CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 3 septembre 2020 ( 1 )

Affaire C‑616/19

M.S.,

M.W.,

G.S.

contre

Minister for Justice and Equality

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court (Haute Cour, Irlande)]

« Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Recevabilité d’une demande de protection internationale dans un État membre après avoir obtenu la protection subsidiaire dans un autre État membre – Demande dans un État membre soumis au règlement (UE) no 604/2013 mais pas à la directive 2013/32/UE – Directive 2005/85/CE – Motifs d’irrecevabilité – Article 25, paragraphe 2, sous a) et d) – Notion d’“État membre en question” »

I. Introduction

1.

La demande de décision préjudicielle formée par la High Court (Haute Cour, Irlande) porte sur l’interprétation des règles en matière de recevabilité prévue par la directive 2005/85/CE ( 2 ) relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.

2.

Les questions adressées à la Cour sont soulevées dans le cadre de trois litiges ( 3 ) opposant trois ressortissants de pays tiers demandant à l’Irlande l’octroi du statut de réfugié, ces personnes ayant, par ailleurs, obtenu une protection subsidiaire en Italie.

3.

Le problème d’interprétation intervient dans un contexte très particulier, à savoir que l’Irlande a notifié son intention de participer à l’adoption et à l’application du règlement (UE) no 604/2013 ( 4 ), de sorte qu’elle est soumise à ce règlement, mais elle n’a pas participé à l’adoption de la directive 2013/32/UE ( 5 ) en matière de procédure qui lui est associée et n’est pas liée par cette dernière ni soumise à son application. Cet État membre reste soumis à la directive précédemment en vigueur en matière de procédure, la directive 2005/85, qui était associée au règlement (CE) no 343/2003 ( 6 ) (ci‑après, le « règlement Dublin II »).

4.

La Cour est ainsi confrontée à une question d’interprétation d’une disposition de la directive 2005/85 en dehors du cadre du règlement Dublin II envisagé par le législateur de l’Union.

5.

À l’issue d’une analyse des règles de recevabilité concernées dans le contexte particulier en cause, je proposerai à celle-ci de juger que ces règles ne s’opposent pas à ce que l’Irlande considère comme irrecevables des demandes, telles que celles des ressortissants de pays tiers en cause au principal, visant à obtenir le statut de réfugié lorsque ceux-ci se sont vu accorder une protection subsidiaire par un autre État membre.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Les règlements Dublin II et Dublin III

6.

Le règlement Dublin III a abrogé et remplacé le règlement Dublin II.

7.

Tandis que le règlement Dublin II établissait, selon son article 1er, lu en combinaison avec son article 2, sous c), uniquement les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile, au sens de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 (ci-après la « convention de Genève »), le règlement Dublin III a, ainsi qu’il résulte de son article 1er, désormais pour objet d’établir de tels critères et mécanismes en ce qui concerne les demandes de protection internationale qui, selon la définition figurant à l’article 2, sous b), de ce règlement qui renvoie à celle énoncée à l’article 2, sous h), de la directive 2011/95/UE ( 7 ), sont celles tendant à l’obtention du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire.

2. La directive 2005/85

8.

La directive 2005/85 est associée au règlement Dublin II.

9.

Aux termes de l’article 1er de la directive 2005/85, celle-ci a pour objet d’établir des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.

10.

Le considérant 22 de cette directive est rédigé comme suit :

« Les États membres devraient examiner toutes les demandes au fond, c’est-à-dire évaluer si le demandeur concerné peut prétendre au statut de réfugié conformément à la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts [ ( 8 )], sauf dispositions contraires de la présente directive, notamment lorsqu’on peut raisonnablement supposer qu’un autre pays procéderait à l’examen ou accorderait une protection suffisante. Notamment, les États membres ne devraient pas être tenus d’examiner une demande d’asile au fond lorsqu’un premier pays d’asile a octroyé au demandeur le statut de réfugié ou lui a accordé à un autre titre une protection suffisante et que le demandeur sera réadmis dans ce pays. »

11.

L’article 25 de ladite directive, intitulé « Demandes irrecevables », dispose :

« 1.   Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement [Dublin II], les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en application de la [directive 2004/83], lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.

2.   Les États membres peuvent considérer une demande comme irrecevable en vertu du présent article lorsque :

a)

le statut de réfugié a été accordé par un autre État membre ;

b)

un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme le premier pays d’asile du demandeur en vertu de l’article 26 ;

c)

un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 27 ;

d)

le demandeur est autorisé à rester dans l’État membre en question pour un autre motif lui ayant permis de se voir accorder un statut équivalant aux droits et avantages du statut de réfugié, conformément à la [directive 2004/83] ;

e)

le demandeur est autorisé à rester sur le territoire de l’État membre en question pour d’autres motifs le mettant à l’abri de tout refoulement en attendant le résultat d’une procédure permettant de déterminer un statut au titre du point d) ;

f)

le demandeur a introduit une demande identique après une décision finale ;

g)

une personne à charge du demandeur dépose une demande après avoir, conformément à l’article 6, paragraphe 3, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande faite en son nom et que rien dans la situation de la personne à charge ne justifie une demande distincte. »

3. La directive 2013/32

12.

La directive 2013/32 est associée au règlement Dublin III. Cette directive a opéré une refonte de la directive 2005/85.

13.

Le considérant 58 de la directive 2013/32 énonce :

« Conformément aux articles 1er et 2 et à l’article 4 bis, paragraphe 1, du protocole no 21 sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé aux traités [UE et FUE], et sans préjudice de l’article 4 dudit protocole, ces États membres ne participent pas à l’adoption de la présente directive et ne sont pas liés par celle-ci ni soumis à son application. »

14.

Selon l’article 1er de cette directive, celle-ci a pour objet d’établir des procédures communes d’octroi et de retrait de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95.

15.

L’article 33 de ladite directive, intitulé « Demandes irrecevables », est libellé comme suit :

« 1.   Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement [Dublin III], les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la [directive 2011/95], lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.

2.   Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

a)

une protection internationale a été accordée par un autre État membre ;

b)

un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme le premier pays d’asile du demandeur en vertu de l’article 35 ;

c)

un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 38 ;

d)

la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95 ; ou

e)

une personne à charge du demandeur introduit une demande après avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 2, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande introduite en son nom, et que rien dans la situation de la personne à charge ne justifie une demande distincte. »

B.   Le droit irlandais

16.

Aux termes de l’article 21, paragraphe 2, sous a), de l’International Protection Act 2015 (loi de 2015 relative à la protection internationale), une demande de protection internationale est considérée comme irrecevable lorsque le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire a été accordé au demandeur par un autre État membre.

III. Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

17.

M.S., M.W. et G.S. sont des ressortissants de pays tiers, originaires d’Afghanistan pour les deux premiers et de Géorgie pour le troisième, qui, après avoir obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire en Italie, sont entrés en Irlande au cours de l’année 2017 et y ont présenté une demande de protection internationale devant l’International Protection Office (Office de la protection internationale, Irlande).

18.

Par décisions des 1er décembre 2017, 2 février 2018 et 29 juin 2018, l’Office de la protection internationale a rejeté les demandes de protection internationale respectivement présentées par M.S., M.W. et G.S., au motif que ces derniers s’étaient déjà vu accorder le statut conféré par la protection subsidiaire dans un autre État membre, à savoir l’Italie.

19.

M.S., M.W. et G.S. ont chacun introduit un recours contre ces décisions devant l’International Protection Appeals Tribunal (tribunal d’appel pour la protection internationale, Irlande), qui, par décisions respectives des 23 mai, 28 septembre et 18 octobre 2018, les a rejetés.

20.

Les requérants au principal ont saisi la High Court (Haute Cour) d’un recours tendant à l’annulation de ces décisions.

21.

En se référant à l’arrêt Ibrahim e.a. ( 9 ), la juridiction de renvoi rappelle que l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 permet à un État membre de rejeter une demande d’asile comme irrecevable lorsque le demandeur s’est vu octroyer par un autre État membre une protection subsidiaire, cette disposition ayant étendu la faculté précédemment prévue à l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85, qui permettait un tel rejet uniquement lorsque le demandeur s’était vu octroyer le statut de réfugié dans un autre État membre.

22.

Ladite juridiction fait ainsi observer que, en vertu de l’application combinée de la directive 2013/32 et du règlement Dublin III, aucun État membre n’est tenu de traiter une demande de protection internationale lorsque cette protection a déjà été accordée dans un autre État membre.

23.

Toutefois, la juridiction de renvoi souligne que l’Irlande, tout en participant à l’adoption et à l’application du règlement Dublin III, a décidé de ne pas participer à l’adoption et à l’application de la directive 2013/32, si bien que la directive 2005/85 continue à s’appliquer dans cet État membre.

24.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si la directive 2005/85, et notamment son article 25, lue à la lumière du règlement Dublin III, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation nationale permettant de rejeter une demande de protection internationale comme irrecevable lorsque le demandeur s’est déjà vu octroyer une protection subsidiaire dans un autre État membre. En particulier, elle s’interroge sur la portée des motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 25, sous d) et e), de ladite directive, notamment en ce qui concerne l’interprétation de la notion de « l’État membre en question », figurant à ces dispositions.

25.

Par ailleurs, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la circonstance qu’un ressortissant de pays tiers qui s’est vu accorder le statut conféré par la protection subsidiaire dans un premier État membre présente une demande de protection internationale dans un second État membre est constitutive d’un abus de droit, de sorte que ce dernier État membre peut considérer une telle demande comme irrecevable.

26.

C’est dans ces conditions que la High Court (Haute Cour) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La référence à “l’État membre en question” figurant à l’article 25, paragraphe 2, sous d) et e), de la directive 2005/85 vise-t-elle un premier État membre qui a accordé une protection équivalente à l’asile à un demandeur de protection internationale ou un second État membre dans lequel une demande ultérieure de protection internationale est introduite ou bien l’un ou l’autre de ces États membres ?

2)

Lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers s’est vu accorder la protection internationale sous la forme de la protection subsidiaire dans un premier État membre et qu’il se rend sur le territoire d’un second État membre, l’introduction d’une nouvelle demande de protection internationale dans le second État membre est-elle constitutive d’un abus de droit, de sorte que le second État membre est autorisé à adopter une mesure prévoyant qu’une telle demande ultérieure est irrecevable ?

3)

L’article 25 de la directive 2005/85 doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre qui n’est pas lié par la [directive 2013/32 ( 10 )], mais qui est lié par le règlement [Dublin III], adopte une législation, telle que celle en cause au principal, qui considère comme irrecevable une demande d’asile introduite par un ressortissant de pays tiers auquel la protection subsidiaire a été accordée antérieurement par un autre État membre ? »

IV. Analyse

A.   Remarques liminaires

27.

Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’insertion dans sa loi de 2015 ( 11 ) relative à la protection internationale d’un motif d’irrecevabilité fondé sur la circonstance qu’un demandeur d’une telle protection a déjà obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire dans un autre État membre, est conforme à la directive 2005/85 dans le cadre de l’application du règlement Dublin III. À cet effet, elle interroge la Cour sur l’interprétation des motifs de recevabilité figurant à l’article 25 de cette directive.

28.

Je soulignerais d’emblée que bien que la directive 2013/32 ait abrogé la directive 2005/85, cette abrogation ne vaut pas pour l’Irlande. En effet, l’article 53 de la directive 2013/32 prévoit expressément que la directive 2005/85 est abrogée « pour les États membres liés par la présente directive ». Or, ainsi qu’il est énoncé au considérant 58 de la directive 2013/32, l’Irlande ne participe pas à l’adoption de cette directive et n’est pas liée par celle-ci ni soumise à son application. Par conséquent, l’Irlande reste bien soumise à la directive 2005/85, laquelle n’est pas abrogée à son égard.

29.

S’agissant de l’article 25 de la directive 2005/85, la Cour a déjà interprété cette disposition et examiné la question de savoir si la circonstance que la protection subsidiaire a été accordée dans un premier État membre permet à un second État membre devant lequel un ressortissant de pays tiers a introduit une demande d’asile, de rejeter celle-ci comme irrecevable ( 12 ). La question, examinée dans le cadre de l’application conjointe de cette directive et du règlement Dublin II, a reçu une réponse clairement négative.

30.

La circonstance que la directive 2005/85 est considérée, dans la présente affaire, dans le cadre de l’application du règlement Dublin III, et non plus du règlement Dublin II, peut-elle conduire à une interprétation différente ?

31.

Cette problématique est au cœur des première et troisième questions de la juridiction de renvoi. En effet, ces questions, qui sont étroitement liées, visent à savoir si l’« État membre en question » mentionné à l’article 25, paragraphe 2, sous d), de la directive 2005/85 peut être le premier État membre qui a accordé une protection équivalente à celle conférée par le statut de réfugié, de sorte que la protection subsidiaire accordée par celui-ci pourrait être un motif d’irrecevabilité dans le contexte du règlement Dublin II (première question) ou dans celui du règlement Dublin III (troisième question). Je propose de traiter la problématique soulevée en commençant par analyser les motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 25 de la directive 2005/85 dans le cadre du règlement Dublin II (section B) avant d’examiner ceux-ci dans le cadre du règlement Dublin III (section C). Je terminerai par quelques remarques sur la question d’abus soulevée dans la deuxième question préjudicielle.

B.   Sur les motifs d’irrecevabilité prévus par la directive 2005/85 dans le cadre du règlement Dublin II

32.

J’examine dans la présente section, en premier lieu, l’article 25, paragraphe 2, de la directive 2005/85 et, plus particulièrement, le sens du point d) de cette disposition, tel qu’il résulte de son libellé et de son contexte, puis, en second lieu, les apports de l’arrêt Ibrahim à ce sujet.

1. L’article 25, paragraphe 2, de la directive 2005/85

33.

L’article 25, paragraphe 2, de la directive 2005/85 contient sept motifs d’irrecevabilité facultatifs permettant aux États membres de considérer comme irrecevable une demande d’asile introduite par un ressortissant de pays tiers.

34.

Le premier motif d’irrecevabilité prévu à cette disposition, à son point a), porte sur le cas où le statut de réfugié a été accordé par un autre État membre. Les deux motifs suivants à ses points b) et c) visent le cas où une protection est offerte par un pays tiers considéré comme le premier pays d’asile ou comme un pays tiers sûr. Ses points d) et e) concernent le cas où le demandeur est autorisé à rester dans l’État membre en question soit parce qu’il s’est vu octroyer par cet État membre un statut équivalant aux droits et avantages du statut de réfugié, conformément à la directive 2004/83, autrement dit cet État membre lui a accordé le statut conféré par la protection subsidiaire ( 13 ) [point d)], soit parce que cet État membre le met à l’abri du refoulement en attendant le résultat d’une procédure permettant de déterminer l’octroi ou le rejet du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire [point e)]. Ses points f) et g) visent respectivement le cas d’une répétition d’une demande identique après qu’une décision finale a été adoptée et celui d’une demande déposée par une personne à charge du ressortissant de pays tiers qui avait déjà consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande faite en son nom.

35.

La présente affaire porte sur les conséquences d’une protection subsidiaire accordée dans un premier État membre et la question se pose de savoir si l’« État membre en question » visé aux points d) et e) de l’article 25, paragraphe 2, de la directive 2005/85 peut être ce premier État membre. Si tel est le cas, alors la circonstance que la République italienne a accordé la protection subsidiaire à des ressortissants de pays tiers, tels que ceux en cause au principal, constitue, en vertu du point d) de cette disposition, un motif d’irrecevabilité de la demande de protection internationale introduite dans le second État membre, l’Irlande. En revanche, si ces termes visent le second État membre uniquement, l’octroi de la protection subsidiaire dans le premier État membre ne constitue pas un motif d’irrecevabilité, en vertu de ce point.

36.

Le libellé de l’article 25, paragraphe 2, sous d), de la directive 2005/85 n’offre pas de réponse claire à cette question. Ce libellé contient une ambiguïté comme en attestent les interrogations de la juridiction de renvoi. Selon les ressortissants de pays tiers, la notion d’« État membre en question » aux points d) et e) ne couvrirait que le second État membre, et l’octroi d’une protection subsidiaire en Italie ne serait pas pertinent, tandis que l’Irlande et la Commission européenne, de même que la juridiction de renvoi, estiment que cette notion couvre tant le premier que le second État membre.

37.

L’ambiguïté est renforcée par le considérant 22 de la directive 2005/85. Ce considérant énonce que les États membres sont tenus d’examiner au fond une demande d’asile sauf dispositions contraires de cette directive « notamment lorsqu’on peut raisonnablement supposer qu’un autre pays procéderait à l’examen ou accorderait une protection suffisante » ( 14 ). Ce considérant précise que « [n]otamment, les États membres ne devraient pas être tenus d’examiner une demande d’asile au fond lorsqu’un premier pays d’asile a octroyé au demandeur le statut de réfugié ou lui a accordé à un autre titre une protection suffisante et que le demandeur sera réadmis dans ce pays » ( 15 ).

38.

Or, les termes « autre pays » et « premier pays d’asile » sont employés dans ce considérant dans un sens susceptible d’englober tant les pays tiers que les États membres. En effet, contrairement au terme « pays » figurant à l’article 25, paragraphe 2, sous b) et c), de la directive 2005/85, qui renvoie expressément et uniquement à un pays tiers, il n’est pas précisé que les pays mentionnés à ce considérant 22 ne comprennent pas les États membres.

39.

En s’appuyant sur ce considérant, l’Irlande et la Commission soutiennent que la notion d’« État membre en question » figurant à l’article 25, paragraphe 2, sous d) et e), de la directive 2005/85 englobe tant le premier État membre que le second. Ils en concluent que si le premier État membre a accordé la protection subsidiaire aux ressortissants de pays tiers qui introduisent une demande d’asile devant un second État membre, ce dernier peut rejeter cette demande comme irrecevable.

40.

Un examen plus détaillé du libellé de cet article 25, paragraphe 2, et du contexte de cette disposition conduit toutefois à une autre réponse.

41.

En effet, ainsi que je l’ai déjà signalé, le législateur de l’Union a rédigé cette disposition en utilisant les termes « un autre État membre » à son point a) et les termes « État membre en question » à ses points d) et e). Si des termes différents ont été utilisés au point sous a) par rapport aux points d) et e), c’est parce que le législateur visait deux cas de figure différents. Les termes « État membre en question » ne sauraient, dès lors, être considérés comme équivalents aux termes « un autre État membre » et l’« État membre en question » n’est donc pas le premier État membre dans lequel le ressortissant de pays tiers a introduit sa demande d’asile.

42.

Si le législateur souhaitait qu’il en aille autrement, il eût été logique qu’il ajoutât au point a), de la même disposition que le statut de protection subsidiaire accordé par un autre État membre constituait un motif d’irrecevabilité tout comme le statut de réfugié.

43.

Cette lecture littérale est corroborée par une interprétation contextuelle fondée sur la prise en compte de la définition à l’article 2, sous k), de la directive 2005/85 ( 16 ) des termes « rester dans l’État membre » qui sont utilisés à son article 25, paragraphe 2, sous d) et e) ( 17 ). En effet, ces termes sont définis comme le fait de rester sur le territoire de l’État membre dans lequel la demande d’asile a été déposée ou est examinée.

44.

Il s’ensuit que l’« État membre en question », au sens de cet article 25, paragraphe 2, sous d) et e), vise l’État membre dans lequel le ressortissant de pays tiers a déposé une demande d’asile, en l’occurrence l’Irlande, et sur le territoire duquel il peut rester du fait ( 18 ) que cet État membre soit lui a précédemment accordé le statut conféré par la protection subsidiaire [point sous d)], soit est en train d’examiner sa demande d’asile (pour la première fois) et a autorisé ce ressortissant de pays tiers à rester sur son territoire en attendant sa décision [point sous e)].

45.

L’arrêt Ibrahim, jugé en formation de grande chambre par la Cour, et qui portait plus précisément sur le motif d’irrecevabilité inscrit à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, confirme cette analyse. Comme je vais l’exposer dans la section qui suit, la Cour a comparé cet article 33, paragraphe 2, sous a), à la disposition qu’il a remplacée, à savoir l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85. L’analyse de la Cour fait ressortir que le motif d’irrecevabilité fondé sur l’octroi d’une protection subsidiaire par un premier État membre figurant expressément audit article 33, paragraphe 2, sous a), n’était pas prévu au point a) de l’article 25, paragraphe 2, de la directive 2005/85 ni à aucun autre point de cette disposition.

2. L’arrêt Ibrahim

46.

Cet arrêt concernait quatre demandes d’asile introduites en Allemagne, dans trois cas, par des Palestiniens apatrides et, dans un cas, par un ressortissant de pays tiers, auxquels un premier État membre avait déjà octroyé le statut conféré par la protection subsidiaire, respectivement la Bulgarie et la Pologne. Cet arrêt portait sur des affaires jointes par la Cour, auxquelles je me réfèrerai comme étant, d’une part, les affaires Ibrahim et, d’autre part, l’affaire Magamadov. L’une des questions préjudicielles dans ces affaires visait le point de savoir si, au motif que la protection subsidiaire avait été obtenue dans un premier État membre, la juridiction allemande concernée pouvait rejeter comme irrecevables les demandes d’asile en faisant une application immédiate de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, quand bien même les faits de l’affaire se rapportaient en tout ou partie à des périodes précédant l’entrée en vigueur de cette directive et du règlement Dublin III.

47.

La Cour a jugé au point 58 de l’arrêt Ibrahim que, en permettant à un État membre de rejeter une demande de protection internationale comme irrecevable, lorsque le demandeur s’est vu accorder la protection subsidiaire dans un autre État membre, l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 a étendu la faculté précédemment prévue à l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85, qui permettait de rejeter une telle demande uniquement lorsque le demandeur s’était vu octroyer le statut de réfugié dans un autre État membre.

48.

Au point 71 de cet arrêt, la Cour a ajouté que la directive 2013/32 a ainsi introduit un motif d’irrecevabilité additionnel qui s’explique par le cadre réglementaire plus large prévu par le législateur avec l’adoption, concomitamment à cette directive, du règlement Dublin III. Le champ d’application de ce dernier comme celui de la directive 2013/32 est en effet étendu aux demandes de protection internationale ( 19 ), à savoir aux demandes visant à obtenir tant le statut de réfugié que le statut conféré par la protection subsidiaire, et n’est plus limité comme en vertu du règlement Dublin II à la procédure d’asile et, partant, au statut de réfugié.

49.

Le lien entre les règlements Dublin II ou III et les directives en matière de procédure qui leur sont respectivement associées est encore souligné au point 72 de l’arrêt Ibrahim qui précise que l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2005/85 se réfère au règlement Dublin II, alors que l’article 33, paragraphe 1, de la directive 2013/32 renvoie au règlement Dublin III.

50.

Cette analyse de la Cour met en exergue l’importance du cadre juridique dans lequel les règles de procédure interviennent en distinguant deux régimes réglementaires, celui gouverné par le règlement Dublin II et celui régi par le règlement Dublin III. La différence entre ces deux régimes qui découle de l’extension du champ d’application du règlement Dublin III est reflétée dans l’intitulé des différents instruments ( 20 ), le premier ne mentionnant que la « demande d’asile » tandis que le second évoque la « demande de protection internationale ». Chacun de ces régimes a été complété par un certain nombre d’instruments législatifs et je me référerai ci-après à ces régimes tels qu’ils ont été complétés, par les expressions « régime de Dublin II » ( 21 ) et « régime de Dublin III » ( 22 ).

51.

Cette extension du champ d’application explique, selon moi, non seulement l’insertion à l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32, d’un motif additionnel à son point sous a), mais aussi la soustraction de cette disposition de deux motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 25, paragraphe 2, de la directive 2005/85, à savoir ceux figurant à ses points sous d) et e). Ces points ainsi que le point sous f) de cette disposition sont désormais englobés dans le seul point sous d) de l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32 qui porte sur une demande ultérieure dans le même État membre ne présentant aucun élément ou fait nouveau en vue d’obtenir le statut de bénéficiaire d’une protection internationale, c’est-à-dire celui de réfugié ou celui conféré par la protection subsidiaire.

52.

La Cour a, en outre, considéré aux points 73 et 74 de l’arrêt Ibrahim qu’il résulte de l’économie du règlement Dublin III et de la directive 2013/32 ainsi que du libellé de l’article 33, paragraphe 1, de celle-ci que le motif d’irrecevabilité additionnel prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de cette directive ne s’applique pas à une demande d’asile qui relève encore entièrement du champ d’application du règlement Dublin II.

53.

Ainsi, s’agissant d’une situation telle que celle en cause dans l’affaire Magamadov qui, compte tenu des dates auxquelles sont intervenues la demande d’asile auprès du second État membre et la requête aux fins de reprise en charge par le premier État membre ( 23 ), relève entièrement du champ d’application du règlement Dublin II, la circonstance qu’une protection subsidiaire a été accordée dans le premier État membre ne constitue pas un motif d’irrecevabilité. Le second État membre doit en principe examiner la demande d’asile à moins qu’il ne décide de transférer le demandeur vers le premier État membre, conformément à l’article 16, paragraphe 1, sous e), ainsi qu’à l’article 20 du règlement Dublin II ( 24 ), afin que ce premier État membre se charge de cet examen.

54.

Cette conclusion de la Cour selon laquelle le motif d’irrecevabilité fondé sur l’octroi par un premier État membre du statut conféré par la protection subsidiaire n’est pas prévu par la directive 2005/85 et ne permet donc pas au second État membre de rejeter une demande d’asile, lorsque les faits de l’affaire relèvent entièrement du règlement Dublin II, corrobore l’analyse selon laquelle l’article 25, paragraphe 2, de cette directive, y compris son point d), ne prévoit pas un tel motif d’irrecevabilité et, partant, que la notion d’« État membre en question » figurant à ce point ne vise pas le premier État membre.

55.

En revanche, s’agissant d’une situation qui, à l’instar des affaires Ibrahim, relève du champ d’application du règlement Dublin III, la Cour a estimé dans cet arrêt que l’État membre concerné, soit le second État membre, a la faculté de rejeter la demande d’asile comme irrecevable ( 25 ).

56.

Cette conclusion de la Cour s’applique lorsque les faits de l’affaire relèvent totalement du champ d’application du règlement Dublin III et de la directive 2013/32, c’est-à-dire lorsqu’ils se situent après la date d’entrée en application du règlement Dublin III, soit le 1er janvier 2014 conformément à l’article 49, alinéa 2, de celui-ci, mais également après la date d’entrée en application de la directive 2013/32, soit le 20 juillet 2015.

57.

La même conclusion s’applique également lorsque les faits de l’affaire relèvent partiellement du champ d’application du règlement Dublin III ( 26 ), si la législation nationale du second État membre permet une application immédiate de la directive 2013/32 avant la date d’échéance de fin de transposition de cette dernière et pourvu que les faits se situent après la date d’entrée en vigueur commune de la directive 2013/32 et du règlement Dublin III ( 27 ) et qu’une partie d’entre eux se situent, comme dans les affaires Ibrahim, après l’entrée en application du règlement Dublin III ( 28 ). Dans cette situation, tant le règlement Dublin III que la directive 2013/32 sont applicables à de tels faits.

58.

S’il résulte de l’arrêt Ibrahim que, dans une situation entièrement régie par le règlement Dublin II, un État membre ne peut pas rejeter une demande d’asile comme irrecevable au motif que le demandeur a obtenu une protection subsidiaire dans un premier État membre, je constate que cet arrêt ne répond pas à la question de savoir si ce motif est applicable lorsqu’un État membre, en l’occurrence l’Irlande, est soumis à l’application du règlement Dublin III mais pas à celle de la directive 2013/32 qui lui est liée.

59.

S’agissant, par ailleurs, de la conclusion de la Cour rappelée au point 57 des présentes conclusions relative à l’application du motif additionnel d’irrecevabilité, lorsque les faits ne relèvent que partiellement du champ d’application du règlement Dublin III, force est de constater, néanmoins, que celle-ci porte sur une situation dans laquelle, à la différence de la présente affaire, le second État membre est pleinement soumis à l’application tant du règlement Dublin III que de la directive 2013/32.

60.

La même conclusion s’impose-t-elle lorsque ce second État membre n’est pas lié par la directive 2013/32 ?

C.   Sur les motifs d’irrecevabilité prévus par la directive 2005/85 dans le cadre du règlement Dublin III

61.

J’analyse dans la présente section, tout d’abord, l’apport du régime de Dublin III par rapport au régime de Dublin II et la logique des mécanismes de transfert et d’irrecevabilité liés à chacun de ces régimes, permettant au second État membre de ne pas examiner la demande de protection internationale qui lui est soumise (section 1). Je présente ensuite les incohérences susceptibles d’être générées par la situation particulière de l’Irlande qui n’est liée ni totalement à l’un ni totalement à l’autre régime avant de proposer l’interprétation qui découle, selon moi, de l’intention exprimée par le législateur (sections 2 et 3).

1. L’apport du régime de Dublin III et les mécanismes de transfert et d’irrecevabilité

62.

Le régime de Dublin III marque une nouvelle phase dans la création d’un régime d’asile commun. La première phase, qui correspond au régime de Dublin II, a consisté à prévoir un certain nombre de normes communes. Dans une deuxième phase, correspondant au régime de Dublin III, le législateur a cherché à rapprocher les statuts de réfugié et ceux conférant la protection subsidiaire en les traitant ensemble de manière uniforme et en accroissant les droits des intéressés au sein de l’Union. L’un des objectifs primordiaux et constants du législateur a été de limiter les mouvements secondaires des ressortissants de pays tiers ( 29 ), c’est-à-dire les déplacements de ces derniers à l’intérieur de l’Union en vue de bénéficier d’une protection ou de conditions de vie éventuellement plus favorables dans un autre État membre. Le rapprochement des règles de procédure devait contribuer à limiter ces mouvements ( 30 ).

63.

Chaque phase a débouché sur l’adoption d’un régime comportant un ensemble d’instruments législatifs qui se coordonnent entre eux ( 31 ). Ainsi qu’il ressort de l’arrêt Ibrahim, c’est à l’intérieur de chacun de ces régimes que les règles de recevabilité prévues par le législateur trouvent logiquement à s’appliquer.

64.

Dans le cadre du régime de Dublin III, le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire étant considérablement rapprochés, le règlement Dublin III ne prévoit plus, contrairement au règlement Dublin II, le transfert d’un demandeur d’asile par le second État membre vers le premier État membre afin que ce dernier le reprenne en charge après lui avoir accordé la protection subsidiaire et examine sa demande. Ainsi que la Cour l’a clairement confirmé, un tel transfert ne peut plus être requis par le second État membre dans ce contexte ( 32 ). Ce dernier dispose en revanche de la possibilité de rejeter la demande de protection internationale comme irrecevable sur le fondement de l’article 33 de la directive 2013/32 ( 33 ).

65.

Les deux voies que constituent le transfert et l’irrecevabilité pour rejeter une nouvelle demande de protection internationale visant à obtenir le statut de réfugié introduite dans un second État membre correspondent ainsi chacune à un ensemble législatif particulier qui a sa propre logique en fonction du degré d’harmonisation atteint.

66.

Force est de constater que le choix de l’Irlande de participer à l’adoption du règlement Dublin III sans être liée à la directive 2013/32 qui l’accompagne et, par conséquent, en restant soumise à l’application de la directive 2005/85 bouscule cette logique en créant une asymétrie dont les conséquences n’ont pas été traitées par le législateur et que j’examinerai ci-après.

2. Sur les incohérences susceptibles de résulter d’une situation asymétrique

67.

En étant soumise à l’application du règlement Dublin III, mais sans être liée à la directive 2013/32, l’Irlande ne peut s’appuyer sur l’article 33, paragraphe 2, sous a), de cette dernière pour rejeter comme irrecevable la demande d’asile déposée par un ressortissant de pays tiers qui bénéficie d’une protection subsidiaire dans un premier État membre. Par ailleurs, en étant soumis à la directive 2005/85, mais sans être régi par le règlement Dublin II, cet État membre ne peut pas non plus se fonder sur l’article 16 de ce règlement pour transférer un ressortissant de pays tiers vers le premier État membre afin qu’il traite de cette demande. Une interprétation purement littérale de la directive 2005/85 dans le cadre du règlement Dublin III pourrait ainsi se traduire par une obligation pour l’Irlande d’examiner la demande d’asile.

68.

Tous les intervenants devant la Cour et la juridiction de renvoi ont souligné les incohérences qui pourraient en résulter.

69.

Celles-ci sont, en effet, de deux ordres. Elles tiennent, en premier lieu, à la comparaison des conséquences de la protection accordée par les États membres par rapport à celles résultant de la protection accordée par les pays tiers.

70.

En vertu de l’article 25, paragraphe 2, sous b) et c), de la directive 2005/85, si une protection jugée suffisante était octroyée par un pays tiers, l’Irlande ne serait pas tenue d’examiner la demande d’asile et pourrait la rejeter comme irrecevable, alors qu’elle serait contrainte de l’examiner lorsqu’une protection subsidiaire a été accordée par un premier État membre. Cette différence est d’autant plus surprenante au regard de la confiance mutuelle que les États membres doivent en principe s’accorder et du degré de protection que le législateur de l’Union s’est efforcé de prévoir en faveur des ressortissants de pays tiers.

71.

En effet, la protection subsidiaire est un statut prévu par l’Union qui complète et s’ajoute au statut de réfugié instauré par la convention de Genève. Elle a été rendue possible par la confiance mutuelle qui est au cœur de la construction européenne et, notamment, du système européen commun d’asile ( 34 ). Accorder davantage de poids à la protection conférée par les pays tiers qu’à celle octroyée par un État membre irait à l’encontre de l’esprit du projet européen visant à la création de ce système d’asile.

72.

Les incohérences tiennent, en second lieu, aux effets paradoxaux du seul examen de la première demande de protection internationale, voire du rejet de cette demande, par rapport aux effets d’une décision d’octroi de cette dernière.

73.

Si un premier État membre est en train d’examiner la demande de protection internationale ou s’il l’a rejetée, l’Irlande n’est pas tenue, en vertu respectivement des points b) et d) de l’article 18, paragraphe 1, ( 35 ) du règlement Dublin III, d’examiner la demande introduite devant elle. En revanche, si le premier État membre a accordé la protection demandée sous la forme d’une protection subsidiaire, l’Irlande ne pourrait ni transférer le demandeur vers le premier État membre ( 36 ) ni déclarer la demande irrecevable sur le fondement de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, cette dernière n’étant pas applicable à cet État membre. L’Irlande pourrait donc être tenue d’examiner la demande.

74.

Ainsi, une décision favorable au ressortissant de pays tiers à l’issue de sa première demande obligerait néanmoins l’Irlande à examiner sa demande ultérieure de protection internationale, tandis qu’une situation dans laquelle une première décision n’a pas encore été prise ou lui est défavorable ne la contraindrait pas à examiner une telle demande ultérieure.

75.

Ces incohérences sont dues aux choix de l’Irlande. Ainsi qu’il ressort du considérant 41 du règlement Dublin III ( 37 ) et du considérant 58 de la directive 2013/32, le législateur avait certes permis à cet État membre d’être soumis à l’application du règlement Dublin III sans toutefois participer à l’ensemble du régime législatif propre à Dublin III. Cependant, il n’a pas prévu de solution dans une telle situation d’asymétrie. Il a accepté par avance les choix éventuels dudit État membre sans toutefois prévoir de dispositions pour régler les situations en découlant et éviter les incohérences relevées.

76.

Comme je l’ai exposé, l’arrêt Ibrahim apporte une réponse à la question de savoir s’il existe ou non une obligation pour le second État membre d’examiner au fond une demande d’asile dans deux situations, celle où la demande d’asile relève du régime de Dublin II et celle où cette demande relève du régime de Dublin III. Dans aucune de ces situations, le second État membre n’est tenu d’examiner la demande d’asile si la protection subsidiaire a été octroyée dans un premier État membre. Cet État membre peut soit déclarer la demande irrecevable (régime de Dublin III) soit transférer le demandeur vers le premier État membre (régime de Dublin II).

77.

En revanche, cet arrêt ne répond pas à la question, certes exceptionnelle puisqu’elle ne concerne plus qu’un État membre, de savoir si le second État membre doit traiter au fond une demande de protection internationale, lorsque cet État membre est soumis au règlement Dublin III mais pas à la directive 2013/32, de sorte qu’il reste soumis à la directive 2005/85 et que cette demande ne relève pleinement ni du régime de Dublin III ni du régime de Dublin II. Comment, s’agissant des questions de recevabilité, la directive 2005/85 doit-elle s’appliquer dans le cadre du règlement Dublin III ?

78.

Afin de répondre à cette question, il convient d’examiner cette directive à la lumière des objectifs poursuivis par le législateur.

3. Sur l’interprétation de la directive 2005/85 à la lumière de l’intention exprimée par le législateur

79.

Ainsi que je l’ai rappelé au point 62 des présentes conclusions, un des objectifs primordiaux du législateur est de limiter les mouvements secondaires.

80.

Or, je constate que si l’Irlande est tenue d’examiner les demandes déposées par des ressortissants de pays tiers sur son territoire alors même qu’ils ont déjà obtenu une protection subsidiaire dans un premier État membre, cette situation est susceptible d’encourager de tels mouvements et ainsi d’aller à l’encontre de l’objectif précité. Les ressortissants de pays tiers auront intérêt à essayer d’obtenir dans cet autre État membre une protection internationale afin de bénéficier des conditions de vie qui y prévalent.

81.

Dès lors que le législateur a entendu permettre aux seconds États membres tant dans le cadre réglementaire de Dublin II que dans celui de Dublin III de ne pas traiter une demande d’asile lorsque le ressortissant de pays tiers bénéficiait déjà de la protection subsidiaire dans un premier État membre, cette faculté doit, à mon sens, également exister lorsqu’un État membre, comme dans l’espèce au principal, se trouve à cheval sur ces deux cadres réglementaires.

82.

En effet, le transfert vers le premier État membre aux fins de la reprise en charge d’un ressortissant de pays tiers n’étant pas prévu par le règlement Dublin III et n’ayant plus lieu d’être dans ce cadre dès lors que la protection subsidiaire lui a été accordée par cet État membre, j’estime que le second État membre doit pouvoir, dans le contexte particulier en cause, rejeter la demande comme irrecevable, en se fondant sur la directive 2005/85 prise dans son ensemble et appliquée dans le cadre du règlement Dublin III.

83.

Une telle approche est pleinement conforme au considérant 22 de cette directive. En effet, selon ce considérant, un État membre ne devrait pas être obligé d’examiner au fond une demande d’asile lorsqu’un premier pays, État membre ou pays tiers, a déjà accordé une protection suffisante. J’ai déjà relevé que l’intention du législateur exprimée à ce considérant a été concrétisée à l’article 25, paragraphe 2, sous b) et c), de ladite directive, s’agissant des pays tiers.

84.

En ce qui concerne les États membres, je note que, en vertu de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2005/85, ceux-ci n’étaient pas tenus d’examiner au fond une demande d’asile si un des motifs d’irrecevabilité énumérés à cet article se présente « [o]utre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement [Dublin II] ». Autrement dit, les motifs d’irrecevabilité s’ajoutent aux cas où le règlement Dublin II prévoyait la possibilité de transférer le demandeur d’asile vers le premier État membre. Or, cette possibilité de transfert était expressément prévue à l’article 16 du règlement Dublin II ( 38 ).

85.

Il s’ensuit que la possibilité pour les États membres de ne pas examiner au fond la demande d’asile était également prévue, conformément au considérant 22 de la directive 2005/85, dans le cadre de l’articulation de cette directive avec le règlement Dublin II.

86.

Dans le cadre du régime de Dublin III, je relève que le considérant 43 de la directive 2013/32 contient en substance le même contenu que le considérant 22 de la directive 2005/85. S’agissant des États membres, ce considérant 43 est concrétisé à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, par la mention exprès d’un motif d’irrecevabilité, car le transfert n’est plus prévu par le règlement Dublin III.

87.

Cette analyse fait apparaître que, quel que soit le régime applicable, l’intention du législateur était clairement de ne pas contraindre le second État membre à examiner une demande d’asile lorsque le ressortissant de pays tiers a obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire.

88.

La solution que je propose est ainsi conforme au but poursuivi par le législateur dans la directive 2005/85, tel qu’il ressort notamment du considérant 22 de cette directive. Elle me paraît être, par ailleurs, la solution la plus en adéquation avec la logique des régimes de Dublin II et de Dublin III et permet d’éviter les incohérences relevées aux points 69 à 74 des présentes conclusions.

89.

Je souligne que cette solution ne porte pas atteinte aux droits du ressortissant de pays tiers tels qu’ils ont été harmonisés et approfondis par le régime de Dublin III, puisque le ressortissant de pays tiers a obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire dans un premier État membre, en l’occurrence l’Italie, qui participe pleinement à ce régime.

90.

Cela revient certes à ajouter un motif d’irrecevabilité à ceux expressément énumérés dans la directive 2005/85, mais je considère que ces derniers ont été conçus uniquement pour s’appliquer dans le cadre du règlement Dublin II, dans la logique du régime de Dublin II, et ainsi ne prévoient pas la situation particulière de l’Irlande ( 39 ).

91.

L’argument des requérants au principal, selon lequel dès lors que les motifs d’irrecevabilité inscrits à l’article 25 de la directive 2005/85 introduisent une dérogation à l’obligation des États membres d’examiner au fond les demandes d’asile, ces motifs devraient recevoir une interprétation restrictive, ne saurait infirmer l’analyse qui précède. En effet, un tel argument ne saurait prévaloir s’il devait conduire à une interprétation contraire aux objectifs poursuivis par le législateur. Or, ainsi qu’il ressort de cette analyse, considérer que l’Irlande serait tenue d’examiner la demande d’asile irait à l’encontre de ces objectifs et des solutions adoptées tant dans le cadre du régime de Dublin II que dans celui du régime de Dublin III pour les 25 États membres ayant adhéré pleinement à ces régimes.

92.

J’ajouterais que l’interprétation proposée ne porte aucunement atteinte à celle donnée par la Cour, dans l’arrêt Ibrahim, de l’article 25, paragraphe 2, de la directive 2005/85 en ce qui concerne tant le point sous a) de cette disposition que l’ensemble de ses autres points. Celle-ci demeure pleinement valable y compris à l’égard de l’Irlande lorsque les faits de l’affaire relèvent entièrement du champ d’application du règlement Dublin II, à l’instar de l’affaire Magamadov.

93.

J’estime, par conséquent, que la directive 2005/85, lue à la lumière de son considérant 22, ne s’oppose pas à ce que le second État membre prévoie, dans sa législation, qu’il peut rejeter la demande de protection internationale introduite devant lui comme irrecevable dans le cas exceptionnel où cet État membre demeure soumis à cette directive tout en étant régi par le règlement Dublin III.

94.

Compte tenu de mon analyse des première et troisième questions préjudicielles, je considère qu’il n’est pas nécessaire d’aborder la deuxième question préjudicielle. Néanmoins, à toutes fins utiles, je soulignerais que la demande par un ressortissant de pays tiers de la protection internationale après avoir obtenu la protection subsidiaire dans un premier État membre ne constitue pas à mon sens en soi un abus de droit. Le législateur de l’Union a reconnu que les ressortissants de pays tiers peuvent légitimement rechercher une protection dans l’Union, lorsqu’ils y sont poussés par les circonstances ( 40 ).

95.

Je souligne en outre que le fait pour un ressortissant de pays tiers de chercher à obtenir le statut de réfugié dans un État membre après avoir obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire dans un autre État membre a, ainsi qu’il a été exposé dans les présentes conclusions, été expressément prévu par le législateur dans le cadre tant du règlement Dublin II que du règlement Dublin III. Il ne saurait, dès lors, de manière générale et abstraite être qualifié d’abus de droit.

96.

Par conséquent, si un comportement abusif dans la recherche de protection internationale ne saurait être exclu dans toutes les situations, il devrait, à tout le moins, faire l’objet d’un examen au cas par cas ( 41 ).

V. Conclusion

97.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par la High Court (Haute Cour, Irlande) :

L’article 25, paragraphe 2, de la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, examiné dans le cadre de l’application du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que l’Irlande prévoie dans sa législation nationale un motif d’irrecevabilité lui permettant de rejeter une demande de protection internationale introduite par un ressortissant de pays tiers lorsque celui-ci a déjà obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire dans un premier État membre.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Directive du Conseil du 1er décembre 2005 (JO 2005, L 326, p. 13).

( 3 ) Ces litiges ont été joints par le juge de renvoi.

( 4 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31, ci-après le « règlement Dublin III »). Voir considérant 41 de ce règlement.

( 5 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60).

( 6 ) Règlement du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 50, p. 1).

( 7 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9).

( 8 ) JO 2004, L 304, p. 12.

( 9 ) Arrêt du 19 mars 2019 (C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, ci‑après l’« arrêt Ibrahim , EU:C:2019:219).

( 10 ) La question préjudicielle dans sa version originale mentionne la directive 2011/95. Il semble toutefois qu’il s’agisse d’une erreur de plume au vu des explications données au point 11 de la décision de renvoi dans lequel cette juridiction mentionne « la directive procédures refondue 2011/95 » et se réfère à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de cette directive. Or, la directive procédures refondue est la directive 2013/32 et l’article 33, paragraphe 2, sous a), relève de cette directive et non de la directive 2011/95.

( 11 ) Voir point 16 des présentes conclusions.

( 12 ) Voir arrêt Ibrahim.

( 13 ) Ainsi qu’il ressort de son considérant 5, la directive 2004/83 vise à prévoir des règles relatives au statut de réfugié ainsi qu’à « des formes subsidiaires de protection offrant un statut approprié à toute personne nécessitant une telle protection ». La Cour a jugé qu’en ce qui concerne les bénéficiaires de la protection subsidiaire, la directive 2004/83 vise à offrir « une protection sur le territoire des États membres analogue à celle qui est reconnue aux réfugiés » [voir arrêt du 24 avril 2018, MP (Protection subsidiaire d’une victime de tortures passées) (C‑353/16, EU:C:2018:276 , point 55)].

( 14 ) Souligné par mes soins.

( 15 ) Souligné par mes soins.

( 16 ) L’article 2 de la directive 2005/85 contient un certain nombre de définitions parmi lesquelles la notion de « rester dans l’État membre » qui est définie comme « le fait de rester sur le territoire, y compris à la frontière, ou dans une zone de transit de l’État membre dans lequel la demande d’asile a été déposée ou est examinée ».

( 17 ) Ces points d) et e) prévoient que « le demandeur est autorisé à rester dans l’État membre en question ».

( 18 ) Selon moi, il faut comprendre les termes « pour un autre motif » au point d) et « pour d’autres motifs » au point e) comme visant respectivement le cas où la protection subsidiaire a été précédemment accordée et celui où le droit de rester sur le territoire de l’État membre a été accordé notamment pour des raisons humanitaires.

( 19 ) Voir article 2, sous h), de la directive 2011/95.

( 20 ) Voir notes en bas de page 6 et 4 des présentes conclusions.

( 21 ) Ce régime comprend outre le règlement Dublin II, en particulier, trois directives : la directive 2004/83, dite « directive qualification », qui détermine les conditions minimales à remplir pour obtenir le statut de réfugié ou la protection subsidiaire et précise les droits qui y sont attachés ; la directive 2005/85, dite « directive procédures », qui porte sur le seul statut de réfugié et concerne l’octroi et le retrait de ce statut, et la directive 2003/9/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres (JO 2003, L 31, p. 18), dite « directive accueil », qui établit des règles minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres.

( 22 ) Ce régime comprend outre le règlement Dublin III, en particulier, trois directives qui constituent une refonte des directives mentionnées à la note en bas de page 21 des présentes conclusions, à savoir, respectivement, la directive 2011/95 (refonte de la directive qualification), la directive 2013/32 (refonte de la directive procédures) et la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 96) (refonte de la directive accueil).

( 23 ) Ces dates sont respectivement le 19 juin 2012 et le 13 février 2013. Elles sont antérieures à l’entrée en vigueur du règlement Dublin III et de la directive 2013/32, le 20 juillet 2013, et à l’entrée en application du règlement Dublin III, le 1er janvier 2014.

( 24 ) L’article 16, paragraphe 1, du règlement Dublin II détermine notamment les cas dans lesquels l’État membre responsable est tenu de reprendre en charge le demandeur d’asile et d’examiner sa demande. Le point sous e) de cette disposition prévoit que cette obligation s’applique s’agissant d’un ressortissant de pays tiers dont il a rejeté la demande et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d’un autre État membre. Ainsi que la Commission l’a fait valoir dans ses observations écrites dans la présente affaire, cette disposition est notamment appliquée lorsque le premier État membre a accordé la protection subsidiaire, mais n’a pas octroyé le statut de réfugié. L’article 20 de ce règlement précise les conditions dans lesquelles cette reprise en charge s’effectue et prévoit à son paragraphe 1, sous d), le transfert du demandeur vers le premier État membre. Selon la Commission, compte tenu de cette possibilité de transfert du ressortissant de pays tiers et de reprise en charge par le premier État membre, il n’était pas nécessaire que la directive 2005/85 prévoie également un motif d’irrecevabilité dans une telle situation.

( 25 ) Voir arrêt Ibrahim, point 74. La Cour a ainsi examiné les autres questions préjudicielles dans cette affaire visant à préciser la mise en œuvre de l’article 33 de la directive 2013/32.

( 26 ) Voir, en ce sens, arrêt Ibrahim, points 74 et 78.

( 27 ) Le 20 juillet 2013 (voir article 49, alinéa 1, du règlement Dublin III et article 54 de la directive 2013/32).

( 28 ) Dans les affaires Ibrahim, la demande d’asile dans le second État membre a été introduite le 29 novembre 2013 et la requête de reprise en charge le 22 janvier 2014.

( 29 ) Voir, s’agissant du régime de Dublin II, arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 79), qui mentionne l’objectif d’éviter le forum shopping des demandeurs d’asile et, s’agissant du régime de Dublin III, arrêt du 17 mars 2016, Mirza (C‑695/15 PPU, EU:C:2016:188, point 52).

( 30 ) Voir, notamment, considérant 13 de la directive 2013/32.

( 31 ) Voir, en ce sens, s’agissant du régime de Dublin III, arrêt du 17 mars 2016, Mirza (C‑695/15 PPU, EU:C:2016:188, points 41 et 42), ainsi que notes en bas de page 21 et 22 des présentes conclusions.

( 32 ) Voir ordonnance du 5 avril 2017, Ahmed (C‑36/17, EU:C:2017:273, point 41), et arrêt Ibrahim, point 78.

( 33 ) Voir ordonnance du 5 avril 2017, Ahmed (C‑36/17, EU:C:2017:273, point 39), et arrêt Ibrahim, points 79 et 80).

( 34 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 78, 79 et 83), et arrêt Ibrahim, points 83 à 85).

( 35 ) L’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement Dublin III prévoit que l’État membre responsable est tenu de « reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ». Cette disposition s’applique ainsi notamment si le premier État membre a commencé l’examen d’une demande de protection internationale et que le ressortissant de pays tiers s’est rendu dans un second État membre alors que sa demande était en cours d’examen. L’article 18, paragraphe 1, sous d), de ce règlement prévoit que l’État membre responsable est tenu de « reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ». Cette disposition s’applique ainsi notamment si le premier État membre a rejeté la demande de protection internationale et que le ressortissant de pays tiers introduit une nouvelle demande devant le second État membre. Dans l’un et l’autre cas, le second État membre peut requérir le premier État membre de reprendre en charge le ressortissant de pays tiers (conformément aux articles 23 et 24 du règlement Dublin III) et si cet État membre accepte la reprise en charge, le second État membre notifie le ressortissant de pays tiers de la décision de le transférer vers l’État membre responsable (conformément à l’article 26 du règlement Dublin III).

( 36 ) Voir ordonnance du 5 avril 2017, Ahmed (C‑36/17, EU:C:2017:273, points 27 et 28).

( 37 ) Ce considérant énonce que le Royaume-Uni et l’Irlande ont notifié leur souhait de participer à l’adoption et à l’application du règlement Dublin III, conformément à l’article 3 et à l’article 4 bis, paragraphe 1, du protocole no 21 sur la position de ces deux États membres à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

( 38 ) Voir note en bas de page 24 des présentes conclusions.

( 39 ) Je note d’ailleurs que, contrairement au libellé de l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32, l’article 25, paragraphe 2, de la directive 2005/85 ne limite pas l’énumération des motifs d’irrecevabilité par l’utilisation du terme « uniquement ». J’estime que le libellé de cet article 25, paragraphe 2, permet ainsi au législateur national, dans une situation d’asymétrie telle que celle dans laquelle l’Irlande se trouve, d’adopter une interprétation plus large de ces motifs.

( 40 ) Voir, notamment, considérants 1 du règlement Dublin II et de la directive 2005/85 ainsi que considérants 2 du règlement Dublin III et de la directive 2013/32.

( 41 ) La preuve d’une pratique abusive nécessite d’examiner, notamment, si l’intéressé « a cherché à obtenir un avantage résultant de la réglementation de l’Union en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention » [voir, notamment, arrêts du 16 octobre 2012, Hongrie/Slovaquie (C‑364/10, EU:C:2012:630, point 58) ainsi que du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C‑202/13, EU:C:2014:2450, point 54)].