CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 6 octobre 2021 ( 1 )

Affaire C‑349/20

NB,

AB

contre

Secretary of State for the Home Department,

partie intervenante :

United Nations High Commissioner for Refugees (UK)

(demande de décision préjudicielle formée par le First-tier Tribunal [Immigration and Asylum Chamber] [tribunal de première instance (chambre de l’immigration et de l’asile), Royaume‑Uni])

« Renvoi préjudiciel – Normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour bénéficier d’une protection internationale – Directive 2004/83/CE – Article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase – Exclusion du statut de réfugié – Apatride d’origine palestinienne enregistré auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) – Article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 – Conditions pour pouvoir se prévaloir ipso facto de la directive 2004/83 – Cessation de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA – Évaluation individuelle de tous les éléments pertinents – Évaluation qui comprend un examen ex nunc – Article 4 – Absence d’exigence que l’UNRWA ou l’État dans lequel celui-ci opère a intentionnellement infligé un dommage à la personne ou a privé celle-ci d’assistance – Protection ou assistance de la part d’acteurs de la société civile agissant sous les auspices de l’UNRWA ou de l’État dans lequel celui-ci opère »

I. Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11 et de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant NB et AB, une mère et son fils mineur, au Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur, Royaume-Uni, ci-après le « Secretary of State »). NB et AB sont des apatrides d’origine palestinienne qui résidaient auparavant au Liban et qui sont enregistrés comme réfugiés auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Comme si la vie n’avait pas infligé suffisamment de défis à cette famille, il convient de relever que AB est lui-même gravement handicapé et qu’il a des besoins médicaux et sociaux très complexes.

3.

Le litige porte sur un recours formé contre la décision du Secretary of State rejetant les demandes de NB et AB visant à obtenir le statut de réfugié ou la protection humanitaire. Étant donné que NB et AB sont des apatrides d’origine palestinienne qui se sont enregistrés auprès de l’UNRWA, ils peuvent bénéficier de la protection et de l’assistance de cet organisme et sont donc, en principe, conformément à la première phrase de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83, exclus du statut de réfugié au sens de cette directive, sauf si cette protection ou assistance cessait, conformément à l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83.

4.

L’affaire dont est saisie la juridiction de renvoi porte donc sur la question de savoir, notamment, s’il y a eu cessation de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA en ce qui concerne AB au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83. Dans l’hypothèse où il serait constaté qu’une telle protection ou assistance a cessé, AB pourrait se prévaloir ipso facto de la directive 2004/83 en raison de son statut de réfugié palestinien sans devoir nécessairement démontrer, par exemple, qu’il craint avec raison d’être persécuté, au sens de l’article 2, sous c), de cette directive ( 3 ).

5.

Avant de procéder à l’examen des questions posées, il convient toutefois d’exposer au préalable le cadre juridique pertinent.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit international

1. La convention relative au statut des réfugiés

6.

La convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, no 2545, 1954, p. 150), est entrée en vigueur le 22 avril 1954. Elle a été complétée et amendée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, lui-même entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci-après la « convention de Genève »).

7.

L’article 1er, section D, de la convention de Genève, qui institue un statut juridique dérogatoire pour certains groupes de personnes, est libellé comme suit :

« Cette convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que le Haut‑Commissariat des Nations unies pour les réfugiés [UNHCR].

Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, conformément aux résolutions y relatives adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de cette convention. »

2. L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient

8.

L’UNRWA a été créé en vertu de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies no 302 (IV), du 8 décembre 1949, relative à l’aide aux réfugiés de Palestine. Il a pour mission de servir le bien-être et le développement humain des réfugiés de Palestine. La zone d’opérations de l’UNRWA comprend le Liban, la Syrie, la Jordanie, la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est) et la bande de Gaza. Le mandat de l’UNRWA a été prorogé jusqu’au 30 juin 2023 par la résolution A/RES/74/83 de l’Assemblée générale des Nations unies, le 13 décembre 2019.

9.

Actuellement, l’UNRWA constitue le seul organisme ou institution des Nations unies (autre que l’UNHCR) visé à l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive 2004/83 et à l’article 1er, section D, premier alinéa, de la convention de Genève.

B.   Le droit de l’Union – directive 2004/83

10.

Le considérant 3 de la directive 2004/83 dispose que la convention de Genève et le protocole y afférent constituent la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés.

11.

Ainsi qu’il ressort du considérant 10 de la directive 2004/83, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, TUE, cette directive respecte les droits et libertés fondamentaux, ainsi que les principes reconnus notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). En particulier, ladite directive vise à garantir, sur le fondement des articles 1er et 18 de la Charte, le plein respect de la dignité humaine et du droit d’asile des demandeurs d’asile.

12.

Les considérants 16 et 17 de la directive 2004/83 sont libellés comme suit :

« (16)

Il convient que des normes minimales relatives à la définition et au contenu du statut de réfugié soient établies pour aider les instances nationales compétentes des États membres à appliquer la convention de Genève.

(17)

Il est nécessaire d’adopter des critères communs pour reconnaître aux demandeurs d’asile le statut de réfugié au sens de l’article 1er de la convention de Genève. »

13.

Le considérant 38 de la directive 2004/83 indique que « [c]onformément à l’article 3 du protocole sur la position du Royaume‑Uni et de l’Irlande annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Royaume-Uni a notifié, par une lettre du 28 janvier 2002, son souhait de participer à l’adoption et à l’application de la présente directive ».

14.

L’article 11, qui figure au chapitre III de la directive 2004/83 (« Conditions pour être considéré comme réfugié »), est intitulé « Cessation », et est libellé comme suit :

« 1.   Tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride cesse d’être un réfugié dans les cas suivants :

[...]

f)

si, s’agissant d’une personne qui n’a pas de nationalité, il est en mesure de retourner dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme réfugié ayant cessé d’exister.

[...] »

15.

L’article 12 de la directive 2004/83, qui figure également au chapitre III, intitulé « Exclusion », prévoit à son paragraphe 1, sous a) – disposition comportant deux phrases reflétant les deux alinéas de l’article 1er, section D, de la convention de Genève –, ce qui suit :

« Tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride est exclu du statut de réfugié :

« a)

lorsqu’il relève de l’article 1er, section D, de la convention de Genève, concernant la protection ou l’assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que [l’UNHCR]. Si cette protection ou cette assistance cesse pour quelque raison que ce soit, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé conformément aux résolutions pertinentes de l’assemblée générale des Nations unies, ces personnes pourront ipso facto se prévaloir de la présente directive. »

16.

L’article 13 de la directive 2004/83, qui figure au chapitre IV (Statut de réfugié), est intitulé « Octroi du statut de réfugié » et est libellé comme suit :

« Les États membres octroient le statut de réfugié à tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui remplit les conditions pour être considéré comme réfugié conformément aux chapitres II et III. »

17.

La directive 2004/83 a été abrogée, avec effet au 21 décembre 2013, par la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ( 4 ). Toutefois, conformément au considérant 50 de cette dernière directive, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord n’a pas participé à l’adoption de cette directive et n’est pas lié par celle-ci ni soumis à son application.

18.

La directive 2004/83 continuait toutefois à s’appliquer au Royaume-Uni en dépit du fait qu’elle avait été abrogée et remplacée par la directive 2011/95.

C.   Le droit du Royaume-Uni

19.

Les dispositions essentielles du droit du Royaume-Uni transposant la directive 2004/83 figurent dans les Refugee or Person in Need of International Protection (qualification) Regulations 2006 (règlement de 2006 sur les réfugiés ou les personnes ayant besoin d’une protection internationale) ( 5 ) et les Immigration Rules (règles en matière d’immigration) (ci‑après les « règles en matière d’immigration ») ( 6 ).

20.

En vertu de l’article 2 du règlement de 2006 sur les réfugiés ou les personnes ayant besoin d’une protection internationale, le terme « réfugié » désigne une personne relevant de l’article 1er, section A, de la convention de Genève et à laquelle l’article 7 de ce règlement ne s’applique pas. L’article 7, paragraphe 1, dudit règlement énonce qu’« [u]ne personne n’est pas un réfugié si elle relève du champ d’application de l’article 1er, sections D, E ou F, de la convention de Genève ».

21.

L’article 339AA des règles en matière d’immigration est intitulé « Exclusion de la convention sur les réfugiés ». Il dispose ce qui suit :

« Le présent article s’applique lorsque le secrétaire d’État considère que la personne n’aurait pas dû pouvoir ou ne peut pas prétendre au statut de réfugié, conformément à l’article 7 du règlement de 2006 sur les réfugiés ou les personnes ayant besoin d’une protection internationale.

[...] »

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

22.

NB, son époux et quatre de ses enfants (dont son fils AB) sont arrivés au Royaume-Uni le 11 octobre 2015. Leur cinquième enfant, H, est ensuite né au Royaume-Uni. Tous sauf H sont des réfugiés palestiniens enregistrés auprès de l’UNRWA. Ils vivaient dans le camp de réfugiés d’Al Bass situé à Sour dans le sud du Liban jusqu’à ce qu’ils quittent le Liban en 2015.

23.

Comme je l’ai déjà indiqué, AB est un enfant handicapé ayant des besoins sérieux et complexes. Il souffre d’hydrocéphalie, d’infirmité motrice cérébrale affectant le tronc, les jambes et le bras gauche, ce qui signifie qu’il ne peut pas marcher, de scoliose, de graves difficultés d’apprentissage, d’atrophie optique et de nystagmus des deux yeux (il est enregistré comme déficient visuel), de crises intermittentes (traitées par des médicaments d’urgence) et d’une double incontinence.

24.

NB et AB ont introduit une demande d’asile au Royaume-Uni au cours de l’année 2019. Cette demande a été rejetée par le Secretary of State par décision du 3 septembre 2019. NB et AB ont formé un recours devant la juridiction de renvoi. Selon cette dernière, il est constant que la solution qui sera apportée au litige dépend principalement de la situation de AB et de la question de savoir « [s]’il peut être démontré que [...] la protection ou l’assistance de l’UNRWA a cessé pour des motifs indépendants de sa volonté ». Si tel est le cas, NB et AB sont susceptibles de relever de la clause d’inclusion (« de plein droit » ou « ipso facto ») de l’article 1er, section D, second alinéa, de la convention de Genève et de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83.

25.

Il convient de garder à l’esprit que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, c’est à la juridiction nationale qu’il incombe d’établir les faits. La juridiction de renvoi a toutefois indiqué qu’elle n’a pas procédé à une constatation définitive en ce qui concerne de nombreux éléments de fait essentiels dans l’affaire dont elle est saisie concernant le traitement de NB et AB au Liban. Elle a, en revanche, estimé plus opportun que l’affaire soit ajournée aux fins de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle.

26.

Il semble ressortir de la demande de décision préjudicielle que NB et AB font valoir qu’ils relèvent du champ d’application de cette clause d’inclusion figurant à l’article 12, paragraphe l, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, au motif que leur départ du camp d’Al Bass au Liban était justifié par des raisons échappant à leur contrôle ou indépendantes de leur volonté, dans la mesure où « l’UNRWA n’[était] pas en mesure de satisfaire aux conditions de son mandat en ce qui concerne les enfants gravement handicapés » et parce que AB a subi (et subit encore) une « grave discrimination » en raison de son handicap ( 7 ). Le Secretary of State soutient que la demande de NB et AB ne saurait prospérer sur ce fondement, car AB a reçu une assistance suffisante en ce qui concerne son handicap lorsqu’il vivait au Liban et qu’il recevrait également une telle aide s’il retournait dans cet État ( 8 ).

27.

En outre, NB et AB font valoir que, dans son arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, EU:C:2012:826), la Cour a laissé ouverte la question de savoir si une grave discrimination pouvait constituer une raison d’être contraint de quitter le territoire de l’UNRWA. À cet égard, ils font valoir que, au sud du Liban, les autorités libanaises font preuve de discrimination à l’égard des apatrides palestiniens dans divers domaines de la vie, y compris l’éducation, l’emploi, les services sociaux et le traitement des personnes handicapées.

28.

La position du Secretary of State est largement similaire bien qu’il n’admette pas l’existence d’une discrimination grave.

29.

Malgré le fait que la juridiction de renvoi n’a procédé à des constatations ni en ce qui concerne les circonstances générales des apatrides enregistrés auprès de l’UNRWA dans le sud du Liban ni, d’ailleurs, en ce qui concerne les circonstances particulières de NB et de AB, elle a néanmoins relevé que, « à la suite de la démission du Premier ministre Hariri en octobre 2019, il continue à y avoir des manifestations de masse à Tyre, Saida et Beyrouth et la situation n’est pas stable. Le gouvernement libanais a drastiquement réduit le financement du budget des affaires sociales en 2019, portant gravement atteinte aux services pour les personnes handicapées. En juillet 2019, le gouvernement libanais a introduit des restrictions d’emploi, ayant des répercussions négatives sur tous les ressortissants non libanais, y compris les réfugiés palestiniens enregistrés auprès de l’UNRWA ». De plus, la juridiction de renvoi a considéré que, en l’état actuel des choses, NB et AB n’ont pas établi que leur famille n’a pas pu avoir accès pour des raisons valables à une éducation et à une assistance suffisantes de la part d’ONG telles que le centre d’intervention précoce.

30.

La juridiction de renvoi estime qu’il existe des doutes sur le point de savoir s’il doit être procédé à l’examen visé à l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 en se fondant uniquement sur la situation à la date du départ (ou examen ex tunc), à savoir en appréciant les circonstances qui ont forcé la personne concernée à quitter la zone d’opérations de l’UNRWA à la date de son départ, ou s’il s’agit d’un examen qui comporte, à titre supplémentaire ou alternatif, une appréciation ex nunc.

31.

À cet égard, la juridiction de renvoi relève que le libellé de l’article 12, paragraphe l, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 et de l’article 1er, section D, second alinéa, de la convention de Genève est formulé au passé, ce qui suggère un examen uniquement au regard des circonstances à la date du départ. Par ailleurs, plusieurs passages de l’arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, EU:C:2012:826) se basent sur une appréciation au regard des circonstances à la date du départ ( 9 ). Selon la juridiction de renvoi, l’on peut toutefois également interpréter l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, conformément à l’approche retenue par la Cour dans l’arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, EU:C:2012:826) comme appliquant un examen ex nunc. De plus, « [e]n termes d’esprit et de finalité, l’on pourrait également faire valoir que le fait de ne pas procéder à un examen ex nunc serait susceptible de créer une lacune dans la protection, car cela signifierait que des personnes qui ont quitté la zone d’opérations volontairement, mais qui seraient confrontées actuellement à un refus de protection ou d’assistance seraient exclues ».

32.

La juridiction de renvoi considère également qu’il est nécessaire de demander des éclaircissements à la Cour sur la pertinence du cadre territorial étatique dans lequel l’UNRWA gère ses opérations. Selon cette juridiction, si la question de la qualité de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA se pose, il s’agit d’une question qui peut nécessiter de prendre en compte non seulement les opérations de l’UNRWA considérées isolément, mais également la manière dont l’UNRWA est en mesure de réaliser ses opérations dans le cadre plus large de l’État concerné (en l’espèce, le Liban).

33.

En outre, la juridiction de renvoi a des doutes sur le point de savoir si, dans le cadre de l’appréciation de la question de savoir si la protection et l’assistance de l’UNRWA ont cessé et, partant, si cette protection et cette assistance sont effectives ou non, il peut être tenu compte des fonctions de protection assurées par les acteurs de la société civile. Ainsi, si les fonctions de protection assurées par ces acteurs sont pertinentes pour déterminer si la protection accordée par l’UNRWA, en tant qu’acteur de la protection, est effective, la juridiction de renvoi peut tout à fait conclure que NB et AB ne sont pas en mesure d’apporter la preuve qu’il y a eu, ou qu’il y aurait, une cessation de la protection et de l’assistance pour des raisons objectives. En revanche, si le rôle joué par lesdits acteurs n’avait aucune incidence sur le caractère effectif de la protection et de l’assistance de l’UNRWA, la juridiction de renvoi peut tout à fait conclure que cette protection ou assistance, dans le cas de NB et AB, n’est pas effective (notamment eu égard au fait que les observations du Secretary of State ont porté essentiellement sur l’existence dans le camp d’Al Bass d’ONG susceptibles d’apporter une aide).

34.

Dans ces conditions, le First-tier Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal de première instance (chambre de l’immigration et de l’asile), Royaume‑Uni] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« Pour déterminer s’il y a eu cessation de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA, au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive [2004/83], à un Palestinien apatride enregistré auprès de l’UNRWA, dans le cadre de l’assistance aux personnes handicapées :

1)

L’appréciation consiste-t-elle en une analyse fondée exclusivement sur la situation à la date du départ, prenant en considération les circonstances alléguées ayant contraint un demandeur à quitter la zone d’opérations de l’UNRWA à cette date, ou s’agit-il d’un examen ex nunc qui tient compte d’éléments ultérieurs pour déterminer si le demandeur peut se prévaloir actuellement d’une telle protection ou assistance ?

2)

Si la réponse apportée à la première question est que l’appréciation doit tenir compte d’éléments ultérieurs, convient-il de recourir par analogie à la disposition relative à la cessation figurant à l’article 11, de sorte que, lorsque, au regard de son parcours, le demandeur peut établir une raison justifiant sa décision de quitter la zone de l’UNRWA, la charge de la preuve que cette raison n’est plus valable repose sur l’État membre ?

3)

Pour qu’il y ait des raisons objectives, susceptibles de justifier le départ de cette personne en lien avec la fourniture par l’UNRWA d’une protection ou d’une assistance, est-il nécessaire d’établir que l’UNRWA ou l’État dans lequel il opère a intentionnellement infligé un dommage à cette personne ou l’a privée d’assistance (par action ou omission) ?

4)

Est-il pertinent de prendre en compte l’assistance fournie à ces personnes par les acteurs de la société civile tels que les [ONG] ? »

IV. La procédure devant la Cour

35.

Le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne le 31 janvier 2020, à minuit (HEC). Conformément à l’article 86, paragraphe 2, de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (ci-après l’« accord de retrait »), la Cour demeure compétente pour statuer à titre préjudiciel sur les demandes des juridictions du Royaume-Uni présentées avant que la période de transition définie à l’article 126 de cet accord prenne fin le 31 décembre 2020.

36.

En outre, en application de l’article 89 de l’accord de retrait, les arrêts de la Cour prononcés à une date ultérieure ont force obligatoire dans tous leurs éléments pour le Royaume-Uni et au Royaume-Uni.

37.

La présente demande de décision préjudicielle a été déposée au greffe de la Cour le 29 juillet 2020. La Cour demeure donc compétente pour statuer sur cette demande et le First-tier Tribunal (Immigration and Asylum chamber) [tribunal de première instance (chambre de l’immigration et de l’asile)] est lié par l’arrêt que la Cour rendra dans la présente procédure.

38.

Des observations écrites sur les questions posées par le First-tier Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal de première instance (chambre de l’immigration et de l’asile)] ont été déposées par NB et AB, l’UNHCR, partie intervenante dans le litige devant la juridiction de renvoi, le gouvernement allemand et la Commission européenne.

39.

Le 25 mai 2021, la Cour a posé une question aux parties et aux autres intéressés au sens de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par laquelle ceux-ci étaient invités à prendre position sur l’incidence éventuelle de l’arrêt du 13 janvier 2021, Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) (C‑507/19, EU:C:2021:3) aux fins de la réponse notamment à la première question préjudicielle. Des réponses à cette question ont été déposées par NB et AB, le Secretary of State, l’UNHCR et la Commission. Le 25 mai 2021, la Cour a également posé une question à l’UNHCR au sujet des obligations juridiques de l’UNRWA s’agissant de l’assistance aux enfants handicapés et des mesures effectivement mises en place, notamment au Liban ( 10 ). L’UNHCR ainsi que NB et AB ont répondu à cette question.

V. Analyse

A.   Observations liminaires

40.

Il convient de relever que, bien que la demande de décision préjudicielle mentionne également des demandes présentées par NB et AB au titre de l’article 1er, section A, paragraphe 2, de la convention de Genève ( 11 ) et des articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 ( 12 ), la juridiction de renvoi indique clairement qu’elle souhaite une interprétation seulement de l’article 11 et de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83. À cet égard, et comme la Commission l’a relevé à juste titre, aucune question portant sur l’interprétation des articles 4 et 7 de la Charte ou du principe de non‑refoulement n’est posée par la juridiction de renvoi. Ainsi que la Commission l’a également relevé, la juridiction de renvoi n’a pas interrogé la Cour sur la gravité des difficultés rencontrées par un enfant handicapé comme AB, de nature à permettre à la juridiction de renvoi de constater que cet enfant peut ipso facto se prévaloir du statut de réfugié au titre de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 en raison de la cessation de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA.

41.

Dans sa réponse à une question posée par la Cour sur les obligations juridiques de l’UNRWA s’agissant de l’assistance aux enfants handicapés, l’UNHCR a joint en annexe une lettre de l’UNRWA ( 13 ) dans laquelle ce dernier a indiqué, notamment, ses obligations juridiques concernant la fourniture d’une assistance aux enfants réfugiés palestiniens qui sont handicapés et les mesures effectivement mises en place en faveur des enfants handicapés au Liban. Dans cette lettre, l’UNRWA indiquait qu’il « a l’obligation d’agir de bonne foi pour examiner, dans le cadre de son processus de planification, comment améliorer la prise en compte des besoins, des droits et de la protection des personnes handicapées, y compris des enfants. Il n’est toutefois pas tenu, dans le cadre de son mandat, d’atteindre un certain niveau ou standard. Comme indiqué ci-dessus, la mesure dans laquelle l’UNRWA est capable de fournir ces services dépend en grande partie du montant du financement qu’il reçoit » ( 14 ).

42.

Si aucune question n’a été posée à la Cour concernant le niveau spécifique de prise en charge des enfants handicapés tels que AB et même si aucune question concernant les articles 4 et 7 de la Charte n’a été spécifiquement posée par la juridiction de renvoi, cela ne signifie pas que l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83 ne doit pas être interprété à la lumière de ces dispositions et, surtout, de l’article 1er de la Charte, qui prévoit que la dignité humaine est inviolable.

43.

Il ressort des considérants 16 et 17 de la directive 2004/83 que la convention de Genève constitue la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés et que les dispositions de cette directive relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ainsi qu’au contenu de ce dernier ont été adoptées pour aider les autorités compétentes des États membres à appliquer cette convention en se fondant sur des notions et des critères communs. L’interprétation des dispositions de la directive 2004/83 doit, dès lors, être effectuée à la lumière de l’économie générale et de la finalité de celle-ci, dans le respect de la convention de Genève et des autres traités pertinents visés à l’article 78, paragraphe 1, TFUE, même si cette convention ne fait pas, en tant que telle, partie du droit de l’Union. Ainsi qu’il ressort de son considérant 10, la directive 2004/83 doit également être interprétée dans le respect des droits reconnus par la Charte ( 15 ).

44.

En outre, l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83 correspond, en substance, à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, de sorte que la jurisprudence concernant cette seconde disposition est pertinente pour interpréter la première ( 16 ).

B.   Sur la première question

45.

Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir quelle(s) date(s) a (ont) une pertinence temporelle pour apprécier si des requérants tels que NB et AB peuvent ipso facto se prévaloir du statut de réfugié au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 en raison de la cessation de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA. Elle se demande donc si seules des circonstances antérieures ou qui existaient à la date du départ peuvent être prises en compte, à savoir les circonstances qui prévalaient au moment où des requérants tels que NB et AB ont effectivement quitté la zone d’opérations de l’UNRWA au cours de l’année 2015, ou s’il y a lieu de tenir compte, en outre ou à titre subsidiaire, des circonstances actuellement en vigueur au Liban ( 17 ). À cet égard, la juridiction de renvoi se demande si un examen ex nunc doit (également) être effectué ( 18 ).

46.

La juridiction de renvoi n’a pas indiqué si sa question vise le niveau d’évaluation applicable devant les autorités nationales compétentes ( 19 ) et/ou le niveau de contrôle devant une juridiction telle que la juridiction de renvoi elle‑même. Je considère que, puisque ni l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83 ni, d’ailleurs, l’article 1er, section D, de la convention de Genève n’opèrent de distinction sur ce point, la norme que je vais à présent indiquer est applicable dans les deux cas ( 20 ).

47.

Il convient également de relever que la question semble être soulevée au regard des circonstances prétendument détériorées subies en général par les apatrides palestiniens enregistrés auprès de l’UNRWA au Sud-Liban et de celles subies en particulier par les demandeurs handicapés. À cet égard, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que de telles circonstances se soient améliorées depuis que NB et AB ont quitté le Liban. Si, par ailleurs, les circonstances au Liban se sont entre-temps détériorées, celles-ci apparaissent comme étant des circonstances indépendantes du contrôle ou de la volonté de NB et AB ( 21 ). Je propose donc de répondre à la présente question en gardant ce contexte à l’esprit.

48.

L’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive 2004/83 prévoit qu’un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride est exclu du statut de réfugié « lorsqu’il relève de l’article 1er, section D, de la convention de Genève, concernant la protection ou l’assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que [l’UNHCR] ».

49.

L’article 1er, section D, premier alinéa, de la convention de Genève, auquel renvoie la première phrase de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83, exclut du champ d’application de cette convention les personnes qui « bénéficient actuellement » d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que [l’UNHCR] ( 22 ). L’article 1er, section D, second alinéa, de ladite convention précise, en outre, que, lorsque cette protection ou cette assistance « aura cessé pour une raison quelconque » ( 23 ), ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de cette même convention ( 24 ). Cela correspond en substance à l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83.

50.

L’expression (dans la version en langue anglaise) « at present receiving » est au présent continu, lequel, selon l’usage courant dans la langue anglaise, renvoie à des actions qui ont lieu maintenant (comme dans « il reçoit actuellement un visiteur de l’étranger ») ou à peu près maintenant, que ce soit dans le passé, dans le présent ou dans le futur immédiat (comme dans « elle reçoit actuellement de nombreuses lettres de félicitations »). Il est donc clair que l’emploi du présent continu saisit aussi bien le passé immédiat que des évènements actuels.

51.

Or, indépendamment de toute exégèse subtile sur le plan linguistique ou grammatical, il est également clair, dans ce contexte particulier, que l’utilisation du présent continu visait à capturer des évènements tant du passé immédiat que du présent, soulignant ainsi la double légitimité tant de l’approche ex tunc que de l’approche ex nunc ( 25 ).

52.

Il est, en tout état de cause, déterminant de savoir si la protection ou l’assistance en cause a effectivement cessé pour quelque raison que ce soit ( 26 ). Si l’article 1er, section D, de la convention de Genève – et, d’ailleurs, l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83 – n’indique pas précisément quel est le moment pertinent aux fins de l’appréciation de la cessation par les autorités ou juridictions nationales compétentes, l’emploi des termes « bénéficient actuellement » ( 27 ) au premier alinéa de cette disposition et « aura cessé » au second alinéa de ladite disposition ( 28 ) plaide en faveur d’une appréciation dynamique qui examine la situation dans la zone d’opérations de l’UNRWA au moment du départ du demandeur ( 29 ) et nécessite en outre un examen ex nunc. Cette approche est corroborée par la jurisprudence de la Cour.

53.

À cet égard, il ressort clairement des points 61, 63, 64 et 65 de l’arrêt Abed El Karem El Kott que la Cour a considéré que, pour déterminer si l’assistance ou la protection a effectivement cessé au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83, il appartient aux autorités et aux juridictions nationales compétentes de vérifier si le départ de la personne concernée est justifié par des motifs échappant à son contrôle et indépendants de sa volonté qui la contraignent à quitter cette zone d’opérations de l’UNRWA, l’empêchant ainsi de bénéficier de l’assistance accordée par l’UNRWA ( 30 ).

54.

La Cour a ainsi considéré que la situation qui existait sur le territoire concerné au moment du départ de la personne en cause était pertinente ( 31 ). Reste toutefois la question de savoir si tous les éléments de fait nécessaires pour procéder à une appréciation actualisée du cas d’espèce – en particulier toute preuve ou tout élément nouveau survenu depuis que des requérants tels que NB et AB ont quitté une zone d’opérations de l’UNRWA – peuvent ou doivent également être pris en compte par les autorités nationales compétentes ou, en dernier ressort, par une juridiction saisie en appel.

55.

Il ressort clairement des points 51 à 67 de l’arrêt Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) que la question de la cessation de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 doit être fondée sur une évaluation individuelle de tous les éléments ou facteurs pertinents de la situation en cause au moment du départ des demandeurs de la zone d’opérations de l’UNRWA et au moment où la juridiction statue sur le recours dirigé contre une décision de refus d’octroi du statut de réfugié. Ainsi, au point 59 de cet arrêt, la Cour mentionne spécifiquement le moment du départ de la zone d’opérations de l’UNRWA et, au point 56 dudit arrêt, la Cour précise que les autorités administratives ou judiciaires compétentes sont tenues de vérifier si un apatride d’origine palestinienne est en mesure de bénéficier d’une protection ou d’une assistance de la part de l’UNRWA ( 32 ).

56.

Si l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) concernait l’étendue géographique du secteur de la zone d’opérations de l’UNRWA plutôt que le moment auquel la cessation de la protection ou de l’assistance de la part de l’UNRWA doit être appréciée, je ne vois aucune raison valable de s’écarter, dans la présente affaire, de la solution retenue dans cet arrêt. En effet, admettre le contraire pourrait conduire à l’adoption de décisions et de jugements qui ne correspondent pas à la réalité actuelle à laquelle se trouvent confrontés les requérants. Ainsi que l’a relevé l’UNHCR, une telle approche serait artificielle.

57.

Il appartient donc aux autorités et aux juridictions nationales compétentes de procéder à une appréciation individuelle de tous les éléments pertinents afin de vérifier non seulement si le départ de la zone d’opérations de l’UNRWA de personnes ayant demandé le statut de réfugié au titre de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 peut être justifié par des motifs échappant à leur contrôle et indépendants de leur volonté (et qui les ont ainsi empêchées de bénéficier de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA), mais également si ces personnes sont actuellement empêchées de bénéficier de cette protection ou de cette assistance en raison de la situation prétendument dégradée dans la zone d’opérations concernée pour des motifs échappant à leur contrôle et indépendants de leur volonté.

58.

Compte tenu des considérations qui précèdent, je considère qu’il convient de procéder à une évaluation individuelle de tous les éléments pertinents relatifs à la situation en cause pour déterminer s’il y a eu cessation de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83. Cette évaluation nécessite une appréciation des circonstances alléguées ayant contraint un demandeur à quitter la zone d’opérations de l’UNRWA à cette date, ainsi qu’un examen ex nunc qui tient compte d’éléments ultérieurs pour déterminer si ce demandeur peut se prévaloir actuellement d’une telle protection ou assistance.

C.   Sur la deuxième question

59.

Par sa deuxième question, qui n’est pertinente que pour le cas où la Cour considérerait que la question de savoir si la protection ou l’assistance de l’UNRWA a cessé au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 nécessite une appréciation des circonstances qui auraient contraint un demandeur à quitter la zone d’opérations de l’UNRWA au moment d’un tel départ, ainsi qu’un examen ex nunc qui tient compte d’éléments ultérieurs pour déterminer si ce demandeur peut se prévaloir actuellement d’une telle protection ou assistance, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la charge de la preuve que la raison pour laquelle ledit demandeur a quitté la zone de l’UNRWA n’est plus valable repose sur l’État membre.

60.

À cet égard, la juridiction de renvoi se demande s’il convient de recourir par analogie à la disposition relative à la cessation figurant à l’article 11 de la directive 2004/83, de sorte que, lorsque, au regard de son parcours, le demandeur peut établir une raison justifiant sa décision de quitter la zone de l’UNRWA, il incombe à l’État membre d’apporter la preuve qu’une telle raison n’existe plus ( 33 ).

61.

Dans son arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, EU:C:2012:826, points 76 et 77), la Cour a précisé que la personne qui est en droit de se prévaloir ipso facto de la directive 2004/83 doit présenter une demande visant à obtenir le statut de réfugié qui doit être examinée par les autorités compétentes de l’État membre responsable. Dans le cadre de cet examen, ces autorités doivent vérifier non seulement que le demandeur s’est effectivement réclamé de l’assistance de l’UNRWA et que cette assistance a cessé, mais également que ce demandeur ne relève pas de l’une ou l’autre des causes d’exclusion énoncées à l’article 12, paragraphe 1, sous b), ou paragraphes 2 et 3, de cette directive. En outre, la Cour a précisé que l’article 11, paragraphe 1, sous f), de la directive 2004/83, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que l’intéressé cesse d’être un réfugié s’il est en mesure de retourner dans la zone d’opérations de l’UNRWA, dans laquelle il avait sa résidence habituelle, les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme réfugié ayant cessé d’exister.

62.

Il ressort, en tout état de cause, du point 71 de cet arrêt que la Cour a considéré que la renonciation volontaire à l’assistance de l’UNRWA ne pouvait pas entraîner l’application de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83 (et, par extension, de l’article 1er, section D, premier alinéa, de la convention de Genève), de nature à permettre à la personne en question de se prévaloir ipso facto du statut de réfugié. En effet, l’article 1er, section D, de la convention de Genève visait à exclure du bénéfice de cette convention les personnes qui étaient en mesure de bénéficier de l’assistance de l’UNRWA. La thèse inverse, qui ressort, du moins implicitement, dudit arrêt, est que des personnes qui ne peuvent plus, pour « quelque raison que ce soit », avoir recours à l’assistance de l’UNRWA (c’est-à-dire dans des circonstances autres qu’une renonciation volontaire) ont le droit d’être traitées ipso facto comme des réfugiés au sens de ces dispositions.

63.

Il découle de l’arrêt du 13 janvier 2021, Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) (C‑507/19, EU:C:2021:3, point 42), que l’article 14 de la directive 2004/83 (et implicitement l’article 11 de celle-ci) relatif à la cessation du statut de réfugié, présuppose précisément que ce statut a déjà été octroyé. Étant donné que les requérants NB et AB n’ont pas encore obtenu le statut de réfugié en vertu du droit national transposant la directive 2004/83 et que la possibilité d’accorder ce statut est en cours d’examen, ni l’article 11 ni l’article 14 de la directive 2004/83 ne sont pertinents.

64.

S’agissant de la nature de l’évaluation de la demande d’octroi du statut de réfugié de NB et de AB, l’article 13 de la directive 2004/83 (intitulé « Octroi du statut de réfugié ») prévoit que « [l]es États membres octroient le statut de réfugié à tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui remplit les conditions pour être considéré comme réfugié conformément aux chapitres II et III ». Dès lors, pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié conformément à l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, qui figure au chapitre III de cette directive, une évaluation des faits et des circonstances doit être effectuée conformément à l’article 4 de ladite directive (qui figure au chapitre II de cette même directive).

65.

Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/83, les États membres peuvent considérer qu’il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale. Il appartient à l’État membre d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande ( 34 ).

66.

Selon une jurisprudence constante relative à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/83, s’il appartient normalement au demandeur de présenter tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande, il n’en demeure pas moins qu’il appartient à l’État membre concerné de coopérer avec le demandeur au stade de la détermination des éléments pertinents de cette demande ( 35 ). Cette exigence de coopération à la charge de l’État membre signifie dès lors concrètement que, si, pour quelque raison que ce soit, les éléments fournis par le demandeur d’une protection internationale ne sont pas complets, actuels ou pertinents, il est nécessaire que l’État membre concerné coopère activement, à ce stade de la procédure, avec le demandeur pour permettre la réunion de l’ensemble des éléments de nature à étayer la demande. D’ailleurs, un État membre peut être mieux placé que le demandeur pour avoir accès à certains types de documents ( 36 ).

67.

En effet, des demandeurs tels que NB et AB ne peuvent être tenus, au titre de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/83, qu’à l’obligation de produire des éléments de preuve dont ils disposent raisonnablement. Il peut donc exister des informations, des données, des documents, etc., relatifs notamment aux circonstances existant depuis leur départ d’une zone de protection de l’UNRWA, auxquels ils ne peuvent raisonnablement pas accéder ou qu’ils ne peuvent raisonnablement pas produire. Dans de tels cas, il incombe à l’État membre en cause de coopérer activement avec les demandeurs pour obtenir et évaluer ces informations, données, documents, etc., actualisés concernant la situation dans cette zone.

68.

J’estime donc que l’évaluation de la question de savoir si un demandeur peut prétendre au statut de réfugié en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 doit être effectuée conformément à l’article 4 de cette directive et à la jurisprudence y afférente. S’il appartient normalement au demandeur de présenter tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande, il incombe à l’État membre de coopérer avec le demandeur au stade de la détermination des éléments qui se rapportent à cette demande. Si, pour quelque raison que ce soit, les éléments fournis par le demandeur d’une protection internationale ne sont pas complets, actuels ou pertinents, il est nécessaire que l’État membre concerné coopère activement, à ce stade de la procédure, avec le demandeur pour permettre la réunion de l’ensemble des éléments de nature à étayer la demande.

D.   Sur la troisième question

69.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si, afin de déterminer si les personnes qui demandent le statut de réfugié au titre de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 sont contraintes de quitter une zone de protection de l’UNRWA, il est nécessaire d’établir que l’UNRWA ou l’État dans lequel il opère (en l’occurrence le Liban) a intentionnellement infligé un dommage à ces personnes ou qu’il les a privées d’assistance (par action ou omission).

70.

À cet égard, la juridiction de renvoi cite les arrêts du 18 décembre 2014, M’Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452), et du 24 avril 2018, MP (Protection subsidiaire d’une victime de tortures passées) (C‑353/16, EU:C:2018:276), qui concernent tous deux les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire et la notion d’atteintes graves au sens de l’article 15, sous b), de la directive 2004/83 en ce qui concerne les personnes gravement malades. Dans ces arrêts, la Cour a en effet jugé que, conformément à l’article 15, sous b), de la directive 2004/83, une personne ne peut invoquer l’absence de traitements ou d’installations médicales appropriés dans son pays d’origine pour établir l’existence d’atteintes graves qu’en cas de privation de soins infligée intentionnellement à cette personne. Des déficiences ou des défaillances générales ne suffisent pas.

71.

Je considère, à titre liminaire, que l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, qui concerne les circonstances très particulières dans lesquelles les personnes relevant de l’article 1er, section D, de la convention de Genève peuvent se voir octroyer le statut de réfugié au titre de cette directive, n’est pas lié aux circonstances dans lesquelles la protection subsidiaire peut être accordée en vertu de l’article 15, sous b), de ladite directive.

72.

Par ailleurs, il convient, selon moi, de répondre par la négative à la troisième question, car une interprétation de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 qui exigerait que l’UNRWA ait intentionnellement infligé un dommage à ces personnes ou les ait privées d’assistance serait contra legem, dès lors qu’elle est contraire au libellé clair et impératif de cette disposition et, d’ailleurs, de celui de l’article 1er, section D, de la convention de Genève. En effet, ces deux dispositions prévoient explicitement que, si la protection ou l’assistance de l’UNRWA cesse pour quelque raison que ce soit, les personnes en question pourront ipso facto se prévaloir de cette directive et de cette convention.

73.

Par ailleurs, la Cour a, dans son arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, EU:C:2012:826, point 65), confirmé que l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 doit être interprété en ce sens que la cessation de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA « pour quelque raison que ce soit » vise également la situation d’une personne qui, après avoir effectivement eu recours à cette protection ou à cette assistance, cesse d’en bénéficier pour une raison échappant à son propre contrôle et indépendante de sa volonté. Comme le relève à juste titre la Commission, il n’est nullement exigé que l’UNRWA ou, d’ailleurs, l’État dans lequel l’UNRWA opère ( 37 ) ait agit intentionnellement ou de manière discriminatoire. Il est seulement exigé que cette personne ait cessé de recevoir une assistance ou une protection de la part de l’UNRWA pour des raisons échappant à son propre contrôle et indépendamment de sa volonté ( 38 ).

74.

S’il était établi que l’UNRWA ou l’État dans lequel il opère a intentionnellement infligé un dommage aux personnes ou les a privées d’assistance (par acte ou omission), une telle preuve serait évidemment particulièrement pertinente. Il n’est toutefois pas nécessaire de fournir la preuve d’une intention de cette nature, aux termes de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83. Comme la Cour l’a indiqué dans son arrêt du 13 janvier 2021, Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) (C‑507/19, EU:C:2021:3, point 67), il convient de prendre en compte tous les éléments pertinents.

75.

Je considère donc que, afin de déterminer si les personnes qui demandent le statut de réfugié au titre de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 sont contraintes de quitter une zone de protection de l’UNRWA, il n’est pas nécessaire d’établir que l’UNRWA ou l’État dans lequel il opère a intentionnellement infligé un dommage à ces personnes ou les a privées d’assistance (par action ou omission). Il convient plutôt de déterminersi, ainsi que la Cour l’a relevé dans son arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, EU:C:2012:826, point 65), de tels demandeurs ont cessé de bénéficier de l’assistance ou de la protection de l’UNRWA pour des raisons échappant à leur propre contrôle et indépendamment de leur volonté. En outre, cette assistance ou cette protection doit être efficace.

E.   Sur la quatrième question

76.

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir s’il est pertinent, aux termes de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, de prendre en compte l’assistance fournie à des personnes telles que les demandeurs par les acteurs de la société civile tels que les ONG. Dans ce contexte, il convient également d’examiner le rôle de l’État dans lequel l’UNRWA opère.

77.

Il ressort clairement du libellé de ces dispositions que tant l’article 1er, section D, de la convention de Genève que l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83 prévoient actuellement un seul acteur de la protection ou de l’assistance, à savoir l’UNRWA ( 39 ).

78.

Selon une jurisprudence constante, l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95 s’applique lorsqu’il s’avère, sur le fondement d’une évaluation individuelle de tous les éléments pertinents, que l’apatride d’origine palestinienne concerné se trouve dans un état personnel d’insécurité grave et que l’UNRWA, dont l’assistance a été réclamée par l’intéressé, est dans l’impossibilité d’assurer à celui-ci des conditions de vie conformes à sa mission, cet apatride se voyant ainsi, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, contraint de quitter la zone d’opérations de l’UNRWA ( 40 ). La Cour a également indiqué que la protection ou l’assistance efficace de l’UNRWA dans une zone relevant du mandat de cet organisme doit permettre à l’intéressé d’y séjourner en sécurité, dans des « conditions de vie dignes » ( 41 ).

79.

Si l’article 1er, section D, de la convention de Genève, l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83 et la jurisprudence de la Cour ne se réfèrent, en substance, qu’à la protection ou à l’assistance de l’UNRWA, je considère que le rôle de l’État dans lequel l’UNRWA opère ne saurait être ignoré dans ce contexte. Force est de constater que l’UNRWA n’opère pas dans le vide et que l’État concerné joue un rôle déterminant pour permettre à l’UNRWA de remplir efficacement son mandat et de s’assurer que les personnes en cause vivent dans des conditions dignes ( 42 ). Cela signifie que l’impact tant positif que négatif des actions de cet État ainsi que la sécurité générale et les conditions de vie des réfugiés palestiniens, tels que les requérants, résidant au Liban doivent être pris en compte lors de toute évaluation globale de l’ensemble des circonstances pertinentes menée conformément à l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83.

80.

Ainsi, par exemple, lorsque les réfugiés palestiniens bénéficient réellement du droit d’accéder, sur une base pérenne, à l’éducation et aux soins de santé fournis par l’État en question, je considère qu’il conviendrait de tenir compte de cette situation dans le cadre d’une évaluation globale de toutes les circonstances pertinentes au titre de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83. Il serait évidemment artificiel de se concentrer uniquement sur la protection ou l’assistance fournie par l’UNRWA, étant donné que le caractère adéquat de l’étendue de la protection ou de l’assistance fournie en pratique dépend du contexte dans lequel opère cet organisme.

81.

À cet égard, il semble toutefois ressortir du dossier dont dispose la Cour (et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi) que les réfugiés palestiniens au Liban sont confrontés à des restrictions juridiques ou à d’autres restrictions de fait dans l’accès aux services de l’État, tels que les soins médicaux et l’éducation. Si la juridiction de renvoi devait constater que tel est effectivement le cas, il serait, dans ces conditions, irréaliste de supposer que les éventuelles déficiences alléguées dans l’étendue d’une telle protection ou assistance n’auraient pas un impact plus important sur les réfugiés palestiniens que sur le reste de la population.

82.

En outre, je considère que (comme je l’ai déjà indiqué) lorsque la mission de l’UNRWA est entravée ou affaiblie en raison de la détérioration de la situation politique et économique dans l’État en cause plutôt que par une action directe de cet État, de telles circonstances sont également très pertinentes pour évaluer l’applicabilité éventuelle de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83.

83.

En outre, le rôle important joué par les acteurs de la société civile, tels que les ONG ( 43 ), dans ce contexte ne saurait être ignoré. Ainsi, par exemple, lorsque des ONG agissent sous les auspices de l’UNRWA ou que l’UNRWA leur sous‑traite juridiquement la fourniture d’une protection ou d’une assistance pour son compte, une telle action doit être prise en considération pour apprécier l’efficacité de la protection ou de l’assistance fournie par l’UNRWA. Dans de telles circonstances, les ONG agissent, à tous égards, en tant qu’agents de l’UNRWA.

84.

Par ailleurs, je considère que l’assistance fournie par les ONG qui agissent sous les auspices de l’État dans lequel l’UNRWA opère, lorsqu’une telle assistance a été sous-traitée légalement à des ONG par cet État, doit également être prise en compte, à condition – et il s’agit là d’une réserve essentielle – que les réfugiés palestiniens aient le droit d’accéder à la protection ou à l’assistance fournie par les ONG en question et que cette assistance ou protection soit effective et pérenne. Une simple protection ou aide ponctuelle ou temporaire ne suffit pas.

85.

Toute autre assistance fournie à des personnes telles que les requérants par des ONG qui n’agissent pas sous les auspices de l’UNRWA ou de l’État où opère l’UNRWA, ou bien auxquelles l’UNRWA ou l’État dans lequel l’UNRWA opère n’a pas sous-traité légalement la fourniture, pour son compte, d’une protection ou d’une assistance n’est pas pertinente au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, étant donné que l’accessibilité, l’efficacité et la pérennité de cette assistance ne peuvent être ni garanties ni, d’ailleurs, valablement appréciées. Une telle assistance – bien qu’elle soit incontestablement précieuse – est, de par sa nature même, instable et précaire. En tant que telle, elle ne saurait établir les droits juridiques d’une personne au titre de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83.

86.

Je considère donc que la protection ou l’assistance fournie aux réfugiés palestiniens par les acteurs de la société civile tels que les ONG est pertinente, aux termes de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, lorsque ces acteurs agissent sous les auspices de l’UNRWA ou que l’UNRWA leur a légalement sous-traité la fourniture, pour son compte, d’une protection ou d’une assistance. La protection ou l’assistance accordée aux réfugiés palestiniens par les acteurs de la société civile lorsque ces derniers agissent sous les auspices de l’État dans lequel l’UNRWA opère ou que cet État leur a légalement sous-traité la fourniture, pour son compte, d’une protection ou d’une assistance est également pertinente, aux termes de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, pour autant que les réfugiés concernés aient le droit d’accéder à la protection ou à l’assistance fournie par ces acteurs, les ONG, et que cette protection ou assistance soit efficace et pérenne. En revanche, une simple protection ponctuelle ou temporaire ou une assistance caritative ne saurait suffire. Toute autre assistance fournie par les acteurs de la société civile n’est pas pertinente aux termes de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, étant donné que l’accessibilité, l’efficacité et la pérennité de cette assistance ne peuvent être ni garanties ni, d’ailleurs, valablement évaluées.

VI. Conclusion

87.

Par conséquent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le First-tier Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal de première instance (chambre de l’immigration et de l’asile), Royaume‑Uni] de la manière suivante :

1)

Il convient de procéder à une évaluation individuelle de tous les éléments pertinents relatifs à la situation en cause pour déterminer s’il y a eu cessation de la protection ou de l’assistance de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts. Cette évaluation nécessite une appréciation des circonstances alléguées ayant contraint un demandeur à quitter la zone d’opérations de l’UNRWA à cette date, ainsi qu’un examen ex nunc qui tient compte d’éléments ultérieurs pour déterminer si le demandeur peut se prévaloir actuellement d’une telle protection ou assistance.

2)

L’appréciation de la question de savoir si un demandeur peut prétendre au statut de réfugié en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 doit être effectuée conformément à l’article 4 de cette directive et à la jurisprudence y afférente. S’il appartient normalement au demandeur de présenter tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande, il incombe à l’État membre de coopérer avec le demandeur au stade de la détermination des éléments qui se rapportent à cette demande. Si, pour quelque raison que ce soit, les éléments fournis par le demandeur d’une protection internationale ne sont pas complets, actuels ou pertinents, il est nécessaire que l’État membre concerné coopère activement, à ce stade de la procédure, avec le demandeur pour permettre la réunion de l’ensemble des éléments de nature à étayer la demande.

3)

Afin de déterminer si les personnes qui demandent le statut de réfugié au titre de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 sont contraintes de quitter une zone de protection de l’UNRWA, il n’est pas nécessaire d’établir que l’UNRWA, ou l’État dans lequel il opère, a intentionnellement infligé un dommage à ces personnes ou les a privées d’assistance (par action ou omission). Il convient plutôt de déterminer si de tels demandeurs ont cessé de bénéficier de l’assistance ou de la protection de l’UNRWA pour des raisons échappant à leur propre contrôle et indépendamment de leur volonté. En outre, cette assistance ou cette protection doit être efficace.

4)

La protection ou l’assistance fournie aux réfugiés palestiniens par les acteurs de la société civile tels que les organisations non gouvernementales (ONG) est pertinente, aux termes de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, lorsque ces acteurs agissent sous les auspices de l’UNRWA ou que l’UNRWA leur a légalement sous‑traité la fourniture, pour son compte, d’une protection ou d’une assistance. La protection ou l’assistance accordée aux réfugiés palestiniens par les acteurs de la société civile lorsque ces derniers agissent sous les auspices de l’État dans lequel l’UNRWA opère ou que cet État leur a légalement sous-traité la fourniture, pour son compte, d’une protection ou d’une assistance est également pertinente, aux termes de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, pour autant que les réfugiés concernés aient le droit d’accéder à la protection ou à l’assistance fournie par ces acteurs, les ONG, et que cette protection ou assistance soit efficace et pérenne. En revanche, une simple protection ponctuelle ou temporaire ou une assistance caritative ne saurait suffire. Toute autre assistance fournie par les acteurs de la société civile n’est pas pertinente aux termes de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83, étant donné que l’accessibilité, l’efficacité et la pérennité de cette assistance ne peuvent être ni garanties ni, d’ailleurs, valablement évaluées.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2004, L 304, p. 12.

( 3 ) Arrêt du 13 janvier 2021, Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) (C‑507/19, EU:C:2021:3, point 51 et jurisprudence citée). Au point 81 de l’arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, EU:C:2012:826), la Cour a jugé que l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités compétentes de l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile ont établi que la condition relative à la cessation de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA est remplie en ce qui concerne le demandeur, le fait pour cette personne de pouvoir ipso facto « se prévaloir de [cette] directive » implique la reconnaissance, par cet État membre, de la qualité de réfugié au sens de l’article 2, sous c), de ladite directive et l’octroi de plein droit du statut de réfugié à ce demandeur, pour autant toutefois que ce dernier ne relève pas du paragraphe 1, sous b), ou des paragraphes 2 et 3, de cet article 12. Au point 101 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Alheto (C‑585/16, EU:C:2018:584), la Cour a indiqué que l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83 a un effet direct. Compte tenu de leurs circonstances particulières, les réfugiés palestiniens bénéficient donc d’un traitement spécial, sui generis, au titre de l’article 1er, section D, de la convention de Genève (voir la citation complète s’agissant de cette convention au point 6 des présentes conclusions) et en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83. Arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, EU:C:2012:826, point 80).

( 4 ) JO 2011, L 337, p. 9.

( 5 ) Loi britannique 2006/2525.

( 6 ) HC 395 (tel que modifié).

( 7 ) NB et AB font notamment valoir devant la juridiction de renvoi que, « au Liban, AB était immobile et confiné la plupart du temps à la maison et qu’il subissait des abus de la part de la communauté avoisinante, auxquels il réagissait par des cris et des hurlements. Il ne pouvait pas marcher ou ramper et il s’affaissait lorsqu’il était en position assise. L’absence d’aide spécialisée dans sa vie au Liban est susceptible [...] d’entraîner des conséquences à vie. Toutefois, depuis que AB fréquente une école au Royaume‑Uni (une école secondaire de Bolton pour les élèves de 11 à 19 ans souffrant de graves et profondes difficultés d’apprentissage), il a fait des progrès considérables. Outre sa scolarisation, il bénéficie d’un réseau d’aide comprenant divers intervenants, notamment, un chirurgien orthopédique consultant, un chirurgien de la colonne vertébrale consultant, un neurologue pédiatrique consultant, un neurochirurgien, un psychothérapeute pédiatrique, un pédiatre consultant et un orthophoniste. Il reste doublement incontinent. Si la famille devait retourner au Liban, AB régresserait et il est probable que ses crises recommenceraient. Toute la famille avait souffert au Liban en raison des difficultés de développement de AB, des mauvais traitements subis par ses frères et sœurs, de la discrimination et des moqueries de la part des amis et voisins. L’atmosphère familiale était triste et déprimée. S’ils devaient retourner au Liban, la santé mentale de toute la famille se détériorerait [...] [NB] souffrait de dépression au Liban, ce qui a eu, à son tour, des conséquences sur son mari et ses enfants. Aujourd’hui, son état s’est amélioré et elle est beaucoup plus heureuse, bien qu’elle soit toujours sous traitement pour dépression. Cela a également eu une incidence favorable sur la santé mentale de son mari. Les autres enfants présentent un niveau important de vulnérabilité sur le plan émotionnel en raison de l’histoire familiale liée à l’état de AB, mais ils éprouvent à présent dans leur nouvel environnement des sentiments positifs à l’égard de AB et non plus de la honte ».

( 8 ) Le Secretary of State fait valoir devant la juridiction de renvoi que NB et son mari étaient au courant de l’existence du centre d’intervention précoce, une organisation non gouvernementale (ONG), opérant dans le camp d’Al Bass, qui fournit une assistance aux enfants handicapés, et qu’ils n’avaient fourni aucune preuve documentaire établissant que ce centre avait refusé de les aider.

( 9 ) Voir point 65 en particulier, et points 61, 63 et 64.

( 10 ) En vertu de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les parties et autres intéressés pouvaient également répondre à cette question s’ils le souhaitaient.

( 11 ) En vertu de l’article 1er, section A, paragraphe 2, premier alinéa, de la convention de Genève, le terme « réfugié » s’appliquera à toute personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle [...], ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

( 12 ) Sur l’interdiction de la torture et le droit au respect de la vie privée et familiale.

( 13 ) La lettre a été fournie par l’UNRWA à la demande de l’UNHCR dans le contexte spécifique de la présente demande de décision préjudicielle. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier et d’apprécier le contenu de cette lettre.

( 14 ) Mise en italique par mes soins.

( 15 ) Voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, EU:C:2012:826, points 42 et 43). En particulier, la directive 2004/83 vise à garantir, sur le fondement des articles 1er et 18 de la Charte, le plein respect de la dignité humaine et du droit d’asile des demandeurs d’asile. Arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, EU:C:2012:826, point 12).

( 16 ) Voir, en ce sens, arrêt Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne), point 37.

( 17 ) Dans ses conclusions dans l’affaire Bolbol (C‑31/09, EU:C:2010:119), l’avocate générale Sharpston a considéré que l’expression « personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance » était ambiguë d’un point de vue tant géographique que temporel.

( 18 ) Il ressort clairement de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi souhaite savoir si un examen ex nunc doit être effectué en plus ou au lieu d’un examen ex tunc.

( 19 ) En l’espèce, le Secretary of State.

( 20 ) Voir, par analogie, arrêt Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne), point 66.

( 21 ) Il appartient, en définitive, à la juridiction de renvoi de vérifier ce point. Voir, en revanche, point 80 de l’arrêt Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne), où la Cour a considéré que l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2011/95 doit être interprété en ce sens que la protection ou l’assistance de l’UNRWA ne saurait être considérée comme ayant cessé lorsqu’un apatride d’origine palestinienne s’était soustrait à la protection de l’UNRWA et volontairement exposé à un risque grave. Par ailleurs, au point 59 de l’arrêt Abed El Karem El Kott, la Cour a jugé qu’une simple absence d’une zone de protection de l’UNRWA ou la décision volontaire de la quitter ne saurait être qualifiée de cessation de l’assistance.

( 22 ) La Cour a indiqué que ce motif d’exclusion du champ d’application de la convention de Genève et, a fortiori, de la directive 2004/83 doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Arrêt du 17 juin 2010, Bolbol (C‑31/09, EU:C:2010:351, point 51). Voir également conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Bolbol (C‑31/09, EU:C:2010:119, points 74 et 75). Dans cette affaire, il a été jugé que Mme Bolbol n’avait pas eu recours à l’assistance de l’UNRWA avant de quitter la zone d’opérations de cette agence pour demander l’asile en Hongrie. La Cour a donc jugé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les circonstances dans lesquelles cette assistance pouvait être considérée comme ayant « cessé pour une raison quelconque » ou la nature du régime dont cette personne aurait pu bénéficier de plein droit en vertu de la directive 2004/83 du fait de la cessation de ladite assistance.

( 23 ) Sans que le statut des personnes concernées ait été définitivement tranché conformément aux résolutions pertinentes adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies.

( 24 ) Voir article 1er, section D, second alinéa, de la convention de Genève.

( 25 ) Tel est effectivement aussi le cas dans la version en langue française de la convention de Genève, qui emploie le présent, le futur et, surtout, le futur antérieur. L’article 1er, section D, premier alinéa, de cette convention dispose ainsi : « Cette convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance [...] », et le second alinéa de cette section D dispose : « Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque [...] » La conjugaison des termes « aura cessé » au futur antérieur implique que la protection ou l’assistance n’est plus assurée.

( 26 ) Voir, également, arrêt Abed El Karem El Kott, point 65. La Cour a indiqué au point 56 de l’arrêt Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) que les autorités administratives ou judiciaires compétentes sont notamment tenues de vérifier si la personne concernée est concrètement en mesure de bénéficier de cette protection ou de cette assistance.

( 27 ) Ce qui n’indique pas un moment précis.

( 28 ) Je considère que les expressions « bénéficient actuellement » au premier alinéa de l’article 1er, section D, de la convention de Genève et « aura cessé » au second alinéa de cette disposition sont intimement liées, ces expressions étant effectivement juxtaposées.

( 29 ) Au point 52 de l’arrêt Abed El Karem El Kott, la Cour a jugé qu’il convient d’interpréter l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive 2004/83 en ce sens que relèvent de la cause d’exclusion du statut de réfugié prévue à cette disposition non seulement les personnes qui ont actuellement recours à l’assistance fournie par l’UNRWA, mais également les personnes qui ont eu effectivement recours à cette assistance peu de temps avant la présentation d’une demande d’asile dans un État membre, pour autant toutefois que ladite assistance n’a pas cessé au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de cette directive.

( 30 ) Au point 65 de l’arrêt Abed El Karem El Kott, la Cour a considéré qu’il appartient donc aux autorités nationales compétentes de vérifier, sur la base d’une évaluation individuelle de la demande, que cette personne a été contrainte de quitter la zone d’opérations de cet organisme ou de cette institution, ce qui est le cas lorsqu’elle se trouvait dans un état personnel d’insécurité grave et que l’organisme ou l’institution concerné était dans l’impossibilité de lui assurer, dans cette zone, des conditions de vie conformes à la mission incombant à cet organisme ou à cette institution.

( 31 ) Voir également arrêt du 25 juillet 2018, Alheto (C‑585/16, EU:C:2018:584, point 86).

( 32 ) Voir également arrêt Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne), point 57.

( 33 ) Bien que la disposition relative à la cessation figure à l’article 11 de la directive 2004/83, c’est l’article 14, paragraphe 2, de ladite directive qui dispose que, « [s]ans préjudice de l’obligation faite au réfugié, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de déclarer tous les faits pertinents et de fournir tout justificatif pertinent dont il dispose, l’État membre qui a octroyé le statut de réfugié apporte la preuve, au cas par cas, de ce que la personne concernée a cessé d’être ou n’a jamais été un réfugié ».

( 34 ) Les autorités compétentes doivent adapter leurs méthodes d’appréciation des déclarations et des éléments de preuve documentaires ou autres en fonction des caractéristiques propres à chaque catégorie de demande d’asile, dans le respect des droits garantis par la Charte. En outre, conformément à l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/83, cette évaluation doit être individuelle et tenir compte du statut individuel ainsi que de la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge (arrêt du 2 décembre 2014, A e.a., C‑148/13 à C‑150/13, EU:C:2014:2406, points 54 et 57). Dans son arrêt du 24 avril 2018, MP (Protection subsidiaire d’une victime de tortures passées) (C‑353/16, EU:C:2018:276, point 33), la Cour a indiqué que, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2004/83, l’existence d’atteintes graves antérieures constitue un indice sérieux du risque réel pour le demandeur de subir de nouveau des atteintes graves. Toutefois, il est également indiqué dans cet article que cette disposition précise toutefois que tel n’est pas le cas lorsqu’il existe de bonnes raisons de penser que les atteintes graves subies par le passé ne se reproduiront pas ou ne se poursuivront pas. L’article 4, paragraphe 5, de la directive 2004/83, qui, selon moi, revêt une importance particulière dans le contexte de la présente procédure, précise les conditions dans lesquelles un État membre, qui applique le principe selon lequel il appartient au demandeur d’étayer sa demande, doit considérer que certains aspects des déclarations du demandeur ne nécessitent pas confirmation. Ces conditions comprennent, notamment, le fait que les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et qu’elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande, ainsi que le fait que la crédibilité générale du demandeur a pu être établie. Voir, par analogie, arrêts du 25 janvier 2018, F (C‑473/16, EU:C:2018:36, point 33) ; du 19 novembre 2020, Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Service militaire et asile) (C‑238/19, EU:C:2020:945, point 55), et du 10 juin 2021, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Éléments ou faits nouveaux) (C‑921/19, EU:C:2021:478, point 43), concernant l’article 4 de la directive 2011/95, dont le libellé est similaire à celui de l’article 4 de la directive 2004/83.

( 35 ) Les déclarations d’un demandeur de protection internationale ne constituent que le point de départ du processus d’évaluation des faits et des circonstances, effectué par les autorités compétentes. Voir, par analogie, en ce qui concerne l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2011/95, arrêt du 25 janvier 2018, F (C‑473/16, EU:C:2018:36, point 28).

( 36 ) Arrêts du 22 novembre 2012, M. (C‑277/11, EU:C:2012:744, points 65 et 66), et du 2 décembre 2014, A e.a. (C‑148/13 à C‑150/13, EU:C:2014:2406, points 54 à 57).

( 37 ) Voir également ma réponse à la quatrième question posée par la juridiction de renvoi en ce qui concerne le rôle de cet État en tant qu’acteur de cette protection ou assistance.

( 38 ) De plus, la Cour a explicitement indiqué que l’assistance ou la protection doit être « effective ». La seule existence d’un organisme ou d’une institution chargé de fournir cette assistance ou protection ne suffit pas. Arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, EU:C:2012:826, point 60).

( 39 ) Même si le nom de l’UNRWA n’est pas expressément mentionné.

( 40 ) Arrêt du 13 janvier 2021, Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) (C‑507/19, EU:C:2021:3, point 51).

( 41 ) Voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2021, Bundesrepublik Deutschland (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) (C‑507/19, EU:C:2021:3, point 54).

( 42 ) Dans sa réponse à une question posée par la Cour, l’UNHCR a joint en annexe une lettre de l’UNRWA dans laquelle celui-ci indiquait qu’il « ne gère pas des camps de réfugiés et n’est pas chargé de protéger la sécurité et la sûreté physiques des réfugiés palestiniens ni de maintenir l’ordre public dans les cinq zones d’opérations de l’UNRWA. La garantie de la sécurité physique des réfugiés palestiniens résidant dans l’une des cinq zones d’opérations de l’UNRWA relève de la souveraineté et de la responsabilité du gouvernement hôte ».

( 43 ) Par souci de concision, je me référerai à ces acteurs en tant qu’ONG.