ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
16 mars 2021 ( *1 )
« Pourvoi – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Aides d’État – Impôt polonais dans le secteur de la vente au détail – Article 108, paragraphe 2, TFUE – Décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen – Éléments de détermination du système de référence – Progressivité des taux – Existence d’un avantage à caractère sélectif – Charge de la preuve »
Dans l’affaire C‑562/19 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 juillet 2019,
Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann ainsi que par MM. P.-J. Loewenthal et V. Bottka, en qualité d’agents,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
République de Pologne, représentée par MM. B. Majczyna, M. Rzotkiewicz et M. Szydło ainsi que par Mme K. Sokołowska, en qualité d’agents,
partie demanderesse en première instance,
Hongrie, représentée par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,
partie intervenante en première instance,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur), A. Arabadjiev, E. Regan, A. Kumin et N. Wahl, présidents de chambre, MM. M. Safjan, D. Šváby, S. Rodin, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, P. G. Xuereb et N. Jääskinen, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : Mme R. Şereş, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er septembre 2020,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 15 octobre 2020,
rend le présent
Arrêt
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Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 mai 2019, Pologne/Commission (T‑836/16 et T‑624/17, ci-après « l’arrêt attaqué », EU:T:2019:338), par lequel celui-ci a annulé, d’une part, la décision C(2016) 5596 final de la Commission, du 19 septembre 2016, relative à la mesure SA.44351 (2016/C) (ex 2016/NN) – Pologne – Impôt polonais dans le secteur de la vente au détail, ouvrant la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard de cette mesure et enjoignant à la République de Pologne de suspendre les taux progressifs de l’impôt dans le secteur de la vente au détail (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen »), et, d’autre part, la décision (UE) 2018/160 de la Commission, du 30 juin 2017, relative à l’aide d’État SA.44351 (2016/C) (ex 2016/NN) mise à exécution par la Pologne relative à l’impôt sur le commerce de détail (JO 2018, L 29, p. 38, ci-après la « décision négative ») (ci-après, ensemble, les « décisions litigieuses »). |
Les antécédents du litige
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Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 16 de l’arrêt attaqué. Ils peuvent être résumés comme suit. |
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Au début de l’année 2016, le gouvernement polonais a envisagé la création d’un nouvel impôt dans le secteur de la vente au détail de marchandises, dont l’assiette serait le chiffre d’affaires et qui aurait un caractère progressif. |
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Informée de ce projet, la Commission a adressé aux autorités polonaises une demande de renseignements indiquant que les taux de l’impôt progressif sur le chiffre d’affaires étaient, de fait, liés à la taille de l’entreprise et non à sa rentabilité, de sorte qu’ils entraîneraient une discrimination entre entreprises et seraient susceptibles de provoquer de graves perturbations du marché. Selon cette institution, ces taux instaureraient une inégalité de traitement entre entreprises, et devraient, dès lors, être considérés comme sélectifs. Estimant que toutes les conditions posées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE étaient remplies, elle en concluait que lesdits taux engendreraient des « aides d’État », au sens de cette disposition. |
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Le 6 juillet 2016, la République de Pologne a adopté la loi sur l’impôt dans le secteur de la vente au détail, qui concerne la vente au détail de marchandises au consommateur personne physique et est entrée en vigueur le 1er septembre 2016 (ci-après la « mesure fiscale en cause »). Les redevables de cet impôt sont tous les détaillants, quel que soit leur statut juridique, et son assiette est constituée du chiffre d’affaires mensuel, dans la mesure où ce dernier est supérieur à 17 millions de zlotys polonais (PLN) (environ 3750000 euros). Son taux est nul en deçà d’un chiffre d’affaires mensuel équivalant à ce montant, puis s’élève à 0,8 % pour la tranche de chiffre d’affaires mensuel comprise entre 17 et 170 millions de PLN (environ 37500000 euros) et à 1,4 % pour la tranche de chiffre d’affaires mensuel excédant ce dernier montant. |
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Le 19 septembre 2016, la Commission a adopté la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. Par cette décision, elle a non seulement mis les autorités polonaises en demeure de présenter leurs observations, mais leur a également enjoint, sur le fondement de l’article 13, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), de suspendre sans délai « l’application du taux progressif de [la mesure fiscale en cause] jusqu’à [l’adoption d’]une décision sur sa compatibilité avec le marché intérieur ». Compte tenu de cette décision, la République de Pologne a suspendu l’application de la mesure fiscale en cause. |
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Le 30 juin 2017, la Commission a clôturé la procédure formelle d’examen en adoptant la décision négative. Elle a, en substance, estimé que la mesure fiscale en cause constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur et qu’elle avait été mise à exécution de manière illégale, de sorte que les autorités polonaises devaient définitivement annuler tous les paiements suspendus à la suite de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. La mesure fiscale en cause n’ayant pas été concrètement mise en œuvre, elle a estimé qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une quelconque récupération d’éléments d’aide auprès de bénéficiaires. |
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Dans les décisions litigieuses, la Commission a, pour l’essentiel, justifié la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de la mesure fiscale en cause de la façon suivante. |
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En ce qui concerne l’imputabilité de cette mesure à l’État et son financement au moyen de ressources d’État, la Commission a estimé que, en optant pour un impôt progressif sur le chiffre d’affaires, la République de Pologne avait renoncé à une partie des ressources fiscales qu’elle aurait perçues si toutes les entreprises avaient été imposées au même taux effectif moyen. La mesure fiscale en cause entraînerait ainsi un transfert de ressources d’État au profit de certaines entreprises. |
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S’agissant de l’existence d’un avantage, la Commission a rappelé que des mesures qui allègent les charges normalement supportées par les entreprises apportent, tout comme les prestations positives, un avantage. Elle a indiqué que les entreprises réalisant un chiffre d’affaires faible bénéficieraient, du fait de l’application de la mesure fiscale en cause, d’un traitement fiscal avantageux par rapport aux autres entreprises redevables de cet impôt. En effet, les taux d’imposition moyens nuls ou moins élevés des entreprises réalisant un faible chiffre d’affaires par rapport aux taux d’imposition moyens plus élevés des entreprises réalisant un chiffre d’affaires plus important favoriseraient les premières. |
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Au titre de l’examen de la condition relative à la sélectivité, destiné à déterminer si la mesure fiscale en cause est de nature à favoriser indûment certaines entreprises, la Commission a estimé que le système fiscal de référence pertinent était constitué par l’impôt dans le secteur de la vente au détail, y compris pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 17 millions de PLN (environ 3750000 euros), mais sans qu’en fasse partie le caractère progressif de l’imposition. Cette progressivité entraînant non seulement des taux marginaux, mais aussi des taux moyens d’imposition différents entre entreprises, elle constituerait une dérogation à ce système de référence, réputé ne comporter qu’un taux unique d’imposition. |
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Or, cette dérogation ne serait pas justifiée par la nature ou l’économie générale dudit système de référence. En effet, de l’avis de la Commission, l’objectif de redistribution avancé par les autorités polonaises serait incompatible avec le choix d’un impôt assis sur le chiffre d’affaires, dès lors qu’il frappe les entreprises en fonction de leur volume d’activité et non en fonction de leurs charges, de leur rentabilité, de leur capacité contributive ou des facilités dont, selon ces autorités, seules les grandes entreprises pourraient bénéficier. |
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Enfin, les autorités polonaises ayant indiqué que le caractère progressif de l’imposition permettrait le maintien du petit commerce face à la grande distribution, la Commission y a vu la preuve qu’elles cherchaient à influencer la structure de la concurrence sur le marché. |
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
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Le 30 novembre 2016, la République de Pologne a formé un recours devant le Tribunal tendant à l’annulation de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen (affaire T‑836/16). Par décision du 27 avril 2017, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la Hongrie au soutien des conclusions de la République de Pologne. |
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Le 13 septembre 2017, la République de Pologne a formé un second recours devant le Tribunal, tendant à l’annulation de la décision négative (affaire T‑624/17). Par décision du 12 janvier 2018, le président de la neuvième chambre du Tribunal a également admis l’intervention de la Hongrie au soutien des conclusions présentées par la République de Pologne dans le cadre de ce second recours. |
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Par décision du 4 juillet 2018, le Tribunal a joint les affaires T‑836/16 et T‑624/17 aux fins de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 68 de son règlement de procédure. |
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À l’appui de son recours contre la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen (affaire T‑836/16), la République de Pologne soulevait quatre moyens. Le premier moyen était tiré de ce que la mesure fiscale en cause avait été qualifiée à tort d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, les deuxième et troisième moyens étaient tirés de ce que l’injonction de suspension prise par la Commission violait l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 ainsi que le principe de proportionnalité, et le quatrième moyen était tiré du caractère à la fois erroné et insuffisant de la motivation de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. |
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À l’appui de son recours contre la décision négative (affaire T‑624/17), la République de Pologne soulevait deux moyens, tirés, en premier lieu, de ce que la mesure fiscale en cause avait été qualifiée à tort d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et, en second lieu, du caractère à la fois erroné et insuffisant de la motivation retenue par la Commission pour justifier cette décision. |
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Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le premier moyen soulevé par la République de Pologne dans l’affaire T‑624/17, en jugeant que c’était à tort que la Commission avait estimé que l’institution d’une taxe progressive sur le chiffre d’affaires généré par la vente de détail de marchandises engendrait un avantage sélectif. Il a également accueilli le quatrième moyen soulevé par la République de Pologne dans l’affaire T‑836/16, en jugeant que la Commission ne pouvait qualifier provisoirement la mesure fiscale en cause d’aide nouvelle sans se fonder sur l’existence de doutes légitimes sur ce point, en l’état du dossier. Il a, en conséquence, annulé les décisions litigieuses, y compris l’injonction de suspension de la mesure fiscale en cause assortissant la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, sans se prononcer sur les autres moyens dont il était saisi. |
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
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Par son pourvoi, la Commission demande à la Cour :
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La République de Pologne demande à la Cour :
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La Hongrie, venant au soutien des conclusions de la République de Pologne, demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme étant non fondé. |
Sur le pourvoi
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La Commission soulève deux moyens à l’appui de son pourvoi. |
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE
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Par son premier moyen, la Commission soutient que, en jugeant que le caractère progressif de la mesure fiscale en cause n’entraînait pas un avantage sélectif au profit des entreprises réalisant un chiffre d’affaires peu élevé lié à la vente au détail de marchandises, le Tribunal a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Selon cette institution, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de chacune des trois étapes de l’analyse de la sélectivité de cette mesure. À cet égard, la Commission estime, d’abord, que c’est à tort que le Tribunal a considéré que la progressivité de l’impôt faisait partie du système de référence au regard duquel il convenait d’apprécier la sélectivité de la mesure fiscale en cause. Ensuite, elle fait valoir que le Tribunal ne pouvait pas examiner la comparabilité des entreprises assujetties à ladite mesure à l’aune d’un objectif autre que l’objectif fiscal de cette dernière. Enfin, la Commission soutient que c’est à tort que, dans le cadre de l’analyse de la justification de la même mesure, le Tribunal a retenu un objectif, à savoir l’objectif de redistribution, qui n’est pas intrinsèquement lié à ladite mesure. |
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La République de Pologne et la Hongrie contestent cette argumentation. |
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À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les interventions des États membres dans les domaines qui n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation en droit de l’Union ne sont pas exclues du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives au contrôle des aides d’État (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 81). Les États membres doivent ainsi s’abstenir d’adopter toute mesure fiscale susceptible de constituer une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. |
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À cet égard, il résulte également d’une jurisprudence constante de la Cour que la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir, notamment, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 53 et jurisprudence citée). |
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En ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l’avantage, inhérente à la qualification d’une mesure d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui fait seule l’objet de la contestation portée par la Commission dans le cadre du premier moyen du présent pourvoi, il résulte d’une jurisprudence tout aussi constante de la Cour que cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire (arrêt du 19 décembre 2018, A-Brauerei, C‑374/17, EU:C:2018:1024, point 35 et jurisprudence citée). |
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Par ailleurs, lorsque la mesure en cause est envisagée comme un régime d’aide et non comme une aide individuelle, il incombe à la Commission d’établir que cette mesure, bien qu’elle prévoie un avantage de portée générale, en confère le bénéfice exclusif à certaines entreprises ou à certains secteurs d’activité (voir en ce sens, notamment, arrêt du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 49). |
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S’agissant en particulier de mesures nationales conférant un avantage fiscal, il y a lieu de rappeler qu’une mesure de cette nature qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, place les bénéficiaires dans une situation plus favorable que les autres contribuables est susceptible de procurer un avantage sélectif aux bénéficiaires et de constituer, partant, une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ainsi, est notamment considérée comme une aide d’État une intervention qui allège les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, de ce fait, sans être une subvention au sens strict du mot, est de même nature et a des effets identiques (voir, en ce sens, arrêts du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C‑387/92, EU:C:1994:100, points 13 et 14, ainsi que du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 71 et 72). En revanche, ne constitue pas une telle aide au sens de cette disposition un avantage fiscal résultant d’une mesure générale applicable sans distinction à tous les opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, A-Brauerei, C‑374/17, EU:C:2018:1024, point 23 et jurisprudence citée). |
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Dans ce contexte, aux fins de qualifier une mesure fiscale nationale de « sélective », la Commission doit identifier, dans un premier temps, le système de référence, soit le régime fiscal « normal » applicable dans l’État membre concerné, et démontrer, dans un second temps, que la mesure fiscale en cause déroge à ce système de référence, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce dernier, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, A-Brauerei, C‑374/17, EU:C:2018:1024, point 36 et jurisprudence citée). |
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La notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer que cette différenciation est justifiée, en ce sens qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel ces mesures s’inscrivent (voir en ce sens, notamment, arrêts du 29 avril 2004, Pays-Bas/Commission, C‑159/01, EU:C:2004:246, points 42 et 43 ; du 29 mars 2012, 3M Italia, C‑417/10, EU:C:2012:184, point 40, ainsi que du 19 décembre 2018, A‑Brauerei, C‑374/17, EU:C:2018:1024, point 44). |
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C’est à l’aune de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si, en l’espèce, le Tribunal a méconnu l’article 107, paragraphe 1, TFUE, tel qu’interprété par la Cour, en jugeant, en substance, que la Commission n’avait pas démontré que le caractère progressif de la mesure fiscale en cause avait pour conséquence de conférer un avantage sélectif à « certaines entreprises ou [à] certaines productions ». |
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Par la première branche de son premier moyen, la Commission soutient que, en lui reprochant d’avoir apprécié l’existence éventuelle d’un avantage sélectif au regard d’un système de référence erroné et en considérant que faisaient partie intégrante de ce système de référence les taux d’imposition progressifs retenus par le législateur polonais, le Tribunal a commis une erreur de droit. |
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Selon la Commission, l’avantage sélectif induit par la mesure fiscale en cause résiderait non pas dans l’existence d’une exonération au titre de la fraction du chiffre d’affaires en deçà d’un certain montant, puisque toutes les entreprises concernées profitent de cette exonération pour la partie de leur chiffre d’affaires qui ne dépasse pas le plafond correspondant à la tranche exonérée, mais dans la différence de taux moyen d’imposition résultant de la progressivité des taux. Cette différence favoriserait les entreprises réalisant un chiffre d’affaires peu élevé en allégeant, de façon injustifiée, la charge fiscale qui serait la leur par rapport à celle pesant sur les autres entreprises dans le cadre du système de référence, ce dernier consistant, selon la Commission, en un impôt sur le chiffre d’affaires à taux unique. Ainsi, l’imposition à taux progressifs ne différerait pas de la situation dans laquelle un groupe d’assujettis est imposé à un taux donné et un autre groupe d’assujettis à un autre taux, ce qui équivaudrait à un traitement différencié d’entreprises comparables. |
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Dès lors, la question se pose d’abord de savoir si, comme le soutient la Commission, la progressivité des taux prévue par la mesure fiscale en cause devait être exclue du système de référence au regard duquel il convient d’apprécier si l’existence d’un avantage sélectif pouvait être établie, ou si, comme l’a jugé le Tribunal aux points 63 à 67 de l’arrêt attaqué, elle en fait, au contraire, partie intégrante. |
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En matière de libertés fondamentales du marché intérieur, la Cour a jugé que, en l’état actuel de l’harmonisation du droit fiscal de l’Union, les États membres sont libres d’établir le système de taxation qu’ils jugent le plus approprié, de sorte que l’application d’une taxation progressive relève du pouvoir d’appréciation de chaque État membre (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 2020, Vodafone Magyarország, C‑75/18, EU:C:2020:139, point 49, et Tesco-Global Áruházak, C‑323/18, EU:C:2020:140, point 69 ainsi que jurisprudence citée). Cette affirmation est également valable en matière d’aides d’État (voir en ce sens, notamment, arrêt du 26 avril 2018, ANGED, C‑233/16, EU:C:2018:280, point 50 et jurisprudence citée). |
38 |
Il s’ensuit que, en dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l’Union fait l’objet d’une harmonisation,la détermination des caractéristiques constitutives de chaque impôt relève du pouvoir d’appréciation des États membres, dans le respect de leur autonomie fiscale, ce pouvoir devant, en tout état de cause, être exercé dans le respect du droit de l’Union. Il en va ainsi, notamment, du choix du taux de l’impôt, qui peut être proportionnel ou progressif, mais aussi de la détermination de son assiette et de son fait générateur. |
39 |
Ces caractéristiques constitutives définissent donc, en principe, le système de référence ou le régime fiscal « normal », à partir duquel il convient, conformément à la jurisprudence rappelée au point 31 du présent arrêt, d’analyser la condition relative à la sélectivité. |
40 |
À cet égard, il y a lieu de préciser que le droit de l’Union en matière d’aides d’État ne s’oppose pas, en principe, à ce que les États membres décident d’opter pour des taux d’imposition progressifs, destinés à tenir compte de la capacité contributive des assujettis. Le fait que le recours à une imposition progressive soit, en pratique, plus courant en matière d’imposition des personnes physiques n’implique pas qu’il leur serait interdit d’y recourir pour tenir compte également de la capacité contributive des personnes morales, en particulier des entreprises. |
41 |
Le droit de l’Union ne fait ainsi pas obstacle à ce qu’une imposition progressive soit assise sur le chiffre d’affaires, y compris dans le cas où elle ne serait pas destinée à compenser les effets négatifs qui seraient susceptibles d’être générés par l’activité taxée. En effet, contrairement à ce que soutient la Commission, le montant du chiffre d’affaires constitue, en général, à la fois un critère de distinction neutre et un indicateur pertinent de la capacité contributive des assujettis (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 2020, Vodafone Magyarország, C-75/18, EU:C:2020:139, point 50, et Tesco-Global Áruházak, C‑323/18, EU:C:2020:140, point 70). Il ne résulte d’aucune règle ni d’aucun principe du droit de l’Union, y compris en matière d’aides d’État, que l’application de taux progressifs serait réservée aux seules impositions sur les bénéfices. D’ailleurs, tout comme le chiffre d’affaires, le bénéfice n’est lui-même qu’un indicateur relatif de la capacité contributive. La circonstance qu’il constituerait, comme l’estime la Commission, un indicateur plus pertinent ou plus précis que le chiffre d’affaires est indifférente en matière d’aides d’État, dès lors que le droit de l’Union en cette matière vise seulement la suppression des avantages sélectifs dont pourraient bénéficier certaines entreprises au détriment d’autres qui seraient placées dans une situation comparable. Il en va de même de l’existence d’une éventuelle situation de double imposition économique, liée au cumul d’une imposition sur le chiffre d’affaires et d’une imposition sur les bénéfices. |
42 |
Il résulte de ce qui précède que les caractéristiques constitutives de l’impôt, dont font partie les taux d’imposition progressifs, forment, en principe, le système de référence ou le régime fiscal « normal » aux fins de l’analyse de la condition de sélectivité. Cela étant, il n’est pas exclu que ces caractéristiques puissent, dans certains cas, révéler un élément manifestement discriminatoire, ce qu’il appartient toutefois à la Commission de démontrer. |
43 |
L’arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/ Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732), ne remet pas en cause les considérations qui précèdent. Au contraire, ainsi que l’a, en substance, relevé Mme l’avocate générale aux points 40 à 45 de ses conclusions, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le système fiscal avait été configuré selon des paramètres manifestement discriminatoires, destinés à contourner le droit de l’Union en matière d’aides d’État. C’est ce que révélait, dans cette affaire, le choix de critères d’imposition favorisant certaines sociétés offshores, qui apparaissait incohérent au regard de l’objectif de créer une imposition générale, pesant sur l’ensemble des entreprises, affiché par le législateur concerné. |
44 |
En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 3 à 5 du présent arrêt, le législateur polonais a, par la mesure fiscale en cause, institué un impôt dans le secteur de la vente au détail, assis sur le chiffre d’affaires mensuel généré par cette activité, qui, contrairement ce que soutient la Commission, a le caractère d’un impôt direct. Son taux est nul jusqu’à 17 millions de PLN (environ 3750000 euros), puis s’élève à 0,8 % entre 17 et 170 millions de PLN (environ 37500000 euros) et à 1,4 % au-delà de ce dernier montant. La Commission n’a pas établi que cette progressivité des taux, adoptée par le législateur polonais en faisant usage du pouvoir d’appréciation dont il dispose dans le cadre de son autonomie fiscale, avait été conçue de manière manifestement discriminatoire, dans le but de contourner les exigences découlant du droit de l’Union en matière d’aides d’État. Dans ces conditions, la progressivité des taux de la mesure fiscale en cause devait être regardée comme inhérente au système de référence ou au régime fiscal « normal » à l’aune duquel devait être appréciée l’existence, en l’espèce, d’un avantage sélectif. |
45 |
C’est, dès lors, sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal, aux points 63 à 67 de l’arrêt attaqué, a jugé que, en estimant que le barème progressif de la mesure fiscale en cause ne faisait pas partie du système de référence à l’aune duquel devait être apprécié le caractère sélectif de cette mesure, la Commission s’était erronément fondée sur un système de référence incomplet et fictif. Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être écartée comme étant non fondée. |
46 |
Une erreur commise dans la détermination du système de référence viciant nécessairement l’ensemble de l’analyse de la condition relative à la sélectivité [voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 107], il n’y a pas lieu de se prononcer sur les deuxième et troisième branches du premier moyen. |
47 |
Il résulte de ce qui précède que le premier moyen du pourvoi doit être écarté, dans son ensemble, comme étant non fondé. |
Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 13 du règlement 2015/1589
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Par son second moyen, la Commission fait valoir que, en annulant la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, y compris l’injonction de suspension, le Tribunal a méconnu l’article 108, paragraphe 2, TFUE et l’article 13 du règlement 2015/1589. Plus précisément, la Commission soutient, d’une part, que le Tribunal a, à tort, exercé sur cette décision un contrôle de même intensité que celui qu’il a exercé sur la décision négative, alors qu’il aurait dû s’en tenir à un contrôle d’erreur manifeste d’appréciation, laquelle n’était pas caractérisée en l’espèce. D’autre part, elle reproche au Tribunal d’avoir annulé l’injonction de suspension prise par la Commission sur le fondement de l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 par voie de conséquence de l’annulation de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, au motif que son sort n’était pas détachable de celui de cette décision, alors qu’elle constituait une décision distincte de cette dernière, dont la légalité devait être appréciée de manière autonome. |
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La République de Pologne et la Hongrie contestent cette argumentation. |
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Il y a lieu de rappeler que la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen si, à la suite de l’examen préliminaire visé à l’article 4 du règlement 2015/1589, elle n’a pas été en mesure d’acquérir la conviction que la mesure notifiée est compatible avec le marché intérieur. Il en va de même lorsqu’elle conserve des doutes sur la qualification même d’« aide », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de cette mesure (voir en ce sens, notamment, arrêts du 10 mai 2005, Italie/Commission, C‑400/99, EU:C:2005:275, point 47 ; du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑194/09 P, EU:C:2011:497, point 60, et du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C‑646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, point 27). |
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Par ailleurs, aux termes de l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, la Commission a la faculté, après avoir donné à l’État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, de lui enjoindre de suspendre le versement de toute aide illégale, jusqu’à ce qu’elle prenne une décision finale sur sa compatibilité avec le marché intérieur. Une telle décision d’injonction est distincte de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, et peut d’ailleurs aussi bien intervenir en même temps que cette dernière que lui être postérieure (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C‑400/99, EU:C:2001:528, point 47, et du 4 juin 2020, Hongrie/Commission, C‑456/18 P, EU:C:2020:421, point 35). |
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Compte tenu des principes rappelés au point 50 du présent arrêt, le contrôle de la légalité d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen exercé par le juge de l’Union, lorsque la partie requérante conteste l’appréciation de la Commission quant à la qualification de la mesure concernée d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, est limité à la vérification du point de savoir si cette institution n’a pas, au stade de l’examen préliminaire prévu à l’article 4 du règlement 2015/1589, commis une erreur manifeste d’appréciation (voir en ce sens, notamment, arrêts du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑194/09 P, EU:C:2011:497, point 61, et du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 78). Il en va de même pour le contrôle de la légalité d’une injonction de suspension prise sur le fondement de l’article 13, paragraphe 1, de ce règlement, eu égard au caractère provisoire de la qualification d’aide d’État de la mesure retenue à ce stade par la Commission. |
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Il y a lieu, cependant, de préciser que, compte tenu des conséquences juridiques de l’ouverture de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE en ce qui concerne des mesures traitées en tant qu’aides nouvelles, qui tiennent à l’obligation d’en suspendre la mise en œuvre de manière immédiate, lorsque l’État membre concerné allègue que ces mesures ne constituent pas des aides, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Commission doit procéder à un examen suffisant de la question sur la base des informations qui lui ont été communiquées à ce stade par ledit État, même si cet examen débouche sur une appréciation non définitive (arrêt du 10 mai 2005, Italie/Commission, C‑400/99, EU:C:2005:275, point 48). Dès lors, si, compte tenu des éléments mis à la disposition de la Commission au moment d’ouvrir la procédure, il apparaît que la qualification d’aide nouvelle de la mesure en cause devait manifestement être écartée dès ce stade, la décision d’ouvrir la procédure à l’égard de cette mesure doit être annulée. |
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En l’espèce, le Tribunal a, en substance, jugé, au point 108 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait fondé la qualification provisoire d’aide nouvelle de la mesure fiscale en cause sur une analyse manifestement erronée. Il lui a plus précisément reproché de s’être principalement fondée sur l’idée selon laquelle l’instauration d’un impôt sur le chiffre d’affaires à taux progressifs constituait, en principe, une aide d’État, alors qu’elle aurait dû se livrer à une analyse circonstanciée destinée à étayer l’existence, à ses yeux, de doutes légitimes sur la qualification comme telle de la mesure fiscale en cause, compte tenu des éléments en sa possession. Il en a déduit que devaient être annulées à la fois la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et l’injonction de suspension dont elle était assortie. |
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En statuant de la sorte, après avoir rappelé les principes figurant au point 52 du présent arrêt, le Tribunal s’est bien contenté d’exercer sur la qualification provisoire d’aide d’État retenue par la Commission dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation, comme il lui appartenait de le faire. Il ressort, en effet, du point 108 de l’arrêt attaqué que c’est l’absence d’éléments circonstanciés étayant l’existence en l’espèce de doutes légitimes de la Commission quant à la qualification d’aide d’État de la mesure fiscale en cause qui a justifié l’annulation, par le Tribunal, de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, et non, en tout état de cause, la reprise des motifs par lesquels il avait préalablement jugé que la décision négative devait être annulée, auxquels il ne s’est référé que de manière incidente. |
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En outre, contrairement à ce que fait valoir la Commission, le Tribunal n’a pas annulé la décision d’injonction de suspension de la mesure fiscale en cause par simple voie de conséquence de l’annulation de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. Il a seulement jugé, au point 109 de l’arrêt attaqué, que les motifs qui justifiaient l’annulation de cette dernière décision, tirés de l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission quant à la qualification provisoire d’aide d’État de la mesure fiscale en cause, justifiaient en l’espèce également l’annulation de la décision d’injonction de suspension de cette mesure, dont l’édiction était, elle aussi, subordonnée à une telle qualification provisoire. |
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Dans ces conditions, le second moyen du pourvoi doit être écarté, dans son ensemble, comme étant non fondé. |
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Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble. |
Sur les dépens
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Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République de Pologne ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. |
60 |
L’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, lorsque, en n’ayant pas, elle-même, formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance participe à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour, cette dernière peut décider qu’elle supporte ses propres dépens. En l’espèce, la Hongrie, partie intervenante en première instance, a, sans être l’auteur du pourvoi, participé aux phases écrite et orale de la procédure devant la Cour, mais n’a pas demandé la condamnation de la Commission aux dépens. Dans ces conditions, il y a lieu de décider qu’elle supportera ses propres dépens afférents à la procédure de pourvoi [voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, points 113 et 114]. |
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête : |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : le polonais.