ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
16 juillet 2020 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Recevabilité – Articles 63 et suivants TFUE – Libre circulation des capitaux – Articles 107 et suivants TFUE – Aides d’État – Articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Liberté d’entreprise – Droit de propriété – Règlement (UE) no 575/2013 – Exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement – Article 29 – Règlement (UE) no 1024/2013 – Article 6, paragraphe 4 – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Missions spécifiques confiées à la Banque centrale européenne (BCE) – Règlement délégué (UE) no 241/2014 – Normes techniques de réglementation concernant les exigences de fonds propres applicables aux établissements – Réglementation nationale imposant un plafond d’actifs aux banques populaires constituées sous la forme de sociétés coopératives et permettant de limiter le droit au remboursement des actions des associés qui se retirent »
Dans l’affaire C‑686/18,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 18 octobre 2018, parvenue à la Cour le 5 novembre 2018, dans la procédure
OC e.a.,
Associazione Difesa Utenti Servizi Bancari Finanziari Postali Assicurativi – Adusbef,
Federazione Nazionale di Consumatori ed Utenti – Federconsumatori,
PB e.a.,
QA e.a.
contre
Banca d’Italia,
Presidenza del Consiglio dei Ministri,
Ministero dell’Economia e delle Finanze,
en présence de :
Banca Popolare di Sondrio ScpA,
Veneto Banca ScpA,
Banco Popolare – Società Cooperativa,
Coordinamento delle associazioni per la tutela dell’ambiente e dei diritti degli utenti e consumatori (Codacons),
Banco BPM SpA,
Unione di Banche Italiane – Ubi Banca SpA,
Banca Popolare di Milano,
Amber Capital Italia SGR SpA,
RZ e.a.,
Amber Capital UK LLP,
Unione di Banche Italiane – Ubi Banca ScpA,
Banca Popolare di Vicenza ScpA,
Banca Popolare dell’Etruria e del Lazio SC,
LA COUR (première chambre),
composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteure), vice‑présidente de la Cour, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen et N. Jääskinen, juges,
avocat général : M. G. Hogan,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– |
pour OC e.a., par Mes F. Capelli, F. S. Marini et U. Corea, avvocati, |
– |
pour la Banca d’Italia, par Mes D. La Licata, M. Perassi et R. D’Ambrosio, avvocati, |
– |
pour Banca Popolare di Sondrio ScpA, par Mes G. Tanzarella, M. A. Sandulli, P. Mondini et C. Tanzarella, avvocati, |
– |
pour Unione di Banche Italiane – Ubi Banca SpA, par Mes G. Lombardi et G. de Vergottini, avvocati, |
– |
pour Amber Capital Italia SGR SpA et Amber Capital UK LLP, par Mes G. Sciacca et P. Cardellicchio, avvocati, |
– |
pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili et de Mme G. M. De Socio, avvocati dello Stato, |
– |
pour la Commission européenne, par MM. V. Di Bucci et H. Krämer ainsi que par Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 février 2020,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, des articles 63 et suivants ainsi que des articles 107 et suivants TFUE, des articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), de l’article 29 du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1), de l’article 6, paragraphe 4, du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63), ainsi que de l’article 10 du règlement délégué (UE) no 241/2014 de la Commission, du 7 janvier 2014, complétant le règlement no 575/2013 par des normes techniques de réglementation concernant les exigences de fonds propres applicables aux établissements (JO 2014, L 74, p. 8). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre de trois litiges opposant, le premier, OC e.a. à la Banca d’Italia (Banque d’Italie) et à la Presidenza del Consiglio dei Ministri (Présidence du Conseil des ministres, Italie), le deuxième, l’Associazione Difesa Utenti Servizi Bancari Finanziari Postali Assicurativi – Adusbef, la Federazione Nazionale di Consumatori ed Utenti – Federconsumatori et PB e.a. à la Banque d’Italie, à la Présidence du Conseil des ministres ainsi qu’au Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances, Italie), et, le troisième, QA e.a. à la Banque d’Italie au sujet d’actes adoptés par cette dernière dans le cadre de sa mission de surveillance prudentielle à l’égard des banques populaires italiennes. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement no 575/2013
3 |
Aux termes du considérant 7 du règlement no 575/2013 : « Le présent règlement devrait contenir entre autres les exigences prudentielles applicables aux établissements qui concernent strictement le fonctionnement des marchés des services bancaires et financiers et visent à assurer la stabilité financière des opérateurs sur ces marchés ainsi qu’un niveau élevé de protection des investisseurs et des déposants. [...] » |
4 |
Selon l’article 1er, premier alinéa, de ce règlement, ce dernier fixe des règles uniformes concernant les exigences prudentielles générales que tous les établissements faisant l’objet d’une surveillance en vertu de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), doivent respecter concernant les exigences de fonds propres, les exigences limitant les grands risques, les exigences de liquidité, les obligations de déclaration, le levier et les obligations de publication. |
5 |
En vertu de l’article 26, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), dudit règlement, les instruments de capital constituent des éléments de fonds propres de base de catégorie 1 des établissements, sous réserve que les conditions énoncées à l’article 28 ou, selon le cas, à l’article 29 du même règlement soient respectées. |
6 |
L’article 28 du règlement no 575/2013, intitulé « Instruments de fonds propres de base de catégorie 1 », prévoit, à son paragraphe 1 : « 1. Des instruments de capital ne sont éligibles en tant qu’instruments de fonds propres de base de catégorie 1 que si toutes les conditions suivantes sont remplies : [...]
[...] » |
7 |
L’article 29 de ce règlement, intitulé « Instruments de capital émis par des sociétés mutuelles ou coopératives, des caisses d’épargne ou des établissements analogues », dispose : « 1. Les instruments de capital émis par des sociétés mutuelles ou coopératives, des caisses d’épargne ou des établissements analogues ne sont éligibles en tant qu’instruments de fonds propres de base de catégorie 1 que si les conditions énoncées à l’article 28, modifiées en application du présent article, sont remplies. 2. Les conditions suivantes sont remplies en ce qui concerne le remboursement des instruments de capital :
[...] 6. L’[Autorité bancaire européenne (ABE)] élabore des projets de normes techniques de réglementation précisant la nature des limites au remboursement nécessaires lorsque le droit national interdit à l’établissement de refuser le remboursement des instruments de fonds propres. [...] La Commission est habilitée à adopter les normes techniques de réglementation visées au premier alinéa conformément aux articles 10 à 14 du règlement (UE) no 1093/2010 [du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 12)]. » |
8 |
L’article 30 dudit règlement, intitulé « Conséquence du non-respect des conditions d’éligibilité d’instruments de fonds propres de base de catégorie 1 », est libellé comme suit : « Lorsque les conditions énoncées à l’article 28 ou, selon le cas, à l’article 29, ne sont plus respectées pour un instrument de fonds propres de base de catégorie 1 :
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Le règlement no 1024/2013
9 |
Conformément à l’article 1er, premier alinéa, du règlement no 1024/2013, celui-ci confie à la Banque centrale européenne (BCE) des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit afin de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union européenne et dans chaque État membre, en tenant pleinement compte de l’unité et de l’intégrité du marché intérieur et en remplissant à cet égard un devoir de diligence, un traitement égal étant réservé aux établissements de crédit pour éviter les arbitrages réglementaires. |
10 |
En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement, la BCE s’acquitte de ses missions dans le cadre d’un mécanisme de surveillance unique (MSU), composé d’elle-même et des autorités compétentes nationales, et veille au fonctionnement efficace et cohérent de ce mécanisme. |
11 |
L’article 6, paragraphe 4, dudit règlement prévoit : « En ce qui concerne les missions définies à l’article 4, à l’exception du paragraphe 1, points a) et c), la BCE et les autorités compétentes nationales sont dotées des compétences fixées respectivement aux paragraphes 5 et 6 du présent article, dans le cadre et sous réserve des procédures visées au paragraphe 7 du présent article, pour la surveillance des établissements de crédit, des compagnies financières holdings, des compagnies financières holdings mixtes ou des succursales, établies dans les États membres participants, d’établissements de crédit établis dans des États membres non participants :
En ce qui concerne le premier alinéa ci-dessus, un établissement de crédit, une compagnie financière holding ou une compagnie financière holding mixte n’est pas considéré comme moins important, sauf si des circonstances particulières, à préciser dans la méthodologie, justifient de le considérer comme tel, si l’une quelconque des conditions suivantes est remplie :
La BCE peut également, de sa propre initiative, considérer qu’un établissement présente un intérêt important s’il a établi des filiales bancaires dans plus d’un État membre participant et si ses actifs ou passifs transfrontaliers représentent une partie importante de ses actifs ou passifs totaux, sous réserve des conditions fixées dans la méthodologie. Les établissements pour lesquels une aide financière publique a été directement demandée ou reçue du [Fonds européen de stabilité financière (FESF)] ou du [mécanisme européen de stabilité (MES)] ne sont pas considérés comme moins importants. Nonobstant les alinéas précédents, la BCE s’acquitte des missions que lui confie le présent règlement en ce qui concerne les trois établissements de crédit les plus importants dans chacun des États membres participants, sauf si des circonstances particulières justifient qu’il en soit autrement. » |
Le règlement délégué no 241/2014
12 |
Le considérant 10 du règlement délégué no 241/2014 énonce : « Il convient, pour appliquer la réglementation des fonds propres aux sociétés mutuelles, aux sociétés coopératives, aux établissements d’épargne et aux établissements analogues, de tenir compte de manière appropriée des spécificités de ces établissements. Des règles devraient être adoptées pour, entre autres, garantir à ces établissements la possibilité, le cas échéant, de limiter le remboursement de leurs instruments de capital. Par conséquent, lorsque le droit national applicable à ces types d’établissements leur interdit de refuser de rembourser des instruments, il est essentiel que les dispositions régissant ces instruments reconnaissent à l’établissement la faculté de différer leur remboursement et d’en limiter le montant. [...] » |
13 |
L’article 1er de ce règlement dispose : « Le présent règlement établit des règles concernant : [...]
[...] » |
14 |
L’article 10 dudit règlement, intitulé « Limitation, aux fins de l’article 29, paragraphe 2, point b), et de l’article 78, paragraphe 3, du règlement [...] no 575/2013, du remboursement d’instruments de capital émis par des sociétés mutuelles, des établissements d’épargne, des sociétés coopératives et des établissements analogues », est libellé comme suit : « 1. Un établissement ne peut émettre d’instruments de fonds propres de base de catégorie 1 assortis d’une possibilité de remboursement que si cette possibilité est prévue par le droit national applicable. 2. La faculté, prévue à l’article 29, paragraphe 2, point b), et à l’article 78, paragraphe 3, du règlement [...] no 575/2013, qu’a l’établissement de limiter le remboursement en vertu des dispositions régissant les instruments de capital, inclut le droit de différer le remboursement et le droit de limiter le montant remboursable. L’établissement peut différer le remboursement ou en limiter le montant pour une durée illimitée en vertu du paragraphe 3. 3. L’ampleur des limites de remboursement prévues par les dispositions régissant les instruments est déterminée par l’établissement de manière à tenir compte à tout moment de sa situation prudentielle, et notamment, mais pas exclusivement, des éléments suivants :
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Le droit italien
15 |
L’article 28, paragraphe 2-ter, du decreto legislativo n. 385 – Testo unico delle leggi in materia bancaria e creditizia (décret législatif no 385 – Texte unique des lois en matière bancaire et de crédit), du 1er septembre 1993 (supplément ordinaire à la GURI no 230, du 30 septembre 1993), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « décret législatif no 385/1993 »), prévoit : « Dans les banques populaires [...], le droit au remboursement des actions en cas de retrait, même à la suite de la transformation, de décès ou d’exclusion de l’associé, est limité conformément à ce que prévoit la Banque d’Italie, même par dérogation aux dispositions légales, lorsque cela est nécessaire pour assurer que les actions puissent être comptabilisées dans les fonds propres réglementaires de premier rang de la banque. Aux mêmes fins, la Banque d’Italie peut limiter le droit au remboursement des autres instruments de capital émis. » |
16 |
L’article 29 du décret législatif no 385/1993 dispose : « 1. Les banques populaires sont constituées sous la forme de sociétés coopératives à responsabilité limitée par actions. 2. La valeur nominale des actions ne peut être inférieure à deux euros. 2-bis. Les actifs de la banque populaire ne peuvent dépasser 8 milliards d’euros. Si la banque est chef‑de-file d’un groupe bancaire, cette limite est fixée au niveau consolidé. 2-ter En cas de dépassement de la limite visée au paragraphe 2-bis, l’organe d’administration convoque l’assemblée pour prendre les mesures nécessaires. Si, dans le délai d’un an à compter du dépassement de la limite, les actifs n’ont pas été ramenés sous le plafond et que la transformation en société par actions [...] ou la liquidation n’ont pas été décidées, la Banque d’Italie, compte tenu des circonstances et de l’importance du dépassement, peut adopter l’interdiction d’entreprendre de nouvelles opérations [...], ou bien les mesures prévues par le titre IV, chapitre I, section I, ou bien proposer à la [BCE] la révocation de l’autorisation d’exercer l’activité bancaire, et au ministre de l’Économie et des Finances la liquidation administrative forcée. Ceci est sans préjudice des pouvoirs d’intervention et de sanction conférés à la Banque d’Italie en vertu du présent décret législatif. 2-quater La Banque d’Italie adopte des dispositions d’exécution du présent article. [...] » |
17 |
L’article 1er, paragraphe 2, du decreto-legge n. 3, recante « Misure urgenti per il sistema bancario e gli investimenti » (décret-loi no 3 portant « Mesures urgentes pour le système bancaire et les investissements »), du 24 janvier 2015 (GURI no 19, du 24 janvier 2015), converti en loi, avec modifications, par la legge n. 33 (loi no 33), du 24 mars 2015 (GURI no 70, du 25 mars 2015), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « décret-loi no 3/2015 »), énonce : « Lors de la première application du présent décret, les banques populaires autorisées, au moment de l’entrée en vigueur du présent décret, s’adaptent aux dispositions de l’article 29, paragraphes 2-bis et 2-ter, du [décret législatif no 385/1993], introduits par le présent article, endéans 18 mois à compter de la date d’entrée en vigueur des dispositions d’exécution adoptées par la Banque d’Italie conformément au même article 29. » |
18 |
Le decreto-legge n. 91(décret-loi no 91), du 25 juillet 2018 (GURI no 171, du 25 juillet 2018), converti par la legge n. 108 (loi no 108), du 21 septembre 2018 (GURI no 220, du 21 septembre 2018), a prolongé le délai de 18 mois prévu à l’article 1er, paragraphe 2, du décret-loi no 3/2015 jusqu’au 31 décembre 2018. |
19 |
La Banque d’Italie a, par la 9e mise à jour, du 9 juin 2015, de la circulaire n. 285, du 17 décembre 2013, intitulée « Dispositions de surveillance pour les banques » (ci-après la « 9e mise à jour de la circulaire no 285 »), mis en œuvre les articles 28 et 29 du décret législatif no 385/1993. |
20 |
En particulier, sur le fondement de l’article 28, paragraphe 2-ter, du décret législatif no 385/1993, la 9e mise à jour de la circulaire no 285 prévoit que les statuts de la banque populaire et de la banque de crédit coopératif attribuent à l’organe exerçant les fonctions de supervision stratégique, sur proposition de l’organe exerçant les fonctions de gestion, et après avis de l’organe exerçant les fonctions de contrôle, la faculté de limiter ou de reporter, en tout ou en partie et sans limite de temps, le remboursement des actions et des autres instruments de capital de l’associé en cas de retrait (y compris en cas de transformation de la banque), d’exclusion ou de décès de celui-ci. |
21 |
La décision de renvoi indique que, à l’exception de deux d’entre elles, toutes les banques populaires italiennes se sont conformées aux dispositions du droit italien qui précèdent. |
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
22 |
Par trois requêtes distinctes, les requérants au principal ont introduit des recours contre des actes de la Banque d’Italie, notamment la 9e mise à jour de la circulaire no 285, devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie), qui les a rejetés par les arrêts nos 6548/2016, 6544/2016 et 6540/2016. |
23 |
Les requérants au principal ont formé des pourvois en appel contre ces arrêts devant la juridiction de renvoi, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), qui a adopté des ordonnances suspendant les effets de la 9e mise à jour de la circulaire no 285 et soulevé des questions de constitutionnalité relatives au décret-loi no 3/2015. |
24 |
Par l’arrêt no 99/2018, la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) a déclaré non fondées lesdites questions. |
25 |
À la suite de la reprise de la procédure devant la juridiction de renvoi, celle-ci a, par l’ordonnance no 3645/2018, prorogé les suspensions antérieurement ordonnées jusqu’à la date de publication de l’arrêt qui tranchera le litige sur le fond, à l’exception de celle relative au délai de 18 mois prévu à l’article 1er, paragraphe 2, du décret-loi no 3/2015, qui avait déjà fait l’objet d’une prolongation légale jusqu’à la date du 31 décembre 2018. |
26 |
C’est dans ces conditions que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
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La procédure devant la Cour
27 |
La juridiction de renvoi a demandé à la Cour de soumettre la présente affaire à une procédure accélérée, en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. |
28 |
Cette demande a été rejetée par ordonnance du président de la Cour du 18 janvier 2019, Adusbef e.a. (C‑686/18, non publiée, EU:C:2019:68). |
Sur les questions préjudicielles
Sur la recevabilité
29 |
Unione di Banche Italiane – Ubi Banca SpA considère que, dans la mesure où la présente demande de décision préjudicielle intervient après que la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) a jugé que la réglementation en cause au principal est conforme à la Constitution italienne, il existe un risque d’incompatibilité entre la procédure nationale devant la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) et cette demande, de telle sorte que cette dernière serait irrecevable dans son ensemble. |
30 |
À cet égard, il y a lieu de rappeler que le fonctionnement du système de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, instauré par l’article 267 TFUE, et le principe de primauté du droit de l’Union nécessitent que le juge national soit libre de saisir, à tout moment de la procédure qu’il juge approprié, et même à l’issue d’une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité, la Cour de toute question préjudicielle qu’il juge nécessaire (arrêts du 22 juin 2010, Melki et Abdeli, C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 52, ainsi que du 20 décembre 2017, Global Starnet, C‑322/16, EU:C:2017:985, point 22). |
31 |
Or, l’efficacité du droit de l’Union se trouverait menacée et l’effet utile de l’article 267 TFUE se verrait amoindri si, en raison de l’existence d’une procédure de contrôle de constitutionnalité, le juge national était empêché de saisir la Cour de questions préjudicielles et de donner immédiatement au droit de l’Union une application conforme à la décision ou à la jurisprudence de la Cour (arrêt du 20 décembre 2017, Global Starnet, C‑322/16, EU:C:2017:985, point 23). |
32 |
En tant que cour suprême, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a même l’obligation, conformément à l’article 267, troisième alinéa, TFUE, de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle dès qu’il constate que le fond du litige comporte une question à résoudre relevant du premier alinéa de l’article 267 TFUE, et cela même si, dans le cadre du même litige, il peut interroger la juridiction constitutionnelle de l’État membre concerné sur la constitutionnalité des règles nationales (voir, par analogie, arrêt du 15 janvier 2013, Križan e.a., C‑416/10, EU:C:2013:8, point 72). |
33 |
Par conséquent, la circonstance que la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) s’est prononcée sur la conformité de la réglementation nationale en cause au principal aux dispositions de la Constitution italienne n’a aucune influence sur cette obligation de saisir la Cour de questions concernant l’interprétation ou la validité du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Global Starnet, C‑322/16, EU:C:2017:985, point 25). |
34 |
Il en résulte que la demande de décision préjudicielle ne saurait être déclarée irrecevable en raison de cette circonstance. |
35 |
Par ailleurs, la Banque d’Italie, Unione di Banche Italiane – Ubi Banca, Banca Popolare di Milano, Amber Capital Italia SGR SpA, Amber Capital UK LLP, le gouvernement italien et la Commission européenne soutiennent que les questions préjudicielles sont, en tout ou en partie, irrecevables, au motif que les indications fournies par la juridiction de renvoi sont insuffisantes et que ces questions sont dépourvues de pertinence aux fins de la solution du litige au principal. |
36 |
S’agissant des indications devant figurer dans toute demande de décision préjudicielle, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instaurée à l’article 267 TFUE, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En effet, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (ordonnances du 5 octobre 2017, OJ, C‑321/17, non publiée, EU:C:2017:741, point 12, et du 5 juin 2019, Wilo Salmson France, C‑10/19, non publiée, EU:C:2019:464, point 12). |
37 |
La Cour insiste également sur l’importance de l’indication, par le juge national, des raisons précises qui l’ont conduit à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour. Celle-ci a déjà jugé qu’il est indispensable que le juge national, dans la décision de renvoi elle-même, donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont il demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (ordonnances du 12 mai 2016, Security Service e.a., C‑692/15 à C‑694/15, EU:C:2016:344, point 20, ainsi que du 5 juin 2019, Wilo Salmson France, C‑10/19, non publiée, EU:C:2019:464, point 13). |
38 |
Ces exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (ordonnances du 12 mai 2016, Security Service e.a., C‑692/15 à C‑694/15, EU:C:2016:344, point 18 ; du 5 juin 2019, Wilo Salmson France, C‑10/19, non publiée, EU:C:2019:464, point 14, ainsi que du 7 novembre 2019, P.J., C‑513/19, non publiée, EU:C:2019:953, point 15). Elles sont rappelées au point 15 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1). |
39 |
Enfin, selon la jurisprudence constante, une demande de décision préjudicielle introduite par une juridiction nationale doit être rejetée lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (arrêt du 10 juillet 2014, Apple, C‑421/13, EU:C:2014:2070, point 30, et ordonnance du 17 janvier 2019, Cipollone, C‑600/17, non publiée, EU:C:2019:29, point 21). |
40 |
C’est au regard de l’ensemble des exigences qui précèdent qu’il convient d’examiner la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle. |
Sur la recevabilité de la première partie de la première question
41 |
Par la première partie de la première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 29 du règlement no 575/2013, l’article 10 du règlement délégué no 241/2014 ainsi que les articles 16 et 17 de la Charte, lus en combinaison avec l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1024/2013, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale fixant un plafond de huit milliards d’euros d’actifs, au-delà duquel les banques populaires constituées sous la forme de sociétés coopératives à responsabilité limitée par actions sont tenues de se transformer en sociétés par actions. |
42 |
L’article 6 du règlement no 1024/2013 établit les modalités d’exercice, dans le cadre du MSU, composé de la BCE et des autorités compétentes nationales, des missions que ce règlement confie à la BCE en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit. |
43 |
Dans ce contexte, cet article 6, paragraphe 4, prévoit, en substance, les critères permettant de déterminer les cas dans lesquels ces missions sont exercées par la seule BCE et ceux dans lesquels les autorités compétentes nationales assistent cette dernière dans l’accomplissement desdites missions, par une mise en œuvre décentralisée de certaines de celles-ci à l’égard des établissements de crédit moins importants, au sens du premier alinéa dudit article 6, paragraphe 4 (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, point 41). |
44 |
L’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1024/2013 ne fixe aucun plafond d’actifs au-delà duquel les banques populaires sont tenues de se transformer en sociétés par actions, de réduire leurs actifs ou de procéder à leur liquidation. Cette disposition n’exige ni n’exclut la fixation d’un tel plafond. |
45 |
Le seuil de 30 milliards d’euros d’actifs fixé au deuxième alinéa, sous i), de cet article 6, paragraphe 4, est l’une des conditions énoncées à cette disposition pour identifier les établissements de crédit ne devant pas être considérés comme étant moins importants, aux fins de l’application dudit article 6, paragraphe 4. |
46 |
Par conséquent, l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1024/2013 n’a aucun rapport avec le plafond de huit milliards d’euros d’actifs fixé par la réglementation nationale en cause au principal. |
47 |
De même, l’article 29 du règlement no 575/2013 et l’article 10 du règlement délégué no 241/2014 ne sont pas davantage en rapport avec ce plafond. |
48 |
En effet, ces dispositions, qui prévoient, dans le cadre des règles relatives aux exigences prudentielles fixées par ces règlements en matière de fonds propres, les conditions devant être remplies pour que les instruments de capital émis par des sociétés mutuelles ou coopératives, des caisses d’épargne ou des établissements analogues soient éligibles en tant qu’instruments de fonds propres de base de catégorie 1, n’établissent pas de plafond d’actifs au-delà duquel ces sociétés et établissements sont tenus de se transformer en sociétés par actions, de réduire leurs actifs ou de procéder à leur liquidation. Elles n’imposent pas aux États membres de fixer un tel plafond ni les empêchent de le faire. |
49 |
Dans ces conditions, dès lors que l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1024/2013, l’article 29 du règlement no 575/2013 et l’article 10 du règlement délégué no 241/2014 n’ont aucun rapport avec le plafond d’actifs fixé par la réglementation en cause au principal, une interprétation de ces dispositions apparaît manifestement dénuée de pertinence. |
50 |
En outre, la juridiction de renvoi n’explique ni les raisons pour lesquelles, selon elle, une telle interprétation serait pertinente aux fins de trancher le litige dont elle est saisie ni le lien qu’elle établit entre lesdites dispositions et cette réglementation. |
51 |
Quant à la demande d’interprétation des articles 16 et 17 de la Charte, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. |
52 |
Selon une jurisprudence constante, la notion de « mise en œuvre du droit de l’Union », au sens de l’article 51 de la Charte, présuppose l’existence d’un lien de rattachement entre un acte du droit de l’Union et la mesure nationale en cause qui dépasse le voisinage des matières visées ou les incidences indirectes de l’une des matières sur l’autre (arrêts du 6 mars 2014, Siragusa, C‑206/13, EU:C:2014:126, point 24 ; du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 34, et du 6 octobre 2016, Paoletti e.a., C‑218/15, EU:C:2016:748, point 14). |
53 |
Dans ce contexte, la Cour a conclu à l’inapplicabilité des droits fondamentaux de l’Union par rapport à une réglementation nationale en raison du fait que les dispositions de l’Union dans le domaine concerné n’imposaient aucune obligation spécifique aux États membres à l’égard de la situation en cause au principal (arrêts du 6 mars 2014, Siragusa, C‑206/13, EU:C:2014:126, point 26, et du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 35). |
54 |
Or, ainsi qu’il résulte des considérations qui précèdent, aucune des dispositions du droit de l’Union visées par la juridiction de renvoi dans la première partie de sa première question n’impose aux États membres de fixer un plafond d’actifs, tel que celui en cause au principal, au-delà duquel les banques populaires constituées sous la forme de sociétés coopératives à responsabilité limitée par actions sont tenues de se transformer en sociétés par actions, de réduire leurs actifs ou de procéder à leur liquidation. |
55 |
Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la première partie de la première question est irrecevable dans son ensemble. |
Sur la recevabilité de la deuxième question
56 |
La deuxième question porte sur la conformité aux articles 3 ainsi que 63 et suivants TFUE d’une réglementation nationale fixant un plafond d’actifs pour l’exercice d’activités bancaires sous la forme de banques populaires, au-delà duquel ces banques, constituées sous la forme de sociétés coopératives à responsabilité limitée par actions, sont tenues de se transformer en sociétés par actions, de réduire leurs actifs pour les ramener sous ce plafond ou de procéder à leur liquidation. |
57 |
Cette question est irrecevable en ce qu’elle porte sur l’interprétation de l’article 3 TFUE, dès lors que la juridiction de renvoi se borne à solliciter une interprétation de cette disposition « en matière de concurrence dans le marché intérieur » et que la demande de décision préjudicielle ne contient aucun exposé concernant les raisons qui ont conduit cette juridiction à s’interroger sur l’interprétation de ladite disposition ainsi que le lien qu’elle établit entre cette dernière et le litige au principal. |
Sur la recevabilité de la troisième question
58 |
Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 107 et suivants TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, qui, d’une part, fixe un plafond d’actifs au-delà duquel les banques populaires constituées sous la forme de sociétés coopératives à responsabilité limitée par actions sont tenues de se transformer en sociétés par actions, de réduire leurs actifs pour les ramener sous ce plafond ou de procéder à leur liquidation, et qui, d’autre part, permet à l’établissement concerné de limiter le remboursement de la part de l’associé qui se retire, afin d’éviter une liquidation éventuelle. |
59 |
Cependant, la juridiction de renvoi n’indique pas avec la précision et la clarté requises les raisons l’ayant conduite à s’interroger sur l’interprétation de ces dispositions du droit de l’Union ni le lien qu’elle établit entre ces dernières et la réglementation nationale en cause au principal. |
60 |
En effet, cette juridiction n’explique pas les raisons pour lesquelles elle pourrait considérer qu’une législation nationale telle que celle en cause au principal accorde un avantage, qu’elle instaure une mesure sélective, que l’aide provient de ressources de l’État ou qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence. Dès lors, la juridiction de renvoi ne fournit pas à la Cour les éléments permettant d’apprécier si une telle mesure est susceptible d’être qualifiée d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. |
61 |
Dans ces conditions, la demande de décision préjudicielle n’est pas, s’agissant de la troisième question, conforme aux exigences prévues à l’article 94 du règlement de procédure et ne permet pas à la Cour de fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile à cette question, qui doit, dès lors, être déclarée irrecevable. |
Sur la recevabilité de la cinquième question
62 |
Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour de statuer sur la validité de l’article 10 du règlement délégué no 241/2014. |
63 |
À cet égard, il est important que la juridiction de renvoi indique en particulier les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur la validité de certaines dispositions du droit de l’Union et expose les motifs d’invalidité qui, par voie de conséquence, lui paraissent pouvoir être retenus (arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 48 et jurisprudence citée). |
64 |
Il découle de ce qui précède, d’une part, que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour examine la validité d’un acte de l’Union ou de certaines dispositions de celui-ci au regard des motifs d’invalidité repris dans la décision de renvoi. D’autre part, l’absence de toute mention des raisons précises qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur la validité de cet acte ou de ces dispositions entraîne l’irrecevabilité des questions relatives à la validité de ceux-ci (arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 50). |
65 |
En l’occurrence, force est de constater que la juridiction de renvoi n’expose pas les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur la validité de l’article 10 du règlement délégué no 241/2014. |
66 |
Dans ces conditions, la cinquième question est irrecevable. |
Sur le fond
Sur la seconde partie de la première question et sur la quatrième question
67 |
La seconde partie de première question et la quatrième question portent sur la compatibilité avec certaines dispositions du droit de l’Union d’une réglementation nationale permettant aux banques populaires de limiter le remboursement de leurs instruments de fonds propres. |
68 |
À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que l’objet de l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1024/2013, tel qu’il a été rappelé aux points 42 et 43 du présent arrêt, est étranger à une telle faculté de limiter le remboursement d’instruments de fonds propres et que, par conséquent, l’interprétation de cette disposition est dénuée de pertinence à cet égard. Dès lors, il convient de reformuler ces questions en faisant abstraction de ladite disposition. |
69 |
Ainsi, par la seconde partie de sa première question et par sa quatrième question, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 29 du règlement no 575/2013, l’article 10 du règlement délégué no 241/2014 ainsi que les articles 16 et 17 de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre permettant à une banque populaire établie dans celui-ci de reporter pour une période illimitée le remboursement de la part de l’associé qui se retire et d’en limiter le montant. |
– Sur l’article 29 du règlement no 575/2013 et l’article 10 du règlement délégué no 241/2014
70 |
Il ressort du considérant 7 du règlement no 575/2013 que le législateur de l’Union a entendu que celui-ci contienne notamment les exigences prudentielles applicables aux établissements qui concernent strictement le fonctionnement des marchés des services bancaires et financiers et visent à assurer la stabilité financière des opérateurs sur ces marchés ainsi qu’un niveau élevé de protection des investisseurs et des déposants. |
71 |
Conformément à l’article 1er, premier alinéa, sous a), de ce règlement, celui-ci fixe des règles uniformes concernant les exigences prudentielles générales que tous les établissements faisant l’objet d’une surveillance en vertu de la directive 2013/36 doivent respecter concernant les exigences de fonds propres. |
72 |
C’est dans ce contexte que l’article 28 dudit règlement énonce les conditions qui doivent être remplies afin que des instruments de capital soient éligibles en tant qu’instruments de fonds propres de base de catégorie 1 et que l’article 29 du même règlement prévoit des conditions spécifiques devant être satisfaites à cette fin en ce qui concerne les instruments de capital émis par des sociétés mutuelles ou coopératives, des caisses d’épargne ou des établissements analogues. |
73 |
En particulier, selon l’article 29, paragraphe 2, sous a), du règlement no 575/2013, l’établissement doit pouvoir refuser de rembourser ces instruments sauf si le droit national l’interdit. Dans ce dernier cas, cet article 29, paragraphe 2, sous b), dispose que les dispositions régissant lesdits instruments donnent à l’établissement la faculté de limiter ce remboursement. |
74 |
Des règles précisant les modalités d’exercice de cette faculté de limiter le remboursement d’instruments de capital émis par des sociétés mutuelles ou coopératives, des établissements d’épargne ou des établissements analogues ont été adoptées par la Commission sur le fondement dudit article 29, paragraphe 6. Ces règles sont énoncées à l’article 10 du règlement délégué no 241/2014. |
75 |
Ainsi, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, de ce règlement délégué, ladite faculté inclut le droit de différer le remboursement et celui d’en limiter le montant. |
76 |
La seconde phrase de cette disposition précise que ces droits peuvent être exercés pour une durée illimitée en vertu de l’article 10, paragraphe 3, dudit règlement délégué, qui prévoit que l’ampleur des limites de remboursement prévues par les dispositions régissant les instruments de capital est déterminée par l’établissement concerné de manière à tenir compte à tout moment de sa situation prudentielle et notamment, mais pas exclusivement, de la situation générale de cet établissement en termes financiers, de liquidité et de solvabilité ainsi que du montant des fonds propres de base de catégorie 1, des fonds propres de catégorie 1 et du total des fonds propres par rapport au montant total d’exposition au risque, calculés selon les exigences précises auxquelles renvoie l’article 10, paragraphe 3, sous b), du même règlement délégué. |
77 |
Il résulte donc de l’article 29 du règlement no 575/2013 et de l’article 10 du règlement délégué no 241/2014, d’une part, que l’éligibilité des instruments de capital émis par des sociétés mutuelles ou coopératives, des caisses d’épargne ou des établissements analogues en tant qu’instruments de fonds propres de base de catégorie 1 est, dans l’hypothèse où le droit national interdit à de tels établissements de refuser de rembourser leurs instruments de fonds propres, subordonnée à la condition que les établissements en cause disposent de la faculté de limiter ce remboursement, qui inclut le droit de différer le remboursement et celui d’en limiter le montant, et, d’autre part, que l’ampleur des limites de remboursement est déterminée par l’établissement concerné en tenant compte, à tout moment, de sa situation prudentielle. |
78 |
En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les dispositions du droit italien en cause au principal interdisent aux banques populaires italiennes de refuser le remboursement des instruments de fonds propres. En revanche, elles leur permettent de limiter le remboursement des actions en cas de retrait d’un associé lorsque cela s’avère nécessaire aux fins d’assurer que les instruments de capital émis par ces banques puissent être comptabilisés en tant qu’instruments de fonds propres de base de catégorie 1. Il ressort également de cette décision que, en vertu de ces dispositions, lesdites banques peuvent reporter ce remboursement pour une période illimitée et limiter le montant de ce remboursement en tout ou en partie. |
79 |
Or, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 10, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement délégué no 241/2014, dans l’hypothèse où le droit national interdit de refuser le remboursement des instruments de fonds propres, la faculté prévue à l’article 29, paragraphe 2, sous b), du règlement no 575/2013 permet de différer ce remboursement et de limiter le montant de celui-ci pour une durée illimitée en vertu de l’article 10, paragraphe 3, de ce règlement délégué, c’est-à-dire aussi longtemps que, et dans la mesure où, cela est nécessaire au regard de leur situation prudentielle, compte tenu, notamment, des éléments visés à cette dernière disposition. |
80 |
Par conséquent, l’article 29 du règlement no 575/2013 et l’article 10 du règlement délégué no 241/2014 ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre interdisant aux banques populaires établies dans celui-ci de refuser le remboursement des instruments de fonds propres, mais qui, lorsque cela s’avère nécessaire aux fins d’assurer que les instruments de capital émis par ces banques soient éligibles en tant qu’instruments de fonds propres de base de catégorie 1, permet auxdites banques de différer pour une période illimitée le remboursement des actions de l’associé qui se retire et de limiter le montant de ce remboursement en tout ou en partie. |
– Sur les articles 16 et 17 de la Charte
81 |
En vertu de l’article 16 de la Charte, la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales. |
82 |
La protection conférée par cet article comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre (arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 42 ; du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 25, ainsi que du 12 juillet 2018, Spika e.a., C‑540/16, EU:C:2018:565, point 34). |
83 |
Selon une jurisprudence constante, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue. Elle peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, points 45 et 46 ; du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 28, ainsi que du 26 octobre 2017, BB construct, C‑534/16, EU:C:2017:820, point 36). |
84 |
Conformément à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer, et nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et des conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. |
85 |
À cet égard, il convient de rappeler que le droit de propriété garanti par cette disposition ne constitue pas une prérogative absolue et que son exercice peut faire l’objet de restrictions à la condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 69 et 70). |
86 |
Par ailleurs, il importe de rappeler également que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des limitations peuvent être apportées à l’exercice des droits et libertés consacrés par celle-ci, tels que la liberté d’entreprise et le droit de propriété, pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, respectent le contenu essentiel de ces droits et libertés et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. |
87 |
La faculté, reconnue aux banques populaires par une réglementation nationale, de limiter le remboursement de leurs instruments de fonds propres lorsque cela s’avère nécessaire aux fins d’assurer que les instruments de capital qu’elles émettent puissent être comptabilisés en tant qu’instruments de fonds propres de base de catégorie 1 est prévue par la loi, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. |
88 |
Le contenu essentiel de la liberté d’entreprise garantie par l’article 16 de la Charte et du droit de propriété consacré à l’article 17 de celle-ci est respecté par une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant une faculté de limiter le remboursement des actions en cas de retrait d’un associé, qui vise à satisfaire à la condition énoncée à l’article 29, paragraphe 2, sous b), du règlement no 575/2013 afin que les actions soient éligibles en tant qu’instruments de fonds propres de base de catégorie 1. |
89 |
En effet, d’une part, cette faculté n’entraîne pas une privation de propriété et ne constitue donc pas une intervention portant atteinte à la substance même du droit de propriété. D’autre part, à supposer que ladite faculté soit considérée comme limitant la liberté d’entreprise, elle respecterait le contenu essentiel de cette liberté, puisqu’elle n’empêche pas l’exercice de l’activité bancaire. À cet égard, la Cour a reconnu que les sociétés coopératives obéissent à des principes de fonctionnement particuliers qui les distinguent nettement des autres opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 55). |
90 |
Concernant les objectifs poursuivis par la réglementation en cause au principal, outre que, en prévoyant ladite faculté, celle-ci tend à mettre en œuvre cette condition, la juridiction de renvoi indique que cette réglementation vise à assurer une adéquation entre la forme juridique et les dimensions d’une banque populaire ainsi que le respect des règles prudentielles de l’Union encadrant l’exercice de l’activité bancaire. Selon cette juridiction, ladite réglementation vise ainsi à rendre la forme sociale des banques populaires plus cohérente avec les dynamiques du marché de référence, à garantir une plus grande compétitivité de ces banques ainsi qu’à promouvoir une plus grande transparence dans leur organisation, leur exploitation et leurs fonctions. |
91 |
De tels objectifs, qui sont de nature à assurer la bonne gouvernance dans le secteur bancaire coopératif, la stabilité de ce dernier ainsi qu’un exercice prudent de l’activité bancaire, contribuent à éviter une défaillance des établissements concernés, voire un risque systémique, et, par conséquent, à garantir la stabilité du système bancaire et financier. |
92 |
À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, les objectifs consistant à assurer la stabilité du système bancaire et financier ainsi que d’éviter un risque systémique constituent des objectifs d’intérêt général poursuivi par l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, points 69, 88 et 91 ; du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, points 71 et 74, ainsi que du 8 novembre 2016, Dowling e.a., C‑41/15, EU:C:2016:836, points 51 et 54). |
93 |
En effet, les services financiers jouent un rôle central dans l’économie de l’Union. Les banques et les établissements de crédit sont une source essentielle de financement pour des entreprises actives sur les différents marchés. De plus, les banques sont souvent interconnectées et nombre d’entre elles exercent leurs activités au niveau international. C’est la raison pour laquelle la défaillance d’une ou de plusieurs banques risque de se propager rapidement aux autres banques soit dans l’État membre concerné, soit dans d’autres États membres. Cela risque à son tour de produire des effets d’entraînement négatifs dans d’autres secteurs de l’économie (arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 50, ainsi que du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 72). |
94 |
En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 81 et 104 de ses conclusions, il existe un intérêt général évident à s’assurer qu’un investissement dans les fonds propres de base d’une banque ne soit pas retiré d’une façon inattendue et à éviter ainsi d’exposer cette banque ainsi que l’ensemble du secteur bancaire à une instabilité prudentielle. |
95 |
Par conséquent, il y a lieu de considérer que les limitations à l’exercice du droit de propriété et, à supposer qu’elles existent, à celui de la liberté d’entreprise résultant d’une réglementation telle que celle en cause au principal répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. |
96 |
En outre, ces limitations respecteront le principe de proportionnalité si elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire, au regard de la situation prudentielle des banques concernées, aux fins d’assurer que les instruments de capital qu’elles émettent soient éligibles en tant qu’instruments de fonds propres de base de catégorie 1, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. Elle devra à cette fin tenir compte, notamment, des éléments visés à l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué no 241/2014. |
97 |
Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde partie de la première question et à la quatrième question que l’article 29 du règlement no 575/2013, l’article 10 du règlement délégué no 241/2014 ainsi que les articles 16 et 17 de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre interdisant aux banques populaires établies dans celui-ci de refuser le remboursement des instruments de fonds propres, mais qui permet à ces banques de différer pour une période illimitée le remboursement de la part de l’associé qui se retire et de limiter le montant de ce remboursement en tout ou en partie, pour autant que les limites de remboursement décidées dans le cadre de l’exercice de cette faculté ne dépassent pas ce qui est nécessaire, au regard de la situation prudentielle desdites banques, aux fins d’assurer que les instruments de capital qu’elles émettent soient éligibles en tant qu’instruments de fonds propres de base de catégorie 1, compte tenu, notamment, des éléments visés à l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué no 241/2014, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. |
Sur la deuxième question
98 |
Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 63 et suivants TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre fixant un plafond d’actifs pour l’exercice d’activités bancaires par des banques populaires établies dans cet État membre et constituées sous la forme de sociétés coopératives à responsabilité limitée par actions, au-delà duquel ces banques sont tenues de se transformer en sociétés par actions, de réduire leurs actifs pour les ramener sous ce plafond ou de procéder à leur liquidation. |
99 |
Conformément à l’article 63, paragraphe 1, TFUE, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. |
100 |
À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en l’absence, dans le traité FUE, de définition de la notion de « mouvements de capitaux », au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE, la Cour a reconnu une valeur indicative à la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l’annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [CE (abrogé par le traité d’Amsterdam)] (JO 1988, L 178, p. 5) (arrêts du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, point 24 ; du 10 novembre 2011, Commission/Portugal, C‑212/09, EU:C:2011:717, point 47, et du 22 octobre 2013, Essent e.a., C‑105/12 à C‑107/12, EU:C:2013:677, point 40). |
101 |
Ainsi, la Cour a itérativement jugé que constituent des mouvements de capitaux, au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE, notamment les investissements dits « directs », à savoir, les investissements sous forme de participation dans une entreprise par la détention d’actions qui confère la possibilité de participer effectivement à la gestion et au contrôle de cette entreprise, ainsi que les investissements dits « de portefeuille », à savoir les investissements sous forme d’acquisition de titres sur le marché des capitaux effectuée dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle de l’entreprise [arrêts du 11 novembre 2010, Commission/Portugal, C‑543/08, EU:C:2010:669, point 46 ; du 22 octobre 2013, Essent e.a., C‑105/12 à C‑107/12, EU:C:2013:677, point 40, ainsi que du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C‑135/17, EU:C:2019:136, point 26]. |
102 |
S’agissant de ces deux formes d’investissements, la Cour a précisé que doivent être qualifiées de « restrictions », au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE, des mesures nationales qui sont susceptibles d’empêcher ou de limiter l’acquisition d’actions dans les entreprises concernées ou qui sont susceptibles de dissuader les investisseurs des autres États membres d’investir dans le capital de celles-ci (arrêts du 21 octobre 2010, Idryma Typou, C‑81/09, EU:C:2010:622, point 55 ; du 10 novembre 2011, Commission/Portugal, C‑212/09, EU:C:2011:717, point 48, ainsi que du 22 octobre 2013, Essent e.a., C‑105/12 à C‑107/12, EU:C:2013:677, point 41). |
103 |
En l’occurrence, la réglementation en cause au principal fixe un plafond d’actifs pour l’exercice d’activités bancaires par des banques populaires italiennes constituées sous la forme de sociétés coopératives à responsabilité limitée par actions et au-delà duquel ces banques sont tenues de se transformer en sociétés par actions, de réduire leurs actifs pour les ramener sous ce plafond ou de procéder à leur liquidation. |
104 |
Or, en limitant l’importance de l’activité économique pouvant être exercée par les banques italiennes constituées sous une forme juridique déterminée, une telle réglementation est susceptible de dissuader des investisseurs d’États membres autres que la République italienne et d’États tiers d’acquérir une participation dans le capital desdites banques et constitue, par conséquent, une restriction à la libre circulation des capitaux interdite, en principe, par l’article 63 TFUE. |
105 |
Selon une jurisprudence bien établie, des mesures nationales restreignant la libre circulation des capitaux peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, à la condition qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci (arrêt du 10 novembre 2011, Commission/Portugal, C‑212/09, EU:C:2011:717, point 81 et jurisprudence citée). De surcroît, la Cour a admis qu’une réglementation nationale peut constituer une entrave justifiée à une liberté fondamentale lorsqu’elle est dictée par des motifs d’ordre économique poursuivant un objectif d’intérêt général (arrêt du 22 octobre 2013, Essent e.a., C‑105/12 à C‑107/12, EU:C:2013:677, point 52 et jurisprudence citée). |
106 |
À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été jugé aux points 90 à 95 du présent arrêt, la réglementation en cause au principal répond à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union. |
107 |
Par conséquent, sous réserve que le plafond d’actifs fixé par cette réglementation, au respect duquel celle-ci subordonne l’exercice de l’activité bancaire par des banques populaires italiennes constituées sous la forme de sociétés coopératives à responsabilité limitée par actions, soit apte à garantir la réalisation de ces objectifs et n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ceux-ci, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, la restriction à la libre circulation des capitaux résultant de ladite réglementation est justifiée. |
108 |
Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la deuxième question que les articles 63 et suivants TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre fixant un plafond d’actifs pour l’exercice d’activités bancaires par des banques populaires établies dans cet État membre et constituées sous la forme de sociétés coopératives à responsabilité limitée par actions, au-delà duquel ces banques sont tenues de se transformer en sociétés par actions, de réduire leurs actifs pour les ramener sous ce plafond ou de procéder à leur liquidation, pour autant que cette réglementation soit propre à garantir la réalisation des objectifs d’intérêt général qu’elle poursuit et n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ceux-ci, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. |
Sur les dépens
109 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit : |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : l’italien.