ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

2 avril 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Libre prestation des services – Assurance directe sur la vie – Directive 2002/83/CE – Articles 35 et 36 – Droit et délai de renonciation – Information incorrecte concernant les modalités d’exercice du droit de renonciation – Conditions de forme de la déclaration de renonciation – Expiration du droit de renonciation – Pertinence de la qualité de “consommateur” du preneur d’assurance »

Dans l’affaire C‑20/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche), par décision du 20 décembre 2018, parvenue à la Cour le 15 janvier 2019, dans la procédure

kunsthaus muerz gmbh

contre

Zürich Versicherungs AG,

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme L. S. Rossi (rapporteure), présidente de chambre, MM. J. Malenovský et F. Biltgen, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour kunsthaus muerz gmbh, par Me D. Koch, Rechtsanwalt,

pour Zürich Versicherungs AG, par Me P. Konwitschka, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement autrichien, par Mme J. Schmoll, en qualité d’agent,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. G. Braun et Mme H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 35 et 36 de la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 novembre 2002, concernant l’assurance directe sur la vie (JO 2002, L 345, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant kunsthaus muerz gmbh à Zürich Versicherungs AG (ci-après « Zürich ») au sujet de la portée du droit de renonciation dans les contrats d’assurance-vie.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 2, 5, 45 et 52 de la directive 2002/83, abrogée par la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et l’exercice (solvabilité II) (JO 2009, L 335, p. 1), étaient rédigés comme suit :

« (2)

Pour faciliter l’accès aux activités d’assurance sur la vie et leur exercice, il importe d’éliminer certaines divergences existant entre les législations nationales en matière de contrôle. Pour réaliser ce but, tout en assurant une protection adéquate des assurés et des bénéficiaires dans tous les États membres, il convient de coordonner les dispositions relatives aux garanties financières exigées des entreprises d’assurance sur la vie.

[...]

(5)

La présente directive constitue, par conséquent, une étape importante vers le rapprochement des marchés nationaux dans un seul marché intégré, et cette étape doit être complétée par d’autres instruments communautaires afin de permettre à tous les preneurs d’assurance de faire appel à tout assureur ayant son siège social dans la Communauté et y exerçant son activité en régime d’établissement ou en régime de libre prestation de services, tout en leur garantissant une protection adéquate.

[...]

(45)

Pour les contrats d’assurance-vie, il est indiqué de donner au preneur la possibilité de renoncer au contrat dans un délai compris entre quatorze et trente jours.

[...]

(52)

Dans le cadre d’un marché intérieur de l’assurance, le consommateur aura un choix plus grand et plus diversifié de contrats. Afin de profiter pleinement de cette diversité et d’une concurrence accrue, il doit disposer des informations nécessaires pour choisir le contrat qui convient le mieux à ses besoins. Cette nécessité d’information est d’autant plus importante que la durée des engagements peut être longue. Il convient, en conséquence, de coordonner les dispositions minimales pour que le consommateur reçoive une information claire et précise sur les caractéristiques essentielles des produits qui lui sont proposés et sur les coordonnées des organismes habilités à connaître des réclamations des preneurs, assurés ou bénéficiaires du contrat. »

4

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, sous g), de cette directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

g)

“État membre de l’engagement” : l’État membre où le preneur a sa résidence habituelle ou, si le preneur est une personne morale, l’État membre où est situé l’établissement de cette personne morale auquel le contrat se rapporte ».

5

L’article 32, paragraphe 2, de ladite directive disposait :

« Lorsque le preneur est une personne physique et a sa résidence habituelle dans un État membre autre que celui dont il est ressortissant, les parties peuvent choisir la loi de l’État membre dont il est ressortissant. »

6

L’article 35 de la même directive énonçait :

« 1.   Chaque État membre prescrit que le preneur d’un contrat d’assurance-vie individuelle dispose d’un délai compris entre quatorze et trente jours à compter du moment à partir duquel le preneur est informé que le contrat est conclu pour renoncer aux effets de ce contrat.

La notification par le preneur de sa renonciation au contrat a pour effet de le libérer pour l’avenir de toute obligation découlant de ce contrat.

Les autres effets juridiques et les conditions de la renonciation sont réglés conformément à la loi applicable au contrat, telle que définie à l’article [32], notamment en ce qui concerne les modalités selon lesquelles le preneur est informé que le contrat est conclu.

2.   Les États membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux contrats d’une durée égale ou inférieure à six mois, ni, lorsque, en raison de la situation du preneur d’assurance ou des conditions dans lesquelles le contrat est conclu, le preneur n’a pas besoin de bénéficier de cette protection spéciale. Les États membres indiquent dans leur législation les cas dans lesquels le paragraphe 1 ne s’applique pas. »

7

L’article 36, paragraphe 1, de la directive 2002/83 prévoyait :

« Avant la conclusion du contrat d’assurance, au moins les informations énumérées à l’annexe III, point A, doivent être communiquées au preneur. »

8

Aux termes de l’annexe III, sous A, point a.13., de ladite directive, les « Modalités d’exercice du droit de renonciation » faisaient partie des informations concernant l’engagement qui devaient être communiquées au preneur avant la conclusion du contrat.

Le droit autrichien

9

L’article 165a du Versicherungsvertragsgesetz (loi sur le contrat d’assurance), dans sa version applicable au contrat en cause au principal, dispose :

« (1)   Le preneur a le droit de renoncer aux effets du contrat au cours d’un délai de 30 jours à compter de la conclusion du contrat. Si l’assureur a fourni une couverture provisoire, il a le droit au paiement de la prime au prorata de la durée de couverture.

(2)   Si l’assureur ne s’est pas conformé à l’obligation de communication de son adresse [...], le délai de renonciation visé au paragraphe 1 ne commence à courir qu’à compter de la date à laquelle le preneur a connaissance de cette adresse.

(3)   Les paragraphes qui précèdent ne s’appliquent pas aux contrats de groupes d’assurances ni aux contrats d’une durée maximale de six mois. »

10

L’article 9a du Versicherungsaufsichtsgesetz (loi sur la surveillance des assurances), dans sa version applicable au contrat en cause au principal, prévoit :

« (1)   Lors de la conclusion d’un contrat d’assurance relativement à un risque situé sur le territoire national, le preneur doit recevoir par écrit, avant qu’il ne déclare sa volonté de contracter, des informations concernant :

1. le nom, l’adresse du siège et la forme juridique de la compagnie d’assurances, le cas échéant, également de la succursale par l’intermédiaire de laquelle le contrat d’assurance a été conclu, [...]

[...]

6. les circonstances dans lesquelles le preneur peut révoquer le contrat d’assurance ou renoncer à ses effets. [...]

[...]

(3)   Si, en raison du mode de conclusion du contrat, il n’est pas possible de transmettre une information écrite au preneur avant que celui-ci ne déclare sa volonté de contracter, il est satisfait à l’obligation d’information en communiquant l’information au preneur au plus tard au moment où celui-ci reçoit la police d’assurance.

(4)   Les indications prévues au paragraphe 1, point 1, doivent figurer, dans tous les cas, également dans l’offre d’assurance et dans la police d’assurance ainsi que dans tous les autres documents octroyant une couverture. [...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

11

kunsthaus muerz est une société de droit autrichien. Le 27 avril 2005, elle a conclu, en tant que preneur d’assurance, un contrat d’assurance-vie avec Zürich.

12

Dans le formulaire d’offre, kunsthaus muerz a reçu l’information selon laquelle la renonciation au contrat devait être formulée par écrit.

13

Le 9 octobre 2017, kunsthaus muerz a déclaré renoncer à ce contrat. À ces fins, elle a considéré que cette information était erronée dans la mesure où elle exigeait, pour l’exercice de ce droit, des conditions de forme en réalité non requises par le droit national applicable. Ainsi, une telle information n’ayant pas été en mesure de déclencher le délai de réflexion prévu à l’article 35 de la directive 2002/83, ce délai serait illimité dans le temps.

14

Zürich a rejeté cette déclaration au motif qu’elle n’avait aucune obligation d’informer kunsthaus muerz afin d’enclencher le délai de réflexion. En effet, cette information ne serait prévue que pour le preneur d’assurance ayant la qualité de consommateur et non pour le preneur professionnel.

15

kunsthaus muerz a alors saisi le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche) d’une demande tendant à obtenir la restitution des primes versées ainsi que le paiement d’intérêts légaux au taux annuel de 4 %.

16

Par un arrêt du 13 août 2018, cette juridiction a rejeté cette demande, notamment, au motif que, lorsque le preneur est un entrepreneur, la communication d’une information éventuellement erronée, en ce qui concerne le droit de renonciation, n’est pas susceptible d’entraîner un droit de renonciation sans limitation de durée, car un tel droit illimité de renonciation trouve son fondement dans la réglementation en matière de protection des consommateurs.

17

kunsthaus muerz a interjeté appel de cette décision devant la juridiction de renvoi, faisant valoir, notamment, que le droit de l’Union n’établit aucune distinction explicite entre les preneurs d’assurance selon qu’ils ont ou non la qualité de consommateurs et que, par conséquent, un droit de renonciation devrait être accordé, aux mêmes conditions, à tous les preneurs d’assurance-vie.

18

Zürich est, en revanche, d’avis que, en l’occurrence, le preneur a été correctement informé de son droit de renonciation et que la simple mention d’une obligation de forme écrite pour l’exercice de ce droit – qui, par ailleurs, est favorable au preneur lui-même et sert le principe de sécurité juridique – ne rend pas erronée l’information communiquée. En tout état de cause, lorsque le preneur est un entrepreneur, le délai de renonciation expirerait totalement indépendamment de la communication d’une information en ce sens. En effet, l’esprit et la finalité du droit de renonciation prévu par le droit de l’Union ne viseraient que la protection des consommateurs.

19

La juridiction de renvoi nourrit à cet égard des doutes sur la portée des enseignements à tirer de l’arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864).

20

Dans cet arrêt, la Cour a dit pour droit que l’article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive 90/619/CEE du Conseil, du 8 novembre 1990, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 79/267/CEE (JO 1990, L 330, p. 50), telle que modifiée par la directive 92/96/CEE du Conseil, du 10 novembre 1992 (JO 1992, L 360, p. 1), lu en combinaison avec l’article 31 de la directive 92/96/CEE du Conseil, du 10 novembre 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe sur la vie, et modifiant les directives 79/267/CEE et 90/619/CEE (troisième directive assurance-vie) (JO 1992, L 360, p. 1) – dispositions reprises, en substance, aux articles 35 et 36 de la directive 2002/83 –, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale qui ne reconnaît au preneur d’assurance un droit de renonciation que durant un an, au plus, à compter du versement de la première prime d’assurance, lorsque celui-ci n’a pas été informé de son droit de renonciation.

21

Or, la juridiction de renvoi fait remarquer que, afin de parvenir à cette solution, la Cour s’est appuyée, notamment, sur le considérant 23 de la deuxième directive 90/619, repris, en substance, au considérant 52 de la directive 2002/83, ainsi que sur la jurisprudence concernant le droit de révocation dont dispose tout consommateur conformément à la directive 85/577/CEE du Conseil, du20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO 1985, L 372, p. 31), et notamment sur l’arrêt du 13 décembre 2001, Heininger, (C‑481/99, EU:C:2001:684).

22

En particulier, la Cour aurait pris en compte la circonstance que le preneur se trouve, par rapport à l’entreprise d’assurance, dans une situation de faiblesse analogue à celle dans laquelle se trouve un consommateur dans le cadre de la conclusion d’un contrat conclu en dehors d’un établissement commercial. Cela découlerait du fait que les contrats d’assurance sont des produits financiers juridiquement complexes, susceptibles de différer considérablement selon l’entreprise d’assurance qui les offre et d’impliquer des engagements financiers importants et potentiellement d’une durée très longue.

23

En l’occurrence, kunsthaus muerz n’aurait pas la qualité de « consommateur ». En effet, malgré l’absence en droit de l’Union d’une définition uniforme de la notion de « consommateur », il ressortirait de la majorité des actes en la matière que le consommateur est une personne physique qui intervient sur le marché à des fins qui ne sont ni professionnelles ni commerciales et donc seulement à des fins privées.

24

Dans ces circonstances, l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La directive 2002/83 – notamment ses articles 35 et 36 – doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale prévoyant que le délai de renonciation prend fin, indépendamment de la communication d’une information (exacte) sur le droit de renonciation avant la conclusion du contrat, à l’expiration d’un délai de 30 jours à compter de la conclusion du contrat, (également) lorsque le preneur d’assurance n’est pas un consommateur ? »

Sur la question préjudicielle

25

Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 35 et 36 de la directive 2002/83 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale en vertu de laquelle, également lorsque le preneur d’assurance n’est pas un consommateur, le délai pour l’exercice du droit de renonciation aux effets d’un contrat d’assurance-vie commence à courir à compter de la date à laquelle ce contrat a été conclu, alors même que l’information concernant les modalités d’exercice de ce droit de renonciation transmise par l’entreprise d’assurance au preneur d’assurance indique des exigences de forme en réalité non requises par le droit national applicable audit contrat.

26

Il convient de rappeler, d’emblée, que la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que les articles 35 et 36 de la directive 2002/83 doivent être interprétés en ce sens que le délai pour exercer le droit de renonciation à un contrat d’assurance-vie commence à courir à compter de la date à laquelle le preneur d’assurance est informé que le contrat est conclu, alors même que l’information transmise par l’entreprise d’assurance à ce preneur indique des exigences de forme en réalité non requises par le droit national applicable à ce contrat ou par les clauses contractuelles dudit contrat, pour autant qu’une telle indication ne prive pas les preneurs d’assurance de la possibilité d’exercer leur droit de renonciation en substance dans les mêmes conditions que celles qui auraient prévalu si l’information avait été exacte. Il appartient au juge national d’apprécier, sur la base d’une évaluation globale tenant compte notamment du contexte législatif national et des faits au principal, si l’erreur contenue dans l’information transmise au preneur d’assurance privait celui-ci d’une telle possibilité (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Rust-Hackner e.a., C‑355/18 à C‑357/18 et C‑479/18, EU:C:2019:1123, point 82).

27

Partant, afin de répondre à la question posée, il y a lieu de vérifier si une telle interprétation des articles 35 et 36 de ladite directive dépend de la qualité de consommateur du preneur d’assurance.

28

À cet égard, conformément à une jurisprudence constante, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 19 décembre 2013, Koushkaki, C‑84/12, EU:C:2013:862, point 34, du 16 novembre 2016, Hemming e.a., C‑316/15, EU:C:2016:879, point 27, ainsi que du 25 janvier 2017, Vilkas, C‑640/15, EU:C:2017:39, point 30).

29

Or, il y a lieu de constater, tout d’abord, que ni le libellé desdits articles 35 et 36 ni, par ailleurs, celui du considérant 45 de la directive 2002/83, qui annonce le droit de renonciation consacré à l’article 35 de celle-ci, n’opèrent de distinction parmi les preneurs d’assurance selon qu’ils sont ou non des consommateurs.

30

Il convient, ensuite, de relever que la juridiction de renvoi considère que kunsthaus muerz ne peut être qualifiée de « consommateur » dans la mesure où elle est une personne morale et que seules les personnes physiques peuvent bénéficier de cette qualification. Or, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la portée de la notion de « consommateur » en droit de l’Union, il suffit, pour répondre à la question posée, de souligner que, en tout état de cause, il résulte du contexte dans lequel s’inscrit l’article 35 de la directive 2002/83 que le preneur d’assurance, au sens de cette disposition, peut être tant une personne physique qu’une personne morale.

31

En effet, d’une part, l’article 1er, paragraphe 1, sous g), de cette directive, définit l’« État membre de l’engagement » comme étant « l’État membre où le preneur a sa résidence habituelle ou, si le preneur est une personne morale, l’État membre où est situé l’établissement de cette personne morale auquel le contrat se rapporte ».

32

D’autre part, selon l’article 32, paragraphe 2, de ladite directive, ce n’est que lorsque le preneur est une personne physique et a sa résidence habituelle dans un État membre autre que celui dont il est ressortissant que les parties peuvent choisir la loi de l’État membre dont il est ressortissant.

33

Par ailleurs, l’article 35, paragraphe 2, de ladite directive accorde aux États membres la possibilité de limiter cette protection « lorsque, en raison de la situation du preneur d’assurance ou des conditions dans lesquelles le contrat est conclu, le preneur n’a pas besoin de bénéficier de [ladite] protection spéciale ». Ainsi, la protection prévue par la directive s’étend nécessairement à toute catégorie de preneurs d’assurance, excepté si les États membres se prévalent de cette possibilité, par exemple en excluant ladite protection pour des preneurs professionnels. Cependant, conformément à ce paragraphe 2, une telle limitation devrait être prévue par la loi nationale applicable au contrat, ce que, en l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier au regard du droit autrichien.

34

Enfin, cette interprétation des articles 35 et 36 de la directive 2002/83 est confirmée par les finalités de celle-ci, énoncées, notamment, aux considérants 2 et 5 de cette directive, aux termes desquels cette dernière vise à assurer une protection adéquate des assurés et des bénéficiaires dans tous les États membres et à contribuer à permettre à tous les preneurs d’assurance de faire appel à tout assureur ayant son siège social dans l’Union européenne.

35

En effet, le fait de distinguer les assurés en fonction de leurs caractéristiques personnelles, et, notamment, selon qu’ils possèdent ou non la qualité de « consommateurs », irait à l’encontre desdites finalités, car cela impliquerait une limitation de la protection assurée par la directive 2002/83.

36

Ladite interprétation des articles 35 et 36 de la directive 2002/83 ne saurait, contrairement aux observations de Zürich, être remise en cause par la circonstance que le considérant 52 de cette directive utilise le terme « consommateur ». En effet, rien dans ce considérant ne permet de conclure que la nécessité d’information concernant le droit de renonciation s’applique exclusivement au preneur d’assurance ayant la qualité de consommateur.

37

Il en va de même pour les références aux consommateurs faites par la Cour dans son arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864), afin de juger que, dès lors que le preneur d’assurance n’a reçu aucune information concernant l’existence du droit de renonciation, le délai de forclusion prévu pour l’exercice de ce droit ne peut commencer à courir.

38

Certes, pour parvenir à cette conclusion, la Cour, d’une part, s’est appuyée sur le considérant 23 de la directive 90/619, correspondant, en substance, au considérant 52 de la directive 2002/83, et, d’autre part, a transposé aux dispositions en matière d’assurance les considérations énoncées dans l’arrêt du 13 décembre 2001, Heininger (C‑481/99, EU:C:2001:684), qui a pour objet un renvoi préjudiciel portant sur les dispositions de la directive 85/577, concernant la protection des consommateurs dans les cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (voir également, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Rust-Hackner e.a., C‑355/18 à C‑357/18 et C‑479/18, EU:C:2019:1123, point 63).

39

Toutefois, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 28 et 29 de l’arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864), la comparaison entre les preneurs d’assurance et les consommateurs opérée par la Cour dans ce dernier arrêt est seulement fondée sur l’existence d’éléments communs à leur situation contractuelle, à savoir les risques liés à la conclusion d’un contrat d’assurance en l’absence d’une information conforme aux exigences prévues par le droit de l’Union ainsi que la situation de faiblesse dans laquelle se trouve le preneur d’assurance par rapport à l’assureur, compte tenu, d’une part, de la nature de produits financiers juridiquement complexes des contrats d’assurance et, d’autre part, des engagements financiers importants et potentiellement d’une très longue durée impliqués par ces contrats. Il ne saurait être considéré que ces éléments ne puissent exister au regard de preneurs d’assurance n’ayant pas la qualité de consommateurs.

40

Cela étant, la circonstance que le preneur d’assurance ait ou non cette qualité, doit être prise en considération par le juge national lorsque celui-ci, comme il a été rappelé au point 26 du présent arrêt, apprécie, sur la base d’une évaluation globale tenant compte, notamment, du contexte législatif national et des faits au principal, si l’erreur contenue dans l’information transmise au preneur d’assurance privait celui-ci de la possibilité d’exercer son droit de renonciation, en substance, dans les mêmes conditions que celles qui auraient prévalu si l’information avait été exacte.

41

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que les articles 35 et 36 de la directive 2002/83 doivent être interprétés en ce sens qu’ils sont également applicables à un preneur d’assurance n’ayant pas la qualité de consommateur et qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale en vertu de laquelle le délai pour l’exercice du droit de renonciation aux effets d’un contrat d’assurance-vie commence à courir à compter de la date à laquelle ce contrat a été conclu, alors même que l’information concernant les modalités d’exercice de ce droit de renonciation transmise par l’entreprise d’assurance à ce preneur indique des exigences de forme en réalité non requises par le droit national applicable à ce contrat, pour autant qu’une telle information ne prive pas ce preneur de la possibilité d’exercer ledit droit, en substance dans les mêmes conditions que celles qui auraient prévalu si l’information avait été exacte. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, sur la base d’une évaluation globale tenant compte notamment du contexte législatif national et des faits au principal, y compris de l’éventuelle qualité de consommateur du preneur, si l’erreur contenue dans l’information transmise au preneur d’assurance privait celui-ci d’une telle possibilité.

Sur les dépens

42

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

Les articles 35 et 36 de la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 novembre 2002, concernant l’assurance directe sur la vie, doivent être interprétés en ce sens qu’ils sont également applicables à un preneur d’assurance n’ayant pas la qualité de consommateur et qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale en vertu de laquelle le délai pour l’exercice du droit de renonciation aux effets d’un contrat d’assurance-vie commence à courir à compter de la date à laquelle ce contrat a été conclu, alors même que l’information concernant les modalités d’exercice de ce droit de renonciation transmise par l’entreprise d’assurance à ce preneur indique des exigences de forme en réalité non requises par le droit national applicable à ce contrat, pour autant qu’une telle information ne prive pas ce preneur de la possibilité d’exercer ledit droit, en substance dans les mêmes conditions que celles qui auraient prévalu si l’information avait été exacte. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, sur la base d’une évaluation globale tenant compte notamment du contexte législatif national et des faits au principal, y compris de l’éventuelle qualité de consommateur du preneur, si l’erreur contenue dans l’information transmise au preneur d’assurance privait celui-ci d’une telle possibilité.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.