ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

11 avril 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Tarif douanier commun – Classement des marchandises – Nomenclature combinée – Sous-positions 85285100 et 85285940 – Moniteurs à écran plat à cristaux liquides pouvant afficher des signaux provenant de systèmes automatiques de traitement de l’information – Accord sur le commerce des produits des technologies de l’information »

Dans l’affaire C‑288/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), par décision du 20 avril 2018, parvenue à la Cour le 25 avril 2018, dans la procédure

X BV

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, MM. M. Ilešič et I. Jarukaitis, juges,

avocate générale : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour X BV, par Me M. Chin-Oldenziel, advocaat,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et P. Huurnink, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. A. Caeiros et P. Vanden Heede, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des sous-positions 85285100 et 85285940 de la nomenclature combinée (ci-après la « NC ») figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), telle que modifiée par le règlement d’exécution (UE) no 927/2012 de la Commission, du 9 octobre 2012 (JO 2012, L 304, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant X BV au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances, Pays-Bas) au sujet du classement tarifaire de cinq écrans d’affichage d’informations de grand format à cristaux liquides (ci-après les « écrans litigieux »).

Le cadre juridique

La NC

3

La NC, instaurée par le règlement no 2658/87, est fondée sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le « SH »), élaboré par le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes (ci-après l’« OMD »), et institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983. Cette convention a été approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1). La NC reprend les positions et les sous-positions à 6 chiffres du SH, seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions qui lui sont propres.

4

La version de la NC applicable à l’affaire au principal est celle résultant du règlement d’exécution no 927/2012.

5

La première partie de la NC, relative aux dispositions préliminaires, comprend un Titre I, consacré aux « Règles générales », dont la section A, « Règles générales pour l’interprétation de la nomenclature combinée », dispose :

« Le classement des marchandises dans la nomenclature combinée est effectué conformément aux principes ci-après.

1. Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.

[...]

6. Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette règle, les notes de sections et de chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »

6

La deuxième partie de la NC, intitulée « Tableau des droits », comprend une section XVI, dans laquelle figure le chapitre 85, qui porte le titre « Machines et appareils, matériel électrique et leurs parties ; appareils d’enregistrement ou de reproduction du son, appareils d’enregistrement ou de reproduction des images et du son en télévision, et parties et accessoires de ces appareils ».

7

Le chapitre 85 de la NC comprend, notamment, la position et les sous-positions suivantes :

8528

Moniteurs et projecteurs, n’incorporant pas d’appareil de réception de télévision ; appareils récepteurs de télévision, même incorporant un appareil récepteur de radiodiffusion ou un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son ou des images :

 

– Moniteurs à tube cathodique :

 

[...]

 

– autres moniteurs :

8528 51 00

– – des types utilisés exclusivement ou principalement dans un système automatique de traitement de l’information du no 8471

8528 59

– – autres :

8528 59 10

– – – en monochromes

 

– – – en couleurs :

8528 59 40

– – – – avec un écran à cristaux liquides (LCD)

8528 59 80

– – – – autres »

Les notes explicatives du SH

8

Les notes explicatives du SH sont élaborées au sein de l’OMD conformément aux dispositions de la convention portant création du Conseil de coopération douanière.

9

Les notes explicatives du SH, dans leur version adoptée au cours de l’année 2012, relatives à la position 8528 du SH indiquent, notamment :

« [...]

Les moniteurs, les projecteurs et les appareils récepteurs de télévision font appel à différentes technologies telles que celles des tubes cathodiques (CRT), des cristaux liquides (LCD), des dispositifs numériques d’affichage à micromiroirs (DMD), des diodes organiques électroluminescentes (OLED) ou du plasma, afin d’afficher des images.

Les moniteurs et projecteurs peuvent être aptes à recevoir une variété de signaux provenant de diverses sources. Cependant, s’ils incorporent un syntoniseur de télévision, ils sont assimilés à des postes de télévision ».

A. Moniteurs des types utilisés exclusivement ou principalement dans un système automatique de traitement de l’information du no 84.71

Ce groupe comprend les moniteurs à tube cathodique ou non cathodique (écran plat, par exemple) qui présentent de manière graphique les données traitées. Ces moniteurs se distinguent d’autres types de moniteurs (voir la partie B) ci-dessous) et des récepteurs de télévision. Ils comprennent notamment :

1) Les moniteurs capables de recevoir un signal émanant uniquement d’une unité centrale de traitement d’une machine automatique de traitement de l’information et qui ne sont pas, dès lors, en mesure de reproduire une image en couleurs à partir d’un signal vidéo composite dont les ondes ont une forme qui correspond à une norme de diffusion (NTSC, SECAM, PAL, D-MAC ou autre). À cet effet, ils sont pourvus d’organes de connexion typiques au système de traitement des données (interface RS-232C, connecteurs DIN ou SUB-D, par exemple) et ne sont pas équipés de circuit audio. Ils sont commandés par des adaptateurs spéciaux (adaptateurs monochromes ou graphiques, par exemple) qui sont intégrés dans l’unité centrale de la machine automatique de traitement de l’information.

2) Les moniteurs à tube cathodique (CRT) dont le pas des écrans commence à 0,41 mm pour une résolution moyenne et diminue au fur et à mesure que la résolution augmente.

3) Les moniteurs à tube cathodique (CRT) qui, afin de présenter des images de petites dimensions mais d’une définition élevée, se caractérisent par une dimension des points (pixels) sur l’écran plus petite et une convergence plus forte que celles des moniteurs décrits dans la partie B) ci-dessous et des appareils récepteurs de télévision. (La convergence est la capacité du ou des canons à électrons d’exciter un seul point de la surface de l’écran cathodique sans exciter les points adjacents.)

4) Les moniteurs à tube cathodique (CRT), dont la fréquence vidéo (largeur de bande), qui est la mesure qui détermine le nombre de points pouvant être transmis par seconde pour former l’image, est généralement de 15 MHz ou plus alors que dans les moniteurs décrits dans la partie B) ci-dessous, la largeur de bande ne dépasse généralement pas 6 MHz. La fréquence de balayage horizontal de ces moniteurs varie en fonction des normes utilisées pour différents modes d’affichage et va généralement de 15 kHz à plus de 155 kHz. De nombreux types de moniteurs peuvent fonctionner suivant de multiples fréquences de balayage horizontal. La fréquence de balayage horizontal des moniteurs décrits dans la partie B) ci-dessous est fixe, généralement de l’ordre de 15,6 ou 15,7 kHz, suivant la norme de télévision utilisée. Par ailleurs, les moniteurs de machines automatiques de traitement de l’information ne fonctionnent pas suivant les normes de fréquence internationales ou nationales adoptées en matière de diffusion publique ou suivant les normes de fréquence adoptées pour la télévision en circuit fermé.

Les moniteurs de ce groupe se caractérisent par une faible émission de champ magnétique et comprennent fréquemment des mécanismes permettant d’en régler l’inclinaison et le pivotement, des écrans sans reflet, sans scintillement ainsi que d’autres caractéristiques ergonomiques de conception destinées à permettre à l’opérateur de travailler sans fatigue pendant de longues périodes à leur proximité.

B. Autres moniteurs que ceux des types utilisés exclusivement ou principalement dans un système automatique de traitement de l’information du no 84.71

Ce groupe comprend les moniteurs qui sont des récepteurs reliés directement par câbles coaxiaux à la caméra vidéo ou au magnétoscope et dans lesquels ont été supprimés tous les circuits de radiofréquence. Ils se présentent comme des appareils à usage professionnel utilisés dans les régies de contrôle des stations de télévision ou dans la télévision en circuit fermé (aéroports, gares, usines, hôpitaux, etc.). Pour l’essentiel, ces appareils sont constitués de dispositifs permettant de créer et de dévier un point lumineux sur un écran, en synchronisme avec les signaux de la source et d’un ou de plusieurs amplificateurs vidéo permettant de faire varier l’intensité du point lumineux. Ils peuvent en outre avoir des entrées rouge (R), vert (G) et bleu (B) séparées pour les signaux ou codées en fonction de n’importe quelle norme (NTSC, SECAM, PAL, D-MAC ou autre). Pour la réception de signaux codés, le moniteur doit être équipé d’un dispositif de décodage (séparation) des signaux R, G et B. Le moyen couramment utilisé pour la reconstruction de l’image est le tube cathodique à vision directe ou le projecteur à trois tubes cathodiques, mais il existe des moniteurs utilisant d’autres moyens pour arriver au même but (écran à cristaux liquides, rayons lumineux déviés sur un film d’huile, par exemple). Ces moniteurs peuvent être à tube cathodique ou à écran plat tel qu’à cristaux liquides, à diodes électroluminescentes (LED), à plasma.

[...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

10

Le litige au principal concerne le classement tarifaire des écrans litigieux. Selon la juridiction de renvoi, ces écrans ont des diagonales qui varient de 46 à 70 pouces et des poids de 19,3 à 81,7 kilogrammes. Ils disposent de diverses prises permettant une connexion notamment avec une machine automatique de traitement de l’information, un appareil d’enregistrement et de reproduction du son et de l’image, ou un lecteur de DVD, mais n’incorporent pas d’appareil de réception de télévision. Ils sont vendus avec une commande à distance ainsi qu’avec divers câbles.

11

Toujours selon la juridiction de renvoi, lesdits écrans peuvent afficher, indépendamment d’un système automatique de traitement de l’information, une image en couleurs provenant d’un signal vidéo composite. Compte tenu de leur taille, de leur poids et de leur fonctionnalité, les écrans litigieux ne conviennent pas à un usage sur un bureau ou sur une table. La juridiction de renvoi indique, en outre, que ces écrans ne sont pas vendus aux consommateurs, mais sont proposés sur le marché professionnel pour être, en particulier, utilisés dans un système automatique de traitement de l’information dans des espaces publics comme les aéroports et les gares ferroviaires pour afficher des informations sur les voyages ou dans de vastes espaces de bureaux pour afficher des informations générales.

12

Les 24 et 26 avril 2013, l’inspecteur a délivré des renseignements tarifaires contraignants (ci-après les « RTC ») en classant les écrans litigieux dans la sous-position 85285940 de la NC en tant qu’« autres moniteurs en couleurs avec un écran à cristaux liquides ».

13

Contestant ces RTC, la requérante au principal a introduit une réclamation, soutenant que les écrans litigieux devaient être classés dans la sous-position 85285100 de la NC au motif qu’ils étaient des moniteurs des types utilisés exclusivement ou principalement dans un système automatique de traitement de l’information relevant de la position 8471 de la NC. L’inspecteur a déclaré cette réclamation infondée et a confirmé les RTC.

14

La requérante au principal a interjeté appel de la décision de l’inspecteur devant le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam, Pays-Bas), qui a conclu que les écrans litigieux devaient être classés dans la sous-position 85285940 de la NC. Pour parvenir à cette conclusion, ladite juridiction a, en substance, constaté que, contrairement à ce que la Cour aurait exigé au point 60 de l’arrêt du 19 février 2009, Kamino International Logistics (C‑376/07, EU:C:2009:105), les écrans litigieux n’ont pas été conçus pour le travail à proximité, trait caractéristique qui indique qu’il n’existe pas d’interaction entre l’utilisateur du moniteur et l’utilisateur de la machine automatique de traitement de l’information, raison pour laquelle il n’y a pas d’utilisation exclusive ou principale dans un système automatique de traitement de l’information.

15

À la suite de l’arrêt rendu par le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam), la requérante au principal a introduit un pourvoi en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), soutenant que les écrans litigieux devaient être classés dans la sous-position 85285100 de la NC, au motif qu’ils disposent de caractéristiques et de propriétés qui les rendent en particulier aptes à afficher dans de vastes espaces publics des informations provenant d’une machine automatique de traitement de l’information. Un tel classement serait corroboré par les obligations découlant de l’accord du 13 décembre 1996 sur le commerce des produits des technologies de l’information (ci-après l’« ATI »), approuvé par la décision 97/359/CE du Conseil, du 24 mars 1997, concernant l’élimination des droits de douane sur les produits des technologies de l’information (JO 1997, L 155, p. 1).

16

La juridiction de renvoi précise que, avant la modification du SH au cours de l’année 2007, les moniteurs des types utilisés exclusivement ou principalement dans un système automatique de traitement de l’information étaient classés dans la sous-position 84716090 de la NC, intitulée « unité de sortie de machine automatique de traitement de l’information ». Il découlerait des notes explicatives applicables avant l’année 2007 et de celles établies à partir de la modification apportée au SH au cours de l’année 2007 que cette modification vise à classer les moniteurs de l’ancienne sous-position 84716090 de la NC dans une sous-position distincte, celle de la position 8528 du SH, et à continuer à distinguer ces moniteurs d’autres types de moniteurs vidéo et des appareils récepteurs de télévision. À cet égard, la juridiction de renvoi considère que la jurisprudence de la Cour relative à la sous-position 84716090 de la NC conserve son intérêt pour l’interprétation de la sous-position 85285100 de la NC.

17

La juridiction de renvoi considère qu’il ressort du libellé de la sous-position 85285100 de la NC que l’aptitude d’un écran à afficher des images provenant de sources autres que d’une machine de traitement de l’information ne doit pas nécessairement exclure son classement dans cette sous-position.

18

S’agissant du critère relatif à l’aptitude d’un écran au travail à proximité et la question de savoir si un tel critère suppose une interaction entre l’utilisateur de la machine automatique de traitement de l’information et l’utilisateur de cet écran, en ce sens que l’utilisateur de la machine automatique de traitement de l’information soit en mesure de lire également ledit écran lors du traitement ou de l’entrée de l’information, la juridiction de renvoi fait remarquer que les écrans litigieux n’ont pas été conçus comme étant un moyen d’introduire et de traiter l’information dans un système automatique de traitement de l’information. Ainsi, en l’espèce, ledit critère ne serait pas rempli si, aux fins du classement dans la sous-position 85285100 de la NC, un moniteur d’ordinateur devait avoir été conçu pour fonctionner de cette manière à l’intérieur d’un système automatique de traitement de l’information.

19

La juridiction de renvoi fait observer, par ailleurs, qu’il ne peut être déduit des notes explicatives du SH relatives à la position 8528 que la sous-position 852851 du SH serait limitée aux moniteurs qui ont été conçus et fabriqués pour le travail à proximité ou pour être utilisés à proximité par ceux qui traitent ou introduisent les informations dans la machine automatique de traitement de l’information. Selon elle, ces restrictions ne sont pas évidentes et impliqueraient que les moniteurs qui auraient seulement une prise permettant la connexion à une machine automatique de traitement de l’information, mais qui ne conviendraient pas au travail à proximité, ne pourraient pas non plus être classés dans cette sous-position. Pour la juridiction de renvoi, les critères techniques dégagés par la Cour dans les arrêts du 19 février 2009, Kamino International Logistics (C‑376/07, EU:C:2009:105), ainsi que du 17 juillet 2014, Panasonic Italia e.a. (C‑472/12, EU:C:2014:2082), ne sont pertinents que pour les moniteurs à tube cathodique et, partant, ne s’appliquent pas aux écrans litigieux.

20

À titre d’argument complémentaire aux fins du classement des écrans litigieux dans la sous-position 85285100 de la NC, la juridiction de renvoi mentionne les obligations résultant de l’ATI. Les dispositifs d’affichage à écran plat, qui relèvent de l’ATI, figureraient parmi les produits qui doivent être exemptés de droits d’importation indépendamment de la position du SH dans laquelle ils sont classés. Tout en étant consciente que les dispositions de l’ATI ne peuvent pas créer des droits, pour les particuliers, de nature à être invoqués directement, la juridiction de renvoi estime que les sous-positions de la NC doivent être interprétées en conformité avec cet accord.

21

La juridiction de renvoi fait également remarquer que nombre de rapports de l’OMC ont constaté que l’imposition, par la législation de l’Union, de droits pour certains dispositifs d’affichage à écran plat, qui peuvent recevoir et reproduire des images vidéo provenant tant d’une machine automatique de traitement de l’information que d’une autre source, était incompatible avec l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 11).

22

Cette juridiction affirme que, l’Union ayant l’obligation de se conformer à cette conclusion, le Conseil de l’Union européenne, au moyen de son règlement (CE) no 953/2013, du 26 septembre 2013, modifiant l’annexe I du règlement no 2658/87 (JO 2013, L 263, p. 4), a modifié les sous-positions de la position 8528 de la NC. Depuis l’entrée en vigueur de ce règlement, les « écrans plats [...] avec un écran à cristaux liquides » sont exemptés de droits d’importation.

23

La juridiction de renvoi mentionne aussi le règlement d’exécution (UE) no 112/2014 de la Commission, du 4 février 2014, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO 2014, L 38, p. 18), le règlement d’exécution (UE) no 114/2014 de la Commission, du 4 février 2014, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO 2014, L 38, p. 22), et le règlement d’exécution (UE) no 877/2014 de la Commission, du 8 août 2014, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO 2014, L 240, p. 15), qui, bien que non applicables ratione temporis au litige au principal, révèleraient que la Commission, afin de procéder au classement de certains écrans plats à cristaux liquides (ci-après « LCD »), s’est basée sur le fait qu’il convient de tenir compte d’une série de caractéristiques et de propriétés des écrans et de ne pas se limiter à leur aptitude au travail à proximité.

24

Ainsi, la juridiction de renvoi nourrit des doutes sur le point de savoir si les écrans litigieux sont d’emblée exclus du classement dans la sous-position 85285100 de la NC au motif qu’ils présentent la propriété de ne pas avoir été conçus pour le travail à proximité.

25

Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les sous-catégories 85285100 et 85285940 de la [NC] (dans la version en vigueur du 1er janvier 2007 au 25 octobre 2013) doivent-elles être interprétées en ce sens que les écrans plats [LCD] conçus et fabriqués pour afficher l’information provenant d’une machine automatique de traitement de l’information ainsi que les signaux vidéo composites provenant d’autres sources sont classés dans la sous-position 85285940 de la NC s’ils ne conviennent pas au travail à proximité en raison de leur taille, de leur poids et de leur fonctionnalité indépendamment des autres caractéristiques et propriétés objectives du moniteur spécifique ? Importe-t-il à cet égard de savoir s’il y a identité entre l’utilisateur (le lecteur) de l’écran et la personne qui traite et/ou introduit l’information dans la machine automatique de traitement de l’information ? »

Sur la question préjudicielle

26

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si la NC doit être interprétée en ce sens que, afin de déterminer si des écrans plats LCD, conçus et fabriqués pour afficher tant l’information provenant d’une machine automatique de traitement de l’information que les signaux vidéo composites provenant d’autres sources, doivent être classés dans la sous-position 85285100 de la NC, ou dans la sous-position 85285940 de cette nomenclature, la question de savoir si ces écrans conviennent ou pas au travail à proximité est déterminante, sans qu’il soit nécessaire de tenir compte des autres caractéristiques et propriétés objectives de ces écrans et si, aux fins de cette détermination, l’identité entre l’utilisateur de l’écran et la personne qui traite et/ou introduit l’information dans la machine automatique de traitement de l’information est un élément pertinent.

27

Il convient, à cet égard, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et leurs propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de sections ou de chapitres (arrêt du 22 février 2018, Kubota (UK) et EP Barrus, C‑545/16, EU:C:2018:101, point 25 et jurisprudence citée).

28

Il est également de jurisprudence constante que les notes explicatives adoptées par l’OMD, en ce qui concerne le SH, contribuent de manière importante à l’interprétation de la portée des différentes positions tarifaires, sans toutefois avoir force obligatoire de droit (arrêt du 13 septembre 2018, Vision Research Europe, C‑372/17, EU:C:2018:708, point 23 et jurisprudence citée).

29

Dans la mesure où ces notes ont pour objet de faciliter l’interprétation de la NC aux fins du classement tarifaire, il convient de les interpréter de manière à assurer l’effet utile des sous-positions de la NC. La teneur desdites notes doit, dès lors, être conforme aux dispositions de la NC et ne saurait en modifier la portée (arrêt du 5 mars 2015, Vario Tek, C‑178/14, non publié, EU:C:2015:152, point 22 et jurisprudence citée).

30

Concernant le libellé des dispositions pertinentes de la NC, il convient de relever que la position 8528 de la NC vise, notamment, les moniteurs et les projecteurs, qui, tels les écrans litigieux, n’incorporent pas d’appareil de réception de télévision. Le libellé de la sous-position 85285100 de la NC contient la phrase « moniteurs [...] des types utilisés exclusivement ou principalement dans un système automatique de traitement de l’information [de la position] 8471 [de la NC] ». Le libellé de la sous-position 85285940 de la NC comprend, quant à lui, la phrase « autres [moniteurs] en couleurs [...] avec un écran à cristaux liquides (LCD) ».

31

À cet égard, si la sous-position 85285940 de la NC vise explicitement des écrans LCD, il y a lieu de constater que le libellé de cette sous-position est assez général et définit surtout les moniteurs qui en relèvent comme étant « autres » que ceux relevant de la sous-position 85285100. Il s’ensuit que la sous-position 85285940 de la NC présente un caractère résiduel au regard de la sous-position 85285100 de la NC, en ce sens qu’un moniteur avec un écran LCD ne pourrait être classé dans cette première sous-position que s’il ne peut être classé dans la sous-position 85285100 de la NC.

32

S’agissant de cette dernière sous-position, il y a lieu de relever que l’utilisation du terme général « moniteurs » implique que des écrans plats LCD, tels que les écrans litigieux, peuvent, en principe, relever de cette sous-position.

33

Dès lors que, eu égard à leurs caractéristiques objectives, à savoir le fait qu’ils peuvent, notamment, afficher une image en couleurs provenant d’appareils autres qu’une machine automatique de traitement de l’information, les écrans litigieux ne peuvent pas être considérés comme étant des moniteurs utilisés exclusivement dans un système automatique de traitement de l’information relevant de la position 8471 de la NC, la question pertinente dans le litige au principal consiste à savoir si des moniteurs, tels que les écrans litigieux, peuvent être considérés comme étant des moniteurs utilisés principalement dans un tel système et relever, ainsi, de la sous-position 85285100 de la NC.

34

Afin de déterminer si un moniteur peut être classé dans cette sous-position, la Cour a jugé qu’il y a lieu d’apprécier, eu égard à l’ensemble des caractéristiques et des propriétés objectives du moniteur concerné, tant le degré auquel celui-ci est susceptible d’exercer plusieurs fonctions que le niveau de performance qu’il atteint dans l’exercice de ces fonctions (voir, en ce sens, arrêt du 19 février 2009, Kamino International Logistics, C‑376/07, EU:C:2009:105, point 57). Il convient ainsi de comparer, d’une part, l’aptitude d’un moniteur à être utilisé en tant que moniteur dans un système automatique de traitement de l’information et sa performance dans ce domaine et, d’autre part, son aptitude à être utilisé dans d’autres fonctions et sa performance dans ces fonctions, pour constater quelle est sa fonction principale qui détermine ainsi son classement.

35

Dans ce cadre, concernant les caractéristiques qui déterminent l’aptitude d’un moniteur à être utilisé principalement dans un système automatique de traitement de l’information, les notes explicatives du SH relatives à la position 8528, dont la partie A vise les moniteurs des types utilisés exclusivement ou principalement dans un système automatique de traitement de l’information de la position 8471 du SH, offrent des indications importantes.

36

Tout d’abord, il convient de constater que, conformément au premier alinéa de cette partie A, le groupe de moniteurs qui y est visé comprend les moniteurs à tube cathodique ou non cathodique, y compris ceux à écran plat, qui présentent de manière graphique les données traitées, et qui comprennent, notamment, ceux énumérés aux points 1 à 4 de ladite partie. Il découle, ainsi, de l’emploi du terme « notamment » que l’énumération, aux points 1 à 4 de la même partie, de types de moniteurs utilisés exclusivement ou principalement dans un système automatique de traitement de l’information, ainsi que de leurs caractéristiques techniques, qui les rendent aptes à la présentation efficace des données issues d’un système automatique de traitement de l’information, n’est qu’indicative.

37

En revanche, il n’en va pas de même des caractéristiques énumérées à l’alinéa final de la partie A à laquelle le terme « notamment » ne se rapporte pas. En effet, cet alinéa final est introduit par les termes « [l]es moniteurs de ce groupe », indiquant ainsi qu’il se réfère à l’ensemble des moniteurs visés à la partie A de la note explicative relative à la position 8528 du SH, à savoir les moniteurs utilisés exclusivement ou principalement dans un système automatique de traitement de l’information.

38

Or, selon les termes dudit alinéa final, les moniteurs de ce groupe se caractérisent par une faible émission de champ magnétique et comprennent fréquemment des mécanismes permettant d’en régler l’inclinaison et le pivotement, des écrans sans reflet, sans scintillement ainsi que d’autres caractéristiques ergonomiques de conception destinées à permettre à l’opérateur de travailler sans fatigue pendant de longues périodes à leur proximité.

39

Il apparaît donc ressortir dudit alinéa que le fait d’avoir été conçus pour un travail à proximité est une caractéristique nécessaire des moniteurs qui, en ce qu’ils sont conçus pour être utilisés exclusivement ou principalement dans un système automatique de traitement de l’information, doivent être classés dans la sous-position 85285100 de la NC.

40

Toutefois, les notes explicatives en question ne peuvent être interprétées en ce sens que cette exigence serait absolue, car, dans une telle hypothèse, elles conduiraient à modifier la portée des sous-positions de la NC. En effet, une telle exigence aurait pour conséquence que des moniteurs, dont les organes de connexion ne permettraient leur raccordement qu’à une machine automatique de traitement de l’information, mais qui ne conviendraient pas au travail à proximité, ne pourraient être classés dans la sous-position 85285100 de la NC, alors même que, manifestement, ils seraient conçus pour être utilisés exclusivement dans un système automatique de traitement de l’information.

41

Il y a donc lieu de considérer que, si le fait qu’un moniteur a été conçu pour un travail à proximité constitue un élément particulièrement important à prendre en considération pour déterminer s’il peut être classé dans la sous-position 85285100 de la NC, cet élément ne peut pas être, à lui seul, déterminant. C’est à la lumière de l’ensemble des caractéristiques et des propriétés objectives de ce moniteur que son classement doit être déterminé.

42

En outre, bien que le critère relatif à la possibilité de travailler à proximité d’un moniteur soit susceptible d’impliquer, ainsi que l’évoque la juridiction de renvoi, qu’il y a, habituellement, identité entre le lecteur du moniteur et la personne qui traite et/ou introduit l’information dans la machine automatique de traitement de l’information, cette identité ne constitue pas pour autant un élément pertinent pour le classement tarifaire de ce moniteur. En effet, l’identité de l’utilisateur ne constitue pas une caractéristique ou une propriété objective dudit moniteur.

43

S’agissant de la pertinence de l’ATI pour la détermination du classement tarifaire considéré, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, même si les dispositions d’un accord tel que l’ATI ne sont pas de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux-ci peuvent se prévaloir directement devant le juge en vertu du droit de l’Union, dès lors qu’une réglementation de l’Union existe dans le domaine concerné, la primauté des accords internationaux conclus par l’Union sur les textes de droit dérivé commande d’interpréter ces dernières dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords (arrêt du 14 juillet 2016, Sprengen/Pakweg Douane, C‑97/15, EU:C:2016:556, point 48 et jurisprudence citée).

44

Cela étant, il convient de constater que, si l’ATI concerne les droits de douane liés, notamment, aux moniteurs de la position 8471 du SH, il n’affecte ni ne modifie les caractéristiques techniques et les propriétés objectives en fonction desquelles sont classées les marchandises, notamment, dans les sous-positions 85285100 et 85285940 de la NC. Cet accord prévoit seulement l’exemption de droits d’importation pour certaines marchandises. Il s’ensuit, comme le relève à juste titre le gouvernement néerlandais, que l’existence d’une obligation d’exonérer des droits à l’importation les produits visés par l’ATI ne saurait modifier la portée desdites sous-positions.

45

Enfin, s’agissant de la pertinence des règlements d’exécution nos 112/2014, 114/2014 et 877/2014, classant certains moniteurs couleur à affichage LCD dans la sous-position 85255931 de la NC, il suffit de relever que ces règlements sont entrés en vigueur après que les RTC, à l’origine de l’affaire au principal, eurent été délivrés. Ainsi, ces règlements ne sont pas applicables ratione temporis et, partant, ils ne sauraient avoir d’incidence sur la résolution de l’affaire au principal.

46

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que la NC doit être interprétée en ce sens que, afin de déterminer si des écrans plats LCD, conçus et fabriqués pour afficher tant l’information provenant d’une machine automatique de traitement de l’information que les signaux vidéo composites provenant d’autres sources, doivent être classés dans la sous-position 85285100 de la NC ou la sous-position 85285940 de cette nomenclature, il y a lieu, en examinant l’ensemble de leurs caractéristiques et de leurs propriétés objectives, d’apprécier tant le degré auquel ceux-ci sont susceptibles d’exercer plusieurs fonctions que le niveau de performance qu’ils atteignent dans l’exercice de ces fonctions, afin de déterminer si leur fonction principale est d’être utilisés dans un système automatique de traitement de l’information. Dans ce cadre, une importance particulière doit être prêtée à la question de savoir s’ils sont conçus pour un travail à proximité. L’identité entre l’utilisateur de l’écran et la personne qui traite et/ou introduit l’information dans la machine automatique de traitement de l’information n’est pas un critère pertinent aux fins de cette détermination.

Sur les dépens

47

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

 

La nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, telle que modifiée par le règlement d’exécution (UE) no 927/2012 de la Commission, du 9 octobre 2012, doit être interprétée en ce sens que, pour déterminer si des écrans plats à cristaux liquides (LCD), conçus et fabriqués pour afficher tant l’information provenant d’une machine automatique de traitement de l’information que les signaux vidéo composites provenant d’autres sources, doivent être classés dans la sous-position 85285100 de la nomenclature combinée ou la sous-position 85285940 de cette nomenclature, il y a lieu, en examinant l’ensemble de leurs caractéristiques et de leurs propriétés objectives, d’apprécier tant le degré auquel ceux-ci sont susceptibles d’exercer plusieurs fonctions que le niveau de performance qu’ils atteignent dans l’exercice de ces fonctions, afin de déterminer si leur fonction principale est d’être utilisés dans un système automatique de traitement de l’information. Dans ce cadre, une importance particulière doit être prêtée à la question de savoir s’ils sont conçus pour un travail à proximité. L’identité entre l’utilisateur de l’écran et la personne qui traite et/ou introduit l’information dans la machine automatique de traitement de l’information n’est pas un critère pertinent aux fins de cette détermination.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.