CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 8 mai 2019 ( 1 )

Affaire C‑267/18

Delta Antrepriză de Construcții şi Montaj 93 SA

contre

Compania Națională de Administrare a Infrastructurii Rutiere SA

[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2014/24/UE – Passation de marchés publics – Motifs facultatifs d’exclusion – Exclusion d’un opérateur économique de la participation à une procédure d’appel d’offres en raison de la résiliation d’un marché antérieur pour cause de non‑communication au pouvoir adjudicateur d’une sous-traitance – Notion de “défaillances importantes ou persistantes” – Rétention d’informations relatives à la résiliation d’un marché antérieur – Informations relatives à la participation de sous-traitants à l’exécution du marché – Objectifs et finalités – Gravité de la rétention d’informations »

1. 

La directive 2014/24/UE ( 2 ) permet d’exclure des procédures de passation de marchés publics le soumissionnaire qui aurait présenté des « défaillances importantes ou persistantes [...] lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre d’un marché public antérieur, [...] lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit marché » [article 57, paragraphe 4, sous g)].

2. 

Une juridiction roumaine soumet à la Cour ses doutes sur le point de savoir si cette disposition s’applique lorsque la « résiliation dudit marché » a été causée par le fait que l’adjudicataire avait sous-traité une partie de l’ouvrage sans en informer le pouvoir adjudicateur. Outre cette circonstance, dans la nouvelle procédure de passation de marché, cet opérateur économique n’a pas non plus communiqué au (second) pouvoir adjudicateur la résiliation du marché précédent.

I. Cadre juridique

A.   Droit de l’Union

3.

Conformément au considérant 101 de la directive 2014/24 :

« Les pouvoirs adjudicateurs devraient en outre pouvoir exclure des opérateurs économiques qui se seraient avérés non fiables, par exemple pour manquement à des obligations environnementales ou sociales, y compris aux règles d’accessibilité pour les personnes handicapées, ou pour d’autres fautes professionnelles graves telles que la violation de règles de concurrence ou de droits de propriété intellectuelle. Il convient de préciser qu’une faute professionnelle grave peut remettre en question l’intégrité d’un opérateur économique et avoir pour conséquence que celui-ci ne remplit pas les conditions requises pour se voir attribuer un marché public, indépendamment du fait qu’il disposerait par ailleurs des capacités techniques et économiques pour exécuter le marché concerné.

Compte tenu du fait qu’ils seront responsables des conséquences d’une éventuelle décision erronée de leur part, les pouvoirs adjudicateurs devraient également avoir la faculté de considérer qu’il y a eu faute professionnelle grave lorsque, avant qu’une décision finale et contraignante quant à l’existence de motifs d’exclusion obligatoires ne soit prise, ils peuvent démontrer, par tout moyen approprié, que l’opérateur économique a manqué à ses obligations, y compris ses obligations relatives au paiement d’impôts et taxes ou de cotisations de sécurité sociale, sauf disposition contraire du droit national. Ils devraient également pouvoir exclure des candidats ou des soumissionnaires lorsque des défaillances importantes dans l’exécution d’obligations essentielles ont été constatées lors de l’exécution de marchés publics antérieurs, par exemple un défaut de fourniture ou d’exécution, des carences notables du produit ou du service fourni qui le rendent impropre aux fins prévues, ou un comportement fautif jetant sérieusement le doute quant à la fiabilité de l’opérateur économique. La législation nationale devrait prévoir une durée maximale pour ces exclusions.

Lorsqu’ils appliquent des motifs facultatifs d’exclusion, les pouvoirs adjudicateurs devraient accorder une attention particulière au principe de proportionnalité. Des irrégularités mineures ne devraient entraîner l’exclusion d’un opérateur économique que dans des circonstances exceptionnelles. Toutefois, des cas répétés d’irrégularités mineures peuvent susciter des doutes quant à la fiabilité d’un opérateur économique, ce qui pourrait justifier son exclusion. »

4.

L’article 57 de la directive 2014/24 (intitulé « Motifs d’exclusion ») dispose :

« [...]

4.   Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché dans l’un des cas suivants :

[...]

c)

le pouvoir adjudicateur peut démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité ;

[...]

g)

des défaillances importantes ou persistantes de l’opérateur économique ont été constatées lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre d’un marché public antérieur, d’un marché antérieur passé avec une entité adjudicatrice ou d’une concession antérieure, lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit marché ou de la concession, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable ;

h)

l’opérateur économique s’est rendu coupable de fausse déclaration en fournissant les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion ou la satisfaction des critères de sélection, a caché ces informations ou n’est pas en mesure de présenter les documents justificatifs requis en vertu de l’article 59 ;

[...]

5.   À tout moment de la procédure, les pouvoirs adjudicateurs excluent un opérateur économique lorsqu’il apparaît que celui-ci se trouve, compte tenu des actes qu’il a commis ou omis d’accomplir soit avant, soit durant la procédure, dans un des cas visés aux paragraphes 1 et 2.

À tout moment de la procédure, les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou peuvent être obligés par les États membres à exclure un opérateur économique lorsqu’il apparaît que celui-ci se trouve, compte tenu des actes qu’il a commis ou omis d’accomplir soit avant, soit durant la procédure, dans un des cas visés au paragraphe 4.

6.   Tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations visées aux paragraphes 1 et 4 peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent. Si ces preuves sont jugées suffisantes, l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure de passation de marché.

À cette fin, l’opérateur économique prouve qu’il a versé ou entrepris de verser une indemnité en réparation de tout préjudice causé par l’infraction pénale ou la faute, clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et pris des mesures concrètes de nature technique et organisationnelle et en matière de personnel propres à prévenir une nouvelle infraction pénale ou une nouvelle faute.

Les mesures prises par les opérateurs économiques sont évaluées en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute ainsi que de ses circonstances particulières. Lorsque les mesures sont jugées insuffisantes, la motivation de la décision concernée est transmise à l’opérateur économique.

[...] »

5.

L’article 71 de la directive 2014/24 (intitulé « sous-traitance ») précise :

« [...]

2.   Dans les documents de marché, le pouvoir adjudicateur peut demander ou peut être obligé par un État membre à demander au soumissionnaire d’indiquer, dans son offre, toute part du marché qu’il a éventuellement l’intention de sous‑traiter à des tiers ainsi que les sous‑traitants proposés.

[...]

5.   En ce qui concerne les marchés de travaux et les services qui doivent être fournis dans un local placé sous la surveillance directe du pouvoir adjudicateur, après l’attribution du marché et, au plus tard, au début de l’exécution du marché, le pouvoir adjudicateur exige du contractant principal qu’il lui indique le nom, les coordonnées et les représentants légaux de ses sous-traitants participant à ces travaux ou à la prestation de ces services dans la mesure où ces informations sont connues à ce stade. Le pouvoir adjudicateur exige que le contractant principal lui fasse part de tout changement relatif à ces informations intervenant au cours du marché ainsi que des informations requises pour tout nouveau sous-traitant qui participe ultérieurement à ces travaux ou à la prestation de ces services.

Nonobstant le premier alinéa, les États membres peuvent imposer au contractant principal l’obligation de fournir les informations requises directement.

Au besoin, aux fins du paragraphe 6, point b), du présent article, les informations requises sont assorties de déclarations sur l’honneur des sous-traitants selon les dispositions de l’article 59. [...]

6.   Dans le but d’éviter les manquements aux obligations visées à l’article 18, paragraphe 2, des mesures appropriées peuvent être prises, telles que les mesures suivantes :

[...]

b)

conformément aux articles 59, 60 et 61, les pouvoirs adjudicateurs peuvent vérifier ou être obligés par les États membres à vérifier s’il existe des motifs d’exclusion des sous-traitants en vertu de l’article 57. Dans de tels cas, le pouvoir adjudicateur exige que l’opérateur économique remplace un sous‑traitant à l’encontre duquel ladite vérification a montré qu’il existe des motifs d’exclusion obligatoires. Le pouvoir adjudicateur peut exiger ou être obligé par un État membre à exiger de l’opérateur économique qu’il remplace un sous-traitant à l’encontre duquel la vérification a montré qu’il existe des motifs d’exclusion non obligatoires.

[...] »

B.   Droit roumain

6.

L’article 167 de la Legea nr. 98/2016 privind achizițiile publice (loi no 98/2016 relative aux marchés publics, ci-après la « loi no 98/2016 ») se lit comme suit :

« (1)   Le pouvoir adjudicateur exclut de la procédure d’attribution du marché public/contrat-cadre, tout opérateur économique qui se trouve dans l’une quelconque des situations suivantes :

[...]

g)

l’opérateur économique a manqué gravement ou de manière répétée aux obligations principales qui lui incombaient dans le cadre d’un marché public, d’un marché sectoriel ou d’une concession conclus antérieurement, lorsque ce manquement a donné lieu à la résiliation dudit marché, à des dommages-intérêts ou à une autre sanction comparable ;

h)

l’opérateur économique s’est rendu coupable de fausse déclaration en fournissant les renseignements exigés par le pouvoir adjudicateur pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion ou la satisfaction des critères de qualification et de sélection, a caché ces informations ou n’est pas en mesure de présenter les documents justificatifs requis ;

[...]

(8)   Au sens des dispositions du paragraphe 1, sous g), on entend par manquement grave aux obligations contractuelles, notamment la non‑exécution du contrat, la livraison/prestation/exécution de produits/services/travaux présentant des carences majeures qui les rendent impropres aux fins prévues au contrat. »

7.

L’article 171 de la loi no 98/2016 dispose :

« (1)   Tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations visées aux articles 164 et 167 donnant lieu à l’exclusion de la procédure d’attribution peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer concrètement sa crédibilité malgré les motifs d’exclusion.

(2)   Si le pouvoir adjudicateur juge que les preuves fournies par l’opérateur économique conformément aux dispositions du paragraphe 1 sont suffisantes pour démontrer concrètement sa crédibilité, le pouvoir adjudicateur n’exclut pas l’opérateur économique de la procédure de passation de marché.

(3)   Les preuves que l’opérateur économique se trouvant dans l’une quelconque des situations visées aux articles 164 et 167 peut fournir au pouvoir adjudicateur, au sens du paragraphe 1, se réfèrent au versement ou à l’engagement du versement par l’opérateur économique d’une indemnité en réparation de tout préjudice causé par une infraction pénale ou par un autre fait illicite, la clarification totale par l’opérateur économique des faits et des circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et la prise par l’opérateur de mesures concrètes de nature technique, organisationnelle et en matière de personnel, telle que l’élimination des liens avec du personnel et des organisations impliquées dans le comportement fautif, des mesures de réorganisation du personnel, la mise en œuvre d’un système de contrôle et de rapport, la création d’une structure d’audit interne pour la vérification du respect des dispositions légales et d’autres normes ou l’adoption de règles internes concernant la responsabilité et le versement des indemnités, propres à prévenir une nouvelle infraction ou autre fait illicite.

[...] »

II. Faits et question préjudicielle

8.

Le 3 octobre 2010, la mairie de Râmnicu Vâlcea (Roumanie) a attribué à Delta Antrepriză de Construcții și Montaj 93 SA (ci-après « Delta ») et à deux autres sociétés avec lesquelles celle-ci formait une association temporaire d’entreprises (ci-après l’« ATE no 1 ») un marché de travaux pour la rénovation et la modernisation d’un site récréatif.

9.

Le 7 juin 2017, cette mairie a décidé de résilier le marché au motif que l’ATE no 1 avait manqué à ses obligations en sous-traitant d’importantes parties des travaux sans avoir obtenu son autorisation préalable, alors que le cahier des charges comportait une clause en vertu de laquelle aucun sous-traitant ne pouvait participer à l’exécution du marché sans le consentement du pouvoir adjudicateur ( 3 ).

10.

La résiliation du marché pour motifs imputables à l’ATE no 1 a été communiquée, le 25 juillet 2017, sur la plateforme Sistemul Electronic de Achiziții Publice (système électronique des marchés publics, ci-après le « système électronique »).

11.

Le 27 juillet 2017, la Compania Națională de Administrare a Infrastructurii Rutiere SA (Compagnie nationale pour l’administration des infrastructures routières, ci-après la « CNAIR ») a lancé une procédure ouverte de passation de marché public de travaux de construction « Proiectare și execuție lărgire la 4 benzi DN 7 Bâldana‑Titu km 30 + 950 – 52 + 350 » (projet et élargissement à quatre voies de la route nationale DN7 Bâldana-Titu km 30 + 950 – 52 + 350), d’une valeur estimée à 210627629 RON (46806139,78 euros) et d’une durée de 84 mois.

12.

Delta, avec deux autres sociétés, a créé une nouvelle association temporaire d’entreprises (ci-après l’« ATE no 2 ») et a soumissionné. Dans sa candidature, elle a affirmé n’être touchée par aucun motif d’exclusion.

13.

Lorsqu’elle a consulté le système électronique, la commission d’évaluation de la CNAIR a accédé au constat dressé par la commune de Râmnicu Vâlcea, lequel mentionnait la décision de résiliation du marché liant l’ATE no 1 et cette commune.

14.

Le 18 décembre 2017, après avoir entendu Delta et la mairie de Râmnicu Vâlcea, la commission d’évaluation de la CNAIR a exclu l’ATE no 2 de la procédure de passation du marché d’élargissement de la route nationale. Elle a allégué, à cette fin, que la résiliation du contrat antérieur et la non-notification de cette circonstance dans le cadre de la seconde procédure étaient des motifs d’exclusion prévus à l’article 167, paragraphe 1, sous g) et h), de la loi no 98/2016.

15.

L’ATE no 2 a demandé au pouvoir adjudicateur de révoquer la décision d’exclusion et de réexaminer son offre. La CNAIR n’ayant pas répondu, elle a introduit une contestation devant le Conseil national pour la résolution des contestations (ci-après le « CNRC »).

16.

Le 2 février 2018, le CNRC a rejeté la contestation, après avoir déclaré :

sa compétence pour apprécier la légalité de la décision de rejet de l’offre et pour constater si celle-ci relevait d’un cas d’exclusion prévu par la loi, mais pas pour analyser la légalité du constat ;

que ce constat bénéficiait d’une présomption de légalité de nature à prouver le caractère grave du manquement aux obligations contractuelles d’un précédent marché public ;

que l’ATE no 2 avait invoqué exclusivement l’illégalité du constat sans fournir d’éléments de preuve démontrant sa crédibilité au regard des motifs d’exclusion, conformément aux dispositions de l’article 171 de la loi no 98/2016.

17.

La décision du CNRC a été attaquée devant la juridiction de renvoi le 16 février 2018. Dans la requête, il a été allégué en somme que, premièrement, le constat n’était pas propre à attester le fait que Delta avait manqué de manière grave et répétée à ses obligations contractuelles et que, deuxièmement, les mentions figurant dans ce constat – à supposer que celui-ci soit le reflet de la réalité – ne constituent pas un cas d’exclusion motivé par un manquement grave ou répété aux obligations contractuelles principales ( 4 ).

18.

Dans ce contexte, la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante :

« L’article 57, paragraphe 4, sous g), de la [directive 2014/24] peut-il être interprété en ce sens que la résiliation d’un marché public, au motif qu’une partie des travaux a été sous-traitée sans le consentement du pouvoir adjudicateur, est une défaillance importante ou persistante constatée lors de l’exécution d’une obligation essentielle prévue dans un marché public antérieur qui entraîne l’exclusion d’un opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché ? »

III. La procédure devant la Cour

19.

La décision de renvoi a été déposée à la Cour le 17 avril 2018.

20.

Delta, le gouvernement roumain et la Commission européenne ont déposé des observations. Delta, le gouvernement autrichien et la Commission ont comparu à l’audience qui s’est tenue le 27 février 2019.

IV. Appréciation

A.   Observation liminaire

21.

La question de la juridiction de renvoi ne porte que sur l’interprétation de l’article 57, paragraphe 4, sous g), de la directive 2014/24. Toutefois, j’estime que, conformément à une pratique constante de la Cour ( 5 ), sa réponse peut s’étendre à d’autres dispositions de cette directive en lien avec les mêmes faits, afin d’apporter à la juridiction de renvoi des éléments d’interprétation qui facilitent son travail.

22.

Concrètement, le motif d’exclusion lié à la résiliation correspond certainement à l’article 57, paragraphe 4, sous g), de la directive 2014/24. Toutefois, la décision de renvoi ( 6 ) même mentionne le fait que, selon la commission d’évaluation du pouvoir adjudicateur, « les dispositions de l’article 167, paragraphe 1, sous h), de la loi no 98/2016 sur les marchés publics s’appliquaient également à l’offre en cause ». Cette règle étant le reflet, dans la législation nationale, du motif d’exclusion prévu à l’article 57, paragraphe 4, sous h), de la directive 2014/24, la réponse de la Cour peut être plus complète si elle s’étend à l’incidence de ce dernier motif sur les faits litigieux ( 7 ).

B.   Le motif d’exclusion prévu à l’article 57, paragraphe 4, sous g), de la directive 2014/24

23.

Comme je l’ai indiqué dans mes conclusions dans l’affaire Meca ( 8 ), l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24, cite, parmi les comportements des opérateurs économiques de nature à justifier leur exclusion d’une procédure de passation de marché, tant la « faute professionnelle grave qui remet en cause [leur] intégrité » [point c)] que les « défaillances importantes [...] constatées lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui [leur] incombait dans le cadre d’un marché public antérieur [...] lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit marché [...] » [point g)].

24.

Il ressort du considérant 101 de la directive 2014/24 que les fautes professionnelles visées au point c) ont une nature essentiellement extracontractuelle, c’est-à-dire qu’il s’agit de comportements irréguliers généralement mis en œuvre en dehors des relations contractuelles. C’est le cas des manquements à des obligations environnementales ou sociales, des violations de règles de concurrence ou de droits de propriété intellectuelle ou industrielle, ou de la violation d’obligations fiscales ou relatives à la sécurité sociale. À l’inverse, le comportement décrit au point g) est un manquement typiquement contractuel.

25.

Il est cependant exact que certains manquements contractuels peuvent simultanément relever d’une forme de faute professionnelle grave, c’est-à-dire une faute commise dans le cadre d’un marché public antérieur dont la gravité suffit à justifier la rupture de la relation contractuelle.

26.

De ce point de vue, le rapport entre ces deux points serait celui qu’entretiennent une lex generalis [le point c)] et une lex specialis [le point g)], ce qui permet de se référer aux objectifs et aux motivations de la disposition générale pour déterminer les principes devant présider à l’interprétation de la règle prévue au point g).

27.

Les deux causes d’exclusion se fondent sur un élément essentiel de la relation entre l’adjudicataire du marché et le pouvoir adjudicateur, à savoir la fiabilité de l’adjudicataire, sur laquelle repose la confiance que le pouvoir adjudicateur lui voue. Même si la directive 2004/18/CE ( 9 ) ne faisait pas expressément référence à cet élément, la jurisprudence de la Cour s’est chargée de le formuler ( 10 ).

28.

La directive 2014/24 inclut la fiabilité en tant qu’élément essentiel de la relation, précisément lorsqu’elle aborde la faute professionnelle grave. Selon le considérant 101, premier alinéa, les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure les « opérateurs économiques qui se seraient avérés non fiables ». Le deuxième alinéa de ce même considérant prend en considération le comportement dans le cadre de marchés publics antérieurs « jetant sérieusement le doute quant à la fiabilité de l’opérateur économique ».

29.

L’importance attachée à la fiabilité de l’opérateur économique apparaît dans certains paragraphes (6 et 7) de l’article 57 de la directive 2014/24, qui permettent à ce dernier de prendre des mesures afin de démontrer qu’il est digne de confiance bien qu’il existe un motif d’exclusion. L’élément de fiabilité influence ainsi profondément les motifs d’exclusion relatifs aux caractéristiques subjectives du soumissionnaire.

30.

Or, d’après l’objectif poursuivi par l’article 57 de la directive 2014/24, le pouvoir adjudicateur doit être libre d’apprécier cet élément (la fiabilité du soumissionnaire) sans être nécessairement lié par les appréciations d’autres pouvoirs publics. Il appartient aux pouvoirs adjudicateurs, et à eux seuls, d’apprécier la portée des fautes comportant un manquement contractuel de fond si grave qu’il justifie la résiliation d’un marché précédent en raison d’une perte de confiance.

31.

Comme précisé, le motif d’exclusion visé à l’article 57, paragraphe 4, sous g), de la directive 2014/24, appliqué en l’espèce, prévaudra lorsque, dans l’exécution d’un marché antérieur, l’opérateur a fait preuve de défaillances importantes ou persistantes ( 11 ) lors de l’exécution d’une obligation essentielle, lesquelles ont donné lieu à la résiliation dudit marché.

32.

Il ressort avant tout de ce libellé que l’irrégularité commise par le soumissionnaire doit avoir été suffisamment grave (« importante ») pour justifier la résiliation du marché au regard du principe de proportionnalité.

33.

La comparaison de certaines versions linguistiques de cette disposition ( 12 ) montre que ce motif d’exclusion suppose le manquement à une obligation essentielle prévue par un marché public antérieur. Cette obligation peut être aussi bien matérielle que formelle, car rien ne s’oppose à ce que des obligations formelles revêtent un caractère essentiel aux fins de l’exécution d’un marché public ( 13 ).

34.

La simple résiliation unilatérale du marché public antérieur n’est donc pas suffisante pour que le motif d’exclusion soit applicable. Le pouvoir adjudicateur doit en outre procéder à l’appréciation du manquement reproché à l’époque au prestataire et vérifier s’il répond ou non aux exigences prévues à l’article 57, paragraphe 4, sous g), de la directive 2014/24.

35.

La Cour ne doit pas substituer son appréciation des faits ni son appréciation de la gravité du manquement qui a motivé l’exclusion de Delta à celle de la juridiction de renvoi. Il appartient donc à la juridiction de renvoi de déterminer si, dans la présente affaire, la sous-traitance non autorisée ( 14 ) des travaux de construction du site récréatif municipal constituait une défaillance importante dans l’exécution du marché qui liait l’ATE no 1 et la mairie de Râmnicu Vâlcea.

36.

Toutefois, la Cour peut fournir à la juridiction de renvoi certaines indications utiles pour mener sa propre appréciation.

37.

En premier lieu, il conviendra d’apprécier le contenu du document de marché et dans quelle mesure celui-ci imposait spécifiquement au contractant une obligation de communiquer son intention de sous-traiter une partie des travaux et de demander l’autorisation du pouvoir adjudicateur à cette fin. Selon le gouvernement roumain, il existait des clauses spécifiques en vertu desquelles aucun sous-traitant ne pouvait participer à l’exécution du marché sans le consentement du pouvoir adjudicateur ( 15 ).

38.

Il convient de ne pas oublier que, en vertu de l’article 71, paragraphe 2, de la directive 2014/24, « [d]ans les documents de marché, le pouvoir adjudicateur peut demander [...] au soumissionnaire d’indiquer, dans son offre, toute part du marché qu’il a éventuellement l’intention de sous-traiter à des tiers ainsi que les sous-traitants proposés ». Le pouvoir adjudicateur n’est en mesure d’évaluer si le sous-traitant est également fiable que grâce à cette information ( 16 ).

39.

Une clause du cahier des charges qui demanderait cette indication préalable reposerait donc sur une base juridique solide en droit de l’Union. Son introduction répond également à l’objectif de la directive 2014/24 en ce qui concerne les mécanismes de communication de l’intention de sous-traiter et l’identité des sous‑traitants.

40.

Alors que la directive 2004/18 était laconique à cet égard ( 17 ), car elle ne mentionnait que l’opportunité de prévoir des règles en matière de sous-traitance pour favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics ( 18 ), la directive 2014/24 souligne la raison pour laquelle la « transparence dans la chaîne de sous-traitance » est si importante.

41.

Plus précisément, les considérants de la directive 2014/24 précisent que « les pouvoirs adjudicateurs disposeront ainsi d’informations sur l’identité des personnes présentes sur les chantiers de construction [...] Il convient de préciser que l’obligation de communiquer les informations requises incombera dans tous les cas au contractant principal, soit sur la base de clauses spécifiques que chaque pouvoir adjudicateur serait tenu d’inclure dans toutes les procédures de passation de marchés, soit sur la base d’obligations que les États membres imposeraient aux contractants principaux au moyen de dispositions d’application générale» ( 19 ).

42.

Du point de vue strictement normatif, l’article 71, paragraphe 6, sous b), de la directive 2014/24 prévoit que « [l]es pouvoirs adjudicateurs peuvent vérifier ou être obligés par les États membres à vérifier s’il existe des motifs d’exclusion des sous-traitants en vertu de l’article 57 ». Une telle vérification requiert, en toute logique, que l’attributaire ait préalablement informé ces pouvoirs adjudicateurs du fait qu’il a l’intention de sous-traiter une partie des travaux.

43.

Partant de cette prémisse, il convient de vérifier, en outre, si le manquement à l’obligation de notifier l’existence du sous-traitant entraînait, selon le cahier des charges, la résiliation anticipée du contrat. Dans une telle hypothèse, le pouvoir adjudicateur, en résiliant le contrat, se serait borné à « strictement observer les critères qu’il a lui-même fixés» ( 20 ).

44.

En second lieu, la juridiction de renvoi doit évaluer si l’exécution directe à charge uniquement du contractant sélectionné représentait une obligation essentielle pour atteindre l’objectif poursuivi par le pouvoir adjudicateur. Dans le cas contraire, à savoir si le recours aux sous-traitants dans le cadre de ce marché de travaux paraissait réalisable, même si elle était soumise à l’obligation de communication préalable et à l’autorisation subséquente de l’administration, il conviendra de vérifier si le défaut de ladite communication (et donc de l’autorisation exigée) ne pouvait pas représenter une simple erreur administrative sans pertinence et régularisable a posteriori ( 21 ).

45.

En troisième lieu, la juridiction de renvoi pourra déterminer dans quelle mesure la sous-traitance a affecté une partie importante des travaux de construction du centre récréatif municipal et si l’intervention du sous-traitant a eu une incidence négative sur l’exécution de ces travaux ( 22 ).

46.

Ces appréciations seront pertinentes pour juger la mesure d’exclusion à l’aune du principe de proportionnalité ( 23 ). Si le comportement de l’opérateur économique qui a enfreint ses obligations dans le cadre du premier marché n’atteint pas un certain niveau de gravité (s’il s’agit d’un comportement de minimis), il est possible que l’exclusion de celui-ci du deuxième marché soit incorrecte, car disproportionnée.

47.

En quatrième lieu, si l’existence de ce motif d’exclusion est constatée, l’article 57, paragraphe 6, de la directive 2014/24 (mis en œuvre par l’article 171 de la loi no 98/2016) admet encore que le soumissionnaire concerné présente des éléments de preuve en vue d’établir que, après le premier comportement, il a fait preuve de fiabilité ( 24 ).

48.

Enfin, l’allégation de Delta en ce qui concerne les litiges pendants contre la décision par laquelle la mairie de Râmnicu Vâlcea a résilié le marché de l’ATE no 1 ( 25 ) ne fait pas obstacle, en soi, à l’application de ce motif d’exclusion. Comme je l’ai soutenu dans mes conclusions dans l’affaire Meca ( 26 ), la simple formation d’un recours juridictionnel contre la décision de résiliation d’un marché public ne saurait constituer un obstacle qui empêche le pouvoir adjudicateur d’évaluer le comportement qui l’a causée et la fiabilité subséquente du soumissionnaire.

C.   Le motif d’exclusion prévu à l’article 57, paragraphe 4, sous h), de la directive 2014/24

49.

Pour justifier l’exclusion d’un opérateur économique d’une procédure de passation de marché public, l’article 57, paragraphe 4, sous h), de la directive 2014/24 prévoit plusieurs hypothèses, à savoir :

qu’« [il se soit] rendu coupable de fausse déclaration en fournissant les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion ou la satisfaction des critères de sélection » ; et

qu’« [il ait] caché ces informations» ( 27 ).

50.

La Cour a été confrontée à la première de ces hypothèses lorsqu’elle a interprété, dans l’arrêt Esaprojekt ( 28 ), la disposition de la directive 2004/18 [à savoir l’article 45, paragraphe 2, sous g)] qui, dans des termes analogues, permettait d’exclure du marché public un opérateur économique à cause des fausses déclarations qu’il avait faites au pouvoir adjudicateur.

51.

Dans cet arrêt, elle a considéré qu’il n’était pas nécessaire que la fausse déclaration soit intentionnelle, et qu’une « négligence d’une certaine gravité, à savoir une négligence susceptible d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution d’un marché public » était suffisante. Étant donné que tel était le cas dans cette affaire, elle a pu considérer l’opérateur économique comme « gravement coupable », ce qui justifiait « la décision du pouvoir adjudicateur d’exclure ledit opérateur du marché public concerné» ( 29 ).

52.

La deuxième hypothèse a été abordée dans l’arrêt Impresa di Costruzioni Ing. E. Mantovani et Guerrato ( 30 ), en lien avec la disposition correspondante de la directive 2004/18 ( 31 ). Dans cette affaire, le soumissionnaire avait passé sous silence, dans son offre, l’information relative au casier judiciaire d’un administrateur condamné pour différentes infractions pénales. La Cour a considéré que cette circonstance était suffisante pour exclure ce soumissionnaire de la procédure de passation ( 32 ).

53.

Même si le libellé de l’article 57, paragraphe 4, sous h), de la directive 2014/24 peut donner à penser que la « gravité » n’est exigée qu’eu égard à l’apport de fausses informations et non à la rétention d’informations, je crois que tel n’est pas le cas. Qu’il s’agisse d’un comportement actif (falsifier) ou d’une omission (cacher), ce qui est pertinent est que les fausses informations communiquées ou les vraies informations cachées ont une incidence sur la décision prise par le pouvoir adjudicateur. Je pense qu’il s’agit ici aussi d’une conséquence du principe de proportionnalité.

54.

Dans le présent renvoi préjudiciel, comme je l’ai déjà précisé, la juridiction de renvoi n’aborde pas le motif d’exclusion que j’analyse ici, à la différence du pouvoir adjudicateur, qui l’avait fait ( 33 ). En effet, étant donné que Delta n’avait pas informé la CNAIR que son marché public précédent avait été résilié pour inexécution de la clause relative à la sous-traitance, cet organisme a décidé d’appliquer (conjointement au motif d’exclusion examiné au titre précédent) l’article 167, paragraphe 1, de la loi no 98/2016, à savoir la disposition nationale qui reflète l’article 57, paragraphe 4, sous h), de la directive 2014/24.

55.

Dans ce contexte, si la juridiction de renvoi estime qu’il est opportun de s’arrêter sur l’analyse du deuxième motif d’exclusion appliqué par la CNAIR, il y a lieu de tenir compte des circonstances particulières dans lesquelles la dissimulation de l’information a eu lieu, comme de la gravité de ce comportement.

56.

Concrètement, pour apprécier la gravité de la dissimulation d’informations au pouvoir adjudicateur, il ne suffira pas de constater que le soumissionnaire a tu l’existence d’un motif d’exclusion éventuel. Il sera en outre indispensable de mettre en balance l’importance des informations omises.

57.

Dans une affaire telle que la présente, dans laquelle une résiliation du contrat a été formellement constatée ( 34 ), le principe de loyauté imposait à Delta de notifier cette donnée objective au pouvoir adjudicateur, dès le départ, quitte à lui fournir toutes les informations considérées comme indispensables pour démontrer que, selon elle, elle n’avait pas manqué à ses obligations, ou que le manquement n’avait que peu d’importance ( 35 ).

58.

En toute hypothèse, il incombe au juge national de soupeser les circonstances de fait du litige au principal pour déterminer, eu égard au principe de proportionnalité, si l’exclusion du soumissionnaire, pour un motif ou l’autre, était justifiée à suffisance.

V. Conclusion

59.

Eu égard aux raisonnements qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) de la façon suivante :

1)

L’article 57, paragraphe 4, sous g), de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, doit être interprété en ce sens que :

le pouvoir adjudicateur est en principe en droit d’exclure de la procédure de passation de marché public de travaux un opérateur économique qui a été visé par la résiliation d’un marché public antérieur, fondée sur l’inexécution de la clause qui lui imposait de communiquer, pour autorisation préalable, l’attribution d’une partie de ces travaux à un sous‑traitant ;

il incombe au juge national d’élucider, au vu des circonstances particulières du litige et en application du principe de proportionnalité, si la résiliation du (premier) marché public était due à une défaillance importante dans l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre de ce marché, suffisante pour écarter l’opérateur économique du (deuxième) marché.

2)

L’article 57, paragraphe 4, sous h), de la directive 2014/24 ne s’oppose pas à ce que le pouvoir adjudicateur exclue d’un (deuxième) marché public le soumissionnaire ayant dissimulé, devant lui, la résiliation d’un marché précédent, fondée sur l’existence de défaillances importantes dans l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre dudit (premier) marché. Il incombe au juge national d’évaluer, à la lumière du principe de proportionnalité, la gravité de cette dissimulation d’informations.


( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65).

( 3 ) Dans la même décision, le montant des préjudices qui en découlent est estimé à 2345299,70 lei (RON) (521000 euros).

( 4 ) Delta a ajouté que le constat, comme les prétendus manquements qui y sont rapportés, avait été contesté en justice.

( 5 ) Arrêt du 22 octobre 2015, Impresa Edilux et SICEF (C‑425/14, EU:C:2015:721, point 20) : « [L]e fait que la juridiction de renvoi a formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions seulement du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige. »

( 6 ) Point 15.

( 7 ) L’analyse du manquement aux obligations contractuelles pourrait même être rattachée au motif d’exclusion prévu à l’article 57, paragraphe 4, sous c), de la directive 2014/24 (à savoir à la faute professionnelle grave). Cependant, je ne m’arrêterai pas sur ce point.

( 8 ) Conclusions dans l’affaire Meca, (C‑41/18, EU:C:2019:183, points 38 à 45).

( 9 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114)

( 10 ) Arrêts du 20 mars 2018, Commission/Autriche (Imprimerie d’État) (C‑187/16, EU:C:2018:194, points 88 et 91) ; du 14 décembre 2016, Connexxion Taxi Services, (C‑171/15, EU:C:2016:948, point 28) ; et du 9 février 2006, La Cascina e.a. (C‑226/04 et C‑228/04, EU:C:2006:94, point 21).

( 11 ) Cet article emploie le pluriel dans la mention des défaillances. Toutefois, je pense que ce critère est plus qualitatif que quantitatif, et qu’une seule défaillance importante pourrait, en soi, entraîner l’exclusion. C’est également la position qu’ont défendue la Commission et le gouvernement autrichien lors de l’audience. Dans le considérant 101 de la directive 2014/24, le législateur emploie le singulier pour certains exemples de « défaillances graves » auxquelles il se réfère, comme « un défaut de fourniture ou d’exécution » ou « un comportement fautif jetant sérieusement le doute quant à la fiabilité de l’opérateur économique ». J’insiste sur le fait que tout dépend du caractère proportionné de la mesure par rapport à la gravité du comportement.

( 12 ) L’expression employée dans la version espagnole est requisito de fondo (exigence de fond), mais les autres versions renvoient plutôt à la substance de cette exigence : ainsi, la version française (obligation essentielle) ; la version anglaise (substantive requirement) ; la version allemande (einer wesentlichen Anforderung) ; et la version italienne (requisito sostanziale).

( 13 ) La dissimulation dolosive de la participation d’un sous-traitant, passée sous silence par le soumissionnaire pour contourner les clauses du marché qui reflètent des règles impératives de la directive 2014/24, même si elle revêt un caractère en apparence formel, peut entraîner des préjudices graves et être qualifiée d’importante, compte tenu de ceux-ci et de l’intention frauduleuse à sa source.

( 14 ) Delta affirme que, en réalité, il n’y a pas eu de sous-traitance, mais une relation avec une autre société pour la prestation de services et la fourniture de matériaux. La décision de renvoi, dont la Cour doit accepter l’exposé des faits, paraît partir du postulat qu’il y a effectivement eu sous-traitance.

( 15 ) Point 17 de ses observations écrites. La teneur de cette clause (numéro 23.6), dont Delta a reconnu la présence, a été débattue à l’audience.

( 16 ) Considérant 105 de la directive 2014/24 : « [...] En outre, il convient d’indiquer expressément que les États membres devraient pouvoir aller plus loin, par exemple en élargissant les obligations de transparence [...] en permettant ou en imposant aux pouvoirs adjudicateurs de vérifier que des sous-traitants ne se trouvent pas dans l’une quelconque des situations qui justifieraient l’exclusion d’opérateurs économiques [...] »

( 17 ) La comparaison entre le système de sous-traitance prévu par la directive 2004/18 (article 25) et celui prévu par la directive 2014/24 (article 71) indique que, en substance, si le cahier des charges le précise, l’obligation de communiquer au pouvoir adjudicateur la partie des travaux à sous-traiter et l’identité des sous-traitants proposés est maintenue.

( 18 ) Considérant 32 de la directive 2004/18.

( 19 ) Considérant 105 de la directive 2014/24. Pas d’italique dans l’original du règlement.

( 20 ) Arrêt du 14 décembre 2016, Connexxion Taxi Services, (C‑171/15, EU:C:2016:948, point 38 et jurisprudence citée).

( 21 ) Il s’agit de l’une des possibilités que suggère la Commission dans ses observations écrites (avec d’autres, comme l’hypothèse que l’ATE no 1 a délibérément induit le pouvoir adjudicateur en erreur en ce qui concerne l’identité du sous-traitant).

( 22 ) Pour le gouvernement roumain, bien que la décision de renvoi ne précise pas si l’exécution concernée présentait des défauts, la déclaration de responsabilité de l’ATE no 1 indiquerait que tel est le cas.

( 23 ) La directive 2014/24 met en avant la proportionnalité de la mesure, y compris en ce qui concerne les motifs d’exclusion obligatoire, comme le motif relatif au non-paiement d’impôts et taxes ou de cotisations de sécurité sociale (article 57, paragraphe 3, deuxième alinéa).

( 24 ) Au point 21 de la décision de renvoi, la juridiction de renvoi assure que l’ATE no 2 « avait invoqué exclusivement l’illégalité du constat sans fournir d’élément de preuve démontrant sa crédibilité ». À l’audience, Delta n’a pas soutenu avoir mis en œuvre des mesures correctrices, de redressement de son comportement, en vue de rétablir sa fiabilité (elle s’est bornée à préciser que, à l’époque, elle a tenté de régulariser le défaut de communication de la sous-traitance).

( 25 ) La décision de renvoi mentionne cette litispendance au point 12.

( 26 ) C‑41/18, EU:C:2019:183.

( 27 ) Même si les différentes versions linguistiques que j’ai consultées diffèrent dans l’emploi de verbes à l’affirmatif ou au négatif (en italien : non ha trasmesso, en anglais : has withheld, en français : a caché, en allemand : zurückgehalten, en portugais : tiver retido, en roumain : nu a divulgat), je crois que, sur le fond, elles décrivent le même comportement.

( 28 ) Arrêt du 4 mai 2017 (C‑387/14, EU:C:2017:338).

( 29 ) Arrêt du 4 mai 2017, Esaprojekt (C‑387/14, EU:C:2017:338, points 71 et 77).

( 30 ) Arrêt du 20 décembre 2017 (C‑178/16, EU:C:2017:1000).

( 31 ) Conformément à l’article 45, paragraphe 2, sous g), de la directive 2004/18, « [p]eut être exclu de la participation au marché, tout opérateur économique : [...] qui n’a pas fourni ces renseignements [exigibles en application de la présente section] ».

( 32 ) Arrêt du 20 décembre 2017, Impresa di Costruzioni Ing. E. Mantovani et Guerrato (C‑178/16, EU:C:2017:1000, point 48) : « [...] Ainsi, le fait de ne pas informer le pouvoir adjudicateur des agissements pénalement répréhensibles de l’ancien administrateur peut aussi être un élément permettant d’exclure, en vertu de cette disposition, un soumissionnaire de la participation à une procédure de passation de marché public. »

( 33 ) À l’audience, la Commission a relevé la possibilité que l’article 57, paragraphe 4, sous h), fonde l’exclusion.

( 34 ) À l’audience, le gouvernement autrichien a souligné que la résiliation d’un marché public est un facteur dont l’importance ne saurait être sous-estimée et doit nécessairement être mise en évidence dans le cadre des procédures de passation ultérieures.

( 35 ) À l’audience, Delta a reconnu ne pas avoir donné acte de cette circonstance dans le document unique de marché européen, et a allégué que le formulaire ne prévoit pas d’emplacement pour présenter des observations. Toutefois, si elle souhaitait expliquer les circonstances particulières de la résiliation du marché, rien ne l’empêchait de présenter un écrit à part avec de telles explications.