ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

20 septembre 2017 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande d’enregistrement de la marque verbale LITU – Rejet de l’opposition »

Dans l’affaire C‑158/17 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 mars 2017,

Anton Riemerschmid Weinbrennerei und Likörfabrik GmbH & Co. KG, établie à Erding (Allemagne), représentée par Me P. Koch, abogada,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot et S. Rodin (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Anton Riemerschmid Weinbrennerei und Likörfabrik GmbH & Co. KG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 janvier 2017, Anton Riemerschmid Weinbrennerei und Likörfabrik/EUIPO – Viña y Bodega Botalcura (LITU) (T‑187/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:30), par lequel celui-ci a rejeté son recours dirigé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 9 février 2016 (affaire R 719/2015-2), relative à la confirmation du rejet de l’opposition qu’elle avait formée contre la demande d’enregistrement de la marque verbale de l’Union européenne LITU et qui était fondée sur la marque verbale de l’Union européenne antérieure PITU.

2        Anton Riemerschmid Weinbrennerei und Likörfabrik demande, en outre, à la Cour de rejeter la demande d’enregistrement de la marque verbale de l’Union européenne LITU ainsi que de condamner l’EUIPO aux dépens.

3        À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque un moyen unique, lequel s’articule en trois branches, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

 Sur le pourvoi

4        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

5        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

6        M. l’avocat général a, le 4 juillet 2017, pris la position suivante :

« 1.      Conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi dans l’affaire sous objet comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé pour les raisons exposées ci-après, et de condamner la requérante à supporter ses propres dépens.

2.      Par la première branche de son moyen unique, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir accordé suffisamment d’importance à la similitude phonétique des marques en cause dans la mesure où celles-ci portent sur des produits massivement vendus dans des environnements bruyants comportant de nombreuses distractions. Ainsi, en ne tenant pas compte de ces circonstances spécifiques d’achat et en n’expliquant pas pourquoi celles-ci n’étaient pas pertinentes en l’espèce, la requérante allègue que le Tribunal aurait fait une application erronée de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

3.      Il convient toutefois de rappeler que, en vertu de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents, ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces éléments ne constituent donc pas, sous réserve de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (ordonnance du 21 avril 2016, Borde et Carbonium/Commission, C‑279/15 P, non publiée, EU:C:2016:297, point 28 et jurisprudence citée).

4.      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que l’appréciation des similitudes entre les signes en conflit est une analyse de nature factuelle qui échappe, sous réserve de la dénaturation des faits et éléments de preuve, au contrôle de la Cour. Une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/ OHMI, C-254/09 P, EU:C:2010:488, point 50 et jurisprudence citée).

5.      Or, il y a lieu de constater que la requérante, qui n’a pas allégué de dénaturation des faits, se borne, par son argumentation, à remettre en cause l’appréciation factuelle réalisée par le Tribunal, celui-ci ayant en particulier écarté, au point 35 de l’arrêt attaqué, l’argument de la requérante en vertu duquel une importance particulière devrait être accordée à la similitude phonétique des marques en conflit, dans la mesure où les produits considérés sont le plus souvent commandés dans des endroits bruyants, en estimant qu’il n’était pas de nature à remettre en cause l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit.

6.      Il résulte de ce qui précède que la première branche du moyen unique doit être écartée comme étant manifestement irrecevable.

7.      Par la deuxième branche de son moyen unique, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir considéré que le public pertinent remarquerait plus facilement les différences entre les marques verbales en conflit, eu égard à leur caractère court et dans la mesure où lesdites différences se situent au niveau de la partie initiale des marques. Ainsi, en appliquant en l’espèce ce raisonnement de manière automatique et sans justification, le Tribunal aurait procédé à une analyse erronée de la similitude visuelle et phonétique des marques verbales en cause.

8.      Il apparaît néanmoins que l’argumentation de la requérante repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas dudit arrêt que le Tribunal a établi une règle absolue selon laquelle la partie initiale d’une marque verbale relativement courte serait susceptible de retenir davantage l’attention du public pertinent que sa partie centrale ou finale.

9.      Le Tribunal a, au contraire, suivi un raisonnement circonstancié aux points 25 et 28 à 30 de l’arrêt attaqué pour analyser l’existence de similitudes visuelles et phonétiques entre les marques en conflit, ainsi que l’absence de similitude sur le plan conceptuel. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que le Tribunal a confirmé, au point 32 de l’arrêt attaqué, la conclusion établie par la chambre de recours, selon laquelle les similitudes constatées entre les marques en cause étaient cependant insuffisantes pour contrebalancer la forte différence résultant de leurs initiales, différence que le Tribunal a estimé renforcée en l’espèce par le caractère court desdites marques (points 32 et 33 de l’arrêt attaqué).

10.      Ainsi, par l’ensemble de ses arguments, la requérante cherche à nouveau à remettre en cause les appréciations de nature factuelle du Tribunal dans le cadre de son analyse des similitudes existant entre les marques en conflit et vise à obtenir de la Cour qu’elle substitue sa propre appréciation à celle du Tribunal.

11.      Aucune dénaturation des faits n’étant alléguée par la requérante en l’espèce, il convient dès lors de rejeter la deuxième branche du moyen unique comme étant manifestement irrecevable en vertu de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 4 de la présente position.

12.      Par la troisième branche de son moyen unique, la requérante soutient, en substance, que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en omettant, dans le cadre de son appréciation globale du risque de confusion, de prendre en considération le fait que les signes en cause portent sur des produits identiques.

13.      À cet égard, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C-251/95, EU:C:1997:528, point 22 ; du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 18, et du 22 juin 2000, Marca Mode, C‑425/98, EU:C:2000:339, point 40). Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou services couverts. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 19).

14.      Si l’évaluation desdits facteurs est une question de fait qui échappe au contrôle de la Cour, l’omission de prendre en compte tous ces mêmes facteurs est en revanche constitutive d’une erreur de droit et peut, en tant que telle, être soulevée devant la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance du 22 octobre 2014, Repsol YPF/OHMI, C‑466/13 P, non publiée, EU:C:2014:2331, point 63 et jurisprudence citée).

15.      Il ressort néanmoins de l’arrêt attaqué que, contrairement aux allégations de la requérante, le Tribunal a tenu compte du caractère identique des produits en cause au point 34 dudit arrêt, tout en jugeant, au terme d’une appréciation globale, que cet élément, ainsi que l’impossibilité de procéder à une comparaison conceptuelle des signes en conflit, n’étaient toutefois pas de nature à remettre en cause l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit pour le public pertinent présentant un niveau d’attention moyen.

16.      Il s’ensuit que la requérante est manifestement non fondée à reprocher au Tribunal de ne pas avoir tenu compte, lors de l’appréciation du risque de confusion, du caractère identique des produits en cause.

17.      Quant à l’argument de la requérante selon lequel le caractère identique des produits en cause, combiné aux similitudes visuelles et phonétiques entre les marques en conflit, suffit à l’emporter sur leurs différences et, ainsi à fonder un risque de confusion, force est de constater qu’un tel argument revient à critiquer la portée que le Tribunal a accordée à cet élément dans le cadre de son appréciation globale du risque de confusion. Ce faisant, la requérante cherche, en réalité, à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal et vise à obtenir de la Cour qu’elle substitue sa propre appréciation à celle du Tribunal.

18.      Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 3 de la présente position, l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

19.      Aucune dénaturation des faits n’étant alléguée par la requérante à cet égard, il y a lieu, dans ces conditions, de rejeter la troisième branche du moyen unique comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondée et, par voie de conséquence, de rejeter le pourvoi dans son intégralité. »

7        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

8        En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse et, par conséquent, avant que celle‑ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider qu’Anton Riemerschmid Weinbrennerei und Likörfabrik supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Anton Riemerschmid Weinbrennerei und Likörfabrik GmbH & Co. KG supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.