CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 6 novembre 2018 ( 1 )
Affaire C‑492/18 (PPU)
Openbaar Ministerie
contre
TC
[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas)]
« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Décision de remise – Article 17 – Droits de la personne recherchée – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 6 – Droit à la liberté »
I. Introduction
1. |
La présente demande de décision préjudicielle a été introduite dans le cadre de l’exécution, aux Pays-Bas, d’un mandat d’arrêt européen (ci-après « MAE ») émis par une autorité judiciaire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à l’encontre de TC aux fins de l’exercice de poursuites pénales. |
2. |
Après l’arrestation de TC aux Pays-Bas, la Cour a été saisie, dans l’affaire RO ( 2 ), d’un renvoi préjudiciel portant sur les implications de la notification par le Royaume-Uni de son intention de se retirer de l’Union européenne, en application de l’article 50, paragraphe 2, TUE, sur l’exécution d’un MAE rendu par des autorités de cet État membre. La juridiction de renvoi dans la présente affaire a sursis à statuer dans l’attente du prononcé de l’arrêt dans l’affaire RO, ce qui a abouti à ce que TC se trouvait en détention durant une période supérieure à 90 jours. |
3. |
Or, selon une disposition transposant la décision-cadre 2002/584/JAI ( 3 ) en droit néerlandais, la détention d’une personne recherchée en vertu d’un MAE devrait être suspendue après l’expiration d’un délai de 90 jours à compter de son arrestation. Les juridictions néerlandaises considèrent cependant qu’il y a lieu de suspendre ce délai afin de pouvoir maintenir une telle personne en détention. |
4. |
C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la conformité du maintien de TC en détention avec l’article 6 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). |
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
5. |
Selon l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre, celle-ci « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne ». |
6. |
Aux termes de l’article 12 de la décision-cadre, intitulé « Maintien de la personne en détention » : « Lorsqu’une personne est arrêtée sur la base d’un [MAE], l’autorité judiciaire d’exécution décide s’il convient de la maintenir en détention conformément au droit de l’État membre d’exécution. La mise en liberté provisoire est possible à tout moment conformément au droit interne de l’État membre d’exécution, à condition que l’autorité compétente dudit État membre prenne toute mesure qu’elle estimera nécessaire en vue d’éviter la fuite de la personne recherchée. » |
7. |
Selon l’article 17, paragraphes 1, 3 à 5, et 7 de la décision-cadre : « 1. Un [MAE] est à traiter et exécuter d’urgence. […] 3. Dans les autres cas, la décision définitive sur l’exécution du [MAE] devrait être prise dans un délai de soixante jours à compter de l’arrestation de la personne recherchée. 4. Dans des cas spécifiques, lorsque le [MAE] ne peut être exécuté dans les délais prévus aux paragraphes 2 ou 3, l’autorité judiciaire d’exécution en informe immédiatement l’autorité judiciaire d’émission, en indiquant pour quelles raisons. Dans un tel cas, les délais peuvent être prolongés de trente jours supplémentaires. 5. Aussi longtemps qu’aucune décision définitive sur l’exécution du [MAE] n’est prise par l’autorité judiciaire d’exécution, celui-ci s’assurera que les conditions matérielles nécessaires à une remise effective de la personne restent réunies. […] 7. Lorsque, dans des circonstances exceptionnelles, un État membre ne peut pas respecter les délais impartis par le présent article, il en informe Eurojust, en précisant les raisons du retard. En outre, un État membre qui a subi, de la part d’un autre État membre, plusieurs retards dans l’exécution de mandats d’arrêt européens en informe le Conseil en vue de l’évaluation, au niveau des États membres, de la mise en œuvre de la présente décision-cadre. » |
B. Le droit néerlandais
8. |
La décision-cadre a été transposée en droit néerlandais par l’Overleveringswet (Stb. 2004, no 195) (loi sur la remise, ci-après l’« OLW »). L’article 22, paragraphes 1, 3 et 4, de l’OLW dispose : « 1. La décision relative à la remise doit être rendue par le rechtbank (tribunal) au plus tard soixante jours après l’arrestation de la personne réclamée, visée à l’article 21. […] 3. Dans des cas exceptionnels et en indiquant les raisons à l’autorité judiciaire d’émission, le rechtbank (tribunal) peut prolonger de trente jours au maximum le délai de soixante jours. 4. Si, dans le délai indiqué au paragraphe 3, le rechtbank (tribunal) n’a pas rendu de décision, il peut à nouveau prolonger le délai pour une durée indéterminée, moyennant suspension temporaire, sous conditions, de la privation de liberté de la personne réclamée et information de l’autorité judiciaire d’émission. » |
9. |
Aux termes de l’article 64 de l’OLW : « 1. Dans les cas où une décision relative à la privation de liberté peut ou doit être adoptée en vertu de la présente loi, il peut être ordonné que cette privation de liberté soit différée ou suspendue sous conditions jusqu’au prononcé de la décision du rechtbank (tribunal) autorisant la remise. Les conditions fixées sont destinées uniquement à prévenir la fuite. 2. L’article 80, à l’exception du paragraphe 2, et les articles 81 à 88 du code de procédure pénale s’appliquent mutatis mutandis aux ordonnances rendues par le rechtbank (tribunal) ou le juge d’instruction en vertu du paragraphe 1. » |
10. |
Conformément à l’article 84, paragraphe 1, première phrase, du Wetboek van Strafvordering (code de procédure pénale néerlandais), applicable sur le fondement de l’article 64, paragraphe 2, de l’OLW, le ministère public peut ordonner l’arrestation de la personne réclamée en cas de non-respect de l’une des conditions imposées à la suspension de la détention en vue de la remise, ou si un risque de fuite résulte de circonstances déterminées. |
III. Les faits et la procédure devant la juridiction de renvoi
11. |
Le 12 juin 2017, une autorité judiciaire du Royaume-Uni a émis un MAE aux fins de l’exercice de poursuites pénales contre TC, un ressortissant britannique résidant en Espagne et soupçonné d’avoir participé à l’importation, à la distribution et à la vente de drogues dures. |
12. |
Le 4 avril 2018, TC a été arrêté aux Pays-Bas. Le délai de 60 jours, prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’OLW et à l’article 17, paragraphe 3, de la décision-cadre pour adopter une décision sur l’exécution d’un MAE a commencé à courir à cette date. |
13. |
Le 31 mai 2018, la juridiction de renvoi a prolongé de 30 jours le délai d’adoption de la décision sur l’exécution d’un MAE. |
14. |
Par décision du 14 juin 2018, la juridiction de renvoi a sursis à statuer dans l’attente du prononcé de l’arrêt dans l’affaire RO ( 4 ). Par ailleurs, la juridiction de renvoi a autorisé la suspension du délai d’adoption de la décision sur l’exécution du MAE, de telle sorte que TC a été maintenu en détention. |
15. |
Le 27 juin 2018, le conseil de TC a, sur le fondement de l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW, présenté devant la juridiction de renvoi une demande de mise en liberté provisoire de celui-ci à partir du 4 juillet 2018, soit après 90 jours de détention. En effet, en vertu de l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW, la juridiction de renvoi doit, en principe, mettre fin à la détention en vue de la remise de la personne réclamée à l’expiration du délai de 90 jours imparti pour adopter une décision définitive au sujet de l’exécution du MAE. |
16. |
Cela étant dit, la juridiction de renvoi estime, en premier lieu, que lors de la transposition de la décision-cadre, le législateur néerlandais a pris comme prémisse que, selon la décision-cadre, à l’expiration du délai de 90 jours, la personne réclamée ne se trouve plus en détention en vue de sa remise. Or, il ressortirait de l’arrêt Lanigan ( 5 ) que la décision-cadre ne prévoit pas d’obligation générale et inconditionnelle de mise en liberté (provisoire) en cas de dépassement du délai de 90 jours, pour autant que la procédure de remise ait été menée de manière suffisamment diligente et, partant, que la durée de la détention ne présente pas un caractère excessif ( 6 ). |
17. |
Le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam) ajoute, en second lieu, que l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW ne prendrait pas suffisamment en compte les obligations qui pèsent sur la juridiction de renvoi en vertu de dispositions du droit primaire de l’Union. |
18. |
Plus précisément, la juridiction de renvoi indique être tenue, premièrement, de saisir la Cour d’une question préjudicielle lorsque la réponse à cette question est nécessaire pour rendre sa décision relative à l’exécution d’un MAE, deuxièmement, d’attendre la réponse aux questions posées par les autorités judiciaires d’autres États membres lorsque la réponse à une question introduite par une autre juridiction est nécessaire pour prendre sa décision et, enfin, troisièmement, selon l’arrêt Aranyosi et Căldăraru ( 7 ), de reporter sa décision sur la remise s’il existe un risque réel de traitement inhumain ou dégradant à l’égard de la personne réclamée dans l’État membre d’émission. |
19. |
À cet égard, la juridiction de renvoi précise également que, selon la jurisprudence de la Cour, des circonstances engendrant l’une des obligations susmentionnées constituent des « circonstances exceptionnelles » au sens de l’article 17, paragraphe 7, de la décision‑cadre qui empêchent l’État membre d’exécution de respecter le délai de décision de 90 jours ( 8 ). |
20. |
En outre, la juridiction de renvoi indique avoir identifié plusieurs raisons qui, selon elle, illustrent le risque que TC prenne la fuite à la suite de sa mise en liberté. Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi estime ne pas être en mesure de mettre fin à la privation de liberté de TC tout en s’assurant que les conditions matérielles nécessaires à une remise effective de TC au sens de l’article 17, paragraphe 5, de la décision-cadre restent réunies. |
21. |
Afin de résoudre la contradiction entre les obligations incombant à la juridiction de renvoi et le libellé de l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW, la juridiction de renvoi souligne être parvenue, dans des décisions antérieures, à une interprétation de cette disposition qu’elle considère être en conformité avec la décision-cadre. C’est ainsi que, selon cette interprétation, en présence de circonstances engendrant l’une des obligations mentionnées au point 18 des présentes conclusions, elle suspend le délai d’adoption d’une décision sur l’exécution d’un MAE. Pendant cette période de suspension, elle ne serait pas tenue de mettre la personne recherchée en liberté provisoire, dès lors que le délai de 90 jours ne court pas et ne peut donc pas expirer. Cette interprétation ne s’opposerait pas à une mise en liberté provisoire si, notamment, la durée de la détention devient excessive. La juridiction de renvoi estime toutefois qu’en l’espèce, la détention en vue de la remise de TC n’est pas devenue excessive. |
22. |
La juridiction de renvoi expose cependant que le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam, Pays-Bas), la juridiction d’appel en la matière, a en revanche estimé, dans ses décisions antérieures, que l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW ne saurait faire l’objet d’une interprétation telle que celle proposée au point précédent. Selon la juridiction de renvoi, le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) met en balance l’intérêt de la protection de l’ordre juridique de l’Union et celui de préserver le droit national à la lumière du principe de sécurité juridique afin de déterminer s’il y a lieu de suspendre les délais d’adoption d’une décision sur l’exécution d’un MAE. |
23. |
Or, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la mise en balance de ces intérêts a, jusqu’à présent, toujours abouti à un résultat concret identique à celui obtenu en suivant l’approche de la juridiction de renvoi. En tout état de cause, dans sa pratique décisionnelle, la juridiction de renvoi a continué à appliquer sa propre interprétation jurisprudentielle. |
IV. La question préjudicielle déférée à la Cour
24. |
C’est dans ce contexte que, par décision du 27 juillet 2018, parvenue le même jour au greffe de la Cour, le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas) a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante : « Le maintien de la détention en vue de la remise d’une personne réclamée qui présente un risque de fuite, pour une durée qui dépasse les 90 jours à compter de l’arrestation de cette personne, est-il contraire à l’article 6 de la [Charte], lorsque :
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V. La procédure devant la Cour
25. |
TC se trouvant en détention et la demande de décision préjudicielle soulevant des questions dans un domaine couvert par le titre V de la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la juridiction de renvoi a également demandé à la Cour, par la même décision, que le présent renvoi soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107 de son règlement de procédure. |
26. |
Par décision du 9 août 2018, la Cour a décidé de faire droit à cette demande. |
27. |
Les parties à la procédure au principal, le gouvernement néerlandais et la Commission européenne ont présenté leurs observations écrites. Ces parties, ainsi que les gouvernements néerlandais, tchèque, irlandais et italien et la Commission ont également présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 4 octobre 2018. |
28. |
Entre-temps, le 19 septembre 2018, la Cour a rendu son arrêt dans l’affaire RO (C-327/18 PPU), dans l’attente duquel, le 14 juin 2018, la procédure au principal avait été suspendue. Dans cet arrêt, la Cour a considéré en substance que l’État membre d’exécution ne saurait refuser d’exécuter un MAE tant que l’État membre d’émission fait partie de l’Union européenne. |
29. |
En réponse à la demande de la Cour, la juridiction de renvoi a indiqué, le 26 septembre 2018, que le MAE en cause n’avait pas encore été exécuté et que TC se trouvait toujours en détention. TC était donc en détention depuis plus de 6 mois le jour où s’est tenue l’audience. |
VI. Analyse
30. |
Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si le maintien en détention d’une personne recherchée en vertu d’un MAE à l’expiration du délai de 90 jours à compter de son arrestation constitue une limitation du droit à la liberté respectant l’exigence relative à l’existence d’une base légale, requise par les articles 6 et 52, paragraphe 1, de la Charte, lorsque cette limitation est fondée sur plusieurs interprétations jurisprudentielles différentes d’une disposition nationale qui s’oppose à un tel maintien. |
31. |
La décision de renvoi contient également certaines interrogations qui ne sont pas reflétées dans la question préjudicielle. Elles portent sur le point de savoir si, dans l’hypothèse où la Cour répondrait à la question préjudicielle en ce sens que le maintien en détention est contraire à la Charte, la juridiction de renvoi serait tenue de laisser l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW inappliqué. Ces interrogations portent, à mon sens, sur l’obligation qui incombe à une juridiction nationale d’écarter les dispositions de son droit interne incompatibles avec le droit de l’Union lorsque cette juridiction n’est pas en mesure d’assurer la compatibilité avec le droit de l’Union en ayant recours à leur interprétation jurisprudentielle. |
32. |
Dans les présentes conclusions, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, la Charte s’oppose au maintien de la détention dès l’expiration du délai de 90 jours à compter de l’arrestation. Plus précisément, j’estime que les interprétations jurisprudentielles de la juridiction de renvoi et du Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) ne remplissent pas l’exigence relative à l’existence d’une base légale au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. |
33. |
Compte tenu de la réponse que je propose d’apporter à la question préjudicielle telle qu’elle est formulée, il convient également, afin de répondre utilement à la juridiction de renvoi, de résoudre le problème juridique lié à l’obligation qui incombe à une juridiction nationale d’écarter les dispositions de son droit interne incompatibles avec le droit de l’Union. Or, les interrogations que soulève la juridiction de renvoi à cet égard sont fondées sur la prémisse qu’une disposition nationale, telle que l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW, est incompatible avec le système instauré par la décision-cadre. |
34. |
J’examinerai donc, en premier lieu, le point de savoir si l’exigence relative à l’existence d’une base légale est remplie lorsque des autorités judiciaires d’exécution cherchent à imposer, par voie jurisprudentielle, une limitation au droit à la liberté. Je m’interrogerai, en deuxième lieu, sur la conformité avec la décision-cadre d’une disposition nationale prévoyant une obligation inconditionnelle de mise en liberté d’une personne recherchée en vertu d’un MAE dès l’expiration du délai de 90 jours à compter de son arrestation. En cas de réponse négative à cette question, j’aborderai, en troisième lieu, la problématique liée à l’obligation d’écarter une telle disposition transposant la décision-cadre en droit national. |
A. Sur l’exigence relative à l’existence d’une base légale
35. |
L’article 52, paragraphe 1, de la Charte n’est certes pas explicitement mentionné dans la demande de décision préjudicielle. La juridiction de renvoi interroge en effet la Cour sur la conformité des interprétations jurisprudentielles décrites dans sa demande avec l’article 6 de la Charte et invoque dans ce contexte, à plusieurs reprises, le principe de sécurité juridique. |
36. |
J’estime toutefois, d’une part, que la privation de liberté d’une personne constitue une limitation de l’exercice du droit consacré à l’article 6 de la Charte. Une telle limitation est contraire à cette disposition lorsqu’elle ne remplit pas les exigences énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte ( 9 ). D’autre part, le principe de sécurité juridique exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus des conséquences défavorables ( 10 ). Comme je le montrerai aux points 39 à 52 des présentes conclusions, les mêmes conditions sont requises en ce qui concerne l’exigence relative à l’existence d’une base légale, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Pour ces raisons, on pourrait considérer que cette exigence constitue un reflet du principe de sécurité juridique dans le contexte d’une limitation de l’exercice des droits et libertés garantis par la Charte. |
37. |
Les partisans d’une réponse selon laquelle la Charte s’oppose aux interprétations retenues par les juridictions néerlandaises, à savoir TC, les gouvernements néerlandais et italien, ainsi que la Commission, expriment des doutes quant à l’existence, en droit néerlandais, d’une base légale permettant le maintien en détention après l’expiration du délai de 90 jours à compter de l’arrestation. Le gouvernement irlandais considère, en revanche, que l’interprétation jurisprudentielle d’une disposition nationale peut constituer une telle base légale, à condition qu’elle remplisse certaines conditions ( 11 ). |
38. |
Je considère dès lors que, dans le contexte de la présente affaire, il convient de répondre à la question de savoir si l’exigence relative à l’existence d’une base légale, prévue à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, est respectée en présence d’interprétations jurisprudentielles telles que celles décrites dans la demande de décision préjudicielle. |
1. Identification des caractéristiques de la « loi » au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte
39. |
Dans l’avis 1/15 ( 12 ), la Cour a rejeté l’argument du Parlement européen selon lequel le terme « loi », utilisé notamment à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, coïnciderait avec la notion d’« acte législatif » prévue par le TFUE ( 13 ). La Cour a en effet considéré qu’« il n’a nullement été soutenu dans la présente procédure que [l’accord envisagé] puisse ne pas satisfaire aux exigences d’accessibilité et de prévisibilité requises pour que les ingérences qu’il comporte puissent être considérées comme étant prévues par la loi notamment au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte» ( 14 ). On peut donc déduire de l’avis1/15 ( 15 ) que les conditions nécessaires pour remplir l’exigence d’une base légale n’étaient pas liées aux caractéristiques formelles de la source de la limitation, mais plutôt à ses caractéristiques matérielles en ce qui concerne son accessibilité et sa prévisibilité. On pourrait donc se demander si, dans certains cas, une jurisprudence présentant ces caractéristiques matérielles peut constituer une base légale justifiant une limitation d’un droit garanti par la Charte. |
40. |
Il convient toutefois de préciser que, dans l’arrêt Knauf Gips/Commission ( 16 ), annulant partiellement un arrêt du Tribunal, la Cour a jugé que, en l’absence de base légale expressément prévue à cet effet, la limitation du droit à un recours effectif et à l’accès à un tribunal impartial, garanti par l’article 47 de la Charte, est contraire notamment au principe fondamental de légalité. Dans ce contexte, la Cour a rappelé que, selon l’article 52, paragraphe 1, de cette Charte, toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi. |
41. |
Je relève que, dans l’arrêt Knauf Gips/Commission ( 17 ), le Tribunal avait basé la limitation censurée par la Cour sur l’arrêt Akzo Nobel/Commission ( 18 ). Il s’agissait donc d’une solution jurisprudentielle. Je considère par conséquent que la référence de la Cour à l’« absence de base légale » met en évidence que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, une jurisprudence ne constituait pas une base appropriée pour justifier une limitation d’un droit garanti par la Charte. |
42. |
Certes, la solution retenue dans l’arrêt Knauf Gips/Commission ( 19 ) ne saurait être comprise comme signifiant généralement qu’une jurisprudence ne peut, en aucun cas, constituer la base d’une limitation au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Cet arrêt met toutefois en évidence certaines particularités en ce qui concerne l’introduction d’une limitation des droits fondamentaux par voie jurisprudentielle. |
43. |
En l’espèce, il s’agissait d’une jurisprudence incidente. De plus, l’arrêt Akzo Nobel/Commission ( 20 ), invoqué par le Tribunal à l’appui des conclusions infirmées par la Cour, n’avait pas fait l’objet d’un contrôle par la Cour, le requérant s’étant désisté du pourvoi dirigé contre cet arrêt ( 21 ). On ne saurait donc déduire de l’arrêt Knauf Gips/Commission ( 22 ) que la Cour aurait exclu qu’une jurisprudence, lorsqu’elle est accessible, prévisible et qui n’est pas une jurisprudence incidente non approuvée par des instances supérieures, puisse constituer la base légale d’une limitation, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. |
44. |
Il me semble que cette interprétation est partagée par certains des avocats généraux qui se sont déjà prononcés sur cette problématique dans le sens qu’une limitation des droits garantis par la Charte peut, dans certains cas, trouver son origine dans une jurisprudence constante et suivie par les juridictions inférieures ( 23 ). L’accent mis sur la reconnaissance d’une jurisprudence par des juridictions inférieures semble toutefois indiquer que cette jurisprudence doit émaner d’instances supérieures ou, à tout le moins, être confirmée par elles. |
45. |
De même, la Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la « Cour EDH ») semble ne pas exclure que la limitation d’une liberté garantie par la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), puisse découler d’une jurisprudence accessible et prévisible lorsqu’il s’agit d’une jurisprudence qui est caractérisée par une certaine stabilité et qui est suivie par les juridictions inférieures ( 24 ). |
46. |
Ainsi, à la lumière de ce qui précède, j’estime qu’une jurisprudence peut remplir l’exigence relative à l’existence d’une base légale, à condition, d’une part, qu’elle soit accessible et prévisible (exigences générales) et, d’autre part, qu’elle soit constante et n’ait pas été systématiquement remise en cause (exigences spécifiques). |
2. Une limitation de l’exercice du droit à la liberté, consistant en la détention d’un individu, remplit-elle l’exigence relative à l’existence d’une base légale lorsqu’elle découle de la jurisprudence ?
47. |
La particularité de la présente affaire réside dans le fait que les autorités judiciaires d’exécution néerlandaises ont développé des interprétations jurisprudentielles en vertu desquelles elles cherchent à imposer des limitations du droit à la liberté, ce qui va à l’encontre du libellé clair de la loi au sens parlementaire du terme. |
48. |
En effet, s’agissant d’une limitation du droit à la liberté consistant en la détention d’un individu, la Cour EDH considère qu’il convient de comprendre l’exigence énoncée à l’article 5 de la CEDH, aux termes duquel la privation de liberté doit avoir lieu « selon les voies légales », en ce sens que la base légale d’une limitation doit être suffisamment accessible, précise et prévisible pour fournir a' l’individu une protection adéquate contre l’arbitraire ( 25 ). |
49. |
Sur la base des même critères, dans l’arrêt Al Chodor ( 26 ), la Cour a indiqué que le placement en rétention doit être déclaré illégal lorsque les critères objectifs indiquant un risque de fuite de la personne concernée, qui constitue le motif d’un placement en rétention, découlent d’une jurisprudence établie, sanctionnant une pratique constante des autorités policières, et ne sont pas fixés dans une disposition contraignante de portée générale ( 27 ). En revanche, l’adoption de dispositions de portée générale offre les garanties nécessaires, dans la mesure où un tel texte encadre de manière contraignante et connue d’avance la marge de manœuvre laissée aux autorités dans l’appréciation des circonstances de chaque cas concret. En outre, des critères fixés dans une disposition contraignante se prêtent le mieux au contrôle externe du pouvoir d’appréciation desdites autorités, afin de protéger les demandeurs contre des privations de liberté arbitraires ( 28 ). |
50. |
Il est vrai que, toujours dans l’arrêt Al Chodor ( 29 ), la Cour a également précisé que la limitation de l’exercice du droit à la liberté était fondée, en l’occurrence, sur une disposition du droit de l’Union, qui, à son tour, se référait au droit national pour la définition des critères objectifs indiquant la présence d’un risque de fuite. En effet, la Cour a jugé que ces dispositions du droit de l’Union imposent aux États membres de fixer, dans une disposition contraignante de portée générale, de tels critères objectifs ( 30 ). |
51. |
Toutefois, je déduis du fait que la Cour s’est inspirée largement de la jurisprudence de la Cour EDH que, indépendamment du contexte réglementaire et des actes du droit de l’Union qui s’appliquent en l’espèce, l’ensemble des exigences relatives à la présence d’une base légale, à la clarté, à la prévisibilité, à l’accessibilité et à la protection contre l’arbitraire devraient (toujours) être réunies lorsqu’il s’agit de priver de liberté un individu. En effet, toute forme de privation de liberté constitue une atteinte grave au droit à la liberté et, partant, doit répondre à des exigences strictes. |
52. |
Il découle de ces considérations que, en présence d’une limitation du droit à la liberté garanti à l’article 6 de la Charte, consistant en la détention d’un individu, il y a lieu d’appliquer des exigences particulièrement strictes. Il importe notamment d’éviter tout risque d’arbitraire qui pourrait survenir en l’absence d’une base légale claire, précise et prévisible. |
53. |
Il convient dès lors de fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile à la question de savoir si des interprétations jurisprudentielles, telles que celles en l’espèce, répondent aux exigences présentées ci-dessus. |
3. Application au cas d’espèce
54. |
Pour rappel, la juridiction de renvoi indique que sa jurisprudence, ainsi que celle du Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam), sont publiées, de telle sorte que TC pouvait prévoir – au besoin après avoir consulté son conseil – que la détention en vue de sa remise pourrait se prolonger au-delà du délai de 90 jours à compter de son arrestation. Elle souligne que ces interprétations jurisprudentielles sont claires et circonscrites à des situations bien définies. Par ailleurs, la juridiction de renvoi affirme que si son interprétation jurisprudentielle suit un raisonnement différent de celui retenu par le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam), l’application de ce raisonnement ne mène cependant pas concrètement ou, en tout cas, n’a pas mené concrètement à ce jour, à des résultats différents de ceux obtenus en application de son propre raisonnement. |
55. |
Il convient d’observer que ces deux interprétations jurisprudentielles s’écartent de la lettre d’une disposition nationale adoptée en exécution de la décision-cadre. La juridiction de renvoi ne demande toutefois pas à la Cour de lui préciser si elle a ou non outrepassé les limites de l’interprétation conforme. En tout état de cause, il n’appartient à la Cour ni d’interpréter le droit interne d’un État membre, ni de déterminer si une interprétation effectuée par des autorités nationales aboutit à une interprétation contra legem ( 31 ). |
56. |
Par ailleurs, il ressort de la décision de renvoi que l’interprétation jurisprudentielle de la juridiction de renvoi est systématiquement infirmée par le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam). Or, la juridiction de renvoi continuerait d’avoir recours, dans sa pratique décisionnelle, à sa propre interprétation jurisprudentielle. Ainsi, ces deux interprétations jurisprudentielles sont systématiquement remises en cause. |
57. |
Je ne pense pas que le fait que l’application de ces interprétations jurisprudentielles n’a pas mené, à ce jour, à des résultats différents soit susceptible de remédier à une telle absence de cohérence entre elles. |
58. |
Certes, je n’exclus pas que, en raison d’un tel parallélisme entre plusieurs interprétations jurisprudentielles, un individu serait en mesure de déterminer, dans les grandes lignes, la manière dont ces interprétations pourraient influencer sa situation juridique, quelle que soit l’interprétation finalement appliquée. |
59. |
Toutefois, et en premier lieu, l’incohérence d’une jurisprudence imposant des limitations aux droits fondamentaux des individus réduirait considérablement sa clarté, sa précision et sa prévisibilité. Cette incohérence pourrait d’ailleurs contribuer au développement de différences plus importantes entre les interprétations jurisprudentielles en cause. |
60. |
À cet égard, je relève que, selon TC, les deux interprétations jurisprudentielles des juridictions néerlandaises présentent une incohérence en ce qui concerne le moment à partir duquel les délais d’adoption d’une décision sur l’exécution d’un MAE sont suspendus. |
61. |
Par ailleurs, le gouvernement néerlandais affirme dans ses observations écrites que la juridiction de renvoi applique régulièrement la suspension des délais fixés à l’article 17 de la décision-cadre dans des cas autres que ceux visés dans la demande de décision préjudicielle. Indépendamment du fait que le gouvernement néerlandais, en réponse à la question qui lui a été posée lors de l’audience, n’a fourni aucun exemple illustrant cette affirmation, celui-ci a souligné que, du fait de la nature jurisprudentielle des interprétations retenues par les juridictions néerlandaises, leur application incohérente, dans des cas autres que ceux visés par la décision de renvoi, ne saurait être exclue. |
62. |
En second lieu, l’incohérence de la jurisprudence sur la base de laquelle les droits d’un individu pourraient faire l’objet de limitations conduirait à une situation où cet individu ne serait pas en mesure de connaître et de comprendre, sans ambiguïté, le mécanisme de fonctionnement de la limitation qui lui a été imposée. Or, pour un individu, ce mécanisme joue un rôle primordial afin de garantir la légitimité de la limitation de ses droits fondamentaux, et lui permettre de contester cette limitation devant des autorités compétentes. Ainsi, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, l’individu critiquant l’interprétation jurisprudentielle reconnue par la juridiction de première instance sait d’avance que la juridiction de deuxième instance, qui partage sa critique, validera néanmoins la décision initiale en ayant recours à sa propre interprétation jurisprudentielle. |
63. |
À la lumière de ces considérations, j’estime que la limitation d’un droit garanti par la Charte, introduite en vertu de deux interprétations jurisprudentielles fondées sur des raisonnements différents et qui sont systématiquement mises en cause, ne remplit pas l’exigence relative à l’existence d’une base légale au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Étant donné qu’au moins une des exigences visées au point 46 des présentes conclusions n’est pas remplie, il n’est pas nécessaire de vérifier si, afin de garantir la compatibilité d’un droit national avec le droit de l’Union, une limitation d’un droit garanti par la Charte peut être introduite par voie jurisprudentielle, contrairement au libellé clair des dispositions de la loi au sens parlementaire du terme. |
64. |
De telles interprétations jurisprudentielles ne remplissent a fortiori pas les exigences requises en matière de limitation du droit garanti à l’article 6 de la Charte, consistant à maintenir un individu en détention, celles-ci étant, comme je viens de l’expliquer au point 52 des présentes conclusions, particulièrement strictes. |
65. |
Il découle de ce qui précède que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, une limitation du droit à la liberté, consistant à maintenir un individu en détention après l’expiration du délai de 90 jours à compter de son arrestation, est dépourvue de base légale au niveau national. En l’espèce, l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW oblige l’autorité judiciaire d’exécution à mettre fin à la détention d’une personne recherchée en vertu d’un MAE. Il convient dès lors d’examiner la conformité de cette obligation avec la décision-cadre. |
B. Sur l’obligation inconditionnelle de mise en liberté d’une personne recherchée en vertu d’un MAE
66. |
TC et le gouvernement néerlandais soutiennent que l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW résulte d’un choix opéré consciemment par le législateur national. Je comprends cet argument en ce sens que, selon ces intéressés, lors de la transposition de la décision-cadre, un État membre peut introduire une disposition qui oblige les autorités judiciaires d’exécution à mettre en liberté une personne recherchée en vertu d’un MAE dès que les délais fixés à l’article 17 de ladite décision‑cadre sont écoulés. |
67. |
Je ne partage pas ce point du vue. |
68. |
En premier lieu, la décision-cadre ne réglemente pas de manière exhaustive tous les aspects relatifs à la procédure dans le cadre de laquelle sont prises des décisions sur l’exécution d’un MAE. Ainsi, des États membres peuvent introduire leurs propres solutions pour compléter le système instauré par cette décision-cadre. Toutefois, afin d’assurer l’objectif de ladite décision-cadre, certaines limites doivent être imposées à la marge de manœuvre dont les États membres disposent à cet effet ( 32 ). |
69. |
En effet, ainsi qu’il ressort de l’arrêt Lanigan ( 33 ), une obligation générale et inconditionnelle de mise en liberté d’une personne recherchée en vertu d’un MAE lorsque la durée totale de la période de détention de la personne recherchée excède les délais fixés à l’article 17 de la décision-cadre pourrait limiter l’efficacité du système de remise instauré par la décision-cadre et, partant, faire obstacle à la réalisation des objectifs poursuivis par celle-ci. |
70. |
Certes, l’article 12, deuxième phrase, de la décision-cadre se réfère au droit de l’État membre d’exécution afin de spécifier que la mise en liberté provisoire est possible à tout moment, conformément au droit interne. Toutefois, une telle mise en liberté conformément au droit interne est soumise, ainsi qu’il ressort du libellé de cette disposition, à la condition que l’autorité compétente dudit État membre prenne toute mesure qu’elle estimera nécessaire en vue d’éviter la fuite de la personne recherchée. En revanche, lorsque des mesures non privatives de liberté ne permettent pas de garantir qu’une remise sera possible, l’obligation de mettre fin à la détention aurait pour conséquence que l’autorité judiciaire d’exécution ne serait pas en mesure de respecter l’obligation visée à l’article 17, paragraphe 5, de la décision-cadre. Selon cette disposition, une autorité judiciaire est tenue de s’assurer que les conditions matérielles nécessaires à une remise effective de la personne restent réunies. |
71. |
En deuxième lieu, l’on pourrait se demander si l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW est bien l’expression de la volonté du législateur néerlandais d’appliquer un standard de protection des droits fondamentaux plus élevé que celui découlant des dispositions de la décision-cadre. |
72. |
Toutefois, je considère qu’une disposition nationale obligeant une autorité judiciaire d’exécution à mettre fin à la détention d’une personne recherchée après l’expiration du délai de 90 jours, nonobstant l’existence d’une circonstance exceptionnelle au sens de l’article 17, paragraphe 7, de la décision-cadre, remettrait en cause l’uniformité du standard de protection des droits fondamentaux défini par ladite décision-cadre et compromettrait son effectivité pour les raisons spécifiées aux points précédents des présentes conclusions. Il me semble que ce raisonnement est celui que la Cour a suivi dans l’arrêt Melloni ( 34 ). |
73. |
En troisième lieu, et ainsi que le fait valoir le gouvernement tchèque, une obligation générale et inconditionnelle de mise en liberté des personnes recherchées en vertu d’un MAE dès que le délai de 90 jours à compter de leur arrestation est écoulé serait de nature à favoriser les pratiques dilatoires de ces personnes, visant à faire obstacle à l’exécution d’un MAE. |
74. |
En quatrième lieu, il y a lieu d’observer que l’application stricte d’une disposition transposant la décision-cadre, telle que l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW, pourrait décourager les juges nationaux d’introduire des questions préjudicielles lorsque la mise en liberté d’une personne recherchée en vertu d’un MAE après l’expiration du délai de 90 jours pourrait conduire à la fuite de cette personne. Il importe de relever, dans ce contexte, que la Cour a déjà jugé qu’une règle nationale qui risque d’avoir pour conséquence qu’un juge national préfère s’abstenir de poser des questions préjudicielles à la Cour porte atteinte aux prérogatives reconnues aux juridictions nationales à l’article 267 TFUE et, par conséquent, à l’efficacité de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par le mécanisme du renvoi préjudiciel ( 35 ). |
75. |
Pour ces raisons, j’estime que, à tout le moins dans les cas où des mesures non privatives de liberté ne peuvent pas garantir qu’une remise reste possible, la décision-cadre s’oppose à une obligation inconditionnelle de mise en liberté d’une personne recherchée en vertu d’un MAE lorsque la durée totale de la période de détention de la personne recherchée excède les délais fixés à l’article 17 de la décision‑cadre. Il convient maintenant d’examiner les interrogations de la juridiction de renvoi relatives à l’existence d’une obligation d’écarter les dispositions du droit interne incompatibles avec le droit de l’Union. |
C. Sur l’obligation d’une juridiction nationale d’écarter les dispositions de son droit interne incompatibles avec le droit de l’Union
76. |
À titre liminaire, j’observe que, à l’exception d’interrogations de nature subsidiaire et générale, la juridiction de renvoi n’a pas développé la problématique relative à l’obligation d’écarter les dispositions du droit interne incompatibles avec le droit de l’Union. Cette problématique n’a pas non plus été approfondie par les intéressés dans leurs observations. |
77. |
Pour ces raisons, je bornerai mon analyse aux considérations essentielles aux fins de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi. |
78. |
Dans l’arrêt Popławski ( 36 ), la Cour a jugé que des dispositions de la décision-cadre sont dépourvues d’effet direct. Par ailleurs, dans cet arrêt, la Cour a mis l’accent sur l’obligation des autorités relative à l’interprétation conforme du droit national ( 37 ). |
79. |
En revanche, la Cour n’a pas répondu, dans l’arrêt Popławski ( 38 ), à la question de savoir si une autorité judiciaire d’exécution est obligée d’écarter une disposition nationale adoptée en exécution de la décision‑cadre lorsque, d’une part, cette disposition n’est pas compatible avec cette décision-cadre et lorsque, d’autre part, son interprétation conforme conduirait à une interprétation contra legem du droit national. La juridiction de renvoi à l’origine de la question préjudicielle ayant donné lieu à cet arrêt a présenté une seconde demande de décision préjudicielle et a de nouveau interrogé la Cour quant à l’existence d’une telle obligation ( 39 ). |
80. |
J’estime que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, il y a lieu de répondre par la négative à la question de savoir si une autorité judiciaire d’exécution est obligée d’écarter une disposition nationale incompatible avec la décision-cadre. |
81. |
En premier lieu, il est vrai que, s’agissant de l’obligation d’écarter une disposition nationale incompatible avec le droit de l’Union, la doctrine distingue entre l’effet de substitution et l’effet d’exclusion des actes du droit de l’Union. Le concept d’effet d’exclusion est fondé sur l’idée que, nonobstant l’absence d’effet direct d’un acte de l’Union, les autorités nationales peuvent écarter une disposition nationale qui n’est pas compatible avec cet acte ( 40 ). |
82. |
Toutefois, et indépendamment de l’ambiguïté que présente la distinction entre ces deux effets, il importe d’observer que la procédure au principal n’oppose pas deux particuliers, mais un ministère public et un individu, de sorte qu’elle concerne uniquement la problématique de l’application du droit de l’Union dans des relations verticales. En conséquence, afin d’écarter une disposition nationale, telle que l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW, qui s’oppose au maintien en détention d’une personne recherchée en vertu d’un MAE après l’expiration du délai de 90 jours à compter de son arrestation, l’État membre concerné devrait se prévaloir, à l’encontre de cette personne, de la décision-cadre dont la transposition en droit national a été effectuée, par cet État membre, de manière erronée. Or un tel recours à la décision-cadre donnerait lieu à une situation d’effet direct inversé, que la Cour a déjà condamnée à plusieurs reprises ( 41 ). |
83. |
En second lieu, le fait d’écarter l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW aurait pour conséquence non pas une simple répercussion négative sur des droits d’un tiers, découlant de l’application de la décision-cadre dans un litige opposant deux entités étatiques, mais une ingérence grave dans le droit à la liberté de TC, dans le cadre d’une procédure l’opposant à une émanation de l’État ( 42 ). |
84. |
Au demeurant, à la différence de la question préjudicielle introduite dans l’affaire Popławski (C‑579/17, actuellement pendante devant la Cour), la juridiction de renvoi dans la présente affaire estime être en mesure d’interpréter une disposition nationale adoptée en exécution de la décision-cadre en respectant l’interdiction d’interprétation contra legem et de manière à ce que son application aboutisse à un résultat conforme à cette décision-cadre. Néanmoins, par le biais de son interprétation, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à limiter le droit à la liberté d’une personne recherchée en vertu d’un MAE. Ce faisant, cette juridiction se heurte au reflet du principe de sécurité juridique consacré à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte sous la forme de l’exigence relative à l’existence d’une base légale. De même, quelle que soit la base juridique choisie à cet effet, la juridiction nationale ne saurait écarter l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW sans tenir compte du principe de sécurité juridique. |
85. |
À la lumière de ce qui précède, je considère que, dans des circonstances telles que celles en cause dans la présente affaire, une autorité judiciaire d’exécution ne saurait se prévaloir des dispositions de la décision-cadre afin d’écarter une disposition nationale adoptée en exécution de la décision-cadre, telle que l’article 22, paragraphe 4, de l’OLW, et ce au détriment d’une personne recherchée en vertu d’un MAE. |
VII. Conclusion
86. |
Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas) : L’article 6 et l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’opposent à l’introduction, par voie jurisprudentielle, d’une limitation du droit à la liberté, consistant à maintenir en détention, après l’expiration du délai de 90 jours à compter de son arrestation, une personne recherchée en vertu d’un mandat d’arrêt européen (MAE), lorsque cette limitation est basée sur des interprétations jurisprudentielles différentes d’une disposition nationale, telle que l’article 22, paragraphe 4, de l’Overleveringswet (loi sur la remise), qui oblige une autorité judiciaire d’exécution à mettre une telle personne en liberté après l’expiration de ce délai. |
( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Arrêt du 19 septembre 2018, RO (C‑327/18 PPU, EU:C:2018:733).
( 3 ) Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre »).
( 4 ) Arrêt du 19 septembre 2018, RO (C‑327/18 PPU, EU:C:2018:733).
( 5 ) Arrêt du 16 juillet 2015, Lanigan (C‑237/15 PPU, EU:C:2015:474, point 50).
( 6 ) Arrêt du 16 juillet 2015, Lanigan (C‑237/15 PPU, EU:C:2015:474, points 52 et 58).
( 7 ) Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198).
( 8 ) La juridiction de renvoi mentionne à cet égard les arrêts du 30 mai 2013, F (C‑168/13 PPU, EU:C:2013:358, points 64 et 65), et du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 99).
( 9 ) De même, il me semble que formuler en ces termes les enjeux posés par la question préjudicielle est conforme au raisonnement suivi par la Cour dans l’arrêt du 16 juillet 2015, Lanigan (C‑237/15 PPU, EU:C:2015:474, points 54 et 55). La Cour est, en effet, partie du principe que le maintien en détention de la personne recherchée constitue une limitation au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. La Cour a retenu la même approche dans l’arrêt Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 101), en estimant que lorsque l’autorité judiciaire n’a pas pris une décision sur l’exécution d’un mandat d’arrêt à l’expiration du délai de 90 jours et, que, à ce stade, elle envisage le maintien de la personne en détention, elle doit respecter l’exigence de proportionnalité prévue à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. En ce qui concerne la limitation du droit à la liberté, consistant en la rétention de la personne concernée, voir arrêt du 15 février 2016, N. (C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84, point 51).
( 10 ) Voir, notamment, arrêt du 18 novembre 2008, Förster (C‑158/07, EU:C:2008:630, point 67 et la jurisprudence citée).
( 11 ) Il est vrai que l’article 52, paragraphe 1, de la Charte impose d’autres exigences pour qu’une limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la Charte soit permise. Cependant, lorsque l’exigence relative à l’existence d’une base légale n’est pas remplie, il n’est pas nécessaire de vérifier si ces autres exigences sont remplies.
( 12 ) Avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017 (EU:C:2017:592).
( 13 ) Avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017 (EU:C:2017:592, point 37).
( 14 ) Avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017 (EU:C:2017:592, point 146).
( 15 ) Avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017 (EU:C:2017:592).
( 16 ) Arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission (C‑407/08 P, EU:C:2010:389, points 91 et 92).
( 17 ) Arrêt du 8 juillet 2008, Knauf Gips/Commission (T‑52/03, non publié, EU:T:2008:253, point 360).
( 18 ) Arrêt du 27 septembre 2006, Akzo Nobel/Commission (T‑330/01, EU:T:2006:269).
( 19 ) Arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission (C‑407/08 P, EU:C:2010:389, points 91 et 92).
( 20 ) Arrêt du 27 septembre 2006, Akzo Nobel/Commission (T‑330/01, EU:T:2006:269).
( 21 ) Voir ordonnance du président de la Cour du 8 mai 2007, Akzo Nobel/Commission (C‑509/06 P, non publiée, EU:C:2007:269).
( 22 ) Arrêt du 1er juillet 2010 (C‑407/08 P, EU:C:2010:389, points 91 et 92).
( 23 ) Dans ses conclusions présentées dans les affaires jointes NS (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:610, note de bas de page 75), l’avocat général Trstenjak a considéré qu’une limitation des droits fondamentaux, consacrée par un droit national, peut découler également du droit coutumier ou prétorien. À cet égard, il me semble que le droit coutumier ou prétorien est, de par sa nature, caractérisé par une forte stabilité et un certain effet contraignant. Certes, dans ses conclusions présentées dans l’affaire Scarlet Extended (C‑70/10, EU:C:2011:255, point 113), l’avocat général Cruz Villalón a indiqué que « seule une loi au sens parlementaire du terme aurait pu permettre d’avancer dans l’examen des autres conditions que pose l’article 52, paragraphe 1, de la Charte ». Ce même avocat général a toutefois estimé par la suite, dans ses conclusions dans l’affaire Coty Germany (C‑580/13, EU:C:2015:243, point 37), que, dans certaines circonstances, une « jurisprudence constante » publiée, donc accessible, et suivie par les juridictions inférieures est en mesure de compléter une disposition législative et de la clarifier au point de la rendre prévisible.
( 24 ) Voir Cour EDH, 26 avril 1979, Sunday Times c. Royaume-Uni, (CE:ECHR:1979:0426JUD000653874, § 47 à 52). Voir, également, Cour EDH, 25 mai 1998, Müller et autres c. Suisse, (CE:ECHR:1988:0524JUD001073784, § 29). Selon la Cour EDH, une jurisprudence « publiée, donc accessible, et suivie par les juridictions inférieures », qui précise la portée d’une disposition nationale instaurant une limitation au droit à la liberté d’expression, peut remplir l’exigence relative à l’existence d’une base légale.
( 25 ) Voir cour EDH, 24 avril 2008, Ismoilov et autres c. Russie, (CE:ECHR:2008:0424JUD000294706, § 137), et cour EDH, 19 mai 2016, J.N. c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2016:0519JUD003728912, § 77).
( 26 ) Arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor (C‑528/15, EU:C:2017:213, point 40).
( 27 ) Arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor (C‑528/15, EU:C:2017:213, point 45).
( 28 ) Arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor (C‑528/15, EU:C:2017:213, point 44).
( 29 ) Arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor (C‑528/15, EU:C:2017:213, point 41).
( 30 ) Arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor (C‑528/15, EU:C:2017:213, point 45).
( 31 ) Voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 70).
( 32 ) Voir arrêt du 30 mai 2013, F (C‑168/13 PPU, EU:C:2013:358, points 52, 56 et 58). Au regard de la marge de manœuvre dont disposent des États membres lors de la transposition de la décision-cadre, voir Peers, S., EU Justice and Home Affairs Law (Volume II : EU Criminal Law, Policing, and Civil Law), 4e édition, OUP, Oxford, 2016, p. 91, 92 et 95.
( 33 ) Arrêt du 16 juillet 2015 (C‑237/15 PPU, EU:C:2015:474, point 50).
( 34 ) Arrêt du 26 février 2013 (C‑399/11, EU:C:2013:107, points 56 à 63). Pour mémoire, dans cet arrêt la Cour a constaté que permettre à un État membre de se prévaloir de l’article 53 de la Charte pour subordonner la remise d’une personne condamnée par défaut à une condition non prévue par la réglementation de l’Union, aboutirait, en remettant en cause l’uniformité du standard de protection des droits fondamentaux défini par cette réglementation, à porter atteinte aux principes de confiance et de reconnaissance mutuelles que celle-ci tend à conforter et, partant, à compromettre l’effectivité de la décision-cadre.
( 35 ) Arrêt du 5 juillet 2016, Ognyanov (C‑614/14, EU:C:2016:514, point 25).
( 36 ) Arrêt du 29 juin 2017 (C‑579/15, EU:C:2017:503, point 26).
( 37 ) Arrêt du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503, point 31).
( 38 ) Arrêt du 29 juin 2017 (C‑579/15, EU:C:2017:503).
( 39 ) La première question préjudicielle dans l’affaire Popławski (C-573/17, actuellement pendante devant la Cour) est formulée comme suit : « Si l’autorité judiciaire d’exécution ne peut interpréter les dispositions nationales adoptées en exécution d’une décision-cadre de sorte que leur application aboutisse à un résultat conforme à la décision-cadre, est-elle tenue, en vertu du principe de primauté, de laisser inappliquées les dispositions nationales incompatibles avec les dispositions de ladite décision-cadre ? ».
( 40 ) Sur la distinction entre l’effet de substitution et l’effet d’exclusion, voir Dougan, M., « When worlds collide ! Competing visions of the relationship between direct effect and supremacy », Common Market Law Review, 2007, vol. 44, no 4, p. 931 à 963 ; Figueroa Regueiro, P. V., « Invocability of Substitution and Invocability of Exclusion : Bringing Legal Realism to the Current Developments of the Case-Law of “Horizontal” Direct Effect of Directives », Jean Monnet Working Paper, 2002, no 7, p. 28 à 34.
( 41 ) Voir, en ce qui concerne des directives, arrêts du 5 avril 1979, Ratti (148/78, EU:C:1979:110, point 22,) et du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen (80/86, EU:C:1987:431, point 10).
( 42 ) Voir, a contrario, arrêt du 21 mars 2013, Salzburger Flughafen (C‑244/12, EU:C:2013:203, points 46 et 47). Sur des interprétations données par la doctrine à la référence faite par la Cour à l’arrêt du 7 janvier 2004, Wells (C‑201/02, EU:C:2004:12, point 57), voir Squintani, L., Vedder, H.H.B., « Towards Inverse Direct Effect ? A Silent Development of a Core European Law Doctrine », Review of European Comparative & International Environmental Law, vol. 23(1), 2014, p. 147 à 149.