CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 15 avril 2021 ( 1 )

Affaire C‑650/19 P

Vialto Consulting Kft.

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Recours en indemnité – Responsabilité non contractuelle – Instrument d’aide à la préadhésion – Gestion décentralisée – Enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) – Contrôles sur place – Règlement (Euratom, CE) no 2185/96 – Article 7 – Accès aux données informatiques – Expertise technico-légale numérique – Protection de la confiance légitime – Droit d’être entendu – Préjudice moral »

I. Introduction

1.

Par son pourvoi, Vialto Consulting Kft. (ci‑après « Vialto » ou « la requérante ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 juin 2019, Vialto Consulting/Commission (T‑617/17, non publié, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:446). Par cet arrêt, le Tribunal a rejeté son recours tendant à la réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait d’un comportement prétendument illégal de la Commission européenne et de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) dans le cadre de son exclusion du contrat de prestation de services portant la référence TR2010/0311.01‑02/001.

2.

Le présent pourvoi soulève une question importante en ce qui concerne la manière dont l’OLAF effectue ses enquêtes externes et, plus précisément, les limites des expertises technico-légales numériques. Il offre aussi l’occasion de clarifier, d’une part, l’incidence des engagements pris par l’OLAF au début d’un contrôle sur place au regard du principe de protection de la confiance légitime et, d’autre part, la portée du droit d’être entendu dans une procédure impliquant plusieurs autorités, telles que l’OLAF, la Commission et une autorité nationale.

3.

L’importance que revêt l’arrêt de la Cour dans la présente procédure de pourvoi pour la pratique administrative future de l’OLAF dans la conduite d’enquêtes externes ne saurait donc être sous-estimée. En premier lieu, toutefois, avant d’examiner les questions juridiques qui se posent ainsi dans le cadre de ce pourvoi, il convient de se pencher sur le cadre juridique pertinent.

II. Le cadre juridique

A. Le règlement (Euratom, CE) no 2185/96

4.

L’article 4 du règlement (Euratom, CE) no 2185/96 du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités ( 2 ) prévoit :

« Les contrôles et vérifications sur place sont préparés et conduits par la Commission en collaboration étroite avec les autorités compétentes de l’État membre concerné, qui sont informées en temps utile de l’objet, du but et de la base juridique des contrôles et vérifications, de manière à pouvoir apporter toute l’aide nécessaire. À cet effet, les agents de l’État membre concerné peuvent participer aux contrôles et vérifications sur place.

En outre, si l’État membre concerné le souhaite, les contrôles et vérifications sur place sont effectués conjointement par la Commission et les autorités compétentes de celui‑ci. »

5.

L’article 7 du règlement no 2185/96 précise ce que les contrôleurs de la Commission peuvent faire dans le cadre des contrôles et vérifications sur place qu’ils effectuent. Aux termes de cette disposition :

« 1.   Les contrôleurs de la Commission ont accès, dans les mêmes conditions que les contrôleurs administratifs nationaux et dans le respect des législations nationales, à toutes les informations et à la documentation relatives aux opérations concernées qui s’avèrent nécessaires au bon déroulement des contrôles et vérifications sur place. Ils peuvent utiliser les mêmes moyens matériels de contrôle que les contrôleurs administratifs nationaux et notamment prendre copie des documents appropriés.

Les contrôles et vérifications sur place peuvent notamment concerner :

les livres et documents professionnels tels que factures, cahiers des charges, feuilles de paie, bons d’attachement, extraits de comptes bancaires détenus par les opérateurs économiques,

les données informatiques,

les systèmes et les méthodes de production, d’emballage et d’expédition,

le contrôle physique de la nature et du volume des marchandises ou des actions menées,

le prélèvement et la vérification d’échantillons,

l’état d’avancement des travaux et des investissements financés, l’utilisation et l’affectation des investissements menés à terme,

les documents budgétaires et comptables,

l’exécution financière et technique de projets subventionnés.

2.   En cas de besoin, il appartient aux États membres, à la demande de la Commission, de prendre les mesures conservatoires appropriées prévues par la législation nationale, notamment pour sauvegarder les éléments de preuve. »

B. Le règlement (CE) no 718/2007

6.

L’article 10, paragraphe 1, du règlement (CE) no 718/2007 de la Commission, du 12 juin 2007, portant application du règlement (CE) no 1085/2006 du Conseil établissant un instrument d’aide de préadhésion (IAP) ( 3 ) prévoit :

« Sauf dispositions contraires dans les paragraphes 2, 3 et 4, la gestion décentralisée, par laquelle la Commission confie la gestion de certaines actions au pays bénéficiaire, tout en conservant la responsabilité finale de l’exécution du budget général, conformément à l’article 53 quater du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 [du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1)] et aux dispositions pertinentes des traités CE, s’applique à la mise en œuvre de l’aide au titre du règlement IAP. »

7.

L’article 21, paragraphe 1, du règlement no 718/2007 prévoit :

« Le pays bénéficiaire nomme les instances et autorités suivantes :

[...]

f)

une structure d’exécution par volet ou programme IAP ;

[...] »

8.

L’article 28, paragraphes 1 et 2, du règlement no 718/2007, intitulé « Fonctions et responsabilités de la structure d’exécution », prévoit :

« 1.   Pour chaque volet ou programme IAP, une structure d’exécution est établie, afin de gérer et mettre en œuvre l’aide au titre du règlement IAP.

La structure d’exécution est une instance ou un ensemble d’instances relevant de l’administration du pays bénéficiaire.

2.   La structure d’exécution est chargée de la gestion et de la mise en œuvre du ou des programmes concernés, conformément au principe de bonne gestion financière. [...] »

C. Le règlement (UE, Euratom) no 883/2013

9.

L’article 3 du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil ( 4 ) concerne les enquêtes externes effectuées par l’OLAF. Il prévoit :

« 1.   L’[OLAF] exerce la compétence conférée à la Commission par le [règlement no 2185/96] pour effectuer les contrôles et vérifications sur place dans les États membres et, conformément aux accords de coopération et d’assistance mutuelle et à tout autre instrument juridique en vigueur, dans les pays tiers et auprès d’organisations internationales.

[...]

2.   En vue d’établir l’existence d’une fraude, d’un acte de corruption ou de toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, en liaison avec une convention ou décision de subvention ou un contrat concernant un financement de l’Union, l’[OLAF] peut procéder, conformément aux dispositions et procédures prévues par le [règlement no 2185/96], à des contrôles et vérifications sur place auprès d’opérateurs économiques.

3.   Le personnel de l’[OLAF] agit, au cours des contrôles et vérifications sur place, sous réserve de la législation de l’Union en vigueur, conformément aux règles et pratiques en vigueur dans l’État membre concerné et aux garanties de procédure prévues dans le présent règlement.

À la demande de l’[OLAF], l’autorité compétente de l’État membre concerné prête l’assistance nécessaire au personnel de l’[OLAF] pour lui permettre d’exécuter efficacement ses tâches, spécifiées dans l’habilitation écrite visée à l’article 7, paragraphe 2. Si cette assistance requiert l’autorisation d’une autorité judiciaire conformément à la réglementation nationale, cette autorisation est demandée.

L’État membre concerné veille, conformément au [règlement no 2185/96], à ce que le personnel de l’[OLAF] puisse avoir accès, dans les mêmes conditions que ses autorités compétentes et dans le respect de la législation nationale, à toutes les informations et à la documentation relatives aux faits faisant l’objet de l’enquête qui s’avèrent nécessaires à l’exécution efficace et efficiente des contrôles et vérifications sur place.

[...] »

D. Les lignes directrices destinées au personnel de l’OLAF concernant les procédures technico-légales numériques

10.

Les lignes directrices destinées au personnel de l’OLAF concernant les procédures technico-légales numériques (ci‑après les « lignes directrices de l’OLAF ») sont des règles internes que l’OLAF a adoptées et que son personnel est tenu d’observer en ce qui concerne l’identification, l’acquisition, l’imagerie, la collecte, l’analyse et la préservation de preuves numériques. Elles visent à mettre en œuvre, entre autres, l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 et sont consultables sur le site Internet de l’OLAF.

11.

L’article 4 des lignes directrices de l’OLAF est intitulé « La conduite d’une expertise technico-légale numérique – procédure générale » (traduction libre). Il dispose :

« [...]

4.3.   Au début de l’expertise technico-légale numérique, le DES [(agent spécialiste de la preuve numérique de l’OLAF)] : 1) prend note de tous les supports numériques qui feront l’objet de l’expertise technico-légale, ainsi que de l’environnement et de l’agencement physiques, et les photographient ; 2) dresse un inventaire des supports numériques. L’inventaire devrait être inclus dans le “Rapport de l’expertise technico-légale numérique” en y joignant les photographies.

4.4.   D’une manière générale, le DES devrait procéder à une acquisition technico-légale numérique complète des dispositifs mentionnés au point 4.3. Si cela est possible, le DES et l’enquêteur examinent préalablement ensemble ces dispositifs afin de déterminer s’ils sont susceptibles de contenir des données potentiellement pertinentes aux fins de l’enquête et si une acquisition technico-légale partielle peut être appropriée. Si tel est le cas, le DES peut, au lieu de cela, procéder à une acquisition technico-légale partielle des données. Une description succincte des contenus et le numéro de référence du dossier ajouté par le DES sont enregistrés pendant l’acquisition de l’image technico‑légale numérique.

[...] » [Traduction libre]

12.

L’article 8 des lignes directrices de l’OLAF est intitulé « L’examen des données collectées au cours d’une expertise technico‑légale numérique » (traduction libre). Aux termes de cet article :

« 8.1.   Dès son retour de l’expertise technico-légale numérique, le DES crée deux copies de sauvegarde de l’image technico-légale numérique sur bande magnétique et les place dans des enveloppes scellées avec des numéros d’identification uniques. [...]

8.2.   Le DES transfère l’image technico-légale numérique sur le serveur technico-légal de fichiers situé dans le laboratoire technico-légal. Le fichier ainsi transféré devient le dossier technico-légal de travail. Le DES devrait informer l’enquêteur dès que le dossier technico-légal de travail est prêt.

[...]

8.4.   Lorsque le dossier technico-légal de travail est disponible, l’enquêteur lance les demandes écrites par le module de demande de renseignements CMS pour indexer ce dossier et, le cas échéant, obtenir l’aide du DES ou de l’analyste opérationnel en vue d’identifier les données pertinentes aux fins de l’enquête. Cette dernière demande devrait exposer l’objectif de la recherche et le type d’éléments et/ou de preuve recherché par l’enquêteur. En réponse à la demande écrite de l’enquêteur et en liaison avec celui‑ci, le DES extrait du dossier technico-légal numérique de travail les données correspondant aux critères de recherche pour un accès par l’enquêteur en mode “consultation seulement”.

8.5.   La recherche d’éléments de preuve potentiels est un processus dynamique et elle peut impliquer plusieurs itérations successives. Le processus de recherche pourrait inclure la recherche de traces de données supprimées dans un espace non alloué, l’indication de mots-clés à rechercher ou encore des recherches plus complexes telles que des recherches par expressions spéciales ou par chronologie.

8.6.   Sur les indications du DES, l’enquêteur identifie les informations potentiellement pertinentes en utilisant les moyens du laboratoire technico-légal. L’enquêteur peut également demander au DES d’imprimer les fichiers pertinents ou d’en faire une copie électronique, qui devrait être jointe au dossier CMS concerné. Tout transfert de données de cet ordre, du laboratoire technico‑légal à l’enquêteur, doit être consigné dans le module de demande de renseignements CMS afin que l’historique de conservation des preuves soit préservé.

8.7.   À la fin de l’examen du dossier technico-légal numérique de travail se rapportant à la demande de renseignements lancée par l’enquêteur, le DES établit un “Rapport d’examen technico-légal numérique” résumant les résultats des actions technico-légales entreprises et répertoriant les informations fournies à l’enquêteur. Ce rapport doit être joint au dossier CMS concerné.

8.8.   À la fin de l’analyse, l’analyste opérationnel établit un “Rapport d’analyse opérationnelle” des données tirées du dossier technico‑légal numérique de travail et des résultats obtenus. Ce rapport doit être joint au dossier CMS concerné. » [Traduction libre]

III. Les antécédents du litige

13.

Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 23 de l’arrêt attaqué. Ils peuvent être résumés comme suit.

14.

Vialto est une société de droit hongrois qui fournit des services de conseil à des entreprises et à des entités appartenant aux secteurs privé et public.

15.

Le 22 avril 2011, la Commission européenne a conclu une convention de financement avec la République de Turquie sous le régime de la gestion décentralisée avec contrôle ex ante, qui s’inscrivait dans le cadre du programme national en faveur de la République de Turquie au titre du volet « aide à la transition et renforcement des institutions » de l’instrument d’aide de préadhésion (IAP) prévu dans le règlement (CE) no 1085/2006 du Conseil, du 17 juillet 2006, établissant un instrument d’aide de préadhésion (IAP) ( 5 ). La Central Finance and Contracts Unit (CFCU) (Unité centrale de financement et de passation de marchés) a été désignée en tant que structure d’exécution au sens de l’article 21 du règlement no 718/2007.

16.

Le 17 décembre 2013, un appel à la concurrence pour un marché à passer par procédure restreinte et portant sur la fourniture de services de contrôle de qualité externe dans le cadre du projet TR2010/0311.01 « Numérisation du système d’identification des parcelles agricoles » (ci‑après le « projet en cause ») a été publié au Supplément du Journal officiel de l’Union européenne (JO 2013/S 244‑423607) sous la référence EuropeAid/132338/D/SER/TR. L’appel à la concurrence avait pour but de conclure un contrat d’une durée initiale de 26 mois et d’un budget maximal de 4500000 euros. Le pouvoir adjudicateur désigné dans l’appel à la concurrence était la CFCU.

17.

Le 19 septembre 2014, le marché correspondant à l’appel à la concurrence en cause a été attribué à un consortium coordonné par Agrotec SpA (ci‑après le « consortium ») et composé de cinq participants, parmi lesquels la requérante. Le consortium a signé avec la CFCU le contrat de prestation de services portant la référence TR2010/0311.01‑02/001 (ci‑après le « contrat en cause »).

18.

À la suite de l’ouverture d’une enquête en raison de soupçons d’actes de corruption ou de fraude commis dans le cadre du projet en cause, sur le fondement de l’article 3 du règlement no 883/2013, l’OLAF a décidé de procéder à des contrôles et à des vérifications dans les locaux de la requérante (ci‑après le « contrôle sur place »).

19.

Le 7 avril 2016, l’OLAF a délivré deux mandats désignant les agents chargés d’effectuer un contrôle sur place et une expertise technico-légale numérique. Aux termes de ces mandats, le but du contrôle sur place était de rassembler les preuves détenues par la requérante de son implication éventuelle dans les actes de corruption et de fraude qui auraient été commis dans le cadre du projet en cause. Le but de l’expertise technico-légale numérique était d’obtenir, notamment, des images technico-légales numériques de tous les appareils numériques de la requérante utilisés pour la gestion du projet en cause, tels que les ordinateurs de bureau, les ordinateurs portables, les tablettes, les dispositifs de stockage externes ou portables, les téléphones mobiles et tous autres appareils pouvant être pertinents aux fins de l’enquête, des serveurs d’échange de données et d’échange de fichiers, de la correspondance électronique de la direction et des employés de la requérante, des boîtes fonctionnelles de courrier électronique qui pouvaient être pertinents aux fins de l’enquête.

20.

Le contrôle sur place et l’expertise technico-légale numérique ont été réalisés du 12 au 14 avril 2016. Un rapport de chaque journée de contrôle a été dressé par l’OLAF. Il a été relevé dans le rapport relatif à la journée du 14 avril 2016 que la requérante avait refusé de fournir certaines informations à l’OLAF. La requérante a signé chacun des rapports, le cas échéant en formulant des commentaires.

21.

Par lettre du 6 mai 2016, la requérante a saisi l’OLAF d’une plainte par laquelle elle a contesté et commenté certains éléments contenus dans les rapports susmentionnés. En particulier, elle a affirmé qu’elle n’était tenue de coopérer avec l’OLAF que dans la limite de l’objet de l’enquête menée par celui‑ci, à savoir le financement du projet en cause, et que, par conséquent, elle n’était obligée de mettre à la disposition de l’OLAF que des informations relatives à l’objet de cette enquête. En outre, elle a demandé à l’OLAF de prendre les mesures appropriées par rapport aux manquements aux garanties procédurales commis par ses agents lors du contrôle sur place. L’OLAF a accusé réception de cette plainte le 18 mai 2016.

22.

Par lettre du 8 juillet 2016, l’OLAF a répondu à la plainte de la requérante. Après avoir résumé les griefs de cette dernière et rappelé l’étendue de ses pouvoirs d’enquête, il a fait valoir que ses enquêteurs avaient le droit de réaliser des images technico-légales numériques des disques durs de la requérante et qu’il avait mis fin au contrôle sur place en raison d’un défaut de coopération de celle‑ci. D’une part, la requérante ne l’avait pas autorisé à emporter une copie des informations présélectionnées ni, par conséquent, des images technico-légales numériques réalisées et, d’autre part, elle n’avait pas fourni les informations financières demandées. L’OLAF a ajouté que l’article 339 TFUE et l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 883/2013 garantissaient la confidentialité des informations collectées. Il en a conclu, premièrement, que ses agents avaient mené le contrôle sur place dans la limite de leurs pouvoirs et, deuxièmement, que la protection des secrets d’affaires de la requérante ne constituait pas une raison légitime pouvant faire obstacle à leurs investigations. Il en a déduit qu’aucun manquement aux droits procéduraux de la requérante n’avait été commis lors du contrôle sur place.

23.

Par lettre du 14 septembre 2016, l’OLAF a informé la requérante qu’elle était considérée comme une personne concernée par l’enquête portant sur les soupçons de corruption ou de fraude concernant le projet en cause. Il a alors invité la requérante à présenter ses observations dans un délai de 10 jours.

24.

Par lettre du 23 septembre 2016, la requérante a présenté à l’OLAF ses observations et a affirmé avoir eu un comportement conforme aux règles applicables et respecté toutes les conditions d’un accès légitime de l’OLAF à ses données. Elle s’est dite prête à continuer à coopérer avec l’OLAF et à lui donner accès à toute donnée pertinente pouvant être collectée aux fins de l’enquête menée par celui‑ci.

25.

Par lettre du 29 septembre 2016, la CFCU a informé Agrotec du contrôle sur place dans les locaux de la requérante et du fait que cette dernière n’avait pas consenti à donner à l’OLAF accès à certaines informations demandées par ce dernier pour mener à bien son enquête. Elle a ajouté que l’OLAF considérait que, par son comportement, la requérante avait violé l’article 25 des conditions générales applicables au contrat en cause (ci‑après les « conditions générales ») et qu’il examinait la situation avec les services compétents de la Commission. Enfin, faisant valoir que, selon les conditions générales, Agrotec était son unique interlocuteur pour toutes les questions contractuelles et financières, la CFCU a informé cette société que, en conséquence, elle suspendait le paiement des factures présentées par celle‑ci, au moins jusqu’à la clôture de l’enquête de l’OLAF.

26.

Le 30 septembre 2016, Agrotec a transmis à la requérante la lettre de la CFCU reçue la veille. Elle a invitée Vialto à clarifier immédiatement avec l’OLAF la situation dans laquelle elle se trouvait et à l’informer, ainsi que les autres membres du consortium, de l’existence de tout manquement de sa part qui aurait conduit à l’ouverture de l’enquête de l’OLAF. Agrotec a ajouté qu’elle se réservait le droit d’adopter les mesures nécessaires, notamment auprès de la CFCU, pour protéger ses intérêts des actes incompatibles avec leur partenariat que la requérante aurait commis.

27.

Par lettre du 4 octobre 2016, la requérante a informé Agrotec de l’état de l’enquête de l’OLAF à son égard et lui a transmis la correspondance qu’elle avait échangée avec ce dernier. En outre, elle lui a fait part des raisons pour lesquelles elle considérait que la CFCU n’était pas fondée, au regard des conditions générales, à décider de suspendre les paiements relatifs au contrat en cause.

28.

Par lettre du 6 octobre 2016, la CFCU a fait savoir à Agrotec que l’OLAF l’avait informée de l’enquête qu’il menait et que, dès lors que les mesures à prendre à l’égard de la requérante n’étaient pas encore arrêtées, la Commission lui avait recommandé de suspendre tous les paiements à l’égard du consortium jusqu’à la fin de l’enquête de l’OLAF.

29.

Par lettre du 13 octobre 2016, la direction générale « Voisinage et négociations d’élargissement » de la Commission (ci‑après la « DG “Élargissement” ») a informé la CFCU du refus de la requérante, contrevenant à l’article 25 des conditions générales, de coopérer à l’enquête menée par l’OLAF et l’a invitée à prendre les mesures nécessaires en application desdites conditions générales et, à cet égard, à envisager comme l’une des mesures possibles la suspension de l’exécution du contrat en cause ou de la partie dudit contrat à exécuter par la requérante, sur le fondement des articles 25 et 35 des conditions générales. Elle a ajouté qu’elle considérait que les montants payés à la requérante dans le cadre du contrat en cause n’étaient pas éligibles au financement par le budget de l’Union et a invité la CFCU à déterminer exactement ces montants.

30.

Par lettre du 9 novembre 2016, l’OLAF a informé la requérante de la clôture de son enquête, de la transmission de son rapport d’enquête final à la DG « Élargissement » et des recommandations qu’il a faites à celle‑ci de prendre les mesures appropriées afin de garantir l’application des procédures et des sanctions qui découlent de la violation grave par la requérante des conditions générales.

31.

Par lettre du 11 novembre 2016, la CFCU a informé Agrotec de la clôture de l’enquête de l’OLAF et de la conclusion de ce dernier selon laquelle la requérante avait violé l’article 25 des conditions générales. La CFCU a également informé Agrotec de sa décision d’exclure la requérante du contrat en cause, dans tous ses aspects, et de poursuivre l’exécution dudit contrat, au lieu de la suspendre totalement, comme le lui avait recommandé, comme l’une des mesures possibles, la DG « Élargissement ». En conséquence, la CFCU a demandé à Agrotec de mettre immédiatement fin aux activités de la requérante à compter du 11 novembre 2016 et d’entreprendre les démarches nécessaires au retrait de cette dernière du consortium, à savoir la rédaction d’un addendum au contrat en cause.

32.

Le 17 novembre 2016 a été signé entre Agrotec et les membres du consortium, excepté la requérante, un addendum à l’accord de coopération conclu entre eux, ayant pour objet d’établir une nouvelle répartition du travail entre ces membres. Par courrier du 5 décembre 2016 adressé à la CFCU, la requérante a contesté son exclusion du contrat en cause. La CFCU a rejeté les arguments de la requérante par lettre du 10 janvier 2017. Le 13 décembre 2016 a été signé entre la CFCU et Agrotec un addendum au contrat en cause ayant pour objet de retirer la requérante de la liste des membres du consortium et d’en tirer les conséquences, notamment sur le plan financier.

33.

Par lettre du 6 janvier 2017, la CFCU a informé Agrotec que le montant correspondant à la participation de la requérante à l’exécution du contrat en cause s’élevait à 182350,75 euros et que ce montant était, en raison de la violation par la requérante de ses obligations contractuelles, inéligible au financement par le budget de l’Union.

IV. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

34.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2017, Vialto a formé un recours tendant à obtenir la condamnation de la Commission à lui verser les sommes, à majorer des intérêts, de 320944,56 euros en réparation du préjudice matériel et de 150000 euros en réparation du préjudice moral que lui aurait causé le comportement illégal de la Commission et de l’OLAF dans le cadre de son exclusion du contrat en cause.

35.

À l’appui de cette demande, Vialto a soulevé deux moyens concernant l’illégalité du comportement de l’OLAF, tirés, quant au premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 et, quant au second, d’une violation du droit à une bonne administration, du principe de non‑discrimination, du principe de proportionnalité et du principe de protection de la confiance légitime. En outre, Vialto a présenté un grief concernant l’illégalité du comportement de la Commission, tiré d’une violation du droit d’être entendu.

36.

Lors de l’audience qui s’est déroulée devant le Tribunal, Vialto a renoncé à sa demande d’indemnisation du préjudice matériel et a réduit le montant demandé en réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi à la somme de 25000 euros, à majorer des intérêts.

37.

Par l’arrêt attaqué, après avoir constaté que la Commission avait contesté sa compétence à tort et, pour ce motif, la recevabilité du recours, le Tribunal a rejeté tous les griefs soulevés par Vialto concernant l’illégalité du comportement de l’OLAF et de la Commission, et donc le recours dans son ensemble.

38.

Tout d’abord, le Tribunal a jugé que les données auxquelles les agents de l’OLAF avaient demandé accès en l’espèce pouvaient être considérées comme pertinentes pour l’enquête de celui‑ci et que la réalisation d’images technico‑légales numériques relevait des pouvoirs conférés à la Commission par l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96. Il a alors considéré que, en demandant à Vialto de pouvoir accéder à ces données en vue de leur analyse, les agents de l’OLAF n’avaient commis aucune violation de cette disposition.

39.

Ensuite, le Tribunal a écarté les arguments de Vialto relatifs à la violation, par l’OLAF, du droit à une bonne administration, du principe de non‑discrimination, du principe de proportionnalité et du principe de protection de la confiance légitime. En ce qui concerne ce dernier principe, après avoir rappelé les conditions qui doivent être remplies pour qu’un justiciable puisse s’en prévaloir, le Tribunal a constaté que, en l’espèce, c’était à la suite du refus de Vialto de faire droit aux demandes légitimes de collecte de données formulées par les agents de l’OLAF que ceux‑ci avaient consenti à déroger à la procédure prévue par les lignes directrices de l’OLAF en ce qui concerne le lieu d’obtention et de traitement des données ainsi que le support utilisé à cette fin.

40.

Enfin, le Tribunal a écarté le grief de Vialto concernant la violation, par la Commission, de son droit d’être entendue, et ce en considérant, premièrement, que Vialto avait présenté ses observations sur le contrôle sur place par les lettres qu’elle a adressées à l’OLAF et, deuxièmement, que la décision d’exclure Vialto du contrat en cause avait été prise par la CFCU, sans que cette dernière ait été liée par une déclaration en ce sens de la DG « Élargissement ».

V. Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

41.

Par son pourvoi, Vialto demande qu’il plaise à la Cour :

annuler l’arrêt attaqué ;

condamner la Commission aux dépens de la présente procédure et de la procédure devant le Tribunal.

42.

Vialto précise qu’elle s’en remet à la sagesse de la Cour pour décider, au cas où elle annulerait l’arrêt attaqué, de renvoyer ou non l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue.

43.

La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

rejeter le pourvoi comme étant non fondé ;

condamner Vialto aux dépens.

VI. Sur le pourvoi

44.

À l’appui du pourvoi, la requérante soulève trois moyens.

45.

Tout d’abord, par le premier moyen, Vialto allègue que le Tribunal a dénaturé plusieurs faits et commis des erreurs de droit dans son application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96. Ensuite, par le deuxième moyen, Vialto soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et n’a pas motivé suffisamment sa décision concernant la méconnaissance alléguée du principe de protection de la confiance légitime. Enfin, par le troisième moyen, Vialto fait valoir une dénaturation des faits et des erreurs de droit en ce qui concerne la méconnaissance du droit d’être entendu. Je me propose à présent d’examiner, l’un après l’autre, chacun de ces moyens.

A. Sur le premier moyen, tiré de la dénaturation des faits et des erreurs de droit en ce qui concerne la violation alléguée de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 par l’OLAF

1.   Argumentation des parties

46.

Par le premier moyen, la requérante se réfère aux points 74, 75, 77, 79, 80 et 83 de l’arrêt attaqué et affirme que ces points sont entachés d’une dénaturation de plusieurs faits et d’erreurs de droit, en ce que le Tribunal a jugé que l’OLAF n’a pas violé l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96. Ce premier moyen est divisé, en substance, en trois branches.

a)   Sur la première branche (point 80 de l’arrêt attaqué)

47.

Par la première branche du premier moyen, la requérante expose que le Tribunal a dénaturé les faits de deux manières et qu’il a ainsi commis une erreur de droit.

48.

En premier lieu, elle soutient que la procédure engagée contre la Commission ne portait pas sur la validité de la demande de l’OLAF d’avoir accès aux données énumérées par le Tribunal au point 71 de l’arrêt attaqué, mais bien sur la validité de la demande de l’OLAF d’être autorisé à collecter, c’est-à-dire retirer et emporter, des éléments qui ne présentaient aucun lien avec l’enquête. Partant, le Tribunal a apprécié les faits de façon erronée et s’est prononcé sur une question qui n’a jamais été soulevée dans le cadre de la présente affaire, à savoir le droit de mener une enquête sur les données de l’entreprise faisant l’objet de l’enquête, au lieu d’examiner le droit de collecter des données étrangères à l’objet de l’enquête. En deuxième lieu, la requérante fait valoir en outre que cette confusion a donné lieu à une erreur de droit, étant donné que le Tribunal aurait dû interpréter l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 en ce sens qu’il confère non pas un droit d’enquête très étendu s’appliquant à toutes les données couvertes par cette disposition, mais plutôt un droit qui se limiterait seulement à pouvoir collecter des données en lien avec l’objet de l’enquête. En troisième lieu, contrairement à ce qui est indiqué au point 80 de l’arrêt attaqué, Vialto a effectivement accordé à l’OLAF l’accès aux 7 catégories de données énumérées au point 71 de cet arrêt, c’est‑à‑dire le droit d’enquêter sur ces catégories de données.

49.

La Commission partage le raisonnement du Tribunal et considère qu’il découle du libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, qui prévoit expressément l’accès et la copie des données, que la réalisation et le transport d’images numériques dans les locaux de l’OLAF relèvent des pouvoirs de la Commission.

50.

Selon la Commission, le Tribunal a parfaitement compris l’objet du litige et a examiné si l’OLAF avait demandé de façon légale à pouvoir collecter, aux fins de son enquête, les données litigieuses. Premièrement, la Commission considère que Vialto établit une distinction arbitraire entre l’accès à des données et la collecte de données. Dans le cadre d’une analyse technico-légale numérique, une telle distinction est impossible et erronée. En effet, pour avoir un effet utile, un accès de cet ordre requiert la collecte des données concernées en vue de leur traitement au moyen d’un logiciel spécifique. Ce n’est qu’à l’issue de ces différentes étapes que les contrôleurs de l’OLAF peuvent avoir un accès effectif aux données concernées. Deuxièmement, l’emploi par le Tribunal des termes « accéder aux données » au point 80 de l’arrêt attaqué ne saurait être considéré comme une dénaturation des faits. Cet accès aurait été demandé directement pour certains éléments, tels que les transactions, et indirectement pour d’autres, à savoir pour la réalisation d’une image technico-légale numérique. Or, Vialto aurait empêché un accès effectif aux données concernées.

b)   Sur la deuxième branche (points 74, 75 et 83 de l’arrêt attaqué)

51.

Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, la requérante expose une série d’arguments visant à établir des erreurs commises par le Tribunal en ce qui concerne le pouvoir de l’OLAF de collecter des données.

52.

Premièrement, elle affirme que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne motivant pas la constatation, faite au point 74 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les données que l’OLAF a demandé à pouvoir collecter se rapportaient aux opérations concernées et étaient nécessaires au bon déroulement du contrôle sur place, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96. Deuxièmement, cette constatation serait arbitraire et, donc, entachée d’une erreur de droit, car, préalablement à une recherche par mots-clés, il ne peut pas être considéré que toutes les données demandées par l’OLAF seraient en lien avec les opérations concernées par l’enquête et seraient nécessaires à celle‑ci. Troisièmement, le Tribunal a dénaturé les faits en constatant, au point 75 de l’arrêt attaqué, que Vialto se serait seulement opposée à la collecte de ces données sur des supports devant être emportés dans les locaux de l’OLAF. Dès le départ et de manière générale, Vialto s’est opposée à la collecte des données qui ne présentaient aucun lien avec le projet contrôlé.

53.

Pour sa part, la Commission partage le raisonnement du Tribunal et considère que la collecte des données demandées était nécessaire au bon déroulement du contrôle sur place.

54.

Tout d’abord, la constatation au point 74 de l’arrêt attaqué se fonde sur la nature des expertises technico-légales numériques et n’est donc en aucune façon arbitraire. Ensuite, la demande de collecte des données par l’OLAF avait trait non pas à l’ensemble des données de Vialto, mais uniquement à des éléments définis sur la base de critères objectifs ratione personae et ratione temporis. Vialto se méprend sur la nature des expertises technico-légales numériques en considérant qu’une recherche par mots-clés est nécessaire avant une collecte de données. En outre, dans l’arrêt du 12 juillet 2018, Nexans France et Nexans/Commission (T‑449/14, EU:T:2018:456), le Tribunal a confirmé la validité de la méthode en question dans le cadre des inspections de la Commission en matière de concurrence en application de l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] ( 6 ). Enfin, au point 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est simplement référé à l’opposition de Vialto quant au stockage des données sur des supports qui seraient ensuite transportés dans les locaux de l’OLAF, ce que Vialto n’a pas contesté.

c)   Sur la troisième branche (points 77 et 79 de l’arrêt attaqué)

55.

Par la troisième branche du premier moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant comme étant dénués de pertinence les arguments qui étaient fondés sur le respect du secret professionnel ainsi que sur les clauses des contrats conclus avec ses partenaires commerciaux et qu’elle avait avancés pour pouvoir invoquer la responsabilité non contractuelle de l’Union. Ces arguments seraient pertinents pour établir une violation par l’OLAF de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, car ils démontreraient que les réserves que Vialto avaient formulées concernant la collecte de données sans lien avec l’enquête étaient justifiées. Or, en application de la jurisprudence de la Cour, Vialto aurait été tenue de prouver que la formulation de pareilles réserves ne constituait pas un abus de droit. La requérante ajoute que le Tribunal a dénaturé les faits en estimant que l’OLAF ne saurait être considéré comme l’ayant contrainte à violer le secret professionnel ou les clauses des contrats conclus avec ses partenaires commerciaux, parce qu’elle n’a soutenu en aucune façon qu’elle avait été contrainte par l’OLAF d’agir de la sorte.

56.

Pour sa part, la Commission conclut au rejet de la troisième branche du premier moyen, en ce qu’elle est inopérante et, en tout cas, non fondée.

57.

D’une part, les arguments fondés sur le secret professionnel ainsi que sur les clauses contractuelles y afférentes et liés à la preuve d’un éventuel abus de droit de sa part constituent une allégation nouvelle et sont donc irrecevables. En tout état de cause, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 78 de l’arrêt attaqué, que l’invocation de clauses de confidentialité dans des contrats conclus avec ses partenaires commerciaux était dénuée de pertinence en raison du devoir de discrétion incombant aux agents de l’OLAF. D’autre part, pour ce qui est de la constatation du Tribunal selon laquelle l’OLAF n’a pas contraint Vialto de fournir des informations confidentielles, la requérante a mal interprété l’arrêt attaqué, parce qu’une telle constatation ne conduirait qu’à la conclusion qu’un examen plus poussé des clauses de confidentialité était superflu.

2.   Analyse

58.

La troisième branche du premier moyen se rapporte à une question spécifique. En revanche, les deux premières branches de ce moyen ont trait, en substance, à la même problématique – c’est‑à‑dire l’étendue des pouvoirs de l’OLAF dans le cadre d’une expertise technico-légale numérique au titre de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 – et il convient de les traiter ensemble.

a)   Les deux premières branches

59.

Avant d’analyser le point essentiel de l’argumentation que la requérante développe dans le cadre des deux premières branches de son premier moyen, je tiens à aborder, et ce afin de les rejeter, les arguments tirés de la dénaturation des faits et du défaut de motivation qui sont allégués dans ces deux premières branches.

1) Dénaturation des faits et défaut de motivation

60.

Premièrement, en se référant au point 80 de l’arrêt attaqué, la requérante soutient que le Tribunal a procédé à une appréciation erronée des faits et qu’il s’est prononcé sur une question qui n’a jamais été soulevée dans le cadre de la présente affaire, à savoir celle du droit de mener une enquête sur les données de Vialto, au lieu d’examiner le droit de collecter des données sans rapport avec l’objet de l’enquête.

61.

Pour ma part, je pense effectivement que cette lecture du point 80 de l’arrêt attaqué peut être pleinement confirmée eu égard à ce qui est énoncé aux points 62 et 75 de cet arrêt. D’une part, au point 62 de l’arrêt attaqué, le Tribunal déclare que la requérante reproche à l’OLAF d’avoir exigé de pouvoir collecter des données qui n’avaient pas de rapport avec l’enquête en question en violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96. D’autre part, au point 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ajoute encore que la requérante soutient qu’elle a permis aux enquêteurs de l’OLAF d’accéder à toutes les données demandées, mais qu’elle s’est opposée à la collecte de ces données. Il ressort donc clairement de ces deux points que le Tribunal avait très bien compris quels étaient effectivement les griefs de la requérante concernant l’OLAF et, par conséquent, l’objet du recours porté devant lui.

62.

Deuxièmement, la requérante semble avoir mal interprété le point 75 de l’arrêt attaqué. En effet, dans ce point, le Tribunal se borne à relever que Vialto s’est opposée à la collecte de données sur des supports « devant être emportés dans les locaux de l’OLAF », ce que Vialto ne conteste pas. Cet aspect ne concerne toutefois pas la question de savoir si le support utilisé appartient à Vialto.

63.

Troisièmement, il convient d’observer que le point 80 de l’arrêt attaqué constitue la conclusion du Tribunal quant à son interprétation de l’article 7 du règlement no 2185/96. Contrairement à ce que la requérante allègue, il ne comporte aucune référence, expresse ou implicite, au comportement de Vialto. Le point 80 de l’arrêt attaqué n’indique en rien que la requérante n’a pas donné accès aux catégories de données énumérées au point 71 de l’arrêt attaqué. Une telle constatation ne peut d’ailleurs pas davantage être déduite des points précédents de l’arrêt attaqué.

64.

Quatrièmement, la requérante critique le défaut de motivation de la constatation que fait le Tribunal, au point 74 de l’arrêt attaqué, en retenant que les données dont la collecte a été demandée par l’OLAF devaient être considérées comme relatives aux opérations concernées et nécessaires au bon déroulement du contrôle sur place au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96.

65.

Or, comme l’indiquent les mots « Ως εκ τούτου » dans la langue de procédure de l’arrêt attaqué – qui peuvent se traduire par les termes « par conséquent » ou « partant » – ce point constitue une conclusion intermédiaire fondée sur les observations antérieures du Tribunal, et plus précisément sur celles exposées aux points 66 à 73. La constatation contenue au point 74 de l’arrêt attaqué est donc parfaitement compréhensible et suffisamment motivée.

2) Erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96

66.

Par deux moyens distincts, la requérante critique l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 que fait le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, dans le cadre spécifique d’une expertise technico-légale numérique. Tout d’abord, contrairement à l’interprétation qu’il a retenue, le Tribunal aurait dû interpréter cette disposition comme ne visant pas un droit d’enquête étendu s’appliquant à toutes les données couvertes par cette disposition, mais seulement comme visant un droit de collecte limité aux données liées à l’objet de l’enquête. Ensuite, l’interprétation ainsi retenue serait aussi arbitraire, car, puisqu’une recherche par mots-clés n’avait pas eu lieu, il ne pouvait pas être présumé que toutes les données demandées par l’OLAF étaient liées aux opérations concernées par l’enquête et pouvaient donc être collectées.

67.

On peut utilement rappeler, ici, que l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 prévoit, d’une part, que les contrôleurs de la Commission doivent « [avoir] accès, dans les mêmes conditions que les contrôleurs administratifs nationaux et dans le respect des législations nationales, à toutes les informations et à la documentation relatives aux opérations concernées qui s’avèrent nécessaires au bon déroulement des contrôles et vérifications sur place [et que, d’autre part, ils] peuvent [...] prendre copie des documents appropriés » ( 7 ).

68.

Il est indiscutable que les expertises technico-légales numériques menées par l’OLAF au titre de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 sont problématiques ( 8 ). Il suffit de lire la proposition de la Commission de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le [règlement no 883/2013] en ce qui concerne la coopération avec le Parquet européen et l’efficacité des enquêtes de l’OLAF ( 9 ) et l’évaluation de l’application du règlement no 883/2013 qui a précédé cette proposition ( 10 ).

69.

En effet, cette évaluation conclut, entre autres, à un manque de clarté et de spécificité quant aux pouvoirs de l’OLAF pour mener des expertises technico-légales numériques. Selon le rapport final sur l’évaluation de l’application du règlement no 883/2013, ces lacunes sont dues à deux facteurs, l’un d’eux étant que les pouvoirs de l’OLAF pour mener de telles expertises au cours d’enquêtes externes sont fonction des règles et pratiques nationales, qui varient d’un État membre à l’autre et qui sont soit imprécises soit inexistantes ( 11 ).

70.

Le problème identifié dans cette partie de l’évaluation de l’application du règlement no 883/2013 est donc, en réalité, l’interaction entre, d’un côté, le règlement no 2185/96 et le règlement no 883/2013 et, de l’autre, le cadre législatif national dans lequel s’inscrit l’expertise technico-légale numérique.

71.

Toutefois, en l’espèce, il ressort du rapport du contrôle sur place de Vialto du 12 avril 2016 qu’un représentant des autorités hongroises de coordination de la lutte contre la fraude était présent lors de cette première journée de contrôle. En outre, il n’est pas allégué que l’expertise technico-légale numérique telle que définie dans l’autorisation délivrée aux enquêteurs de l’OLAF par le directeur général de celui‑ci a méconnu les règles nationales applicables ou qu’elle a été menée à l’encontre de l’avis du représentant de l’autorité nationale présent. Dans ces circonstances, la question qui se pose se limite donc à déterminer quel type de recherche technico-légale numérique est autorisé sur le fondement exclusif de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96.

72.

Si nous regardons le libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, deux éléments peuvent être retenus. Tout d’abord, le second alinéa de cette disposition précise expressément que les contrôles et vérifications sur place peuvent concerner des données informatiques. Ensuite, il découle du premier alinéa de cette même disposition que cela implique nécessairement, d’une part, l’accès à toutes les informations et documents contenus dans les données informatiques relatives aux opérations concernées qui s’avèrent nécessaires au bon déroulement des contrôles et vérifications sur place et, d’autre part, le droit de prendre copie des documents appropriés. Le texte sous-entend donc une différence entre un droit d’accès, lequel doit être étendu pour des raisons de nécessité pratique, et un droit de copie, lequel est au contraire limité aux seules données appropriées. Cela est logique : afin de trouver les informations pertinentes, il est nécessaire de chercher partout où ces informations peuvent être trouvées.

73.

Cette interprétation est confirmée par le cadre dans lequel le contrôle sur place s’inscrit et par la finalité de ce contrôle. En effet, comme le prévoit l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 2185/96, un rapport du contrôle sur place ou de l’inspection doit être établi et « [l]es éléments matériels et les justifications recueillis, visés à l’article 7 » du règlement no 2185/96, doivent y être annexés. Les rapports qui sont établis de cette façon constituent des éléments de preuve admissibles dans les procédures administratives ou judiciaires de l’État membre où leur utilisation s’avère nécessaire. Or, seuls les documents relatifs à l’infraction faisant l’objet d’une procédure administrative ou judiciaire, c’est‑à‑dire pertinents pour ces procédures, sont, par définition, susceptibles de constituer des moyens de preuve admissibles.

74.

Dans le cadre d’une expertise technico-légale numérique, cela implique que l’OLAF doit avoir accès à toutes les données informatiques contenues dans les dispositifs couverts par l’autorisation donnée par le directeur général de l’OLAF afin d’être en mesure d’établir lesquelles de ces données sont liées à l’opération concernée. Seule l’acquisition d’une « image technico-légale numérique », définie dans les lignes directrices de l’OLAF comme étant la « copie technico‑légale (au niveau des bits) des données originales contenues sur un support de stockage numérique, [...] stockée en format binaire avec une valeur de hachage unique », rend cette identification possible ( 12 ). Cette collecte de données au moyen d’une « copie-image » ne peut dès lors pas être confondue avec les copies de documents auxquelles l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 fait référence. Cette image technico-légale est indispensable du point de vue de la technologie de l’information, parce que c’est cette image qui permet de faire des recherches par mots-clés, en utilisant un logiciel technico-légal spécifique, qui identifiera les données relatives au projet en cause. Ce n’est qu’après cette étape dans le processus, à savoir après que le logiciel a identifié certains documents comme potentiellement pertinents, que les enquêteurs de l’OLAF sont autorisés à accéder au contenu de ces documents et à identifier ainsi les informations appropriées au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 ( 13 ). Ils peuvent alors, le cas échéant, en faire une copie qui sera à joindre au rapport. En d’autres termes, la « copie-image » n’est prise initialement qu’aux fins de l’examen.

75.

En outre, l’indexation des données à l’aide d’un logiciel technico-légal et le tri subséquent des données indexées peuvent prendre un temps considérable, d’autant plus que les entreprises conservent à présent des quantités considérables de données de manière électronique. Cette particularité propre à l’environnement de la technologie de l’information explique aussi pourquoi l’OLAF se fonde sur une copie des données aux fins de procéder à son examen. Cela profite tant à l’OLAF qu’à l’entreprise concernée, laquelle peut ainsi continuer à utiliser les données originales et les supports sur lesquels elles se trouvent. L’ingérence dans le fonctionnement de l’entreprise causée par l’inspection de l’OLAF est dès lors réduite ( 14 ). En revanche, une interdiction générale de copier des données sans les examiner au préalable constituerait un obstacle disproportionné et, partant, injustifié à l’exercice des pouvoirs d’inspection de l’OLAF, qui irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits des entreprises concernées. Une telle interdiction restreindrait dès lors indûment l’effet utile des inspections comme instrument nécessaire pour permettre à l’OLAF d’exercer ses fonctions dans la lutte contre la fraude, la corruption ou toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ( 15 ).

76.

Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi l’OLAF ne pourrait pas décider, selon les circonstances, d’examiner les données contenues sur le support de données numériques de l’entreprise qui fait l’objet de l’inspection sur la base non pas de l’original, mais d’une « copie‑image » de ces données. En effet, comme la Cour l’a jugé récemment dans une procédure similaire menée par la Commission au titre du règlement no 1/2003, « tant dans l’hypothèse où elle examine les données originales que dans celui où elle analyse la copie de ces données, il s’agit des mêmes données qui font l’objet du contrôle effectué par la Commission » ( 16 ).

77.

Il est vrai que, contrairement à l’article 7 du règlement no 2185/96 et à l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 883/2013, l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ne se réfère pas à la législation nationale lorsque la Commission est appelée à mettre en œuvre ses pouvoirs d’inspection en matière de concurrence. Toutefois, comme je l’ai déjà indiqué, d’une part, il n’est pas allégué en l’espèce que le droit national applicable a été violé et, d’autre part, le principe même de l’accès aux données informatiques d’une entreprise contrôlée est expressément autorisé à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96.

78.

Ainsi, au contraire de ce que la requérante fait valoir, mais en suivant l’analyse de la Cour dans l’arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission (C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 63), le droit de l’OLAF d’accéder à des ensembles de courriers électroniques, au disque dur d’un ordinateur portable ou aux données stockées sur le serveur de la société contrôlée et de réaliser une copie-image (c’est‑à‑dire une « image technico-légale numérique ») constitue une étape intermédiaire dans le cadre de l’examen des données figurant dans ces ensembles et sur ces supports. Dans cette approche, les documents susceptibles de servir de preuve sont séparés des autres données lors des opérations de tri qui suivent la réalisation de l’image technico-légale numérique ( 17 ). Par conséquent, la réalisation de cette « copie » à des fins de tri ne constitue pas une ingérence plus importante que le tri lui‑même. Elle ne constitue pas, en tant que telle, un pouvoir additionnel accordé à l’OLAF mais, ainsi que le Tribunal l’a indiqué à bon droit au point 73 de l’arrêt attaqué, relève du pouvoir d’examen que l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 confère à l’OLAF et peut être nécessaire au bon déroulement du contrôle sur place en cause.

79.

Bien entendu, la réalisation d’une telle copie de données sans examen préalable doit être autorisée si l’OLAF vérifie ensuite, dans le strict respect des droits de la défense de l’entreprise concernée, si ces données sont pertinentes pour l’objet de l’inspection, avant de verser au dossier les documents jugés pertinents à cet égard et d’effacer les autres données copiées ( 18 ).

80.

Interrogée sur cette dernière garantie lors de l’audience du 10 février 2021, la Commission a expressément confirmé que les données non pertinentes étaient en effet détruites après un certain laps de temps, bien que cela ait été contesté par les représentants de la requérante. Certes, il n’existe pas de règle expresse à cet égard dans les lignes directrices de l’OLAF. Toutefois, il peut être relevé que la « Digital Forensic Operations Information Leaflet » (brochure informative sur les expertises technico-légales numériques) de l’OLAF indique que celui‑ci conservera les données pendant une période maximale de 15 ans après la clôture de l’enquête. En outre, il ressort de l’article 10 des lignes directrices de l’OLAF que, si l’unité d’enquête de celui‑ci souhaite réacquérir une image technico-légale numérique obtenue lors d’une autre enquête, cette unité doit introduire auprès du directeur général une nouvelle demande d’autorisation, conformément aux mêmes critères que ceux requis pour l’autorisation d’une expertise technico-légale numérique dans le cadre d’inspections de locaux ou de contrôles sur place et dans le respect d’une information complète de la personne ou de l’opérateur économique concerné. Il s’agit là de garanties importantes, qui sont également nécessaires.

81.

Il y a lieu de souligner que ces pouvoirs d’enquête ont été conférés à l’OLAF en raison de la nature spécifique de dispositifs technologiques modernes de pointe, qui sont capables de stocker de vastes quantités de données. C’est cette capacité technologique même qui requiert, en principe, un accès à toutes les données, de telle sorte que la recherche puisse ensuite être affinée par référence, par exemple, à des mots clés appropriés. Il importe d’être clair à cet égard : aux fins d’une recherche de données, l’OLAF doit nécessairement avoir en principe accès à tout, mais il est aussi tenu de respecter les intérêts légitimes de l’entreprise concernée en matière de vie privée et de confidentialité des documents non pertinents. Tout abus de ces pouvoirs – tel que la divulgation irrégulière de données ainsi recueillies à des tiers – constituerait une violation très grave des droits de la défense de la personne concernée et risquerait d’avoir des conséquences exceptionnellement lourdes tant pour l’OLAF que pour ses agents. En toute justice, il convient de reconnaître que, en l’espèce, rien de cet ordre n’a été allégué. Dans ces conditions, pour les raisons que je viens d’exposer, je proposerais de rejeter les deux premières branches du premier moyen.

b)   Troisième branche

82.

Par la troisième branche du premier moyen, Vialto conteste les affirmations du Tribunal figurant aux points 77 et 79 de l’arrêt attaqué selon lesquelles, d’une part, ses arguments fondés sur le respect du secret professionnel et sur les clauses des contrats conclus avec ses partenaires commerciaux sont dénués de pertinence aux fins de la responsabilité non contractuelle de l’Union et, d’autre part, l’OLAF ne saurait être considéré comme l’ayant contrainte à violer ce secret ou ces clauses.

83.

Tout d’abord, contrairement à ce que la Commission soutient, je ne pense pas que le premier grief à l’appui de la troisième branche du premier moyen constitue un moyen nouveau et que, en tant que tel, il devrait être rejeté comme irrecevable.

84.

Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est certes, en principe, limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui. Toutefois, un argument qui n’a pas été soulevé en première instance ne constitue pas un moyen nouveau qui est irrecevable au stade du pourvoi s’il ne constitue que l’ampliation d’une argumentation déjà développée dans le cadre d’un moyen présenté dans la requête devant le Tribunal ( 19 ).

85.

Or, il ressort du point 77 de l’arrêt attaqué que, dès le départ, la requérante a invoqué l’argument se rapportant au secret professionnel et aux clauses des contrats conclus avec ses partenaires commerciaux pour justifier son refus de communiquer certaines des données demandées par l’OLAF. Dans ce contexte, il est évident que la « reformulation » de cet argument sur la base de la notion d’« abus de droit » ne constitue qu’une ampliation d’une argumentation déjà développée devant le Tribunal. Dès lors qu’il serait pris d’une appréciation erronée par le Tribunal, un tel moyen ne constitue qu’une ampliation d’une argumentation déjà développée dans le cadre d’un moyen présenté dans la requête devant le Tribunal. Cette branche du premier moyen doit donc être déclarée recevable.

86.

Néanmoins, l’argument me semble inopérant. En effet, il fait partie de l’argument plus général faisant valoir que Vialto a subi un préjudice du fait de la violation par l’OLAF de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 en recueillant des informations sans rapport avec l’inspection. Pour ma part, j’estime que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’il a confirmé la légalité de l’exercice par l’OLAF de ses pouvoirs d’inspection. En outre, il apparaît du dossier que, dans le cadre de cette inspection, l’OLAF avait proposé d’appliquer aux données de la requérante la procédure spéciale réservée aux données protégées par le secret professionnel ( 20 ). Dans ces conditions, il me semble que, en tout état de cause, l’argument de la requérante tiré du secret professionnel et de ses clauses contractuelles n’aurait pas pu conduire à la constatation d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de lui conférer des droits. Partant, cet argument est inopérant.

87.

Le deuxième grief invoqué par la requérante dans la troisième branche du premier moyen est également inopérant. Par ce grief, Vialto fait valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 79 de l’arrêt attaqué, elle n’a jamais soutenu que l’OLAF l’avait contrainte à porter atteinte au secret professionnel et à certaines clauses contractuelles. Selon la requérante, le Tribunal s’est prononcé sur un argument qui n’a pas été avancé et le point concerné de l’arrêt attaqué devrait, pour cette seule raison, être annulé. Toutefois, le grief doit être considéré comme inopérant, puisque, au point 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté un argument qui n’aurait pas été avancé. En outre, l’emploi de l’expression « en tout état de cause » dans ce point de l’arrêt attaqué montre que l’appréciation du Tribunal que contient ce point a été faite dans un souci de prudence surabondante, s’il devait être soutenu que Vialto pouvait se fonder sur l’argument du secret professionnel et sur les clauses de ses contrats pour justifier son refus d’accorder l’accès à certaines informations.

88.

Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté comme étant, pour partie, non fondé et, pour partie, inopérant.

B. Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime

1.   Argumentation des parties

89.

Par le deuxième moyen, Vialto soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et qu’il n’a pas suffisamment motivé sa décision en ce qui concerne la violation alléguée du principe de protection de la confiance légitime.

90.

Premièrement, l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation, en ce qu’il n’explique pas laquelle des trois conditions requises pour se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime ne serait pas remplie en l’espèce et, qui plus est, en ce qu’il n’examine aucune des trois conditions.

91.

Deuxièmement, le point 118 de l’arrêt attaqué serait entaché d’une erreur de droit, car il méconnaît la jurisprudence qui interdit le retrait rétroactif d’un acte administratif – qu’il soit légal ou illégal – qui confère des droits subjectifs ou des avantages similaires. Or, les assurances que les enquêteurs de l’OLAF ont données, le premier jour de l’inspection, quant à la procédure pour effectuer cette inspection auraient été légales. Dès lors, les agents de l’OLAF ne pouvaient pas les révoquer a posteriori et exiger que le contrôle sur place soit effectué comme si ces assurances n’avaient jamais été données.

92.

Troisièmement, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au même point de l’arrêt attaqué, qu’elle ne saurait invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime qu’elle avait placée dans l’application d’une pratique dérogeant à une règle en sa faveur alors qu’elle n’a pas agi de bonne foi. Or, la requérante fait valoir que les demandes de l’OLAF étaient contraires à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, qu’elle avait exprimé son point de vue dès le premier jour de l’inspection et que, s’ils avaient considéré qu’elle avait fait illégalement obstruction à leur enquête, les agents de l’OLAF auraient dû solliciter l’assistance des autorités nationales conformément à l’article 9 de ce règlement. Dans ces circonstances, elle estime qu’elle n’a en rien fait preuve de mauvaise foi.

93.

La Commission conclut que le deuxième moyen doit être rejeté.

94.

Tout d’abord, le Tribunal a motivé suffisamment sa conclusion quant à l’absence de violation du principe de protection de la confiance légitime. Ensuite, la requérante n’explique pas quelles étaient les assurances prétendument données par l’OLAF et, en tout état de cause, la confiance alléguée par Vialto a été compromise par son propre comportement. Enfin, l’invocation des principes relatifs au retrait des actes administratifs est inopérante en l’espèce et, en tout cas, non fondée, dès lors que la réalisation d’un contrôle sur place par l’OLAF ne constituerait pas un acte administratif ou, en tout état de cause, un acte administratif conférant des droits subjectifs ou des avantages similaires.

2.   Analyse

95.

À l’appui de son deuxième moyen, Vialto présente trois arguments : premièrement, un défaut de motivation concernant l’appréciation par le Tribunal de l’argumentation relative au principe de protection de la confiance légitime ; deuxièmement, l’interdiction de retirer un acte administratif licite conférant des droits subjectifs ou des avantages similaires ; et, troisièmement, une erreur de droit dans l’affirmation du Tribunal selon laquelle Vialto ne saurait invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime qu’elle a placée dans l’application d’une pratique dérogeant à la procédure de contrôle habituelle en raison de son refus d’accéder à la demande légale de l’OLAF.

96.

Je propose d’examiner ces arguments de façon conjointe, parce qu’ils sont tous intrinsèquement liés à la question liminaire de l’existence d’une « confiance légitime » pour Vialto. Ainsi que le Tribunal l’a souligné à juste titre au point 114 de l’arrêt attaqué, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence desdites assurances ( 21 ). En outre, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime de la part de celui auquel elles s’adressent ( 22 ).

97.

De même, l’interdiction de retirer un acte administratif se justifie par la nécessité de répondre à la confiance légitime du bénéficiaire de la mesure concernée ( 23 ). En d’autres termes, le retrait d’un acte administratif n’est interdit que si la personne en faveur de laquelle la décision a été prise avait une confiance légitime que cette décision tranchait définitivement la question ( 24 ).

98.

Dès lors, s’il devait apparaître que cette condition n’était pas remplie en l’espèce – et c’est ce que je pense –, les deux derniers arguments avancés par la requérante à l’appui de son deuxième moyen seraient non fondés. Tout manquement du Tribunal à son obligation de motivation serait alors sans incidence sur le bien‑fondé de son rejet de l’argument de Vialto concernant le principe de protection de la confiance légitime et l’argument tiré de pareil manquement serait donc inopérant.

99.

Tout d’abord, il convient de rappeler que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend, en tant que corollaire du principe de sécurité juridique, à tout particulier se trouvant dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union a fait naître en lui des espérances fondées. Constituent des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration ( 25 ).

100.

Il est donc essentiel de déterminer quelles espérances fondées l’OLAF a fait naître chez Vialto en l’espèce. Autrement dit, quelles étaient les assurances précises, inconditionnelles et concordantes que Vialto a reçues de l’OLAF en ce qui concerne l’expertise technico‑légale numérique litigieuse ?

101.

Dans son pourvoi, Vialto indique elle‑même que, au point 116 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a mentionné ce sur quoi portaient les assurances fournies par les enquêteurs de l’OLAF. Or, selon ce point, les enquêteurs de l’OLAF ont consenti, afin de répondre à des préoccupations exprimées par la requérante, à déroger à la procédure prévue dans les lignes directrices de l’OLAF, premièrement, en ce qui concerne le lieu d’obtention et de traitement du support numérique contenant les images technico-légales numériques réalisées et, deuxièmement, en ce qui concerne ledit support lui‑même.

102.

C’est ce que confirment les rapports de contrôle sur place de Vialto des 12 et 13 avril 2016 ainsi que le résumé qui en est fait aux points 52 et 53 de l’arrêt attaqué, points qui n’ont pas été contestés par la requérante. Des assurances précises, inconditionnelles et concordantes ont donc été fournies par les enquêteurs de l’OLAF, mais, force est de constater que leur portée était strictement limitée au lieu où le traitement de données par mots-clés serait effectué et au support utilisé pour ce processus d’indexation et de recherche. À aucun moment, les enquêteurs de l’OLAF n’ont laissé entendre qu’ils acceptaient de se conformer au souhait de la requérante de séparer au préalable les données relatives au projet en cause de celles qui ne l’étaient pas. Au contraire, il ressort clairement des rapports susmentionnés, signés par l’un des directeurs généraux de Vialto, que la première étape du processus serait de réaliser des copies technico‑légales numériques des disques durs et des dossiers présélectionnés dans le serveur, sans qu’aucune limitation soit précisée à cet égard.

103.

Dans ces conditions, l’argument selon lequel l’OLAF a porté atteinte aux espérances fondées de Vialto en décidant de mettre fin à l’expertise technico‑légale numérique à la suite du refus de cette dernière de coopérer pleinement à l’enquête lorsqu’elle n’a pas accepté, entre autres, de fournir des informations financières qui étaient pertinentes pour cette enquête ne saurait être retenu. En effet, le principe de protection de la confiance légitime vise simplement à assurer que les autorités publiques respectent les engagements légaux qu’elles ont pris et qu’elles agissent conformément aux attentes qu’elles ont suscitées ( 26 ) : rien de plus et rien de moins. À cet égard, l’application (le cas échéant) du principe de protection de la confiance légitime n’est rien de plus que la mise en œuvre pratique de la garantie que constitue le droit à une bonne administration inscrit à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »). En l’espèce, toutefois, ces attentes ne pouvaient porter légitimement sur rien d’autre que la prise des premières copies technico-légales numériques dans les locaux de l’entreprise, l’indexation ainsi que le tri des données dans ces mêmes locaux, et ce, dans ce contexte, en utilisant les équipements fournis par Vialto.

104.

C’est donc sans commettre d’erreur de droit que, au point 118 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que Vialto ne saurait invoquer une violation suffisamment caractérisée du principe de protection de la confiance légitime qu’elle avait placée dans l’application d’une pratique dérogatoire à son profit, en dépit de son refus d’accéder aux demandes, à la fois conformes à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 et aux lignes directrices de l’OLAF, des agents de ce dernier.

105.

En outre, même s’il n’est peut-être pas un modèle de clarté, ce point de l’arrêt attaqué est néanmoins solidement fondé sur des références aux conditions régissant le principe de protection de la confiance légitime et sur une description claire de ce qui pourrait être qualifié de proposition dérogatoire faite par l’OLAF. L’on peut ainsi comprendre que l’argument relatif à la protection de la confiance légitime invoqué par Vialto a été rejeté par le Tribunal parce que Vialto n’avait pas reçu d’assurances précises sur la limitation de l’expertise technico-légale numérique au sens strict.

106.

Tout défaut de motivation à cet égard serait, en tout état de cause, sans incidence sur le bien‑fondé du rejet de l’argument et, partant, sur le dispositif de l’arrêt attaqué. Le défaut de motivation allégué devrait donc être considéré comme inopérant ( 27 ).

107.

En conséquence, je suis d’avis que le deuxième moyen doit être rejeté.

C. Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu

1.   Argumentation des parties

108.

Par le troisième moyen, la requérante avance une série d’arguments critiquant le raisonnement du Tribunal relatif au droit d’être entendu.

109.

Tout d’abord, les constatations contenues au point 121 de l’arrêt attaqué, concernant le fait qu’elle aurait été entendue par l’OLAF, ne sont pas pertinentes pour l’examen de la question de savoir si son droit d’être entendue a été violé par la DG « Élargissement ». Ensuite, le Tribunal a dénaturé les faits en affirmant, aux points 94 et 122 de l’arrêt attaqué, que la position de la DG « Élargissement » n’était pas contraignante pour la CFCU. Ainsi que l’a admis le Tribunal au point 93 de l’arrêt attaqué, il ressort du dossier que la DG « Élargissement » avait adressé une demande à la CFCU l’invitant à adopter les mesures nécessaires à l’égard de Vialto en raison de la violation par cette dernière de ses obligations contractuelles. Cette demande aurait été contraignante pour la CFCU. Une telle dénaturation des faits aurait entraîné une application erronée du droit par le Tribunal. Celui-ci aurait dû conclure que la DG « Élargissement » avait l’obligation d’entendre Vialto avant de demander à la CFCU d’adopter les mesures nécessaires prévues par le contrat en cause eu égard à la violation par Vialto de ses obligations contractuelles. Enfin, le droit d’être entendu de Vialto aurait également dû être respecté par la DG « Élargissement » dans le cadre de la recommandation que celle‑ci a formulée de suspendre l’exécution du contrat en cause ou de la partie du contrat à réaliser par Vialto. En effet, en invoquant l’arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI (C‑558/17 P, EU:C:2019:289), la requérante soutient que le droit d’être entendu doit également être respecté lorsqu’une institution de l’Union formule des recommandations non contraignantes.

110.

La Commission partage l’approche du droit d’être entendu qu’a adoptée le Tribunal et elle conclut au rejet du troisième moyen.

2.   Analyse

111.

Par le troisième moyen, la requérante invoque une série d’arguments qui ne sont pas clairement liés entre eux, et ce sous le couvert d’erreurs de droit et d’une dénaturation des faits. En substance, trois arguments ont été avancés. Premièrement, Vialto conteste la pertinence que le Tribunal a accordée, en examinant si la DG « Élargissement » avait méconnu son droit être entendue, au fait qu’elle a été entendue par l’OLAF. Deuxièmement, elle fait grief au Tribunal d’avoir dénaturé les faits en affirmant que la position de la DG « Élargissement » sur les mesures à prendre à son égard et communiquée à la CFCU n’était pas contraignante pour cette dernière, ce qui aurait conduit à une application erronée du droit. Troisièmement, Vialto soutient que son droit d’être entendue n’a pas non plus été respecté par la DG « Élargissement » dans le cadre de son invitation à suspendre l’exécution du contrat en cause ou la partie du contrat qu’elle était chargée d’exécuter.

112.

En ce qui concerne le deuxième argument, il ressort du point 89 non contesté de l’arrêt attaqué que, dans sa lettre du 13 octobre 2016, la DG « Élargissement » a informé la CFCU qu’elle considérait que le refus de la requérante de coopérer à l’enquête de l’OLAF plaçait Vialto dans une situation de violation de l’article 25, paragraphes 2 et 3, de ces mêmes conditions générales et que, dans ce contexte, elle invitait la CFCU à prendre les mesures appropriées en application des conditions générales en ce qui concerne cette violation du contrat. À cet égard, la DG « Élargissement » a ajouté que la CFCU pouvait envisager, comme l’une des mesures possibles, la suspension de l’exécution du contrat en cause ou de la partie à exécuter par la requérante.

113.

Ainsi que la requérante l’admet dans son pourvoi, il ressort expressément du courrier susmentionné du 13 octobre 2016 de la DG « Élargissement », de même que de la lettre du 11 novembre 2016 de la CFCU, que la Commission a invité cette dernière à adopter les mesures appropriées en ce qui concernait la violation du contrat. Plus qu’une simple formule, ce terme reflète les règles régissant un contrat conclu dans le cadre d’un IAP et la répartition des compétences entre les autorités intervenantes.

114.

Si la Commission conserve la responsabilité finale du budget général, c’est la structure d’exécution qui est chargée de la gestion et de la mise en œuvre du programme concerné, conformément au principe de bonne gestion financière ( 28 ). Cela a déjà été souligné par la Cour dans sa jurisprudence. En effet, « les marchés publics passés par des pays tiers et susceptibles de bénéficier d’une aide au titre de l’IAP, soumis au principe de gestion décentralisée, demeurent des marchés nationaux que seul le pouvoir adjudicateur national chargé de leur suivi a la responsabilité de préparer, de négocier et de conclure, les interventions des représentants de la Commission dans la procédure de passation des marchés tendant uniquement à constater que les conditions de financement par l’Union sont ou non réunies. En outre, les entreprises soumissionnaires ou attributaires des marchés en cause n’entretiennent de relations juridiques qu’avec l’État tiers responsable du marché et les actes des représentants de la Commission ne peuvent avoir pour effet de substituer à leur égard une décision de l’Union à celle de cet État tiers » ( 29 ).

115.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il m’est impossible de conclure à une quelconque dénaturation des faits ou erreur de droit aux points 94 et 122 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a considéré que la décision d’exclure la requérante du contrat en cause avait été prise par la CFCU, sans que celle‑ci ait été liée par une position adoptée en ce sens par la DG « Élargissement ».

116.

En même temps, indépendamment de cette absence de relation contractuelle entre la Commission et Vialto, la question de savoir si la Commission aurait dû entendre la requérante avant de communiquer ses suggestions à la CFCU n’en constitue pas moins une question distincte.

117.

L’article 41, paragraphe 2, de la Charte prévoit que le droit à une bonne administration comporte, premièrement, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; deuxièmement, le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité ainsi que du secret professionnel et des affaires ; et, troisièmement, l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions. En particulier, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts ( 30 ).

118.

En l’espèce, indépendamment du fait que la décision d’exclure Vialto du contrat en cause a été prise par la CFCU et non par la Commission, il peut difficilement être soutenu que l’invitation faite par la Commission à la CFCU d’adopter des mesures appropriées en ce qui concerne la violation par Vialto du contrat en cause, ensemble avec sa décision de considérer comme non éligible au financement de l’Union le montant versé pour les services de Vialto dans le cadre de ce contrat, ne constitue pas une décision susceptible d’affecter défavorablement ses intérêts, au sens de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte. Il est tout à fait clair que, même si la décision effective a été prise par la CFCU, l’intervention de la Commission fut une étape importante – voire sans doute décisive – dans ce processus.

119.

Qui plus est, bien qu’il soit incontestable que l’OLAF exerce ses compétences d’enquête en toute indépendance par rapport à la Commission, à tout gouvernement ou à toute autre institution, organe ou organisme ( 31 ), il résulte néanmoins du règlement no 883/2013 que, à l’issue de ses enquêtes, l’OLAF ne dispose que d’un pouvoir de recommandation. En effet, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de ce règlement, à la clôture de son enquête, l’OLAF établit un rapport. Ce rapport est alors accompagné des recommandations du directeur général sur les suites qu’il convient ou non de donner à l’enquête par les institutions, les organes ou les organismes ainsi que les autorités compétentes des États membres concernés. Dans le cas d’une enquête externe, l’article 11, paragraphe 3, dudit règlement précise que les rapports et recommandations doivent être transmis aux autorités compétentes des États membres concernés et, s’il y a lieu, aux services compétents de la Commission.

120.

Dans ce cadre juridique, il est donc évident qu’une personne ou une entreprise faisant l’objet d’une enquête de l’OLAF doit, en principe, être entendue tant par l’OLAF que par l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union ou l’autorité compétente d’un État membre à qui le rapport et les recommandations sont adressés, puisque ce sont ceux‑ci qui prendront finalement la décision affectant défavorablement la personne ou l’entreprise concernée ( 32 ).

121.

Toutefois, il convient de ne pas perdre de vue, d’une part, qu’une violation du droit d’être entendu – tout comme une violation des autres droits de la défense – doit être examinée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce ( 33 ) et, d’autre part, que ce droit spécifique poursuit un double objectif. Premièrement, il sert à l’instruction du dossier et, en tant que tel, il œuvre aux intérêts d’une bonne administration en assurant que l’organisme administratif concerné établit les faits le plus précisément et correctement possible. Deuxièmement, il permet d’assurer une protection effective de l’intéressé ( 34 ).

122.

Selon la Cour, la règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle‑ci soit prise a pour but que l’autorité compétente soit mise à même de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents. Afin d’assurer une protection effective de la personne ou de l’entreprise concernée, elle a notamment pour objet que ces derniers puissent corriger une erreur ou faire valoir tels éléments relatifs à leur situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu ( 35 ).

123.

En l’espèce, il résulte de l’arrêt attaqué et du pourvoi de Vialto que l’acte de la Commission par rapport auquel Vialto considère qu’elle aurait dû être entendue avant son adoption est la lettre envoyée à la CFCU le 13 octobre 2016 ( 36 ). Dans cette lettre, la DG « Élargissement » informait la CFCU du fait que, malgré les obligations prévues à l’article 25 des conditions générales, Vialto n’avait pas consenti à ce que l’OLAF ait accès aux informations qui lui étaient nécessaires pour procéder à ses enquêtes, et ce en invoquant certaines clauses de confidentialité et sa propre interprétation du contrat en cause.

124.

Il est vrai que cette information factuelle figurait déjà dans les rapports de contrôle sur place. À cet égard, comme le Tribunal l’a considéré à juste titre au point 121 de l’arrêt attaqué, la requérante a eu effectivement la possibilité de contester et de commenter les éléments contenus dans ces rapports par lettre du 6 mai 2016. Vialto a pu également, par sa lettre du 23 septembre 2016, présenter ses observations sur la lettre de l’OLAF du 14 septembre 2016 l’informant qu’elle était considérée comme une personne concernée par l’enquête sur les soupçons de corruption ou de fraude dans le cadre du projet en cause. Toutefois, ni l’arrêt attaqué, ni le dossier soumis à la Cour, ni les réponses de la Commission aux questions posées à ce sujet lors de l’audience du 10 février 2021 ne laissent apparaître que, lorsqu’elle a envoyé la lettre litigieuse à la CFCU, le 13 octobre 2016, la DG « Élargissement » avait connaissance de ces documents ou, a fortiori, des arguments que la requérante y a développés pour sa défense. Dans ces circonstances spécifiques, je suis donc obligé de constater qu’il ne peut pas être affirmé que, au moment où elle a écrit à la CFCU en l’invitant à prendre certaines mesures contractuelles, la Commission a eu la possibilité de prendre effectivement en compte toutes les informations pertinentes relatives à la situation personnelle de Vialto.

125.

Par conséquent, je me vois contraint de conclure que le Tribunal a commis une erreur de droit en décidant, au point 122 de l’arrêt attaqué, que Vialto ne pouvait pas se prévaloir d’une obligation incombant à la Commission de l’entendre en ses observations parce que ce n’était pas cette dernière, mais bien la CFCU qui avait pris la décision de l’exclure du contrat en cause.

126.

Je suis donc d’avis que le troisième moyen invoqué par Vialto à l’appui de son pourvoi doit être accueilli en tant qu’il est tiré d’une violation de son droit d’être entendue par la Commission. Il y a lieu d’accueillir le pourvoi et d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il a jugé que la requérante ne pouvait pas se prévaloir d’une obligation incombant à la Commission de l’entendre en ses observations avant que la décision de la CFCU l’excluant du contrat en cause ne soit adoptée.

VII. Le recours devant le Tribunal

127.

Conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer définitivement sur le litige si celui‑ci est en état d’être jugé.

128.

Tel est le cas en l’espèce.

129.

En effet, ainsi que le Tribunal l’a rappelé à bon droit au point 34 de l’arrêt attaqué, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement de l’institution et le préjudice invoqué ( 37 ).

130.

Cette dernière condition, relative au lien de causalité, porte sur l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement des institutions de l’Union et le dommage, lien dont il appartient au requérant d’apporter la preuve, de telle sorte que le comportement reproché doit être la cause déterminante du préjudice ( 38 ).

131.

Toutefois, compte tenu des considérations qui précèdent, étant donné que j’ai conclu que le Tribunal n’a pas dénaturé les faits ni commis d’erreur de droit en jugeant que la décision d’exclure la requérante du contrat en cause avait été prise par la CFCU, sans que cette dernière soit liée par une position adoptée en ce sens par la DG « Élargissement », il ne peut pas être considéré que le comportement reproché à la Commission a été la cause déterminante du préjudice allégué par Vialto.

132.

La Cour ayant déjà jugé que, dès lors que l’une des conditions requises pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union ( 39 ), il faut donc admettre que la demande en indemnité introduite par la requérante doit être nécessairement et en tout état de cause rejetée.

VIII. Sur les dépens

133.

Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et qu’elle juge elle‑même définitivement le litige, la Cour statue sur les dépens.

134.

Selon l’article 138, paragraphe 3, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

135.

En l’occurrence, compte tenu du fait que l’arrêt attaqué doit être partiellement annulé, mais que la demande indemnitaire doit être rejetée, il semble approprié de décider que la requérante et la Commission devraient supporter leurs propres dépens afférents tant à la procédure de première instance qu’à celle du pourvoi.

IX. Conclusion

136.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour :

d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 juin 2019, Vialto Consulting/Commission (T‑617/17, non publié, EU:T:2019:446) dans la mesure où il a considéré que la requérante ne pouvait pas se prévaloir d’une obligation incombant à la Commission européenne de l’entendre en ses observations avant que la décision de la Central Finance and Contracts Unit l’excluant du contrat en cause ne soit adoptée ;

de rejeter le pourvoi pour le surplus ;

de rejeter le recours en indemnité introduit par Vialto Consulting Kft. tendant à la réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait d’un comportement prétendument illégal de la Commission européenne et de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) dans le cadre de son exclusion du contrat de prestation de services portant la référence TR2010/0311.01‑02/001 ;

de condamner Vialto Consulting et la Commission à supporter leurs propres dépens afférents tant à la procédure de première instance qu’à celle du pourvoi.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 1996, L 292, p. 2.

( 3 ) JO 2007, L 170, p. 1.

( 4 ) JO 2013, L 248, p. 1.

( 5 ) JO 2006, L 10, p. 82.

( 6 ) JO 2003, L 1, p. 1.

( 7 ) Mise en italique par mes soins.

( 8 ) Le règlement no 2185/96 se réfère aux contrôleurs de la Commission, mais cette compétence est exercée à présent par l’OLAF, conformément à l’article 2 de la décision 1999/352 de la Commission instituant l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO 1999, L 136, p. 20) et à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2013.

( 9 ) COM(2018) 338 final.

( 10 ) Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil intitulé « Évaluation de l’application du [règlement no 883/2013] » [COM(2017) 589 final].

( 11 ) Voir « Final report of the evaluation of the application of [Regulation No 883/2013] », point « 4.2.2.4. Concluding remarks » (p. 97). Pour mémoire, l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 883/2013 précise expressément que c’est conformément aux dispositions et procédures prévues par le règlement no 2185/96 que l’OLAF peut procéder à des contrôles et vérifications sur place auprès d’opérateurs économiques.

( 12 ) Voir article 1.9 des lignes directrices de l’OLAF (traduction libre).

( 13 ) Conformément à l’article 8.4 des lignes directrices de l’OLAF, « [l]orsque le dossier technico-légal de travail est disponible, l’enquêteur lance les demandes écrites par le module de demande de renseignements CMS pour indexer ce dossier [...] En réponse à la demande écrite de l’enquêteur et en liaison avec celui‑ci, [l’agent spécialiste de la preuve numérique de l’OLAF] extrait du dossier technico‑légal numérique de travail les données correspondant aux critères de recherche pour un accès par l’enquêteur en mode “consultation seulement” » (traduction libre).

( 14 ) Voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission (C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 66). Cela étant dit, il convient d’observer que la possibilité, pour l’OLAF, de continuer son examen des données professionnelles d’une entreprise en dehors des locaux de cette dernière est subordonnée au constat qu’une telle continuation n’entraîne aucune violation des droits de la défense et ne constitue pas une atteinte supplémentaire aux droits des entreprises concernées, par rapport à celle qui est inhérente à la réalisation d’une inspection dans les locaux de celles‑ci. L’OLAF peut agir de cette façon lorsqu’il estime légitimement qu’il est justifié de le faire dans l’intérêt de l’effet utile de l’inspection ou pour éviter une ingérence excessive dans les opérations de l’entreprise concernée [voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission (C‑606/18 P, EU:C:2020:571, points 87 et 90)].

( 15 ) Voir, par analogie (en ce qui concerne le pouvoir d’investigation de la Commission en matière de concurrence au titre du règlement no 1/2003), conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Nexans France et Nexans/Commission (C‑606/18 P, EU:C:2020:207, point 66).

( 16 ) Arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission (C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 62).

( 17 ) Voir article 8.4 des lignes directrices de l’OLAF, cité en note en bas de page 13. La « Digital Forensic Operations Information Leaflet » (brochure informative sur les expertises technico-légales numériques) de l’OLAF rappelle également que « toute donné pertinente pour l’enquête sera identifiée par des recherches par mots-clés et autres méthodes de recherche [et s]eules ces données seront mises dans le dossier de l’affaire » (traduction libre).

( 18 ) Voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission (C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 64).

( 19 ) Voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission (C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, point 28).

( 20 ) Voir article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF.

( 21 ) Arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission (C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 75 et jurisprudence citée).

( 22 ) Voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2010, Sviluppo Italia Basilicata/Commission (C‑414/08 P, EU:C:2010:165, point 107).

( 23 ) Voir, en ce sens, arrêts du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d’Abruzzo/Commission (15/85, EU:C:1987:111, point 12), ainsi que du 20 juin 1991, Cargill/Commission (C‑248/89, EU:C:1991:264, point 20 et jurisprudence citée).

( 24 ) Schønberg, S. J., « Legal Certainty and Revocation of Administrative Decisions : A Comparative Study of English, French and EC Law », Yearbook of European Law, vol. 19, no 1, 1999, p. 257 à 298, en particulier p. 291. Voir, également, Ragnemalm, H., « Confiance légitime et délai raisonnable », in Mélanges en hommage à Fernand Schockweiler, Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1999, p. 511 à 522, en particulier p. 517 et 518.

( 25 ) Arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil (C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 153).

( 26 ) Voir, en ce sens, Gautron, J.-C., « Le principe de protection de la confiance légitime », in Le droit de l’Union européenne en principes. Liber amicorum en l’honneur de Jean Raux, Apogée, Rennes, 2006, p. 199 à 218, en particulier p. 210.

( 27 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C‑594/18 P, EU:C:2020:742, points 47 et 50).

( 28 ) Voir article 10, paragraphe 1, et article 28, paragraphe 2, du règlement no 718/2007.

( 29 ) Ordonnance du 4 juillet 2013, Diadikasia Symvouloi Epicheiriseon/Commission e.a. (C‑520/12 P, non publiée, EU:C:2013:457, point 34 et jurisprudence citée).

( 30 ) Voir, en ce sens, arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI (C‑558/17 P, EU:C:2019:289, points 52 et 53), ainsi que du 25 juin 2020, CSUE/KF (C‑14/19 P, EU:C:2020:492, points 116 et 117).

( 31 ) Voir article 3 de la décision 1999/352 de la Commission.

( 32 ) Voir, par analogie, dans le cadre d’une procédure comprenant des recommandations d’un comité interne d’une institution de l’Union, arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI (C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 56).

( 33 ) Voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission (C‑110/10 P, EU:C:2011:687, point 63).

( 34 ) Voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2020, SEAE/De Loecker (C‑187/19 P, EU:C:2020:444, point 69).

( 35 ) Voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics (C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 38).

( 36 ) Voir point 89 de l’arrêt attaqué et point 73 du pourvoi de Vialto. Les deux autres lettres mentionnées dans ce point ne sont pas des documents de la Commission mais bien une lettre du 11 novembre 2016 envoyée par la CFCU au consortium ainsi qu’une lettre du 10 janvier 2017 de la CFCU à Vialto.

( 37 ) Voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 2014, Giordano/Commission (C‑611/12 P, EU:C:2014:2282, point 35), ainsi que du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne (C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 147).

( 38 ) Voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2018, Union européenne/Gascogne Sack Deutschland et Gascogne (C‑138/17 P et C‑146/17 P, EU:C:2018:1013, point 22), ainsi que du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne (C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 32).

( 39 ) Voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne (C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 148).