ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

17 janvier 2018 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure – Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement de la marque verbale NN – Rejet de l’opposition – Absence d’usage sérieux de la marque antérieure »

Dans l’affaire C‑536/17 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 11 septembre 2017,

JoselSLU, établie à Barcelona (Espagne), représentée par Me J. Güell Serra, abogado,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Nationale-Nederlanden Nederland BV, établie à ’s-Gravenhage (Pays-Bas), représentée par Mes A. Janssen, R. Sjoerdsma et C. Jehoram, advocaaten,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M.  C. Vajda (rapporteur), président de chambre, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Josel SLU, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 juin 2017, Josel/EUIPO – Nationale-Nederlanden Nederland (NN) (T‑333/15, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:444), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 avril 2015 (affaire R 1531/2014‑4), relative à une procédure d’opposition entre Josel et Nationale-Nederlanden Nederland.

2        À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque quatre moyens tirés, respectivement:

–        d’une violation de l’article 69 du règlement de procédure du Tribunal,

–        d’une appréciation erronée des preuves présentées devant l’EUIPO,

–        d’une interprétation erronée de la jurisprudence de la Cour en ce que le Tribunal a conclu que l’utilisation de la marque en cause altérait le caractère distinctif de celle-ci, et

–        d’un vice de motivation.

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        M. l’avocat général a, le 30 novembre 2017, pris la position suivante :

« 1.      Je propose à la Cour de rejeter le pourvoi dans l’affaire sous objet comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé ainsi que de condamner la requérante aux dépens conformément à l’article 137 et à l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour pour les raisons suivantes.

2.      À l’appui de son pourvoi, la requérante a soulevé quatre moyens.

3.      Par son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, contrairement à l’article 69 de son règlement de procédure, refusé de suspendre la procédure compte tenu du fait que Nationale-Nederlanden Nederland BV, partie intervenante en première instance, avait demandé devant les tribunaux de commerce espagnols la déchéance de la marque antérieure pour absence d’usage. Elle estime que les principes de sécurité juridique, de bonne administration de la justice et de confiance légitime imposaient une suspension de la procédure.

4.      Il convient de rappeler que le régime de l’Union européenne des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (arrêt du 16 juillet 2009, American Clothing Associates/OHMI et OHMI/American Clothing Associates, C‑202/08 P et C‑208/08 P, EU:C:2009:477, point 58). Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, même s’ils peuvent la prendre en considération.

5.      En outre, selon l’article 69, sous c) et d), du règlement de procédure du Tribunal, une procédure pendante peut être suspendue à la demande conjointe des parties ou dans d’autres cas particuliers, lorsque la bonne administration de la justice l’exige. Il s’ensuit que la décision de suspendre ou non une procédure relève de la compétence discrétionnaire du Tribunal (ordonnance du 20 octobre 2011, DTL/OHMI, C‑67/11 P, non publiée, EU:C:2011:683, points 32 et 33).

6.      Étant donné que le Tribunal n’est pas lié par une décision intervenant au niveau d’un État membre et qu’il dispose d’un pouvoir discrétionnaire à l’égard de la suspension, il n’était pas obligé de suspendre la procédure. Le premier moyen doit de ce fait être rejeté comme étant manifestement non fondé.

7.      Par son deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir omis d’examiner et de prendre en considération l’ensemble des documents qu’elle a fournis au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO pour établir l’usage de sa marque. Selon la requérante, il ressort clairement de l’arrêt attaqué que le Tribunal a omis une partie des éléments de preuve, en particulier ceux qui utilisaient les lettres “nn” associées à un logo sous la forme d’un cercle, sans les éléments verbaux “núñez i navarro” et sans le mot “hotels”.

8.      Or, il convient de relever que, dans sa requête devant le Tribunal, la requérante a fait valoir, en substance, que la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO était erronée en ce qu’elle considérait qu’il y avait usage de la marque espagnole antérieure sous une forme qui différait de la forme sous laquelle l’enregistrement avait été effectué. Elle a soutenu que, grâce à un cercle, les lettres “nn” étaient séparées et isolées des ajouts ultérieurs qui les accompagnaient, tels que le nom de la société holding du groupe “núñez i navarro” ou du secteur ou domaine d’activité, par exemple “hotels”.

9.      Selon la requérante, cela signifierait que seules les lettres “nn” constituent la marque. Le nom de la société mère ou de la holding du groupe de sociétés “núñez i navarro”, à laquelle elle appartient, constitueraient des éléments secondaires qui ne feraient pas partie de la marque espagnole antérieure (point 35 de la requête devant le Tribunal).

10      Sur la base de ces éléments, il peut difficilement être déduit que la requérante entendait soutenir qu’elle utilisait les lettres “nn” sans autre indication.

11.      Le deuxième moyen est donc manifestement irrecevable, dans la mesure où ce n’est que dans le cadre du pourvoi devant la Cour que la requérante invoque, pour la première fois, à tout le moins de façon suffisamment claire et précise, qu’il y a eu usage de la marque espagnole antérieure nn associé à un logo sous la forme d’un cercle sans autres éléments.

12.      Par son troisième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a considéré à tort que l’utilisation de la marque nn en combinaison avec les noms “núñez i navarro” altèrait le caractère distinctif de la marque espagnole antérieure telle qu’enregistrée et, partant, ne permettait pas de démontrer l’usage sérieux de cette marque. Selon la requérante, le signe “nn” est utilisé en combinaison avec d’autres éléments, mais les consommateurs le percevront comme un identificateur commercial.

13.      Je relève que le Tribunal a rejeté comme étant non fondé le moyen unique de la requérante, tiré d’une violation de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009. À cet égard, il a validé la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’ajout de l’élément verbal “núñez i navarro” à la marque antérieure altérait le caractère distinctif de celle‑ci. En effet, le Tribunal a constaté que si l’élément verbal “núñez i navarro” est toujours placé au-dessous du cercle dans lequel les lettres “nn” sont insérées, dans la majorité des éléments de preuve produits, il occupe une place centrale, surtout lorsque sont situés, au-dessous de lui, l’élément verbal “hotels” ou l’indication d’une adresse.

14.      En outre, selon le Tribunal, l’élément verbal “núñez i navarro” occupe, en largeur, une place beaucoup plus importante que celle de l’élément verbal “nn”, compte tenu du nombre de caractères qui le composent. De plus, eu égard au fait que, dans les marques utilisées, sont présents les noms de famille “núñez” et “navarro”, les lettres “nn” seront très vraisemblablement perçues comme constituant les initiales desdits noms de famille. Le Tribunal a relevé, par ailleurs, que, en tant que noms de famille, les mots “núñez” et “navarro” ne sont pas des termes génériques faisant référence aux services en cause et sont donc pourvus d’un caractère distinctif normal lorsqu’ils sont utilisés pour désigner ces services.

15.      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est donc seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

16.      Or, force est de constater que les griefs de la requérante portent sur des constatations et des appréciations de nature factuelle auxquelles a procédé le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, concernant l’examen des éléments de preuve qu’elle a apportés afin de prouver l’usage sérieux de la marque espagnole antérieure. Conformément à la jurisprudence de la Cour, le caractère distinctif d’une marque et de ses différents éléments relève de l’appréciation des faits qui échappe au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

17.      Par conséquent, le troisième moyen est manifestement irrecevable.

18.      Par son quatrième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir rejeté comme étant non fondé son moyen unique, tiré d’une violation de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, sans avoir expliqué pour quelles raisons il n’était pas nécessaire de se prononcer sur l’incidence des autres modifications et ajouts au signe “nn” au sein des éléments de preuve produits par la requérante et mentionnés au point 35 de l’arrêt attaqué.

19.      Il y a lieu de relever que, au point 35 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que “les signes utilisés dans les éléments de preuve sont composés [...] de la reproduction de deux lettres ‘n’ sous la forme d’un élément figuratif, à savoir le fait qu’elles sont placées à des niveaux différents à l’intérieur d’un cercle de couleur sombre, et de l’élément verbal ‘núñez i navarro’, auxquels s’ajoutent, dans certains cas, l’élément verbal ‘hotels’ et la mention d’une adresse”.

20.      Au point 46 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a validé “la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’ajout de l’élément verbal ‘núñez i navarro’ à la marque antérieure altère le caractère distinctif de celle-ci”.

21.      Au point 47 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que “sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’incidence des autres modifications et ajouts au sein des éléments de preuve produits mentionnés au point 35 ci-dessus, il y a lieu rejeter comme non fondé le moyen unique, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009”.

22.      Il ressort de la lecture de ces points de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que l’ajout de l’élément verbal “núñez i navarro” à la marque antérieure était suffisant en soi pour altérer le caractère distinctif de celle-ci. C’est donc sans commettre d’erreur de droit qu’il a pu juger qu’il n’était pas nécessaire d’examiner si l’ajout à la marque antérieure de l’élément verbal “núñez i navarro”, et dans certains cas, de l’élément verbal “hotels” et de la mention d’une adresse altérait le caractère distinctif de la marque antérieure.

23.      Il s’ensuit que la décision du Tribunal formulée au point 47 de l’arrêt attaqué est suffisamment motivée et qu’il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant manifestement non fondé.

24.      Les quatre moyens étant soit manifestement irrecevables, soit manifestement non fondés, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi. »

6        Il convient d’ajouter, en ce qui concerne le deuxième moyen, que, quand bien même la requérante aurait invoqué en première instance, de manière suffisamment claire et précise, l’usage de la marque espagnole antérieure nn associée à un logo sous la forme d’un cercle sans autres éléments, il ne ressort pas de sa requête devant le Tribunal, en particulier des points 34 à 38 de celle-ci, une quelconque contestation de l’affirmation de la chambre de recours de l’EUIPO, contenue au point 18 de la décision de cette chambre de recours du 14 avril 2015, en cause dans la présente affaire, selon laquelle la variation consistant à représenter les lettres « NN » à l’intérieur d’un cercle, à des niveaux différents et avec des ombrages différents, n’est pas négligeable lorsque le signe est comparé à la simple marque verbale NN. Ainsi, une éventuelle invocation devant le Tribunal de l’usage de la marque antérieure NN associée à un logo sous la forme d’un cercle n’aurait pu qu’être rejetée par cette juridiction.

7        Pour ce dernier motif ainsi que pour ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi.

 Sur les dépens

8        En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que Josel SLU supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Josel SLU supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.