CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 15 juillet 2021 ( 1 )

Affaire C‑160/20

Stichting Rookpreventie Jeugd,

Stichting Inspire2live,

Rode Kruis Ziekenhuis BV,

Stichting ClaudicatioNet,

Nederlandse Vereniging voor Kindergeneeskunde,

Nederlandse Vereniging voor Verzekeringsgeneeskunde,

Accare, Stichting Universitaire en Algemene Kinder- en Jeugdpsychiatrie Noord-Nederland,

Vereniging Praktijkhoudende Huisartsen,

Nederlandse Vereniging van Artsen voor Longziekten en Tuberculose,

Nederlandse Federatie van Kankerpatiëntenorganisaties,

Nederlandse Vereniging Arbeids- en Bedrijfsgeneeskunde,

Nederlandse Vereniging voor Cardiologie,

Koepel van Artsen Maatschappij en Gezondheid,

Nederlandse Vereniging voor Kindergeneeskunde,

Koninklijke Nederlandse Maatschappij tot bevordering der Tandheelkunde,

College van Burgemeester en Wethouders van Amsterdam

contre

Staatssecretaris van Volksgezondheid, Welzijn en Sport,

en présence de

Vereniging Nederlandse Sigaretten- en Kerftabakfabrikanten (VSK)

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Rotterdam (tribunal de Rotterdam, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40/UE – Cigarettes avec filtre – Niveaux d’émission maximaux – Article 4, paragraphe 1 – Méthode de mesure des émissions de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone sur la base de normes ISO – Absence de publication du contenu de ces normes au Journal officiel de l’Union européenne – Exigences en matière de publication – Article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE – Conditions d’accès au contenu desdites normes – Principe de libre accès »

I. Introduction

1.

Le législateur de l’Union peut-il, dans les actes législatifs qu’il adopte, faire référence à des normes internationales élaborées par une organisation privée (en l’occurrence, des normes ISO ( 2 )) sans en publier le contenu au Journal officiel de l’Union européenne, ni prévoir un accès direct et gratuit pour les citoyens de l’Union européenne à ce contenu, étant entendu que ces normes sont accessibles auprès de cette organisation moyennant le paiement d’une redevance pour les droits d’auteur dont elle se prévaut ?

2.

Telle est, en substance, l’une des questions posées par le rechtbank Rotterdam (tribunal de Rotterdam, Pays-Bas) auxquelles la Cour est invitée à répondre dans la présente affaire.

3.

La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Stichting Rookpreventie Jeugd (Fondation pour la prévention du tabagisme chez les jeunes, Pays-Bas, ci-après la « Stichting ») et quinze autres entités (ci-après, ensemble, les « requérantes au principal ») au Staatssecretaris van Volksgezondheid, Welzijn en Sport (secrétaire d’État à la Santé publique, au Bien-être et aux Sports, Pays-Bas, ci-après le « staatssecretaris »).

4.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi cherche, plus précisément, à savoir si les conditions d’accès au contenu des normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40/UE ( 3 ), qui prévoit une méthode de mesure des émissions de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone des cigarettes à filtre, sont conformes aux exigences de publication prévues à l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE ( 4 ) et au principe de transparence qui, parmi d’autres, sous-tend cette disposition.

5.

À l’issue de mon exposé, je proposerai à la Cour de juger que l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE n’exige pas que le contenu des normes ISO en cause soit publié au Journal officiel. En outre, j’indiquerai les raisons pour lesquelles j’estime que les conditions d’accès au contenu de ces normes ne sont pas contraires aux principes généraux dont cette disposition constitue une expression.

II. Le cadre juridique

A.   Le règlement (CE) no 1049/2001

6.

L’article 12 du règlement (CE) no 1049/2001 ( 5 ) prévoit :

« 1.   Les institutions mettent autant que possible les documents à la disposition directe du public, sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un registre conformément aux règles en vigueur au sein de l’institution concernée.

2.   En particulier, les documents législatifs, c’est-à-dire les documents établis ou reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux-ci, devraient être rendus directement accessibles, sous réserve des articles 4 et 9.

[...] »

7.

Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement :

« Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

[...] »

B.   Le règlement (UE) no 1025/2012

8.

L’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1025/2012 ( 6 ) prévoit :

« Les organismes nationaux de normalisation encouragent et facilitent l’accès des PME aux normes et aux processus d’élaboration des normes afin d’accroître le taux de participation au système de normalisation, par exemple :

[...]

c)

en donnant libre accès, ou en prévoyant des tarifs spéciaux, pour participer aux activités de normalisation ;

d)

en donnant librement accès aux projets de normes ;

e)

en mettant des résumés de normes gratuitement à disposition sur leur site Internet ;

[...] »

9.

Aux termes de l’article 10, paragraphe 6, de ce règlement :

« Lorsqu’une norme harmonisée répond aux exigences qu’elle vise à couvrir et qui sont définies dans la législation correspondante d’harmonisation de l’Union, la Commission publie une référence à cette norme harmonisée sans retard au [Journal officiel] ou par d’autres biais, dans le respect des conditions fixées dans l’acte correspondant de la législation d’harmonisation de l’Union. »

C.   La directive 2014/40

10.

Le considérant 11 de la directive 2014/40 dispose :

« Il y a lieu de faire référence aux normes ISO reconnues à l’échelle internationale pour mesurer les teneurs en goudron, en nicotine et en monoxyde de carbone des cigarettes (ci-après dénommées “niveaux d’émissions”). [...] »

11.

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive :

« Les niveaux d’émissions des cigarettes mises sur le marché ou fabriquées dans les États membres (ci-après dénommés “niveaux d’émission maximaux”) ne peuvent excéder :

a)

10 milligrammes de goudron par cigarette ;

b)

1 milligramme de nicotine par cigarette ;

c)

10 milligrammes de monoxyde de carbone par cigarette. »

12.

L’article 4, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« 1.   Les émissions de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone des cigarettes sont mesurées sur la base de la norme ISO 4387 pour le goudron, de la norme ISO 10315 pour la nicotine et de la norme ISO 8454 pour le monoxyde de carbone.

L’exactitude des mesures de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone est déterminée conformément à la norme ISO 8243. »

III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

13.

Par lettres datées des 31 juillet et 2 août 2018, les requérantes au principal ont demandé à la Nederlandse Voedsel- en Warenautoriteit (Autorité néerlandaise de contrôle des denrées alimentaires et des produits de consommation, Pays-Bas, ci‑après la « NVWA ») de veiller à ce que les cigarettes à filtre proposées aux consommateurs des Pays‑Bas respectent, lorsqu’elles sont utilisées conformément à leur usage prévu, les niveaux d’émission maximaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone prévus à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2014/40 et, le cas échéant, d’adopter une mesure d’exécution afin que les produits contrevenant à ces exigences soient retirés du marché ( 7 ).

14.

Par décision du 20 septembre 2018, la NVWA a rejeté la demande de mesure d’exécution de l’une des requérantes au principal, la Stichting, dont l’objectif est la prévention du tabagisme chez les jeunes. Cette dernière, ainsi que l’ensemble des autres requérantes au principal, ont introduit un recours administratif contre cette décision devant le staatssecretaris.

15.

Le 31 janvier 2019 le staatssecretaris a rejeté comme étant non fondé le recours de la Stichting, et comme étant irrecevable celui des autres requérantes au principal.

16.

Les requérantes au principal ont introduit un recours juridictionnel contre cette dernière décision devant la juridiction de renvoi. La Vereniging Nederlandse Sigaretten- en Kerftabakfabrikanten (Association des fabricants néerlandais de cigarettes et de tabac, Pays‑Bas, ci-après la « VSK ») a demandé à être reconnue comme tierce partie à la procédure au principal. Il a été fait droit à cette demande.

17.

Dans le cadre de cette procédure, la Stichting fait valoir, en substance, que la méthode de mesure des niveaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone des cigarettes à filtre visée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 n’est pas contraignante. Selon elle, ces émissions devraient être mesurées en tenant compte, notamment, de l’usage prévu pour ces produits et, plus précisément, du fait que les doigts et lèvres des fumeurs obstrueraient, en partie, les micro-perforations pratiquées dans le filtre des cigarettes. En conséquence, lesdites émissions seraient, en réalité, plus élevées que cette méthode ne permettrait de le déterminer ( 8 ). Dans ces conditions, le recours à une autre méthode, plus protectrice de la santé des consommateurs, s’imposerait ( 9 ).

18.

Le staatssecretaris, auquel se rallie la VSK, s’oppose à cette argumentation et soutient que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 a un caractère obligatoire. Dès lors, il ne serait pas possible, pour les autorités nationales, de s’écarter, de leur propre chef, de la méthode prescrite par cette disposition. Ce serait, en tout état de cause, au législateur de l’Union qu’il incomberait de décider de modifier ou non ladite disposition.

19.

Au vu de ces arguments, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en premier lieu, si le fait que les normes ISO à partir desquelles les émissions de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone des cigarettes à filtre sont mesurées ne sont pas publiées au Journal officiel et ne sont accessibles auprès de l’ISO que contre paiement est compatible, notamment, avec le régime de publication prévu à l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE, ainsi qu’avec le principe de transparence.

20.

En second lieu, elle s’interroge sur le caractère contraignant de la méthode de mesure des niveaux d’émission prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40, ainsi que sur la validité de cette disposition au regard des objectifs de cette même directive et d’autres normes de droit supérieures ( 10 ).

21.

Dans ces conditions, le rechtbank Rotterdam (tribunal de Rotterdam) a, par décision du 20 mars 2020, parvenue à la Cour le 24 mars 2020, décidé de surseoir à statuer et de poser, notamment, à la Cour la question préjudicielle suivante ( 11 ) :

« La conception de la méthode de mesure prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40, fondée sur des normes ISO qui ne sont pas librement accessibles, est-elle conforme à l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE, ainsi qu’au principe de transparence qui, parmi d’autres, sous-tend celui‑ci ? »

22.

La Stichting, la VSK, le gouvernement néerlandais, le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne ont déposé des observations écrites devant la Cour. Il n’a pas été tenu d’audience de plaidoiries dans la présente affaire. Les parties et intéressés ont néanmoins répondu par écrit aux questions posées par la Cour le 9 février 2021.

IV. Analyse

A.   Considérations liminaires

23.

Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions seront ciblées sur la première question préjudicielle.

24.

Par cette question, qui se subdivise en deux parties, la juridiction de renvoi demande à la Cour, d’une part, de préciser si l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE requiert la publication au Journal officiel des normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 et, d’autre part, de trancher le point de savoir si les conditions d’accès au contenu de ces normes (qui, au-delà du fait qu’elles ne sont pas publiées au Journal officiel, ne sont mises à disposition du public par l’ISO que contre paiement, sans que les institutions de l’Union rendent leur contenu directement et gratuitement accessible) sont conformes au principe de transparence.

25.

À titre liminaire, je tiens à souligner que, dès lors que la Cour est ici saisie d’une question qui touche, en définitive, à l’accessibilité du contenu de la loi, c’est-à-dire à la possibilité pour les citoyens d’en prendre connaissance, le point de départ de la réponse à cette question doit, selon moi, évidemment être que, dans une société démocratique, tout citoyen doit avoir un libre accès au contenu de la loi. Il s’agit de l’un des fondements de l’État de droit ( 12 ).

26.

Ce principe de libre accès au contenu de la loi doit, à mes yeux, être garanti pour au moins deux raisons. La première est tirée de l’adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi », qui implique nécessairement que la loi ne peut être opposable aux justiciables avant que n’existe pour eux la possibilité d’en prendre connaissance. La seconde provient de la nécessité, pour les citoyens au sens large, d’être en mesure de consulter l’ensemble des textes adoptés par les pouvoirs publics qui régissent la vie en société afin de pouvoir faire assurer leur respect ( 13 ) et d’exercer effectivement les droits qui leur sont conférés dans une société démocratique ( 14 ). C’est d’ailleurs là l’essence même de la démarche des requérantes au principal : par leur recours devant la juridiction de renvoi, ces entités, dont l’objectif commun est la prévention du tabagisme, cherchent précisément à faire valoir que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 prescrit une méthode de mesure qui, selon elles, n’est pas suffisamment protectrice de la santé des consommateurs.

27.

Découle-t-il de ce principe que des normes ISO qui sont référencées dans un acte législatif de l’Union, tel que, en l’occurrence, la directive 2014/40 ( 15 ), doivent être publiées au Journal officiel ou, à tout le moins, que les institutions de l’Union sont tenues de garantir que leur contenu soit directement et gratuitement mis à la disposition du public ?

28.

À cet égard, tout d’abord, il me faut préciser qu’aucune disposition de droit de l’Union ne traite spécifiquement des exigences de publication auxquelles des normes internationales telles que les normes ISO en cause doivent satisfaire lorsqu’elles sont ainsi référencées dans un tel acte législatif. En particulier, l’article 10, paragraphe 6, du règlement no 1025/2012, qui contient des obligations précises en ce qui concerne la publication des normes harmonisées ( 16 ), ne s’étend pas aux normes ISO. Dans ce contexte, il me paraît important de garder à l’esprit que le présent renvoi préjudiciel ne porte pas sur le point de savoir si la publication d’autres normes techniques au Journal officiel, qu’elles soient nationales, harmonisées ou européennes ( 17 ), doit être complète ou non ou si leur contenu doit être librement accessible au public. Il est, en l’espèce, uniquement question de normes internationales et, plus spécifiquement, de normes ISO élaborées par une organisation privée, dont le financement provient, notamment, de la vente des normes dont elle est l’auteur ( 18 ).

29.

Ensuite, et comme je le soulignerai plus loin dans mon exposé, la réponse à la première question préjudicielle dépend, selon moi, de la manière dont l’acte législatif de l’Union qui fait référence à des normes ISO vise à utiliser de telles normes.

30.

Plusieurs éléments me paraissent pertinents à cet égard. La présente affaire m’amènera à en dégager trois. Premièrement, les normes en cause sont-elles nécessaires pour avoir connaissance des « exigences essentielles » de l’acte législatif qui y fait référence ou bien sont-elles d’ordre technique et accessoire par rapport à de telles exigences ? Deuxièmement, ces normes visent-elles à imposer des obligations à l’égard des entreprises dont les produits ou les activités sont concernés par lesdites normes ? Troisièmement, dans le cas où ces mêmes normes sont d’ordre technique et accessoire et ne visent pas à imposer des obligations à de telles entreprises, ce dont il découle (comme je l’expliquerai dans la section B des présentes conclusions) qu’elles ne doivent pas faire l’objet d’une publication au Journal officiel en vertu de l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE, le fait que les institutions de l’Union ne prévoient pas des conditions d’accès plus généreuses que celles déjà envisagées par l’ISO fait-il entrave de manière disproportionnée à la possibilité pour le public d’en prendre connaissance et, en cela, aux principes généraux qui sous‑tendent cette dernière disposition (section C) ?

31.

J’ajoute que ce dernier élément me semble être de moindre importance lorsqu’il est clair que les normes ISO référencées dans un acte législatif s’apparentent à une forme de codification de connaissances techniques par et pour les professionnels ( 19 ). En revanche, plus la norme se rapproche d’un domaine où les citoyens sont susceptibles de chercher à exercer les droits qui leur sont conférés dans une société démocratique (par exemple, comme en l’espèce, du domaine de la santé et de la protection des consommateurs), plus ledit élément doit être pris en compte et plus il convient de s’interroger sur le point de savoir si le contenu de la norme doit être librement accessible au public.

B.   Sur la publication au titre de l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE (première partie de la première question)

32.

Je rappelle que l’article 297, paragraphe 1, TFUE requiert, aux termes de son troisième alinéa, que les actes législatifs soient publiés au Journal officiel.

33.

En l’occurrence, deux cas de figure doivent, selon moi, être examinés. Soit les normes ISO en cause peuvent elles-mêmes être regardées comme des « actes législatifs » et, dans ce cas, il est clair qu’une publication intégrale de leur contenu s’impose en vertu de cette disposition (section 1) ; soit ces normes ne peuvent être considérées comme répondant à cette définition, et il convient alors de s’interroger sur le point de savoir si la publication de leur contenu est malgré tout requise, au titre de ladite disposition, en ce qu’elles constituent des « éléments » d’un acte législatif (à savoir, de la directive 2014/40) (section 2).

1. Les normes ISO en cause ne constituent pas, en elles-mêmes, des « actes législatifs »

34.

La notion d’« actes législatifs » est définie, à l’article 289, paragraphe 3, TFUE, comme englobant les « actes juridiques adoptés par procédure législative ». La Cour a jugé que, conformément à cette disposition, un acte juridique ne peut être qualifié d’« acte législatif » de l’Union que s’il a été adopté sur le fondement d’une disposition des traités qui se réfère expressément soit à la procédure législative ordinaire visée à l’article 289, paragraphe 1, et l’article 294 TFUE, soit à une procédure législative spéciale décrite à l’article 289, paragraphe 2, TFUE ( 20 ).

35.

En l’espèce, l’ensemble des parties et intervenants à la présente procédure, à l’exception des requérantes au principal, considèrent que les normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 ne sauraient être regardées comme constituant, en elles-mêmes, des « actes législatifs ».

36.

Je partage, sans difficulté, cet avis.

37.

En effet, il est évident que ces normes – qui, ainsi que l’a rappelé à juste titre la Commission, ont été élaborées par un organisme privé, à savoir l’ISO ( 21 ) – n’ont pas fait l’objet d’une procédure législative ordinaire ou spéciale propre, c’est-à-dire d’une procédure visant, spécifiquement, leur adoption par le législateur de l’Union, sur le fondement d’une disposition des traités.

38.

La circonstance que, après avoir été adoptées par l’ISO, lesdites normes ont été choisies par le législateur de l’Union, au cours de la procédure législative ayant conduit à l’adoption de la directive 2014/40, pour mesurer les niveaux d’émission des cigarettes à filtre et vérifier que ceux-ci demeurent en dessous des plafonds fixés à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, ne permet pas non plus, à mon sens, de conclure qu’elles ont, elles-mêmes, été « adoptées » en tant qu’« actes législatifs » par cette procédure. En effet, celle-ci avait pour seul objet l’adoption de ladite directive.

39.

Compte tenu de ces éléments, et dès lors qu’il résulte clairement des dispositions susmentionnées du traité FUE que les auteurs du traité ont retenu une approche formelle ( 22 ), en vertu de laquelle les « actes législatifs » ne sont qualifiés comme tels que s’ils sont adoptés selon la procédure législative ordinaire ou selon une procédure législative spéciale, il me paraît clair que les normes ISO en cause ne sauraient être considérées comme appartenant elles-mêmes à cette catégorie d’actes ( 23 ).

2. Les normes ISO en cause sont des « éléments » d’acte législatif dont la publication intégrale au Journal officiel n’est cependant pas requise

40.

Il découle de la sous-section précédente que, dans le contexte de la présente affaire, seule la directive 2014/40, qui a été publiée au Journal officiel, peut être considérée comme répondant à la définition d’« acte législatif », au sens de l’article 289, paragraphe 3, TFUE. Pour reprendre l’expression employée par le gouvernement néerlandais, les normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive constituent, tout au plus, des « éléments » de cet acte législatif.

41.

Ces éléments doivent-ils être publiés intégralement au Journal officiel en vertu de l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE ? À mon sens, non.

42.

À cet égard, je note que, dans ses conclusions dans l’affaire Heinrich ( 24 ), qui concernait le cas où une annexe d’un règlement ( 25 ) n’avait pas été publiée au Journal officiel, l’avocate générale Sharpston a souligné que l’absence de publication d’une telle annexe revenait à « publier le cadre [de l’acte] sans la substance » et constituait une « publication viciée et inadéquate » ne satisfaisant pas aux exigences de l’article 297, paragraphe 2, TFUE (relatif à la publication des actes non législatifs adoptés sous la forme de règlements, de directives et de décisions).

43.

Je souscris à cette analyse, qui me paraît transposable au régime de publication des actes législatifs prévu à l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE. Selon moi, cette dernière disposition serait vidée de son sens si seul le cadre formalisant l’adoption d’un tel acte, et non l’intégralité de sa « substance », devait être publié au Journal officiel.

44.

Comme je l’expliquerai ci-après, la publication au Journal officiel ne me paraît cependant pas être requise par ladite disposition, dans le cas où, comme en l’espèce, les « éléments » référencés dans une ou plusieurs dispositions de l’acte législatif sont des normes ISO qui correspondent à de simples précisions d’ordre technique et accessoire par rapport aux « exigences essentielles » de cet acte (premier critère) et ne visent pas à imposer des obligations aux entreprises dont les produits ou activités sont concernés par de telles normes (second critère).

a) Les normes ISO en cause sont d’ordre technique et accessoire par rapport aux « exigences essentielles » contenues à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2014/40 (premier critère)

45.

Par « exigences essentielles », j’entends les règles qui, dans un acte législatif de l’Union dont l’objet est de définir les conditions préalables à la mise en circulation de produits sur le marché intérieur (telles que, en l’occurrence, les cigarettes à filtre), se rapportent précisément à ces conditions et, en cela, reflètent le cœur du choix politique effectué par le législateur aux fins de mettre en œuvre ses objectifs ( 26 ).

46.

Au vu de cette définition, je considère que la question de savoir si des normes ISO qui sont référencées dans un tel acte législatif doivent ou non être publiées au Journal officiel dépend de la manière dont elles sont liées à de telles « exigences essentielles » et se rapprochent ainsi de la « substance » de l’acte. Plus spécifiquement, il y a lieu, à mon sens, de distinguer la situation où de telles normes sont techniques et accessoires par rapport à ces exigences essentielles, de celle où de telles normes sont nécessaires pour en saisir la portée ou en comprendre le contenu.

47.

En l’occurrence, je constate, en premier lieu, que les normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 visent à détailler, sur un plan technique, la méthode sur la base de laquelle les émissions de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone des cigarettes à filtre sont mesurées.

48.

En second lieu, il découle de l’articulation entre cette disposition et l’article 3, paragraphe 1, de cette même directive que, tandis que ces normes concernent uniquement la méthode de mesure appliquée pour vérifier le respect des niveaux d’émission maximaux fixés à cette dernière disposition, ceux-ci reflètent le cœur du choix politique effectué par le législateur de l’Union aux fins de mettre en œuvre ses objectifs de protection des consommateurs et, notamment, de protection de la santé ( 27 ). À cela s’ajoute le fait, d’une part, que les cigarettes à filtre visées par la directive 2014/40 ne peuvent être mises sur le marché si lesdits niveaux sont dépassés (autrement dit, ces mêmes niveaux sont une condition préalable à la mise sur le marché de ces produits) et, d’autre part, que ces derniers, qui sont expressément chiffrés à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive ( 28 ), peuvent être connus de tout citoyen de l’Union indépendamment de ces normes.

49.

Je déduis de ces éléments que, dans le contexte de l’application de la directive 2014/40, ce ne sont pas les normes ISO en cause, mais les niveaux d’émission maximaux figurant à l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, qu’il convient, selon moi, de regarder comme des « exigences essentielles ». De surcroît, les normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de cette même directive sont accessoires par rapport à de telles exigences.

50.

J’expliquerai ci-après que cette conclusion est corroborée par le fait que ces mêmes normes n’imposent pas d’obligation aux fabricants et importateurs de cigarettes à filtre (second critère).

b) Les normes ISO en cause ne visent pas à imposer des obligations aux entreprises dont les produits sont concernés par ces normes (second critère)

51.

En ce qui concerne le second critère, il est important de rappeler que les « normes » au sens large sont définies, au sein de l’Union, comme des « spécification[s] technique[s], approuvée[s] par des organismes reconnus de normalisation [...] dont le respect n’est pas obligatoire » ( 29 ). Elles n’ont donc généralement pas vocation à imposer des obligations aux entreprises dont les produits sont concernés par de telles normes.

52.

Cela étant précisé, je reconnais, au vu de la section précédente, que, dans l’hypothèse où des normes ISO seraient utilisées par le législateur de l’Union pour créer des obligations à l’égard de ces entreprises, de telles normes devraient, en principe, être rattachées à la catégorie des« exigences essentielles » ( 30 ) et, donc, être publiées au Journal officiel ( 31 ). En effet, leur respect deviendrait une condition préalable à la mise en circulation des produits visés sur le marché intérieur ( 32 ).

53.

En l’espèce, j’estime que les normes ISO listées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 ne visent pas à imposer des obligations aux fabricants et importateurs de cigarettes à filtre.

54.

Il est vrai que, en adoptant cette dernière disposition, le législateur de l’Union ne me paraît pas avoir envisagé ( 33 ) que les émissions des cigarettes à filtre puissent être mesurées sur la base d’une autre méthode que celle prescrite par les normes ISO en cause, par les laboratoires chargés, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, de contrôler ces émissions.

55.

Cependant, et tout en reconnaissant ce caractère contraignant à l’égard des laboratoires de contrôle ( 34 ), je considère que la seule véritable obligation qui, en l’espèce, pèse sur les fabricants et importateurs de cigarettes à filtre est que ces émissions respectent les niveaux d’émission maximaux prévus à l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive. Ces importateurs et fabricants ne sont pas eux-mêmes tenus d’appliquer la méthode de mesure qui est prescrite par les normes ISO listées à l’article 4, paragraphe 1, de cette même directive.

56.

En outre, dès lors que c’est toujours uniquement par rapport à ces niveaux d’émission maximaux que la conformité desdits produits doit être évaluée, il me semble qu’il est possible, pour ces importateurs et fabricants, de s’assurer, même sans avoir connaissance du contenu des normes ISO en cause, que ces plafonds sont respectés et, donc, d’introduire des produits conformes à ces exigences essentielles sur le marché.

57.

Au vu de ce qui précède, je considère que ces normes ne visent pas à imposer des obligations aux fabricants et importateurs de cigarettes à filtre, ce qui confirme leur caractère technique et accessoire par rapport aux « exigences essentielles » qui sont, quant à elles, fixées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2014/40, et pèsent sur ces derniers.

c) Conclusion intermédiaire

58.

L’examen des deux critères identifiés au point 44 des présentes conclusions m’amène à conclure que les normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 échappent à la règle de publication prescrite à l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE. En effet, par rapport aux niveaux d’émission maximaux prévus à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive qui constituent des « exigences essentielles » de cet acte, ces normes demeurent des éléments techniques et accessoires qui ne doivent, selon moi, pas être publiés au Journal officiel.

59.

J’ajoute que, dès lors qu’elles remplissent ces deux critères, il me semble que lesdites normes sont utilisées par le législateur de l’Union d’une manière qui se rapproche, en fin de compte, de celle prévue pour les normes harmonisées adoptées sur le fondement des directives « nouvelle approche » ( 35 ), pour lesquelles le législateur a estimé qu’une publication au Journal officiel des références à ces normes était suffisante.

60.

À ce sujet, je précise que, dans l’arrêt James Elliott Construction ( 36 ), qui concernait une telle norme harmonisée ( 37 ), la Cour a indiqué, après avoir relevé que les effets de droit d’une telle norme étaient soumis à la publication préalable de ses références au Journal officiel, être compétente pour en interpréter le contenu à titre préjudiciel. Elle n’a fait aucun cas due la circonstance que le contenu des normes harmonisées n’est pas publié intégralement au Journal officiel.

61.

J’observe, à cet égard, que la Cour ne manque pas, y compris en matière préjudicielle, de remettre en cause les prémisses concernant l’interprétation du droit de l’Union qui lui semblent douteuses ( 38 ). Or, elle ne l’a pas fait en l’occurrence, et ce alors même qu’un manquement aux exigences de publication applicables aurait directement affecté la possibilité, pour cette norme, d’avoir des effets de droit ( 39 ).

62.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, j’estime qu’il convient de répondre à la première partie de la première question préjudicielle en ce sens que l’absence de publication intégrale au Journal officiel du contenu des normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 ne contrevient pas à l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE.

C.   Sur les principes généraux qui sous-tendent l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE (seconde partie de la première question)

63.

Par la seconde partie de sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si les conditions d’accès au contenu des normes ISO en cause sont conformes avec le principe de transparence qui, parmi d’autres, sous-tend l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE.

64.

Mon analyse de cette problématique sera organisée de la manière suivante. Dans une première partie, je préciserai ce qu’il convient d’entendre par le principe de transparence auquel se réfère la juridiction de renvoi dans sa question. J’expliquerai que, selon moi, cette juridiction vise, en réalité, le principe de libre accès au contenu de la loi dont j’ai déjà rappelé l’importance au point 25 des présentes conclusions. Dans une seconde partie, j’indiquerai que la question sur laquelle il convient, à ce stade, de s’interroger est celle de savoir si les institutions de l’Union doivent prévoir des conditions d’accès plus généreuses que celles déjà envisagées par l’ISO (qui impose le paiement d’une redevance aux personnes souhaitant accéder au contenu des normes qu’elle élabore), c’est-à-dire faire en sorte que ces normes soient directement et gratuitement mises à la disposition de tous. Je soulignerai que la réponse à cette question dépend du point de savoir si les conditions d’accès au contenu de ces normes, d’une part, sont justifiées et, d’autre part, ne font pas entrave de manière disproportionnée à la possibilité pour le public d’en prendre connaissance.

1. Sur la pertinence du principe de transparence

65.

La notion de « transparence » n’est pas reprise mot pour mot dans les dispositions des traités. Ce sont les termes « principe d’ouverture » qui ont été choisis par les auteurs des traités à l’article 1er, paragraphe 2, TUE, qui fait référence aux décisions prises dans le plus grand respect possible de ce principe et le plus près possible des citoyens, et à l’article 15, paragraphe 1, TFUE, qui prévoit que, « [a]fin de promouvoir une bonne gouvernance, et d’assurer la participation de la société civile », les institutions, organes et organismes de l’Union œuvrent dans le plus grand respect possible dudit principe.

66.

La Cour a interprété le principe d’ouverture en ce sens que celui‑ci est énoncé de manière générale auxdites dispositions et concrétisé, notamment, par le « droit d’accès » aux documents qui est consacré à l’article 15, paragraphe 3, TFUE, à l’article 42 de la Charte et par le règlement no 1049/2001 ( 40 ).

67.

La transparence est liée au droit d’accès aux documents par le considérant 2 de ce règlement ( 41 ). Selon ma compréhension, ce droit ne sous-tend pas, mais s’ajoute à l’obligation de publication déjà prévue à l’article 297 TFUE, en imposant aux institutions de rendre accessibles au public des catégories de documents ne relevant pas de cette dernière disposition ( 42 ).

68.

Dans ce contexte, il me semble que la transparence renvoie donc davantage à la possibilité pour les citoyens de contrôler l’ensemble des informations qui ont constitué le fondement d’un acte législatif ( 43 ), qu’à celle d’accéder au contenu de l’acte législatif en lui-même et des « éléments » de cet acte, qui constitue le cœur de la problématique dont il est question dans la présente affaire.

69.

Au vu de ce qui précède, il me semble que, par la seconde partie de sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi vise, en réalité, à interroger la Cour, non pas sur le principe de transparence, mais sur le principe de libre accès au contenu de la loi. Selon moi, il est clair que ce principe – certes non écrit dans les textes des traités ou dans la Charte, mais qui s’impose comme un fondement du principe de l’État de droit consacré à l’article 2 TUE – sous-tend l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE. En effet, quelle expression plus forte et plus concrète dudit principe que l’obligation de publier le contenu de la loi pourrait-on trouver ?

70.

À mon sens, lorsque cette disposition n’impose pas la publication au Journal officiel des éléments référencés dans des dispositions d’un acte législatif (tels que, en l’occurrence, les normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40), ce même principe requiert que les institutions de l’Union garantissent un accès aussi large que possible à ces éléments pour l’ensemble des citoyens. Ainsi, toute restriction à la possibilité pour ceux-ci d’en prendre librement connaissance doit, d’une part, être justifiée et, d’autre part, ne pas faire entrave de manière disproportionnée à cette possibilité.

71.

Comme je l’ai indiqué au point 26 des présentes conclusions, le principe de libre accès au contenu de la loi a une double raison d’être. D’une part, il est un corollaire du principe de sécurité juridique qui exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union ( 44 ). D’autre part, en garantissant aux citoyens un libre accès au contenu de la loi, c’est-à-dire à l’ensemble des textes adoptés par les pouvoirs publics qui régissent la vie en société, il leur permet d’exercer leurs droits démocratiques. Nul ne pourrait contester la loi et chercher à la faire évoluer s’il n’était pas possible d’en prendre connaissance.

72.

La présente affaire touche à cette seconde dimension du principe de libre accès au contenu de la loi. En effet, elle se pose précisément dans un contexte où des entités qui ont clairement eu connaissance du contenu des normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 s’opposent à la méthode prescrite par ces normes aux fins d’obtenir le retrait de produits qu’elles estiment non conformes, et cherchent, en définitive, à remettre en cause le choix du législateur de l’Union de se fonder sur lesdites normes.

73.

J’expliquerai, dans la sous-section suivante, les raisons pour lesquelles j’estime que, en l’espèce, les conditions d’accès au contenu des normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40, à savoir le fait que les institutions de l’Union ne prévoient pas pour le public au sens large des conditions d’accès plus généreuses que celles déjà envisagées par l’ISO, sont justifiées et ne font pas entrave de manière disproportionnée à la possibilité pour celui-ci d’en prendre connaissance.

2. Les conditions d’accès au contenu des normes ISO en cause ne sont pas contraires au principe de libre accès au contenu de la loi

a) Sur la justification

74.

En l’occurrence, l’accès payant au contenu des normes ISO en cause est justifié par le fait que celles-ci ont été élaborées par une organisation privée (l’ISO) dont le financement provient, notamment, de la vente des normes qu’elle élabore. Le bon fonctionnement de cette organisation repose sur la possibilité, pour celle-ci, de percevoir un retour sur investissement, compte tenu du fait, notamment, que lesdites normes, de par leur complexité et leur technicité, impliquent une mobilisation importante des ressources personnelles et matérielles de l’ISO. En outre, dès lors que cette organisation revendique des droits d’auteur sur les normes qu’elle adopte, le fait de rendre celles-ci directement et gratuitement accessibles reviendrait à éluder l’existence de tels droits.

75.

Il est également important, pour les membres de l’ISO (c’est‑à‑dire pour les organismes de normalisation nationaux), de pouvoir vendre ces normes, puisqu’ils conservent une partie importante des profits réalisés sur ces ventes ( 45 ).

76.

Au vu de ces éléments, il est évident que la gratuité des normes, qui résulterait d’une éventuelle obligation, pour les institutions de l’Union, de prévoir un accès direct du public à celles-ci, aurait pour conséquence d’amoindrir ( 46 ) les investissements de ces organismes de normalisation dans la recherche et le développement de normes.

77.

Or, à cet égard, il est, à mes yeux, indéniable que les normes ISO occupent une place importante dans le paysage normatif de l’Union dès lors, notamment, que de nombreuses normes européennes sont élaborées sur la base de celles-ci ( 47 ), et que le Comité européen de normalisation (CEN) et l’ISO ont conclu un accord ( 48 ) de coopération technique donnant, en substance, aux normes ISO la priorité sur les normes européennes ( 49 ). L’utilisation des normes internationales et, en particulier, des normes ISO, s’impose également au vu de l’accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) ( 50 ), auquel sont parties l’ensemble des membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en ce inclus l’Union.

78.

À cela s’ajoute le fait que, de manière plus large, la normalisation est perçue par le législateur comme un outil stratégique ( 51 ) permettant de soutenir la législation et les politiques de l’Union ( 52 ).

79.

En effet, bien que les normes aient été traditionnellement présentées comme une forme de codification des connaissances par et pour les professionnels ( 53 ), elles sont essentielles au développement du marché intérieur. Elles sont aussi reconnues comme étant d’une importance croissante pour le commerce international ( 54 ). Au-delà de leurs avantages économiques considérables (notamment en matière de compétitivité des entreprises ( 55 ) et de facilitation des échanges ( 56 )), elles sont omniprésentes dans la vie quotidienne ( 57 ), ainsi que dans de nombreux domaines de politique publique ( 58 ).

80.

Au vu de ces considérations, j’estime que le fait que les institutions de l’Union ne prévoient pas des conditions d’accès au contenu des normes ISO plus généreuses que celles imposées par l’ISO (et par certains organismes de normalisation nationaux) est justifié par la nécessité pour cette organisation et ces organismes de financer l’élaboration de leurs normes et leurs activités,d’une part, et par l’importance de ces normes pour la législation de l’Union, d’autre part. Il me reste cependant à examiner si la charge que ces tarifs engendrent pour le citoyen constitue une atteinte disproportionnée à la possibilité pour celui-ci de prendre connaissance de ce contenu.

b) Sur l’absence d’une entrave disproportionnée à la possibilité pour le public d’accéder au contenu des normes ISO en cause

81.

À cet égard, je rappelle, tout d’abord, que tout citoyen de l’Union peut accéder au contenu des normes élaborées par l’ISO. Le seul obstacle à cet accès est d’ordre pécuniaire, puisque la mise à disposition de ce contenu par cette organisation est soumise à la condition de s’acquitter du paiement des droits d’accès qu’elle impose.

82.

Ensuite, les éléments suivants me paraissent devoir, en particulier, être soulignés.

83.

En premier lieu, la charge qui pèse à l’égard du citoyen doit être mise en balance avec l’intérêt du législateur de l’Union de disposer d’un système de normalisation efficace et performant qui, non seulement, constitue une base flexible et transparente, mais qui soit, également, financièrement viable ( 59 ).

84.

Je précise, à cet égard, que le fait que les normes sont élaborées par des entités privées (comme l’ISO) présente des avantages sur lesquels le législateur de l’Union a décidé, en faisant référence à ces normes dans des règlements et des directives, de fonder sa technique législative. Parmi ceux-ci, figurent leur haut degré d’expertise, leur capacité à s’adapter rapidement aux nouveaux enjeux techniques et la souplesse de leurs procédures qui permet, notamment, la participation d’acteurs privés ( 60 ).

85.

En deuxième lieu, cette charge doit également être mise en balance avec l’intérêt des professionnels à ce que le législateur de l’Union ne renonce pas à l’utilisation de ces normes en raison de leur caractère payant. Sur ce point, la Commission a souligné que, dans la mesure où il est courant que les acteurs du marché pertinent soient représentés au sein des organismes de normalisation ( 61 ), il est aussi dans l’intérêt de ces derniers que la législation de l’Union utilise les normes établies par ces entités privées et ne définisse pas elle-même ces spécifications techniques.

86.

L’intérêt des professionnels me paraît cependant être d’une moindre importance dans une affaire telle que celle en cause au principal, dès lors que les normes en cause touchent à des domaines, plus spécifiquement ceux de la santé et de la protection des consommateurs, où, comme je l’ai souligné au point 31 des présentes conclusions, les citoyens sont d’autant plus susceptibles de chercher à faire valoir leurs droits. Dans ce cas, les institutions de l’Union doivent, à mon sens, tout particulièrement s’assurer que les citoyens disposent d’un accès aussi large que possible au contenu de ces normes.

87.

En troisième lieu et à cet égard, j’ajoute que s’il découle, notamment, de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1025/2012 que le législateur de l’Union n’a pas envisagé que l’accès aux normes (au sens large) devrait, d’office, être gratuit, il n’en demeure pas moins que les organismes nationaux de normalisation sont soumis, au titre de cette disposition, à l’obligation d’encourager et de faciliter cet accès pour les petites et moyennes entreprises (PME) ( 62 ). Ladite disposition reflète ainsi déjà, en elle-même, la recherche d’un juste équilibre entre le souci de rendre ledit accès aussi aisé que possible et la reconnaissance du fait que le caractère payant des normes demeure une composante essentielle du système de normalisation de l’Union.

88.

Bien que ces obligations n’aient pas été expressément étendues de manière à faciliter l’accès du public au sens large, il me semble que, dans la pratique, tel peut être le cas ( 63 ). Plus spécifiquement, le fait que le contenu des normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 n’est accessible auprès de l’ISO que contre paiement ne signifie pas qu’il est impossible d’en prendre connaissance, à titre gratuit, par d’autres moyens.

89.

À ce sujet, le Parlement et la VSK font remarquer, à juste titre, que, en l’occurrence, l’organisme néerlandais de normalisation permet de consulter gratuitement le contenu des normes ISO en cause ( 64 ). D’autres organismes nationaux de normalisation prévoient également cette possibilité ( 65 ).

90.

En quatrième et dernier lieu, les sommes devant être déboursées par les citoyens de l’Union ( 66 ) qui souhaitent accéder au contenu de ces normes et en font la demande auprès de l’ISO ou d’organismes nationaux de normalisation ne me semblent, en tout état de cause, pas excessives ( 67 ).

91.

À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, je considère que le principe de libre accès au contenu de la loi ne requiert ni de garantir, de manière absolue, un accès direct et gratuit aux normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40, ni que celles-ci soient publiées au Journal officiel. Les conditions d’accès à ces normes n’entravent pas de manière disproportionnée la possibilité pour le public d’en prendre connaissance et traduisent un juste équilibre entre, d’une part, les exigences de ce principe et, d’autre part, les différents intérêts en jeu.

92.

J’ajoute, pour finir, que la politique de consultation gratuite mise en œuvre par l’organisme néerlandais de normalisation (dont il découle que, à supposer qu’elles en aient fait la demande, les requérantes au principal ont gratuitement pu prendre connaissance du contenu de ces mêmes normes) ( 68 ) me paraît tout à fait louable ( 69 ), et ce d’autant plus qu’elle n’enlève pas aux organismes de normalisation nationaux la possibilité de vendre les normes ISO à qui souhaiterait les télécharger ou en obtenir copie. À mon sens, cette politique devrait être étendue autant que possible, voire être encouragée par le législateur de l’Union, au moyen d’une décision formelle, qui viserait à compléter les garanties mises en place par l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1025/2012.

V. Conclusion

93.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la première question préjudicielle posée par le rechtbank Rotterdam (tribunal de Rotterdam, Pays-Bas) de la manière suivante :

Les conditions d’accès aux normes ISO référencées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE, ne violent ni l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE ni le principe de libre accès au contenu de la loi qui sous-tend cette disposition.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) À savoir, les normes qui sont établies par l’International Organization for Standardization (ISO) (Organisation internationale de normalisation). Cette organisation non gouvernementale, dont le siège se trouve à Genève (Suisse), est constituée d’un réseau d’organismes nationaux de normalisation, au sein duquel l’ensemble des États membres sont notamment représentés (à raison d’un organisme par État membre). L’ISO est une entité privée, dont les fonds proviennent des cotisations et des contributions de ses membres, de la vente de ses publications, de la vente de ses services et des éventuelles contributions de donateurs (voir article 21.1 des statuts de l’ISO, disponibles à l’adresse Internet suivante : https://www.iso.org/fr/publication/PUB100322.html).

( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE (JO 2014, L 127, p. 1).

( 4 ) Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi interroge également la Cour sur le point de savoir, en substance, si l’absence de publication des normes ISO en cause est conforme au règlement (UE) no 216/2013 du Conseil, du 7 mars 2013, relatif à la publication électronique du Journal officiel de l’Union européenne (JO 2013, L 69, p. 1). Dès à présent, je souligne que ce règlement ne me paraît pas pertinent aux fins du présent renvoi préjudiciel. En effet, ledit règlement ne contient pas d’indication visant à clarifier quels sont les documents devant faire l’objet d’une publication au Journal officiel.

( 5 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).

( 6 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif à la normalisation européenne, modifiant les directives 89/686/CEE et 93/15/CEE du Conseil ainsi que les directives 94/9/CE, 94/25/CE, 95/16/CE, 97/23/CE, 98/34/CE, 2004/22/CE, 2007/23/CE, 2009/23/CE et 2009/105/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la décision 87/95/CEE du Conseil et la décision no 1673/2006/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2012, L 316, p. 12).

( 7 ) Il ressort de la décision de renvoi que la demande de mesure d’exécution était fondée, conformément au droit néerlandais applicable, sur l’article 14 de la Tabaks- en rookwarenwet (loi sur les produits du tabac et produits à fumer). Cette disposition reconnaît à la NVWA le pouvoir d’émettre une injonction administrative à l’encontre des fabricants, importateurs et distributeurs de produits du tabac dans le cas où ceux-ci ne respectent pas l’article 17a, paragraphes 1 et 2, de cette même loi, c’est-à-dire ne prennent pas les mesures nécessaires pour mettre leurs produits en conformité avec les exigences applicables ou pour les retirer du marché, le cas échéant.

( 8 ) Selon les requérantes au principal, la méthode visée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40 est basée sur l’utilisation d’une machine à fumer dans laquelle les micro-perforations du filtre des cigarettes ne sont pas obstruées. Ces micro-perforations permettent à l’air pur d’être aspiré à travers le filtre et donc de diminuer la teneur en goudron, nicotine et monoxyde de carbone de la fumée inhalée. À l’inverse, un fumeur dont les doigts et lèvres bouchent partiellement ce filtre absorbe une fumée dans laquelle ces substances sont davantage concentrées.

( 9 ) La Stichting fait valoir que la méthode de mesure « Canada Intense » devrait être appliquée. Cette méthode permettrait, selon elle, de se rapprocher davantage des conditions réelles d’usage des cigarettes à filtre puisqu’elle prévoirait l’obstruction des micro-perforations pratiquées dans le filtre. Je note, à toutes fins utiles, que ladite méthode est actuellement en cours d’examen par l’ISO (voir, à cet égard, https://www.iso.org/obp/ui/#iso:std:iso:tr:19478:-2:ed-1:v1:fr).

( 10 ) Plus spécifiquement, la juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité de ladite méthode avec l’article 114, paragraphe 3, TFUE relatif au rapprochement des législations en matière de santé, ainsi qu’avec la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (signée à Genève, le 21 mai 2003, et à laquelle sont parties l’Union et ses États membres) et les articles 24 et 35 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), qui portent, respectivement, sur les droits de l’enfant et la protection de la santé.

( 11 ) Dès lors que les présentes conclusions ciblent certains aspects particuliers de la présente affaire, seule la question pertinente est ici reprise. L’ensemble des questions préjudicielles peut être consulté sur Internet et au Journal Officiel (JO 2020, C 222, p. 17).

( 12 ) Je rappelle que le principe de l’État de droit est consacré à l’article 2 TUE.

( 13 ) J’ajoute que la Cour européenne des droits de l’homme a, à cet égard, elle-même jugé que dès lors qu’une ingérence à un droit fondamental doit être « prévue par la loi », cela présuppose que la loi (qui englobe à la fois le droit écrit et non écrit) soit suffisamment accessible : le citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné. En outre, cette Cour a indiqué qu’on ne peut considérer comme une « loi » qu’une norme énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite ; en s’entourant au besoin de conseils éclairés, il doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé (voir Cour EDH, 26 avril 1979, Sunday Times c. Royaume-Uni, CE:ECHR:1979:0426JUD000653874, § 49).

( 14 ) Voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 46).

( 15 ) J’ajoute que d’autres règlements et directives utilisent des normes ISO d’une manière similaire à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2014/40, c’est-à-dire en n’incluant qu’une référence à ces normes. Voir, par exemple, règlement (UE) no 576/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 12 juin 2013, relatif aux mouvements non commerciaux d’animaux de compagnie et abrogeant le règlement (CE) no 998/2003 (JO 2013, L 178, p. 1), dont l’annexe II, intitulée « Exigences techniques relatives aux transpondeurs », fait référence aux normes ISO 11784 et 11785. Voir également, toujours à titre d’exemple, directive 2014/90/UE du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 2014, relative aux équipements marins et abrogeant la directive 96/98/CE du Conseil (JO 2014, L 257, p. 146), dont l’annexe III, intitulée « Exigences auxquelles doivent satisfaire les organismes d’évaluation de la conformité afin de devenir des organismes notifiés », mentionne les normes ISO/IEC 17065:2012 et 17025:2005.

( 16 ) Conformément à ces exigences, seule la référence aux normes harmonisées, et non leur contenu intégral, doit être publiée au Journal officiel.

( 17 ) Au sein de l’Union, les normes sont dites nationales, internationales, européennes ou harmonisées selon qu’elles sont adoptées par un organisme national ou international de normalisation, par une organisation européenne de normalisation ou sur la base d’une demande formulée par la Commission pour l’application de la législation d’harmonisation de l’Union [voir article 2, point 1, sous a), b), c) et d), du règlement no 1025/2002].

( 18 ) Je renvoie, à cet égard, à la note en bas de page 2 des présentes conclusions.

( 19 ) Voir Brunet, A., « Le paradoxe de la normalisation : une activité d’intérêt général mise en œuvre par les parties intéressées », La normalisation en France et dans l’Union européenne : une activité privée au service de l’intérêt général ?, Presses universitaires d’Aix-Marseille, Aix-en-Provence, 2012, p. 51.

( 20 ) Voir arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil (C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 62).

( 21 ) Contrairement aux normes harmonisées qui sont le fruit de la collaboration entre les organismes de normalisation européens, les États membres et la Commission, puisqu’elles sont développées par des organismes privés sur mandat de la Commission (accordé sur la base d’une directive), les institutions de l’Union sont étrangères à la procédure d’élaboration des normes ISO.

( 22 ) Pour reprendre les termes de l’expression utilisée par l’avocat général Bot dans ses conclusions dans les affaires Slovaquie/Conseil et Hongrie/Conseil (C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:618, point 63).

( 23 ) En ce qui concerne la question de savoir si la publication intégrale au Journal officiel des normes ISO en cause pourrait être expressément requise en vertu d’autres dispositions du droit de l’Union, je note, à toutes fins utiles, que l’article 13 du règlement no 1049/2001 prévoit la publication d’autres documents que les « actes législatifs » et « actes non législatifs » visés à l’article 297TFUE. Les normes techniques référencées dans des directives ou règlements ne peuvent cependant être rattachées à aucune des catégories de documents visées par cette disposition.

( 24 ) C‑345/06, EU:C:2008:212, point 67.

( 25 ) À savoir, le règlement (CE) no 622/2003 de la Commission, du 4 avril 2003, fixant des mesures pour la mise en œuvre des règles communes dans le domaine de la sûreté aérienne (JO 2003, L 89, p. 9).

( 26 ) J’emprunte cette notion au Guide relatif à la mise en application des directives élaborées sur la base des dispositions de la nouvelle approche et de l’approche globale de la Commission publié en 2000 (qui concerne plus précisément les normes harmonisées adoptées sur la base de cette nouvelle approche), et dans lequel les « exigences essentielles » sont décrites comme toutes les dispositions nécessaires pour atteindre l’objectif d’une directive et qui conditionnent la mise sur le marché d’un produit.

( 27 ) Voir, notamment, considérant 59 de la directive 2014/40 : « Il est [...] impératif de veiller à ce que les obligations imposées aux fabricants, aux importateurs et aux distributeurs de produits de tabac et de produits connexes [...] garantissent un niveau élevé de protection de la santé et des consommateurs [...] »

( 28 ) Voir point 11 des présentes conclusions.

( 29 ) Voir article 2, point 1, du règlement no 1025/2012 (mise en italique par mes soins).

( 30 ) À cet égard, je note que, dans un contexte plus large que celui de la présente affaire, la Cour a reconnu que la publication au Journal officiel des actes émanant des pouvoirs publics de l’Union et de leurs éléments est requise dès lors, notamment, que ceux-ci visent à imposer des obligations aux particuliers. Plus spécifiquement, dans son arrêt du 10 mars 2009, Heinrich (C‑345/06, EU:C:2009:140, point 61), elle a considéré, en substance, que la publication de l’annexe qui n’avait pas été publiée au Journal officiel s’imposait, en tout état de cause, dès lors que les mesures d’adaptation qu’elle prévoyait visaient à imposer des obligations aux particuliers. Elle a également constaté, dans un autre arrêt(à savoir, dans l’arrêt du 12 mai 2011, Polska Telefonia Cyfrowa, C‑410/09, EU:C:2011:294, point 34), que des lignes directrices de la Commission dont l’adoption était prévue au titre d’une des dispositions d’une directive devraient être publiées au Journal officiel dans le cas où elles contiendraient des « obligation[s] susceptible[s] d’être imposée[s], directement ou indirectement, à des particuliers ».

( 31 ) Je relève, à toutes fins utiles, que certains États membres (à savoir, plus précisément, la République française, la Hongrie, le Royaume des Pays-Bas et la République slovaque) prévoient que, lorsque des normes techniques sont d’application obligatoire, elles doivent être librement et gratuitement accessibles. À cet égard, le Conseil d’État (France) a d’ailleurs jugé que « dans le respect de l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité de la règle de droit, [...] les normes dont l’application est rendue obligatoire doivent être consultables gratuitement » (Conseil d’État, 6e chambre, 28 juillet 2017, no 402752,:FR:CECHS:2017:402752.20170728). Cela étant précisé, l’accès à de telles normes s’avère, en pratique, bien restreint. À cet égard, l’Association française de normalisation (AFNOR) indique que, à la demande de l’ISO, la consultation gratuite a été suspendue pour l’ensemble des normes établies par cette organisation.

( 32 ) Je précise que le point de savoir si les normes ISO en cause sont utilisées de manière contraignante ou non fait, plus spécifiquement, l’objet de la deuxième, et non de la première, question préjudicielle. Cela étant, il me semble utile, dans le cadre de la réponse à la première question, de fournir, d’ores et déjà, quelques précisions concernant cet aspect du présent renvoi préjudiciel.

( 33 ) Sauf à ce que, en application de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2014/40, la Commission adopte des actes délégués pour adapter les méthodes de mesure de ces substances.

( 34 ) Dans cette mesure, je me rallie à l’avis de la Commission, qui fait valoir que les normes en cause doivent être utilisées pour déterminer si les cigarettes à filtre mises sur le marché respectent ces niveaux d’émission maximaux.

( 35 ) C’est-à-dire les directives qui ont été adoptées sur le fondement de la résolution du Conseil du 7 mai 1985 concernant une nouvelle approche en matière d’harmonisation technique et de normalisation (JO 1985, C 136, p. 1) (ce qui n’est pas le cas de la directive 2014/40). Les normes élaborées sur la base de cette « nouvelle approche » ont pour point commun qu’elles ne sont pas contraignantes à l’égard des entreprises dont les produits sont concernés par ces normes (étant entendu que leur respect par ces derniers emporte, en revanche, présomption de conformité avec les exigences essentielles qui leur sont opposables). En outre, lesdites normes visent uniquement à préciser, sous la forme de spécifications techniques, des « exigences essentielles » dont la portée peut être saisie indépendamment de ces dernières à la lecture de la directive applicable.

( 36 ) Arrêt du 27 octobre 2016 (C‑613/14, ci-après l’« arrêt James Elliott Construction », EU:C:2016:821).

( 37 ) Dès lors que cette norme a été adoptée sur la base d’une directive « nouvelle approche » [à savoir, la directive 89/106/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les produits de construction (JO 1989, L 40, p. 12)]. Je renvoie à cet égard à la note en bas de page 35 des présentes conclusions.

( 38 ) Voir, par exemple, en matière de propriété intellectuelle, arrêt du 29 juillet 2019, Funke Medien NRW (C‑469/17, EU:C:2019:623, points 16 à 26).

( 39 ) À la lumière de l’arrêt James Elliott Construction, je ne vois pas pourquoi d’autres exigences de publication devraient s’appliquer à l’égard des normes ISO en cause. Il est vrai que les normes harmonisées qui, à l’instar de celle en cause dans l’arrêt James Elliott Construction, ont été adoptées sur le fondement de la « nouvelle approche » ont cette particularité qu’elles sont élaborées a posteriori de l’adoption des directivesdont elles doivent contribuer à préciser les exigences essentielles et que, dès lors, aucune référence à ces normes ne figure dans le corps du texte de ces directives. Toutefois, je doute qu’il puisse découler de cette différence que des normes ISO auxquelles un acte législatif ferait directement référence toucheraient davantage à la « substance » de celui-ci, et que leur contenu devrait être intégralement publié au Journal officiel. S’il devait en aller ainsi, alors la question de la publication d’une norme technique au Journal officiel deviendrait dépendante du point de savoir si la norme existe déjà au moment de l’adoption de l’acte législatif, puisque des exigences de publication différentes s’appliqueraient selon que ce dernier fasse directement référence à une norme déjà élaborée par un organisme privé ou se contente de prévoir son élaboration par un tel organisme. Il s’agirait, selon moi, d’une distinction qui ne pourrait qu’être qualifiée d’« artificielle » et n’aurait plus aucun rapport avec les critères substantiels que j’ai mis en exergue aux points 43 et 44 des présentes conclusions et qui sont, à mes yeux, les seuls pertinents.

( 40 ) Voir arrêts du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding (C‑477/10 P, EU:C:2012:394, point 53), ainsi que du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement (C‑761/18 P, EU:C:2021:52, point 37 et jurisprudence citée).

( 41 ) Conformément au considérant 2 du règlement no 1049/2001, la transparence permet d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel et une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard de ces derniers.

( 42 ) Par exemple, il s’étend aux « documents établis ou reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux-ci » (voir article 12, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001). À cet égard, je note d’ailleurs qu’il serait, à mon avis, toujours possible de se fonder sur cette disposition pour établir que le contenu des normes ISO en cause devrait être directement mis à disposition en tant que documents « reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux-ci » (mise en italique par mes soins), dès lors que je suppose que le législateur en a obtenu copie au cours de la procédure ayant conduit à l’adoption de la directive 2014/40. Cela étant précisé, je constate que l’article 4 du règlement no 1049/2001 prévoit plusieurs exceptions à l’accès aux documents des institutions et que, au titre du paragraphe 2 de cet article, les institutions refusent, notamment, l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle. L’ISO se prévalant de droits d’auteur sur ces normes, leur divulgation pourrait donc, en toute théorie, être refusée en vertu de cette dernière disposition, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie le contraire.

( 43 ) Voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 46).

( 44 ) Voir arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission (C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 100 et jurisprudence citée).

( 45 ) Voir, à cet égard, Barrios Villarreal, A., International Standardization and the Agreement on Technical Barriers to Trade, Cambridge University Press, Cambridge, 2018, p. 25 et 45. Selon cet auteur, environ 70 % des profits réalisés seraient ainsi conservés par les organismes de normalisation nationaux membres de l’ISO et seuls les 30 % restants seraient versés à l’ISO en guise de redevances.

( 46 ) Voir, à cet égard, Van Cleynenbreugel, P., et Demoulin, I., « La normalisation européenne après l’arrêt James Elliott Construction du 27 octobre 2016 : la Cour de justice de l’Union européenne a-t-elle élargi ses compétences d’interprétation ? », Revue de la Faculté de droit de l’Université de Liège, vol. 2, 2017, p. 325.

( 47 ) Voir, notamment, à cet égard, Medzmariashvili, M., Regulating European Standardisation through Law: The Interplay between Harmonised European Standards and EU Law, thèse, Université de Lund, Lund, 2019, p. 59 à 61. D’autres auteurs soulignent le fait que la normalisation et la certification réalisées sous l’égide de l’ISO ne cessent d’étendre leur potentiel à l’égard du développement de la mondialisation des échanges [voir, notamment, Penneau A., « Standardisation et certification : les enjeux européens », La Standardisation internationale privée : aspects juridiques, Larcier, Bruxelles, 2014, p. 120].

( 48 ) Accord de coopération technique entre l’ISO et le CEN (accord de Vienne), signé en 1991, et disponible, dans sa version électronique, à l’adresse Internet suivante : https://isotc.iso.org/livelink/livelink/fetch/2000/2122/4230450/4230458/Agreement_on_Technical_Cooperation_between_ISO_and_CEN_%28Vienna_Agreement%29.pdf?nodeid=4230688&vernum=-2.

( 49 ) Voir communication de la Commission au Parlement, au Conseil et au Comité économique et social européen, « Une vision stratégique pour les normes européennes : aller de l’avant pour améliorer et accélérer la croissance durable de l’économie européenne à l’horizon 2020 », du 1er juin 2011 [COM(2011) 311 final], disponible à l’adresse internet suivante : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A52011DC0311.

( 50 ) Agreement on Technical Barriers to Trade of the World Trade Organization (WTO). Cet accord est disponible à l’adresse Internet suivante : https://www.wto.org/english/docs_e/legal_e/17-tbt.pdf. Plus spécifiquement, l’article 2.4 de cet accord prévoit : « Where [...] relevant international standards exist [...], Members shall use them, or the relevant parts of them, as a basis for their technical regulations except when such international standards [...] would be an ineffective or inappropriate means for the fulfilment of the legitimate objectives pursued, for instance because of fundamental climatic or geographical factors or fundamental technological problems. » Voir, également, à cet égard, Mattli, W., et Büthe, T., « Setting International Standards: Technological Rationality or Primacy of Power? », World Politics, vol. 56, no 1, 2003, p. 2.

( 51 ) Voir considérant 9 du règlement no 1025/2012.

( 52 ) Voir considérant 25 du règlement no 1025/2012. En ce qui concerne, plus spécifiquement, les normes internationales, je note que le Conseil a insisté sur la nécessité de promouvoir, au sein de l’Union, le recours à ces normes [voir, à cet égard, résolution du Conseil du 28 octobre 1999 sur le rôle de la normalisation en Europe (JO 2000, C 141, p. 1)].

( 53 ) Voir Brunet, A., « Le paradoxe de la normalisation : une activité d’intérêt général mise en œuvre par les parties intéressées », La normalisation en France et dans l’Union européenne : une activité privée au service de l’intérêt général ?, Presses universitaires d’Aix-Marseille, Aix-en-Provence, 2012, p. 51.

( 54 ) Voir considérant 6 du règlement no 1025/2012. Voir, également, Medzmariashvili, M., op.cit., p. 18.

( 55 ) Voir considérant 20 du règlement no 1025/2012.

( 56 ) Selon la Commission, les normes entraînent notamment des réductions de coûts dérivées principalement « d’économies d’échelle, de la possibilité d’anticiper les exigences techniques, de la réduction des coûts de transaction et de la possibilité d’accéder à des composants standardisés » [voir communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen, « Une vision stratégique pour les normes européennes : aller de l’avant pour améliorer et accélérer la croissance durable de l’économie européenne à l’horizon 2020 », du 1er juin 2011, COM(2011) 311 final, p. 6].

( 57 ) « Standards are ubiquitous in our daily life. We encounter hundreds of standards as we go about our day [...]. As such, it is difficult to imagine what the world would look like without standards; nothing would fit, and life would be fraught with danger » [Medzmariashvili, M., op.cit., p. 53].

( 58 ) Voir considérants 19 et 22 du règlement no 1025/2012, dont il ressort que les normes peuvent « aider [...] à faire face aux grands défis de nos sociétés », tels que le changement climatique, l’utilisation durable des ressources, l’innovation, le vieillissement de la population, l’intégration des personnes handicapées, la protection des consommateurs, la sécurité des travailleurs et les conditions de travail, ou encore le bien-être des citoyens.

( 59 ) Voir considérant 9 du règlement no 1025/2012.

( 60 ) Voir Medzmariashvili, M., op.cit., p. 21.

( 61 ) Selon le site de l’ISO, les normes qu’elle élabore « reposent sur les connaissances des experts dans leur domaine de prédilection [...] – qu’il s’agisse des fabricants, des distributeurs, des acheteurs, des utilisateurs, des associations professionnelles, des consommateurs ou des organismes de réglementation » (source : https://www.iso.org/fr/standards.html).

( 62 ) Notamment, en mettant des résumés gratuitement à disposition sur leur site Internet, en appliquant des taux spéciaux pour la mise à disposition de normes et en fournissant des lots de normes à des tarifs réduit [voir article 6, paragraphe 1, sous e) et f), de ce règlement].

( 63 ) C’est d’ailleurs ce à quoi les organismes nationaux de normalisation sont encouragés. À ce sujet, je relève que, dans son Livre vert concernant le développement de la normalisation européenne : action pour une intégration technologique plus rapide en Europe, du 8 octobre 1990 [COM(90) 456 final, p. 51 (JO 1991, C 20, p. 1)], la Commission a insisté sur le fait que les spécifications techniques comprises dans les normes devraient, en principe, être accessibles au public.

( 64 ) Cet organisme est le Nederlands Normalisatie Instituut (NEN). Il convient de noter que, ainsi que l’indique du reste, à juste titre, le Parlement, les normes ISO en cause ont été transposées en normes NEN-ISO (à savoir, plus spécifiquement les normes NEN-ISO 4387, 10315, 8454 et 8243) et sont consultables directement et gratuitement au siège du NEN. Il ressort de la page Internet de cet organisme (accessible à l’adresse suivante : https://www.nen.nl/en/contact-en) ce qui suit : « If you do not want to purchase a standard, but just want to examine a specific standard, you can do so at NEN in Delft. You can examine all the standards there, but you cannot store them or copy any contents of the standards. »

( 65 ) Dans ses observations, la VSK souligne, à titre d’exemple, que les normes ISO en cause sont accessibles gratuitement, sur rendez-vous, auprès des organismes de normalisation allemand et irlandais [respectivement, le Deutsches Institut für Normung (DIN) et la National Standards Authority of Ireland (NSAI)].

( 66 ) Selon le site de l’ISO, les prix listés sont les suivants : 118 francs suisses (CHF) pour la norme ISO 4387 et 58 CHF pour les normes ISO 10315, 8454 et 8243.

( 67 ) Je n’exclus pas que, dans d’autres cas, les prix des normes peuvent, en particulier lorsqu’il convient d’en additionner un nombre important, constituer un obstacle pour les acteurs de la société civile [voir, à cet égard, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen, « Une vision stratégique pour les normes européennes : aller de l’avant pour améliorer et accélérer la croissance durable de l’économie européenne à l’horizon 2020 », COM(2011) 311 final].

( 68 ) Comme je l’ai indiqué au point 72 des présentes conclusions, il est évident que les requérantes au principal ont eu accès à ce contenu (même s’il n’a pas été précisé, au cours de la présente procédure, par quel moyen).

( 69 ) D’après ce que j’en comprends, cette approche repose sur le fait que, pour compenser la gratuité de cet accès, le gouvernement néerlandais paye une indemnité au NEN, afin de garantir la viabilité financière de cet organisme. J’ajoute que, en ce qui concerne, à tout le moins, les normes européennes (c’est-à-dire celles adoptées par des organisations européennes de normalisation), le législateur de l’Union a clairement énoncé que l’un de ses objectifs est d’assurer un accès équitable et transparent pour tous les acteurs du marché dans l’ensemble de l’Union, en particulier dans les cas où leur utilisation permet de respecter la législation concernée de l’Union (voir considérant 43 du règlement no 1025/2012).