ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

28 avril 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Règlement (UE) no 1305/2013 – Soutien au développement rural par le Feader – Article 30 – Paiements au titre de Natura 2000 – Champ d’application – Demande d’aide au titre d’une microréserve créée dans une forêt ne faisant pas partie du réseau Natura 2000, dans le but de contribuer à assurer la protection d’une espèce d’oiseau sauvage – Règlement (UE) no 702/2014 – Exemption par catégorie de certaines aides aux secteurs agricole et forestier – Application aux aides cofinancées au moyen de ressources de l’Union européenne – Non-application aux entreprises en difficulté »

Dans l’affaire C‑251/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie), par décision du 21 avril 2021, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure

« Piltenes meži » SIA

contre

Lauku atbalsta dienests,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. J. Passer (rapporteur), président de chambre, MM. F. Biltgen et N. Wahl, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement letton, par Mmes K. Pommere et J. Davidoviča ainsi que par M. E. Bārdiņš, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. V. Bottka, C. Hermes et A. Sauka, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’article 30 du règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 487, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 1), et, d’autre part, du règlement (UE) no 702/2014 de la Commission, du 25 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 [FUE] (JO 2014, L 193, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « Piltenes meži » SIA au Lauku atbalsta dienests (service de soutien au monde rural, Lettonie) au sujet d’une décision par laquelle ce dernier a refusé de lui accorder une aide destinée à l’indemniser des coûts et de la perte de revenus induits par l’existence, dans une forêt lui appartenant, d’une microréserve créée dans le but de contribuer à assurer la protection d’une espèce d’oiseau sauvage.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 92/43/CEE

3

La directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), est entrée en vigueur le 10 juin 1992.

4

Cette directive énonce, à son article 3, paragraphes 1 et 3 :

« 1.   Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé “Natura 2000”, est constitué. Ce réseau, formé par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I et des habitats des espèces figurant à l’annexe II, doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle.

Le réseau Natura 2000 comprend également les zones de protection spéciale classées par les États membres en vertu des dispositions de la directive 79/409/CEE [du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 1979, L 103, p. 1)].

[...]

3.   Là où ils l’estiment nécessaire, les États membres s’efforcent d’améliorer la cohérence écologique de Natura 2000 par le maintien et, le cas échéant, le développement des éléments du paysage, mentionnés à l’article 10, qui revêtent une importance majeure pour la faune et la flore sauvages. »

5

L’article 10 de la directive 92/43 prévoit :

« Là où ils l’estiment nécessaire, dans le cadre de leurs politiques d’aménagement du territoire et de développement et notamment en vue d’améliorer la cohérence écologique du réseau Natura 2000, les États membres s’efforcent d’encourager la gestion d’éléments du paysage qui revêtent une importance majeure pour la faune et la flore sauvages.

Ces éléments sont ceux qui, de par leur structure linéaire et continue (tels que les rivières avec leurs berges ou les systèmes traditionnels de délimitation des champs) ou leur rôle de relais (tels que les étangs ou les petits bois), sont essentiels à la migration, à la distribution géographique et à l’échange génétique d’espèces sauvages. »

La directive 2009/147/CE

6

La directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7), qui a abrogé et remplacé la directive 79/409, est entrée en vigueur le 15 février 2010.

7

L’article 2 de la directive 2009/147 énonce que « [l]es États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux [auxquelles cette directive est applicable] à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles ».

8

L’article 3 de ladite directive prévoit :

« 1.   Compte tenu des exigences mentionnées à l’article 2, les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour préserver, maintenir ou rétablir une diversité et une superficie suffisantes d’habitats pour toutes les espèces d’oiseaux [en question].

2.   La préservation, le maintien et le rétablissement des biotopes et des habitats comportent en premier lieu les mesures suivantes :

a)

création de zones de protection ;

b)

entretien et aménagement conformes aux impératifs écologiques des habitats se trouvant à l’intérieur et à l’extérieur des zones de protection ;

[...] »

Le règlement no 1305/2013

9

Le règlement no 1305/2013 est applicable depuis le 1er janvier 2014.

10

Ses considérants 24 et 56 sont libellés comme suit :

« (24)

Il convient de continuer à accorder aux agriculteurs et aux gestionnaires de forêts un soutien afin qu’ils puissent faire face, dans les zones concernées, aux désavantages spécifiques dus à la mise en œuvre de la [directive 2009/147] et de la [directive 92/43] et en vue de contribuer à une gestion efficace des sites Natura 2000. Il convient de même d’accorder un soutien aux agriculteurs afin de leur permettre de faire face, dans les zones de bassins hydrographiques, aux désavantages liés à la mise en œuvre de la [directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO 2000, L 327, p. 1)]. [...]

[...]

(56)

Il y a lieu que les articles 107, 108 et 109 [FUE] s’appliquent au soutien en faveur des mesures de développement rural en vertu du présent règlement. Néanmoins, compte tenu des caractéristiques spécifiques du secteur agricole, ces dispositions du traité [FUE] ne devraient pas s’appliquer aux mesures de développement rural qui concernent des opérations relevant du champ d’application de l’article 42 [FUE], réalisées au titre du présent règlement et en conformité avec celui-ci, ni aux paiements effectués par les États membres en vue de fournir un financement national complémentaire pour les opérations de développement rural qui bénéficient d’un soutien de l’Union [européenne] et qui relèvent du champ d’application de l’article 42 [FUE]. »

11

Le titre I du règlement no 1305/2013, intitulé « Objectifs et stratégie », comprend notamment l’article 1er de celui-ci, intitulé « Objet », qui énonce, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement établit les règles générales régissant le soutien de l’Union en faveur du développement rural financé par le Fonds européen agricole pour le développement rural [(Feader)] [...]. Il fixe les objectifs auxquels la politique de développement rural doit contribuer et les priorités de l’Union pour le développement rural. Il définit le cadre stratégique dans lequel s’inscrit la politique de développement rural et définit les mesures à adopter afin de mettre en œuvre la politique de développement rural. En outre, il établit les règles en matière de programmation, de mise en réseau, de gestion, de suivi et d’évaluation sur la base d’un partage de responsabilités entre les États membres et la Commission [européenne], et les règles visant à garantir la coordination entre le Feader et les autres instruments de l’Union. »

12

Le titre II de ce règlement, intitulé « Programmation », contient notamment l’article 6 de celui-ci, intitulé « Programmes de développement rural », qui prévoit :

« 1.   Le Feader agit dans les États membres à travers les programmes de développement rural. Ces programmes mettent en œuvre une stratégie visant à répondre aux priorités de l’Union pour le développement rural grâce à un ensemble de mesures, définies au titre III. Un soutien auprès du Feader est demandé pour la réalisation des objectifs de développement rural poursuivis dans le cadre des priorités de l’Union.

2.   Un État membre peut présenter un programme unique couvrant tout son territoire ou une série de programmes régionaux. Autrement, dans des cas dûment justifiés, il peut présenter un programme national et une série de programmes régionaux. [...]

3.   Les États membres ayant opté pour des programmes régionaux peuvent aussi présenter pour approbation [...] un cadre national contenant les éléments communs de ces programmes sans procéder à une dotation budgétaire distincte.

Les cadres nationaux des États membres ayant opté pour des programmes régionaux peuvent aussi contenir un tableau résumant, par région et par année, la contribution totale du Feader en faveur de l’État membre concerné pour l’ensemble de la période de programmation. »

13

Le titre III dudit règlement, intitulé « Soutien au développement rural », énumère, à son chapitre I, un ensemble de mesures parmi lesquelles figure notamment celle prévue à l’article 30 du même règlement, intitulé « Paiements au titre de Natura 2000 et de la [directive 2000/60] », dont les paragraphes 1, 2 et 6 sont rédigés comme suit :

« 1.   L’aide au titre de la présente mesure est accordée annuellement par hectare de surface agricole ou par hectare de forêt, afin d’indemniser les bénéficiaires, dans les zones concernées, pour les coûts supplémentaires et la perte de revenus subis en raison des désavantages résultant de la mise en œuvre de la directive [92/43], de la directive [2009/147] et de la [directive 2000/60].

[...]

2.   L’aide est accordée aux agriculteurs et aux gestionnaires forestiers privés ainsi qu’aux associations de gestionnaires forestiers privés. Dans des cas dûment justifiés, elle peut également être accordée à d’autres gestionnaires de terres.

[...]

6.   Les zones suivantes sont éligibles à des paiements :

a)

les zones agricoles et forestières Natura 2000 désignées en vertu des directives [92/43] et [2009/147] ;

b)

les autres zones naturelles protégées qui sont assorties de restrictions environnementales touchant l’activité agricole ou forestière et qui contribuent à l’application des dispositions de l’article 10 de la directive [92/43], pour autant que, par programme de développement rural, ces zones n’excèdent pas 5 % des zones Natura 2000 désignées couvertes par son champ d’application territorial ;

[...] »

14

Le titre VIII du règlement no 1305/2013, intitulé « Dispositions relatives à la concurrence », contient notamment les articles 81 et 82 de celui-ci.

15

Aux termes de l’article 81 de ce règlement, intitulé « Aides d’État » :

« 1.   Sauf dispositions contraires du présent titre, les articles 107 à 109 [FUE] s’appliquent au soutien en faveur du développement rural accordé par les États membres.

2.   Les articles 107 à 109 [FUE] ne s’appliquent pas aux paiements effectués par les États membres, en application du présent règlement et en conformité avec ses dispositions, ni au financement national complémentaire visé à l’article 82, dans le cadre du champ d’application de l’article 42 [FUE]. »

16

L’article 82 dudit règlement, intitulé « Financement national complémentaire », énonce :

« Les paiements effectués par les États membres, en ce qui concerne des opérations relevant du champ d’application de l’article 42 [FUE], et destinés à fournir un financement supplémentaire pour le développement rural bénéficiant d’un soutien de l’Union à tout moment pendant la période de programmation, sont inclus par les États membres dans le programme de développement rural [...] et, lorsqu’ils respectent les critères établis dans le cadre du présent règlement, sont approuvés par la Commission. »

Le règlement no 702/2014

17

Le règlement no 702/2014 est entré en vigueur le 1er juillet 2014.

18

Les considérants 16 et 60 de ce règlement sont libellés comme suit :

« (16)

Il convient d’exclure du champ d’application du présent règlement les aides accordées aux entreprises en difficulté, étant donné que ces aides sont à apprécier à la lumière des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté [...], afin d’éviter que ces dernières ne soient contournées, [...]

[...]

(60)

Le secteur forestier fait partie intégrante du développement rural. La Commission a appliqué, dans de nombreuses décisions, les articles 107 et 108 [FUE] aux entreprises qui exercent des activités dans le secteur forestier, en particulier dans le contexte de la mise en œuvre des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État dans le secteur agricole et forestier 2007-2013. [...] Compte tenu de la grande expérience acquise par la Commission dans l’application de ces lignes directrices aux entreprises actives dans le secteur forestier, il est opportun, afin d’assurer à la fois des procédures simplifiées, un contrôle efficace et le suivi de la Commission, de permettre à celle-ci d’exercer les pouvoirs que lui confère le règlement (CE) no 994/98 [du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles 107 et 108 TFUE à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO 1998, L 142, p. 1),] en matière d’aides en faveur du secteur forestier. Selon l’expérience de la Commission, les aides accordées dans le secteur forestier en faveur des mesures qui font partie des programmes de développement rural et qui sont soit cofinancées par le Feader soit accordées comme un financement national complémentaire en faveur de telles mesures cofinancées n’entraînent pas de distorsion notable de la concurrence sur le marché intérieur. [...] Il convient de définir, dans le présent règlement, des conditions précises pour la compatibilité de ces mesures avec le marché intérieur. Il convient que ces conditions soient, dans la mesure du possible, compatibles avec les règles énoncées au règlement [no 1305/2013] ainsi que dans les actes délégués et les actes d’exécution adoptés en vertu dudit règlement. »

19

L’article 1er du règlement no 702/2014, qui fait partie du chapitre I de celui-ci, énonce :

1.   Le présent règlement s’applique aux catégories d’aides suivantes :

[...]

e)

les aides en faveur de la foresterie.

[...]

3.   Le présent règlement ne s’applique pas aux aides suivantes :

a)

les aides en faveur du secteur forestier qui ne sont pas cofinancées par le Feader ou qui sont octroyées en tant que financement national complémentaire en faveur de telles mesures cofinancées, [...]

[...]

6.   Le présent règlement ne s’applique pas aux aides aux entreprises en difficulté, à l’exception :

a)

des aides destinées à remédier aux dommages causés par des calamités naturelles [...], les aides visant à couvrir les coûts d’éradication des maladies animales [...], et les aides pour l’élimination et la destruction des animaux trouvés morts [...]

b)

des aides relatives aux événements ci-après à condition que l’entreprise soit désormais considérée comme une entreprise en difficulté en raison des pertes ou des dommages causés par l’événement considéré :

i)

destinées à compenser les pertes causées par un phénomène climatique défavorable pouvant être assimilé à une calamité naturelle [...]

ii)

en faveur des coûts afférents à l’éradication des organismes nuisibles aux végétaux et destinées à compenser les dommages causés par des maladies animales et des organismes nuisibles aux végétaux, [...]

iii)

destinées à la réparation des dommages causés aux forêts par des incendies, des calamités naturelles, des phénomènes climatiques défavorables pouvant être assimilés à une calamité naturelle, d’autres phénomènes climatiques défavorables, des organismes nuisibles aux végétaux, des événements catastrophiques et des événements liés au changement climatique [...] »

20

L’article 2, point 14, de ce règlement, qui fait également partie du chapitre I de celui-ci, définit comme suit l’expression « entreprise en difficulté » :

« “entreprise en difficulté” : une entreprise remplissant au moins une des conditions suivantes :

a)

s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée (autre qu’une [petite ou moyenne entreprise (PME)] établie depuis moins de trois ans), lorsque plus de la moitié de ses fonds propres a disparu à la suite des pertes accumulées. Tel est le cas lorsque la déduction des pertes accumulées des réserves (et de tous les autres éléments généralement considérés comme relevant des fonds propres de la société) conduit à un montant cumulé négatif qui excède la moitié du capital social souscrit. [...]

[...] »

Le droit letton

La loi relative à la conservation des espèces et des habitats

21

Le Sugu un biotopu aizsardzības likums (loi relative à la conservation des espèces et des habitats), du 16 mars 2000 (Latvijas Vēstnesis, 2000, no 121/122), contient un article 10, intitulé « Droit des propriétaires ou des utilisateurs des terres à une indemnité », dont le paragraphe 2 énonce que « [l]es propriétaires fonciers peuvent prétendre à l’indemnisation prévue par la législation pour les limitations imposées aux activités économiques dans les microréserves ».

La loi sur le développement agricole et rural

22

Le Lauksaimniecības un lauku attīstības likums (loi sur le développement agricole et rural), du 7 avril 2004 (Latvijas Vēstnesis, 2004, no 64), comprend un article 5 dont les paragraphes 4, 7 et 8 sont rédigés comme suit :

« 4.   Les modalités d’octroi des aides de l’État et de [l’Union] à l’agriculture et les modalités d’octroi des aides de l’État et de [l’Union] au développement rural et de la pêche sont déterminées par le Conseil des ministres. [...]

[...]

7.   Le Conseil des ministres arrête les modalités de gestion et de contrôle des aides de l’État et de [l’Union] à l’agriculture ainsi que des aides de l’État et de [l’Union] au développement rural et de la pêche.

8.   Le Conseil des ministres détermine les modalités de gestion du Fonds européen agricole de garantie, du [Feader] et du Fonds européen pour la pêche, ainsi que les compétences et les devoirs des autorités qui interviennent dans la gestion de ces fonds. »

La loi relative à l’indemnisation pour les limitations imposées aux activités économiques dans les zones protégées

23

Le Likums « Par kompensāciju par saimnieciskās darbības ierobežojumiem aizsargājamās teritorijās » (loi relative à l’indemnisation pour les limitations imposées aux activités économiques dans les zones protégées), du 4 avril 2013 (Latvijas Vēstnesis, 2013, no 74), énonce, à son article 2, paragraphe 3, que « [l]e versement d’une aide annuelle pour les limitations imposées aux activités économiques dans les microréserves peut être accordé conformément aux procédures prévues par les règles relatives à l’octroi d’aides au développement agricole financées par les fonds de [l’Union] correspondants. »

24

Cette loi prévoit aussi, à son article 4, paragraphe 2, que « [l]es indemnités versées au moyen des fonds de [l’Union] sont gérées conformément aux règles relatives à l’octroi d’aides de [l’Union]. »

Le décret no 171/2015

25

Le Ministru kabineta noteikumi Nr. 171 « par valsts un Eiropas Savienības atbalsta piešķiršanu, administrēšanu un uzraudzību vides, klimata un lauku ainavas uzlabošanai 2014.–2020. gada plānošanas periodā » (décret no 171 du Conseil des ministres relatif à l’octroi, à la gestion et au contrôle des aides de l’État et de l’Union européenne destinées à l’amélioration de l’environnement, du climat et du paysage rural au cours de la période de programmation 2014-2020), du 7 avril 2015 (Latvijas Vēstnesis, 2015, no 76, ci-après le « décret no 171/2015 »), qui a été adopté sur la base de l’article 5, paragraphes 4 et 7, de la loi sur le développement agricole et rural, prévoit, à son point 1 :

« Le présent décret établit les modalités de l’octroi, de la gestion et du contrôle des aides de l’État et de [l’Union] pour le développement rural, notamment à l’appui des mesures d’amélioration de l’environnement et de l’espace naturel qui sont mises en œuvre conformément :

1.1.

[a]u règlement [no 1305/2013] ;

[...]

1.8.

[a]u règlement [no 702/2014].

[...] »

26

Le point 2 du décret no 171/2015 énonce :

« Le soutien au développement rural visant à l’amélioration de l’environnement, du climat et du paysage rural est accordé pour les mesures suivantes [...] :

[...]

2.3. “Paiements au titre de Natura 2000 et de la directive [2000/60]” pour l’activité “Paiement d’une indemnité pour les zones forestières Natura 2000” [...]

[...]

2.6. “Octroi d’une aide dans le cadre de l’activité ‘Paiement d’une indemnité pour les zones forestières Natura 2000’”.

[...] »

27

Aux termes du point 56 du décret no 171/2015 :

« La surface éligible est une zone forestière (à l’exclusion des tourbières) :

56.1. figurant sur la liste des zones [Natura 2000] conformément à l’article 30, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1305/2013 [...]

56.2. située dans une microréserve conformément à l’article 30, paragraphe 6, sous b), du règlement no 1305/2013, à l’extérieur du réseau Natura 2000 ou, si le régime de protection Natura 2000 n’assure pas la conservation d’une espèce ou d’un biotope, dans une zone Natura 2000, et la microréserve est déterminée conformément à la législation concernant les modalités de création et de gestion des microréserves, leur conservation et la détermination des microréserves et de leurs zones tampons.

[...] »

28

Le point 61 de ce décret prévoit :

« Pour bénéficier d’une aide, le demandeur doit remplir les conditions suivantes :

[...]

61.6. conformément à l’article 2, point (14), du règlement no 702/2014, la situation au 15 juin de l’année en cours n’a permis de constater aucune des caractéristiques d’une entreprise en difficulté prévues par la législation établissant les modalités de gestion du Fonds européen agricole de garantie, du [Feader] et du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, ainsi que des aides accordées par l’État et [l’Union] en faveur de l’agriculture et du développement rural et de la pêche au cours de la période de programmation 2014‑2020. »

Le décret no 599, du 30 septembre 2014

29

Le Ministru kabineta noteikumi Nr. 599 « par Eiropas Lauksaimniecības garantiju fonda, Eiropas Lauksaimniecības fonda lauku attīstībai, Eiropas Jūrlietu un zivsaimniecība fonda, kā arī par valsts un Eiropas Savienības atbalsta lauksaimniecībai un lauku un zivsaimniecības attīstībai finansējuma administrēšanu 2014.–2020. gada plānošanas periodā » (décret no 599 du Conseil des ministres relatif à la gestion du Fonds européen agricole de garantie, du Fonds européen agricole pour le développement rural, du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et à la gestion des aides accordées par l’État et l’Union européenne en faveur de l’agriculture et du développement rural et de la pêche au cours de la période de programmation 2014‑2020), du 30 septembre 2014 (Latvijas Vēstnesis, 2014, no 200), qui a été adopté sur la base de l’article 5, paragraphes 7 à 9, de la loi sur le développement agricole et rural, énonce, à son point 53 :

« Conformément à l’article 2, point 14, du règlement no 702/2014, le service de soutien au monde rural n’accorde aucune aide si, lors de la demande d’aide pour des mesures impliquant l’examen de la question de savoir si le demandeur correspond au statut d’entreprise en difficulté, le demandeur d’aide présente au moins une des caractéristiques suivantes :

53.1. plus de la moitié des fonds propres d’une société à responsabilité limitée (autre qu’une petite ou moyenne entreprise établie depuis moins de trois ans) a disparu à la suite des pertes accumulées, lorsque la déduction des pertes accumulées des réserves et de tous les autres éléments généralement considérés comme relevant des fonds propres de la société conduit à un montant cumulé négatif qui excède la moitié du capital social souscrit, en ce compris les primes d’émission [...]

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

30

Piltenes meži est propriétaire d’une forêt d’une superficie d’environ 500 hectares, dans laquelle se trouve une zone ayant le statut de microréserve, au sens de la réglementation lettone qui a transposé la directive 2009/147. Cette microréserve a été créée par l’autorité lettone compétente dans le but de contribuer à assurer la protection du grand tétras (Tetrao urogallus), qui est une espèce d’oiseau sauvage.

31

À une date non précisée, Piltenes meži a introduit une demande d’aide pour l’année 2015 auprès du service de soutien au monde rural, par laquelle elle a sollicité l’octroi d’un paiement destiné à l’indemniser pour les coûts et la perte de revenus induits par l’existence de ladite microréserve.

32

Par une décision du 1er juin 2016, confirmée par une décision du 25 juillet de la même année, le service de soutien au monde rural a rejeté cette demande d’aide, au motif que la réglementation lettone applicable excluait qu’un tel paiement puisse être accordé à une entreprise en difficulté et que, en l’occurrence, Piltenes meži devait être qualifiée comme telle, dans la mesure où l’examen de son rapport annuel pour l’année 2014 faisait apparaître que ses pertes représentaient plus de 50 % de son capital social.

33

Par un jugement du 24 mars 2017, l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district, Lettonie) a fait droit au recours formé par Piltenes meži contre ces deux décisions.

34

Par un arrêt du 30 novembre 2017, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie), saisie en appel, a rejeté la demande d’aide présentée par Piltenes meži en se fondant, en substance, sur le raisonnement suivant. Tout d’abord, elle a constaté que le paiement sollicité avait vocation à être financé au moyen non pas du budget de l’État ou d’une collectivité territoriale, mais de ressources issues d’un fonds de l’Union, à savoir le Feader. Ensuite, elle a relevé que, conformément à la réglementation de l’Union relative au Feader et à la réglementation lettone mettant celle-ci en œuvre, ces fonds doivent être gérés et alloués aux entreprises dans le respect des règles de l’Union relatives au contrôle des aides d’État. Enfin, elle a observé que ces règles prévoient que l’octroi d’une aide telle que celle demandée en l’occurrence est exclu dans le cas où la personne demanderesse est une entreprise en difficulté.

35

Piltenes meži a formé un pourvoi contre cet arrêt, dans le cadre duquel elle a contesté, notamment, les appréciations selon lesquelles, d’une part, le paiement dont elle avait sollicité l’octroi devait être considéré comme une aide d’État et, d’autre part, une telle aide d’État ne pouvait pas être accordée à une entreprise en difficulté.

36

Dans sa décision de renvoi, l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie) s’interroge, en substance, sur la portée et l’articulation des dispositions du droit de l’Union dont les différentes réglementations lettones applicables au litige dont elle est saisie visent à assurer la mise en œuvre, en relevant que les deux juridictions qui ont eu à connaître de ce litige en première instance et en appel ont adopté des positions différentes sur ce point.

37

Elle se demande plus particulièrement, en premier lieu, si des aides destinées à indemniser ou à compenser les coûts et la perte de revenus induits par l’existence, dans des zones forestières ne faisant pas partie du réseau Natura 2000, de microréserves créées dans le but de contribuer à assurer la protection d’espèces d’oiseaux sauvages visées par la directive 2009/147 peuvent être considérées comme des aides relevant de l’article 30 du règlement no 1305/2013.

38

Elle précise notamment que ces aides pourraient être considérées comme constituant l’indemnisation ou la compensation d’une limitation apportée au droit de propriété et au droit d’exercer une activité économique des personnes concernées, dans le but d’assurer le respect de la réglementation environnementale, plutôt que comme des aides de l’Union ou comme des aides d’État. La Latvijas Republikas Satversmes tiesa (Cour constitutionnelle, Lettonie) se serait d’ailleurs prononcée en ce sens dans un arrêt du 19 mars 2014.

39

Pour autant que de telles aides, qui ont vocation à être financées au moyen non pas du budget de l’État, mais de ressources issues d’un fonds de l’Union, relèvent de l’article 30 du règlement no 1305/2013, la juridiction de renvoi se demande, en second lieu, si leur octroi peut être subordonné à la condition que les personnes qui demandent à en bénéficier ne soient pas des entreprises en difficulté, ainsi que la Commission l’a exigé aux articles 1er et 2 du règlement no 702/2014.

40

Elle estime à cet égard que, même s’il est légitime que la Commission ait cherché à préserver les ressources de l’Union et à assurer leur utilisation optimale en imposant une telle condition, le règlement no 702/2014 n’en est pas moins entaché d’un vice essentiel en ce que cette institution n’a pas effectué une mise en balance ou, à tout le moins, n’a pas assuré un juste équilibre entre les objectifs ainsi poursuivis par la Commission, d’une part, et le droit de propriété garanti à l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que les principes généraux d’égalité de traitement et de proportionnalité, d’autre part. En effet, à la différence de toutes les autres personnes auxquelles est imposée une sujétion juridique et économique à visée environnementale, les entreprises en difficulté seraient injustement privées, pour des raisons tenant à leur situation économique et financière, du bénéfice de l’indemnisation ou de la compensation à laquelle elles peuvent prétendre.

41

C’est dans ces conditions que l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Les paiements pour les microréserves créées dans les zones forestières pour réaliser les objectifs de la directive [2009/147] relèvent-ils du champ d’application de l’article 30, paragraphe 6, du [règlement no 1305/2013] ?

2)

L’octroi d’une indemnité due pour les microréserves créées pour réaliser les objectifs de la directive [2009/147] est-il soumis aux restrictions relatives aux paiements aux entreprises en difficulté prévues par le [règlement no 702/2014] ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

42

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 30 du règlement no 1305/2013 doit être interprété, compte tenu notamment de son paragraphe 6, en ce sens qu’une aide demandée au titre d’une microréserve créée dans une forêt en vue de réaliser les objectifs de la directive 2009/147 relève du champ d’application de cet article 30.

43

À cet égard, l’article 30, paragraphe 1, du règlement no 1305/2013 prévoit qu’une aide peut être accordée annuellement par hectare de surface agricole ou par hectare de forêt, afin d’indemniser les bénéficiaires, dans les zones concernées, pour les coûts supplémentaires et la perte de revenus subis en raison des désavantages résultant de la mise en œuvre des directives 92/43, 2000/60 et 2009/147.

44

En outre, le paragraphe 6 de cet article 30 énonce, respectivement sous ses points a) et b), que les zones qui sont éligibles à des paiements au titre d’une telle aide incluent, d’une part, les zones agricoles et forestières Natura 2000 désignées en vertu des directives 92/43 et 2009/147 ainsi que, d’autre part, les autres zones naturelles protégées qui sont assorties de restrictions environnementales touchant l’activité agricole ou forestière et qui contribuent à l’application des dispositions de l’article 10 de la première de ces deux directives.

45

En l’occurrence, il ressort de la première question posée par la juridiction de renvoi ainsi que des énonciations de la décision de renvoi résumées aux points 30, 31 et 37 du présent arrêt que la zone concernée par la demande d’aide en cause au principal est une microréserve qui a été créée dans le but de contribuer à assurer la protection d’une espèce d’oiseau sauvage, mais dans une forêt ne faisant pas partie du réseau Natura 2000.

46

À l’évidence, une telle zone n’est pas éligible, en vertu de l’article 30, paragraphe 6, sous a), du règlement no 1305/2013, à un paiement au titre de l’aide prévue à cet article 30. En effet, ledit article 30, paragraphe 6, sous a), prévoit une telle éligibilité s’agissant des seules zones agricoles et forestières, au sens de ce règlement ou, le cas échéant, de la réglementation nationale adoptée conformément à celui-ci, qui sont situées dans des zones Natura 2000 désignées en vertu des directives 92/43 et 2009/147 (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2022, Sātiņi-S, C‑234/20, EU:C:2022:56, points 27, 33, 35 et 37).

47

Il s’ensuit qu’une zone ne faisant pas partie du réseau Natura 2000, telle que la zone en cause au principal, ne pourrait, en toute hypothèse, être éligible à un tel paiement qu’en vertu de l’article 30, paragraphe 6, sous b), du règlement no 1305/2013.

48

Cependant, le libellé de cette disposition ne permet pas, en lui-même, de déterminer si et, le cas échéant, sous quelles conditions il peut en être ainsi.

49

Il convient donc, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, d’interpréter ladite disposition en tenant compte, en complément de ses termes, du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41, ainsi que du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, EU:C:2021:48, point 81).

50

À cet égard, il y a lieu de rappeler, premièrement, que les zones qui sont éligibles, en vertu de l’article 30, paragraphe 6, sous b), du règlement no 1305/2013, à un paiement au titre de l’aide prévue à cet article 30 sont les zones naturelles protégées, autres que celles faisant partie du réseau Natura 2000, qui sont assorties de restrictions environnementales touchant l’activité agricole ou forestière et qui contribuent à l’application des dispositions de l’article 10 de la directive 92/43.

51

Il en découle que l’éligibilité de ces zones à un tel paiement est soumise, d’une part, à la condition que la zone concernée soit une zone naturelle protégée qui est assortie de restrictions environnementales touchant l’activité agricole ou forestière.

52

En l’occurrence, il ressort des énonciations de la décision de renvoi visées au point 45 du présent arrêt que, sans préjudice des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, la zone en cause au principal remplit cette condition en ce qu’elle constitue une zone naturelle qui est assortie de restrictions environnementales touchant l’activité forestière. Plus précisément, ces énonciations font apparaître que cette zone est une microréserve qui a été créée par l’autorité nationale compétente dans une forêt ne faisant pas partie du réseau Natura 2000, dans le but de contribuer à assurer la protection d’une espèce d’oiseau sauvage, et dont l’existence induit des coûts ainsi qu’une perte de revenus pour la personne qui est propriétaire de cette forêt.

53

D’autre part, il découle de l’article 30, paragraphe 6, sous b), du règlement no 1305/2013 que la zone au titre de laquelle une aide est demandée et les restrictions environnementales dont cette zone est assortie doivent contribuer à l’application des dispositions de l’article 10 de la directive 92/43.

54

En l’occurrence, c’est, entre autres éléments, sur la portée de cette condition que s’interroge la juridiction de renvoi, ainsi que cela résulte des termes dans lesquels est formulée la première question posée par celle-ci et des énonciations de la décision de renvoi résumées au point 37 du présent arrêt.

55

Deuxièmement, l’article 10 de la directive 92/43, auquel renvoie l’article 30, paragraphe 6, sous b), du règlement no 1305/2013, prévoit, à son premier alinéa, que, en vue, notamment, d’améliorer la cohérence écologique du réseau Natura 2000, les États membres s’efforcent d’encourager la gestion d’éléments du paysage qui revêtent une importance majeure pour la faune et la flore sauvages. Il précise également, à son second alinéa, que ces éléments sont ceux qui, de par leur structure linéaire et continue ou leur rôle de relais, sont essentiels à la migration, à la distribution géographique et à l’échange génétique d’espèces sauvages.

56

Cet article 10 habilite ainsi les États membres à adopter des mesures destinées à améliorer la cohérence écologique du réseau Natura 2000, comme l’énonce également l’article 3, paragraphe 3, de la directive 92/43.

57

Or, il résulte de cet article 3, paragraphe 1, que ce réseau a vocation à inclure non seulement des « zones spéciales de conservation » des habitats naturels et des habitats d’espèces animales ou végétales énumérés respectivement à l’annexe I et à l’annexe II de cette directive, mais également des « zones de protection spéciale » classées par les États membres en vue de contribuer à la conservation d’espèces d’oiseaux sauvages en vertu de la directive 79/409, désormais remplacée par la directive 2009/147.

58

Il s’ensuit que les mesures que les États membres sont habilités à adopter en vertu de l’article 10 de la directive 92/43, dans le but d’améliorer la cohérence écologique du réseau Natura 2000, peuvent porter aussi bien sur les habitats relevant de la directive 92/43 que sur des espèces d’oiseaux sauvages relevant de la directive 2009/147, étant observé que, dans cette dernière hypothèse, ces mesures ont vocation à compléter les mesures visées aux articles 2 et 3 de la directive 2009/147.

59

En l’occurrence, il ressort des énonciations de la décision de renvoi mentionnées aux points 45 et 52 du présent arrêt que, sans préjudice des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, tel est le but de la microréserve en cause au principal et des restrictions environnementales touchant l’activité forestière dont cette microréserve est assortie, en ce que la création de cette dernière et la mise en place de ces restrictions sont destinées à contribuer à assurer la protection du grand tétras (Tetrao urogallus), qui est une espèce d’oiseau sauvage relevant de la directive 2009/147.

60

Troisièmement, l’article 30, paragraphe 1, du règlement no 1305/2013 précise, ainsi qu’il a été rappelé au point 43 du présent arrêt, que l’aide à laquelle se réfère cette disposition vise à indemniser son bénéficiaire, dans la zone concernée, pour les coûts supplémentaires et la perte de revenus subis en raison des désavantages résultant de la mise en œuvre des directives 92/43, 2000/60 et 2009/147.

61

Il découle clairement de ladite disposition que cette aide peut être accordée, notamment, dans le cas où une zone éligible à un paiement au titre de l’article 30, paragraphe 6, du règlement no 1305/2013 subit des désavantages résultant de la mise en œuvre de la directive 2009/147, comme l’ont exposé tant le gouvernement letton que la Commission dans leurs observations écrites.

62

Ladite aide peut donc être accordée à une telle zone aussi bien dans le cas où celle-ci subit des désavantages résultant d’une mesure nationale de protection d’une espèce d’oiseau sauvage qui a été adoptée en vertu de la directive 2009/147 que dans celui où cette mesure a été adoptée en vertu de l’article 10 de la directive 92/43, comme cela a été relevé au point 58 du présent arrêt.

63

Quatrièmement, l’objectif général de soutien stratégique au développement rural poursuivi par le règlement no 1305/2013, tel qu’énoncé à l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement, est notamment concrétisé, ainsi qu’il résulte de l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement et du titre III de celui-ci, auquel cette dernière disposition renvoie, par la possibilité, donnée aux États membres, d’adopter un ensemble de mesures visant à répondre aux priorités de l’Union pour le développement rural.

64

Parmi ces mesures figure l’aide prévue à l’article 30 du règlement no 1305/2013, dont l’objectif spécifique est, comme l’indique le considérant 24 de ce règlement, d’accorder aux agriculteurs et aux gestionnaires de forêts un soutien leur permettant de faire face, dans les zones concernées, aux désavantages spécifiques dus à la mise en œuvre des directives de l’Union assurant la protection des habitats naturels, des habitats d’espèces animales et végétales, de ces espèces elles-mêmes ainsi que des eaux.

65

Cet objectif, qui est libellé dans des termes n’excluant a priori aucun type de désavantage résultant de la mise en œuvre d’une de ces directives, fait ressortir clairement que l’aide prévue audit article 30 peut être accordée, notamment, dans le cas où de tels désavantages résultent de la mise en place, dans la zone au titre de laquelle cette aide est demandée, de restrictions environnementales touchant l’activité agricole ou forestière et destinées à contribuer à assurer la protection d’une espèce d’oiseau sauvage relevant de la directive 2009/147, indépendamment du point de savoir si ces restrictions trouvent leur origine dans une mesure nationale adoptée en vertu de cette directive elle-même ou de l’article 10 de la directive 92/43.

66

Dès lors, ledit objectif corrobore l’interprétation de l’article 30, paragraphe 6, du règlement no 1305/2013 qui se dégage des différents éléments d’ordre textuel et contextuel analysés aux points 50 à 62 du présent arrêt.

67

Dans la mesure où la juridiction s’est par ailleurs interrogée, comme cela découle des énonciations résumées au point 38 du présent arrêt, sur les conséquences juridiques qu’il pourrait y avoir lieu de tirer du caractère indemnitaire ou compensatoire d’une aide telle que celle en cause au principal, au regard des dispositions du droit primaire ou dérivé de l’Union relatives à l’octroi d’aides publiques, il convient de rappeler, d’une part, que l’article 30 du règlement no 1305/2013 a pour objet, comme indiqué aux points 43 et 60 de cet arrêt, de permettre l’octroi d’aides destinées à indemniser les agriculteurs et les gestionnaires de forêts pour les coûts et la perte de revenus qu’ils subissent en raison des désavantages résultant de la mise en œuvre des directives 92/43, 2000/60 et 2009/147. Le caractère indemnitaire ou compensatoire de ces aides résulte donc de la finalité même de celles-ci, telle que voulue par le législateur de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 30 mars 2017, Lingurár, C‑315/16, EU:C:2017:244, points 26 et 28, ainsi que du 27 janvier 2022, Sātiņi-S, C‑234/20, EU:C:2022:56, point 43), et n’est, dès lors, pas susceptible de mettre en cause leur qualification d’aides pouvant être accordées en vertu de la réglementation de l’Union relative au Feader.

68

D’autre part, il découle de la jurisprudence de la Cour que ce caractère indemnitaire ou compensatoire n’exclut nullement que de telles aides puissent par ailleurs être qualifiées, dans la mesure où elles sont financées au moyen de ressources d’État, d’« aides d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, pour autant que les autres conditions d’application de cette disposition soient réunies (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2022, Sātiņi-S, C‑238/20, EU:C:2022:57, points 40 et 52).

69

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 30 du règlement no 1305/2013 doit être interprété, compte tenu notamment de son paragraphe 6, en ce sens qu’une aide demandée au titre d’une microréserve créée dans une forêt en vue de réaliser les objectifs de la directive 2009/147 relève du champ d’application de cet article 30.

Sur la seconde question

70

Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 702/2014 doit être interprété en ce sens qu’il est exclu de déclarer compatible avec le marché intérieur une aide demandée sur le fondement du règlement no 1305/2013, au titre d’une microréserve créée dans une forêt en vue de réaliser les objectifs de la directive 2009/147, par une entreprise en difficulté.

71

À cet égard, il doit être rappelé, à titre liminaire, que l’aide au sujet de laquelle la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation du règlement no 702/2014 est une aide qui a été demandée au titre de l’article 30 du règlement no 1305/2013. Il s’agit donc d’une aide qui est prévue par une réglementation de l’Union, à savoir celle relative au Feader.

72

Cependant, cette aide a vocation à être accordée aux personnes qui demandent à en bénéficier non pas par l’Union directement, mais par l’intermédiaire des États membres et en application des programmes de développement ruraux présentés par ceux-ci et approuvés par la Commission, ainsi qu’il découle de l’article 6, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1305/2013 et que la Cour l’a déjà relevé tant en ce qui concerne ce règlement que s’agissant du règlement que celui-ci a abrogé et remplacé [voir, en ce sens, arrêts du 30 mars 2017, Lingurár, C‑315/16, EU:C:2017:244, point 21, et du 6 octobre 2021, Lauku atbalsta dienests (Aides au démarrage d’entreprises agricoles), C‑119/20, EU:C:2021:817, points 54 à 56].

73

Ce mécanisme constitue lui-même le reflet du partage de responsabilités entre les États membres et la Commission, qui, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1305/2013, structure le soutien de l’Union en faveur du développement rural financé par le Feader [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Lauku atbalsta dienests (Aides au démarrage d’entreprises agricoles), C‑119/20, EU:C:2021:817, point 57], étant précisé que ce soutien peut prendre la forme non seulement d’un financement issu du budget de l’Union, mais également d’un financement supplémentaire ayant pour origine des ressources d’État.

74

Ainsi qu’il résulte du point 68 du présent arrêt, ce financement supplémentaire est susceptible d’être qualifié, eu égard à l’origine étatique des ressources qui y sont affectées, d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, pour autant que les autres conditions d’application de cette disposition soient réunies. Une telle qualification entraîne elle-même l’application de l’ensemble des dispositions pertinentes du droit de l’Union relatives aux aides d’État, à moins que, dans un cas donné, ledit financement concerne des opérations relevant du champ d’application de l’article 42 TFUE, auquel cas il est soustrait à ces dispositions, conformément à l’article 81, paragraphe 2, du règlement no 1305/2013.

75

Quant au financement issu du budget de l’Union, il convient de relever qu’il découle de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 1305/2013 et du considérant 56 de ce règlement, à la lumière duquel cette disposition doit être lue, que le législateur de l’Union a entendu également le soumettre à l’application des articles 107 à 109 TFUE, sauf s’il concerne des opérations relevant du champ d’application de l’article 42 TFUE, ainsi qu’énoncé à l’article 81, paragraphe 2, dudit règlement.

76

Ce choix législatif, qui vise, ainsi qu’il découle de l’article 1er, paragraphe 1, du même règlement, à garantir la coordination entre le Feader et les autres instruments de l’Union, a pour conséquence de soumettre, dans leur intégralité, les aides en faveur du développement rural cofinancées au moyen de ressources d’État et de ressources issues du budget de l’Union à l’ensemble des dispositions pertinentes du droit de l’Union relatives aux aides d’État.

77

Parmi ces dispositions figurent notamment celles du règlement no 702/2014, dont la juridiction de renvoi sollicite l’interprétation en vue de savoir, en substance, si une aide qui a été demandée par une entreprise en difficulté sur la base de l’article 30 du règlement no 1305/2013, au titre d’une microréserve créée dans une forêt en vue de réaliser les objectifs de la directive 2009/147, relève du régime d’exemption établi par ce règlement.

78

À cet égard, il importe de constater, en premier lieu, que le règlement no 702/2014 a pour objet, ainsi qu’il résulte de son intitulé même, de déclarer compatibles avec le marché intérieur certaines catégories d’aides individuelles accordées dans le secteur agricole, dans le secteur forestier et dans les zones rurales, ainsi que, par voie de conséquence, de les exempter de l’obligation générale de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, pour autant que ces aides individuelles respectent l’ensemble des conditions énoncées par ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2021, Azienda Sanitaria Provinciale di Catania, C‑128/19, EU:C:2021:401, point 47).

79

Un règlement d’exemption de cette nature n’exclut pas qu’une aide individuelle donnée, qui relève d’une des catégories qu’il énumère sans pour autant remplir les conditions permettant de la déclarer compatible avec le marché intérieur sur le fondement de ce règlement d’exemption, puisse néanmoins être déclarée compatible avec le marché intérieur au terme d’un examen spécifique, pour autant que cette aide ait fait l’objet d’une notification préalable à la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, points 57, 59, 86 et 87, ainsi que du 20 mai 2021, Azienda Sanitaria Provinciale di Catania, C‑128/19, EU:C:2021:401, point 42).

80

En l’occurrence, il ne ressort cependant pas de la décision de renvoi qu’une telle notification préalable ait été effectuée.

81

En deuxième lieu, il découle de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), du règlement no 702/2014, lu en combinaison avec le paragraphe 3, sous a), de cet article 1er et éclairé par le considérant 60 de ce règlement, que l’exemption mise en place par ledit règlement s’applique aux aides en faveur de la foresterie, en ce compris celles qui sont cofinancées par le Feader.

82

Le règlement no 702/2014 s’applique donc, notamment, aux aides visées à l’article 30 du règlement no 1305/2013 et, en particulier, à des aides qui sont demandées, en vertu de cette disposition, au titre d’une microréserve créée dans une forêt en vue de réaliser les objectifs de la directive 2009/147, telle que l’aide en cause au principal.

83

Il s’ensuit que, pour pouvoir être déclarées compatibles avec le marché intérieur en application du règlement no 702/2014 et bénéficier de l’exemption prévue par ce règlement, de telles aides doivent respecter l’ensemble des conditions auxquelles celui-ci soumet cette déclaration de compatibilité.

84

Or, ces conditions incluent, aux termes de l’article 1er, paragraphe 6, dudit règlement, celle selon laquelle le demandeur d’une telle aide ne doit pas être une entreprise en difficulté, sous réserve de différentes exceptions dont aucune n’a été présentée, dans la décision de renvoi, comme étant pertinente dans le cadre du litige au principal, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

85

En outre, il résulte de la définition de la notion d’« entreprise en difficulté » figurant à l’article 2, point 14, du même règlement que cette notion inclut, notamment, les sociétés à responsabilité limitée dont plus de la moitié des fonds propres a disparu à la suite des pertes accumulées, critère qui est celui sur la base duquel l’autorité nationale compétente a refusé d’accorder l’aide en cause au principal, comme cela ressort des énonciations de la décision de renvoi résumées au point 32 du présent arrêt.

86

Il en découle que le règlement no 702/2014 doit être interprété en ce sens qu’une aide en faveur de la foresterie et, plus particulièrement, une aide qui a été demandée sur la base de l’article 30 du règlement no 1305/2013, au titre d’une microréserve créée dans une forêt en vue de réaliser les objectifs de la directive 2009/147, par une entreprise en difficulté au sens dudit article 2, point 14, ne peut pas être déclarée compatible avec le marché intérieur sur le fondement du règlement no 702/2014.

87

En quatrième et dernier lieu, dans la mesure où la juridiction de renvoi paraît éprouver des doutes quant à la validité de cette exclusion au regard du droit de propriété et des principes généraux d’égalité de traitement et de proportionnalité, comme cela ressort des énonciations résumées au point 40 du présent arrêt, il convient d’observer, tout d’abord, que l’analyse du règlement no 702/2014 fait ressortir que ladite exclusion n’est pas fondée sur l’objectif de préservation des ressources de l’Union, dont cette juridiction se demande s’il n’a pas été indûment privilégié aux dépens de ce droit et de ces deux principes généraux.

88

En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 16 de ce règlement, qui éclaire la raison d’être de l’exclusion des entreprises en difficulté du bénéfice de l’exemption mise en place par ledit règlement, sous réserve des exceptions évoquées au point 84 du présent arrêt, cette exclusion vise à garantir que l’ensemble des aides qui sont sollicitées par de telles entreprises soient examinées, de façon exclusive et cohérente, au regard d’un ensemble de règles procédurales et matérielles spécifiques, qui a été mis en place dans le but précis de tenir compte, de façon adaptée, de la situation particulière de ces entreprises. Ladite exclusion a ainsi pour seul objectif et pour seule conséquence non pas d’interdire de manière générale à des entreprises en difficulté de se voir accorder des aides en faveur de la foresterie, une telle possibilité leur demeurant au contraire ouverte, dans le respect de ces règles, mais de rendre inapplicable le règlement no 702/2014 à ces aides lorsqu’elles sont demandées par ces entreprises.

89

Ensuite, il convient d’observer que lesdites règles visent elles-mêmes à garantir que les aides pouvant être accordées à des entreprises en difficulté respectent les conditions permettant de déclarer ces aides compatibles avec le marché intérieur, étant rappelé que l’octroi de telles aides constitue non pas un droit dont jouiraient les entreprises, puisque l’octroi d’aides d’État est, en principe, interdit par le traité FUE, mais une faculté offerte aux autorités publiques, dans les cas où ces aides poursuivent un des objectifs d’intérêt commun énoncés à l’article 107, paragraphe 3, TFUE et respectent les conditions prévues par la réglementation applicable. Il s’ensuit, en particulier, que, tout en étant habilités à accorder des aides cofinancées par le Feader sur la base de l’article 30 du règlement no 1305/2013, les États membres ne sont pas tenus de le faire, mais disposent, au contraire, d’une marge d’appréciation à cet effet [voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2021, Lauku atbalsta dienests (Aides au démarrage d’entreprises agricoles), C‑119/20, EU:C:2021:817, point 56 ; du 27 janvier 2022, Sātiņi-S, C‑234/20, EU:C:2022:56, points 40 et 66, ainsi que du 27 janvier 2022, Sātiņi-S, C‑238/20, EU:C:2022:57, point 36].

90

Cela étant, cette marge d’appréciation doit être exercée dans les limites des dispositions de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2017, Lingurár, C‑315/16, EU:C:2017:244, point 18) et dans le respect des principes généraux du droit de l’Union (voir, par analogie, s’agissant de l’octroi de financements pouvant être accordés sur la base d’un fonds de l’Union autre que le Feader, arrêt du 27 janvier 2022, Zinātnes parks, C‑347/20, EU:C:2022:59, point 61).

91

Enfin, à cet égard, le traitement spécifique réservé aux entreprises en difficulté par le règlement no 702/2014 ne peut pas être considéré, en lui-même, comme étant susceptible de méconnaître le droit de propriété garanti à l’article 17 de la Charte ou les principes généraux d’égalité de traitement et de proportionnalité.

92

En effet, d’une part, la Cour a déjà jugé que, dès lors que le droit de propriété ne constitue pas une prérogative absolue, son exercice peut faire l’objet, dans les conditions prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, d’une restriction justifiée par un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, telle que celle découlant d’une mesure nationale adoptée à des fins de protection de la nature et de l’environnement en vertu des directives 92/43 ou 2009/147, sans pour autant que la personne dont le droit de propriété fait l’objet d’une telle restriction doive en toute hypothèse se voir accorder une indemnité et, plus particulièrement, une aide sur la base de l’article 30 du règlement no 1305/2013 (voir, en ce sens, arrêts du 27 janvier 2022, Sātiņi-S, C‑234/20, EU:C:2022:56, points 62 à 66, et du 27 janvier 2022, Sātiņi‑S, C‑238/20, EU:C:2022:57, points 32 à 36). Cela étant, dans l’hypothèse où une mesure nationale adoptée à des fins de protection de la nature et de l’environnement en vertu des directives 92/43 ou 2009/147 aurait pour effet d’entraîner une perte de valeur du terrain concerné, de telle sorte qu’elle s’apparenterait à une privation de propriété, le propriétaire de ce terrain aurait, compte tenu de l’existence d’une situation de mise en œuvre du droit de l’Union, un droit à indemnisation, conformément à l’article 17 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2016, Pesce e.a., C‑78/16 et C‑79/16, EU:C:2016:428, points 85 et 86).

93

D’autre part, la circonstance que les entreprises dont le droit de propriété fait l’objet d’une restriction découlant d’une mesure nationale adoptée à des fins de protection de la nature et de l’environnement en vertu des directives 92/43 ou 2009/147 peuvent se voir accorder des aides dont la compatibilité avec le marché intérieur dépend de conditions qui diffèrent selon qu’elles sont ou non en difficulté est justifiée par la différence de situation dans laquelle ces deux catégories d’entreprises se trouvent au regard du droit de l’Union relatif aux aides d’État.

94

En effet, eu égard aux difficultés économiques ou financières que ces entreprises connaissent, il est justifié de soumettre l’examen de la compatibilité avec le marché intérieur des aides qui peuvent leur être accordées à des conditions spécifiques, permettant la prise en considération de leurs difficultés et des incidences que celles-ci peuvent avoir (voir par analogie, s’agissant de l’inapplicabilité aux entreprises en difficulté d’un règlement d’exemption autre que le règlement no 702/2014, arrêt du 27 janvier 2022, Zinātnes parks, C‑347/20, EU:C:2022:59, points 46 à 49 et 57).

95

En outre, l’inapplicabilité de l’exemption prévue par le règlement no 702/2014 aux entreprises en difficulté n’apparaît pas contraire au principe général de proportionnalité. En effet, indépendamment de son caractère adéquat, qui découle du point précédent du présent arrêt, elle ne peut pas être considérée comme allant au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif qu’elle poursuit dans la mesure où, comme il a été indiqué aux points 79 et 88 de cet arrêt, elle ne fait pas obstacle à ce que ces entreprises se voient accorder une aide à la foresterie ou une aide aux entreprises en difficulté pour autant qu’une telle aide respecte les conditions prévues par les dispositions du droit des aides d’État qui sont applicables auxdites entreprises.

96

Compte tenu de l’ensemble de ces considérations, il convient de répondre à la seconde question que le règlement no 702/2014 doit être interprété en ce sens qu’il est exclu de déclarer compatible avec le marché intérieur, en vertu de ce règlement, une aide demandée sur le fondement du règlement no 1305/2013, au titre d’une microréserve créée dans une forêt en vue de réaliser les objectifs de la directive 2009/147, par une entreprise en difficulté, au sens de l’article 2, point 14, du règlement no 702/2014.

Sur les dépens

97

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 30 du règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, doit être interprété, compte tenu notamment de son paragraphe 6, en ce sens qu’une aide demandée au titre d’une microréserve créée dans une forêt en vue de réaliser les objectifs de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages, relève du champ d’application de cet article 30.

 

2)

Le règlement (UE) no 702/2014 de la Commission, du 25 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 [TFUE], doit être interprété en ce sens qu’il est exclu de déclarer compatible avec le marché intérieur, en vertu de ce règlement, une aide demandée sur le fondement du règlement no 1305/2013, au titre d’une microréserve créée dans une forêt en vue de réaliser les objectifs de la directive 2009/147, par une entreprise en difficulté, au sens de l’article 2, point 14, du règlement no 702/2014.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le letton.