CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTHONY M. COLLINS

présentées le 14 juillet 2022 ( 1 )

Affaire C‑311/21

CM

contre

TimePartner Personalmanagement GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Travail intérimaire – Directive 2008/104/CE – Article 5 – Principe d’égalité de traitement – Égalité de traitement en matière de rémunération – Dérogation par les partenaires sociaux – Garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires – Convention collective fixant une rémunération inférieure à celle des travailleurs recrutés par l’entreprise utilisatrice »

I. Introduction

1.

À quelles conditions une convention collective conclue par les partenaires sociaux peut-elle déroger au principe d’égalité de traitement des travailleurs intérimaires ? Le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne) cherche à obtenir de la Cour des précisions au sujet de deux aspects de cette question en particulier. Il s’agit, premièrement, du rapport entre, d’une part, le principe d’égalité de traitement inscrit à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative au travail intérimaire ( 2 ), et, d’autre part, la notion de « protection globale des travailleurs intérimaires » que les conventions collectives doivent garantir en vertu de l’article 5, paragraphe 3, de cette directive. Il en va, deuxièmement, de la mesure dans laquelle de telles conventions collectives peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel en vue de vérifier qu’elles garantissent bien la protection globale des travailleurs intérimaires.

II. Les dispositions juridiques pertinentes

A.   Le droit de l’Union

2.

Le préambule de la directive 2008/104 expose, notamment, les objectifs suivants :

« (12)

La présente directive établit un cadre protecteur pour les travailleurs intérimaires qui est non discriminatoire, transparent et proportionné, tout en respectant la diversité des marchés du travail et des relations entre les partenaires sociaux.

[...]

(14)

Les conditions essentielles de travail et d’emploi applicables aux travailleurs intérimaires devraient être au moins celles qui s’appliqueraient à ces travailleurs s’ils étaient recrutés par l’entreprise utilisatrice pour occuper le même poste.

[...]

(16)

Afin d’être en mesure de faire face avec flexibilité à la diversité des marchés du travail et des relations entre les partenaires sociaux, les États membres peuvent autoriser les partenaires sociaux à définir des conditions de travail et d’emploi, à condition de garantir le niveau global de protection des travailleurs intérimaires.

(17)

Par ailleurs, dans certains cas bien délimités, les États membres devraient, sur la base d’un accord conclu par les partenaires sociaux au niveau national, avoir la possibilité de déroger, de manière limitée, au principe d’égalité de traitement, pour autant qu’un niveau de protection suffisant soit assuré.

[...]

(19)

La présente directive n’affecte pas l’autonomie des partenaires sociaux ni les relations entre les partenaires sociaux, y compris le droit de négocier et de conclure des conventions collectives conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales, tout en respectant la législation communautaire en vigueur.

[...] »

3.

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2008/104 définit son champ d’application comme suit :

« La présente directive s’applique aux travailleurs ayant un contrat de travail ou une relation de travail avec une entreprise de travail intérimaire et qui sont mis à la disposition d’entreprises utilisatrices afin de travailler de manière temporaire sous leur contrôle et leur direction. »

4.

Aux termes de son article 2, la directive 2008/104 a pour objet :

« [...] d’assurer la protection des travailleurs intérimaires et d’améliorer la qualité du travail intérimaire en assurant le respect du principe de l’égalité de traitement, tel qu’il est énoncé à l’article 5, à l’égard des travailleurs intérimaires et en reconnaissant les entreprises de travail intérimaire comme des employeurs, tout en tenant compte de la nécessité d’établir un cadre approprié d’utilisation du travail intérimaire en vue de contribuer efficacement à la création d’emplois et au développement de formes souples de travail. »

5.

Aux fins de la directive 2008/104, l’article 3, paragraphe 1, sous f), définit les « conditions essentielles de travail et d’emploi » comme :

« les conditions de travail et d’emploi établies par la législation, la réglementation, les dispositions administratives, les conventions collectives et/ou toute autre disposition générale et contraignante, en vigueur dans l’entreprise utilisatrice, relatives :

i)

à la durée du travail, aux heures supplémentaires, aux temps de pause, aux périodes de repos, au travail de nuit, aux congés, aux jours fériés ;

ii)

à la rémunération. »

6.

En vertu de l’article 5 de la directive 2008/104, intitulé « Principe d’égalité de traitement » :

« 1.   Pendant la durée de leur mission auprès d’une entreprise utilisatrice, les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires sont au moins celles qui leur seraient applicables s’ils étaient recrutés directement par ladite entreprise pour y occuper le même poste.

[...]

3.   Les États membres peuvent, après avoir consulté les partenaires sociaux, leur offrir la possibilité de maintenir ou de conclure, au niveau approprié et sous réserve des conditions fixées par les États membres, des conventions collectives qui, tout en garantissant la protection globale des travailleurs intérimaires, peuvent mettre en place, pour les conditions de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires, des dispositions qui peuvent différer de celles qui sont visées au paragraphe 1.

[...] »

7.

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/104, sous l’intitulé « Exigences minimales », prévoit :

« La présente directive est sans préjudice du droit des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs ou de favoriser ou de permettre des conventions collectives ou des accords conclus entre les partenaires sociaux plus favorables aux travailleurs. »

8.

D’après l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/104 :

« Les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 5 décembre 2011, ou s’assurent que les partenaires sociaux mettent en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toutes dispositions nécessaires leur permettant d’être à tout moment en mesure d’atteindre les objectifs fixés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission. »

B.   Le droit allemand

9.

L’article 9 du Arbeitnehmerüberlassungsgesetz (loi sur la mise à disposition de travailleurs) du 3 février 1995, dans la version en vigueur jusqu’au 31 mars 2017, prévoyait :

« Sont dénués d’effets :

[...]

2. les accords qui prévoient pour le travailleur intérimaire, pour la période de mise à la disposition d’une entreprise utilisatrice, des conditions de travail moins favorables que les conditions essentielles de travail en vigueur dans l’entreprise utilisatrice pour un travailleur comparable, interne à cette entreprise, y compris en matière de rémunération ; une convention collective peut autoriser des dispositions dérogatoires pour autant qu’elle ne prévoie pas de rémunérations inférieures aux rémunérations horaires minimales fixées par décret conformément à l’article 3a, paragraphe 2 ; dans le champ d’application d’une telle convention collective, des employeurs et des travailleurs non liés par la convention collective peuvent convenir de l’application des dispositions de cette convention ; une disposition conventionnelle dérogatoire ne s’applique pas aux travailleurs intérimaires qui, dans les six mois précédant leur mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice, ont quitté leur emploi auprès de celle-ci ou d’un autre employeur qui forme avec l’entreprise utilisatrice un groupe au sens de l’article 18 de l’Aktiengesetz (loi sur les sociétés anonymes). »

10.

L’article 10, paragraphe 4, de la loi sur la mise à disposition de travailleurs, dans la version en vigueur jusqu’au 31 mars 2017, énonçait :

« L’entreprise de travail intérimaire est tenue d’accorder au travailleur intérimaire pour la période de mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice, les conditions essentielles de travail en vigueur dans l’entreprise utilisatrice pour un travailleur comparable, interne à cette entreprise, y compris en matière de rémunération. Pour autant qu’une convention collective applicable à la relation de travail prévoie des dispositions dérogatoires (article 3, paragraphe 1, point 3, et article 9, point 2), l’entreprise de travail intérimaire doit accorder au travailleur intérimaire les conditions de travail applicables en vertu de cette convention collective. Pour autant qu’une telle convention collective prévoie des rémunérations inférieures aux rémunérations horaires minimales fixées par décret conformément à l’article 3a, paragraphe 2, l’entreprise de travail intérimaire est tenue d’accorder au travailleur intérimaire, pour chaque heure de travail, la rémunération à verser dans l’entreprise utilisatrice à un travailleur comparable, interne à cette entreprise, pour une heure de travail. En cas d’absence d’effets de l’accord entre l’entreprise de travail intérimaire et le travailleur intérimaire en vertu de l’article 9, point 2, l’entreprise de travail intérimaire est tenue d’accorder au travailleur intérimaire les conditions essentielles de travail en vigueur dans l’entreprise utilisatrice pour un travailleur comparable, interne à cette entreprise, y compris en matière de rémunération. »

11.

Ces dispositions ont été modifiées par la suite.

12.

L’article 8 de la loi sur la mise à disposition de travailleurs, dans la version en vigueur depuis le 1er avril 2017, et intitulé « Principe d’égalité de traitement », dispose :

« 1.   L’entreprise de travail intérimaire est tenue d’accorder au travailleur intérimaire, pour la période de mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice, les conditions essentielles de travail en vigueur dans l’entreprise utilisatrice pour un travailleur comparable, interne à cette entreprise, y compris en matière de rémunération (principe d’égalité de traitement). Si le travailleur intérimaire perçoit la rémunération conventionnelle due dans l’entreprise utilisatrice à un travailleur comparable, interne à cette entreprise, ou, à défaut, une rémunération conventionnelle applicable à des travailleurs comparables dans la branche de mission, il est présumé que le travailleur intérimaire est traité de manière égale en matière de rémunération au sens de la première phrase. Si des avantages en nature sont accordés dans l’entreprise utilisatrice, un versement compensatoire peut être effectué en euros.

2.   Une convention collective peut déroger au principe d’égalité de traitement pour autant qu’elle ne prévoie pas de rémunérations inférieures aux rémunérations horaires minimales fixées par décret conformément à l’article 3a, paragraphe 2. Dès lors qu’une telle convention collective déroge au principe d’égalité de traitement, l’entreprise de travail intérimaire doit accorder au travailleur intérimaire les conditions de travail applicables en vertu de cette convention collective. Dans le champ d’application d’une telle convention collective, des employeurs et des travailleurs non liés par la convention collective peuvent convenir de l’application des dispositions de cette convention. Pour autant qu’une telle convention collective prévoie des rémunérations inférieures aux rémunérations horaires minimales fixées par décret conformément à l’article 3a, paragraphe 2, l’entreprise de travail intérimaire est tenue d’accorder au travailleur intérimaire, pour chaque heure de travail, la rémunération à verser dans l’entreprise utilisatrice à un travailleur comparable, interne à cette entreprise, pour une heure de travail.

3.   Une disposition conventionnelle dérogatoire au sens du paragraphe 2 ne s’applique pas aux travailleurs intérimaires qui, dans les six mois précédant leur mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice, ont quitté leur emploi auprès de celle-ci ou d’un autre employeur qui forme avec l’entreprise utilisatrice un groupe au sens de l’article 18 de la loi sur les sociétés anonymes.

4.   Une convention collective au sens du paragraphe 2 peut déroger en matière de rémunération au principe d’égalité de traitement pendant les neuf premiers mois d’une mise à la disposition d’une entreprise utilisatrice. Une dérogation d’une durée plus longue, prévue par convention collective, n’est autorisée que si

1) 15 mois au plus tard après une mise à la disposition d’une entreprise utilisatrice est versée au moins une rémunération définie dans la convention collective comme étant équivalente à la rémunération conventionnelle de travailleurs comparables dans la branche de mission, et

2) après une période d’initiation aux méthodes de travail de six semaines au maximum, la rémunération versée s’est progressivement rapprochée de la rémunération susmentionnée.

Dans le champ d’application d’une telle convention collective, des employeurs et des travailleurs non liés par la convention collective peuvent convenir de l’application des dispositions de cette convention. La durée de précédentes mises à la disposition de la même entreprise utilisatrice, par la même ou par une autre entreprise de travail intérimaire, doit être intégralement prise en compte lorsque l’intervalle respectif entre les missions consécutives n’excède pas trois mois.

5.   L’entreprise de travail intérimaire est tenue de verser au travailleur intérimaire au moins la rémunération horaire minimum fixée par décret conformément à l’article 3a, paragraphe 2, pour la période de mise à disposition et pour les périodes sans mise à disposition. »

III. Le litige au principal et la demande de décision préjudicielle

13.

Entre les mois de janvier et d’avril 2017, TimePartner Personalmanagement GmbH (ci-après « TimePartner »), une entreprise de travail intérimaire, a employé CM en tant que travailleuse intérimaire en vertu d’un contrat à durée déterminée. Pendant la durée de sa mission, CM a été placée comme préparatrice de commandes auprès d’une entreprise utilisatrice dans le secteur du commerce de détail.

14.

En vertu des conditions d’une convention collective pour les travailleurs du secteur du commerce de détail dans le Land de Bavière (Allemagne), les travailleurs comparables recrutés directement par une entreprise utilisatrice devaient percevoir un salaire brut horaire de 13,64 euros. Toutefois, une convention collective pour les travailleurs intérimaires, conclue entre le Interessenverband Deutscher Zeitarbeitsunternehmen (syndicat des entreprises allemandes de travail intérimaire), à laquelle TimePartner est affiliée, et le Deutscher Gewerkschaftsbund (confédération syndicale allemande), dont fait partie la Vereinte Dienstleistungsgewerkschaft (syndicat des prestataires de services), dérogeait au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération contenu à l’article 10 de la loi sur la mise à disposition de travailleurs (en vigueur jusqu’au 31 mars 2017) et à l’article 8 de cette loi (en vigueur depuis le 1er avril 2017). Par voie de conséquence, CM, qui était affiliée au syndicat des prestataires de services, a perçu un salaire brut horaire de 9,23 euros.

15.

CM a engagé une procédure judiciaire devant l’Arbeitsgericht Würzburg (tribunal du travail de Würzburg, Allemagne) réclamant la somme de 1296,72 euros à titre compensatoire, équivalente à la différence de salaire entre les travailleurs intérimaires et les travailleurs comparables recrutés directement par l’entreprise utilisatrice. CM a soutenu que les dispositions pertinentes de la loi sur la mise à disposition de travailleurs et la convention collective concernant les travailleurs intérimaires étaient contraires à l’article 5 de la directive 2008/104.

16.

Après le rejet de son recours par l’Arbeitsgericht Würzburg (tribunal du travail de Würzburg), CM a formé un appel auprès du Landesarbeitsgericht Nürnberg (tribunal supérieur du travail de Nuremberg, Allemagne), qui a conclu à son rejet.

17.

CM a alors formé un pourvoi devant le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail). Afin de statuer sur le pourvoi, cette juridiction a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les cinq questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Comment est définie la notion de “protection globale des travailleurs intérimaires” visée à l’article 5, paragraphe 3, de la directive [2008/104] et cette notion a-t-elle notamment une portée plus large que ce que prévoient de manière contraignante le droit national et le droit de l’Union en matière de protection de tous les travailleurs ?

2)

Quelles conditions et quels critères doivent être remplis pour pouvoir considérer que des dispositions d’une convention collective en matière de conditions de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires, dérogeant au principe d’égalité de traitement visé à l’article 5, paragraphe 1, de la directive [2008/104], ont été mises en place tout en garantissant la protection globale des travailleurs intérimaires ?

a)

L’examen de la garantie de la protection globale se fonde‑t‑il – de manière abstraite – sur les conditions de travail conventionnelles des travailleurs intérimaires relevant du champ d’application d’une telle convention collective ou convient-il de procéder à une appréciation évaluative et comparative entre les conditions de travail conventionnelles et les conditions de travail existant dans l’entreprise auprès de laquelle les travailleurs intérimaires ont été mis à disposition (entreprise utilisatrice) ?

b)

En cas de dérogation au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération, la garantie de la protection globale prévue à l’article 5, paragraphe 3, de la directive [2008/104] exige-t-elle l’existence d’une relation de travail à durée indéterminée entre l’entreprise de travail intérimaire et le travailleur intérimaire ?

3)

Les conditions et critères en matière de garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires, visée à l’article 5, paragraphe 3, de la directive [2008/104], doivent-ils être imposés aux partenaires sociaux par le législateur national lorsque ce dernier leur accorde la possibilité de conclure des conventions collectives contenant des dispositions dérogeant à l’exigence d’égalité de traitement en matière de conditions de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires et lorsque le système national de négociation collective prévoit des exigences qui permettent d’attendre une conciliation adéquate des intérêts entre les partenaires sociaux (la “présomption d’équité des conventions collectives”) ?

4)

En cas de réponse affirmative à la troisième question :

a)

La garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires, visée à l’article 5, paragraphe 3, de la directive [2008/104], est-elle assurée par des dispositions légales qui, comme celles figurant dans la version en vigueur depuis le 1er avril 2017 de la [loi sur la mise à disposition de travailleurs], prévoient un seuil minimal de salaire pour les travailleurs intérimaires, une durée maximale de mise à disposition auprès de la même entreprise utilisatrice, une limitation temporelle de la dérogation au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération, la non application d’une disposition conventionnelle dérogeant au principe d’égalité de traitement aux travailleurs intérimaires qui, dans les six mois précédant leur mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice, ont quitté leur emploi auprès de celle-ci ou d’un autre employeur qui forme avec l’entreprise utilisatrice un groupe au sens de l’article 18 de la [loi sur les sociétés anonymes], ainsi que l’obligation pour l’entreprise utilisatrice de donner au travailleur intérimaire, en principe dans les mêmes conditions que celles applicables aux travailleurs internes à l’entreprise, accès à des équipements ou services collectifs (tels que, notamment, des services de garde d’enfants, de restauration collective et de transport) ?

b)

En cas de réponse affirmative à cette question :

Cela vaut-il également lorsque les dispositions légales concernées, telles que celles figurant dans la version de la loi sur la mise à disposition de travailleurs en vigueur jusqu’au 31 mars 2017, ne prévoient aucune limitation temporelle de la dérogation au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération et lorsque l’exigence selon laquelle la mise à disposition temporaire ne doit être que “temporaire” n’est pas précisée en termes de durée ?

5)

Si la troisième question appelle une réponse négative :

En cas de dispositions dérogeant par conventions collectives au principe d’égalité de traitement en matière de conditions de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires, les juridictions nationales peuvent-elles, en vertu de l’article 5, paragraphe 3, de la directive [2008/104], contrôler sans restriction ces conventions collectives pour déterminer si les dérogations ont été mises en place tout en garantissant la protection globale des travailleurs intérimaires ou bien l’article 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la “Charte”] et/ou la référence à “l’autonomie des partenaires sociaux” figurant au considérant 19 de la directive [2008/104] exigent-ils d’accorder aux partenaires sociaux, en ce qui concerne la garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires, une marge d’appréciation qui n’est soumise qu’à un contrôle juridictionnel limité et, – dans l’affirmative –, quelle est l’étendue de cette marge d’appréciation ? »

18.

CM, TimePartner, le gouvernement allemand et la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Lors de l’audience du 5 mai 2022, CM, TimePartner, les gouvernements allemand et suédois ainsi que la Commission ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par la Cour.

IV. Appréciation

A.   Recevabilité

19.

CM soutient qu’une réponse à toutes les questions, notamment la première, ne semble pas nécessaire pour permettre à la juridiction de renvoi de rendre une décision dans le litige pendant devant elle. CM souligne à cet égard que les dispositions pertinentes de la loi sur la mise à disposition de travailleurs ne font pas référence à la notion de « protection globale des travailleurs intérimaires ».

20.

Il est de jurisprudence constante que, dans les procédures au titre de l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer ( 3 ).

21.

La Cour ne peut refuser de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ( 4 ). La justification d’une question préjudicielle n’est pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige ( 5 ).

22.

Le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) est saisi d’un litige dans le cadre duquel CM, une travailleuse intérimaire, demande une compensation pour une violation du principe d’égalité de traitement en matière de rémunération. Au vu de l’article 1er de la directive 2008/104, les faits de l’affaire, tels que décrits au point 13 des présentes conclusions, établissent que cette directive pourrait s’appliquer à ce litige.

23.

Pour autant que le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) demande à la Cour de définir la notion de « protection globale des travailleurs intérimaires » qui, comme CM le souligne à juste titre, n’apparaît pas dans la loi sur la mise à disposition de travailleurs, il ressort de l’ordonnance de renvoi qu’il est demandé à la Cour d’interpréter l’article 5, paragraphes 1 et 3, de la directive 2008/104, de telle sorte que la juridiction de renvoi puisse déterminer dans quelle mesure une convention collective peut déroger au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération tout en garantissant la protection globale des travailleurs intérimaires.

24.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) dans l’ordonnance de renvoi.

B.   Sur la première question

25.

Par sa première question, le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) demande comment il convient de définir la notion de « protection globale des travailleurs intérimaires » visée à l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 et, en particulier, si cette notion recouvre davantage que les dispositions impératives sur la protection des travailleurs en général prévues en droit national et en droit de l’Union.

26.

La juridiction de renvoi observe que, si l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 permet aux conventions collectives de déroger au principe d’égalité de traitement prévu à l’article 5, paragraphe 1, de celle-ci, à condition de garantir la protection globale des travailleurs intérimaires, cette directive n’indique pas les conditions en vertu desquelles cette dernière exigence doit être satisfaite. L’ordonnance de renvoi présente deux lignes de réflexion au sein de la doctrine allemande quant à l’interprétation de ces conditions. Certains auteurs estiment que la « protection globale » fait référence aux exigences légales générales applicables à tous les travailleurs indépendamment du point de savoir s’ils sont recrutés directement par une entreprise utilisatrice ou s’ils sont des travailleurs intérimaires. D’autres auteurs considèrent que la directive 2008/104 accorde aux travailleurs intérimaires une forme spécifique de protection.

27.

CM soutient que la loi sur la mise à disposition de travailleurs est contraire à l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 dans la mesure où elle n’exige pas que les conventions collectives garantissent la protection globale des travailleurs intérimaires. Elle avance en outre que si l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 autorise les conventions collectives à mettre en place des dispositions alternatives s’agissant des conditions essentielles de travail et d’emploi, cette disposition ne permet pas de déroger au principe d’égalité de traitement.

28.

TimePartner observe que le considérant 19 de la directive 2008/104 reconnaît que les partenaires sociaux jouissent d’une large marge d’appréciation. L’article 5, paragraphe 3, de cette directive autorise dès lors les conventions collectives à déroger au principe d’égalité de traitement tant au bénéfice qu’au détriment des travailleurs intérimaires.

29.

Le gouvernement allemand soutient que la directive 2008/104 cherche à assurer le respect du principe d’égalité de traitement entre les travailleurs intérimaires et les travailleurs comparables recrutés directement par les entreprises utilisatrices. Elle n’établit pas une forme spécifique de protection pour les travailleurs intérimaires.

30.

La Commission affirme, quant à elle, que la notion de « protection globale des travailleurs intérimaires » visée à l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 concerne les conditions essentielles de travail et d’emploi mentionnées à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive. Cette dernière cherche à assurer le respect du principe d’égalité de traitement et non à accorder aux travailleurs intérimaires des conditions de travail qui seraient plus favorables que celles applicables aux travailleurs comparables recrutés directement par les entreprises utilisatrices. Les partenaires sociaux peuvent prévoir, par le biais d’une convention collective, que les travailleurs intérimaires reçoivent une rémunération inférieure à celle des travailleurs comparables recrutés directement par les entreprises utilisatrices. Dans ces circonstances, la garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires requiert que les partenaires sociaux assurent aux travailleurs intérimaires d’autres avantages qui ne sont pas accordés aux travailleurs recrutés directement par les entreprises utilisatrices.

31.

Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte des termes de celle-ci, du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ( 6 ).

32.

Premièrement, l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 prévoit expressément que les États membres peuvent offrir aux partenaires sociaux la possibilité de conclure des conventions collectives contenant des dispositions pour les conditions de travail et d’emploi qui peuvent déroger au principe d’égalité de traitement, à condition que ces conventions collectives garantissent la protection globale des travailleurs intérimaires.

33.

Deuxièmement, le contexte dans lequel l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 s’inscrit est caractérisé par le fait que les conditions essentielles de travail et d’emploi auxquelles le principe d’égalité de traitement s’applique incluent la rémunération ( 7 ). L’article 9 de la directive 2008/104 considère également que cette directive est sans préjudice du droit des États membres de favoriser ou de permettre des conventions collectives entre les partenaires sociaux plus favorables aux travailleurs.

34.

Troisièmement, renvoyant aux considérants 10 et 12 ainsi qu’à l’article 2 de la directive 2008/104, la Cour a observé que ladite directive est destinée à établir un cadre protecteur pour les travailleurs intérimaires qui est non discriminatoire, transparent et proportionné, tout en respectant la diversité des marchés du travail et des relations entre les partenaires sociaux ( 8 ).

35.

Il découle de ce qui précède que, afin d’assurer la protection des travailleurs intérimaires et d’améliorer la qualité de leur travail, la directive 2008/104 pose un principe d’égalité de traitement en matière de rémunération des travailleurs intérimaires et des travailleurs recrutés directement par les entreprises utilisatrices. Les considérants 16 et 17 de la directive 2008/104 prévoient toutefois que les États membres peuvent autoriser les partenaires sociaux à définir des conditions de travail et d’emploi dérogeant, dans certaines limites, à ce principe. Dans ce contexte, si l’article 9 de la directive 2008/104 prévoit que les partenaires sociaux peuvent conclure des conventions collectives qui contiennent des conditions plus favorables aux travailleurs intérimaires ( 9 ), l’article 5, paragraphe 3, de cette directive autorise également les conventions collectives qui dérogent au principe d’égalité de traitement, sous réserve de l’exigence que toute convention de ce type garantisse la protection globale des travailleurs intérimaires.

36.

La notion de « protection globale des travailleurs intérimaires » visée à l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 consiste donc en une faculté à déroger au principe général, à savoir celui de l’égalité de traitement. Les dispositions de cette nature doivent être interprétées de manière stricte ( 10 ).

37.

Eu égard aux considérations qui précèdent, j’estime que la première question doit être comprise en ce sens qu’elle vise à déterminer les conditions en vertu desquelles les partenaires sociaux peuvent déroger au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération, au détriment des travailleurs temporaires, par le biais d’une convention collective conclue sur le fondement de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104, et ce tout en garantissant leur protection globale.

38.

La Commission a joint à ses observations écrites un rapport du groupe d’experts sur la transposition de la directive 2008/104 du mois d’août 2011 ( 11 ). D’après ce rapport, lorsque les partenaires sociaux dérogent au principe d’égalité de traitement au détriment des travailleurs intérimaires par le biais d’une convention collective conclue en vertu de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104, cette convention collective ne peut pas se contenter de fixer une rémunération plus faible, mais doit la compenser par d’autres dispositions favorables aux travailleurs intérimaires ( 12 ). C’est cette exigence de trouver un équilibre qui sert à assurer la « protection globale des travailleurs intérimaires ». Une interprétation de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 en vertu de laquelle les partenaires sociaux peuvent déroger au principe d’égalité de traitement sans prévoir d’avantages appropriés en contrepartie pour les travailleurs intérimaires concernés est susceptible de priver ce principe de tout effet pratique ( 13 ). Elle porterait également atteinte à l’effet utile de l’article 9 de la directive 2008/104, qui reconnaît que la directive pose des exigences minimales ( 14 ).

39.

Il s’ensuit que toute dérogation au principe d’égalité de traitement, au détriment des conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires et qui pourrait apparaître dans une convention collective, doit être compensée par l’octroi d’avantages en ce qui concerne d’autres conditions essentielles de travail et d’emploi telles que définies par l’article 3, paragraphe 1, sous f), de la directive 2008/104. Dans ce contexte, il peut être observé que la rémunération est une condition d’emploi à ce point essentielle que toute dérogation au principe d’égalité de traitement doit être motivée par une référence aux standards les plus stricts. En outre, une dérogation concernant les conditions essentielles de travail et d’emploi ne peut pas être compensée par des avantages de nature accessoire. À titre d’exemple, une dérogation au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération ne pourrait pas être valablement compensée par des cadeaux promotionnels offerts par l’entreprise (« merchandising »).

40.

En outre, conformément au principe de proportionnalité reconnu au considérant 12 de la directive 2008/104, les compensations qui pourraient être accordées doivent être à la hauteur de toute dérogation au principe d’égalité de traitement au détriment des conditions essentielles de travail et d’emploi ( 15 ). Par exemple, une réduction de 50 % dans la rémunération annuelle ne pourrait pas être compensée par l’octroi d’un jour de congé annuel supplémentaire. Bien que la rémunération et les congés soient des conditions essentielles d’emploi, une telle dérogation en matière de rémunération semblerait disproportionnée par rapport à la valeur de la compensation.

41.

Au vu de ce qui précède, il pourrait être difficile, en pratique, pour les partenaires sociaux de s’appuyer sur les dérogations offertes par l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104. J’observerai simplement qu’une telle issue est la conséquence logique du fait de poser un principe large d’égalité de traitement par le biais de la législation avec un nombre d’exceptions nécessairement limité.

42.

Je propose par conséquent que la Cour réponde à la première question que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens que les partenaires sociaux peuvent, par le biais d’une convention collective, déroger au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération au détriment des travailleurs intérimaires, à condition qu’une telle convention collective accorde des avantages compensatoires proportionnés en ce qui concerne les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires avec pour objectif de garantir leur protection globale.

C.   Sur la deuxième question

43.

Par la première partie de la deuxième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens que la garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires devrait être appréciée de manière abstraite à l’aune d’une convention collective ou en dressant une comparaison concrète des conditions essentielles de travail et d’emploi applicables aux travailleurs comparables recrutés directement par l’entreprise utilisatrice. Par la seconde partie de la deuxième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens qu’il autorise les États membres à offrir aux partenaires sociaux la possibilité de conclure des conventions collectives s’agissant de travailleurs intérimaires liés à une entreprise de travail intérimaire par un contrat à durée déterminée.

44.

En ce qui concerne la première partie de la deuxième question, CM, soutenue par la Commission, estime que la garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires doit être appréciée en comparant les conditions de travail et d’emploi de ces travailleurs avec celles applicables à des travailleurs comparables qui sont recrutés directement par l’entreprise utilisatrice.

45.

TimePartner, soutenue par le gouvernement allemand, considère que la protection globale des travailleurs intérimaires devrait être appréciée sur le fondement d’un examen général des conditions de la convention collective en question.

46.

L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104 prévoit que, en principe, les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires sont, pendant la durée de leur mission auprès d’une entreprise utilisatrice, « au moins celles qui leur seraient applicables s’ils étaient recrutés directement par ladite entreprise pour y occuper le même poste ». Le principe d’égalité de traitement qui y est posé traduit l’intention du législateur de l’Union de rapprocher les conditions du travail intérimaire de celles régissant les relations d’emploi « normales » ( 16 ).

47.

C’est dans ce contexte que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 prévoit que, dans l’hypothèse où et lorsque les partenaires sociaux concluent une convention collective établissant des conditions de travail et d’emploi qui « peuvent différer de celles qui sont visées au paragraphe 1 » du même article, ils doivent garantir la protection globale des travailleurs intérimaires.

48.

Il ressort des termes, de l’objectif et du contexte de l’article 5, paragraphes 1 et 3, de la directive 2008/104, que les travailleurs intérimaires ont droit aux mêmes conditions essentielles de travail et d’emploi que celles qui leur seraient applicables si l’entreprise utilisatrice les avaient recrutés directement. Cela requiert une comparaison des conditions applicables aux travailleurs intérimaires sur la base de la convention collective, dont la rémunération, avec celles applicables dans l’entreprise utilisatrice ( 17 ). Cette comparaison doit être effectuée référence faite aux conditions de travail et d’emploi de chacune de ces deux catégories de travailleurs. Si les partenaires sociaux font usage de la possibilité accordée par le droit national de déroger aux conditions applicables aux travailleurs dans l’entreprise utilisatrice en vertu de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104, cette convention collective doit assurer à ces travailleurs intérimaires d’autres avantages compensatoires qui ne sont pas accordés aux travailleurs recrutés directement par l’entreprise utilisatrice, garantissant ainsi leur protection globale.

49.

Pour ce qui est de la seconde partie de la deuxième question, CM soutient que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 n’autorise pas les conventions collectives qui dérogent au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération des travailleurs temporaires liés à une entreprise de travail intérimaire par un contrat à durée déterminée. CM allègue que les dérogations au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération ne peuvent être adoptées que sur la base de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/104 qui exige l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée avec une entreprise de travail intérimaire.

50.

TimePartner, soutenue par le gouvernement allemand et la Commission, fait valoir que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 autorise les États membres à offrir aux partenaires sociaux la possibilité de conclure des conventions collectives concernant les travailleurs intérimaires indépendamment du point de savoir s’ils sont liés à une entreprise de travail intérimaire par un contrat à durée déterminée ou un contrat à durée indéterminée.

51.

La seconde partie de la deuxième question m’appelle à formuler trois observations.

52.

Premièrement, à la différence de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/104, l’article 5, paragraphe 3, n’indique pas que la possibilité de déroger au principe d’égalité de traitement est limitée aux travailleurs intérimaires qui sont liés à une entreprise de travail intérimaire par un contrat à durée indéterminée.

53.

Deuxièmement, si l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/104 autorise les États membres à prévoir certaines dérogations au principe d’égalité de traitement, l’article 5, paragraphe 3 permet aux États membres d’autoriser les partenaires sociaux à conclure des conventions collectives contenant des dispositions dérogeant à ce principe.

54.

Troisièmement, l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/104 semble reposer sur la prémisse que les dérogations au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération peuvent être justifiées en ce qui concerne les travailleurs intérimaires qui sont liés à une entreprise de travail intérimaire par un contrat à durée indéterminée dans la mesure où ils continuent à être rémunérés pendant les périodes qui séparent les missions. À l’inverse, l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 exige que les conventions collectives garantissent la protection globale des travailleurs intérimaires. Ainsi que je l’ai expliqué aux points 38 à 40 des présentes conclusions, de telles conventions collectives doivent accorder des compensations aux travailleurs intérimaires en contrepartie des désavantages qu’ils subissent du fait de toute dérogation au principe d’égalité de traitement. La logique sous-tendant l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104, qui est différente de celle de son article 5, paragraphe 2, peut s’appliquer aux travailleurs indépendamment de la nature du contrat de travail qui les lie à une entreprise de travail intérimaire. Il n’y a par conséquent aucune raison d’exclure les travailleurs ayant un contrat à durée déterminée du champ d’application de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104.

55.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la deuxième question en interprétant l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 en ce sens que :

la garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires doit être appréciée en comparant les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires avec celles applicables aux travailleurs comparables recrutés directement pas l’entreprise utilisatrice ;

les États membres peuvent offrir aux partenaires sociaux la possibilité de conclure des conventions collectives qui dérogent au principe d’égalité de traitement en ce qui concerne les travailleurs intérimaires qui sont liés à une entreprise de travail intérimaire par un contrat de travail à durée déterminée.

D.   Sur les troisième et quatrième questions

56.

Les troisième et quatrième questions concernent toutes deux l’obligation des États membres de transposer en droit national les exigences de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 lorsqu’ils font usage de la possibilité de permettre aux partenaires sociaux de conclure des conventions collectives concernant les travailleurs intérimaires qui dérogent au principe d’égalité de traitement posé à l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive. Puisque la réponse à la quatrième question dépend de la réponse à la troisième, je propose d’examiner les deux questions ensemble.

57.

La juridiction de renvoi demande si, dans l’hypothèse où un État membre fait usage de la possibilité offerte par l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104, la législation nationale doit poser des critères ou des conditions détaillés auxquels les conventions collectives conclues au titre de ladite législation doivent se conformer afin de garantir la protection globale des travailleurs intérimaires. En cas de réponse affirmative à cette question, le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) demande des précisions de telle sorte à pouvoir apprécier si la loi sur la mise à disposition de travailleurs assure une protection globale suffisante des travailleurs intérimaires. Il demande, en particulier, si l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens que la garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires est assurée par une législation nationale qui fixe les points suivants : la rémunération minimale pour les travailleurs intérimaires ; une durée maximale de la mission auprès de la même entreprise utilisatrice ; une limite dans le temps pour la dérogation au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération ; la non‑application des conventions collectives aux travailleurs intérimaires qui avaient été directement employés par l’entreprise utilisatrice ou par une entreprise utilisatrice appartenant au même groupe dans les six mois précédant la mission ; l’obligation d’accorder aux travailleurs intérimaires l’accès aux équipements et services (garde d’enfants, restauration, transports) offerts aux travailleurs directement employés par l’entreprise utilisatrice, et l’exigence que la mission soit « temporaire » sans autre précision.

58.

CM soutient que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 exige que la législation nationale pose des critères et des conditions détaillés auxquels les conventions collectives doivent se conformer afin de garantir la protection globale des travailleurs intérimaires. Elle suggère que la législation nationale décrite dans l’ordonnance de renvoi ne satisfait pas à ces exigences.

59.

Par opposition, TimePartner, soutenue par le gouvernement allemand, estime que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 n’exige pas des États membres qu’ils posent les moindres critères ou conditions spécifiques auxquels les conventions collectives devraient se conformer afin de garantir la protection globale des travailleurs temporaires. TimePartner considère que les États membres doivent laisser une certaine marge d’appréciation aux partenaires sociaux conformément à leur autonomie pour conclure des conventions collectives.

60.

Le gouvernement allemand est d’avis que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 reconnaît implicitement une présomption que les conventions collectives conclues par les partenaires sociaux qui ont un pouvoir de négociation collective sont équitables. Il soutient par ailleurs que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 exige que les conventions collectives conclues par les partenaires sociaux garantissent la protection globale des travailleurs intérimaires. En tout état de cause, les dispositions du droit allemand exposées dans l’ordonnance de renvoi garantissent la protection globale des travailleurs intérimaires.

61.

La Commission estime que, lorsqu’ils accordent aux partenaires sociaux la possibilité, au titre de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104, de conclure des conventions collectives qui dérogent au principe d’égalité de traitement, les États membres doivent transposer une exigence en vertu de laquelle de telles conventions collectives doivent garantir la protection globale des travailleurs intérimaires. La Commission observe que, étant donné que la législation allemande n’exige pas que les dérogations au principe d’égalité de traitement soient compensées par d’autres avantages accordés aux travailleurs intérimaires, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la protection globale des travailleurs intérimaires peut être garantie en interprétant le droit national en conformité avec le droit de l’Union.

62.

D’après le troisième alinéa de l’article 288 TFUE, une directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. S’il est vrai que cette disposition réserve aux États membres la liberté du choix des voies et moyens destinés à assurer la mise en œuvre de la directive, cette liberté laisse cependant entière l’obligation, pour chacun des États destinataires, de prendre, dans le cadre de son ordre juridique national, toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer le plein effet de la directive, conformément à l’objectif qu’elle poursuit ( 18 ).

63.

Conformément à la jurisprudence de la Cour, il est loisible aux États membres de laisser, d’emblée, aux partenaires sociaux le soin de réaliser les objectifs de politique sociale visés par une directive dans ce domaine ( 19 ). Cette possibilité ne dispense pas les États membres de l’obligation de s’assurer, par des mesures législatives, réglementaires ou administratives appropriées, que tous les travailleurs peuvent bénéficier, dans toute son étendue, de la protection qui leur est conférée par la directive en question ( 20 ).

64.

La Cour a jugé que la nature des mesures adoptées par voie de convention collective est différente de la nature de celles adoptées unilatéralement par voie législative ou réglementaire par les États membres en ce que les partenaires sociaux, en exerçant leur droit fondamental à la négociation collective reconnu à l’article 28 de la Charte, ont eu soin de définir un équilibre entre leurs intérêts respectifs ( 21 ).

65.

Lorsque le droit à la négociation collective proclamé à l’article 28 de la Charte est régi par le droit de l’Union, il doit être exercé conformément à ses dispositions ( 22 ). Par conséquent, lorsque la législation nationale autorise la négociation d’une convention collective dans un domaine couvert par une directive, la convention collective qui en résulte doit respecter le droit de l’Union en général et cette directive en particulier ( 23 ). Il s’ensuit que lorsque les partenaires sociaux concluent une convention collective relevant du champ d’application de la directive 2008/104, ils doivent respecter les dispositions de cette directive ( 24 ).

66.

Lorsque les États membres offrent aux partenaires sociaux une possibilité de conclure des conventions collectives qui pourraient déroger au principe d’égalité de traitement, l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 exige que les États membres assurent la garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires. Il s’ensuit que, si la notion de « protection globale des travailleurs intérimaires » doit être transposée en droit national, cette obligation n’exige pas nécessairement des États membres qu’ils adoptent des dispositions détaillées posant les critères ou les conditions auxquels les conventions collectives doivent se conformer. Cette approche est soutenue tant par le troisième alinéa de l’article 288 TFUE que par la jurisprudence de la Cour ( 25 ).

67.

La juridiction de renvoi doit donc interpréter le droit national et, en particulier, la loi sur la mise à disposition de travailleurs, à la lumière des termes de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 et de son objet afin de parvenir à un résultat qui soit conforme à l’objectif que poursuit cette disposition ( 26 ), à savoir la garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires. Cette interprétation est faite sous réserve du respect des limites reconnues à l’interprétation du droit national en conformité au droit de l’Union, et notamment l’obligation de ne pas interpréter le droit national contra legem ( 27 ).

68.

Il ressort de l’ordonnance de renvoi que la législation allemande applicable inclut des dispositions, décrites au point 57 des présentes conclusions, qui limitent la capacité des partenaires sociaux à déroger au principe d’égalité de traitement. Bien qu’il s’agisse d’une question qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, et même si ces dispositions n’exigent pas explicitement des partenaires sociaux qu’ils assurent que toute dérogation soit compensée par d’autres avantages accordés aux travailleurs intérimaires, la loi sur la mise à disposition de travailleurs ne semble pas, prima facie, constituer un obstacle à la conclusion de conventions collectives susceptibles de contenir un équilibre approprié.

69.

Je propose dès lors à la Cour de répondre aux troisième et quatrième questions que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens que, lorsque les États membres offrent aux partenaires sociaux la possibilité de conclure des conventions collectives qui mettent en place des dispositions concernant les conditions de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires qui dérogent au principe d’égalité de traitement, la législation nationale n’est pas tenue de prévoir des conditions et des critères détaillés auxquels les partenaires sociaux doivent se conformer, à condition de garantir la protection globale des travailleurs intérimaires.

E.   Sur la cinquième question

70.

Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les conventions collectives conclues par les partenaires sociaux peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel par les juges nationaux et, dans l’affirmative, la mesure dans laquelle les juridictions nationales peuvent exercer cette compétence pour assurer que ces conventions collectives garantissent la protection globale des travailleurs intérimaires exigée par l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104.

71.

CM soutient qu’il convient de répondre à cette question par l’affirmative.

72.

TimePartner et le gouvernement allemand soulignent qu’en vertu du droit allemand, les conventions collectives jouissent d’une présomption d’équité, raison pour laquelle elles sont soumises à un contrôle juridictionnel limité. Cette approche est confortée par le considérant 19 de la directive 2008/104 et l’article 28 de la Charte.

73.

La Commission soutient que, en interprétant le droit national en conformité avec le droit de l’Union, la juridiction de renvoi pourrait parvenir à la conclusion que la loi sur la mise à disposition de travailleurs exige que les conventions collectives garantissent la protection globale des travailleurs intérimaires. Dans cette hypothèse, la juridiction de renvoi a compétence pour examiner la question de savoir si une convention collective satisfait à cette exigence.

74.

Conformément à la jurisprudence constante, les partenaires sociaux disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix de la poursuite d’un objectif déterminé en matière de politique sociale et de l’emploi ainsi que dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser ( 28 ). Toutefois, ainsi qu’il est indiqué au point 65 des présentes conclusions, lorsque le droit à la négociation collective proclamé à l’article 28 de la Charte est régi par le droit de l’Union, il doit être exercé conformément à ses dispositions ( 29 ). Par conséquent, lorsque les partenaires sociaux adoptent des mesures qui relèvent du champ d’application de la directive 2008/104, ils doivent respecter les dispositions de cette directive.

75.

La Cour a jugé à plusieurs reprises qu’une clause contenue dans une convention collective était contraire aux dispositions de directives de l’Union ( 30 ). D’après la jurisprudence, il serait incompatible avec la nature même du droit de l’Union que le juge compétent pour appliquer ce droit se voie refuser le pouvoir de faire, au moment même de cette application, tout ce qui est nécessaire pour écarter les dispositions d’une convention collective formant éventuellement obstacle à la pleine efficacité des normes de l’Union ( 31 ).

76.

Ainsi qu’il ressort des points 66 à 68 des présentes conclusions, en vertu de l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104, lorsque les États membres offrent aux partenaires sociaux une possibilité de conclure des conventions collectives qui dérogent au principe d’égalité de traitement, lesdits États membres doivent exiger que les partenaires sociaux garantissent la protection globale des travailleurs intérimaires.

77.

La loi sur la mise à disposition de travailleurs transpose en droit allemand le principe d’égalité de traitement contenu à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104. Puisque les dérogations licites à ce principe sont facultatives, le droit de l’Union n’exige pas des États membres qu’ils les transposent dans leur droit national ( 32 ). En outre, lorsque le droit de l’Union laisse aux États membres la faculté de déroger à certaines dispositions d’une directive, ces derniers sont tenus d’exercer ce pouvoir discrétionnaire dans le respect du droit de l’Union, ce qui inclut des situations où ces dérogations sont introduites par le biais de conventions collectives ( 33 ).

78.

Au vu de ces considérations, afin de satisfaire aux obligations découlant de l’article 288 TFUE, la juridiction de renvoi est tenue de faire tout ce qui relève de ses compétences, en vertu du principe d’interprétation du droit national en conformité avec le droit de l’Union, afin de garantir la pleine effectivité de la directive 2008/104, ce principe ne pouvant cependant pas servir de base à une interprétation contra legem du droit national ( 34 ).

79.

L’obligation de la juridiction de renvoi implique de vérifier si les conventions collectives qui introduisent des dérogations au principe d’égalité de traitement garantissent la protection globale des travailleurs intérimaires en leur accordant certains avantages afin de compenser légalement toute dérogation à ce principe. Bien que les partenaires sociaux jouissent d’un large pouvoir d’appréciation pour trouver un équilibre entre de telles dérogations et les avantages compensatoires accordés aux travailleurs intérimaires, la juridiction de renvoi doit être en mesure d’apprécier si les partenaires sociaux sont, dans les faits, parvenus à cet équilibre. Nonobstant le respect nécessaire de la marge d’appréciation accordée aux partenaires sociaux, il n’y a pas de présomption que les conventions collectives se conforment au droit de l’Union.

80.

J’observe enfin que, contrairement à ce que la juridiction de renvoi semble admettre, il convient de répondre à la cinquième question indépendamment de la réponse à la troisième question dès lors que, pour les raisons exposées aux points 74 à 79 des présentes conclusions, c’est aux juridictions nationales qu’il appartient d’assurer la compatibilité des conventions collectives avec le droit de l’Union et en particulier la directive 2008/104.

81.

Je propose par conséquent à la Cour de répondre à la cinquième question en ce sens que les conventions collectives conclues par les partenaires sociaux peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel afin d’assurer que ces conventions collectives garantissent la protection globale des travailleurs intérimaires requise par l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104.

V. Conclusion

82.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne) :

1)

L’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative au travail intérimaire doit être interprété en ce sens que les partenaires sociaux peuvent, par le biais d’une convention collective, déroger au principe d’égalité de traitement en matière de rémunération au détriment des travailleurs intérimaires, à condition qu’une telle convention collective accorde des avantages compensatoires proportionnés en ce qui concerne les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires avec pour objectif de garantir leur protection globale.

2)

L’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens que :

la garantie de la protection globale des travailleurs intérimaires doit être appréciée en comparant les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires avec celles applicables aux travailleurs comparables recrutés directement par l’entreprise utilisatrice ;

les États membres peuvent offrir aux partenaires sociaux la possibilité de conclure des conventions collectives qui dérogent au principe d’égalité de traitement en ce qui concerne les travailleurs intérimaires qui sont liés à une entreprise de travail intérimaire par un contrat à durée déterminée.

3)

L’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens que, lorsque les États membres offrent aux partenaires sociaux la possibilité de conclure des conventions collectives qui mettent en place des dispositions concernant les conditions de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires qui dérogent au principe d’égalité de traitement, la législation nationale n’est pas tenue de prévoir des conditions et des critères détaillés auxquels les partenaires sociaux doivent se conformer, à condition de garantir la protection globale des travailleurs intérimaires.

4)

Les conventions collectives conclues par les partenaires sociaux peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel afin d’assurer que ces conventions collectives garantissent la protection globale des travailleurs intérimaires requise par l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2008/104.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2008, L 327, p. 9.

( 3 ) Arrêt du 8 septembre 2010, Winner Wetten (C‑409/06, EU:C:2010:503, point 36 et jurisprudence citée).

( 4 ) Arrêt du 8 septembre 2010, Winner Wetten (C‑409/06, EU:C:2010:503, point 37.

( 5 ) Arrêt du 8 septembre 2010, Winner Wetten (C‑409/06, EU:C:2010:503, point 38.

( 6 ) Arrêts du 18 décembre 2008, Andersen (C‑306/07, EU:C:2008:743, point 40), et du 17 mars 2022, Daimler (C‑232/20, EU:C:2022:196, point 29 et jurisprudence citée).

( 7 ) Article 3, paragraphe 1, sous f), ii), de la directive 2008/104.

( 8 ) Arrêt du 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire) (C‑681/18, EU:C:2020:823, point 40).

( 9 ) Voir, à cet égard, arrêts du 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire) (C‑681/18, EU:C:2020:823, point 41), et du 17 mars 2022, Daimler (C‑232/20, EU:C:2022:196, points 33 et 106).

( 10 ) Voir, par analogie, arrêts du 9 septembre 2003, Jaeger (C‑151/02, EU:C:2003:437, point 89), du 21 octobre 2010, Accardo e.a. (C‑227/09, EU:C:2010:624, point 58), et du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, points 56 et 72). Voir aussi conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Luso Temp (C‑426/20, EU:C:2021:995, point 62).

( 11 ) Publié sur le site internet de la Commission à l’adresse https://ec.europa.eu/social/BlobServlet ?docId=6998&langId=fr.

( 12 ) Ibid., page 28.

( 13 ) D’après le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur l’application de la directive 2008/104/CE relative au travail intérimaire du 21 mars 2014 [COM(2014) 176 final, p. 20], l’ampleur du recours à certaines dérogations au principe d’égalité de traitement pourrait avoir conduit à une situation où l’application de la directive 2008/104 n’a pas eu d’effet réel sur l’amélioration de la protection des travailleurs intérimaires.

( 14 ) Voir, à cet effet, arrêts du 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire) (C‑681/18, EU:C:2020:823, point 41), et du 17 mars 2022, Daimler (C‑232/20, EU:C:2022:196, point 33).

( 15 ) Voir, à cet égard, arrêt du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, points 70 et 72).

( 16 ) Voir, à cet égard, arrêt du 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire) (C‑681/18, EU:C:2020:823, points 51 et 52).

( 17 ) Voir, par analogie, arrêt du 12 mai 2022, Luso Temp (C‑426/20, EU:C:2022:373, point 50).

( 18 ) Arrêts du 10 avril 1984, von Colson et Kamann (14/83, EU:C:1984:153, point 15), et du 17 mars 2022, Daimler (C‑232/20, EU:C:2022:196, point 94).

( 19 ) Arrêts du 18 décembre 2008, Andersen (C‑306/07, EU:C:2008:743, point 25) ; du 11 février 2010, Ingeniørforeningen i Danmark (C‑405/08, EU:C:2010:69, point 39), et du 17 mars 2022, Daimler (C‑232/20, EU:C:2022:196, point 108).

( 20 ) Arrêts du 11 février 2010, Ingeniørforeningen i Danmark (C‑405/08, EU:C:2010:69, point 40), et du 17 mars 2022, Daimler (C‑232/20, EU:C:2022:196, point 109). Voir, également, article 11 de la directive 2008/104, qui prévoit que les États membres « s’assurent que les partenaires sociaux mettent en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toutes dispositions nécessaires leur permettant d’être à tout moment en mesure d’atteindre les objectifs fixés par la présente directive ».

( 21 ) Arrêt du 19 septembre 2018, Bedi (C‑312/17, EU:C:2018:734, point 68).

( 22 ) Voir, à cet égard, arrêts du 8 septembre 2011, Hennigs et Mai (C‑297/10 et C‑298/10, EU:C:2011:560, point 67), du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 47), du 28 juin 2012, Erny (C‑172/11, EU:C:2012:399, point 50), et du 19 septembre 2018, Bedi (C‑312/17, EU:C:2018:734, point 69).

( 23 ) Arrêt du 13 septembre 2011, Prigge e.a (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 46).

( 24 ) Voir, à cet égard, arrêts du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 48), du 12 décembre 2013, Hay (C‑267/12, EU:C:2013:823, point 27), et du 19 septembre 2018, Bedi (C‑312/17, EU:C:2018:734, point 70). Voir, également, considérant 19 de la directive 2008/104, qui affirme que, bien que la directive n’affecte pas l’autonomie des partenaires sociaux, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives doit être exercé « tout en respectant la législation [de l’Union] en vigueur ».

( 25 ) Voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2022, Daimler (C‑232/20, EU:C:2022:196, points 55 à 57), où la Cour a jugé que, bien que la mission doive être par nature temporaire, les États membres n’étaient pas tenus de poser dans la législation une durée maximale de la mission des travailleurs intérimaires auprès des entreprises utilisatrices en vertu de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 2008/104. Les juridictions nationales peuvent prévoir une telle durée maximale en l’absence de législation nationale à cet effet. Voir aussi arrêt du 18 décembre 2008, Andersen (C‑306/07, EU:C:2008:743, points 52 à 54).

( 26 ) Voir, à cet égard, arrêts du 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire) (C‑681/18, EU:C:2020:823, point 65), et du 17 mars 2022, Daimler (C‑232/20, EU:C:2022:196, point 76).

( 27 ) Voir, à cet égard, arrêts du 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire) (C‑681/18, EU:C:2020:823, point 66), et du 17 mars 2022, Daimler (C‑232/20, EU:C:2022:196, point 77).

( 28 ) Voir arrêt du 8 septembre 2011, Hennigs et Mai (C‑297/10 et C‑298/10, EU:C:2011:560, point 65 et jurisprudence citée).

( 29 ) La Cour a jugé que le fait que le droit de l’Union puisse faire obstacle à une clause incluse dans une convention collective n’est pas en lui-même contraire au droit de négocier et de conclure des conventions collectives, tel que reconnu à l’article 28 de la Charte (arrêt du 8 septembre 2011, Hennigs et Mai, C‑297/10 et C‑298/10, EU:C:2011:560, point 78).

( 30 ) Arrêts du 8 septembre 2011, Hennigs et Mai (C‑297/10 et C‑298/10, EU:C:2011:560, point 78), du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 83), du 12 décembre 2013, Hay (C‑267/12, EU:C:2013:823, point 47), du 19 septembre 2018, Bedi (C‑312/17, EU:C:2018:734, point 79), et du 13 janvier 2022, Koch Personaldienstleistungen (C‑514/20, EU:C:2022:19, point 46).

( 31 ) Arrêt du 7 février 1991, Nimz (C‑184/89, EU:C:1991:50, point 20).

( 32 ) Arrêt du 21 octobre 2010, Accardo e.a. (C‑227/09, EU:C:2010:624, point 51).

( 33 ) Voir, à cet égard, arrêt du 21 octobre 2010, Accardo e.a. (C‑227/09, EU:C:2010:624, point 55).

( 34 ) Voir, à cet égard, arrêt 14 octobre 2020, KG (Missions successives dans le cadre du travail intérimaire) (C‑681/18, EU:C:2020:823, points 65 et 66).