CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 17 septembre 2020 ( 1 )

Affaire C‑288/19

QM

contre

Finanzamt Saarbrücken

[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht des Saarlandes (tribunal des finances du Land de Sarre, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous c) – Prestations de services à titre onéreux – Article 45 – Lieu de la prestation de services – Article 56 – Lieu de la prestation de services de location de moyens de transport – Mise à disposition de véhicules de fonction aux travailleurs »

Introduction

1.

La mise à disposition, par un assujetti, d’un véhicule affecté à son entreprise pour les besoins privés de son travailleur est-elle soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ? Quelles sont les éventuelles conditions d’une telle imposition et une telle opération constitue-t-elle une location d’un moyen de transport ? La Cour aura l’occasion de répondre à ces questions dans la présente affaire, tout en précisant dans le même temps sa jurisprudence relative tant à la mise à disposition par un assujetti d’éléments de l’actif de son entreprise et à la prestation de services par ce dernier à des fins privées qu’à la définition des services de location à la lumière de cette jurisprudence.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2.

L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( 2 ), telle que modifiée par la directive 2008/8/CE du Conseil, du 12 février 2008 ( 3 ) (ci‑après la « directive 2006/112 »), dispose :

« 1.   Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

[...]

c)

les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

[...] »

3.

Aux termes de l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2006/112 :

« 1.   Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux les opérations suivantes :

a)

l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA ;

b)

la prestation de services à titre gratuit effectuée par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise. »

4.

Aux termes de l’article 45, première phrase, de cette directive :

« Le lieu des prestations de services fournies à une personne non assujettie est l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique. »

5.

Enfin, l’article 56, paragraphes 2 et 3, de la directive 2006/112, dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2013 ( 4 ), dispose :

« 2.   Le lieu des prestations de services de location, autre que la location de courte durée, d’un moyen de transport fournies à une personne non assujettie est l’endroit où cette personne est établie ou a son domicile ou sa résidence habituelle.

[...]

3.   Aux fins des paragraphes 1 et 2, on entend par “courte durée” la possession ou l’utilisation continue du moyen de transport pendant une période ne dépassant pas trente jours, et, dans le cas d’un moyen de transport maritime, pendant une période ne dépassant pas quatre-vingt-dix jours. »

Le droit allemand

6.

La directive 2006/112 a été transposée en droit allemand par les dispositions de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, ci‑après l’« UStG »). L’article 3a de l’UStG fixe les règles générales de détermination du lieu des opérations imposables. Par dérogation à ces règles et conformément à l’article 3f de l’UStG, dans sa version applicable aux faits de la procédure au principal, on entend par « lieu des prestations de services effectuées par un assujetti à titre gratuit à des fins étrangères à son entreprise ou pour les besoins privés de son personnel » l’endroit où cet assujetti exerce une activité économique.

Les faits, le déroulement de la procédure et la question préjudicielle

7.

QM est une société qui gère des fonds d’investissement et dont le siège est situé au Luxembourg. Elle a mis des véhicules de société à la disposition, entre autres, de deux travailleurs domiciliés en Allemagne. Ces derniers pouvaient utiliser ces véhicules à des fins tant professionnelles que privées.

8.

Pour l’un des travailleurs, le véhicule a été mis à sa disposition à titre gratuit, alors que le second travailleur a supporté des coûts, déduits de sa rémunération à hauteur de 5688 euros par an.

9.

QM effectue surtout des transactions exonérées de la TVA et acquitte celle‑ci au Luxembourg dans le cadre de la procédure simplifiée d’imposition. Cette procédure n’autorise pas la déduction de la TVA acquittée en amont pour les produits et services acquis à des stades antérieurs de consommation. En particulier, QM n’a pas bénéficié du droit de déduire la TVA acquittée pour les deux véhicules qui font l’objet de la procédure au principal.

10.

En novembre 2014, QM s’est enregistrée comme étant assujettie à la TVA en Allemagne et a introduit des déclarations fiscales au titre des années 2013 et 2014, dans lesquelles elle a déclaré la mise à disposition des véhicules concernés. Sur la base de ces déclarations, le Finanzamt Saarbrücken (administration fiscale de Saarebruck, Allemagne) a rendu des avis d’imposition. En juillet 2015, QM a toutefois introduit une réclamation contre ces décisions. La réclamation a été rejetée le 2 mai 2016.

11.

Le 2 juin 2016, QM a introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi. Elle affirme que cette mise à disposition des véhicules n’est pas soumise à la TVA, au motif qu’il ne s’agit pas d’une prestation à titre onéreux, en toute hypothèse pas dans sa totalité, et qu’il ne s’agit pas d’un service de location d’un moyen de transport au sens de l’article 56 de la directive 2006/112.

12.

Dans ces circonstances, le Finanzgericht des Saarlandes (tribunal des finances du Land de Sarre, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de la question préjudicielle suivante :

« L’article 56, paragraphe 2, de la [directive 2006/112] doit-il être interprété en ce sens qu’il faut aussi entendre par “location [...] d’un moyen de transport [...] à une personne non assujettie” le prêt d’un véhicule affecté à l’entreprise d’un assujetti (véhicule de société) à son personnel lorsque celui‑ci ne fournit pas pour cela une contrepartie ne consistant pas (en partie) en sa prestation de travail, c’est‑à‑dire que le personnel n’effectue aucun paiement, qu’il ne consacre aucune partie de sa rémunération en espèces à cela et qu’il ne choisit pas non plus entre différents avantages offerts par l’assujetti conformément à un accord entre les parties en vertu duquel le droit d’utiliser le véhicule de société implique renonciation à d’autres avantages ? »

13.

Le renvoi préjudiciel est parvenu à la Cour le 9 avril 2019. Des observations écrites ont été déposées par QM, le gouvernement allemand ainsi que par la Commission européenne. En raison de l’annulation de l’audience due à la pandémie de Covid-19, les parties ont répondu par écrit aux questions supplémentaires de la Cour.

Analyse

Remarques liminaires

14.

Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à déterminer si la notion de « location [...] d’un moyen de transport [...] à une personne non assujettie », visée à l’article 56, paragraphe 2, de la directive 2006/112, inclut la mise à disposition à titre gratuit par un assujetti d’un véhicule à son travailleur à des fins tant professionnelles que privées.

15.

Ainsi qu’il ressort des informations figurant dans la demande de décision préjudicielle, le litige au principal concerne deux situations. Dans le premier cas de figure, un véhicule est mis à disposition effectivement à titre gratuit, alors que, dans le second, le travailleur supporte des coûts à concurrence de 5688 euros par an, déduits de sa rémunération. La question préjudicielle semble avoir pour objet uniquement la première situation, mais je considère qu’une réponse complète et utile à la juridiction de renvoi requiert une analyse des deux cas de figure. Il en va d’autant plus ainsi que la jurisprudence de la Cour relative, d’une part, à l’utilisation d’éléments de l’actif de l’entreprise de l’assujetti à des fins étrangères à son activité et, d’autre part, à la définition d’un contrat de location peut entraîner des appréciations divergentes.

Mise à disposition à titre gratuit d’un véhicule à un travailleur

16.

En principe sont soumises à la TVA les opérations à titre onéreux. Or le caractère onéreux peut prendre la forme d’une prestation en argent ou d’une autre contrepartie ( 5 ). S’agissant de la relation entre un assujetti et son personnel, la jurisprudence de la Cour contient une série d’indications permettant de déterminer si une prestation au bénéfice d’un travailleur revêt un caractère onéreux.

17.

Contrairement aux affirmations du gouvernement allemand dans ses observations écrites, il ressort assez clairement de cette jurisprudence qu’il y a une opération à titre onéreux dans les relations entre un assujetti et son travailleur uniquement lorsque ce dernier effectue des paiements pour un bien ou un service, qu’il renonce à une partie de sa rémunération ou qu’une partie déterminée du travail réalisé par ce dernier peut être qualifiée de « contrepartie » du bien ou du service reçu de l’employeur ( 6 ). À cet égard, il importe peu que le droit national considère la prestation fournie par l’employeur au travailleur comme une partie du revenu de ce dernier aux fins de l’impôt sur le revenu ( 7 ).

18.

Une position similaire a été défendue par le Comité TVA dans ses lignes directrices adoptées dans le document H lors de sa 101e réunion du 20 octobre 2014 ( 8 ). Ces lignes directrices n’ont certes pas une force contraignante, mais elles confirment toutefois l’interprétation découlant de la jurisprudence précitée de la Cour.

19.

Ainsi qu’il ressort des informations figurant dans la demande de décision préjudicielle et du libellé lui‑même de la question préjudicielle, la juridiction de renvoi considère que, dans la présente affaire, en tout état de cause en ce qui concerne l’un des travailleurs de QM, aucune des conditions précitées permettant de constater l’existence d’une opération à titre onéreux n’est remplie.

20.

Il n’est donc pas possible d’adhérer à l’affirmation du gouvernement allemand selon laquelle « il convient de reconnaître » que la rémunération de ce travailleur a été réduite de la valeur de l’avantage découlant de la mise à sa disposition d’un véhicule par l’employeur.

21.

Conformément à la jurisprudence de la Cour, on entend par « rémunération d’une prestation à titre onéreux » exclusivement la rémunération effectivement reçue par l’assujetti, impliquant l’existence d’un rapport direct entre cette prestation et la rémunération reçue ( 9 ). L’existence d’un tel rapport entre le travail effectué par le travailleur et un avantage identifié dans le chef de l’employeur devrait donc être établie dans une situation concrète par la juridiction saisie de l’affaire. En revanche, il ne saurait être question ici d’aucune reconnaissance ou présomption ( 10 ).

22.

Par conséquent, il convient de constater que, dans une situation telle que celle décrite dans la question préjudicielle, il n’y a pas de prestation de services effectuée à titre onéreux au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112.

23.

En revanche, le gouvernement allemand soulève un argument supplémentaire, selon lequel le caractère onéreux ou gratuit de la mise à disposition d’un véhicule à un travailleur n’a pas d’importance en l’espèce, dès lors qu’il y a lieu d’appliquer ici l’article 26, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112. Cette disposition prévoit qu’est également assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux, entre autres, la prestation de services à titre gratuit effectuée par l’assujetti pour les besoins privés de son personnel. Puisqu’une mise à disposition d’un véhicule dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal est incontestablement un service ( 11 ), elle doit être soumise, selon le gouvernement allemand, à la TVA en application des dispositions combinées de l’article 2, paragraphe 1, sous c), et de l’article 26, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112. Ce faisant, ce service doit être qualifié de « service de location, autre que la location de courte durée, d’un moyen de transport », de sorte que, conformément à l’article 56, paragraphe 2, de cette directive, le lieu de prestation de ce service est l’endroit où le bénéficiaire a son domicile. Cet argument requiert un examen plus détaillé.

24.

L’article 26, paragraphe 1, de la directive 2006/112 requiert de reconnaître en tant que « prestations de services effectuées à titre onéreux » deux catégories de situation. Premièrement, l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel, ou à des fins étrangères à l’entreprise de l’assujetti. Toutefois, cela s’applique exclusivement lorsque l’acquisition de ce bien a ouvert le droit à la déduction de la TVA acquittée au titre de cette acquisition [sous a)]. Deuxièmement, la prestation de services à titre gratuit pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel, ou à des fins étrangères à son entreprise [sous b)]. Dans cette seconde situation, il importe peu que l’acquisition des biens ou des services utilisés aux fins de fournir une prestation de services à titre gratuit pour les besoins privés de l’assujetti ou de son personnel ait ou non ouvert le droit à la déduction de la TVA.

25.

Le gouvernement allemand admet sans discussion que l’article 26, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 s’applique à la mise à disposition à titre gratuit d’un véhicule par un assujetti à son travailleur. Il part en effet de l’hypothèse que cette mise à disposition est un service de location d’un moyen de transport au sens de l’article 56, paragraphe 2, de cette directive, dont le lieu de prestation (et d’imposition) est l’endroit où le bénéficiaire a son domicile. Et si ce service est fourni à titre gratuit, c’est l’article 26, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 qui doit s’appliquer, conformément à son libellé littéral, quel que soit le contexte.

26.

C’est toutefois mettre la charrue avant les bœufs. En effet, cette interprétation, se fondant sur une hypothèse qui pourrait être tout au plus sa conséquence, omet complètement l’existence de l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112 ainsi que le point de savoir laquelle des deux dispositions figurant à ce paragraphe [le point a) ou le point b)] s’applique dans le cas de la mise à disposition à titre gratuit par l’assujetti d’un véhicule à son travailleur.

27.

Cette question n’est pas clairement réglée par la directive 2006/112. Le texte littéral de ces dispositions pourrait laisser entendre que leurs champs d’application se chevauchent. S’il n’est donc pas possible de taxer l’utilisation d’un bien pour les besoins privés de l’assujetti ou de son personnel sur le fondement de l’article 26, paragraphe 1, sous a), de cette directive, notamment lorsque ce bien n’a pas ouvert le droit de déduire la TVA payée en amont, il est toujours possible de qualifier cette utilisation de « service » et de la taxer sur le fondement de l’article 26, paragraphe 1, sous b), de ladite directive.

28.

Selon moi, une telle interprétation serait toutefois incompatible avec l’objectif de ces règles et avec le principe de neutralité fiscale. Elle priverait également en principe la règle de l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112 de son sens.

29.

Si, en effet, la Cour n’a pas tranché dans sa jurisprudence la question de la délimitation du champ d’application de ces deux dispositions ( 12 ), elle s’est prononcée sur leur finalité et leur fonction.

30.

Or, s’agissant de l’article 6, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE ( 13 ), qui a un contenu essentiellement identique à celui de l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2006/112, la Cour a déclaré que son objectif est d’assurer une égalité de traitement des assujettis et des consommateurs. Cette disposition vise à éviter la non-imposition d’un bien affecté à une entreprise utilisé à des fins privées et d’une prestation de services à titre gratuit effectuée par l’assujetti à des fins privées ( 14 ).

31.

En particulier, au sujet de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388 [aujourd’hui article 26, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112], la Cour a déclaré que, étant donné qu’elle a pour objectif d’éviter la non-imposition d’un bien affecté à l’entreprise d’un assujetti et utilisé à des fins privées, cette disposition requiert de considérer une telle utilisation comme étant un service à titre onéreux soumis à la taxe uniquement si l’assujetti a bénéficié du droit de déduire la taxe payée en amont lors de l’acquisition de ce bien. En revanche, la taxation de l’utilisation à des fins privées d’un bien qui, bien qu’affecté à l’entreprise de l’assujetti, n’a pas ouvert, lors de son acquisition, le droit pour l’assujetti de déduire la taxe payée en amont constituerait une double imposition contraire au principe de neutralité fiscale ( 15 ). À cet égard, le motif pour lequel l’assujetti n’a pas pu bénéficier du droit de déduire la taxe payée en amont pour ledit bien importe peu ( 16 ).

32.

Se trouve dans une même situation un assujetti qui, tel que QM, effectue exclusivement des activités exonérées et qui n’a pas le droit de déduire la taxe payée en amont lors de l’acquisition de biens et de services pour les besoins de son activité. Du point de vue du système de TVA, un tel assujetti se trouve dans une situation semblable à celle d’un consommateur, c’est‑à‑dire qu’il supporte la charge de la TVA payée en amont aux stades antérieurs de commercialisation.

33.

Par conséquent, l’application de l’article 26, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 à une situation où un tel assujetti utilise à titre gratuit à des fins privées des biens affectés à son entreprise constituerait un contournement de la limitation prévue au point a) de ladite disposition, aux termes duquel seule est reconnue comme étant un service imposable l’utilisation de biens à des fins privées dont l’acquisition a ouvert pour l’assujetti le droit de déduire la taxe payée en amont. Cela signifierait une double imposition de ces biens et, partant, une violation du principe de neutralité fiscale.

34.

Cela ne serait pas non plus compatible avec l’objectif de l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2006/112, qui est, selon la jurisprudence précitée de la Cour, d’éviter la non-imposition des biens livrés et des services fournis à des fins privées et de garantir une égalité de traitement des consommateurs et assujettis. En effet, dans une situation où l’assujetti n’a pas bénéficié du droit de déduire la taxe payée en amont lors de l’acquisition d’un bien, l’opération d’acquisition du bien est et reste taxée et l’assujetti lui‑même se trouve dans la même situation que le consommateur du point de vue de la TVA.

35.

Pour cette raison, je considère qu’il convient d’interpréter l’article 26, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 en ce sens qu’il ne vise pas les services consistant à ce qu’un assujetti mette à disposition des biens affectés à son entreprise à des fins privées ou à d’autres fins étrangères à son entreprise. C’est en effet le point a) de cette disposition qui s’applique à de tels services, aux termes duquel une telle mise à disposition est assimilée à un service à titre onéreux, mais uniquement lorsque l’assujetti a bénéficié du droit de déduire la taxe payée en amont lors de l’acquisition de ce bien.

36.

Je considère donc, contrairement à la position défendue par le gouvernement allemand, que, lorsqu’un assujetti met à la disposition de son travailleur un véhicule affecté à son entreprise, pour lequel le travailleur ne supporte pas de coûts, ne renonce pas à une partie de sa rémunération ou à d’autres avantages qui lui sont dus par l’assujetti, ni n’effectue de travail supplémentaire directement lié à la mise à disposition dudit véhicule, cette mise à disposition ne peut être considérée comme une prestation de services à titre onéreux, ni sur le fondement de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 ni sur le fondement de l’article 26, paragraphe 1, sous b), de cette directive. Par conséquent, la question de l’application de l’article 56, paragraphe 2, de ladite directive est sans objet.

37.

Je propose donc de répondre à la question préjudicielle que l’article 2, paragraphe 1, sous c), et l’article 26, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que ne constitue pas une prestation de services à titre onéreux au sens de ces dispositions la mise à disposition, par un assujetti, d’un véhicule affecté à son entreprise aux fins d’une utilisation privée par un travailleur lorsque ce dernier n’en supporte pas le coût, ne renonce pas à une partie de sa rémunération ou à d’autres avantages qui lui sont dus par l’assujetti ni n’effectue de travail supplémentaire au titre de la mise à sa disposition dudit véhicule.

Mise à la disposition d’un travailleur d’un véhicule à titre onéreux

38.

Comme je l’ai déjà indiqué, bien que la question préjudicielle vise directement le seul cas d’une mise à disposition à titre gratuit d’un véhicule à un travailleur, la procédure devant la juridiction de renvoi concerne deux situations, la seconde voyant le travailleur supporter, pour le véhicule mis à sa disposition, des coûts déduits de sa rémunération. Afin de fournir une réponse complète à la juridiction de renvoi, il convient, selon moi, d’analyser également cette seconde situation.

39.

Lorsque le travailleur d’un assujetti supporte des coûts pour la mise à sa disposition par cet assujetti d’un véhicule aux fins d’une utilisation privée, il y a, selon moi, une prestation de services, effectuée à titre onéreux, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112. Il n’est donc pas nécessaire ici d’invoquer l’article 26, paragraphe 1, sous a), de cette directive. Selon moi, cette dernière disposition vise la situation dans laquelle les biens affectés à l’entreprise de l’assujetti sont mis à disposition à titre gratuit.

40.

Cela a deux effets. Premièrement, la limitation prévue à l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112, qui prévoit que cette disposition ne trouve à s’appliquer qu’aux biens dont l’acquisition ouvre le droit pour l’assujetti de déduire la taxe payée en amont, ne s’applique pas. Lorsque l’assujetti met à la disposition de son travailleur un bien, par exemple un véhicule, affecté à son entreprise et qu’il le fait dans le cadre d’une relation de travail, il convient de considérer, selon moi, qu’il agit en qualité d’assujetti. Une telle opération est donc, en principe, soumise à la TVA. En revanche, l’assujetti obtient dans le même temps, en principe, le droit de déduire la taxe payée en amont lors de l’acquisition de ce bien et, dans le cas où, comme QM, il n’effectue pas d’activités imposables dans l’État membre concerné, le droit à son remboursement.

41.

Deuxièmement, dans une telle situation, il y a lieu de considérer, en principe, comme base d’imposition non pas, comme cela se pratique en cas de mise à disposition à titre gratuit, le coût d’acquisition du bien, mais la somme que l’assujetti reçoit effectivement de son travailleur au titre de la mise à disposition du bien.

42.

Bien entendu, les autorités nationales compétentes devront déterminer si les coûts supportés par le travailleur constituent effectivement un paiement au titre de la mise à disposition du bien. Le système commun de TVA n’a en effet pas pour objectif de taxer tous les flux financiers. Sont soumises à la taxation les opérations, c’est‑à‑dire les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux. Les flux financiers liés à ces opérations constituent uniquement la base d’imposition de ces opérations, car on considère qu’ils reflètent la valeur de celles‑ci. Ces flux financiers doivent toutefois avoir la nature de contrepartie équivalente pour que les opérations auxquelles ils sont rattachés puissent être qualifiées de « prestations de services, effectuées à titre onéreux », au sens de l’article 2 de la directive 2006/112 ( 17 ).

43.

Dans la présente affaire, QM, en réponse à une question de la Cour, a indiqué que le travailleur concerné supporte une partie du coût de la mise à sa disposition du véhicule en raison du fait que le coût d’acquisition (leasing) du véhicule par QM excède la somme prévue à cet effet dans le budget de cette société. Le travailleur compense donc cette différence. Selon moi, il subsiste des doutes quant au point de savoir si, dans une telle situation, il y a échange de prestations réciproques et équivalentes et si le paiement reçu par le prestataire de services reflète effectivement la valeur du service fourni au bénéficiaire, au sens de la jurisprudence précitée de la Cour. La dissipation de ces doutes requiert toutefois une analyse du rapport juridique entre l’assujetti et son travailleur, laquelle incombe à la juridiction de renvoi.

44.

Si la juridiction de renvoi parvient à la conclusion que la mise à disposition, litigieuse dans la procédure au principal, d’un moyen de transport au travailleur a été effectuée à titre onéreux au sens des dispositions en matière de TVA, se pose la question de la détermination du lieu de la prestation d’un tel service. En principe, étant donné que le travailleur d’un assujetti ne sera généralement pas un assujetti, c’est nécessairement l’article 45 de la directive 2006/112 qui doit s’appliquer ici, aux termes duquel le lieu des prestations de services est l’endroit où est établi le siège, l’endroit où le prestataire exerce son activité économique ou a son domicile. Toutefois, si la mise à disposition concerne un moyen de transport, se pose la question de savoir si cette mise à disposition peut être qualifiée de « service de location, autre que la location de courte durée », au sens de l’article 56, paragraphe 2, de ladite directive. En effet, dans un tel cas, le lieu de la prestation de services serait le domicile du travailleur en sa qualité de bénéficiaire.

45.

La directive 2006/112 ne définit pas la notion de « service de location ». Sur ce point, elle ne renvoie pas non plus au droit interne des États membres, de sorte que cette expression doit être interprétée en tant que notion autonome de droit de l’Union.

46.

En revanche, la Cour s’est exprimée sur la signification de cette notion. Cette jurisprudence concerne certes la location de biens immeubles dans le cadre de l’exonération de la TVA pour une telle activité, mais je considère qu’il est possible de l’appliquer également à la location de biens meubles, en ce compris de véhicules. En effet, le cadre défini par la Cour pour la notion de « location » ne va pas au-delà de la signification généralement retenue pour cette expression dans le langage juridique.

47.

Conformément à cette jurisprudence, aux fins de constater l’existence d’un service de location, toutes les conditions de cette opération doivent être remplies, à savoir que le propriétaire d’un bien immeuble ait cédé au locataire, contre un loyer et pour une durée convenue, le droit d’utiliser l’objet de la location et d’en exclure d’autres personnes ( 18 ). À cet égard, il convient d’examiner si ces conditions sont remplies en cas de mise à disposition à titre onéreux par l’assujetti, pour les besoins privés de son travailleur, d’un véhicule affecté à l’entreprise de l’assujetti.

48.

À titre liminaire, il convient d’observer que, bien que, dans l’arrêt Medicom et Maison Patrice Alard ( 19 ), la Cour mentionne le propriétaire de l’objet de la location, il convient d’entendre par là tout bailleur. La circonstance que QM est non pas le propriétaire mais le preneur en leasing du véhicule qui fait l’objet du litige au principal ne s’oppose pas à ce que l’on considère que la mise à disposition de ce véhicule par cette société est un contrat de location.

49.

Ensuite, dans une situation où il est question d’une mise à disposition à titre onéreux d’un véhicule, il convient de considérer en principe, selon moi, que la condition relative au paiement d’un loyer est remplie.

50.

En ce qui concerne la durée de la location, je ne considère pas que celle‑ci doit être déterminée par une date concrète ou un nombre déterminé d’unités de temps (jours, mois ou années). La durée d’un contrat de location peut également être définie par un évènement certain ou une condition, par exemple la durée de la relation de travail du travailleur concerné ou la période de validité du contrat de leasing du véhicule au nom de l’assujetti ( 20 ). De plus, dans les traditions juridiques des États membres, il n’est pas généralement admis qu’un contrat de location doive être conclu pour une durée déterminée ; le contrat peut également lier pour une durée indéterminée ( 21 ), avec la possibilité pour les parties de résilier le contrat, par exemple en cas de cessation de la relation de travail.

51.

Selon moi, de telles façons de déterminer la durée d’une location remplissent la condition d’une « durée convenue ». En effet, cette condition a pour seul objectif de distinguer la location du transfert du droit de propriété ou d’autres droits réels similaires. En revanche, du point de vue du système de TVA, cette condition vise à opérer une distinction entre les prestations de services et les livraisons de biens.

52.

Contrairement à la position défendue par QM dans ses observations, je ne considère donc pas que le fait que la mise à disposition d’un véhicule au travailleur est limitée par la durée de la relation de travail s’oppose à ce que cette mise à disposition soit assimilée à un service de location.

53.

Bien entendu, il importe de savoir si la durée d’utilisation du véhicule envisagée par les parties dépasse ou non 30 jours, étant donné que de cette durée dépend l’application de l’article 56, paragraphe 1 ou paragraphe 2, de la directive 2006/112 et, partant, le lieu d’une éventuelle taxation de l’opération. Par ailleurs, selon moi, un contrat conclu pour une durée indéterminée doit être considéré comme étant conclu pour une durée supérieure à 30 jours.

54.

Enfin, la condition d’une utilisation à l’exclusion d’autres personnes est une caractéristique généralement rattachée au droit de propriété et à certains autres droits réels. Elle découle de l’effet erga omnes de ces droits réels.

55.

La Cour a considéré cette condition comme étant la caractéristique indispensable d’une opération de location au sens des dispositions en matière de TVA pour la première fois dans l’arrêt du 4 octobre 2001,  Goed Wonen  (C‑326/99, EU:C:2001:506). Cette affaire portait sur le point de savoir si l’exonération de la TVA pour « l’affermage et la location de biens immeubles », prévue à l’article 13, B initio et sous b), de la sixième directive 77/388 ( 22 ), inclut le droit d’utilisation (usufruit) d’un bien immeuble. Cette question a été soulevée dans le contexte d’une réaction contre des abus consistant à établir artificiellement un tel droit dans le but d’obtenir indûment le droit de déduire la taxe payée en amont pour la construction du bien immeuble en cause ( 23 ).

56.

Dans ces circonstances, l’avocat général Jacobs a constaté que le contrat de location se caractérise, entre autres, par le fait que le locataire obtient le droit d’utiliser l’objet de la location comme s’il en était le propriétaire et d’exclure ou d’admettre (dans le cas d’un bien immeuble) d’autres personnes ( 24 ). À cet égard, l’avocat général Jacobs semble s’être inspiré de la signification du terme « leasing », utilisé également dans la disposition mentionnée de la directive, qui, en droit anglo-saxon, peut également désigner des droits semblables aux droits réels restreints dans les systèmes de droit civil ( 25 ).

57.

Dans l’arrêt précité, la Cour s’est exprimée de manière différente, constatant que la caractéristique fondamentale d’une telle opération, qui lui est commune avec la location, est celle qui consiste à conférer à l’intéressé, pour une durée convenue et contre rémunération, le droit d’occuper un immeuble comme s’il en était propriétaire et d’exclure toute autre personne du bénéfice d’un tel droit ( 26 ).

58.

Par conséquent, en premier lieu, la Cour a caractérisé de cette façon le droit réel d’utilisation, rappelant uniquement au passage que de tels traits caractérisent le contrat de location. En second lieu, selon la Cour, l’exclusion d’autres personnes concerne le droit d’utiliser la chose comme un propriétaire, et non pas tous les autres actes se rattachant à l’objet du droit d’utilisation (ainsi qu’éventuellement la location).

59.

Ce n’est que dans les arrêts ultérieurs que la Cour a rattaché cette condition directement à un contrat de location au sens des dispositions en matière d’exonération de la TVA, tout en simplifiant considérablement la formulation figurant dans l’arrêt du 4 octobre 2001,  Goed Wonen  (C‑326/99, EU:C:2001:506). Conformément à cette nouvelle formulation, la location d’un bien immeuble au sens des dispositions en matière d’exonération de la TVA consiste, essentiellement, dans le fait que le propriétaire du bien immeuble transfère au locataire, contre un loyer et pour une durée convenue, le droit d’occuper son bien et d’en exclure d’autres personnes ( 27 ).

60.

Je n’estime toutefois pas que la Cour voulait de cette manière fixer des exigences particulièrement élevées pour un contrat de location au sens des dispositions en matière de TVA. Ces exigences ne vont pas au-delà du droit du locataire, habituellement reconnu dans ce type de contrat, d’utiliser l’objet de la location et d’être protégé contre les ingérences dans ce droit (et dans son exercice) par un tiers non habilité. En revanche, cela n’exclut pas les droits reconnus au propriétaire de l’objet de la location (ou, plus largement, au bailleur), que ce soit en vertu de la loi ou sur la base d’un contrat conclu entre les parties. Cela n’exclut pas non plus que le locataire puisse avoir des obligations déterminées en rapport avec l’objet de la location, qui lui incombent en vertu d’un autre fondement, par exemple du fait d’une relation de travail qui le lie au bailleur.

61.

Si je suis donc enclin à reconnaître, comme je l’ai déjà indiqué, que la jurisprudence mentionnée ci‑dessus peut trouver à s’appliquer également à l’interprétation de la notion de « location [...] d’un moyen de transport » au sens de l’article 56, paragraphe 2, de la directive 2006/112, je n’adhère toutefois pas à l’affirmation de QM, selon laquelle les critères découlant de cette jurisprudence, et en particulier le critère de l’utilisation de l’objet de la location tout en excluant d’autres personnes, s’opposent à reconnaître l’existence d’un contrat de location en cas de mise à disposition d’un véhicule à un travailleur dans une situation telle que celle de la procédure au principal.

62.

QM affirme notamment que, étant donné que la mise à disposition du véhicule survient également à des fins professionnelles, le travailleur ne l’utilise pas à l’exclusion d’autres personnes, dès lors que l’utilisation du véhicule par le travailleur à des fins professionnelles (sous-entendu dans l’intérêt de l’employeur) signifie en réalité son utilisation par l’employeur.

63.

On ne saurait adhérer à une telle affirmation. La circonstance que la possibilité d’utiliser l’automobile permet au travailleur de s’acquitter facilement de ses obligations professionnelles et que tel était, entre eux, l’objectif de la mise à la disposition du travailleur de ce véhicule par l’employeur ne modifie pas le fait que, dans le cadre du contrat conclu avec l’employeur, le travailleur dispose de ce véhicule concret sur la base d’une exclusivité. De même, cela n’est pas modifié par le fait que l’employeur peut donner au travailleur des ordres dont la réalisation requiert l’utilisation du véhicule mis à sa disposition ( 28 ). Il pourrait en être de même si le travailleur était le propriétaire dudit véhicule. Il en irait en revanche différemment si l’employeur possédait une flotte de véhicules que les travailleurs pourraient utiliser selon leurs besoins (et dans les limites de la disponibilité de ces véhicules), mais qu’aucun de ces véhicules n’était en permanence attribué à un travailleur déterminé.

64.

Est tout aussi dénuée de pertinence, aux fins de l’appréciation de l’existence d’une opération de location au sens de l’article 56 de la directive 2006/112, la circonstance que l’assujetti met à la disposition de son travailleur un véhicule non pas sur la base d’un contrat distinct de droit civil mais sur la base d’un contrat de travail. En effet, le système de TVA admet non pas une définition découlant de l’aspect formel des opérations mais une définition fonctionnelle des opérations. Si une opération remplit donc les critères fonctionnels d’une opération de location d’un moyen de transport, le type de contrat dans lequel elle a été intégrée importe peu ( 29 ).

65.

À la lumière des considérations qui précèdent, je suis d’avis que, lorsqu’un assujetti met à disposition à titre gratuit un véhicule affecté à son entreprise pour les besoins privés de son travailleur pour une période supérieure à trente jours, il effectue une location d’un moyen de transport au sens de l’article 56, paragraphe 2, de la directive 2006/112.

66.

Une telle solution sera également conforme à l’objectif de la directive 2008/8, à savoir une taxation au lieu de la consommation effective ( 30 ). En effet, dans le cas des moyens de transport mis à la disposition des travailleurs de l’assujetti à des fins privées, il convient de considérer comme lieu de consommation effective l’endroit où ces travailleurs ont leur domicile.

67.

Par conséquent, je propose de compléter la réponse à la question préjudicielle en déclarant que, lorsque la juridiction nationale a constaté que la mise à disposition par l’assujetti d’un véhicule constituant un élément de l’actif de l’entreprise de cet assujetti pour les besoins privés de son travailleur pour une durée supérieure à trente jours est effectuée à titre onéreux, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 et de la jurisprudence de la Cour relative à cette disposition, l’article 56, paragraphe 2, de ladite directive doit être interprété en ce sens que la notion de « location, autre que la location de courte durée, d’un moyen de transport » inclut également une telle mise à disposition.

Conclusion

68.

À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose d’apporter la réponse suivante à la question préjudicielle posée par le Finanzgericht des Saarlandes (tribunal des finances du Land de Sarre, Allemagne) :

1)

L’article 2, paragraphe 1, sous c), et l’article 26, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2008/8/CE du Conseil, du 12 février 2008, doivent être interprétés en ce sens que ne constitue pas une prestation de services à titre onéreux au sens de ces dispositions la mise à disposition, par un assujetti, pour les besoins privés de son travailleur, d’un véhicule affecté à son entreprise lorsque le travailleur n’en supporte pas le coût, ne renonce pas à une partie de sa rémunération ou à d’autres avantages qui lui sont dus par l’assujetti, ni n’effectue de travail supplémentaire au titre de la mise à sa disposition dudit véhicule.

2)

Lorsque la juridiction nationale a constaté que la mise à disposition par l’assujetti d’un véhicule constituant un élément de l’actif de l’entreprise de cet assujetti pour les besoins privés de son travailleur pour une durée supérieure à 30 jours est effectuée à titre onéreux, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 et de la jurisprudence de la Cour relative à cette disposition, l’article 56, paragraphe 2, de cette directive doit être interprété en ce sens que la notion de « location, autre que la location de courte durée, d’un moyen de transport » inclut également une telle mise à disposition.


( 1 ) Langue originale : le polonais.

( 2 ) JO 2006, L 347, p. 1.

( 3 ) JO 2008, L 44, p. 11.

( 4 ) Voir article 4 de la directive 2008/8.

( 5 ) Voir, notamment, arrêt du 10 janvier 2019, A Oy (C‑410/17, EU:C:2019:12, points 35 et 36).

( 6 ) Voir, notamment, arrêts du 16 octobre 1997, Fillibeck (C‑258/95, EU:C:1997:491, points 15 à 17) ; du 29 juillet 2010, Astra Zeneca UK (C‑40/09, EU:C:2010:450, points 29 à 31), ainsi que du 18 juillet 2013, Medicom et Maison Patrice Alard (C‑210/11 et C‑211/11, EU:C:2013:479, point 30).

( 7 ) Arrêt du 18 juillet 2013, Medicom et Maison Patrice Alard (C‑210/11 et C‑211/11, EU:C:2013:479, point 28).

( 8 ) Taxud.c.1 (2016) 1136484‑832 REV ; document accessible sur le site Internet de la Commission.

( 9 ) Arrêt du 10 janvier 2019, A (C‑410/17, EU:C:2019:12, point 31).

( 10 ) Voir arrêt du 18 juillet 2013, Medicom et Maison Patrice Alard (C‑210/11 et C‑211/11, EU:C:2013:479, point 30).

( 11 ) Au sens de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/112, « [e]st considérée comme “prestation de services” toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens ».

( 12 ) On peut même avoir l’impression qu’elle a intentionnellement évité de trancher cette question (voir arrêt du 16 octobre 1997, Fillibeck (C‑258/95, EU:C:1997:491, point 20).

( 13 ) Sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145 p. 1). Cette directive a été abrogée et remplacée par la directive 2006/112.

( 14 ) Arrêt du 16 octobre 1997, Fillibeck (C‑258/95, EU:C:1997:491, point 25).

( 15 ) Arrêt du 25 mai 1993, Mohsche (C‑193/91, EU:C:1993:203, points 8 et 9).

( 16 ) Il peut en être ainsi, par exemple, lorsqu’il a acquis le bien d’une personne non assujettie (voir arrêt du 27 juin 1989, Kühne, 50/88, EU:C:1989:262, point 9).

( 17 ) Voir, mutatis mutandis, arrêt du 10 janvier 2019, A (C‑410/17, EU:C:2019:12, point 31 et jurisprudence citée).

( 18 ) Voir arrêt du 18 juillet 2013, Medicom et Maison Patrice Alard (C‑210/11 et C‑211/11, EU:C:2013:479, point 26).

( 19 ) Arrêt du 18 juillet 2013 (C‑210/11 et C‑211/11, EU:C:2013:479).

( 20 ) Des solutions similaires se rencontrent également dans d’autres domaines que les relations de travail. Il est par exemple courant de louer un décodeur pour la durée de validité du contrat de fourniture du signal de télévision par câble ou par satellite.

( 21 ) Voir, notamment, article 659 du code civil polonais.

( 22 ) Aujourd’hui, cette règle figure à l’article 135, paragraphe 1, sous l), de la directive 2006/112.

( 23 ) Voir arrêt du 4 octobre 2001,  Goed Wonen  (C‑326/99, EU:C:2001:506, point 31).

( 24 ) Conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire  Goed Wonen  (C‑326/99, EU:C:2001:115, points 79 et 84).

( 25 ) Voir conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire  Goed Wonen  (C‑326/99, EU:C:2001:115, points 60 et 74).

( 26 ) Arrêt du 4 octobre 2001,  Goed Wonen  (C‑326/99, EU:C:2001:506, point 55).

( 27 ) Voir arrêts du 9 octobre 2001, Mirror Group (C‑409/98, EU:C:2001:524, point 31) ; du 8 mai 2003, Seeling (C‑269/00, EU:C:2003:254, point 49), ainsi que du 18 juillet 2013, Medicom et Maison Patrice Alard (C‑210/11 et C‑211/11, EU:C:2013:479, point 26).

( 28 ) De manière analogue, l’obligation pour le travailleur de télétravailler, souvent pratiquée dernièrement (à savoir depuis le printemps 2020), ne signifie pas que l’employeur viole la possession par le travailleur du bien immeuble qui est son domicile.

( 29 ) Voir, par analogie, dans le contexte des différences entre droit d’utilisation et location d’un bien immeuble, arrêt du 4 octobre 2001 Goed Wonen  (C‑326/99, EU:C:2001:506, point 58).

( 30 ) Considérant 3 de la directive 2008/8.