ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

14 octobre 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 528/2012 – Article 3, paragraphe 1, sous a) et c) – Notions de “produit biocide” et de “substance active” – Conditions – Mode d’action autre qu’une simple action physique ou mécanique – Article 9, paragraphe 1, sous a) – Approbation d’une substance active – Portée de l’approbation »

Dans l’affaire C‑29/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht Köln (tribunal régional supérieur de Cologne, Allemagne), par décision du 10 janvier 2020, parvenue à la Cour le 23 janvier 2020, dans la procédure

Biofa AG

contre

Sikma D. Vertriebs GmbH und Co. KG,

LA COUR (première chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), vice‑président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. N. Jääskinen et J.‑C. Bonichot, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Biofa AG, par Me C. Stallberg, Rechtsanwalt,

pour Sikma D. Vertriebs GmbH und Co. KG, par Me B. Münster, Rechtsanwalt,

pour la Commission européenne, par MM. R. Lindenthal et M. Noll‑Ehlers, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 mai 2021,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous a), et de l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2012, L 167, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 334/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2014 (JO 2014, L 103, p. 22) (ci‑après le « règlement no 528/2012 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Biofa AG, une société développant et commercialisant des produits biocides, à Sikma D. Vertriebs GmbH und Co. KG (ci-après « Sikma »), une société de vente en ligne de produits de lutte contre les organismes nuisibles, au sujet de la commercialisation par Sikma de produits contenant une substance active ayant fait l’objet d’une approbation et destinée à être utilisée dans les produits biocides.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 528/2012

3

Les considérants 1, 3 et 9 du règlement no 528/2012 se lisent comme suit :

« (1)

Les produits biocides sont nécessaires pour lutter contre les organismes nuisibles pour la santé humaine ou animale et les organismes qui endommagent les matériaux naturels ou manufacturés. Les produits biocides peuvent cependant faire peser des risques divers sur les êtres humains, les animaux et l’environnement, en raison de leurs propriétés intrinsèques et des usages qui y sont associés.

[...]

(3)

[...] Le présent règlement devrait se fonder sur le principe de précaution afin de garantir que la fabrication et la mise à disposition sur le marché de substances actives et de produits biocides n’ont pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale ou d’incidences inacceptables sur l’environnement. [...]

[...]

(9)

Le présent règlement devrait s’appliquer aux produits biocides qui, sous la forme dans laquelle ils sont livrés à l’utilisateur, contiennent ou génèrent une ou plusieurs substances actives ou en sont constitués. »

4

L’article 1er de ce règlement, intitulé « Finalité et objet », dispose :

« 1.   Le présent règlement vise à améliorer le fonctionnement du marché intérieur par l’harmonisation des règles concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, tout en assurant un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement. Ses dispositions se fondent sur le principe de précaution dont le but est la préservation de la santé humaine, de la santé animale et de l’environnement. [...]

2.   Le présent règlement établit les règles régissant :

a)

l’établissement, au niveau de l’Union, d’une liste de substances actives pouvant être utilisées dans les produits biocides ;

b)

l’autorisation des produits biocides ;

[...]

d)

la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides dans un ou plusieurs États membres ou dans l’Union ;

[...] »

5

L’article 3 dudit règlement, intitulé « Définitions », prévoit, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1.   Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)

“produit biocide” :

toute substance ou tout mélange, sous la forme dans laquelle il est livré à l’utilisateur, constitué d’une ou plusieurs substances actives, en contenant ou en générant, qui est destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière par une action autre qu’une simple action physique ou mécanique,

[...]

c)

“substance active” : une substance ou un micro-organisme qui exerce une action sur ou contre les organismes nuisibles ;

[...]

g)

“organisme nuisible” : un organisme, y compris les agents pathogènes, dont la présence n’est pas souhaitée ou qui produit un effet nocif pour l’homme, ses activités ou les produits qu’il utilise ou produit, pour les animaux ou l’environnement ;

[...]

x)

“Agence” : l’Agence européenne des produits chimiques instituée par le règlement (CE) no 1907/2006 [du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1)] ;

[...]

3.   La Commission peut, à la demande d’un État membre, décider, par voie d’actes d’exécution, [...] si un produit ou groupe de produits donné constitue un produit biocide ou un article traité, ou n’est ni l’un ni l’autre. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 82, paragraphe 3. »

6

L’article 4 du même règlement, intitulé « Conditions d’approbation », est, à son paragraphe 1, libellé comme suit :

« Une substance active est approuvée pour une durée initiale n’excédant pas dix ans si au moins un produit biocide contenant cette substance active est susceptible de remplir les critères énoncés à l’article 19, paragraphe 1, point b), compte tenu des facteurs énoncés à l’article 19, paragraphes 2 et 5. [...] »

7

L’article 6 du règlement no 528/2012, intitulé « Données à fournir pour une demande », dispose, à son paragraphe 1 :

« Une demande d’approbation d’une substance active contient au minimum les éléments suivants :

a)

un dossier sur la substance active, qui satisfait aux exigences énoncées à l’annexe II ;

b)

un dossier satisfaisant aux exigences énoncées à l’annexe III sur au moins un produit biocide représentatif contenant la substance active ; [...]

[...] »

8

Aux termes de l’article 9 de ce règlement, intitulé « Approbation d’une substance active » :

« 1.   La Commission, dès réception de l’avis de l’Agence visé à l’article 8, paragraphe 4 :

a)

adopte un règlement d’exécution portant approbation d’une substance active et établissant les conditions de cette approbation, y compris les dates d’approbation et d’expiration de l’approbation ; [...]

[...]

2.   Les substances actives approuvées sont inscrites sur une liste de l’Union des substances actives approuvées. La Commission tient cette liste à jour et la met à la disposition du public par voie électronique. »

9

L’article 19 dudit règlement, intitulé « Conditions d’octroi d’une autorisation », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Un produit biocide autre qu’un des produits admissibles à la procédure d’autorisation simplifiée conformément à l’article 25 est autorisé si les conditions suivantes sont réunies :

a)

les substances actives sont approuvées pour le type de produits concerné et toutes les conditions spécifiées pour ces substances actives sont remplies ;

[...] »

10

L’article 95 du même règlement, intitulé « Mesures transitoires concernant l’accès aux dossiers des substances actives », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   À compter du 1er septembre 2013, l’Agence met à la disposition du public et met régulièrement à jour une liste de toutes les substances actives et de toutes les substances générant une substance active, pour lesquelles un dossier [...] a été présenté et accepté ou validé par un État membre dans le cadre d’une procédure prévue par le présent règlement ou ladite directive [...]. Pour chacune de ces substances pertinentes, la liste inclut également le nom de toutes les personnes qui ont présenté un tel dossier [...]

Toute personne établie dans l’Union qui fabrique ou importe une substance pertinente, seule ou dans des produits biocides [...] ou qui fabrique ou met à disposition sur le marché un produit biocide constitué de la substance pertinente, en contenant ou en générant [...] peut à tout moment présenter à l’Agence soit un dossier complet relatif à la substance pertinente, soit une lettre d’accès à un dossier complet relatif à la substance, ou encore une référence à un dossier complet relatif à la substance pour lequel toutes les périodes de protection des données sont arrivées à échéance. [...]

[...]

2.   À compter du 1er septembre 2015, tout produit biocide constitué d’une substance pertinente inscrite à la liste visée au paragraphe 1, ou contenant ou générant ladite substance, n’est mis à disposition sur le marché qu’à condition que le fournisseur de la substance ou le fournisseur du produit figure sur la liste mentionnée au paragraphe 1 pour le ou les types de produits auxquels le produit appartient. »

Le règlement d’exécution (UE) 2017/794

11

Aux termes de l’article 1er du règlement d’exécution (UE) 2017/794 de la Commission, du 10 mai 2017, approuvant le dioxyde de silicium/kieselguhr en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans les produits biocides du type de produit 18 (JO 2017, L 120, p. 7) :

« Le dioxyde de silicium/kieselguhr est approuvé en tant que substance active destinée à être utilisée dans les produits biocides du type de produit 18, sous réserve des spécifications et conditions énoncées en annexe. »

Le droit allemand

12

En vertu des articles 3 et 3 bis du Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb (loi contre la concurrence déloyale, BGBl. 2010 I, p. 254), dans sa version applicable au litige au principal, la violation d’une disposition légale, qui vise, notamment, à encadrer le comportement des opérateurs de marché sur celui-ci, constitue une pratique commerciale déloyale interdite, si cette violation est de nature à affecter sensiblement les intérêts des consommateurs, d’autres opérateurs sur le marché ou des concurrents.

Le litige au principal et la question préjudicielle

13

Biofa, société commerciale de droit allemand, développe et commercialise des produits biocides.

14

Sous le nom commercial InsectoSec®, l’un de ces produits, utilisé pour lutter contre la vermine rampante dans les bâtiments avicoles, contient la substance active dénommée « terre de diatomées » ou « kieselguhr » (ci-après la « substance active en cause »).

15

Biofa a, conformément au règlement no 528/2012, demandé à la Commission l’approbation de la substance active en cause, laquelle lui a été donnée par le règlement d’exécution 2017/794, en tant que substance active destinée à être utilisée dans les produits biocides du type de produit 18, à savoir des insecticides, des acaricides et des produits utilisés pour lutter contre les autres arthropodes, tels que décrits à l’annexe V du règlement no 528/2012, sous réserve des spécifications et conditions énoncées à l’annexe de ce règlement.

16

Il ressort de la décision de renvoi que Biofa a été inscrite sur la liste des fournisseurs visée à l’article 95, paragraphe 1, du règlement no 528/2012. Elle serait la seule productrice de cette substance active.

17

Sikma, société de droit allemand, commercialise le produit dénommé « HS Mikrogur » qui contient également la substance active en cause, mais qui est proposé aux propriétaires d’animaux et à l’industrie alimentaire à des fins de lutte contre les acariens infestant la volaille.

18

Étant donné que Sikma ne s’approvisionne pas en substance active en cause auprès de Biofa, cette dernière a introduit devant le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne, Allemagne) une action en cessation de pratique de concurrence déloyale. À l’appui de son recours, Biofa a fait valoir que l’action de la substance active en cause contenue dans le produit commercialisé par Sikma ne se limite pas à permettre à celui-ci de remplir sa fonction par une simple action physique ou mécanique. Dès lors, ledit produit devrait être qualifié de « produit biocide », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 528/2012. Partant, la commercialisation de ce produit par Sikma serait constitutive d’une pratique commerciale illégale en vertu du droit national et violerait, par ailleurs, les dispositions de ce règlement.

19

Selon Sikma, le produit qu’elle commercialise ne saurait être qualifié de « produit biocide », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 528/2012, dans la mesure où l’action de la substance active en cause n’est que physique ou mécanique.

20

Le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne) a rejeté la demande de Biofa. Après avoir considéré qu’il lui incombait d’examiner si le produit commercialisé par Sikma relève de la notion de « produit biocide », au sens de cette disposition, cette juridiction a décidé, sur la base d’un rapport d’expertise national, que ce produit n’était pas destiné à détruire, à repousser, à rendre inoffensif ou à empêcher l’action d’organismes nuisibles ou à les combattre de toute autre manière par une action autre qu’une simple action physique ou mécanique et que, partant, ledit produit ne relevait pas de cette notion.

21

Saisie en appel de cette décision du Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne) par Biofa, la juridiction de renvoi, l’Oberlandesgericht Köln (tribunal régional supérieur de Cologne, Allemagne), tout en étant encline à confirmer le bien-fondé de ladite décision, se demande néanmoins si l’approbation d’une substance active par un règlement d’exécution, conformément à l’article 9 du règlement no 528/2012, implique que la juridiction saisie est tenue de considérer que le produit contenant cette substance est un « produit biocide », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, sans que ladite juridiction puisse déterminer, le cas échéant au moyen d’une expertise diligentée à cet effet, si les conditions posées par cette dernière disposition sont réunies.

22

Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht Köln (tribunal régional supérieur de Cologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’approbation d’une substance active par un règlement d’exécution conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), du [règlement no 528/2012] rend-elle contraignant, dans les procédures judiciaires dans un État membre, le fait que la substance sur laquelle repose l’approbation est destinée à être utilisée, aux fins de l’article 3, paragraphe 1, sous a), [de ce règlement], [pour détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre] de toute autre manière par une action autre qu’une simple action physique ou mécanique, ou incombe-t-il à la juridiction de l’État membre appelée à statuer de déterminer, dans ses constatations de fait, si les conditions matérielles de l’article 3, paragraphe 1, sous a), [dudit règlement] sont remplies, même après l’adoption d’un règlement d’exécution ? »

Sur la question préjudicielle

23

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 528/2012, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous c), de ce règlement doit être interprété en ce sens qu’un produit, destiné à détruire, à repousser ou à rendre inoffensifs les organismes nuisibles, qui contient une substance active approuvée en vertu d’un règlement d’exécution de la Commission, conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, ne relève pas, du seul fait de cette approbation, de la notion de « produit biocide », au sens de cet article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de telle sorte qu’il appartient à la juridiction nationale compétente de vérifier si ce produit remplit toutes les conditions fixées par cette dernière disposition pour relever de cette notion.

24

À titre liminaire, il convient de relever que, dès lors que la question posée vise exclusivement l’hypothèse d’un produit « contenant une substance active approuvée » par un règlement d’exécution, il convient de se référer à la définition de « produit biocide », figurant à l’article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 528/2012, lequel envisage spécifiquement une telle hypothèse.

25

En vertu de cette disposition, on entend par « produit biocide », « toute substance ou tout mélange, sous la forme dans laquelle il est livré à l’utilisateur, constitué d’une ou plusieurs substances actives, en contenant ou en générant, qui est destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière par une action autre qu’une simple action physique ou mécanique ».

26

Il ressort ainsi du libellé de l’article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 528/2012 qu’un produit doit être qualifié de « produit biocide », au sens de cette disposition, s’il répond à trois conditions. Premièrement, ce produit doit être constitué d’une ou de plusieurs « substances actives », que ce soit par le fait qu’il les contient ou les génère. Deuxièmement, ledit produit doit poursuivre certaines finalités, à savoir détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre. Troisièmement, le mode d’action du même produit doit être « autre qu’une simple action physique ou mécanique ».

27

La Cour a jugé, à cet égard, que, pour autant que l’effet d’un produit résulte d’« une action autre qu’une simple action physique ou mécanique », au sens de cette disposition, et que les autres conditions prévues par celle-ci sont réunies, ce produit entre, incontestablement, dans le champ d’application de ladite disposition (arrêt du 19 décembre 2019, Darie, C‑592/18, EU:C:2019:1140, point 38).

28

Il s’ensuit que les trois conditions fixées à l’article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de ce règlement, telles que précisées au point 24 du présent arrêt, revêtent un caractère cumulatif, de telle sorte que la présence, dans le produit concerné, d’une substance active n’a pas pour effet, à elle seule, de lui conférer la qualité de « produit biocide », au sens de cette disposition.

29

Cela étant, il y a lieu de préciser que la circonstance qu’un produit contienne une substance active approuvée par un règlement d’exécution de la Commission, conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement no 528/2012, doit être considérée comme un indice significatif de ce que le produit en question peut être regardé comme étant un « produit biocide », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de ce règlement.

30

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion de « substance active », recouvre, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, toute substance ou micro-organisme qui exerce une action sur ou contre les organismes nuisibles. Si, à la différence du mode d’action précisé au point a), premier tiret, de cet article 3, paragraphe 1, le point c) de ce dernier paragraphe ne contient aucune précision quant au mode d’action d’une telle substance, il y a lieu néanmoins de considérer, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 56 à 62 de ses conclusions, que le mode d’action « autre que physique ou mécanique » est inhérent à une « substance active » telle que celle en cause au principal, qui a été approuvée conformément à l’article 4 du règlement no 528/2012.

31

En effet, comme l’a soutenu la Commission dans ses observations écrites, le mode d’action d’une substance active est examiné lors de la procédure d’approbation d’une substance active. À cette occasion, les conditions visées à l’article 4 du règlement no 528/2012 sont vérifiées et, en particulier, comme le prévoit explicitement le paragraphe 1 de cette disposition, une substance active n’est approuvée que si au moins un produit biocide contenant cette substance active est susceptible de satisfaire aux critères d’autorisation des produits biocides visés à l’article 19, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

32

En outre, l’article 6, paragraphe 1, sous a) et b), dudit règlement prévoit que la demande d’approbation d’une substance active doit comprendre non seulement « un dossier sur la substance active » elle-même, mais également « un dossier satisfaisant aux exigences énoncées à l’annexe III sur au moins un produit biocide représentatif contenant la substance active ».

33

Il s’ensuit qu’une substance active est, par définition, appelée à « exercer une action sur ou contre les organismes nuisibles », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement no 528/2012, et que celle-ci n’est approuvée que pour autant qu’il est démontré qu’elle peut servir à créer un produit exerçant sur ou contre de tels organismes une action autre que physique ou mécanique.

34

Dans ces conditions, il convient de considérer que, si la composition d’un produit donné est identique à celle du produit biocide représentatif contenant la substance active, au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 528/2012, la juridiction nationale saisie est alors tenue de qualifier ce produit donné de « produit biocide », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de ce règlement.

35

L’objectif du règlement no 528/2012 confirme cette interprétation. Comme il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement, lu à la lumière de son considérant 3, celui-ci vise à améliorer le fonctionnement du marché intérieur par l’harmonisation des règles concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, tout en assurant un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, ses dispositions se fondant sur le principe de précaution dont le but est la préservation de la santé humaine, de la santé animale et de l’environnement. À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, c’est la présence même d’une substance active en tant que telle dans un produit qui est susceptible de présenter un risque pour l’environnement (voir, en ce sens, arrêts du 1er mars 2012, Söll, C‑420/10, EU:C:2012:111, point 27, et du 19 décembre 2019, Darie, C‑592/18, EU:C:2019:1140, point 44).

36

Il ressort du dossier dont dispose la Cour que, en l’occurrence, Biofa a mentionné, dans sa demande d’approbation de la substance active en cause, un produit biocide représentatif, composé à 100 % de cette substance active. Il en résulte que, si la composition du produit commercialisé par Sikma est identique à celle du produit biocide représentatif, ce premier produit devra être considéré comme étant un « produit biocide », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 528/2012, sans que Sikma puisse valablement opposer que la substance active que contient son produit sert exclusivement à permettre à ce dernier de remplir sa fonction par une simple action physique ou mécanique sur ou contre les organismes nuisibles.

37

À défaut, une telle appréciation relève de la juridiction de renvoi.

38

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 528/2012, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’un produit, destiné à détruire, à repousser ou à rendre inoffensifs les organismes nuisibles, qui contient une substance active approuvée en vertu d’un règlement d’exécution de la Commission, conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, ne relève pas, du seul fait de cette approbation, de la notion de « produit biocide », au sens de cet article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de telle sorte qu’il appartient à la juridiction nationale compétente de vérifier si ce produit remplit toutes les conditions fixées par cette dernière disposition pour relever de cette notion. Toutefois, dans le cas où la composition dudit produit est identique à celle du produit biocide présenté comme représentatif lors de la demande d’approbation de cette substance active, cette juridiction est tenue de considérer que ce même produit relève de ladite notion.

Sur les dépens

39

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

L’article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, tel que modifié par le règlement (UE) no 334/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2014, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’un produit, destiné à détruire, à repousser ou à rendre inoffensifs les organismes nuisibles, qui contient une substance active approuvée en vertu d’un règlement d’exécution de la Commission, conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, ne relève pas, du seul fait de cette approbation, de la notion de « produit biocide », au sens de cet article 3, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de telle sorte qu’il appartient à la juridiction nationale compétente de vérifier si ce produit remplit toutes les conditions fixées par cette dernière disposition pour relever de cette notion. Toutefois, dans le cas où la composition dudit produit est identique à celle du produit biocide présenté comme représentatif lors de la demande d’approbation de cette substance active, cette juridiction est tenue de considérer que ce même produit relève de ladite notion.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.