CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA
présentées le 24 novembre 2022 ( 1 )
Affaire C‑234/21
Défense Active des Amateurs d’Armes ASBL,
NG,
WL
contre
Conseil des ministres
[demande de décision préjudicielle introduite par la Cour constitutionnelle (Belgique)]
« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes à feu – Armes à feu interdites – Directive 91/477/CEE – Article 7, paragraphe 4 bis – Régime transitoire pour certaines armes à feu semi‑automatiques – Absence de faculté pour les États de prévoir un régime transitoire pour les armes tirant des munitions à blanc – Article 1er, paragraphe 1, point 1) – Notion d’“arme à feu” – Nécessité d’autorisation pour la détention d’armes tirant des munitions à blanc – Validité – Égalité devant la loi – Droit de propriété »
1. |
Dans le cadre d’un recours contre la réforme de la loi sur les armes ( 2 ), la Cour constitutionnelle (Belgique) s’interroge sur la validité de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477/CEE ( 3 ), introduit par la directive (UE) 2017/853 ( 4 ), transposé dans l’ordre juridique belge à la suite de cette réforme. |
2. |
En vertu de cette réforme législative, en 2019, certains types d’armes semi‑automatiques dont l’acquisition et la détention étaient jusqu’alors autorisées ont été interdites en Belgique. En revanche, ces mêmes armes, si elles avaient été légalement acquises et enregistrées avant le 13 juin 2017, sont restées autorisées, à titre transitoire et sous certaines conditions, en vertu de la possibilité offerte aux États membres par le nouvel article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477. |
3. |
Le régime transitoire prévu à cet article ne s’applique toutefois pas aux propriétaires des armes semi-automatiques transformées pour le tir de munitions à blanc, de produits irritants, d’autres substances actives ou d’articles de pyrotechnie, ou en armes de spectacle. |
4. |
La Cour constitutionnelle a saisi la Cour afin que celle-ci se prononce sur la validité de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477. Elle estime que cette disposition pourrait être contraire aux principes d’égalité devant la loi, de non‑discrimination et au droit de propriété, prévus respectivement aux articles 20, 21 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), ainsi qu’au principe de protection de la confiance légitime. |
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union : la directive 91/477
5. |
L’article 1er de la directive 91/477 dispose : « 1. Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
[...] » |
6. |
L’article 3 de cette directive prévoit ce qui suit : « Les États membres peuvent adopter dans leur législation des dispositions plus strictes que celles prévues par la présente directive [...] » |
7. |
L’article 6 de ladite directive prévoit : « 1. Sans préjudice de l’article 2, paragraphe 2, les États membres prennent toutes les mesures utiles pour interdire l’acquisition et la détention des armes à feu, des parties essentielles et des munitions de la catégorie A. Ils veillent à ce que ces armes à feu, parties essentielles et munitions illicitement détenues en infraction à cette interdiction soient saisies. 2. En vue de protéger la sécurité des infrastructures critiques, la navigation commerciale, les convois de grande valeur et les lieux sensibles, ainsi qu’à des fins de défense nationale, éducatives, culturelles, de recherche et historiques, et sans préjudice du paragraphe 1, les autorités nationales compétentes peuvent accorder, dans des cas particuliers, exceptionnels et dûment motivés, des autorisations pour les armes à feu, parties essentielles et munitions de la catégorie A lorsque cela n’est pas contraire à la sécurité publique ou à l’ordre public. [...] 6. Les États membres peuvent autoriser les tireurs sportifs à acquérir et à détenir des armes à feu semi-automatiques relevant du point 6 ou 7 de la catégorie A, sous réserve des conditions suivantes : [...] » |
8. |
L’article 7, paragraphe 4 bis, de la même directive dispose : « Les États membres peuvent décider de confirmer, renouveler ou prolonger les autorisations pour des armes à feu semi-automatiques relevant du point 6, 7 ou 8 de la catégorie A relativement à une arme à feu qui était classée dans la catégorie B et qui a été légalement acquise et enregistrée avant le 13 juin 2017, sous réserve des autres conditions établies dans la présente directive. [...] ». |
9. |
L’annexe I, partie II, de la directive 91/477 prévoit : « II. Aux fins de la présente directive, les armes à feu sont classées dans les catégories suivantes : A. Catégorie A – Armes à feu interdites
[...] » |
B. Le droit belge : la loi sur les armes ( 5 )
10. |
Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la loi sur les armes : « Sont réputées armes prohibées : [...]
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11. |
Aux termes de l’article 3, paragraphe 4, de cette loi : « Les armes à feu qui ont été transformées pour le tir de munitions à blanc, de produits irritants, d’autres substances actives ou d’articles de pyrotechnie, ou qui ont été transformées en armes de spectacle, et les armes à feu non transformées dans ce but servant uniquement à tirer les cartouches ou les substances précitées, demeurent dans la catégorie dans laquelle elles ont été réparties sur la base des paragraphes 1er et 3. » |
12. |
En vertu de l’article 45/2 de ladite loi : « Les personnes qui ont légalement acquis et enregistré avant le 13 juin 2017 une arme visée à l’article 3, § 1, 19° et 20°, soit sur autorisation, soit par enregistrement sur base d’un permis de chasse, un certificat de garde particulier ou une licence de tireur sportif, soit par enregistrement dans le registre d’une personne agréée, peuvent continuer à détenir cette arme, à condition que les autres conditions légales concernant la détention d’armes soient remplies. Cette arme ne peut être cédée qu’à des tireurs sportifs visés à l’article 27, § 3, alinéa 4, et à des armuriers, collectionneurs ou musées agréés à cet effet. L’arme à feu peut aussi être neutralisée conformément à l’article 3, § 2, 3°, ou peut faire l’objet d’un abandon. » |
II. Les faits, le litige et la question préjudicielle
13. |
Le 22 novembre 2019, l’association Défense Active des Amateurs d’Armes ASBL et deux particuliers ont saisi la Cour constitutionnelle d’un recours contre plusieurs articles de la loi du 5 mai 2019 ( 6 ) modifiant la loi sur les armes, portant transposition en droit belge de la directive 2017/853. |
14. |
Selon la juridiction de renvoi, en Belgique, les armes semi-automatiques transformées pour tirer des munitions à blanc étaient en vente libre. À compter de l’entrée en vigueur de l’article 153, paragraphe 5, et de l’article 163 de la loi du 5 mai 2019 ( 7 ), les personnes qui avaient acquis ce type d’armes sont devenues propriétaires soit d’une arme prohibée, soit d’une arme qui, en l’absence de l’autorisation requise, ne pouvait pas être régularisée, l’autorisation devant, en principe, être obtenue avant que l’arme ne soit acquise. |
15. |
En revanche, les propriétaires d’armes à feu semi-automatiques authentiques (non transformées) qui les auraient légalement achetées et enregistrées avant le 13 juin 2017 bénéficient d’un régime transitoire leur permettant de les conserver ( 8 ). |
16. |
La Cour constitutionnelle explique comment la directive 2017/853 a, pour des raisons de protection de la sécurité publique, modifié la directive 91/477 et a inscrit les armes semi‑automatiques sur la liste des armes à feu interdites (catégorie A, points 6 à 8). Pour des raisons analogues, les armes transformées en vue de leur utilisation avec des munitions à blanc ont été ajoutées à cette même liste dans la catégorie A, point 9 ( 9 ). |
17. |
Cette modification :
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18. |
En conséquence, si les armes, tant semi-automatiques (catégorie A, points 6 à 8) que transformées pour le tir de munitions à blanc (catégorie A, point 9), ont été acquises après le 13 juin 2017, leurs propriétaires sont soumis au même traitement défavorable, puisqu’ils ne bénéficient d’aucun régime transitoire ( 10 ). |
19. |
En revanche, il existe une inégalité de traitement entre les propriétaires d’armes semi-automatiques de catégorie A, points 6 à 8, et les propriétaires d’armes de catégorie A, point 9, dès lors que, les uns comme les autres les ont acquises avant le 13 juin 2017. Les premiers peuvent bénéficier du régime transitoire ; les seconds, non. |
20. |
Selon la juridiction de renvoi, l’arrêt République tchèque/Parlement et Conseil ne permet pas de déterminer si cette différence de traitement est conforme aux principes d’égalité, de non‑discrimination, de protection de la confiance légitime et au droit de propriété des biens ( 11 ). |
21. |
Dans ce contexte, la Cour constitutionnelle a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante : « L’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive [91/477], lu en combinaison avec la partie II, catégorie A, points 6 à 9, de l’annexe I à la même directive, viole-t-il [l’article 17, paragraphe 1, et les articles 20 et 21] de la [Charte] et le principe de protection de la confiance légitime en ce qu’il n’autorise pas les États membres à prévoir un régime transitoire pour les armes à feu visées dans la catégorie A9 qui ont été légalement acquises et enregistrées avant le 13 juin 2017, alors qu’il les autorise à prévoir un régime transitoire pour les armes à feu visées dans les catégories A6 à A8 qui ont été légalement acquises et enregistrées avant le 13 juin 2017 ? » |
III. La procédure devant la Cour
22. |
La demande de décision préjudicielle a été enregistrée auprès du greffe de la Cour le 12 avril 2021. |
23. |
Des observations écrites ont été déposées par l’association requérante, NG et WL, le gouvernement belge, le Conseil de l’Union européenne, le Parlement européen ainsi que par la Commission européenne. Ces trois institutions, de même que le gouvernement belge, ont participé à l’audience qui s’est tenue le 19 septembre 2022. |
IV. Analyse
A. Observations liminaires
1. Cadre de la controverse
24. |
La directive 91/477 distinguait, dans sa version originale, plusieurs catégories d’armes à feu : A (« armes à feu interdites ») ; B (« armes à feu soumises à autorisation ») ; C (« armes à feu soumises à déclaration »), et D (« autres armes à feu ») ( 12 ). |
25. |
La directive 2017/853 a réformé cette classification en interdisant certaines armes semi-automatiques qui avaient jusqu’alors été incluses, de manière plutôt générale, dans la catégorie B, points 1 et 4 (selon qu’il s’agissait d’armes courtes ou longues), en tant qu’armes soumises à autorisation. |
26. |
À la suite de cette réforme, un certain nombre d’armes à feu semi‑automatiques précédemment classées dans la catégorie B (soumises à autorisation) ont donc été incluses dans la catégorie A (armes interdites). |
27. |
En particulier, à l’annexe I, partie II, de la directive 91/477, la catégorie A a été modifiée pour comprendre, entre autres, trois sous-catégories ( 13 ) :
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28. |
En outre, une sous-catégorie a été créée, dans la catégorie A (point 9), comprenant « toute arme à feu dans [la catégorie A] qui a été transformée pour le tir de munitions à blanc [...] ». |
29. |
Le législateur de l’Union a tenu compte du fait que le passage de ces armes de la catégorie B à la catégorie A impliquait qu’un nombre élevé de propriétaires d’armes semi-automatiques acquises légalement seraient privés de leur propriété (l’interdiction de leur acquisition et de leur détention entraînait leur saisie) ( 14 ). |
30. |
C’est pourquoi, dans un nouvel article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477, a été prévue la possibilité, pour les États membres, de confirmer, de renouveler ou de prolonger les autorisations pour des armes à feu semi‑automatiques relevant des points 6 à 8 de la catégorie A correspondant à des armes à feu qui étaient classées dans la catégorie B et qui avaient été légalement acquises et enregistrées avant le 13 juin 2017 (date d’entrée en vigueur de la directive 2017/853). |
31. |
Toutefois, ce régime transitoire ne mentionne pas les armes de la catégorie A, point 9, à savoir celles qui auraient été transformées pour le tir de munitions à blanc. Le silence de cette disposition sur ces dernières ( 15 ), associé à la mention expresse des armes de catégorie A, points 6 à 8, conduit à interpréter la disposition de façon littérale : seuls les titulaires de celles-ci (les armes non transformées), et non ceux des autres (les armes transformées), pouvaient bénéficier du régime transitoire. |
32. |
Je ne crois pas que l’on puisse se ranger à une exégèse de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477 qui étende son champ d’application, outre aux armes à feu semi-automatiques non transformées relevant de la catégorie A, points 6 à 8, à ces mêmes armes transformées pour tirer des munitions à blanc, qui relèvent de la catégorie A, point 9, de la directive 91/477, après la réforme de la directive 2017/853 ( 16 ). |
33. |
Cette exégèse se heurterait à la formulation de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477 qui, j’insiste, ne mentionne pas les armes à feu de catégorie A, point 9, issues de l’adaptation (pour tirer des munitions à blanc) de celles de la catégorie A, points 6 à 8. |
34. |
Je reconnais que, pour la Cour, il serait plus aisé de procéder à une interprétation conforme de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477 ( 17 ) qui éviterait les conséquences attachées à son éventuelle déclaration d’invalidité. Il suffirait, selon cette thèse, de considérer que le régime transitoire s’étend également aux armes à feu semi-automatiques de catégorie A, point 9, alors même que le texte ne les inclut pas littéralement. |
35. |
Cependant, j’estime qu’il n’est pas envisageable d’aller à l’encontre de la volonté du législateur, ou de la dénaturer, alors que ce dernier a lui-même opté pour un régime transitoire qui, expressis verbis, ne concerne que certaines catégories d’armes et pas d’autres ; a fortiori lorsque, comme cela a été dit lors de l’audience, cette mesure a été adoptée de manière consciente et intentionnelle. |
36. |
Ainsi que la Cour l’a rappelé, « une interprétation d’une disposition du droit de l’Union ne saurait avoir pour résultat de retirer tout effet utile au libellé clair et précis de cette disposition. Ainsi, dès lors que le sens d’une disposition du droit de l’Union ressort sans ambiguïté du libellé même de celle-ci, la Cour ne saurait se départir de cette interprétation » ( 18 ). |
37. |
Dans ces conditions, les doutes quant à la validité de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477 (telle que modifiée) s’appuient sur le fait que les armes semi-automatiques tirant des munitions à blanc ayant été inscrites dans la catégorie A ( 19 ), leurs propriétaires n’ont plus le choix de les conserver. Le fait de savoir si cette disposition porte atteinte aux droits invoqués par la juridiction de renvoi, ainsi qu’au principe de confiance légitime, est une question que seule la Cour est en mesure de trancher. |
2. Recevabilité de la question préjudicielle
38. |
Selon la Commission, la demande de décision préjudicielle est irrecevable en ce qu’elle serait hypothétique. Selon cette institution :
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39. |
Je ne partage pas l’objection de la Commission, car, selon moi, les dispositions relatives à l’autorisation (préalable) et à l’enregistrement des armes litigieuses n’admettent pas uniquement la lecture qu’opère cette institution. Une telle lecture serait d’ailleurs, comme la Commission le reconnaît elle-même, tributaire de l’appréciation de la juridiction de renvoi, dont le renvoi bénéficie de la présomption de pertinence. |
40. |
En tout état de cause, les doutes soulevés ne présentent pas un caractère hypothétique et leur solution passe par l’interprétation de la directive 91/477 :
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B. Sur la validité de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477 au regard des articles 20 et 21 de la Charte
41. |
Dans le cadre de l’examen du régime transitoire instauré par l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477, la juridiction de renvoi invoque l’éventuelle violation des droits fondamentaux d’égalité devant la loi et de non‑discrimination (articles 20 et 21 de la Charte). |
42. |
La discrimination interdite à l’article 21 de la Charte vise des circonstances personnelles ( 20 ) de nature subjective, sur lesquelles se fonderait une différence de traitement injustifiée et préjudiciable à celui qui la subit. |
43. |
La décision de renvoi ne préciserait pas en quoi, dans la présente affaire, il y aurait une discrimination d’une telle nature. Au contraire, il ressort de son argumentation que l’éventuelle différence de traitement vise un élément objectif, à savoir la propriété de certaines armes (catégorie A, points 6 à 8) plutôt que d’autres (catégorie A, point 9), par rapport à un facteur temporel, à savoir leur date d’acquisition. |
44. |
Je concentrerai mon analyse, dès lors, sur l’article 20 de la Charte, en vertu duquel le droit à l’égalité de traitement « exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée » ( 21 ). |
45. |
Afin de déterminer s’il y a eu violation de ce droit, il convient de commencer par apprécier si les propriétaires d’armes classées par la directive 91/477 (modifiée) dans la catégorie A, points 6 à 8, se trouvaient dans une situation comparable à celle des détenteurs d’armes qui ont été classées dans la catégorie A, point 9. |
46. |
À cette fin, il convient de vérifier si, sous l’empire de la directive 91/477, avant sa modification par la directive 2017/853, l’acquisition et la détention des armes semi-automatiques étaient soumises aux conditions d’autorisation et d’enregistrement. |
1. Les armes tirant des munitions à blanc avant la directive 2017/853
47. |
Les observations des intervenants divergent sur le régime des armes semi‑automatiques tirant des munitions à blanc avant la directive 2017/853 :
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48. |
Ce dernier point de vue est, selon moi, davantage pertinent, puisqu’il est conforme à la notion d’« arme à feu » au sens de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de la directive 91/477, tant avant qu’après sa modification par la directive 2017/853. Cette notion comprend « toute arme à canon portative qui propulse des plombs, une balle ou un projectile par l’action de la combustion d’une charge propulsive, ou qui est conçue pour ce faire ou peut être [facilement] transformée à cette fin » ( 25 ). |
49. |
De toutes les observations des parties intervenantes sur ce point, les plus convaincantes me semblent être celles exposées par le Parlement, aux arguments duquel je suis enclin à me ranger. Cette institution affirme que l’ajout du point 9 dans la catégorie A devrait être considéré comme la clarification d’une règle déjà en vigueur, plutôt que comme l’introduction d’une modification de fond ( 26 ). |
50. |
Il ajoute que les armes de la catégorie A, point 9, auraient été initialement conçues pour propulser des plombs, des balles ou des projectiles et que, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de la directive 91/477 avant la modification de 2017, elles n’auraient pu être exclues de la notion d’« arme à feu » que pour l’un des motifs énumérés à l’annexe I, partie III, sous a), b) et c) ( 27 ), dont aucun n’était présent en l’espèce. |
51. |
À cet égard, il fait valoir que :
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52. |
Dès lors, la transformation d’une arme à feu en arme tirant des munitions à blanc ne remettait pas en cause sa qualité originaire (d’arme à feu soumise au régime harmonisé de la directive 91/477), conformément à l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de cette directive avant sa modification par la directive 2017/853. |
53. |
Comme je le disais, je partage pour l’essentiel ces arguments, qui méritent toutefois d’être étayés davantage. |
54. |
Les armes semi-automatiques transformées en armes tirant des munitions à blanc sont équipées de mécanismes initialement conçus pour supporter le tir à feu réel. Dans cette mesure, elles relèvent sans aucun doute de la notion visée à l’article 1er, paragraphe 1, point 1, deuxième alinéa, de la directive 91/477, avant sa modification par la directive 2017/853 ( 29 ). |
55. |
En effet, ce type d’« objet » est susceptible d’être transformé en vue de lancer un plomb, une balle ou un projectile par l’action d’un propulseur combustible. Si, en outre, il revêt « l’aspect d’une arme à feu » et « du fait de ses caractéristiques de construction ou du matériau dans lequel il est fabriqué, il peut être ainsi transformé », quel objet pourrait être mieux adapté à cet effet que l’arme originale transformée ? |
56. |
L’analyse du point de vue du contraste avec les armes neutralisées conduit au même résultat. Dans un autre renvoi préjudiciel ( 30 ), la question s’est posée de savoir si ces dernières relevaient de la notion d’« arme à feu ». J’ai alors penché pour la réponse positive, après avoir exposé que :
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57. |
S’il en est ainsi pour les armes neutralisées, il doit en aller de même, a fortiori, pour celles qui subissent des transformations leur permettant de tirer des munitions à blanc. Dans les armes semi‑automatiques transformées pour ce type de munitions, les parties essentielles demeurent intactes et opérationnelles, à l’exception du canon ( 33 ). La modification apportée par la directive 2017/853, qui a élargi le catalogue des parties essentielles (énumérées désormais à l’article 1er, paragraphe 2), corrobore cette affirmation ( 34 ). |
58. |
En somme, les armes semi-automatiques existant à l’entrée en vigueur de la réforme de la directive 91/477 qui relevaient de la catégorie B, et qui, après la réforme, ont été classées dans la catégorie A, points 6 à 8, étaient soumises à autorisation et enregistrement, qu’elles fussent modifiées pour le tir de munitions à blanc ou non. |
59. |
Quant au fait de savoir si les États membres, en adoptant leurs réglementations internes, ont ou non respecté ce critère, il s’agit d’une question distincte. Il ressort des informations fournies que, dans certains de ceux-ci (six, dont la Belgique), cela n’a pas été le cas ( 35 ). Cette circonstance de fait n’est toutefois pas de nature à remettre en cause ce qui a été exposé jusqu’à présent. |
2. La différence de traitement et l’égalité devant la loi
60. |
Les propriétaires d’armes semi-automatiques relevant de la catégorie A, points 6 à 8, alors qu’ils se trouvent dans une situation comparable (en ce qui concerne leur régime juridique), sont donc traités différemment : s’ils possédaient des armes non transformées, ils sont soumis au régime transitoire de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477, après la réforme de la directive 2017/853 ; si ces mêmes armes ont été adaptées pour tirer des cartouches à blanc, ils ne peuvent pas bénéficier du régime transitoire. |
61. |
Une différence de traitement n’est justifiée que « dès lors qu’elle est fondée sur un critère objectif et raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la législation en cause, et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné » ( 36 ). |
62. |
Étant donné qu’en l’espèce, le doute quant à la validité s’étend à un acte législatif de l’Union, « il appartient au législateur de l’Union d’établir l’existence de critères objectifs avancés au titre d’une justification et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence desdits critères » ( 37 ). |
63. |
Les observations écrites des institutions intervenantes divergent quant à la comparabilité de la situation des propriétaires d’armes de catégorie A, points 6 à 8, avec celle des propriétaires d’armes de catégorie A, point 9 :
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64. |
Face à la diversité des opinions entre les institutions, lors de l’audience, il a été débattu de la question de savoir si l’extension du régime transitoire de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477, telle que modifiée par la directive 2017/853 aux armes tirant des munitions à blanc aurait compromis l’objectif de sauvegarde de la sécurité publique poursuivi par cette dernière directive. |
65. |
Avec diverses nuances, les institutions se sont trouvées d’accord pour dire que le régime transitoire a été conçu en fonction de la variété des modèles jusqu’alors existant dans les États membres. Pour les armes tirant des munitions à blanc, un critère différent de celui de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477 a été appliqué : au lieu de se focaliser sur l’autorisation par catégorie d’armes (comme le fait la disposition en question), le législateur a préféré se référer aux possibilités de dérogation de l’article 6 de cette directive, qui permet l’examen au cas par cas de la situation du propriétaire de l’arme transformée pour le tir de munitions à blanc. |
66. |
Cette explication présente, à mon sens, au moins trois faiblesses, du point de vue du droit à l’égalité des détenteurs d’armes semi‑automatiques, transformées ou non transformées, qui les auraient légalement acquises, dans un cas comme dans l’autre, avant le 13 juin 2017. |
67. |
Premièrement, la disparité législative au niveau national ne justifierait pas l’adoption de solutions qui ignorent la réalité du champ d’application (uniforme) de la directive 91/477, avant sa modification par la directive 2017/853. |
68. |
Deuxièmement, rien n’aurait empêché d’appliquer un régime transitoire, avec toutes les précautions qui s’imposent, aux détenteurs d’armes semi‑automatiques transformées pour le tir de munitions à blanc, à la condition que (dans les États membres où elles n’étaient pas soumises à autorisation) leurs propriétaires procèdent à leur enregistrement en bonne et due forme. Cette solution, à laquelle je ferai référence plus loin, aurait évité que, dans les États membres (la majorité) qui prévoyaient bien le régime d’autorisation préalable, les titulaires de ces armes ne soient subitement privés de leur détention. |
69. |
Troisièmement, le recours au régime de l’article 6 de la directive 91/477 ne remédie pas à l’inégalité de traitement. Certes, cette directive, telle que modifiée par la directive 2017/853, après avoir prévu l’interdiction des armes de catégorie A, a mis en place (article 6, paragraphes 2 à 7, de ladite directive) un régime dérogatoire. Aux termes de celui-ci :
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70. |
Cela étant, toutes les armes semi-automatiques transformées pour le tir de munitions à blanc ne sont pas couvertes par les dispositions dérogatoires de l’article 6 de la directive 91/477, telle que modifiée par la directive 2017/853. En particulier :
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71. |
Dès lors, même si l’article 6 de cette directive atténue quelque peu l’anomalie, il ne la résout pas complètement, ce qui confirme que la question se pose précisément dans le cadre du régime transitoire lui-même de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477. |
72. |
Selon moi, la comparaison des armes est déterminante pour la solution du problème. Alors que les unes (celles classées dans la catégorie A, points 6, 7 ou 8) sont tout à fait fonctionnelles et capables de tirer des balles ou des projectiles, les autres (celles de la catégorie A, point 9), ne font que détoner et expulser des gaz. Les premières constituent un danger actuel, les secondes présentent un risque potentiel en cas de remise en état. |
73. |
Du point de vue de la sécurité, il serait donc objectivement raisonnable et proportionné que les armes de la catégorie A, point 9, soient traitées avec moins de rigueur que celles de la catégorie A, points 6 à 8. En revanche, la solution légale est tout à fait inverse. |
74. |
Il existe assurément un risque que les armes semi-automatiques tirant des munitions à blanc soient transformées pour tirer des balles ou des projectiles par l’action d’un propulseur combustible. Leur classement dans la catégorie A (c’est‑à-dire leur interdiction) serait dès lors raisonnable. L’objectif de protection de la sécurité publique a été, aux termes du considérant 20 de la directive 2017/853, l’objectif déterminant pour l’introduction de la catégorie A, point 9. |
75. |
Or, les armes semi-automatiques de catégorie A, points 6, 7 ou 8, présentent, comme je viens de l’indiquer, à tout le moins ce même risque : sans nécessité de transformation, elles sont aptes à tirer des balles ou des projectiles (en nombre limité). Leur classement dans la catégorie A des armes prohibées était donc également raisonnable. |
76. |
Ce qui est moins logique, du point de vue de l’objectif de sécurité publique, est, je le répète, le fait que, pour les armes les plus dangereuses (les armes semi-automatiques non transformées), la détention soit permise à titre transitoire, alors que ce même régime transitoire n’est pas accordé pour celles, en théorie, moins dangereuses du fait de leur transformation en armes tirant des munitions à blanc. |
77. |
Dans leurs observations écrites, les institutions intervenantes font valoir que l’absence d’enregistrement préalable des armes tirant des munitions à blanc empêcherait le contrôle de celles existantes. Je ne pense cependant pas que cette explication soit satisfaisante :
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78. |
En définitive, j’estime que l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477 est contraire au principe d’égalité de traitement devant la loi en ce que, sans justification raisonnable, il traite de manière différente des situations comparables. |
79. |
Si la Cour est d’accord avec mon appréciation, il ne sera pas nécessaire d’examiner la conformité de cette disposition à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, ni au principe de protection de la confiance légitime. Pour le cas où elle ne le serait pas, je les analyserai brièvement. |
C. Sur la validité de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477 au regard de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte
80. |
La prémisse est qu’il est interdit aux personnes ayant acquis des armes de la catégorie A, points 6 à 8, transformées en armes tirant des munitions à blanc, avant le 13 juin 2017, de les détenir, même de manière transitoire. La question se pose donc de savoir si cette ingérence dans le droit de propriété est raisonnablement justifiée ou si, au contraire, elle est démesurée ( 41 ). |
81. |
Ce même problème a été soulevé dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt République tchèque/Parlement et Conseil. Dans cet arrêt, la Cour, après avoir rappelé sa jurisprudence relative à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte ( 42 ), a affirmé que l’interdiction des armes à feu semi-automatiques visées à l’annexe I, partie II, catégorie A, points 6 à 8, de la directive 91/477, telle que modifiée par la directive 2017/853, ne constituait pas une ingérence démesurée dans le droit de propriété de leurs détenteurs. |
82. |
Or, les raisons qui ont conduit à cette décision ont été, pour l’essentiel :
|
83. |
Or, la première de ces raisons n’est pas présente en ce qui concerne les armes semi-automatiques de la catégorie A, points 6 à 8, transformées pour tirer des munitions à blanc, qui sont classées dans la catégorie A, point 9. L’absence, pour celles-ci, de tout régime transitoire entraîne que les armes légalement acquises avant le 13 juin 2017 sont considérées comme tout simplement prohibées et doivent être saisies. |
84. |
Quant à la seconde raison, j’ai déjà expliqué que l’article 6 de la directive 91/477, telle que modifiée par la directive 2017/853, ne résout pas les problèmes, puisqu’il laisse sans possibilité de régularisation d’importantes catégories d’armes de tir de munitions à blanc légalement possédées, mais qui ne sont pas visés par cette disposition. Dans ces cas, les propriétaires des armes tirant des munitions à blanc acquises préalablement et légalement, avant le 13 juin 2017, subissent une expropriation immédiate, sans régime transitoire, qui ne s’accompagne d’aucune indemnisation légalement prévue. |
85. |
Certes, le législateur de l’Union peut exclure la possibilité de maintenir la propriété d’armes à feu préalablement et régulièrement acquises, compte tenu de « l’usage des biens dans l’intérêt général, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte » ( 45 ). |
86. |
Cependant, s’il décide cela pour les armes préalablement et régulièrement acquises par rapport auxquelles, sans aucune possibilité de bénéficier des dérogations générales, seules la dépossession ou la neutralisation définitive sont envisageables, la garantie du droit de propriété n’est pas respectée. |
87. |
Cette garantie ne pourrait être sauvegardée que par l’indemnisation du titulaire dépossédé, laquelle n’est pas prévue par la directive 91/477, telle que modifiée par la directive 2017/853. |
88. |
L’une des institutions intervenantes préconise de faire incomber la responsabilité aux États membres, en faisant valoir que c’est à ces derniers qu’il appartient de veiller à la transposition correcte des directives et que, en transposant dans leur droit la directive 91/477, telle que modifiée par la directive 2017/853, ils avaient la possibilité de prévoir des compensations ( 46 ). |
89. |
Cette thèse pourrait être valable dans les cas où la réglementation de l’Union accorde une marge d’appréciation aux États membres, mais non lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, la lecture combinée de l’article 6 et de l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477 ne permet pas que certaines catégories d’armes semi-automatiques transformées pour tirer des munitions à blanc, acquises légalement à l’époque, puissent continuer à faire l’objet d’une détention licite. |
D. Sur le principe de protection de la confiance légitime
90. |
« Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, le droit de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union. En effet, ce droit appartient à tout justiciable à l’égard duquel une institution, un organe ou un organisme de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants » ( 47 ). |
91. |
À l’instar des trois institutions intervenantes dans la présente procédure (Parlement, Conseil et Commission), j’estime que la décision de renvoi n’identifie aucune garantie qui aurait été fournie par le législateur ou d’autres autorités de l’Union aux titulaires d’armes classées dans la catégorie A, point 9, de l’annexe I, partie II, de la directive 91/477 et qui serait susceptible de fonder l’attente de pouvoir conserver ces armes, acquises avant le 13 juin 2017, en application d’un régime transitoire. |
92. |
Au contraire, les études qui ont précédé la réforme de la directive 2017/853 mettaient en évidence les différences entre les réglementations des États membres quant à l’application de la directive 91/477 et suggéraient de définir des critères uniformes concernant les armes d’alarme ou de spectacle afin d’empêcher leur transformation en armes à feu réelles ( 48 ). |
93. |
Si, au regard de l’article 3 de la directive 91/477, on pouvait s’attendre, en général, à un durcissement des conditions de possession des armes à feu, les antécédents immédiats de la réforme indiquaient cette tendance de manière spécifique. |
V. Conclusion
94. |
Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre à la Cour constitutionnelle (Belgique) dans les termes suivants : L’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477/CEE du Conseil, du 18 juin 1991, relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, telle que modifiée par la directive (UE) 2017/853 du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2017, viole les articles 17 et 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que : il n’autorise pas les États membres à étendre le régime transitoire qu’il prévoit pour les armes à feu semi-automatiques relevant de la catégorie A, points 6 à 8, de l’annexe I, partie II, de cette directive à ces mêmes armes qui, du fait d’avoir été transformées en vue de tirer des cartouches à blanc, relèvent de la catégorie A, point 9, de l’annexe I, partie II, de ladite directive, ni à prévoir un régime analogue pour ces dernières ; il ne prévoit pas de compensation, pour les cas de privation de propriété et de l’usage des armes légalement acquises, lorsque leurs propriétaires ne peuvent pas bénéficier de la possibilité exceptionnelle d’autorisation prévue à l’article 6 de la directive 91/477. |
( 1 ) Langue originale : l’espagnol.
( 2 ) Loi du 5 mai 2019 portant des dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes, et modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie et le code pénal social (Moniteur belge du 24 mai 2019, p. 50023 ; ci-après la « loi du 5 mai 2019 »). Cette loi est venue modifier la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et individuelles avec des armes (Moniteur belge du 9 juin 2006, p. 29840 ; ci-après la « loi sur les armes »).
( 3 ) Directive du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes (JO 1991, L 256, p. 51). Cette directive a été abrogée par la directive (UE) 2021/555 du Parlement européen et du Conseil, du 24 mars 2021, relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes (JO 2021, L 115, p. 1).
( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes (JO 2017, L 137, p. 22).
( 5 ) Les articles sont cités dans la version modifiée par la loi du 5 mai 2019.
( 6 ) En l’espèce, le recours était dirigé contre son article 153, paragraphe 5, lu en combinaison avec son article 163, venus respectivement modifier l’article 3, paragraphe 4, et l’article 45/2 de la loi sur les armes.
( 7 ) L’entrée en vigueur est intervenue le 3 juin 2019.
( 8 ) La directive 2017/853 prévoit le même schéma au regard des armes tirant des munitions à blanc appartenant aux catégories B et C de l’annexe I, partie II (soumises, respectivement, à une autorisation et à une déclaration), de sorte que toute arme sera soumise au régime (interdiction, autorisation ou déclaration) qui lui était applicable avant sa transformation en arme tirant des munitions à blanc. Les doutes de la juridiction de renvoi ne concernant que les armes interdites, je concentrerai mon analyse sur la catégorie A, point 9, en laissant de côté la catégorie B, point 8, et la catégorie C, point 5.
( 9 ) Bien que le point 9 se réfère à « toute arme à feu dans cette catégorie [A] qui a été transformée pour le tir de munitions à blanc, de produits irritants, d’autres substances actives ou d’articles de pyrotechnie, ou en arme de spectacle », le présent litige ne vise que les armes transformées pour servir uniquement au tir de munitions à blanc (point B.14 de la décision de renvoi). Pour ce qui nous intéresse ici, donc, en l’absence d’autres précisions, la référence à la catégorie A, point 9, sera limitée aux armes tirant des munitions à blanc.
( 10 ) La Cour constitutionnelle affirme que l’interdiction absolue de ces armes à compter du 13 juin 2017 était prévisible depuis la publication de la directive 2017/853. Elle renvoie, à cet égard, à l’arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil (C‑482/17, ci-après l’« arrêt République tchèque/Parlement et Conseil », EU:C:2019:1035), pour soutenir que cette interdiction était compatible avec le droit de propriété et avec la protection de la confiance légitime.
( 11 ) D’après la Cour constitutionnelle, l’arrêt République tchèque/Parlement et Conseil n’a analysé que l’absence de régime transitoire pour les armes de la catégorie A, points 6, 7 ou 8, acquises après le 13 juin 2017 (point B.18.3 de la décision de renvoi). À présent, la question porte sur la même absence de régime transitoire pour les armes de la catégorie A, point 9, acquises avant cette date.
( 12 ) La réforme opérée par la directive 2008/51/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes (JO 2008, L 179, p. 5) a maintenu cette structure en se bornant à modifier le contenu de la catégorie B.
( 13 ) Les catégories A, points 1 à 5, sont restées telles qu’elles existaient déjà. D’autres types d’armes semi-automatiques ont été classés dans la catégorie B.
( 14 ) Article 6, paragraphe 1, de la directive 91/477.
( 15 ) Pour le gouvernement belge, qui l’a ainsi avancé à la suite de l’examen du parcours législatif, il s’est agi d’un oubli. Le Parlement, le Conseil et la Commission ont, au contraire, soutenu lors de l’audience que l’exclusion avait été intentionnelle, au vu des inconvénients que comportait toute autre solution.
( 16 ) C’est l’interprétation à laquelle semble se référer la Commission lorsque, dans ses observations écrites (points 73 et suiv.), elle fait valoir que ce n’est pas l’article 7, paragraphe 4 bis, de la directive 91/477 qui crée la différence de traitement entre les détenteurs d’armes de différentes catégories, mais la loi belge qui se prévaut de cette disposition, ayant eu la possibilité de refuser la confirmation, le renouvellement ou la prorogation des autorisations accordées aux armes semi-automatiques de catégorie A, points 6, 7 ou 8.
( 17 ) Cette possibilité a été évoquée par la Cour lors de l’audience. Certains des intervenants ne l’ont pas écartée, tandis que d’autres l’ont considérée comme contra legem.
( 18 ) Arrêt du 20 septembre 2022, VD et SR (C‑339/20 et C‑397/20, EU:C:2022:703, point 71, citant l’arrêt du 25 janvier 2022, VYSOČINA Wind, C‑181/20, EU:C:2022:51, point 39).
( 19 ) Je me réfère ici, comme je le préciserai plus loin, aux armes semi-automatiques tirant des munitions à blanc jusqu’alors soumises à autorisation (catégorie B) en vertu de la directive 91/477, même si dans certains États celles-ci étaient, en fait, en vente libre.
( 20 ) « [...] le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ». Le paragraphe 2 de cette disposition ajoute la nationalité, sous certaines conditions.
( 21 ) Arrêt du 17 octobre 2013, Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:661, point 76).
( 22 ) Points 26, 33 et 37 de ses observations écrites. Le gouvernement belge a précisé sa position lors de l’audience, en affirmant que l’enregistrement visé au point 33 ne concernait pas les armes tirant des munitions à blanc.
( 23 ) Points 12 et 13 de ses observations écrites.
( 24 ) La Commission, après avoir contesté la recevabilité du renvoi préjudiciel sur la base de l’absence d’autorisation et d’enregistrement en Belgique, reconnaît par la suite que celles tirant des munitions à blanc étaient des « armes à feu », soumises par conséquent au régime de la directive 91/477 avant sa modification (point 30 de ses observations écrites).
( 25 ) L’adverbe « facilement », présent dans la version en langue espagnole, n’apparaît pas dans les autres versions linguistiques consultées (en langue allemande : « eine Kugel oder ein anderes Geschoss mittels Treibladung durch einen Lauf verschießt, die für diesen Zweck gebaut ist oder die für diesen Zweck umgebaut werden kann » ; en langue française : « qui propulse des plombs, une balle ou un projectile par l’action de la combustion d’une charge propulsive, ou qui est conçue pour ce faire ou peut être transformée à cette fin » ; en langue italienne : « o può essere trasformata al fine di espellere un colpo » ; en langue portugaise : « que possa ser modificada para disparar balas ou projéteis » ; en langue roumaine : « sau poate fi transformată să expu lzeze o alice, un glonț sau un proiectil » ; ou en langue anglaise : « may be converted to expel a shot, bullet or projectile »). Mis à part son absence dans d’autres versions linguistiques, je ne pense pas que, du point de vue de la sécurité, la difficulté ou la facilité d’une transformation soit un élément de nature à qualifier ou non une arme d’« arme à feu ». La simple possibilité de transformation entraîne, en soi, un risque.
( 26 ) Observations du Parlement, point 23. Dans la note 7, ce dernier indique qu’il en va de même pour les ajouts au point 8 de la catégorie B, et au point 5 de la catégorie C, pour les armes tirant des munitions à blanc dérivées de la transformation d’armes à feu soumises à autorisation et déclaration respectivement.
( 27 ) À savoir qu’il s’agisse : a) d’armes rendues définitivement impropres à l’usage ; b) d’armes qui sont conçues aux fins d’alarme, de signalisation, de sauvetage, d’abattage, de pêche au harpon ou destinées à des fins industrielles ou techniques à condition qu’elles ne puissent être utilisées que pour cet usage précis ; c) d’armes antiques ou de reproductions de celles-ci.
( 28 ) Puisque ce sont bien des armes à feu, elles entrent dans la catégorie correspondant à la directive 91/477, annexe I, partie II, du moment que ces « reproductions [...] peuvent être construites en recourant à des techniques modernes améliorant leur durabilité et leur précision, suggérant ainsi que de telles armes sont susceptibles de présenter une dangerosité supérieure à celle des véritables armes anciennes » (arrêt République tchèque/Parlement et Conseil, point 129).
( 29 ) La modification opérée par la directive 2017/853 n’a pas été essentielle sur ce point.
( 30 ) Affaire A (Circulation d’armes à feu neutralisées), dans laquelle j’ai présenté mes conclusions le 7 juillet 2022 (C‑296/21, EU:C:2022:538).
( 31 ) Annexe I, partie III, sous a), de la directive 91/477, avant sa modification par la directive 2017/853.
( 32 ) La réforme opérée par la directive 2008/51 a incorporé à l’article 1er, paragraphe 1 ter, de la directive 91/477 ce qui était déjà initialement prévu à l’annexe I, partie II, sous b).
( 33 ) Les opérations de transformation d’une arme à feu réelle en une arme tirant des munitions à blanc se concentrent sur le canon de l’arme. Par une série de goupilles qui traversent l’âme du canon, la sortie d’un projectile est physiquement empêchée, tout en laissant place à l’expulsion de gaz de la combustion de la poudre de la cartouche à blanc. L’une des goupilles doit être placée en travers de la chambre, coïncidant avec la partie avant de l’espace où se loge la balle, afin d’éviter qu’une cartouche à feu réelle puisse être introduite et éviter ainsi des accidents.
( 34 ) À la différence de la reconstitution d’une arme à partir de l’assemblage de parties essentielles provenant d’autres armes, une reconversion en arme à feu par l’annulation des adaptations du canon pour le tir de munitions à blanc s’effectue sur le support structurel inaltéré des parties essentielles de l’arme originale, sans qu’aucune modification ni adaptation soit nécessaire.
( 35 ) Un grand nombre d’États membres de l’Union s’y sont conformés. Les réponses du Parlement, du Conseil et de la Commission à une question de la Cour sont unanimes quant au fait que ce n’est que dans six États membres que l’acquisition et la détention d’armes tirant des munitions à blanc n’étaient pas soumises à autorisation. Lors de l’audience, il a été relevé que la variété des solutions législatives nationales (dans ce qui a été qualifié de « cacophonie » et de « chaos législatif ») a été un facteur déterminant de la solution retenue pour clarifier et réglementer plus en détail ce qui découlait déjà de la directive 91/477 avant la réforme de 2017.
( 36 ) Arrêt du 17 octobre 2013, Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:661, point 77).
( 37 ) Arrêt du 17 octobre 2013, Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:661, point 78).
( 38 ) S’il s’appuie sur la diversité des régimes juridiques dans les États membres (points 49 et 52 de ses observations écrites), en réponse à une question de la Cour, il a affirmé que cette diversité « ne saurait avoir pour effet de modifier le champ d’application de la directive 91/477 ».
( 39 ) Voir arrêt République tchèque/Parlement et Conseil, point 122. Ces autorisations exceptionnelles, s’accompagnant de toutes les précautions ayant trait à la sécurité et à l’ordre public en vue de l’identification, de l’enregistrement, du stockage, de la garde et du contrôle des armes, sont accordées pour : i) « [...] protéger [les] infrastructures critiques, la navigation commerciale, les convois de grande valeur et les lieux sensibles, ainsi qu’à des fins de défense nationale, éducatives, culturelles, de recherche et historiques » ; ii) « des collectionneurs » ; iii) « les armuriers ou les courtiers » ; iv) « les musées », et v) « les tireurs sportifs ».
( 40 ) Les institutions intervenantes n’ont fourni, lors de l’audience, aucune explication satisfaisante sur ce point, et se sont bornées à réitérer que la solution se trouvait à l’article 6 de la directive 91/477.
( 41 ) Selon la juridiction de renvoi, il pourrait y avoir expropriation de facto qui, en l’absence d’une indemnité intégrale et préalable, violerait l’article 17, paragraphe 1, de la Charte.
( 42 ) Selon la Cour, cette disposition « n’interdit pas, de manière absolue, des privations de propriété », mais elle « prévoit, cependant, que celles-ci ne peuvent intervenir que pour cause d’utilité publique, dans des cas et des conditions prévus par une loi, et moyennant, en temps utile, une juste indemnité pour la perte de cette propriété ».
( 43 ) Arrêt République tchèque/Parlement et Conseil, point 135.
( 44 ) Arrêt République tchèque/Parlement et Conseil, point 136.
( 45 ) Arrêt République tchèque/Parlement et Conseil, point 137.
( 46 ) C’est ce qui a été soutenu, lors de l’audience, notamment par le Parlement.
( 47 ) Arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar (C‑349/17, EU:C:2019:172, point 97).
( 48 ) Voir arrêt République tchèque/Parlement et Conseil, points 87 et 89, ainsi que rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 18 novembre 2015, « Évaluation REFIT de la directive 91/477/CE du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, telle que modifiée par la directive 2008/51/CE du 21 mai 2008 » [COM(2015) 751 final].