CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 12 janvier 2023 ( 1 )

Affaires jointes C‑363/21 et C‑364/21

Ferrovienord SpA

contre

Istituto Nazionale di Statistica – ISTAT (C‑363/21),

en présence de :

Procura generale della Corte dei conti,

Ministero dell’Economia e delle Finanze

et

Federazione Italiana Triathlon

contre

Istituto Nazionale di Statistica – ISTAT,

Ministero dell’Economia e delle Finanze (C‑364/21)

en présence de :

Procura generale della Corte dei conti

[demandes de décision préjudicielle formées par la Corte dei conti (cour des comptes, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 549/2013 – Système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne (SEC 2010) – Classement d’unités institutionnelles dans le secteur S.13 (administrations publiques) – Réglementation en matière de statistiques de l’Union – Mécanismes de contrôle – Effet direct – Directive 2011/85/UE – Cadres budgétaires nationaux – Effet direct – Protection juridictionnelle effective – Contrôle juridictionnel par une cour des comptes ou par des juridictions administratives »

1.

Les présentes demandes de décision préjudicielle (jointes) offrent à la Cour ( 2 ) la possibilité de clarifier la portée de la réglementation régissant le système européen des comptes 2010, établi par le règlement (UE) no 549/2013 ( 3 ). Les renvois préjudiciels visent notamment à déterminer :

si le règlement no 549/2013 et la directive 2011/85/UE ( 4 ) peuvent être invoqués dans des litiges opposant différentes entités publiques entre elles ou opposant des particuliers aux autorités statistiques ;

la modalité de protection juridictionnelle effective que les États membres doivent mettre en place lorsqu’ils établissent les voies de recours permettant de contrôler l’application des règles de l’Union dans ce domaine.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Le règlement no 549/2013

2.

L’article 1er du règlement no 549/2013 dispose :

« 1.   Le présent règlement établit le système européen de comptes 2010 (ci-après dénommé “SEC 2010” ou “SEC”).

2.   Le SEC 2010 prévoit :

a)

une méthodologie (annexe A) relative aux normes, définitions, nomenclatures et règles comptables communes, destinée à permettre l’élaboration de comptes et de tableaux sur des bases comparables pour les besoins de l’Union, ainsi que des résultats selon les modalités prévues à l’article 3 ;

b)

un programme (annexe B) définissant les délais dans lesquels les États membres doivent transmettre à la Commission (Eurostat) les comptes et tableaux à élaborer en conformité avec la méthodologie visée au point a).

[...]

4.   Le présent règlement n’oblige aucun État membre à utiliser le SEC 2010 pour élaborer des comptes pour ses propres besoins. »

3.

Le chapitre 1 (« Architecture générale et principes fondamentaux ») de l’annexe A (SEC 2010) du règlement no 549/2013 prévoit :

« 1.01

Le système européen des comptes [...] est un cadre comptable, compatible au plan international, permettant de décrire de façon systématique et détaillée ce que l’on appelle une “économie totale” (c’est-à-dire une région, un pays ou un groupe de pays), ses composantes et ses relations avec d’autres économies totales.

[...]

1.57

Par unité institutionnelle, il faut entendre une entité économique qui a capacité pour détenir des biens et des actifs, souscrire des engagements, exercer des activités économiques et réaliser, en son nom propre, des opérations avec d’autres unités. Dans le SEC 2010, les unités institutionnelles sont regroupées en cinq secteurs institutionnels nationaux qui s’excluent mutuellement, à savoir :

a)

les sociétés non financières ;

b)

les sociétés financières ;

c)

les administrations publiques ;

d)

les ménages ;

e)

les institutions sans but lucratif au service des ménages.

Ensemble, ces cinq secteurs constituent l’économie nationale totale. Chaque secteur est en outre subdivisé en plusieurs sous‑secteurs. Le SEC 2010 permet l’établissement d’un ensemble complet de comptes de flux et de patrimoine pour chaque secteur, pour chaque sous-secteur ainsi que pour l’économie totale. Les unités non résidentes peuvent interagir avec ces cinq secteurs nationaux, et les interactions sont présentées entre les cinq secteurs nationaux et un sixième secteur institutionnel, celui du “reste du monde”.

[...] »

4.

Le chapitre 2 (« Les unités et leurs regroupements ») de l’annexe A (SEC 2010) du règlement no 549/2013 énonce :

« [...]

2.12

Définition : une unité institutionnelle est une entité économique caractérisée par une autonomie de décision dans l’exercice de sa fonction principale. [...]

[...]

2.32

Chaque secteur ou sous-secteur regroupe les unités institutionnelles ayant un comportement économique analogue.

[...]

Administrations publiques (S.13)

2.111

Définition : le secteur des administrations publiques (S.13) comprend toutes les unités institutionnelles qui sont des producteurs non marchands dont la production est destinée à la consommation individuelle et collective et dont les ressources proviennent de contributions obligatoires versées par des unités appartenant aux autres secteurs, ainsi que les unités institutionnelles dont l’activité principale consiste à effectuer des opérations de redistribution du revenu et de la richesse nationale.

[...] »

5.

Le chapitre 20 (« Les comptes des administrations publiques ») de l’annexe A (SEC 2010) du règlement no 549/2013 est libellé comme suit :

« [...]

20.05

Le secteur des administrations publiques (S.13) comprend toutes les unités d’administration publique et toutes les institutions sans but lucratif (ISBL) non marchandes qui se trouvent sous le contrôle d’unités d’administration publique. Il inclut également d’autres producteurs non marchands, identifiés aux points 20.18 à 20.39.

[...] »

2. La directive 2011/85

6.

Aux termes de l’article 1er de la directive 2011/85 :

« La présente directive énonce des règles détaillées relatives aux caractéristiques des cadres budgétaires des États membres. Ces règles sont nécessaires pour garantir le respect, par les États membres, des obligations qui leur incombent en vertu du traité [FUE] pour ce qui est d’éviter des déficits publics excessifs. »

7.

Conformément à l’article 2 de la directive 2011/85 :

« Aux fins de la présente directive, les définitions des termes “public”, “déficit” et “investissement” figurant à l’article 2 du protocole (no 12) sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité [UE] et au traité [FUE ( 5 )] sont applicables. La définition de l’expression “sous‑secteurs des administrations publiques” énoncée à l’annexe A, point 2.70, du règlement (CE) no 2223/96 [du Conseil, du 25 juin 1996, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté (JO 1996, L 310, p. 1)] est applicable.

En outre, la définition suivante est applicable :

on entend par “cadre budgétaire” l’ensemble de mesures, de procédures, de règles et d’institutions qui sous-tendent la conduite de la politique budgétaire des administrations publiques, et notamment :

[...]

f)

les mesures destinées à assurer un suivi et une analyse indépendants en vue d’accroître la transparence de certains éléments du processus budgétaire ;

[...] »

8.

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2011/85 dispose :

« En ce qui concerne les systèmes nationaux de comptabilité publique, les États membres disposent de systèmes de comptabilité publique couvrant de manière exhaustive et cohérente tous les sous-secteurs des administrations publiques et contenant les informations nécessaires à la production de données fondées sur les droits constatés en vue de la préparation de données établies sur la base des normes du SEC 95. Ces systèmes de comptabilité publique sont soumis à un contrôle interne et à un audit indépendant. »

3. Le règlement (UE) no 473/2013

9.

L’article 2 du règlement (UE) no 473/2013 ( 6 ) prévoit :

« 1.   Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)

“organismes indépendants”, des organismes structurellement indépendants ou jouissant d’une autonomie fonctionnelle par rapport aux autorités budgétaires de l’État membre, et qui sont fondés sur des dispositions juridiques nationales garantissant un niveau élevé d’autonomie fonctionnelle et de responsabilité [...]

[...]

2.   S’appliquent également au présent règlement les définitions du “secteur des administrations publiques” et des “sous-secteurs du secteur des administrations publiques” établies au point 2.70 de l’annexe A du règlement [no 2223/96].

[...] »

10.

Conformément à l’article 5 du règlement no 473/2013 :

« 1.   Les États membres mettent en place des organismes indépendants chargés de surveiller le respect :

a)

des règles budgétaires chiffrées, qui incorporent dans les processus budgétaires nationaux l’objectif budgétaire à moyen terme institué à l’article 2 bis du règlement (CE) no 1466/97 [du Conseil, du 7 juillet 1997, relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques (JO 1997, L 209, p. 1)] ;

b)

des règles budgétaires chiffrées visées à l’article 5 de la directive [2011/85].

[...] »

B.   Le droit italien

1. La legge n. 196

11.

L’article 1er de la legge n. 196 ( 7 ) est libellé comme suit :

« 1.   Les administrations publiques participent à la réalisation des objectifs de finances publiques définis dans le cadre national, conformément aux procédures et aux critères établis par l’Union européenne, et partagent les responsabilités qui en découlent. [...]

2.   [...] par administrations publiques, on entend [...], à partir de l’année 2012, les entités et les personnes désignées par l’Istituto Nazionale di Statistica [institut national de la statistique, ci-après l’“ISTAT”] dans la liste [...] publiée [...] à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana [...] et ses mises à jour successives effectuées, en vertu du paragraphe 3 du présent article, sur la base des définitions figurant dans les règlements spécifiques de l’Union européenne [...]

3.   L’ISTAT désigne chaque année les administrations publiques visées au paragraphe 2 par une décision qui est publiée à la Gazzetta ufficiale au plus tard le 30 septembre.

[...] »

2. La legge n. 243

12.

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la legge n. 243 ( 8 ), « on entend par “administrations publiques” les entités désignées suivant les procédures et les actes prévus, conformément au droit de l’Union, par la réglementation en matière de comptabilité et de finances publiques, réparties dans les sous-secteurs des administrations centrales, des administrations locales et des organismes nationaux de sécurité sociale ».

13.

En vertu de l’article 20 de la loi no 243/2012, la Corte dei conti (cour des comptes, Italie) effectue le contrôle a posteriori de la gestion des budgets des administrations publiques aux fins de la coordination des finances publiques et de l’équilibre budgétaire, selon les formes et les modalités prévues par la loi.

3. La legge n. 161

14.

L’article 30 (« Mise en œuvre de dispositions non directement applicables de la directive 2011/85 et du règlement no 473/2013 »), paragraphe 1, de la legge n. 161 ( 9 ) dispose que, afin de mettre pleinement en œuvre les parties non directement applicables de la directive 2011/85 et du règlement no 473/2013 en ce qui concerne le suivi du respect des règles budgétaires, la Corte dei conti (cour des comptes) vérifie la conformité à la réglementation comptable des données budgétaires des administrations publiques.

4. Le decreto legislativo n. 174

15.

L’article 11, paragraphe 6, sous b), du decreto legislativo n. 174 ( 10 ), tel que modifié par le decreto-legge n. 137, devenu la legge n. 176 ( 11 ), prévoit :

« Les chambres réunies [de la Corte dei conti (cour des comptes)] siégeant en formation spéciale statuent en premier et dernier ressort, dans l’exercice de leur compétence exclusive en matière de comptabilité publique, sur les recours [...] relatifs à la désignation des administrations publiques effectuée par l’ISTAT, aux seules fins de l’application de la réglementation nationale de limitation des dépenses publiques » ( 12 ).

II. Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

16.

Le 30 septembre 2020, l’ISTAT a inscrit Ferrovienord SpA et la Federazione Italiana Triathlon (ci-après la « FITRI ») sur la liste des administrations publiques (ci-après la « liste ISTAT 2020 ») figurant dans le compte de résultat consolidé de l’État italien ( 13 ).

17.

Ferrovienord et la FITRI ont formé un recours contre cette décision devant la Corte dei conti (cour des comptes), demandant son annulation. Selon elles, les conditions pour figurer sur la liste ISTAT 2020 n’étaient pas remplies.

18.

L’ISTAT s’est opposé au recours au motif que l’inscription sur la liste était correcte. La Procura generale della Corte dei conti (ministère public près la cour des comptes, Italie) a demandé qu’une question de constitutionnalité de l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020 soit soulevée ( 14 ).

19.

La Corte dei conti (cour des comptes) a ordonné l’intervention dans la procédure du Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances, Italie) et a indiqué que la nouvelle règle posait des problèmes de compatibilité avec le droit de l’Union. Elle a demandé aux parties de se prononcer spécifiquement sur ce point.

20.

Selon la Corte dei conti (cour des comptes) :

l’article 11, paragraphe 6, sous b), du code de justice comptable lui conférait compétence pour statuer sur les décisions de l’ISTAT relatives à la reconnaissance des administrations publiques ;

cette disposition a toutefois été modifiée par l’article 23 quater, paragraphe 2, du décret-loi no 137/2020, qui a limité le contrôle de la liste ISTAT par la Corte dei conti (cour des comptes) « aux seules fins de l’application de la réglementation nationale de limitation des dépenses publiques » ( 15 );

la cohérence entre le droit budgétaire national et les obligations découlant du droit de l’Union est un principe du droit constitutionnel italien, de même que les principes de transparence et d’équilibre budgétaire (articles 81 et 97 de la Constitution) ;

en droit italien, cette cohérence est garantie par le solde dit d’« équilibre budgétaire », qui limite le recours à l’endettement par les différentes administrations de l’État (article 4, paragraphe 4, et articles 9 et 10 de la loi no 243/2012). La détermination des soldes et de leurs éventuelles corrections ultérieures découle des données transmises par les administrations publiques qui forment le compte consolidé ;

par conséquent, la formation correcte de la liste ISTAT (en ce qui concerne les administrations publiques tenues de mettre en œuvre l’équilibre budgétaire) conditionne le respect des objectifs de convergence des politiques économiques, au sens de l’article 121 TFUE ;

en droit italien (article 24, premier alinéa, et article 113, premier alinéa, de la Constitution), l’inscription d’une entité sur la liste ISTAT peut faire l’objet d’un recours juridictionnel. Jusqu’en 2012, ces décisions avaient pour « juge naturel » le juge administratif ; à compter de 2012, cette compétence a été attribuée à la Corte dei conti (cour des comptes). Cette dernière exerce un contrôle juridictionnel sur le respect du droit national et de l’Union en matière budgétaire et assure la vérification, du point de vue subjectif, de la fiabilité des comptes de résultat, sous peine des sanctions prévues à l’article 8 du règlement (UE) no 1173/2011 ( 16 ). La Corte dei conti (cour des comptes) garantit donc la réalisation effective des objectifs de finances publiques ;

à la suite de la réforme effectuée par l’article 23 quater du décret‑loi no 137/2020, ce contrôle ne peut plus entraîner (ou exclure) deux effets implicites nécessaires qui, auparavant, relevaient de la compétence de cette juridiction, à savoir la constatation (positive ou négative) de l’obligation de transmettre des données et informations pertinentes en matière de finances publiques, en exécution de la loi no 243/2012 et de la loi no 196/2009 (obligation qui met en œuvre le règlement no 549/2013 et la directive 2011/85), et l’application (ou la non‑application) qui en résulte des dispositions en matière d’équilibre budgétaire et de soutenabilité de la dette des administrations publiques, conformément aux articles 3 et 4 de la loi no 243/2012 (qui, elle aussi, met en œuvre le règlement no 549/2013 et la directive 2011/85).

21.

La modification législative de 2020 aurait entraîné un défaut absolu de compétence juridictionnelle, et donc une absence de protection, en ce qui concerne la détermination exacte des entités relevant du secteur S.13 (administrations publiques non territoriales) et donc les soldes des finances publiques, empêchant le SEC 2010 et la directive 2011/85 de produire leurs effets. Au moyen de la liste ISTAT, l’État italien détermine le champ d’application du SEC 2010, également aux fins du régime prévu à l’article 126 TFUE et dans le protocole no 12 sur le déficit excessif.

22.

Selon la Corte dei conti (cour des comptes), le principe de coopération loyale (article 4 TUE) a été enfreint et les entités qualifiées d’« administration publique » par l’ISTAT n’ont pas la possibilité de contester en justice cette qualification, en violation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

23.

Elle ajoute que, même si l’on considérait, comme le soutiennent l’ISTAT et le ministère de l’Économie et des Finances, que la nouvelle réglementation entraîne une extension de la compétence générale du juge administratif, des doutes subsistent quant au point de savoir si cette réglementation :

est contraire aux principes de protection juridictionnelle effective, d’effet utile et de sécurité juridique du droit de l’Union ( 17 );

porte atteinte aux principes d’équivalence des voies de recours et de l’État de droit (articles 2 et 19 TUE), compte tenu de la corrélation entre ces derniers et la protection des intérêts financiers de l’Union établie par le règlement (UE, Euratom) 2020/2092 ( 18 ).

24.

Dans ce contexte, la Corte dei conti (cour des comptes) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La règle de l’application directe du SEC 2010 et le principe de l’effet utile [du] règlement [no 549/2013] et de la directive 2011/85 s’opposent-ils à une législation nationale en vertu de laquelle la compétence du juge national sur l’application du SEC 2010 est limitée aux seules fins de la législation nationale en matière de limitation des dépenses publiques, et qui empêche le principal effet utile du régime de droit de l’Union, à savoir la vérification de la transparence et de la fiabilité des soldes budgétaires, qui permet de contrôler la trajectoire de convergence de l’Italie vers la réalisation de l’objectif budgétaire à moyen terme ?

2)

La règle de l’application directe du SEC 2010 et le principe de l’effet utile [du] règlement [no 549/2013] et de la directive 2011/85, pour ce qui concerne la séparation organisationnelle entre autorités budgétaires et organismes de contrôle, s’opposent-ils à une législation nationale en vertu de laquelle les effets des décisions rendues par le juge national compétent pour contrôler l’application du SEC 2010 sont limités aux seules fins de la législation nationale relative à la limitation des dépenses publiques, et qui empêche ainsi tout contrôle indépendant portant sur l’identification des entités qui concourent à former les comptes de l’administration publique italienne (telle qu’elle est définie aux fins du droit de l’Union), qui permet de contrôler la trajectoire de convergence de l’Italie vers la réalisation de l’objectif budgétaire à moyen terme ?

3)

Le principe de l’État de droit, sous la forme de l’effectivité de la protection juridictionnelle et de l’équivalence des voies de recours, s’oppose-t-il à une législation nationale :

a)

qui empêche tout contrôle juridictionnel sur l’application du SEC 2010 faite par l’ISTAT aux fins de la définition du secteur S.13 et, partant, sur l’exactitude, la transparence et la fiabilité des soldes budgétaires, qui permet de contrôler la trajectoire de convergence de l’Italie vers la réalisation de l’objectif budgétaire à moyen terme (violation du principe de l’effectivité de la protection juridictionnelle) ;

b)

qui, si la lecture de la règle qui est proposée par les administrations défenderesses devait être considérée comme exacte, le cas échéant du fait de l’intervention d’une loi d’interprétation authentique, impose à la requérante la charge d’introduire deux recours et, partant, l’expose au risque que des décisions contradictoires soient rendues concernant l’existence d’un statut relevant du droit de l’Union, ce qui rend de fait impossible la protection effective de son droit en temps utile, dans le délai qui lui est imparti pour exécuter les obligations qui découlent [de la décision lui attribuant ce statut litigieux] (c’est-à-dire la durée de l’exercice financier) et met à néant la sécurité juridique quant à l’existence du statut d’administration publique ;

c)

qui, toujours si la lecture de la règle qui est proposée par les administrations défenderesses devait être considérée comme exacte, le cas échéant du fait de l’intervention d’une loi d’interprétation authentique, prévoit que c’est un autre juge que celui auquel la Constitution italienne réserve la compétence juridictionnelle sur le droit budgétaire qui est appelé à statuer sur l’exactitude de la définition du budget ? »

III. La procédure devant la Cour

25.

Les demandes de décision préjudicielle ont été enregistrées à la Cour le 9 juin 2021. L’application de la procédure accélérée a été refusée.

26.

Des observations écrites ont été présentées par Ferrovienord, la FITRI, la Procura generale della Corte dei conti (ministère public près la cour des comptes), le gouvernement italien et la Commission européenne. Tous ont comparu à l’audience qui s’est tenue le 19 octobre 2022.

IV. Appréciation

A.   Observation liminaire

27.

Comme je l’ai indiqué, les questions préjudicielles portent sur la conformité au droit de l’Union d’une seule disposition du droit italien, l’article 23 quater, paragraphe 2, du décret-loi no 137/2020 (ci-après la « disposition litigieuse »).

28.

En vertu de cette disposition, le contrôle par la Corte dei conti (cour des comptes) des décisions de l’ISTAT relatives à la qualification des « unités institutionnelles » en tant qu’administrations publiques a lieu « aux seules fins de l’application de la réglementation nationale de limitation des dépenses publiques ». La partie mise en italique par mes soins a été ajoutée au code de justice comptable par le décret-loi no 137/2020.

29.

Le gouvernement italien estime que la juridiction de renvoi n’interprète pas correctement la disposition litigieuse lorsqu’elle affirme que cette dernière supprime le contrôle juridictionnel des décisions de l’ISTAT relatives à l’inscription d’entités sur la liste des administrations publiques.

30.

Selon lui, cette disposition se limite au contraire à renvoyer le contrôle aux juridictions administratives, la Corte dei conti (cour des comptes) conservant le contrôle juridictionnel des conséquences juridiques de l’inscription de ces unités institutionnelles sur la liste ISTAT.

31.

Dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour n’est pas compétente pour interpréter les règles de droit national. Il appartient au seul juge national de déterminer l’exacte portée des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales ( 19 ).

32.

Toutefois, la Cour peut interpréter les règles du droit de l’Union en donnant des réponses en fonction de l’une ou l’autre interprétation du droit national. C’est notamment le cas lorsque la juridiction de renvoi elle-même se fait l’écho, comme c’est le cas en l’espèce, des thèses des « administrations défenderesses » (c’est‑à‑dire du gouvernement italien) à titre d’hypothèse qui pourrait être retenue ( 20 ).

B.   Sur la recevabilité

1. Sur la qualité de juridiction

33.

Il est tout d’abord indispensable d’examiner si l’organe qui saisit la Cour de ces deux renvois préjudiciels est une « juridiction d’un État membre » au sens de l’article 267 TFUE.

34.

La Cour a déclaré irrecevables des demandes de décision préjudicielle formulées par des chambres régionales de contrôle de la cour des comptes italienne agissant en tant qu’autorités administratives ( 21 ) ou par la Corte dei conti (cour des comptes) dans le cadre de deux procédures de contrôle a posteriori de la gestion financière de diverses entités publiques ( 22 ).

35.

Toutefois, la Cour a répondu aux demandes de décision préjudicielle de la Corte dei conti (cour des comptes) dans l’arrêt FIG et FISE ( 23 ), sans remettre en cause la qualité de « juridiction » de cette dernière, dans des situations analogues à celle de l’espèce.

36.

Dans la présente affaire, la Corte dei conti (cour des comptes) est appelée à trancher un litige dans l’exercice des fonctions juridictionnelles que lui confère le droit italien, et non dans celui de ses fonctions de surveillance et de contrôle a posteriori. L’objet du litige porte précisément sur l’étendue de ses fonctions juridictionnelles après la limitation de celles‑ci imposée par l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020.

37.

Lors de l’audience, il a été précisé que la modification législative ne supprime pas la compétence juridictionnelle de la Corte dei conti (cour des comptes), mais la restreint seulement : si cette dernière ne peut désormais pas annuler les listes ISTAT avec effet erga omnes, elle peut ne pas les appliquer dans le cadre d’un litige spécifique, avec un effet uniquement pour l’entité requérante en ce qui concerne la réglementation nationale de limitation des dépenses publiques.

38.

En définitive, la Corte dei conti (cour des comptes) exerce des compétences juridictionnelles dans le cadre desquelles elle peut saisir la Cour à titre préjudiciel si elle est appelée à résoudre des litiges tels que ceux ayant donné lieu aux présents renvois préjudiciels.

2. L’irrecevabilité découlant d’une éventuelle interprétation incorrecte du droit national ?

39.

Sur le fondement des considérations exposées précédemment ( 24 ), le gouvernement italien conteste la recevabilité des première et deuxième questions préjudicielles ainsi que de la troisième question préjudicielle, sous a), au motif qu’elles reposent sur le « postulat erroné que, par l’effet de la modification introduite à l’article 11 du code de justice comptable, il ne serait plus possible de saisir aucun juge national pour contester le bien-fondé du secteur S.13 de la liste ISTAT ».

40.

Cette objection ne saurait être retenue :

d’une part, si les questions posées concernent, comme en l’espèce, l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer, puisqu’il existe une présomption de pertinence du renvoi préjudiciel ( 25 );

d’autre part, comme je l’ai expliqué, la réponse de la Cour aux doutes de la juridiction de renvoi doit partir de l’interprétation des règles nationales préconisée par cette dernière, sans préjudice de lui fournir des indications sur une autre lecture de ces règles, d’autant plus que la juridiction de renvoi admet elle-même la possibilité de retenir, le cas échéant, une telle lecture alternative.

41.

En résumé, la Cour peut apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi à l’aide des informations disponibles sur le droit italien, dans le cadre de l’interprétation du règlement no 549/2013, de la directive 2011/85 et du règlement no 473/2013.

C.   Sur la première question préjudicielle

42.

La juridiction de renvoi souhaite savoir si la disposition litigieuse est compatible avec l’application directe du règlement no 549/2013 ainsi qu’avec l’effet utile de ce règlement et de la directive 2011/85.

43.

Pour répondre à cette question, j’estime nécessaire d’examiner préalablement : a) le caractère obligatoire et l’éventuel effet direct des obligations des États membres de transmettre des données comptables à la Commission, prévues par le règlement no 549/2013, ainsi que b) le point de savoir si la directive 2011/85 impose des obligations uniquement aux autorités statistiques et aux gouvernements, mais non à d’autres entités publiques, et si elle établit des droits et des obligations à l’égard des particuliers et peut produire un effet direct.

44.

Quant à l’éventuel défaut de contrôle juridictionnel, que la Corte dei conti (cour des comptes) invoque également dans ces deux questions préjudicielles, je l’aborderai dans le cadre de l’analyse de la troisième question préjudicielle.

1. Sur la possibilité d’invoquer le règlement no 549/2013

45.

La discipline interdisant les déficits publics excessifs ( 26 ) est appliquée au moyen d’une procédure dans laquelle la Commission et le Conseil de l’Union européenne interviennent, où la situation budgétaire des États membres et le montant de leur dette publique sont surveillés.

46.

Pour mettre en œuvre cette surveillance, l’Union a besoin de statistiques fiables ( 27 ) sur la situation économique des États membres, notamment sur leur déficit public et leur dette publique.

47.

Les pouvoirs de la Commission aux fins de vérifier les données statistiques ont été renforcés par le règlement (CE) no 479/2009 ( 28 ), qui a concrétisé l’obligation des États membres de lui notifier leurs niveaux de déficit et de dette (article 3 du protocole no 12 sur le déficit excessif) et a conféré certains pouvoirs de contrôle à Eurostat ( 29 ) en ce qui concerne les données statistiques fournies par les États membres.

48.

La mise en œuvre de l’obligation de notification exige, en tant qu’élément d’homogénéité indispensable, d’utiliser une nomenclature uniforme et unique pour l’ensemble de l’Union. Actuellement, cette nomenclature est le SEC 2010, auquel le règlement no 479/2009 a été adapté.

49.

Le SEC 2010 est, en principe, applicable à tous les actes de l’Union où il est fait référence au SEC ou à ses définitions. Toutefois, aucun État membre n’est obligé d’utiliser le SEC 2010 pour élaborer des comptes pour ses propres besoins (article 1er, paragraphes 3 et 4, du règlement no 549/2013).

50.

En vertu du règlement no 549/2013, les États membres doivent transmettre à la Commission (Eurostat) les comptes et tableaux qui figurent à l’annexe B dans les délais prescrits pour chaque tableau (article 3, paragraphe 1) et Eurostat évalue la qualité des données transmises (article 4, paragraphe 4).

51.

Ainsi que l’a indiqué la Cour, « le SEC 2010 établit un cadre de référence destiné, pour les besoins tant des citoyens de l’Union que de l’Union elle-même, à l’élaboration des comptes des États membres. Cette élaboration doit s’effectuer sur la base de principes uniques et non diversement interprétables, de manière à permettre l’obtention de résultats comparables » ( 30 ).

52.

En particulier, les États membres doivent déterminer le secteur S.13 (administrations publiques) conformément à l’annexe A, point 2.111, du SEC 2010 ( 31 ), en le subdivisant en quatre sous-secteurs, dans lesquels s’inscriront les unités institutionnelles correspondantes. Ils doivent collecter les données comptables de ces entités et les préparer conformément à la méthodologie du SEC 2010 afin de les transmettre à la Commission.

53.

Afin de garantir l’application correcte du SEC 2010 au secteur S.13, les règles de l’Union prévoient divers mécanismes de contrôle opérant dans les relations entre Eurostat et les États membres (notamment leurs instituts nationaux de statistique) :

la procédure consultative entre la Commission (Eurostat) et les États membres (article 2, paragraphe 3, du règlement no 549/2013 et article 10 du règlement no 479/2009) ;

le mécanisme de dialogue permanent entre Eurostat et les instituts nationaux de statistique (articles 11, 11 bis et 11 ter du règlement no 479/2009) ;

la publication des données statistiques nationales avec réserves (article 15 du règlement no 479/2009). Le cas échéant, Eurostat peut modifier les données notifiées par l’État membre et publier les données modifiées, si les premières ne sont pas établies conformément à ce règlement ;

la procédure de sanction en cas de manipulation des statistiques (article 8 du règlement no 1173/2011).

54.

La Commission affirme ( 32 ) que ces mécanismes de contrôle garantissent le classement correct des unités institutionnelles dans le secteur S.13 et permettent à Eurostat d’assurer que les États membres remplissent leur obligation de collecter et de transmettre des données comptables conformes au SEC 2010 et d’une qualité suffisante.

55.

Par conséquent, ajoute la Commission,

– dans l’hypothèse où les autorités nationales classeraient incorrectement une unité institutionnelle dans le secteur des administrations publiques, Eurostat pourrait corriger l’erreur et publier les données correctes ;

– le règlement no 549/2013 se limite à imposer des obligations de communication de données statistiques aux autorités nationales, notamment aux instituts nationaux de statistique, mais pas aux particuliers.

56.

La Commission déduit de ces prémisses que le règlement no 549/2013 ne peut pas être invoqué directement par les particuliers. Les unités institutionnelles (telles que Ferrovienord et la FITRI) qui estiment que c’est à tort que l’ISTAT les a inscrites dans le secteur S.13 ne pourraient donc pas former de recours contre les décisions de cet institut en invoquant leur incompatibilité avec le règlement no 549/2013. Elles ne pourraient faire valoir que la violation des règles italiennes.

57.

La position de la Commission ne me convainc pas.

58.

En premier lieu, le règlement no 549/2013 est en tout état de cause applicable dans des litiges tels que ceux ayant donné lieu aux présents renvois préjudiciels, soit directement, soit par renvoi inconditionnel du droit italien. La Cour est compétente pour interpréter ce règlement, même dans des situations purement internes, lorsque « les dispositions de ce droit [de l’Union] ont été rendues applicables par la législation nationale, laquelle s’est conformée, pour les solutions apportées à des situations dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, à celles retenues par le droit de l’Union » ( 33 ).

59.

La juridiction de renvoi explique suffisamment l’application de la réglementation en matière de statistiques de l’Union aux relations entre les autorités italiennes et les entités nationales en raison du renvoi effectué par le droit italien.

60.

Dans les litiges ayant donné lieu aux deux présents renvois préjudiciels, l’ISTAT a qualifié Ferrovienord et la FITRI d’« administrations publiques » et les a inscrites sur la liste ISTAT 2020. Ce faisant, elle a appliqué certaines dispositions du règlement no 549/2013 et cette inscription a entraîné des conséquences juridiques pour ces entités.

61.

En second lieu, il convient de distinguer deux hypothèses qui aboutissent pourtant au même résultat :

si Ferrovienord et la FITRI étaient des entités privées (des particuliers, aux fins de l’invocation du règlement no 549/2013), ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, elles pourraient invoquer l’effet direct de ce règlement à l’encontre de l’ISTAT, qui est clairement une autorité de l’État italien. Il s’agirait d’une relation verticale dans laquelle un particulier invoque un règlement de l’Union à l’encontre d’une entité publique ;

si la juridiction de renvoi considérait que Ferrovienord et la FITRI sont des entités publiques, puisque le règlement no 549/2013 est obligatoire dans tous ses éléments pour l’État italien et que l’ensemble des entités publiques de ce dernier doivent s’y conformer, une unité institutionnelle du secteur public ayant qualité pour contester en justice une décision de l’ISTAT pourrait l’invoquer dans le cadre d’un litige l’opposant à ce dernier.

62.

Lorsque l’ISTAT, en sa qualité d’autorité italienne en matière de statistiques, détermine les entités à inscrire dans le secteur S.13, il applique la nomenclature du SEC 2010 et, partant, le règlement no 549/2013.

63.

Les entités destinataires de ces décisions de l’ISTAT, auxquelles le règlement no 549/2013 s’applique, peuvent, si le droit national leur donne qualité à cette fin, les contester devant les juridictions nationales, si elles estiment que c’est à tort que l’ISTAT les a adoptées.

64.

En d’autres termes, les unités institutionnelles ayant qualité pour saisir leurs juridictions nationales peuvent invoquer les règles du règlement no 549/2013 afin de faire valoir que l’ISTAT a procédé à une application inappropriée du SEC 2010.

65.

En définitive, lors de l’introduction des recours contre les décisions de l’ISTAT, il sera possible d’invoquer le règlement no 549/2013, que la juridiction de renvoi ait qualifié Ferrovienord et la FITRI d’« entités privées » ou d’« entités publiques ».

66.

La Cour a implicitement admis l’applicabilité et l’effet direct du règlement no 549/2013 dans des litiges portant sur le bien-fondé de la qualification, d’une manière ou d’une autre, de diverses entités dans les chapitres respectifs de l’annexe A de ce règlement :

l’affaire tranchée par l’arrêt FIG et FISE ( 34 ) portait sur le point de savoir si le comité olympique italien exerçait ou non un contrôle public sur les fédérations italiennes de golf et de sports équestres. Personne n’a contesté la possibilité d’invocation directe ni le caractère obligatoire des dispositions du règlement no 549/2013, et les deux fédérations sportives ont pu attaquer en justice, dans les litiges au principal, leur qualification en tant qu’« administrations publiques » sur la liste ISTAT ;

dans l’affaire ayant abouti à l’arrêt Fonds du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale ( 35 ), ce fonds a contesté son classement par l’autorité comptable belge dans le secteur des administrations publiques au titre du SEC 2010. Afin de trancher le litige, le caractère obligatoire et l’effet direct du règlement no 549/2013 ont été acceptés implicitement et sans discussion ;

il en a été de même dans l’affaire ayant donné lieu au récent arrêt SeGEC e.a. ( 36 ), dans lequel des associations d’enseignement en Belgique contestaient leur classement en tant qu’administrations publiques.

67.

Les entités (unités institutionnelles) d’un État membre, et pas seulement leurs autorités statistiques, sont concernées par l’application que ces dernières font des règles du SEC 2010 ( 37 ). Tant la juridiction de renvoi que le gouvernement italien ( 38 ) reconnaissent que l’inscription sur la liste ISTAT 2020 implique que la personne morale concernée doit se conformer aux règles nationales visant à limiter les dépenses publiques.

68.

Le SEC 2010 régit certes les statistiques des administrations publiques, mais il tient également compte de l’activité économique des particuliers, sur la situation juridique desquels les qualifications de l’ISTAT peuvent avoir une incidence.

69.

Par conséquent, toute unité institutionnelle privée peut invoquer directement les points pertinents de la nomenclature SEC 2010 afin qu’un juge national détermine si, en qualifiant cette unité d’une manière ou d’une autre, les autorités nationales ont appliqué ces points correctement. De même, une entité publique peut faire valoir le caractère obligatoire des dispositions du règlement no 549/2013 dans un litige l’opposant à l’ISTAT, si le droit national lui permet d’ester en justice contre celui-ci ( 39 ).

70.

Cela n’est pas infirmé par le fait que, conformément à l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 549/2013, les États membres peuvent utiliser une nomenclature statistique autre que le SEC 2010 pour « élaborer des comptes pour [leurs] propres besoins ». S’ils font usage de cette possibilité, leurs autorités statistiques devront ensuite reformuler les données collectées pour les soumettre à la Commission conformément au SEC 2010.

71.

L’ISTAT doit établir la liste du secteur S.13 en appliquant la nomenclature du règlement no 549/2013. Si une entité est qualifiée d’« unité institutionnelle » de ce secteur, elle doit fournir à l’ISTAT ses données économiques conformément à la nomenclature déterminée par l’État. Comme je l’ai indiqué, l’Italie a étendu l’utilisation de la nomenclature du SEC 2010 aux unités institutionnelles de son administration publique ( 40 ). Cette extension plaide en faveur de l’application directe du règlement no 549/2013 par l’ISTAT aux fins de qualifier des entités telles que Ferrovienord ou la FITRI d’« administration publique » ( 41 ).

2. Sur la possibilité d’invoquer la directive 2011/85

72.

Pour ce qui importe ici, la directive 2011/85 :

« énonce des règles détaillées relatives aux caractéristiques des cadres budgétaires des États membres. Ces règles sont nécessaires pour garantir le respect, par les États membres, des obligations qui leur incombent en vertu du traité [FUE] pour ce qui est d’éviter des déficits publics excessifs » (article 1er) ;

fait siennes les définitions du SEC 2010 relatives à l’administration publique et à ses différents sous-secteurs, afin de les utiliser dans le contexte des cadres budgétaires des États membres (article 2) ( 42 );

spécifie que « les États membres disposent de systèmes de comptabilité publique couvrant de manière exhaustive et cohérente tous les sous-secteurs des administrations publiques et contenant les informations nécessaires à la production de données fondées sur les droits constatés en vue de la préparation de données établies sur la base [du SEC 2010]. Les systèmes de comptabilité publique sont soumis à un contrôle interne et à un audit indépendant » (article 3).

73.

Le cadre budgétaire à moyen terme ainsi que les prévisions et les règles budgétaires chiffrées régies par la directive 2011/85 sont établis par les autorités nationales des États membres afin d’être communiqués à la Commission et concernent essentiellement les instituts statistiques et les ministères de l’Économie. Je ne trouve pas dans cette directive de règles s’adressant à d’autres entités publiques ou pouvant avoir une incidence directe sur la situation juridique des particuliers.

74.

Par conséquent, la directive 2011/85 ne contient pas de dispositions susceptibles d’avoir un effet direct et de conférer des droits et obligations aux particuliers ou à des entités publiques autres que les autorités statistiques ou les ministères de l’Économie.

75.

Cela n’empêche pas que les règles italiennes adoptées aux fins de la transposition en droit national des obligations imposées par la directive 2011/85 aient pu prévoir des mesures supplémentaires autres que les dispositions de la directive. C’est aux juridictions nationales qu’il appartient, le cas échéant, d’interpréter et d’appliquer ces règles supplémentaires figurant dans les dispositions nationales de mise en œuvre de la directive 2011/85.

3. Conclusion intermédiaire

76.

En résumé, j’estime que :

le règlement no 549/2013 peut être invoqué par une unité institutionnelle (entité publique ou privée) en ce qui concerne son inscription par l’ISTAT dans le secteur S.13 (administrations publiques) du SEC 2010 ;

la directive 2011/85, en ce qu’elle régit uniquement les relations des autorités nationales en matière de statistiques et de planification économique avec les institutions de l’Union, sans contenir de dispositions applicables à un autre type d’entités publiques ou privées, ne peut pas être invoquée par ces dernières.

D.   Sur la deuxième question préjudicielle

77.

La Corte dei conti (cour des comptes) souhaite savoir si la limitation de son contrôle juridictionnel sur la liste ISTAT 2020 est compatible avec la directive 2011/85 et avec le règlement no 473/2013. Selon elle, la disposition litigieuse démantèle le contrôle indépendant sur les autorités budgétaires prévu par ces règles de l’Union et l’empêche de procéder au contrôle de l’application des règles budgétaires.

78.

La directive 2011/85 impose aux États membres :

d’adopter des cadres budgétaires comprenant, entre autres, des « mesures destinées à assurer un suivi et une analyse indépendants en vue d’accroître la transparence de certains éléments du processus budgétaire » [article 2, sous f)] ;

de disposer de « systèmes de comptabilité publique [...] soumis à un contrôle interne et à un audit indépendant » (article 3, paragraphe 1, in fine) ;

de disposer de « règles budgétaires chiffrées spécifiques à chaque pays [qui] précisent [...] le suivi efficace et en temps utile du respect des règles, sur la base d’analyses fiables et indépendantes réalisées par des organismes indépendants ou jouissant d’une autonomie fonctionnelle à l’égard des autorités budgétaires des États membres » [article 6, paragraphe 1, sous b)].

79.

En ce qui concerne le règlement no 473/2013, l’article 2, paragraphe 1, sous a), et l’article 5 prévoient l’obligation pour les États membres de disposer d’organismes indépendants de l’autorité budgétaire afin de garantir le suivi efficace du respect des règles budgétaires de l’Union. Ces organismes nationaux indépendants doivent également intervenir dans l’élaboration des prévisions budgétaires [article 2, paragraphe 1, sous b)].

80.

La directive 2011/85 et le règlement no 473/2013 laissent les États membres libres de déterminer les organismes indépendants qui surveilleront le respect effectif des règles budgétaires de l’Union.

81.

Le considérant 3 de la directive 2011/85 mentionne la possibilité que des audits indépendants soient menés par des institutions publiques telles que les cours des comptes ( 43 ). Rien n’empêche toutefois un État membre d’opter pour un autre type d’entités ou de répartir cette tâche entre sa cour des comptes et d’autres organismes. Cela découle également du considérant 17 du règlement no 473/2013 ( 44 ).

82.

Sous réserve de la lecture des règles nationales par les juridictions italiennes, tout semble indiquer que, en Italie, les fonctions litigieuses sont exercées par la Corte dei conti (cour des comptes) et par l’Ufficio Parlamentare di Bilancio (office parlementaire du budget, Italie) ( 45 ).

83.

La directive 2011/85 et le règlement no 473/2013 n’exigent la création d’organismes indépendants de contrôle qu’en ce qui concerne le contrôle du respect des règles budgétaires de l’Union.

84.

Toutefois, ni ces règles de l’Union ni le règlement no 549/2013 n’imposent aux États membres l’obligation de disposer d’organismes indépendants aux fins de la préparation des données statistiques devant être communiquées à la Commission (Eurostat). Cette tâche est assumée, comme je l’ai expliqué, par les instituts nationaux de statistique, dont l’indépendance n’est requise par aucune règle de l’Union.

85.

En somme, la directive 2011/85 et le règlement no 473/2013 laissent les États membres libres de limiter l’intervention de leurs cours des comptes en ce qui concerne l’application du SEC 2010 aux administrations publiques et de confier cette tâche, en tout ou en partie, à un autre organisme indépendant.

E.   Sur la troisième question préjudicielle

86.

La Corte dei conti (cour des comptes) souhaite savoir si « [l]e principe de l’État de droit, sous la forme de l’effectivité de la protection juridictionnelle et de l’équivalence des voies de recours », s’oppose à la disposition litigieuse.

87.

Il ressort des éléments du dossier, des observations des parties et des réponses aux questions posées lors de l’audience que les juridictions administratives ont contrôlé les décisions de l’ISTAT relatives à la désignation des administrations publiques en application du SEC 95 (prédécesseur du SEC 2010) jusqu’à ce que la legge n. 228 ( 46 ) attribue cette compétence à la Corte dei conti (cour des comptes).

88.

La loi no 228, du 24 décembre 2012, a ajouté un paragraphe 6 à l’article 11 du code de justice comptable, libellé comme suit : « Les chambres réunies [de la Corte dei conti (cour des comptes)] siégeant en formation spéciale statuent en premier et dernier ressort, dans l’exercice de leur compétence exclusive en matière de comptabilité publique, sur les recours [...] relatifs à la désignation des administrations publiques effectuée par l’ISTAT ».

89.

Une nouvelle norme (le décret-loi no 137/2020, confirmé par la loi no 176/2020) a inséré à la fin de cette disposition la phrase « aux seules fins de l’application de la réglementation nationale de limitation des dépenses publiques ».

90.

Selon la juridiction de renvoi, la disposition litigieuse :

« empêche tout contrôle juridictionnel sur l’application du SEC 2010 faite par l’ISTAT aux fins de la définition du secteur S.13 » ;

impose à la requérante la charge d’introduire deux recours, rendant de fait impossible la protection effective de son droit en temps utile et compromettant la sécurité juridique quant à l’existence du statut d’administration publique ;

a pour effet (dans l’hypothèse où la thèse défendue par l’ISTAT et le ministère de l’Économie et des Finances serait correcte) que « c’est un autre juge que celui auquel la Constitution italienne réserve la compétence juridictionnelle sur le droit budgétaire qui est appelé à statuer sur l’exactitude de la définition du budget ».

91.

Le gouvernement italien affirme en revanche que la limitation de la compétence de la Corte dei conti (cour des comptes) pour contrôler les décisions de l’ISTAT relatives à la désignation des administrations publiques n’entraîne que l’attribution (déplacement) de cette compétence aux juridictions administratives. Il y a donc un retour à la situation antérieure à 2012 et il n’y aurait aucun défaut de protection juridictionnelle effective des droits conférés par les règles de l’Union.

92.

La Cour ne saurait intervenir dans le débat sur la portée de la modification législative de 2020, qu’il appartient aux juridictions italiennes compétentes de trancher. Elle pourrait encore moins entrer dans la polémique sur le point de savoir si cette modification est ou non contraire à la Constitution italienne. Elle peut toutefois déterminer si l’une ou l’autre interprétation porte atteinte au droit de l’Union.

93.

L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE impose aux États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer aux justiciables, dans les domaines couverts par le droit de l’Union, le respect de leur droit à une protection juridictionnelle effective ( 47 ), consacré à l’article 47 de la Charte.

94.

En toute logique, cet article ne peut être activé que dans les termes de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte. En l’espèce, le droit de l’Union applicable est le règlement no 549/2013, comme je l’ai analysé. Étant donné qu’il s’agit d’une situation juridique régie, du point de vue matériel, par le droit de l’Union, que les autorités italiennes doivent appliquer, les dispositions de la Charte sont applicables.

95.

Cela étant, ni ce règlement ni aucune autre norme de l’Union ne précisent quelles juridictions nationales doivent, concrètement, assurer la protection juridictionnelle effective. Les (libres) choix de chaque État membre à cet égard doivent toutefois respecter les principes d’équivalence et d’effectivité ( 48 ).

96.

Dans ce contexte, il convient d’examiner les deux hypothèses envisagées par la juridiction de renvoi elle-même.

97.

Si la législation nationale avait uniquement confié à l’une de ses juridictions, en remplacement d’une autre, la compétence pour assurer la protection juridictionnelle effective des droits conférés par le droit de l’Union, elle n’aurait violé ni l’article 47 de la Charte ni l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.

98.

En effet, lorsqu’un État membre choisit de confier le contrôle juridictionnel des décisions de mise en œuvre du SEC 2010 soit à sa cour des comptes, soit à ses juridictions administratives, il exerce son autonomie procédurale dans un domaine où le droit de l’Union n’impose ni n’interdit l’une ou l’autre solution. Pour autant qu’il respecte les principes d’équivalence et d’effectivité, ce choix ne porte pas atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective.

99.

En revanche, si la modification législative de 2020 entraînait la disparition absolue du contrôle juridictionnel des décisions de l’ISTAT relatives à l’inscription d’unités institutionnelles dans le secteur S.13 du SEC 2010, il y aurait une lacune dans la protection juridictionnelle effective relative à l’application du règlement no 549/2013. Ces unités institutionnelles ne pourraient, dans une telle hypothèse, saisir aucun juge aux fins du contrôle des mesures prises de l’ISTAT en application de ce règlement.

100.

Lors de l’audience, la plupart des parties et des intervenants ont fait valoir que la modification législative avait uniquement changé la modalité de protection juridictionnelle à la disposition des entités inscrites sur la liste ISTAT 2020. Depuis 2020, les juridictions administratives sont compétentes pour se prononcer directement sur la validité des décisions de l’ISTAT inscrivant des unités institutionnelles dans le secteur S.13 ( 49 ).

101.

La juridiction de renvoi reste en tout état de cause compétente pour se prononcer sur la désignation des entités classées par l’ISTAT, même si ce n’est qu’aux fins de l’application de la réglementation nationale de limitation des dépenses publiques. Le gouvernement italien soutient que, dans le cadre de cette compétence, la Corte dei conti (cour des comptes) pourrait se prononcer par voie incidente sur la validité des décisions de l’ISTAT, en écartant le cas échéant leur application ( 50 ).

102.

Cette double possibilité de contestation en justice est-elle conforme aux principes d’équivalence et d’effectivité ?

103.

Le principe d’équivalence pourrait être affecté si, dans des cas similaires, le droit procédural national prévoyait uniquement des recours directs. Toutefois, le gouvernement italien a fait part, lors de l’audience, de l’existence de recours incidents similaires prévus par sa législation (par exemple en matière fiscale) ( 51 ). Par conséquent, il ne semble pas que le principe d’équivalence soit affecté.

104.

En ce qui concerne le principe d’effectivité, je rappelle que, selon la Cour,

– « le droit de l’Union ne contraint pas, en principe, les États membres à instituer devant leurs juridictions nationales, en vue d’assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, des voies de droit autres que celles établies par le droit national » ( 52 ) ;

– « [i]l en va toutefois autrement s’il ressort de l’économie de l’ordre juridique national en cause qu’il n’existe aucune voie de recours juridictionnelle permettant, ne fût-ce que de manière incidente, d’assurer le respect des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, ou encore si la seule voie d’accès à un juge est pour les justiciables de se voir contraints d’enfreindre le droit » ( 53 ).

105.

La juridiction de renvoi critique la disposition litigieuse au motif qu’elle imposerait la charge d’introduire deux recours [l’un devant les juridictions administratives et l’autre devant la Corte dei conti (cour des comptes)]. La duplication pourrait conduire à des jugements contradictoires, portant atteinte au principe de sécurité juridique.

106.

Comme le gouvernement italien l’a indiqué lors de l’audience, les entités inscrites sur la liste ISTAT 2020 qui souhaitent contester leur qualification d’« administration publique » ne sont pas tenues d’introduire un double recours. Elles disposent de la voie procédurale qu’elles préfèrent, en fonction de leurs intérêts :

devant les juridictions administratives, elles peuvent demander et obtenir l’annulation erga omnes de la décision de l’ISTAT ;

devant la Corte dei conti (cour des comptes), elles peuvent contester les conséquences (s’agissant des mesures de limitation des dépenses publiques) de leur classement en tant qu’administration publique sur la liste ISTAT et obtenir, le cas échéant, bien qu’incidenter tantum, la non‑application de ce classement.

107.

Si la situation ainsi décrite correspond à la réalité (ce qu’il appartiendra au juge a quo de déterminer), je ne considère pas qu’elle prive d’effectivité le système de voies de recours mis en place après l’adoption de la disposition litigieuse. Les unités institutionnelles concernées peuvent obtenir, dans l’ordre juridique italien, une protection juridictionnelle effective, à tout le moins à titre incident, ce qui semble compatible avec le standard requis par le droit de l’Union, puisqu’elles ne sont en tout état de cause pas tenues d’introduire deux recours pour satisfaire leurs demandes.

108.

Il est vrai que le système ainsi conçu ne garantit pas, en tant que tel, l’absence de jugements contradictoires, dont la coexistence porterait atteinte à la sécurité juridique. Il appartient toutefois à l’ordre procédural italien de prévoir, s’il ne l’a pas déjà fait, les mécanismes appropriés pour trancher ces éventuels conflits entre juridictions nationales. La simple possibilité que de tels conflits surviennent ne me semble cependant pas suffisante pour affirmer qu’un tel système est contraire à l’article 47 de la Charte.

V. Conclusion

109.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la Corte dei conti (cour des comptes, Italie) dans les termes suivants :

1)

Le règlement (UE) no 549/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne (SEC 2010) est contraignant et produit un effet direct, de sorte qu’il peut être invoqué par une unité institutionnelle (entité publique ou privée) en ce qui concerne l’inscription de cette dernière, par l’institut national de statistique, dans le secteur S.13 (administrations publiques) du SEC 2010.

La directive 2011/85/UE du Conseil, du 8 novembre 2011, sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres régit uniquement les relations des autorités nationales en matière de statistiques et de planification budgétaire avec les institutions de l’Union et ne contient pas de dispositions applicables à un autre type d’entités publiques ou privées, de sorte qu’elle ne produit pas d’effet direct à l’égard de celles-ci.

2)

La directive 2011/85 et le règlement (UE) no 473/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro laissent les États membres libres de déterminer les organismes indépendants devant surveiller le respect effectif des règles budgétaires de l’Union.

3)

Une législation nationale qui réduit à une procédure incidente le contrôle juridictionnel, par la cour des comptes nationale, de la liste, établie par un institut national de statistiques, des unités institutionnelles qualifiées d’« administrations publiques » en application du SEC 2010 et qui attribue le contrôle juridictionnel direct de cette décision aux juridictions administratives ne porte pas atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.


( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) La jurisprudence de la Cour en la matière est encore rare et à ses débuts ; y figure notamment l’arrêt du 11 septembre 2019, FIG et FISE (C‑612/17 et C‑613/17, ci‑après l’ arrêt FIG et FISE , EU:C:2019:705).

( 3 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne (JO 2013, L 174, p. 1).

( 4 ) Directive du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres (JO 2011, L 306, p. 41).

( 5 ) Ci-après le « protocole no 12 sur le déficit excessif ».

( 6 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro (JO 2013, L 140, p. 11).

( 7 ) Legge n. 196 – Legge di contabilità e finanza pubblica (loi no 196 – loi comptable et de finance publique), du 31 décembre 2009 (GURI no 303, du 31 décembre 2009 – supplément ordinaire no 245) (ci-après la « loi no 196/2009 »).

( 8 ) Legge n. 243 – Disposizioni per l’attuazione del principio del pareggio di bilancio ai sensi dell’articolo 81, sesto comma, della Costituzione (loi no 243 – dispositions pour la mise en œuvre du principe de l’équilibre budgétaire, adoptées en vertu de l’article 81, sixième alinéa, de la Constitution), du 24 décembre 2012 (GURI no 12, du 15 janvier 2013) (ci-après la « loi no 243/2012 »).

( 9 ) Legge n. 161 – Disposizioni per l’adempimento degli obblighi derivanti dall’appartenenza dell’Italia all’Unione europea – Legge europea 2013-bis (loi no 161 – dispositions destinées à l’exécution des obligations découlant de l’appartenance de l’Italie à l’Union européenne – loi européenne 2013 bis), du 30 octobre 2014 (GURI no 261, du 10 novembre 2014, supplément ordinaire no 83).

( 10 ) Decreto legislativo n. 174 – Codice di giustizia contabile, adottato ai sensi dell’articolo 20 della legge 7 agosto 2015, n. 124 (décret législatif no 174 – code de justice comptable, adopté en vertu de l’article 20 de la loi no 124 du 7 août 2015), du 26 août 2016 (GURI no 209, du 7 septembre 2016, supplément ordinaire no 41) (ci-après le « code de justice comptable »).

( 11 ) Decreto-legge n. 137 – Ulteriori misure urgenti in materia di tutela della salute, sostegno ai lavoratori e alle imprese, giustizia e sicurezza, connesse all’emergenza epidemiologica da COVID-19 (décret-loi no 137 – autres mesures urgentes en matière de protection de la santé, de soutien aux travailleurs et aux entreprises, de justice et de sécurité, liées à la crise épidémiologique de la COVID-19), du 28 octobre 2020 (GURI no 269, du 28 octobre 2020) (ci‑après le « décret-loi no 137/2020 »), devenu, après modifications, la legge n. 176 (loi no 176), du 18 décembre 2020 (GURI no 319, du 24 décembre 2020, supplément ordinaire no 43) (ci‑après la « loi no 176/2020 »).

( 12 ) Mise en italique par mes soins.

( 13 ) Cette liste est établie tous les ans par l’ISTAT conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de la loi no 196/2009, en application du règlement no 549/2013.

( 14 ) Cette demande n’a pas été acceptée.

( 15 ) La juridiction de renvoi indique que la même modification avait été introduite par l’article 5, paragraphe 2, d’un autre décret-loi [le decreto-legge n. 154 (décret-loi no 154), du 23 novembre 2020]. Cet article a été abrogé par la loi no 176/2020 convertissant en loi le décret‑loi no 137/2020, dont l’article 23 quater reproduit toutefois le contenu de cette modification.

( 16 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro (JO 2011, L 306, p. 1).

( 17 ) Selon elle, si les deux juridictions (la comptable et l’administrative) doivent contrôler l’application correcte du SEC 2010 à l’égard de la même entité, il y a un risque que des décisions contradictoires soient rendues sur la même demande et sur la détermination exacte des entités relevant du secteur S.13, ce qui diminue l’efficacité du droit de l’Union.

( 18 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (JO 2020, L 433 I, p. 1).

( 19 ) Arrêts du 4 mars 2020, Schenker (C‑655/18, EU:C:2020:157, point 19 et jurisprudence citée), ainsi que du 28 avril 2022, SeGEC e.a. (C‑277/21, EU:C:2022:318, point 21).

( 20 ) Troisième question préjudicielle, sous b) et c).

( 21 ) Ordonnance du 4 octobre 2021, Comune di Camerota (C‑161/21, non publiée, EU:C:2021:833).

( 22 ) Ordonnances du 26 novembre 1999, RAI (C‑440/98, EU:C:1999:590, point 14), et du 26 novembre 1999, ANAS (C‑192/98, EU:C:1999:589, point 23).

( 23 ) Les litiges au principal concernaient l’inscription, pour l’année 2017, de deux entités (la Federazione Italiana Golf et la Federazione Italiana Sport Equestri) sur la liste des administrations publiques relevant du compte de résultat consolidé des pouvoirs publics, établie par l’ISTAT.

( 24 ) Points 30 et suiv. des présentes conclusions.

( 25 ) Arrêts du 25 novembre 2021, job-medium (C‑233/20, EU:C:2021:960, point 17), et du 17 mars 2022, Daimler (C‑232/20, EU:C:2022:196, point 44).

( 26 ) En principe, les États membres ne doivent pas enregistrer un déficit public supérieur à 3 % de leur produit intérieur brut (PIB) ni émettre une dette publique supérieure à 60 % de leur PIB (article 126 TFUE et protocole no 12 sur le déficit excessif).

( 27 ) La règle générale de l’Union en matière de statistique est le règlement (CE) no 223/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2009, relatif aux statistiques européennes et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1101/2008 relatif à la transmission à l’Office statistique des Communautés européennes d’informations statistiques couvertes par le secret, le règlement (CE) no 322/97 du Conseil relatif à la statistique communautaire et la décision 89/382/CEE, Euratom du Conseil instituant un comité du programme statistique des Communautés européennes (JO 2009, L 87, p. 164). Ce règlement prévoit que le système statistique européen est le partenariat entre l’autorité statistique de l’Union, c’est-à-dire la Commission (Eurostat), et les instituts nationaux de statistique ainsi que les autres autorités nationales responsables dans chaque État membre du développement, de la production et de la diffusion de statistiques européennes.

( 28 ) Règlement du Conseil du 25 mai 2009 relatif à l’application du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité instituant la Communauté européenne (JO 2009, L 145, p. 1).

( 29 ) Eurostat exerce, au nom de la Commission, le rôle d’autorité statistique conformément à la décision 97/281/CE de la Commission, du 21 avril 1997, concernant le rôle d’Eurostat en matière de production de statistiques communautaires (JO 1997, L 112, p. 56). Eurostat a la responsabilité, également au nom de la Commission, d’évaluer la qualité des données et de fournir les données statistiques à utiliser dans le contexte de la procédure concernant les déficits excessifs.

( 30 ) Arrêts FIG et FISE (point 32) ; du 3 octobre 2019, Fonds du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale (C‑632/18, EU:C:2019:833, point 32), et du 28 avril 2022, SeGEC e.a. (C‑277/21, EU:C:2022:318, point 23).

( 31 ) Reproduit au point 4 des présentes conclusions.

( 32 ) Observations écrites de la Commission, point 29.

( 33 ) Voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 1990, Dzodzi (C‑297/88 et C‑197/89, EU:C:1990:360, points 36, 37 et 41) ; du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874, point 53), et du 27 juin 2018, SGI et Valériane (C‑459/17 et C‑460/17, EU:C:2018:501, point 28).

( 34 ) La méthodologie de classification résulte notamment de la lecture combinée des points 1.35, 2.34, 2.130, 3.31, 20.05, 20.13 et 20.17 de l’annexe A du règlement no 549/2013. La notion générale de « contrôle » est définie de manière similaire aux points 1.36, 20.15, 20.18, 20.306 et 20.309 de l’annexe A de ce règlement.

( 35 ) Arrêt du 3 octobre 2019 (C‑632/18, EU:C:2019:833).

( 36 ) Arrêt du 28 avril 2022 (C‑277/21, EU:C:2022:318).

( 37 ) Arrêt FIG et FISE, point 32 : « Ainsi qu’il ressort des considérants 1 et 3 ainsi que de l’annexe A, points 1.01 et 1.19, du règlement no 549/2013, le SEC 2010 établit un cadre de référence destiné, pour les besoins tant des citoyens de l’Union que de l’Union elle-même, à l’élaboration des comptes des États membres » (mise en italique par mes soins).

( 38 ) Observations écrites du gouvernement italien, points 13 et 14, qui soulignent que l’entité inscrite sur la liste ISTAT 2020 ne peut, par exemple, pas accorder à ses employés certains avantages sociaux ou est soumise à des restrictions sur l’achat et la vente de certains biens.

( 39 ) Dans certains États membres, les litiges entre administrations ou institutions publiques doivent nécessairement être réglés par des voies autres que juridictionnelles.

( 40 ) La Commission a indiqué que des États membres ont établi des règles similaires aux règles italiennes, imposant la nomenclature du SEC 2010 afin de fournir des données à leurs instituts statistiques, tandis que d’autres utilisent des nomenclatures différentes.

( 41 ) Voir points 39 à 41 des présentes conclusions.

( 42 ) Les cadres budgétaires comprennent notamment les systèmes de comptabilité budgétaire et d’information statistique ; les règles et les procédures régissant l’établissement des prévisions aux fins de la programmation budgétaire ; les règles budgétaires chiffrées spécifiques à chaque pays ; les procédures budgétaires ; le cadre budgétaire à moyen terme ; les mesures destinées à assurer un suivi et une analyse indépendants en vue d’accroître la transparence de certains éléments du processus budgétaire, et les mécanismes et les règles régissant les relations budgétaires entre les pouvoirs publics des différents sous-secteurs des administrations publiques.

( 43 )

( 44 )

( 45 ) Le chapitre VII de la loi no 243/2012 régit les fonctions de cet organe indépendant chargé de l’analyse et du suivi de l’évolution des finances publiques ainsi que de la vérification du respect des règles budgétaires.

( 46 ) Legge n. 228 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (Legge di stabilità 2013) [loi no 228 – dispositions pour la formation du budget annuel et pluriannuel de l’État (loi de stabilité 2013)], du 24 décembre 2012 (GURI no 302, du 29 décembre 2012, supplément ordinaire no 212).

( 47 ) Arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 32 et jurisprudence citée).

( 48 ) « [S]ous réserve de l’existence de règles de l’Union en la matière, il appartient, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des voies de recours [...], à condition, toutefois, que ces modalités ne soient pas, dans les situations relevant du droit de l’Union, moins favorables que dans des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité). » Arrêts du 10 mars 2021, Konsul Rzeczypospolitej Polskiej w N. (C‑949/19, EU:C:2021:186, point 43), et du 21 décembre 2021, Randstad Italia (C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 58).

( 49 ) Ainsi qu’il a été constaté lors de l’audience, les juridictions administratives ont récupéré la compétence générale que leur confère, sauf application d’une règle spéciale, l’article 7 du code de procédure administrative italien [decreto legislativo n. 104 (décret législatif no 104), du 2 juillet 2010 (GURI du 7 juillet 2010, p. 1)]. C’est la Corte dei conti (cour des comptes) qui détenait ce pouvoir d’annulation entre les années 2012 et 2020, comme je l’ai indiqué.

( 50 ) Il s’agirait d’un incident de procédure similaire à l’exception d’illégalité prévue à l’article 277 TFUE.

( 51 ) Voir article 7, paragraphe 5, du decreto legislativo n. 546 – Disposizioni sul processo tributario in attuazione della delega al Governo contenuta nell’art. 30 della legge 30 dicembre 1991, n. 413 (décret législatif no 546, portant dispositions relatives à la procédure fiscale en application de la délégation donnée au gouvernement aux termes de l’article 30 de la loi no 413 du 30 décembre 1991), du 31 décembre 1992 (GURI no 9, du 13 janvier 1993, supplément ordinaire no 8).

( 52 ) Arrêts du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság (C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 143) ; du 21 décembre 2021, Randstad Italia (C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 62), et du 7 juillet 2022, Hoffmann-La Roche e.a. (C‑261/21, EU:C:2022:534, point 47).

( 53 ) Arrêts du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság (C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 143) ; du 21 décembre 2021, Randstad Italia (C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 62), et du 7 juillet 2022, Hoffmann-La Roche e.a. (C‑261/21, EU:C:2022:534, point 47). (Mise en italique par mes soins.)