des aides visées à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de celles visées à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE s’explique par la nature particulière des aides visées à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui poursuivent des objectifs de caractère exceptionnel et d’un poids particulier consistant soit à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun, soit à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre. Les mesures d’aide qui concourent à l’un de ces objectifs, sous réserve qu’elles soient nécessaires et proportionnées, peuvent donc être considérées comme assurant un juste équilibre entre leurs effets bénéfiques et leurs effets négatifs sur le marché intérieur et comme répondant, par conséquent, à l’intérêt commun de l’Union (arrêt du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C‑209/21 P, EU:C:2023:905, point 86).

43      Dès lors, puisque l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE reflète la mise en balance des effets des aides d’État visées par cette disposition à laquelle les auteurs du traité TFUE ont procédé, la Commission n’est pas tenue d’opérer une nouvelle mise en balance de ces effets lorsqu’elle examine la compatibilité d’une aide dont l’octroi est envisagé sur le fondement de ladite disposition (arrêt du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C‑209/21 P, EU:C:2023:905, point 87).

44      Eu égard à ce qui précède, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la Commission n’était pas contrainte par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE de procéder à une mise en balance des effets bénéfiques de la mesure en cause avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée.

45      Il ressort de ce qui précède qu’il convient d’écarter la seconde branche du premier moyen comme étant non fondée et, par voie de conséquence, ce moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

46      Par son deuxième moyen, qui comprend quatre branches, Ryanair soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 81 à 91 de l’arrêt attaqué, que la mesure en cause ne violait pas le principe de non-discrimination en raison de la nationalité.

47      Par la première branche de son deuxième moyen, Ryanair fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant, au point 81 de l’arrêt attaqué, que la discrimination était inhérente au caractère individuel de l’aide. La requérante soutient qu’une aide individuelle peut ne pas être discriminatoire si son bénéficiaire se trouve dans une situation différente des autres sociétés commerciales, au regard de l’objectif poursuivi. Or, en l’espèce, la Commission n’aurait pas démontré que des aides versées à d’autres compagnies aériennes que Finnair n’auraient pu contribuer à remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise. Ryanair souligne, de plus, que, si le principe de non-discrimination concernait uniquement les régimes d’aide d’État, comme le Tribunal l’estime, les États membres pourraient se soustraire à son application en divisant leurs régimes d’aide d’État discriminatoires en autant de mesures d’aide individuelle que ces régimes comportent de bénéficiaires.

48      Par la deuxième branche de ce moyen, Ryanair fait valoir que le Tribunal n’a pas dûment appliqué le principe de l’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité, qui serait un principe essentiel de l’ordre juridique de l’Union européenne. Bien que le Tribunal ait reconnu, au point 82 de l’arrêt attaqué, que la différence de traitement instituée par la mesure en cause, en ce que celle-ci ne bénéficiait qu’à Finnair, pouvait être assimilée à une discrimination, il aurait à tort considéré qu’une telle discrimination ne devait être appréciée qu’au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, au motif que cette disposition constituait une disposition particulière au sens de l’article 18 TFUE.

49      En outre, la requérante fait valoir que le Tribunal aurait dû examiner si une telle discrimination était justifiée pour des motifs d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique au sens de l’article 52 TFUE ou, en tout état de cause, si elle était fondée sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées.

50      Par la troisième branche de son deuxième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a, aux points 83, 84 et 87 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit et entaché les motifs de celui-ci d’une contradiction manifeste en ce qui concerne la détermination de l’objectif de la mesure en cause. En particulier, ce serait à tort qu’il a considéré que cet objectif consistait à garantir à Finnair de disposer de suffisamment de liquidités pour maintenir ses services durant la pandémie de COVID-19 et qu’il permettait de remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. En outre, l’affirmation, au point 87 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la mesure en cause n’avait pas pour objectif de préserver la « connectivité » de la Finlande serait contredite par les points 45 et 46 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a déduit de la contribution de cette compagnie à cette « connectivité » son importance pour l’économie finlandaise.

51      Par la quatrième branche, Ryanair fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit et a manifestement dénaturé les faits en ce qu’il a considéré, aux points 85 à 91 de l’arrêt attaqué, que la mesure en cause était nécessaire, appropriée et proportionnée au regard de son objectif déclaré.

52      Premièrement, s’agissant de la nécessité de la mesure en cause, le Tribunal se serait limité, au point 87 de l’arrêt attaqué, à renvoyer aux points 37 et 39 de cet arrêt, qui décriraient les difficultés économiques rencontrées par Finnair et l’incidence présumée de sa faillite sur l’économie finlandaise, mais ne contiendraient aucun argument quant à la nécessité de cette mesure pour remédier à la perturbation grave de cette économie.

53      Deuxièmement, pour considérer que la mesure en cause était appropriée et proportionnée, le Tribunal se serait borné, au point 85 de l’arrêt attaqué, à renvoyer à la réponse au premier moyen du recours, ce qui ne saurait constituer une démonstration ou une motivation adéquate.

54      En particulier, le Tribunal aurait commis une première erreur de droit en estimant, notamment au point 88 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait aucune obligation d’examiner si l’État membre concerné devait élargir le cercle des bénéficiaires de l’aide. Cette affirmation serait en contradiction directe avec le principe de proportionnalité, en vertu duquel il conviendrait de recourir à la mesure la moins contraignante lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées. De plus, Ryanair critique le point 91 de l’arrêt attaqué en ce que ni la Commission ni le Tribunal n’auraient démontré que la survie de Finnair ne pouvait pas être assurée avec un montant d’aide inférieur à celui qui lui a été accordé.

55      Le Tribunal aurait commis une seconde erreur de droit en ne tirant aucune conclusion du fait que la Commission n’avait pas évalué l’effet concurrentiel de la mesure en cause aux fins d’apprécier si celle-ci était proportionnée. Or, une telle évaluation serait essentielle pour déterminer si ladite mesure ne va pas « au-delà de ce qui est nécessaire » pour atteindre son objectif déclaré.

56      La Commission, le Royaume d’Espagne, la République française et la République de Finlande soutiennent que le deuxième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

 Appréciation de la Cour

57      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 101 et jurisprudence citée).

58      C’est donc à l’égard de mesures présentant de telles caractéristiques et déployant de tels effets, en ce qu’elles sont susceptibles de fausser le jeu de la concurrence et de porter atteinte aux échanges entre les États membres, que l’article 107, paragraphe 1, TFUE énonce le principe d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur.

59      En particulier, l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose que, lorsque la Commission entend qualifier une mesure donnée d’aide d’État, elle établisse que l’avantage économique, pris au sens large, découlant directement ou indirectement de cette mesure profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises. Il lui incombe, pour ce faire, de démontrer, en particulier, que la mesure concernée introduit des différenciations entre les entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable. Il faut donc que l’avantage soit octroyé de façon sélective et qu’il soit susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d’autres (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 103 et jurisprudence citée).

60      Lorsque, comme en l’espèce, la mesure concernée est envisagée comme une aide individuelle, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité (arrêts du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 49, et du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 104).

61      Il s’ensuit que, s’agissant de la première branche du deuxième moyen, par laquelle Ryanair conteste le point 81 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en affirmant, en substance, à ce point que, par sa nature, une aide individuelle instaure une différence de traitement, voire une discrimination, entre l’entreprise bénéficiaire de cette aide et toutes les autres entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable. En outre, contrairement à ce que semble faire valoir Ryanair, cette affirmation ne saurait être comprise en ce sens que le Tribunal considère qu’une aide individuelle, qui serait, selon lui, contraire au principe de non-discrimination, est néanmoins compatible avec le marché intérieur, dès lors qu’il a expressément précisé, à la fin dudit point, que le droit de l’Union permet aux États membres d’octroyer de telles aides, « pourvu que toutes les conditions prévues à l’article 107 TFUE soient remplies » (voir, par analogie, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 105).

62      Il y a lieu, dès lors, d’écarter la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

63      En ce qui concerne, plus particulièrement, les conditions prévues à l’article 107 TFUE, celui-ci établit, à ses paragraphes 2 et 3, certaines dérogations au principe d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, évoqué au point 58 du présent arrêt, telles que celle énoncée à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, concernant les aides destinées « à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ». Sont, ainsi, compatibles ou susceptibles d’être déclarées compatibles avec le marché intérieur des aides d’État octroyées aux fins et dans les conditions prévues par ces dispositions dérogatoires, nonobstant le fait qu’elles présentent les caractéristiques et déploient les effets énoncés au point 57 du présent arrêt.

64      Il s’ensuit que, sauf à priver lesdites dispositions dérogatoires de tout effet utile, des aides d’État qui sont octroyées en conformité avec ces exigences, c’est-à-dire aux fins d’un objectif qui y est reconnu et dans les limites de ce qui est nécessaire et proportionné à la réalisation de cet objectif, ne sauraient être jugées incompatibles avec le marché intérieur au regard des seules caractéristiques ou des seuls effets, visés au point 57 du présent arrêt, qui sont inhérents à toute aide d’État, à savoir, notamment, pour des raisons liées à ce que l’aide est sélective ou à ce qu’elle fausserait la concurrence (arrêts du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, EU:C:1977:51, points 14 et 15, et du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 107).

65      Cela étant, s’agissant de la deuxième branche du deuxième moyen, par laquelle Ryanair invoque une erreur de droit tirée de ce que le Tribunal n’a pas appliqué, au point 82 de l’arrêt attaqué, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité consacré à l’article 18 TFUE, mais a examiné la mesure en cause au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité FUE. Ainsi, une aide qui, en tant que telle ou par certaines de ses modalités, viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêts du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 96, ainsi que du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 109).

66      Toutefois, en ce qui concerne spécifiquement l’article 18 TFUE, il est de jurisprudence constante que cet article n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité FUE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination (arrêts du 18 juillet 2017, Erzberger, C‑566/15, EU:C:2017:562, point 25, et du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 110).

67      Dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 63 du présent arrêt, l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE prévoit des dérogations au principe, énoncé au paragraphe 1 de cet article, d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, et admet ainsi, en particulier, des différences de traitement entre les entreprises, sous réserve de remplir les exigences prévues par ces dérogations, ces dernières doivent être considérées comme des « dispositions particulières » prévues par les traités, au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 111).

68      Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, au point 82 de l’arrêt attaqué, que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE constituait une telle disposition particulière et qu’il convenait seulement d’examiner si la différence de traitement induite par la mesure en cause était permise au titre de cette disposition.

69      Il en découle que la différence de traitement qu’entraîne la mesure en cause n’a pas davantage à être justifiée au regard des motifs énoncés à l’article 52 TFUE, contrairement à ce que soutient Ryanair.

70      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’écarter la deuxième branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

71      Par la troisième branche de ce moyen du pourvoi, Ryanair soutient, en substance, que le Tribunal a, aux points 83, 84 et 87 de l’arrêt attaqué, mal identifié l’objectif de la mesure en cause, tel qu’il ressort de la décision litigieuse, et qu’il a, à tort, considéré que cet objectif consistait à garantir à Finnair de disposer de suffisamment de liquidités pour maintenir ses services durant la pandémie de COVID-19.

72      À cet égard, le Tribunal a, en substance, aux points 83 et 84 de l’arrêt attaqué, en renvoyant aux points 36 et 38 de cet arrêt, relevé que l’objectif de la mesure en cause consistait, conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise occasionnée par la pandémie de COVID‑19, en garantissant à Finnair suffisamment de liquidités pour maintenir sa viabilité et ses services aériens et en évitant que son éventuelle faillite perturbe davantage cette économie.

73      Or, il ressort de la décision litigieuse, notamment de ses considérants 3, 4 et 39, cités aux points 37 et 38 de l’arrêt attaqué, que cette description de l’objectif poursuivi par cette mesure est conforme à celui que la Commission a exposé dans cette décision. En outre, contrairement à ce que Ryanair soutient, l’affirmation du Tribunal, au point 87 de l’arrêt attaqué, selon laquelle cet objectif ne consistait pas à préserver la « connectivité » de la Finlande, n’est pas en soi contredite par le fait que le Tribunal a pris en compte, aux points 45 et 46 de l’arrêt attaqué, la contribution de Finnair à cette connectivité comme l’un des facteurs démontrant l’importance de cette compagnie aérienne pour l’économie finlandaise.

74      Il y a lieu, dès lors, d’écarter la troisième branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

75      Pour autant que, par la quatrième branche de ce moyen, Ryanair fait grief au Tribunal, d’abord, globalement, de ne pas s’être prononcé de manière adéquate, aux points 85 et 87 de l’arrêt attaqué, sur le caractère approprié et nécessaire de la mesure en cause pour atteindre l’objectif consistant à remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise, il suffit de constater que, en renvoyant, à ces points, à l’examen détaillé qu’il avait effectué du premier moyen du recours et, en particulier, aux éléments qui avaient été exposés, entre autres, aux points 37 et 39 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait ressortir à suffisance de droit les raisons pour lesquelles il considérait que la mesure en cause était appropriée et nécessaire pour atteindre son objectif.

76      S’agissant, ensuite, plus particulièrement, du grief tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal aurait, au point 88 de l’arrêt attaqué, à tort considéré que la Commission n’avait aucune obligation d’examiner si la République de Finlande aurait dû élargir le cercle des bénéficiaires de la mesure en cause au-delà de Finnair, il résulte de l’examen de la première branche du premier moyen du pourvoi, notamment du point 30 du présent arrêt, que, quand bien même l’octroi de la mesure en cause à d’autres entreprises aurait pu contribuer à la réalisation de l’objectif prévu à l’article 107, paragraphe 3, sous b) TFUE, cet État membre était en droit de limiter le bénéfice de cette aide à une seule entreprise.

77      Plus particulièrement, il découle de la jurisprudence de la Cour qu’une aide accordée au titre d’une dérogation prévue à l’article 107, paragraphes 2 et 3, ne saurait être jugée disproportionnée, et, ainsi, incompatible avec le marché intérieur, du seul fait qu’elle ne bénéficie qu’à une seule entreprise (voir, en ce sens, arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, points 31, 34, 78 et 136, ainsi que du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑321/21 P, EU:C:2023:713, point 66).

78      Il s’ensuit que, en jugeant, au point 88 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue d’examiner, pour apprécier la proportionnalité de la mesure en cause, si le cercle des bénéficiaires de celle-ci aurait dû être élargi au-delà de Finnair, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit. En outre, au point 91 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, renvoyant aux considérations détaillées qu’il a exposées dans le cadre de l’examen de la première branche du premier moyen du recours en première instance, notamment aux points 57 à 59 de cet arrêt, a appliqué correctement le test de proportionnalité en ce qu’il a examiné si l’octroi de la garantie de l’État uniquement à Finnair ne dépassait pas les limites de ce qui était approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la République de Finlande. Ainsi, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir régulièrement apprécié si la survie de Finnair ne pouvait pas être assurée avec un montant d’aide inférieur à celui qui lui a été accordé.

79      Dans la mesure où, dans le cadre de cette quatrième branche, Ryanair fait, enfin, grief au Tribunal de n’avoir tiré aucune conclusion du fait que la Commission n’avait pas évalué l’incidence de la mesure en cause sur la concurrence à l’aune du critère de la proportionnalité, il convient de constater que ce grief rejoint l’argumentation avancée dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission aurait dû procéder à une mise en balance des effets bénéfiques de cette mesure avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée, et doit, dès lors, être écarté pour les motifs énoncés aux points 40 à 43 du présent arrêt.

80      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’écarter la quatrième branche du deuxième moyen et, par voie de conséquence, ce moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

81      Par son troisième moyen, Ryanair soutient que le Tribunal a, aux points 101 à 103 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit et une dénaturation manifeste des faits en rejetant la seconde branche du deuxième moyen de son recours en première instance, par laquelle elle invoquait une violation des principes de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement.

82      Par la première branche de ce troisième moyen, Ryanair fait valoir que, en affirmant, au point 101 de l’arrêt attaqué, qu’elle n’avait pas établi en quoi le caractère exclusif de la mesure en cause, qui n’a bénéficié qu’à Finnair, était « de nature à la dissuader d’effectuer des prestations de services depuis la Finlande et à destination de la Finlande ou d’exercer sa liberté d’établissement dans cet État membre », le Tribunal a utilisé un critère erroné pour apprécier si cette mesure entravait ou rendait moins attrayant l’exercice de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement. Conformément à la jurisprudence, le Tribunal aurait dû examiner si la mesure en cause était de nature à dissuader « un quelconque des opérateurs touchés par [cette] mesure » et donc, en l’espèce, une des compagnies aériennes autres que Finnair opérant en Finlande, de s’établir ou de fournir des services dans cet État membre.

83      Par la deuxième branche dudit moyen, Ryanair soutient que, dans le cadre de son recours en première instance, elle a démontré à suffisance de droit, conformément au critère pertinent, que la mesure en cause désavantageait, en pratique, les seuls transporteurs aériens ayant leur siège social dans un autre État membre que la République de Finlande. En effet, elle aurait fourni de multiples éléments de preuve relatifs à l’effet restrictif de cette mesure sur la libre prestation de services. En omettant de les examiner, le Tribunal aurait commis une erreur de droit ainsi qu’une dénaturation des éléments de preuve.

84      Par la troisième branche du même moyen, Ryanair soutient que, contrairement à ce que le Tribunal a estimé au point 101 de l’arrêt attaqué, elle a démontré que la restriction à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement n’était pas justifiée. Le Tribunal aurait, à cet égard, commis une erreur de droit en jugeant qu’une mesure d’aide restreignant la libre prestation de services était justifiée lorsqu’elle était conforme à l’article 107 TFUE. Selon Ryanair, le Tribunal, et avant lui la Commission, auraient dû examiner si la restriction à la libre prestation de services résultant de la mesure en cause était justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, non discriminatoire, nécessaire et proportionnée par rapport à l’objectif d’intérêt général poursuivi. Or, la requérante aurait identifié des éléments de fait et de droit démontrant que cette mesure a eu des effets restrictifs sur la libre prestation de services qui n’étaient ni nécessaires, ni appropriés, ni proportionnés au regard de l’objectif affiché de celle-ci, à savoir remédier à une perturbation grave de l’économie finlandaise. Elle aurait, de plus, proposé, dans ce contexte, un critère alternatif d’éligibilité de l’aide, fondé sur les parts de marché, qui aurait été moins préjudiciable à la libre prestation des services et à la liberté d’établissement. Le Tribunal, en « niant cette réalité », aurait commis une erreur de droit et manifestement dénaturé les faits.

85      La Commission, le Royaume d’Espagne, la République française et la République de Finlande soutiennent que le troisième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

 Appréciation de la Cour

86      En ce que, par la première branche du troisième moyen du pourvoi, Ryanair soutient que le Tribunal a, à la première phrase du point 101 de l’arrêt attaqué, usé d’un critère erroné pour apprécier si la mesure en cause entravait ou rendait moins attrayant l’exercice de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement, il convient de constater que cette branche repose sur une lecture erronée de ce point. En effet, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si, comme le soutient Ryanair, le Tribunal a commis une erreur de droit quant à la portée de la charge de la preuve qui aurait pesé sur elle, il ressort, ainsi que l’a, à juste titre, relevé le gouvernement français dans son mémoire en réponse, de la seconde phrase dudit point, qui renvoie aux points 42 à 63 et 82 à 92 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a analysé la proportionnalité de la mesure en cause, que le Tribunal a examiné l’existence d’effets restrictifs en général, et donc des effets qui se produiraient à l’égard non pas exclusivement de Ryanair, mais bien de l’ensemble des compagnies aériennes opérant ou voulant opérer en Finlande.

87      Dès lors, cette branche doit être écartée comme étant non fondée.

88      Par les deuxième et troisième branches du troisième moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, Ryanair fait grief au Tribunal, en substance, d’avoir entaché l’arrêt attaqué d’erreurs de droit, au point 101 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a examiné le fait que la mesure en cause ne bénéficiait qu’à Finnair au regard, seulement, des critères de l’article 107 TFUE, au lieu de vérifier si cette mesure était justifiée au regard des motifs visés par les dispositions de ce traité relatives à la libre prestation de services ou à la liberté d’établissement. Or, Ryanair aurait soumis au Tribunal des éléments de fait et de droit démontrant une violation de ces dispositions.

89      À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 65 du présent arrêt, la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité. Ainsi, une aide qui, en tant que telle ou par certaines de ses modalités, viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur.

90      Toutefois, d’une part, les effets restrictifs qu’une mesure d’aide déploierait sur la libre prestation de services ou sur la liberté d’établissement ne constituent pas pour autant une restriction interdite par le traité, dans la mesure où il peut s’agir d’un effet inhérent à la nature même d’une aide d’État, tel que son caractère sélectif (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 132).

91      D’autre part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsque les modalités d’une aide sont à ce point indissolublement liées à l’objet de l’aide qu’il ne serait pas possible de les apprécier isolément, leur effet sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide dans son ensemble avec le marché intérieur doit nécessairement être apprécié au moyen de la procédure prévue à l’article 108 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, EU:C:1977:51, point 14 ; du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 97, ainsi que du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 133).

92      Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort des points 72 et 73 du présent arrêt, le choix de Finnair en tant que bénéficiaire de la mesure en cause fait partie de l’objet de celle-ci et, en tout état de cause, quand bien même ce choix devait être considéré comme une modalité de ladite mesure, Ryanair ne conteste pas qu’une telle modalité est indissolublement liée à cet objet, qui consistait à remédier à la perturbation grave de l’économie finlandaise occasionnée par la pandémie de COVID-19, en garantissant à Finnair suffisamment de liquidités pour maintenir sa viabilité et en évitant que son éventuelle faillite aggrave cette perturbation, compte tenu de l’importance de cette compagnie pour l’économie finlandaise. Il s’ensuit que l’effet sur le marché intérieur du choix de Finnair en tant que bénéficiaire de la mesure en cause ne peut pas faire l’objet d’un examen séparé de celui de la compatibilité de cette mesure d’aide, dans son ensemble, avec le marché intérieur au moyen de la procédure prévue à l’article 108 TFUE.

93      Il résulte des motifs qui précèdent et de la jurisprudence rappelée au point 64 du présent arrêt que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 101 de l’arrêt attaqué, en substance, que, pour établir que la mesure en cause constituait, en raison du fait qu’elle ne bénéficiait qu’à Finnair, une entrave à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement, la requérante aurait dû démontrer, en l’espèce, que cette mesure produisait des effets restrictifs qui allaient au-delà de ceux qui sont inhérents à une aide d’État octroyée conformément aux exigences prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (voir, par analogie, arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 135, et du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C‑209/21 P, EU:C:2023:905, point 75).

94      Or, l’argumentation avancée par Ryanair à l’appui des deuxième et troisième branches du troisième moyen vise, dans son ensemble, à critiquer le choix de Finnair en tant qu’unique bénéficiaire de la mesure en cause et les conséquences de ce choix, alors même que ce dernier est inhérent au caractère sélectif de cette mesure.

95      En outre, quant aux éléments de preuve qu’elle aurait présentés devant le Tribunal, il y a lieu de constater que Ryanair n’a avancé aucun argument susceptible de démontrer que celui-ci a dénaturé ces éléments de preuve.

96      Il ressort de ce qui précède que le troisième moyen doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

97      Par son quatrième moyen, Ryanair fait valoir que, en considérant, aux points 107 et 108 de l’arrêt attaqué, que le troisième moyen de son recours en première instance, relatif au refus de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, se trouvait privé de sa finalité affichée du fait du rejet des deux premiers moyens de ce recours et était dépourvu de contenu autonome par rapport à ces deux moyens, le Tribunal a commis une erreur de droit et une dénaturation manifeste des faits.

98      En effet, contrairement à ce que le Tribunal a considéré, ce troisième moyen aurait présenté un contenu autonome par rapport aux deux premiers moyens du recours en première instance. Le contrôle juridictionnel portant sur l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen différerait de celui portant sur l’erreur de droit ou sur l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission lors de l’examen au fond de la mesure d’aide. L’existence de difficultés sérieuses pourrait ainsi être constatée alors même que, contrairement à ce que la requérante avait soutenu par ses deux premiers moyens en première instance, l’examen par la Commission de la mesure en cause ne serait entaché ni d’une erreur manifeste d’appréciation ni d’une erreur de droit.

99      De même, le troisième moyen du recours en première instance n’aurait pas été privé de sa finalité affichée, dès lors que la démonstration de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission serait totalement différente de la démonstration de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen. En outre, Ryanair aurait soulevé des arguments autonomes à cet effet, démontrant, notamment, que la Commission ne disposait pas de données de marché relatives à la structure du secteur de l’aviation ni d’informations sur la participation de la requérante à ce marché, qui auraient revêtu une importance cruciale pour examiner la compatibilité avec le marché intérieur de la mesure en cause au regard de l’objectif allégué de remédier à une perturbation grave de l’économie finlandaise. Devant le Tribunal, Ryanair aurait identifié des lacunes précises dans l’information de la Commission et aurait mis en évidence des difficultés sérieuses conférant à son moyen un contenu autonome par rapport aux deux premiers moyens du recours.

100    La Commission, le Royaume d’Espagne, la République française et la République de Finlande soutiennent que le quatrième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

 Appréciation de la Cour

101    Lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une aide d’État, il met en cause essentiellement le fait que cette décision a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, violant, ce faisant, ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9) (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 59, ainsi que du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 143).

102    Ainsi, il appartient à l’auteur d’une demande d’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections de démontrer que des doutes sur la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur existaient, de telle sorte que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Une telle preuve doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de cette décision que dans son contenu, à partir d’un faisceau d’indices concordants (voir, en ce sens, arrêts du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 40, ainsi que du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 144).

103    En particulier, le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de ce que cette institution a été confrontée à de sérieuses difficultés pour apprécier la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché intérieur, ce qui aurait dû la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen (arrêts du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 41, ainsi que du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 145).

104    À cet égard, s’agissant, tout d’abord, du grief tiré de ce que le Tribunal a jugé, au point 108 de l’arrêt attaqué, que le troisième moyen du recours en première instance était dépourvu de contenu autonome, il convient de relever qu’il est exact, ainsi que l’a fait valoir Ryanair dans son pourvoi, que, si l’existence de difficultés sérieuses, au sens de la jurisprudence de la Cour visée au point 103 du présent arrêt, avait été démontrée, la décision litigieuse aurait été susceptible d’être annulée pour ce seul motif, quand bien même il n’aurait pas été établi, par ailleurs, que les appréciations portées sur le fond par la Commission étaient erronées en droit ou en fait (voir, par analogie, arrêts du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, EU:C:2009:223, point 66, ainsi que du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 146).

105    En outre, l’existence de pareilles difficultés peut être recherchée, notamment, dans ces appréciations et peut, en principe, être établie par des moyens ou des arguments avancés par un requérant aux fins de contester le bien-fondé de la décision de ne pas soulever d’objections, même si l’examen de ces moyens ou de ces arguments n’aboutit pas à la conclusion que les appréciations portées sur le fond par la Commission sont erronées en fait ou en droit (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, EU:C:2009:223, points 63 et 66, ainsi que du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 147).

106    En l’espèce, il y a lieu de constater que le troisième moyen du recours en première instance de Ryanair était tiré, en substance, du caractère incomplet et insuffisant de l’examen effectué par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire et de l’appréciation différente de la compatibilité de la mesure en cause à laquelle la Commission serait parvenue si elle avait décidé d’ouvrir une procédure formelle d’examen. Or, il ressort également de ce recours que, à l’appui de ce moyen, la requérante a, pour l’essentiel, soit repris de manière condensée des arguments développés dans le cadre des premier et deuxième moyens dudit recours, relatifs au bien-fondé de la décision litigieuse, soit directement renvoyé à de tels arguments.

107    Dans ces conditions, le Tribunal a pu, à bon droit, considérer, au point 108 de l’arrêt attaqué, que le troisième moyen du recours en première instance était « dépourvu de contenu autonome » par rapport aux deux premiers moyens de celui-ci, en ce sens que, ayant examiné au fond ces derniers moyens, y compris les arguments tirés du caractère incomplet et insuffisant de l’examen mené par la Commission, il n’était pas tenu d’apprécier le bien-fondé du troisième moyen de ce recours de manière séparée, d’autant que, ainsi que le Tribunal l’a, également à bon droit, relevé à ce point 108, Ryanair n’avait, par ce dernier moyen, pas mis en évidence d’éléments spécifiques susceptibles de démontrer l’existence d’éventuelles difficultés sérieuses rencontrées par la Commission pour apprécier la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

108    Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 109 de l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le bien-fondé du troisième moyen du recours en première instance. Il n’est pas nécessaire, à cet égard, d’examiner, par ailleurs, si c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 107 de l’arrêt attaqué, que ce moyen présentait un caractère subsidiaire et qu’il se trouvait privé de sa finalité affichée.

109    Enfin, il y a lieu de constater que Ryanair n’a avancé aucun argument susceptible de démontrer que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve, au sens de la jurisprudence rappelée au point 35 du présent arrêt, dans le cadre de son examen du troisième moyen du recours en première instance.

110    Il ressort de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

111    Par son cinquième moyen, Ryanair fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit et une dénaturation manifeste des faits en ce qu’il a jugé à tort, aux points 110 à 126 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas violé l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

112    Selon la requérante, le Tribunal a admis que le contexte dans lequel a été adoptée la décision litigieuse, marqué par la survenance de la pandémie de COVID‑19 et les difficultés que cette pandémie a pu susciter pour la rédaction des décisions de la Commission, pouvait justifier que certains éléments cruciaux fassent défaut dans la motivation de cette décision, alors même que ces éléments auraient été nécessaires à la requérante afin qu’elle comprenne le raisonnement qui sous-tendait les conclusions de la Commission. L’interprétation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE à laquelle se serait livré le Tribunal serait contraire à la jurisprudence de la Cour et priverait l’obligation de motivation de tout effet utile.

113    La Commission, le Royaume d’Espagne, la République française et la République de Finlande soutiennent que le cinquième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

 Appréciation de la Cour

114    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 198 ainsi que jurisprudence citée).

115    Lorsqu’il s’agit, plus particulièrement, comme en l’espèce, d’une décision, prise en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une mesure d’aide, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser qu’une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur et que même une motivation succincte de cette décision doit être considérée comme suffisante au regard de l’exigence de motivation que prévoit l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, pour autant qu’elle fasse apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de telles difficultés, la question du bien-fondé de cette motivation étant étrangère à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 199 ainsi que jurisprudence citée).

116    C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la décision litigieuse était motivée à suffisance de droit.

117    À cet égard, d’une part, dans la mesure où Ryanair fait grief au Tribunal, en substance, d’avoir assoupli les exigences relatives à l’obligation de motivation au regard du contexte de la pandémie de COVID-19 dans lequel la décision litigieuse avait été adoptée, force est de constater que rien n’indique dans les motifs énoncés aux points 110 à 126 de l’arrêt attaqué que le Tribunal ait entendu justifier par cette circonstance un défaut de motivation de cette décision.

118    D’autre part, en ce que Ryanair fait état d’éléments spécifiques sur lesquels la Commission, en méconnaissance de l’obligation de motivation lui incombant, ne se serait pas prononcée ou qu’elle n’aurait pas appréciés dans la décision litigieuse, tels que la mise en balance des effets bénéfiques de la mesure en cause avec ses effets négatifs, la conformité de cette mesure aux principes d’égalité de traitement, de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement, les raisons précises pour lesquelles des compagnies aériennes opérant en Finlande autres que Finnair auraient été exclues du bénéfice de ladite mesure ainsi que les raisons pour lesquelles ces compagnies aériennes n’auraient pas été en mesure de remplacer Finnair, il ressort des points 114 à 116 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que ces éléments soit n’étaient pas pertinents aux fins de cette décision, soit qu’il était, à suffisance de droit, fait référence à ceux-ci dans ladite décision pour que le raisonnement de la Commission soit compris à cet égard.

119    Or, il n’apparaît pas que, par ces appréciations, le Tribunal aurait méconnu les exigences de motivation d’une décision de la Commission, prise en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de ne pas soulever d’objections, telles qu’elles découlent de la jurisprudence rappelée aux points 114 et 115 du présent arrêt, cette motivation permettant, en l’espèce, à Ryanair de connaître les justifications de cette décision et au juge de l’Union d’exercer son contrôle à son égard, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de l’arrêt attaqué.

120    En outre, dans la mesure où l’argumentation avancée dans le cadre du cinquième moyen vise en réalité à démontrer que la décision litigieuse a été adoptée sur le fondement d’une appréciation insuffisante ou juridiquement erronée de la Commission, cette argumentation, ayant trait au bien-fondé de cette décision plutôt qu’à l’exigence de motivation en tant que formalité substantielle, doit être écartée au regard de la jurisprudence rappelée au point 115 du présent arrêt.

121    Il ressort de ce qui précède que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant, aux points 110 à 126 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse était motivée à suffisance de droit.

122    Enfin, il y a lieu de constater que Ryanair n’a avancé aucun argument susceptible de démontrer que le Tribunal a dénaturé des éléments de fait, au sens de la jurisprudence rappelée au point 35 du présent arrêt, en examinant le quatrième moyen du recours en première instance.

123    Il ressort de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

124    Aucun des moyens invoqués par la requérante n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

125    Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

126    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens afférents au présent pourvoi.

127    Conformément à l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure, une partie intervenante en première instance qui participe à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour peut être condamnée aux dépens. La Cour peut décider qu’elle supporte ses propres dépens. Par conséquent, le Royaume d’Espagne, la République française et la République de Finlande, parties intervenantes en première instance, ayant participé à la procédure devant la Cour, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Ryanair DAC supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Royaume d’Espagne, la République française et la République de Finlande supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.