ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

11 novembre 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Travail intérimaire – Directive 2008/104/CE – Article 1er – Champ d’application – Notions d’“entreprise publique” et d’“exercice d’une activité économique” – Agences de l’Union européenne – Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) en tant qu’“entreprise utilisatrice”, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive – Article 5, paragraphe 1 – Principe d’égalité de traitement – Conditions essentielles de travail et d’emploi – Notion de “même poste” – Règlement (CE) no 1922/2006 – Article 335 TFUE – Principe de l’autonomie administrative des institutions de l’Union – Article 336 TFUE – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne et régime applicable aux autres agents de l’Union »

Dans l’affaire C‑948/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie), par décision du 30 décembre 2019, parvenue à la Cour le 31 décembre 2019, dans la procédure

UAB « Manpower Lit »

contre

E.S.,

M.L.,

M.P.,

V.V.,

R.V.,

en présence de :

Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de la première chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre, Mme I. Ziemele, MM. T. von Danwitz, P. G. Xuereb et A. Kumin (rapporteur), juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour E.S., M.L., M.P., V.V. et R.V., par Me R. Rudzinskas, advokatas,

pour le gouvernement lituanien, par Mmes V. Kazlauskaitė-Švenčionienė et V. Vasiliauskienė, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, initialement par Mme J. Jokubauskaitė ainsi que par MM. B. Mongin et M. van Beek, puis par Mmes J. Jokubauskaitė et C. Valero ainsi que par M. B. Mongin, et enfin par Mmes J. Jokubauskaitė et D. Recchia ainsi que par M. B. Mongin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, ainsi que de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative au travail intérimaire (JO 2008, L 327, p. 9).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant UAB « Manpower Lit » à E.S., à M.L., à M.P., à V.V. et à R.V., au sujet de la rémunération accordée en vertu des contrats de travail conclus respectivement entre Manpower Lit et les défendeurs au principal.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2008/104

3

L’article 1er de la directive 2008/104 dispose :

« 1.   La présente directive s’applique aux travailleurs ayant un contrat de travail ou une relation de travail avec une entreprise de travail intérimaire et qui sont mis à la disposition d’entreprises utilisatrices afin de travailler de manière temporaire sous leur contrôle et leur direction.

2.   La présente directive est applicable aux entreprises publiques et privées qui sont des entreprises de travail intérimaire ou des entreprises utilisatrices exerçant une activité économique, qu’elles poursuivent ou non un but lucratif.

3.   Les États membres, après consultation des partenaires sociaux, peuvent prévoir que la présente directive ne s’applique pas aux contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d’un programme de formation, d’insertion et de reconversion professionnelles public spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics. »

4

L’article 3 de cette directive est ainsi libellé :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

d)

“entreprise utilisatrice” : toute personne physique ou morale pour laquelle et sous le contrôle et la direction de laquelle un travailleur intérimaire travaille de manière temporaire ;

[...]

f)

“conditions essentielles de travail et d’emploi” : les conditions de travail et d’emploi établies par la législation, la réglementation, les dispositions administratives, les conventions collectives et/ou toute autre disposition générale et contraignante, en vigueur dans l’entreprise utilisatrice, relatives :

i)

à la durée du travail, aux heures supplémentaires, aux temps de pause, aux périodes de repos, au travail de nuit, aux congés, aux jours fériés ;

ii)

à la rémunération.

[...] »

5

L’article 5 de ladite directive, intitulé « Principe d’égalité de traitement », énonce, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« Pendant la durée de leur mission auprès d’une entreprise utilisatrice, les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires sont au moins celles qui leur seraient applicables s’ils étaient recrutés directement par ladite entreprise pour y occuper le même poste. »

Le règlement (CE) no 1922/2006

6

L’article 2 du règlement (CE) no 1922/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, portant création d’un Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (JO 2006, L 403, p. 9), dispose :

« D’une manière générale, l’Institut a pour objectifs de contribuer à la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes et à la renforcer, y compris l’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les politiques communautaires et dans les politiques nationales qui en résultent, et à la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe, et de sensibiliser les citoyens de l’Union européenne à l’égalité entre les hommes et les femmes, en fournissant une assistance technique aux institutions communautaires, en particulier à la Commission, et aux autorités des États membres, comme le prévoit l’article 3. »

7

L’article 3 de ce règlement, intitulé « Missions », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Pour réaliser les objectifs visés à l’article 2, l’Institut :

a)

collecte, analyse et diffuse des informations objectives, comparables et fiables sur l’égalité entre les hommes et les femmes, y compris les résultats de recherches et des meilleures pratiques que lui communiquent les États membres, les institutions communautaires, les centres de recherche, les organismes nationaux chargés de l’égalité, les organisations non gouvernementales, les partenaires sociaux ainsi que les pays tiers et les organisations internationales concernés et suggère de nouveaux domaines de recherche ;

b)

met au point des méthodes visant à augmenter l’objectivité, la comparabilité et la fiabilité des données au niveau européen en élaborant des critères permettant d’améliorer la cohérence de l’information et tient compte des questions liées à l’égalité entre les hommes et les femmes lorsqu’il collecte des données ;

c)

met au point, analyse, évalue et diffuse des outils méthodologiques destinés à favoriser l’intégration de l’égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les politiques communautaires et dans les politiques nationales qui en résultent et à favoriser l’intégration de la dimension de l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’ensemble des institutions et organes de la Communauté ;

d)

réalise des enquêtes sur la situation de l’égalité entre les hommes et les femmes en Europe ;

e)

crée et coordonne un réseau européen sur l’égalité des hommes et des femmes faisant intervenir les centres, les organismes, les organisations et les experts qui se consacrent à l’égalité entre les hommes et les femmes et à l’intégration de cette dimension, afin de soutenir et d’encourager la recherche, d’optimiser l’utilisation des ressources disponibles et de favoriser l’échange et la diffusion d’informations ;

f)

organise des réunions ad hoc d’experts à l’appui de ses travaux de recherche, encourage l’échange d’informations entre chercheurs et favorise l’intégration de la dimension d’égalité entre les hommes et les femmes dans leurs travaux ;

g)

organise, avec les parties prenantes concernées, des conférences, des campagnes et des réunions au niveau européen, afin de sensibiliser les citoyens de l’Union européenne à l’égalité entre les hommes et les femmes, et présente les conclusions à la Commission ;

h)

diffuse des informations sur l’image positive de rôles non stéréotypés de femmes et d’hommes dans tous les secteurs de la société et présente des conclusions et des initiatives pour mettre leurs succès en évidence et en tirer parti ;

i)

met en place un dialogue et une coopération avec des organisations non gouvernementales, des organisations militant en faveur de l’égalité, des universités et des experts, des centres de recherche, les partenaires sociaux et des organismes du même type qui agissent dans le domaine de l’égalité aux niveaux national et européen ;

j)

met en place des sources de documentation accessibles au public ;

k)

met à la disposition des organisations publiques et privées des informations sur l’intégration de la dimension d’égalité entre les hommes et les femmes ; et

l)

fournit aux institutions communautaires des informations sur l’égalité entre les hommes et les femmes et sur l’intégration de la dimension d’égalité entre les hommes et les femmes dans les pays adhérents et dans les pays candidats. »

8

L’article 5 dudit règlement est ainsi libellé :

« L’Institut a la personnalité juridique. Dans chacun des États membres, il possède la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations nationales. Il peut notamment acquérir ou aliéner des biens immobiliers ou mobiliers et ester en justice. »

9

L’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1922/2006 énonce :

« Les recettes de l’Institut comprennent, sans préjudice d’autres ressources :

a)

une subvention de la Communauté inscrite au budget général de l'Union européenne (section “Commission”) ;

b)

les paiements effectués en rémunération des services rendus ;

[...] »

Le droit lituanien

10

Le Lietuvos Respublikos darbo kodeksas (code du travail de la République de Lituanie), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code du travail »), dispose, à son article 75, paragraphe 2 :

« L’entreprise de travail intérimaire doit assurer que la rémunération du travailleur intérimaire pour le travail accompli pour l’utilisateur ne soit pas inférieure à la rémunération qui lui serait versée si l’utilisateur avait recruté le travailleur intérimaire par un contrat de travail pour occuper le même poste, sauf dans les cas où les travailleurs intérimaires sont titulaires d’un contrat de travail intérimaire à durée indéterminée et reçoivent entre les missions une rémunération de l’entreprise de travail intérimaire qui est de même montant que leur rémunération pendant les missions. L’utilisateur répond à titre subsidiaire de l’exécution de l’obligation de verser au travailleur intérimaire une rémunération pour le travail accompli pour l’utilisateur qui ne soit pas inférieure à la rémunération qui lui serait versée si l’utilisateur avait recruté le travailleur intérimaire par un contrat de travail pour occuper le même poste. Dans le cadre de cette obligation, l’utilisateur doit, sur demande de l’entreprise de travail intérimaire, fournir à cette dernière des informations sur la rémunération versée à ses propres employés de la catégorie concernée. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11

Manpower Lit fournit des services de travail intérimaire. Au cours de l’année 2012, elle a remporté un marché public de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), une agence de l’Union établie à Vilnius (Lituanie), portant sur des services de mise à disposition de personnel intérimaire.

12

Les spécifications du contrat conclu par la suite entre Manpower Lit et l’EIGE prévoyaient que les services auxquels ce dernier pourrait avoir besoin de recourir viseraient à soutenir son personnel statutaire, à assumer, sur une base temporaire, des tâches complémentaires à celles effectuées d’ordinaire et résultant de projets spécifiques, à faire face aux périodes de pointe et à remédier au manque de personnel au sein de l’EIGE en cas d’absences. Il était également précisé que le personnel intérimaire serait considéré comme du personnel non statutaire de l’EIGE.

13

Les défendeurs au principal ont conclu des contrats de travail avec Manpower Lit et travaillaient au sein de l’EIGE en tant que, respectivement, assistantes et informaticien. Dans ces contrats et dans les avenants à ceux-ci, il était précisé que les défendeurs au principal travailleraient pour l’utilisateur, à savoir l’EIGE, qui leur indiquerait le membre du personnel responsable pour donner les instructions concernant l’accomplissement du travail. Les contrats précisaient également leur durée, à savoir jusqu’à la date de fin de la commande de l’EIGE pour l’emploi correspondant aux fonctions concernées.

14

Les relations d’emploi entre Manpower Lit et les défendeurs au principal avaient pris fin entre le mois d’avril et le mois de décembre 2018. Or, estimant que des arriérés de rémunération leur étaient dus, ceux-ci ont saisi la Valstybinės darbo inspekcijos Vilniaus teritorinio skyriaus Darbo ginčų komisija (commission des litiges de droit du travail de la section territoriale de Vilnius de l’inspection du travail, Lituanie, ci-après la « commission des litiges de droit du travail ») afin d’en obtenir le paiement.

15

Cette commission était d’avis que les défendeurs au principal exerçaient de fait les fonctions de membres du personnel permanent de l’EIGE et que leurs conditions de rémunération devraient correspondre à celles appliquées par celui-ci à ses agents contractuels. Compte tenu de l’article 75, paragraphe 2, du code du travail, elle a constaté, par décision du 20 juin 2018, que Manpower Lit avait discriminé les défendeurs au principal en leur versant une rémunération inférieure à celle qui leur aurait été due s’ils avaient été recrutés directement par l’EIGE au moyen d’un contrat de travail pour occuper le même poste et a ordonné le recouvrement d’arriérés de rémunération pour une période de six mois au cours de l’année 2018.

16

En désaccord avec la décision de la commission des litiges de droit du travail, Manpower Lit a introduit une demande en justice devant le Vilniaus miesto apylinkės teismas (tribunal de district de la ville de Vilnius, Lituanie), lequel l’a rejetée par jugement du 20 février 2019.

17

Dans son jugement, cette juridiction a rejeté comme étant infondé l’argument avancé par l’EIGE, partie intervenante à la procédure, selon lequel celui-ci ne saurait se voir appliquer les dispositions de la directive 2008/104.

18

Par ailleurs, elle a relevé que, compte tenu des stipulations des contrats de travail des défendeurs au principal et des tâches effectivement accomplies par eux, ceux-ci exerçaient tous des fonctions de nature administrative, assistaient le personnel permanent de certaines unités de l’EIGE et remplissaient, en partie, les fonctions des agents contractuels travaillant au sein de cette agence. Ainsi, ladite juridiction a considéré que les défendeurs au principal pouvaient, aux fins de l’article 75, paragraphe 2, du code du travail, être comparés à ces agents contractuels.

19

Dans ce contexte, le Vilniaus miesto apylinkės teismas (tribunal de district de la ville de Vilnius) a précisé que les tâches accomplies par les défendeurs au principal et leurs fonctions n’étaient pas particulièrement différentes ou si peu caractéristiques de celles de l’EIGE au point qu’elles n’auraient pu être confiées à des fonctionnaires ou à des agents contractuels y travaillant à titre permanent. Selon cette juridiction, le fait que cette agence ait choisi de recruter du personnel par l’intermédiaire d’une entreprise de travail intérimaire afin de réduire le coût des ressources humaines et d’éviter des procédures plus longues et plus complexes ne constituait pas une raison justifiant que la rémunération versée aux défendeurs au principal soit sensiblement inférieure à celle prévue pour les agents contractuels.

20

Dans ces conditions, ladite juridiction a jugé qu’il convenait d’appliquer aux défendeurs au principal les conditions de rémunération applicables aux agents contractuels.

21

Saisi d’un appel introduit par Manpower Lit, le Vilniaus apygardos teismas (tribunal régional de Vilnius, Lituanie) a, par un arrêt du 20 juin 2019, rejeté celui-ci et confirmé le jugement de première instance.

22

Par la suite, Manpower Lit a formé un pourvoi en cassation devant le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie), la juridiction de renvoi.

23

Cette juridiction précise que le litige pendant devant elle porte, en substance, sur le point de savoir si la disposition relative à l’égalité de traitement des travailleurs intérimaires, figurant à l’article 5 de la directive 2008/104 et transposée dans le droit national, est applicable à la situation en cause au principal, compte tenu du fait que la qualité d’utilisateur recourant aux services de mise à disposition de travailleurs intérimaires appartient à l’EIGE, une agence de l’Union.

24

À cet égard, ladite juridiction fait observer que, compte tenu de certaines différences entre les diverses versions linguistiques de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/104, la signification précise de la notion d’« entreprise publique » et la question de savoir si des entités telles que l’EIGE relèvent de cette notion ne sont pas claires. Selon elle, une interprétation de cette disposition est également nécessaire dans la mesure où il existe un doute quant au point de savoir à quels sujets de droit le critère de l’« exercice d’une activité économique » s’applique, à savoir à l’utilisateur, à l’entreprise de travail intérimaire ou aux deux.

25

En outre, la juridiction de renvoi s’interroge, dans ce contexte, sur l’incidence de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2008/104, selon lequel les États membres peuvent prévoir que cette directive ne s’applique pas aux contrats ou aux relations de travail conclus dans le cadre d’un programme de formation, d’insertion et de reconversion professionnelles public spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics.

26

Enfin, cette juridiction fait écho à l’avis exprimé par l’EIGE, selon lequel le juge, lorsqu’il applique le principe d’égalité de traitement consacré à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104 ainsi que les dispositions de droit national y afférentes, doit vérifier si l’application de la directive en ce qui concerne la rémunération non discriminatoire ne contrevient pas à d’autres règles du droit de l’Union. Or, selon l’EIGE, l’interprétation, par les juridictions précédemment saisies, du principe d’égalité de traitement et son application à une agence de l’Union ne sont pas conformes au règlement financier de l’Union, au statut des fonctionnaires de l’Union européenne ainsi qu’aux articles 335 et 336 TFUE.

27

Dans ces conditions, le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Quel sens convient-il de donner à l’expression “entreprise publique” utilisée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/104 ? Les agences de l’Union européenne, telles que l’EIGE, sont-elles considérées comme des “entreprises publiques” au sens de ladite directive ?

2)

Qui (l’utilisateur, l’entreprise de travail intérimaire, au moins l’un d’entre eux, voire les deux) doit répondre au critère de l’“exercice d’une activité économique” en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/104 ; compte tenu de ses domaines d’action et fonctions, définis aux articles 3 et 4 du [règlement no 1922/2006], convient-il de considérer que l’EIGE exerce une activité économique au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/104 ?

3)

Est-il possible d’interpréter l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/104 en ce sens que celle-ci peut ne pas être appliquée à des entreprises, publiques ou privées, de travail intérimaire ou utilisatrices qui ne sont pas parties à des relations visées audit article 1er, paragraphe 3, et n’exercent pas d’activité économique au sens dudit article 1er, paragraphe 2 ?

4)

Les dispositions de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104, relatives aux conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires et notamment à la rémunération, s’appliquent-elles pleinement aux agences de l’Union, qui sont soumises aux dispositions spéciales du droit du travail de l’Union et aux articles 335 et 336 TFUE ?

5)

Le droit national (l’article 75 du code du travail) qui transpose les dispositions de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104 en les rendant applicables à tous les utilisateurs recourant à des services de mise à disposition de travailleurs intérimaires (y compris les institutions de l’Union) enfreint-il le principe de l’autonomie administrative des institutions de l’Union consacré aux articles 335 et 336 TFUE ainsi que les règles de calcul et de paiement des rémunérations prévues par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne ?

6)

Compte tenu du fait que tous les emplois (fonctions) pour lesquels l’EIGE recrute des travailleurs directement comprennent des tâches qui ne peuvent être accomplies que par des personnes soumises au statut des fonctionnaires de l’Union européenne, les emplois occupés (fonctions exercées) par des travailleurs intérimaires peuvent-ils être considérés comme constituant le “même poste” au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104 ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première à troisième questions

28

Par ses première à troisième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens que relève du champ d’application de cette directive la mise à disposition, par une entreprise de travail intérimaire, de personnes ayant conclu un contrat de travail avec cette entreprise auprès de l’EIGE pour y fournir des prestations de travail.

29

Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2008/104, celle-ci s’applique aux travailleurs ayant conclu un contrat de travail ou une relation de travail avec une entreprise de travail intérimaire et qui sont mis à la disposition d’entreprises utilisatrices afin de travailler de manière temporaire sous leur contrôle et leur direction.

30

En outre, l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive précise que celle‑ci est applicable aux entreprises publiques et privées qui sont des entreprises de travail intérimaire ou des entreprises utilisatrices exerçant une activité économique, qu’elles poursuivent ou non un but lucratif.

31

D’emblée, il est constant que, en l’occurrence, tant Manpower Lit que les défendeurs au principal peuvent être considérés, respectivement, comme une « entreprise de travail intérimaire » et comme des « travailleur[s] », au sens des dispositions susmentionnées de la directive 2008/104.

32

Quant à l’applicabilité de cette directive dans des circonstances dans lesquelles le bénéficiaire du travail intérimaire est une agence de l’Union, telle que l’EIGE, il ressort du libellé de l’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive que trois conditions doivent, à cet égard, être remplies dans le chef de ce bénéficiaire, à savoir que celui-ci doit relever de la notion d’« entreprises publiques et privées », correspondre à une « entreprise utilisatrice » et exercer une « activité économique ».

33

S’agissant de la question de savoir si une agence de l’Union, telle que l’EIGE, peut être considérée comme une « entreprise utilisatrice », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/104, qu’il convient d’examiner tout d’abord, il y a lieu de relever que cette notion est définie, à l’article 3, paragraphe 1, sous d), de cette directive, comme étant toute personne physique ou morale pour laquelle et sous le contrôle et la direction de laquelle un travailleur intérimaire travaille de manière temporaire.

34

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les défendeurs au principal ont travaillé, en tant que travailleurs intérimaires, de manière temporaire pour l’EIGE et sous le contrôle et la direction de celui-ci. Par ailleurs, l’article 5 du règlement no 1922/2006 prévoyant que l’EIGE a la personnalité juridique et possède, dans chacun des États membres, la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations nationales, celui-ci doit être considéré comme une « personne morale », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), de la directive 2008/104. Partant, dans un contexte tel que celui de l’affaire au principal, l’EIGE est une « entreprise utilisatrice », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive.

35

En ce qui concerne les notions d’« entreprises publiques et privées » et d’« activité économique », au sens de cet article 1er, paragraphe 2, il convient de relever que celles-ci ne sont pas définies dans la directive 2008/104 et aucun renvoi au droit des États membres n’est opéré pour en déterminer le sens et la portée.

36

À cet égard, il convient de rappeler que, dans le contexte du droit de la concurrence, la Cour a, d’une part, défini la notion d’« entreprise » comme comprenant toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêts du 18 juin 1998, Commission/Italie, C‑35/96, EU:C:1998:303, point 36, et du 6 mai 2021, Analisi G. Caracciolo, C‑142/20, EU:C:2021:368, point 55 ainsi que jurisprudence citée). D’autre part, elle a jugé que constitue une « activité économique » toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (voir arrêts du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner,C‑475/99, EU:C:2001:577, point 19, et du 11 juin 2020, Commission et République slovaque/Dôvera zdravotná poist’ovňa, C‑262/18 P et C‑271/18 P, EU:C:2020:450, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

37

Cette dernière considération a été transposée par la Cour dans le contexte de la directive 2008/104 dans l’arrêt du 17 novembre 2016, Betriebsrat der Ruhrlandklinik (C‑216/15, EU:C:2016:883), dès lors qu’il ressort du point 44 de cet arrêt qu’une « activité économique », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, doit être entendue comme portant sur toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné.

38

Dans ces conditions, l’examen de la question de savoir si cette directive est applicable lorsque l’entreprise utilisatrice, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive, est une agence de l’Union, telle que l’EIGE, requiert de déterminer si cette agence exerce une activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné.

39

À cet égard, il ressort d’une jurisprudence bien établie que sont, par principe, exclues de la qualification d’activité économique les activités relevant de l’exercice des prérogatives de puissance publique. Ont, en revanche, été qualifiés d’activités économiquesdes services qui, sans relever de l’exercice des prérogatives de puissance publique, sont assurés dans l’intérêt public et sans but lucratif et qui se trouvent en concurrence avec ceux proposés par des opérateurs poursuivant un but lucratif (arrêt du 6 septembre 2011, Scattolon, C‑108/10, EU:C:2011:542, point 44 et jurisprudence citée). La circonstance que de tels services soient moins compétitifs que des services comparables fournis par les opérateurs poursuivant un but lucratif ne saurait empêcher que les activités concernées soient considérées comme des activités économiques (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C‑475/99, EU:C:2001:577, point 21).

40

En l’occurrence, il convient de relever que, selon l’article 2 du règlement no 1922/2006, l’EIGE a pour objectifs de contribuer à la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, au renforcement de celle-ci, à la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe, et de sensibiliser les citoyens de l’Union à l’égalité entre les hommes et les femmes, en fournissant une assistance technique aux institutions de l’Union et aux autorités des États membres.

41

En outre, l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement énumère les missions de l’EIGE pour réaliser les objectifs visés à l’article 2 dudit règlement.

42

Or, tout d’abord, il y a lieu de constater, ainsi qu’il n’est d’ailleurs pas contesté, que les activités de l’EIGE ne relèvent pas de l’exercice des prérogatives de puissance publique.

43

Ensuite, en ce qui concerne certaines activités de l’EIGE, énumérées à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1922/2006, il doit être considéré que des marchés existent sur lesquels opèrent des entreprises commerciales se trouvant en relation de concurrence avec l’EIGE. Il convient de mentionner, notamment, la collecte, l’analyse et la diffusion des informations objectives, comparables et fiables sur l’égalité entre les hommes et les femmes [article 3, paragraphe 1, sous a)], la mise au point, l’analyse, l’évaluation et la diffusion d’outils méthodologiques [article 3, paragraphe 1, sous c)], la réalisation d’enquêtes sur la situation de l’égalité entre les hommes et les femmes en Europe [article 3, paragraphe 1, sous d)], l’organisation des conférences, des campagnes et des réunions au niveau européen [article 3, paragraphe 1, sous g)], la mise en place des sources de documentation accessibles au public [article 3, paragraphe 1, sous j)], ou encore la mise à la disposition des organisations publiques et privées des informations sur l’intégration de la dimension d’égalité entre les hommes et les femmes [article 3, paragraphe 1, sous k)].

44

La circonstance que, dans l’exercice de ces activités, l’EIGE ne poursuive pas un but lucratif est, conformément au libellé même de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/104, dénuée de pertinence (voir arrêt du 17 novembre 2016, Betriebsrat der Ruhrlandklinik, C‑216/15, EU:C:2016:883, point 46 et jurisprudence citée). En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, au point 70 de ses conclusions, ce qui importe est l’existence de services en concurrence avec d’autres entreprises sur les marchés en cause, lesquelles poursuivent un tel but lucratif.

45

Enfin, il y a également lieu de relever que si, en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1922/2006, les activités de l’EIGE sont avant tout financées par des ressources de l’Union, ses recettes comprennent, selon le paragraphe 3, sous b), de cet article 14, les « paiements effectués en rémunération des services rendus », ce qui vient confirmer que le législateur de l’Union a envisagé que l’EIGE agirait, du moins partiellement, en tant qu’acteur du marché. Cette interprétation est corroborée par le fait que, selon une jurisprudence constante, la caractéristique essentielle de la rémunération réside dans le fait que celle-ci constitue la contrepartie économique de la prestation en cause, contrepartie qui est normalement définie entre le prestataire et le destinataire du service (arrêt du 17 mars 2011, Peñarroja Fa, C‑372/09 et C‑373/09, EU:C:2011:156, point 37 ainsi que jurisprudence citée).

46

Compte tenu des éléments qui précèdent, il convient de conclure que l’EIGE doit être considéré comme exerçant, à tout le moins en partie, une activité consistant à offrir des services sur un marché donné.

47

Au demeurant, rien n’indique qu’une agence de l’Union, telle que l’EIGE, serait, lorsqu’elle bénéficie de la mise à disposition de travailleurs intérimaires par une entreprise de travail intérimaire, en tant que telle exclue du champ d’application de la directive 2008/104.

48

En effet, dans la mesure où le libellé de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive fait référence à des entreprises « publiques et privées », la circonstance qu’une agence de l’Union, telle que l’EIGE, a été créée sur le fondement du droit de l’Union, en l’occurrence le règlement no 1922/2006, est, ainsi que le relève, à juste titre, le gouvernement lituanien, dénuée de pertinence.

49

Enfin, quant à l’interrogation de la juridiction de renvoi sur l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2008/104, il suffit de relever que cette disposition ne trouve pas à s’appliquer en l’occurrence.

50

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première à troisième questions que l’article 1er de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens que relève du champ d’application de cette directive la mise à disposition, par une entreprise de travail intérimaire, de personnes ayant conclu un contrat de travail avec cette entreprise auprès de l’EIGE pour y fournir des prestations de travail.

Sur les quatrième à sixième questions

51

Par ses quatrième à sixième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens que l’emploi occupé par un travailleur intérimaire mis à la disposition de l’EIGE est susceptible d’être considéré comme constituant le « même poste », au sens de cette disposition, même en supposant que tous les emplois pour lesquels l’EIGE recrute des travailleurs directement comprennent des tâches qui ne peuvent être accomplies que par des personnes soumises au statut des fonctionnaires de l’Union, ou si une telle interprétation enfreint l’article 335 TFUE, consacrant le principe de l’autonomie administrative des institutions de l’Union, l’article 336 TFUE ou ce statut.

52

En vertu de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/104, les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires sont, pendant la durée de leur mission auprès d’une entreprise utilisatrice, au moins celles qui leur seraient applicables s’ils étaient recrutés directement par ladite entreprise pour y occuper le même poste.

53

À cet égard, la notion de « conditions essentielles de travail et d’emploi », au sens de cet article 5, paragraphe 1, premier alinéa, est définie à l’article 3, paragraphe 1, sous f), de la directive 2008/104 et se réfère à la durée du travail, aux heures supplémentaires, aux temps de pause, aux périodes de repos, au travail de nuit, aux congés, aux jours fériés ainsi qu’à la rémunération.

54

D’emblée, il importe de rappeler que l’affaire au principal concerne un litige survenu entre Manpower Lit et cinq de ses anciens employés, l’EIGE n’ayant que la qualité de partie intervenante à ce litige. En outre, il ressort de la décision de renvoi que, selon les constatations factuelles effectuées par le Vilniaus miesto apylinkės teismas (tribunal de district de la ville de Vilnius), les défendeurs au principal remplissaient, du moins en partie, des fonctions des agents contractuels travaillant au sein de l’EIGE, de sorte que cette juridiction a considéré, d’une part, qu’ils pouvaient être comparés à ces agents contractuels et, d’autre part, qu’il convenait de leur appliquer les conditions de rémunération applicables auxdits agents contractuels, sur le fondement de l’article 75, paragraphe 2, du code du travail, transposant dans le droit lituanien l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104.

55

Or, la Commission soutient que, dans des circonstances telles que celles au principal, le principe d’égalité de traitement prévu à cette dernière disposition exige de comparer les conditions de travail des travailleurs intérimaires avec les conditions applicables aux travailleurs embauchés directement par l’EIGE, selon le droit national. En revanche, ces conditions ne devraient pas être comparées avec celles applicables au personnel employé sur le fondement du statut des fonctionnaires de l’Union, tels les agents contractuels, dès lors qu’une telle interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104 enfreindrait les articles 335 et 336 TFUE, et conférerait effectivement le statut de fonctionnaires de l’Union aux défendeurs au principal.

56

Cette thèse ne saurait être retenue.

57

Tout d’abord, l’article 335 TFUE précise que, dans chacun des États membres, l’Union possède la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations nationales. Or, le fait d’accorder aux travailleurs intérimaires les conditions essentielles de travail et d’emploi dont jouit le personnel employé sur le fondement du statut des fonctionnaires de l’Union ne limite pas cette capacité.

58

Ensuite, en vertu de l’article 336 TFUE, le législateur de l’Union adopte le statut des fonctionnaires de l’Union ainsi que le régime applicable aux autres agents. Or, ni ce statut ni le régime applicable aux autres agents ne règlent les conditions de travail des travailleurs intérimaires mis à la disposition des agences de l’Union par des entreprises de travail intérimaire. Partant, en l’absence d’une réglementation spécifique, lorsque ces agences recourent à des travailleurs intérimaires sur la base de contrats conclus avec des entreprises de travail intérimaire, le principe d’égalité de traitement, énoncé à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104, s’applique pleinement à ces travailleurs au cours des missions qu’ils effectuent au sein d’une telle agence.

59

Enfin, si l’application de la législation nationale transposant cet article 5, paragraphe 1, conduit à comparer les conditions de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires avec celles du personnel employé sur le fondement du statut des fonctionnaires de l’Union, cela n’a aucunement pour conséquence de conférer le statut de fonctionnaire à ces travailleurs intérimaires.

60

En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 52 et 53 du présent arrêt, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104 se limite à exiger l’égalité des « conditions essentielles de travail et d’emploi » des travailleurs intérimaires, cette notion étant définie, à l’article 3, paragraphe 1, sous f), de cette directive, comme portant, en substance, sur les conditions établies par des dispositions générales et contraignantes, en vigueur dans l’entreprise utilisatrice, relatives au temps de travail et à la rémunération. Dès lors, il ne s’agit pas d’une assimilation des travailleurs intérimaires au statut du personnel permanent pendant la période d’embauche ou au-delà.

61

Cela est confirmé par les circonstances de la présente affaire dès lors que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 75 de ses conclusions, les défendeurs au principal ne demandent aucunement la requalification de leurs contrats de travail intérimaire, mais se limitent à solliciter, auprès de Manpower Lit, le paiement d’arriérés de rémunération qu’ils prétendent leur être dus. Partant, aucune question ne se pose en termes de préjudice, que ce soit à l’autonomie de l’EIGE ou au statut des fonctionnaires de l’Union.

62

Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux quatrième à sixième questions que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens que l’emploi occupé par un travailleur intérimaire mis à la disposition de l’EIGE est susceptible d’être considéré comme constituant le « même poste », au sens de cette disposition, même en supposant que tous les emplois pour lesquels l’EIGE recrute des travailleurs directement comprennent des tâches qui ne peuvent être accomplies que par des personnes soumises au statut des fonctionnaires de l’Union.

Sur les dépens

63

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 1er de la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative au travail intérimaire, doit être interprété en ce sens que relève du champ d’application de cette directive la mise à disposition, par une entreprise de travail intérimaire, de personnes ayant conclu un contrat de travail avec cette entreprise auprès de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) pour y fournir des prestations de travail.

 

2)

L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/104 doit être interprété en ce sens que l’emploi occupé par un travailleur intérimaire mis à la disposition de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) est susceptible d’être considéré comme constituant le « même poste », au sens de cette disposition, même en supposant que tous les emplois pour lesquels l’EIGE recrute des travailleurs directement comprennent des tâches qui ne peuvent être accomplies que par des personnes soumises au statut des fonctionnaires de l’Union européenne.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.