Affaire T‑443/20

Sanford LP

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle

Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) du 10 novembre 2021

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant une étiquette – Dessin ou modèle antérieur – Preuve de la divulgation – Article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 6/2002 – Preuves présentées après l’expiration du délai imparti – Pouvoir d’appréciation de la chambre de recours – Article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 – Motif de nullité – Absence de caractère individuel – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 »

  1. Dessins ou modèles communautaires – Dispositions de procédure – Examen d’office des faits – Faits et preuves non présentés en temps utile – Prise en compte – Pouvoir d’appréciation de l’Office

    (Règlement du Conseil no 6/2002, art. 63, § 2)

    (voir points 15-17, 22)

  2. Dessins ou modèles communautaires – Motifs de nullité – Absence de caractère individuel – Dessin ou modèle ne produisant pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur – Représentation d’une étiquette

    [Règlement du Conseil no 6/2002, art. 6 et 25, § 1, b)]

    (voir points 63, 67, 70, 71, 99)

  3. Dessins ou modèles communautaires – Motifs de nullité – Absence de caractère individuel – Dessin ou modèle ne produisant pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur – Appréciation globale de l’ensemble des éléments présentés par les dessins ou modèles – Portée – Prise en compte des marques et des signes distinctifs apposés sur le produit – Exclusion

    [Règlement du Conseil no 6/2002, art. 6, § 1, et 25, § 1, b)]

    (voir points 68, 69, 80-82)

Résumé

Sanford LP était titulaire d’un dessin ou modèle communautaire enregistré sous la description « étiquettes » et représentant des rouleaux d’étiquettes pour imprimantes. Avery Zweckform GmbH a introduit auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) une demande en nullité de ce dessin ou modèle, notamment au motif qu’il était dépourvu de caractère individuel ( 1 ).

La division d’annulation de l’EUIPO a rejeté la demande en nullité, car les preuves produites pour démontrer la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur n’étaient pas suffisantes. La chambre de recours de l’EUIPO a annulé cette décision et a considéré que certains éléments de preuve supplémentaires produits devant elle devaient être pris en compte, que la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur avait été prouvée et que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel.

Le Tribunal rejette le recours introduit par Sanford et, outre qu’il applique en matière de dessins ou modèles les principes relatifs à la recevabilité des preuves produites tardivement, il souligne notamment que, dans le cadre de la comparaison des impressions globales lors de l’appréciation du caractère individuel, les marques et les signes distinctifs figurant sur les dessins ou modèles sont dénués de pertinence.

Appréciation du Tribunal

S’agissant, premièrement, de la recevabilité des preuves produites tardivement, le Tribunal relève que l’EUIPO est investi à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, car il peut ne pas tenir compte des preuves que les parties n’ont pas produites en temps utile ( 2 ). Le Tribunal rappelle que, lorsque l’EUIPO est appelé à statuer dans le cadre d’une procédure de nullité, une prise en compte des preuves produites tardivement peut se justifier lorsque celles-ci sont pertinentes en ce qui concerne le sort de la demande en nullité, que les circonstances ne s’y opposent pas et qu’elles sont produites en complément des éléments de preuve produits dans le délai imparti.

En l’espèce, le Tribunal juge que la chambre de recours a fait un usage approprié de son pouvoir d’appréciation. En effet, les preuves produites pour la première fois devant la chambre de recours visaient à démontrer l’existence de la divulgation du dessin ou modèleantérieur. En outre, ces preuves s’ajoutent à celles déjà produites devant la division d’annulation, qui avaient été considérées insuffisantes pour établir une divulgation. Dès lors, ces preuves étaient pertinentes pour la solution du litige et pouvaient valablement compléter les preuves déjà produites.

Par ailleurs, la recevabilité des éléments de preuve en cause n’a pas enfreint le droit d’être entendue de la requérante, dès lors qu’elle a pu présenter des observations à cet égard devant la chambre de recours.

Deuxièmement, le Tribunal juge que le dessin ou modèle antérieur a fait l’objet d’une divulgation au public au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

Troisièmement, s’agissant de l’appréciation du caractère individuel, le Tribunal constate que les différences entre les dessins ou modèles en conflit, qui se limitent à la taille de l’étiquette, à la hauteur du rouleau et au nombre, à la position et à la taille des repères d’impression noirs, ne suffisent pas à produire une impression globale différente dans l’esprit de l’utilisateur averti.

En outre, il relève que les éléments verbaux et figuratifs figurant sur les dessins ou modèles en conflit sont des marques ou des signes distinctifs apposés sur le produit pour indiquer sa provenance. Ces éléments ne constituent pas des caractéristiques du produit conférant leur apparence aux produits concernés et sont donc dénués de pertinence dans le cadre de la comparaison des impressions globales. Le Tribunal ajoute que, quand bien même ces éléments pourraient être considérés comme étant pertinents, il sera clair pour l’utilisateur averti qu’ils servent à indiquer l’origine des produits, si bien que, dans l’impression globale, celui-ci ne leur accordera pas d’importance.

Partant, le Tribunal juge que les dessins ou modèles en conflit produisent la même impression globale sur l’utilisateur averti et que le dessin ou modèle contesté est donc dépourvu de caractère individuel.


( 1 ) Au sens de l’article 6 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

( 2 ) En vertu de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.