Affaires jointes C‑38/21, C‑47/21 et C‑232/21

VK
contre
BMW Bank GmbH,

F.F.
contre
C. Bank AG

CR e.a.
contre
Volkswagen Bank GmbH
et
Audi Bank

(demandes de décision préjudicielle, introduites par le Landgericht Ravensburg)

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 21 décembre 2023

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Contrat de leasing relatif à un véhicule automobile sans obligation d’achat – Directive 2008/48/CE – Article 2, paragraphe 2, sous d) – Notion de contrat de crédit-bail sans obligation d’achat de l’objet du contrat – Directive 2002/65/CE – Article 1er, paragraphe 1, et article 2, sous b) – Notion de contrat de services financiers – Directive 2011/83/UE – Article 2, point 6, et article 3, paragraphe 1 – Notion de contrat de service – Article 2, point 7 – Notion de contrat à distance – Article 2, point 8 – Notion de contrat hors établissement – Article 16, sous l) – Exception au droit de rétractation au titre d’une prestation de services de location de voitures – Contrat de crédit destiné à l’achat d’un véhicule automobile – Directive 2008/48 – Article 10, paragraphe 2 – Exigences relatives aux informations devant être mentionnées dans le contrat – Présomption de respect de l’obligation d’information en cas de recours à un modèle réglementaire d’information – Absence d’effet direct horizontal d’une directive – Article 14, paragraphe 1 – Droit de rétractation – Début du délai de rétractation en cas d’informations incomplètes ou inexactes – Caractère abusif de l’exercice du droit de rétractation – Forclusion du droit de rétractation – Obligation de restitution préalable du véhicule en cas d’exercice du droit de rétractation à l’égard d’un contrat de crédit lié »

  1. Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48 – Commercialisation à distance des services financiers – Directive 2002/65 – Champs d’application – Contrat de leasing relatif à un véhicule automobile sans obligation d’achat – Exclusion

    [Directives du Parlement européen et du Conseil 2002/65, art. 1er, § 1, et 2, b), et 2008/48, art. 2, § 2, d)]

    (voir points 131-135, 137-151, 156, disp. 1)

  2. Protection des consommateurs – Contrats conclus avec les consommateurs – Directive 2011/83 – Contrat de service – Notion – Contrat de leasing relatif à un véhicule automobile sans obligation d’achat – Inclusion

    (Directive du Parlement européen et du Conseil 2011/83, art. 2, point 6, et 3, § 1)

    (voir points 153-156, disp. 1)

  3. Protection des consommateurs – Contrats conclus avec les consommateurs – Directive 2011/83 – Contrat à distance – Notion – Contrat de service relatif au leasing d’un véhicule automobile sans obligation d’achat – Contrat conclu selon une technique de communication à distance – Phase de négociation du contrat en la présence physique simultanée du consommateur et d’un intermédiaire du professionnel – Respect, par le professionnel, de son obligation d’information – Exclusion

    (Directive du Parlement européen et du Conseil 2011/83, art. 2, point 7)

    (voir points 164-167, 170-173, disp. 2)

  4. Protection des consommateurs – Contrats conclus avec les consommateurs – Directive 2011/83 – Contrat hors établissement – Notion – Contrat de service relatif au leasing d’un véhicule automobile sans obligation d’achat – Contrat conclu selon une technique de communication à distance – Présence physique du consommateur dans l’établissement commercial d’un intermédiaire du professionnel opérant dans un autre domaine d’activité que ce dernier – Exclusion – Conditions

    [Directive du Parlement européen et du Conseil 2011/83, art. 2, point 8, a)]

    (voir points 177-183, disp. 3)

  5. Protection des consommateurs – Contrats conclus avec les consommateurs – Directive 2011/83 – Droit de rétractation – Exceptions – Prestation de services de location des voitures assortis d’une date ou d’une période d’exécution spécifique – Contrat de service relatif au leasing d’un véhicule automobile sans obligation d’achat – Objet principal – Utilisation du véhicule par le consommateur pendant une période d’exécution spécifique, en contrepartie de sommes d’argent – Inclusion

    [Directive du Parlement européen et du Conseil 2011/83, art. 16, l)]

    (voir points 190-202, disp. 4)

  6. Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48 – Exigences quant aux informations à mentionner dans le contrat – Droit de rétractation – Réglementation nationale établissant une présomption légale de respect de l’obligation d’information relative à ce droit en cas de recours à un modèle réglementaire d’information – Inadmissibilité – Obligation pour une juridiction nationale saisie d’un litige opposant exclusivement des particuliers de laisser inappliquée, sur le seul fondement du droit de l’Union, une telle réglementation – Absence – Droit des particuliers de demander la réparation du préjudice résultant de la non-conformité du droit national au droit de l’Union

    [Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/48, art. 10, § 2, p)]

    (voir points 217, 219, 220, 224-230, disp. 5)

  7. Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48 – Exigences quant aux informations à mentionner dans le contrat – Droit de rétractation – Obligation d’indiquer le montant de l’intérêt journalier à payer par le consommateur en cas d’exercice de ce droit – Portée

    [Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/48, art. 10, § 2, p) et 14, § 3, b)]

    (voir points 233-240, disp. 6)

  8. Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48 – Exigences quant aux informations à mentionner dans le contrat – Obligation d’indiquer de manière formelle les informations essentielles portant sur toutes les procédures extrajudiciaires de réclamation ou de recours à la disposition du consommateur – Portée

    [Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/48, art. 10, § 2, t)]

    (voir points 243-246, disp. 7)

  9. Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48 – Exigences quant aux informations à mentionner dans le contrat – Indemnité due en cas de remboursement anticipé – Obligation d’indiquer, d’une manière concrète et facilement compréhensible pour un consommateur moyen, le mode de calcul de cette indemnité – Portée

    [Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/48, art. 10, § 2, r)]

    (voir points 250-256, disp. 8)

  10. Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48 – Exigences quant aux informations à mentionner dans le contrat – Informations incomplètes ou erronées reçues par le consommateur – Condition de déclenchement du délai de rétractation – Caractère incomplet ou erroné des informations non susceptible d’induire en erreur le consommateur sur l’étendue de ses droits et obligations

    [Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/48, art. 10, § 2, et 14, § 1, 2d al., b)]

    (voir points 263-267, disp. 9)

  11. Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48 – Exigences quant aux informations à mentionner dans le contrat – Taux d’intérêt de retard – Indication de ce taux sous forme de pourcentage concret et de son mécanisme d’adaptation – Indication du taux de référence et de la fréquence de sa modification pour le taux d’intérêt de retard variable – Portée

    [Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/48, art. 10, § 2, l)]

    (voir points 269-272, disp. 10)

  12. Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48 – Droit de rétractation – Extinction de ce droit lors de l’exécution intégrale d’un contrat de crédit

    (Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/48, art. 14, § 1)

    (voir points 275-279, 292, disp. 11)

  13. Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48 – Exigences quant aux informations à mentionner dans le contrat – Informations incomplètes ou erronées reçues par le consommateur – Informations ayant induit en erreur le consommateur sur l’étendue de ses droits et obligations – Absence de déclenchement du délai de rétractation – Absence de tout caractère abusif de l’exercice du droit de rétractation

    (Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/48, art. 10, § 2, et 14, § 1)

    (voir points 280-284, 289-293, disp. 11)

  14. Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48 – Exigences quant aux informations à mentionner dans le contrat – Informations incomplètes ou erronées reçues par le consommateur – Informations ayant induit en erreur le consommateur sur l’étendue de ses droits et obligations – Absence de déclenchement du délai de rétractation – Droit de rétractation exercé par le consommateur – Possibilité pour le prêteur d’exciper de la forclusion de ce droit – Absence – Conditions

    (Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/48, art. 10, § 2, et 14, § 1)

    (voir points 297-300, disp. 12)

  15. Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Directive 2008/48 – Droit de rétractation – Conséquences de la rétractation d’un contrat de crédit lié sur un contrat de fourniture de biens – Réglementation nationale prévoyant l’obligation pour le consommateur de restituer le bien financé par le crédit ou de mettre en demeure le prêteur de récupérer ce bien – Possibilité pour le prêteur de ne pas rembourser, au moment de la restitution dudit bien, les mensualités déjà versées par le consommateur – Inadmissibilité

    [Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/48, art. 3, n), et 14, § 1]

    (voir points 303-308, disp. 13)

Résumé

Les trois affaires jointes s’inscrivent dans le cadre de plusieurs litiges opposant des consommateurs à des établissements financiers liés à des concessionnaires automobiles, au sujet de la validité de l’exercice de leur droit de rétractation concernant, respectivement, un contrat de leasing relatif à un véhicule automobile sans obligation d’achat (affaire C‑38/21) et plusieurs contrats de crédit destinés à financer l’achat de véhicules automobiles d’occasion (affaires C‑47/21 et C‑232/21).

Dans l’affaire C‑38/21, VK s’est rendu dans les locaux d’un concessionnaire de la marque automobile BMW où un employé de celui-ci, intervenant en tant qu’intermédiaire de crédit pour BMW Bank GmbH, lui a proposé un véhicule automobile en leasing et présenté les différents éléments de ce type de contrat, tels que la durée et les mensualités. En novembre 2018, VK a, au moyen d’une technique de communication à distance, conclu un contrat de leasing avec BMW Bank concernant un véhicule automobile affecté à un usage privé. En vertu de ce contrat, conclu pour 24 mois et reposant sur l’octroi par BMW Bank d’un prêt, VK n’était pas tenu d’acheter le véhicule à l’échéance de la période contractuelle. Le 25 juin 2019, VK a indiqué qu’il souhaitait se rétracter du contrat de leasing. Il estimait en effet que le délai de rétractation de quatorze jours prévu par le droit national n’avait pas encore commencé à courir, en raison du caractère insuffisant et illisible des informations qui auraient dû lui être fournies en vertu de ce droit.

Dans les affaires C‑47/21et C‑232/21, plusieurs consommateurs ont conclu des contrats de prêt destinés à l’achat de véhicules de tourisme d’occasion pour un usage privé. Lors de la préparation et de la conclusion de ces contrats, les concessionnaires automobiles auprès desquels les véhicules ont été achetés ont agi en tant qu’intermédiaires de C. Bank AG (affaire C‑47/21) ainsi que de Volkswagen Bank GmbH et d’Audi Bank (affaire C‑232/21). Par la suite, ces consommateurs se sont rétractés des contrats de prêt conclus, en demandant essentiellement le remboursement des mensualités versées jusqu’à la date de rétractation. Selon eux, le délai de rétractation de quatorze jours prévu par le droit national n’avait pas encore commencé à courir étant donné que les informations relatives au droit de rétractation ainsi que les autres informations obligatoires ne leur avaient pas été dûment transmises.

Dans son arrêt, prononcé en grande chambre, la Cour précise, dans le contexte d’un contrat de leasing d’un véhicule automobile sans obligation d’achat pour le consommateur, le champ d’application des directives 2002/65 ( 1 ), 2008/48 ( 2 ) et 2011/83 ( 3 ) en matière de protection des consommateurs ainsi que la portée des notions de « contrat de service », de « contrat à distance » et de « contrat hors établissement », au sens de cette dernière directive. En outre, elle se prononce, dans le contexte de contrats de crédit, sur plusieurs aspects de l’obligation incombant aux prêteurs, en vertu de la directive 2008/48, de fournir aux consommateurs des informations portant, notamment, sur le droit de rétractation ainsi que sur les conséquences de la communication d’informations erronées ou incomplètes sur l’exercice de ce droit. Par ailleurs, la Cour traite, toujours dans ce contexte et en vertu de la même directive, de la question de l’exercice abusif par le consommateur du droit de rétractation et de celle de la forclusion de ce même droit.

Appréciation de la Cour

En premier lieu, la Cour examine la nature d’un contrat de leasing relatif à un véhicule automobile sans obligation d’achat pour le consommateur, au regard des directives 2002/65, 2008/48 et 2011/83.

S’agissant, premièrement, de la directive 2011/83, la Cour dit pour droit qu’un contrat de leasing relatif à un véhicule automobile, caractérisé par le fait que ni ce contrat ni un contrat séparé ne prévoient que le consommateur est tenu d’acheter le véhicule à l’expiration du contrat, relève du champ d’application de cette directive en tant que « contrat de service », au sens de l’article 2, point 6, de celle-ci ( 4 ). En effet, cette notion est définie de manière large et doit être comprise comme incluant tous les contrats qui ne relèvent pas de la notion de « contrat de vente », prévue par cette même directive ( 5 ). En l’occurrence, un contrat de leasing par lequel un professionnel s’engage à mettre un véhicule à la disposition d’un consommateur en contrepartie de paiements échelonnés sans obligation d’achat dudit véhicule au terme du leasing ne relève pas de cette dernière notion, étant donné qu’il ne prévoit pas le transfert de propriété du véhicule au consommateur. Un tel contrat de leasing ne relève pas non plus de la liste des contrats exclus du champ d’application de la directive 2011/83 ( 6 ).

Deuxièmement, la Cour considère qu’un tel contrat n’entre pas dans le champ d’application de la directive 2008/48. En effet, s’il relève bien de la notion de « crédit-bail » prévue par cette directive ( 7 ), il est néanmoins expressément exclu du champ d’application de celle-ci dès lors qu’il n’est assorti d’aucune obligation, pour le consommateur, d’acheter l’objet du contrat au terme de celui-ci.

Troisièmement, en ce qui concerne la directive 2002/65, la Cour considère également qu’un contrat de leasing relatif à un véhicule automobile, caractérisé notamment par le fait que ni ce contrat ni un contrat séparé ne prévoient que le consommateur est tenu d’acheter le véhicule à l’expiration du contrat, ne relève pas du champ d’application de cette directive. En effet, la Cour rappelle que, pour relever du champ d’application de celle-ci, un contrat doit avoir notamment pour objet de fournir un « service financier » ( 8 ), tel qu’un service ayant trait au crédit. Or, s’il est vrai qu’un contrat de leasing d’un véhicule automobile sans obligation d’achat comporte tant un élément de crédit qu’un élément de location, la Cour relève qu’un tel contrat ne se distingue pas, pour l’essentiel, d’un contrat de location de véhicule de longue durée. L’objet principal de ce type de contrat étant ainsi la location du véhicule, il ne saurait être qualifié de contrat de service financier ayant trait au crédit.

En deuxième lieu, dans le contexte de l’interprétation de la directive 2011/83 en rapport avec un contrat de leasing relatif à un véhicule automobile sans obligation d’achat pour le consommateur, la Cour se penche, premièrement, sur les notions de « contrat à distance » ( 9 ) et de « contrat hors établissement » ( 10 ).

Ainsi, la Cour précise, d’une part, qu’un contrat de service conclu entre un consommateur et un professionnel, au moyen d’une technique de communication à distance, ne peut pas être qualifié de « contrat à distance » lorsque la phase de négociation qui a précédé cette conclusion s’est déroulée en la présence physique simultanée du consommateur et d’un intermédiaire agissant au nom ou pour le compte du professionnel, qui a fourni au consommateur l’ensemble des informations visées par la directive 2011/83 ( 11 ), permettant à ce dernier de lui poser des questions sur le contrat envisagé ou l’offre proposée, afin de dissiper toute incertitude quant à la portée de son éventuel engagement contractuel avec le professionnel.

D’autre part, la Cour considère qu’un contrat de service conclu entre un consommateur et un professionnel ne peut pas être qualifié de « contrat hors établissement » lorsque, au cours de la phase préparatoire précédant sa conclusion au moyen d’une technique de communication à distance, le consommateur s’est rendu dans l’établissement commercial d’un intermédiaire agissant au nom ou pour le compte du professionnel aux fins de la négociation de ce contrat, mais opérant dans un autre domaine que celui-ci, sous réserve que deux conditions soient remplies. Il faut 1) que le consommateur ait pu, en tant que consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, s’attendre, en se rendant dans l’établissement commercial de l’intermédiaire, à faire l’objet d’une sollicitation commerciale de la part de ce dernier aux fins de la négociation et de la conclusion d’un contrat de service avec le professionnel et 2) qu’il ait pu aisément comprendre que cet intermédiaire agissait au nom ou pour le compte dudit professionnel.

Deuxièmement, examinant les exceptions prévues à l’article 16 de la directive 2011/83 en vertu desquelles le consommateur n’a pas de droit de rétractation dans certains cas de figure, la Cour considère qu’un contrat de leasing relatif à un véhicule automobile conclu entre un professionnel et un consommateur et qualifié de contrat de service à distance ou hors établissement au sens de cette directive relève de l’exception relative à la prestation de services de location de voitures assortis d’une date ou d’une période d’exécution spécifique ( 12 ), dès lors que l’objet principal d’un tel contrat consiste à permettre au consommateur d’utiliser un véhicule pendant la durée spécifique prévue par ledit contrat, en contrepartie du versement régulier de sommes d’argent. À cet égard, la Cour précise, d’une part, que le terme « spécifique » auquel fait référence cette exception est également susceptible de couvrir des contrats de location de longue durée, tels que le contrat de leasing de 24 mois dans l’affaire au principal, pour autant que cette durée soit spécifiée de manière suffisamment précise dans le contrat. D’autre part, la Cour souligne que, dans le cadre d’un contrat de leasing portant sur un véhicule spécialement acquis à la demande du consommateur pour répondre aux spécifications de ce dernier, le professionnel pourrait, dans le cas où un droit de rétractation serait reconnu au consommateur, rencontrer des difficultés à réaffecter le véhicule. En effet, en raison notamment de ces spécifications, le professionnel pourrait ne pas réussir, dans un délai raisonnable suivant l’exercice du droit de rétractation, à affecter le véhicule à une autre utilisation équivalente pour la période correspondant à la durée du leasing originellement prévue, sans subir un dommage économique important.

En troisième lieu, dans le contexte de l’interprétation de la directive 2008/48, la Cour constate, tout d’abord, que les contrats de prêt destinés à l’achat des véhicules de tourisme d’occasion destinés à un usage privé, en cause dans les affaires C‑47/21 et C‑232/21, relèvent du champ d’application de la directive 2008/48 en tant que contrats de crédit ( 13 ).

Ensuite, la Cour précise la portée de l’obligation du professionnel relative aux informations à fournir dans les contrats de crédit relevant du champ d’application de cette directive ( 14 ) et, notamment, de son obligation d’information au sujet du droit de rétractation ( 15 ). Ainsi, la Cour dit pour droit que cette obligation s’oppose à une réglementation nationale établissant une présomption légale selon laquelle le professionnel respecte son obligation d’informer le consommateur de son droit de rétractation lorsqu’il renvoie, dans un contrat, à des dispositions nationales renvoyant elles-mêmes à un modèle d’information réglementaire relatif au droit de rétractation, tout en utilisant des clauses figurant dans ce modèle qui ne sont pas conformes aux prescriptions de la directive 2008/48 ( 16 ). À défaut de pouvoir interpréter une telle réglementation nationale de manière conforme à cette directive, une juridiction nationale, saisie d’un litige opposant exclusivement des particuliers, n’est pas tenue, sur le fondement du seul droit de l’Union, de laisser inappliquée cette réglementation, sans préjudice de la possibilité pour cette juridiction de l’écarter sur le fondement de son droit interne et, à défaut, du droit de la partie lésée par la non-conformité du droit national au droit de l’Union de demander réparation du préjudice qui en a résulté pour elle.

Enfin, la Cour se prononce sur différents aspects liés au droit de rétractation, tel que prévu par la directive 2008/48 ( 17 ).

Premièrement, elle précise le point de départ du délai de rétractation. À cet égard, lorsqu’une information fournie par le prêteur au consommateur au titre de cette directive ( 18 ) s’avère incomplète ou erronée, le délai de quatorze jours prévu par la directive 2008/48 commence à courir uniquement si le caractère incomplet ou erroné de cette information n’est pas susceptible d’affecter la capacité du consommateur d’apprécier l’étendue de ses droits et obligations au titre de ladite directive ni sa décision de conclure le contrat et de le priver, le cas échéant, de la possibilité d’exercer ses droits, en substance, dans les mêmes conditions que celles qui auraient prévalu si cette information avait été fournie de manière complète et exacte. En effet, la fourniture d’une information incomplète ou erronée ne peut être assimilée à un défaut d’information qu’à la condition que le consommateur soit, de ce fait, induit en erreur sur ses droits et obligations et que, partant, il soit amené à conclure un contrat qu’il n’aurait éventuellement pas conclu s’il avait disposé d’informations complètes et matériellement exactes.

Deuxièmement, la Cour analyse l’incidence de l’exécution intégrale d’un contrat de crédit sur le maintien du droit de rétractation. Ainsi, elle considère que l’exécution intégrale d’un tel contrat entraîne l’extinction de ce droit. En effet, l’exécution d’un contrat constituant le mécanisme naturel d’extinction des obligations contractuelles, un consommateur ne peut plus se prévaloir du droit de rétractation une fois que le contrat de crédit a été intégralement exécuté par les parties et que les obligations mutuelles découlant de ce contrat ont, de ce fait, pris fin.

Troisièmement, concernant la question de l’exercice par le consommateur de son droit de rétractation, la Cour dit pour droit que le prêteur ne peut valablement exciper de ce que le consommateur a, en raison du comportement de ce dernier intervenu entre la conclusion du contrat et l’exercice du droit de rétractation, exercé ce droit de manière abusive, lorsque, en raison du caractère incomplet ou erroné des informations contenues dans le contrat de crédit, en méconnaissance de la directive 2008/48, le délai de rétractation n’a pas commencé à courir du fait que ce caractère a affecté la capacité du consommateur à apprécier l’étendue de ses droits et obligations au titre de cette directive ainsi que sa décision de conclure le contrat.

Quatrièmement, se prononçant sur la forclusion du droit de rétractation, la Cour relève que la directive 2008/48 s’oppose à ce que le prêteur puisse, lorsque le consommateur exerce son droit de rétractation conformément aux conditions prévues par cette directive ( 19 ), exciper de la forclusion de ce droit dès lors qu’au moins l’une des informations obligatoires visées par la même directive ( 20 ) ne figurait pas dans le contrat de crédit ou y figurait de manière incomplète ou erronée sans avoir été dûment communiquée ultérieurement et que, pour ce motif, le délai de rétractation n’a pas commencé à courir. En effet, la directive 2008/48 ne prévoit aucune limitation dans le temps à l’exercice, par le consommateur, de son droit de rétractation dans le cas qui vient d’être évoqué. Partant, la réglementation nationale ne peut imposer une telle limitation.

Cinquièmement, la Cour examine les effets du droit de rétractation. Elle relève ainsi que ce droit, lu en combinaison avec le principe d’effectivité, s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que, lorsque le consommateur se rétracte d’un contrat de crédit lié ( 21 ), il doit restituer au prêteur le bien financé par le crédit ou l’avoir mis en demeure de récupérer ce bien sans que ce prêteur soit obligé, au même moment, de rembourser les mensualités du crédit déjà versées par le consommateur. En effet, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, des règles procédurales nationales imposant à l’emprunteur qui se rétracte de restituer au prêteur le bien financé par le crédit ou de l’avoir mis en demeure de récupérer ce bien sans que ce prêteur soit tenu par une obligation de remboursement simultané des mensualités du crédit déjà versées sont de nature à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit de rétractation.


( 1 ) Directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et 98/27/CE (JO 2002, L 271, p. 16).

( 2 ) Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66).

( 3 ) Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE (JO 2011, L 304, p. 64).

( 4 ) En vertu de l’article 2, point 6, de la directive 2011/83, la notion de « contrat de service » correspond à « tout contrat autre qu’un contrat de vente en vertu duquel le professionnel fournit ou s’engage à fournir un service au consommateur et le consommateur paie ou s’engage à payer le prix de celui-ci ».

( 5 ) En vertu de l’article 2, point 5, de la directive 2011/83, le « contrat de vente » est défini comme « tout contrat en vertu duquel le professionnel transfère ou s’engage à transférer la propriété des biens au consommateur et le consommateur paie ou s’engage à payer le prix de ceux-ci, y compris les contrats ayant à la fois pour objet des biens et des services ».

( 6 ) Telle que prévue à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2011/83.

( 7 ) Au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2008/48.

( 8 ) En vertu de l’article 2, sous b), de la directive 2002/65, « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l’assurance, aux retraites individuelles, aux investissements et aux paiements » relève de la notion de service financier.

( 9 ) Au titre de l’article 2, point 7, de la directive 2011/83, relève de cette notion « tout contrat conclu entre le professionnel et le consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu’au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu ».

( 10 ) Au titre de l’article 2, point 8, de la directive 2011/83, relève de cette notion « tout contrat entre le professionnel et le consommateur conclu en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, dans un lieu qui n’est pas l’établissement commercial du professionnel ».

( 11 ) Plus particulièrement à l’article 6 de la directive 2011/83.

( 12 ) L’article 16, sous l), de la directive 2011/83 concerne l’exception relative à « la prestation de services d’hébergement autres qu’à des fins résidentielles, de transport de biens, de location de voitures, de restauration ou de services liés à des activités de loisirs si le contrat prévoit une date ou une période d’exécution spécifique ».

( 13 ) Conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/48.

( 14 ) Telles que prévues à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48.

( 15 ) L’article 10, paragraphe 2, sous p), de la directive 2008/48 prévoit l’obligation de mentionner dans les contrats de crédit l’existence ou l’absence d’un droit de rétractation, la période durant laquelle ce droit peut être exercé et les autres conditions pour l’exercer.

( 16 ) Article 10, paragraphe 2, sous p), de la directive 2008/48.

( 17 ) En vertu de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2008/48, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours calendaires pour se rétracter dans le cadre du contrat de crédit sans donner de motif.

( 18 ) Au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48.

( 19 ) Telles que prévues à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2008/48.

( 20 ) Telles que prévues à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48.

( 21 ) Au sens de l’article 3, sous n), de la directive 2008/48.