ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

6 septembre 2018 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII – Droits à pension acquis dans un régime national – Transfert de ces droits vers le régime de pensions de l’Union – Différence de traitement entre fonctionnaires ayant vu le capital représentant leurs droits à pension transféré au régime de l’Union avant et après l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions générales d’exécution »

Dans l’affaire C‑454/17 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 juillet 2017,

Vincent Piessevaux, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me L. Ponteville, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský (rapporteur), président de chambre, MM. D. Šváby et M. Vilaras, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, M. Vincent Piessevaux demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 17 mai 2017, Piessevaux/Conseil (T‑519/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:343), par lequel celui-ci a rejeté le recours tendant à l’annulation de la décision du 7 octobre 2013 de l’autorité investie du pouvoir de nomination du Conseil de l’Union européenne (ci-après l’« AIPN ») fixant définitivement, à la suite du transfert des droits de M. Piessevaux acquis, antérieurement à son entrée en fonctions au service de l’Union européenne, auprès d’organismes de pensions nationaux, le nombre d’annuités à prendre en compte dans le régime de pensions de l’Union.

 Le cadre juridique

 Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne

2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement (CE, Euratom) no 1324/2008 du Conseil, du 18 décembre 2008, adaptant, à partir du 1er juillet 2008, le taux de la contribution au régime de pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes (JO 2008, L 345, p. 17) (ci-après le « statut »), envisage deux types de transfert de droits à pension : d’une part, les transferts vers le régime de pensions de l’Union de droits à pension acquis par un fonctionnaire ou un agent de l’Union dans un ou plusieurs régimes nationaux avant son entrée en fonction (ci‑après les « transferts IN ») et, d’autre part, les transferts de droits à pension depuis le régime de pensions de l’Union vers un régime national de pensions.

3        L’article 77, premier alinéa, du statut prévoit :

« Le fonctionnaire qui a accompli au moins dix années de service a droit à une pension d’ancienneté. [...] »

4        Aux termes de l’article 8 de l’annexe VIII du statut :

« L’équivalent actuarielde la pension d’ancienneté est défini comme étant égal à la valeur en capital de la prestation revenant au fonctionnaire, calculée d’après la table de mortalité mentionnée à l’article 9 de l’annexe XII et sur la base du taux d’intérêt de 3,1 % l’an qui peut être révisé selon les modalités prévues à l’article 10 de l’annexe XII. »

5        Le taux d’intérêt indiqué à l’article 8 de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement n° 1324/2008, s’élevait à 3,5 %.

6        En ce qui concerne les transferts IN, l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut prévoit :

« Le fonctionnaire qui entre au service de l’Union, après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

–        exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, de faire verser [à l’Union] le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension[s] de [l’Union] au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

De cette faculté, le fonctionnaire ne pourra faire usage qu’une seule fois par État membre et par fonds de pension. »

 Les DGE 2011

7        Le 11 octobre 2011, le Conseil a adopté des dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut relatifs au transfert des droits à pension (ci-après les « DGE 2011 »). Ces dispositions ont abrogé les précédentes dispositions générales d’exécution qui avaient été adoptées par une décision du Conseil du 29 avril 2004 (ci-après les « DGE 2004 »).

8        L’article 7 des DGE 2011, figurant sous la section 3 de celles-ci, intitulée « Dispositions relatives à l’article 11, paragraphes 2 et 3 », dispose :

« Pour le calcul des annuités à bonifier en application de l’article 11, paragraphes 2 et 3, de l’annexe VIII du statut :

[...]

2.      Le nombre d’annuités à prendre en compte (PYears) est ensuite calculé :

–        sur la base [notamment] des dernières valeurs des coefficients de conversion (TrCoeffx) prévues à la table de l’annexe I [des DGE 2011]. 

[...] »

9        L’article 9 des DGE 2011, figurant sous la section 4 de celles-ci, intitulée « Dispositions transitoires et finales », prévoit :

« Les [DGE 2011] entrent en vigueur [le 1er décembre 2011].

Elles abrogent et remplacent les [DGE 2004].

Toutefois ces dernières dispositions générales d’exécution restent applicables pour les transferts au titre de l’article 11, paragraphe 1, et de l’article 12 de l’annexe VIII du statut dans les cas où la cessation des fonctions a eu lieu avant le [1er janvier 2009]. Elles restent aussi applicables aux dossiers des agents dont la demande de transfert au titre de l’article 11, paragraphes 2 et 3, de l’annexe VIII du statut a été enregistrée avant le [1er janvier 2009].

Les coefficients de conversion (TrCoeffx) prévus à l’annexe 1 s’appliquent avec effet au [1er janvier 2009]. Ces coefficients de conversion seront nécessairement modifiés par la prise d’effet d’une adaptation du taux d’intérêt indiqué à l’article 8 de l’annexe VIII du statut. »

 La communication no 113/11

10      Le 7 novembre 2011, l’unité « Droits individuels » de la direction générale (DG) « Ressources humaines et administration du personnel » du secrétariat général du Conseil (ci-après l’« unité “Droits individuels” ») a diffusé la communication au personnel no 113/11 (ci‑après la « CP no 113/11 »). Cette dernière prévoit notamment :

« Le transfert IN permet la prise en compte, dans le régime de pensions des institutions de l’Union européenne, des droits à pension acquis dans un ou plusieurs régime(s) national(ux) avant l’entrée en fonction auprès d’une institution ou pendant une période de congé de convenance personnelle ou de détachement.

Conséquences de l’application des coefficients de conversion prévus dans les [DGE 2011] pour le transfert IN

1)      Les coefficients de conversion prévus par les [DGE 2011] s’appliquent avec effet immédiat à toutes les nouvelles demandes de transfert.

2)      Pour ce qui est des demandes déjà introduites, elles seront soumis[es] à un régime transitoire en fonction de l’état dans lequel se trouve le dossier.

Dans les cas suivants, le[s] coefficients de conversion prévus par [les DGE 2004] continueront à être appliqués :

a)      la demande initiale de transfert a été introduite avant le 1er janvier 2009 ;

b)      la demande initiale de transfert a été introduite après le 31 décembre 2008, et le dossier a été clôturé par le transfert du capital par le régime d’origine au régime de pensions de l’Union ;

c)      la demande initiale de transfert a été introduite après le 31 décembre 2008, l’administration a notifié à l’intéressé un projet de décision (“offre de transfert”) sur le nombre des annuités bonifiées dans le régime de pensions de l’Union, et l’intéressé y a donné son consentement avant la date d’entrée en vigueur des [DGE 2011].

Dans tous les autres cas, les coefficients de conversion prévus par les [DGE 2011] seront appliqués aux demandes de transfert déjà introduites. Dans le cas visé au point c) ci-dessus, et si l’intéressé n’a pas donné son consentement avant la date d’entrée en vigueur des [DGE 2011], le projet de décision (“offre de transfert”) sera recalculé sur la base [des] coefficients de conversion prévus par les [DGE 2011]. »

 Les antécédents du litige

11      Le requérant est entré en fonction auprès du secrétariat général du Conseil en qualité de fonctionnaire stagiaire de grade AD 7 au mois de décembre 2009.

12      Le 15 septembre 2010, le requérant a demandé, au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, le transfert des droits à pension qu’il avait acquis antérieurement à son entrée en fonction au service de l’Union auprès de trois organismes belges chargés des pensions, à savoir l’Office national des pensions (ONP), l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants (Inasti) et le Pensioendienst voor de Overheidssector (PDOS, service des pensions du secteur public).

13      Le 29 septembre 2010, le service « Pension » de l’unité « Droits individuels » a transmis cette demande aux organismes nationaux mentionnés au point précédent.

14      Le 19 mai 2011, l’ONP a communiqué au requérant une évaluation des montants en capital qu’il était en mesure de transférer vers le régime de pensions de l’Union, au titre des droits à pension qu’il avait acquis auprès de cet organisme, du PDOS et de l’Inasti.

15      Le 27 juillet 2011, le requérant a introduit une réclamation en vue de contester cette évaluation.

16      Le 4 janvier 2012, le requérant a reçu de l’ONP une nouvelle évaluation des montants transférables de ses droits à pension nationaux qu’il a également contestée le 28 mars 2012.

17      Le 25 mai 2012, le requérant a reçu du PDOS une nouvelle évaluation établie en réponse à sa réclamation qu’il a finalement acceptée.

18      Le 13 novembre 2012, l’ONP a transmis au requérant une proposition contenant une évaluation finale des montants de ses droits à pension nationaux transférables vers le régime de pensions de l’Union, puis, le 7 janvier 2013, cet organisme a transmis à l’AIPN ladite évaluation chiffrée.

19      Par mémorandum du 30 janvier 2013, l’unité « Droits individuels » a soumis au requérant une proposition de bonification d’annuités de ses droits à pension acquis auprès des trois organismes de pension belges (ci-après la « proposition de bonification initiale ») en le priant de marquer son accord sur cette proposition afin de confirmer sa demande de transfert.

20      Par lettre du 26 mars 2013, le requérant a demandé à l’unité « Droits individuels » de revoir la proposition de bonification initiale afin que soit appliqué à sa demande de transfert le taux de conversion prévu par les DGE 2004, au motif que celles-ci étaient applicables ratione temporis lorsque, le 15 septembre 2010, il avait introduit sa demande initiale de transfert de ses droits. Il a ajouté que c’était en raison du retard pris par l’ONP que l’AIPN n’avait pu, avant l’entrée en vigueur des DGE 2011, lui adresser une proposition de bonification.

21      Le 11 juin 2013, l’AIPN a rejeté cette demande en se fondant sur l’article 9 des DGE 2011. Cependant, en raison d’une inexactitude matérielle figurant dans la proposition de bonification initiale, l’unité « Droits individuels » lui a transmis une nouvelle proposition de bonification de ses droits à pension, sur laquelle le requérant a marqué son accord le 1er juillet 2013.

22      Par note du 7 octobre 2013, l’unité « Droits individuels » a transmis au requérant une décision définitive de bonification de ses droits à pension acquis antérieurement au titre des régimes belges gérés par l’ONP, le PDOS et l’Inasti (ci-après la « décision du 7 octobre 2013 »).

23      Le 6 janvier 2014, le requérant a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision du 7 octobre 2013, réclamation qui a été rejetée par décision de l’AIPN du 26 mai 2014.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 5 septembre 2014 et enregistrée sous le numéro F‑91/14, le requérant, ensemble avec un autre fonctionnaire du Conseil, a introduit un recours tendant, en ce qu’il le concerne, à l’annulation de la décision du 7 octobre 2013.

25      Par décision du 25 avril 2016, le Tribunal de la fonction publique a dissocié le cas du requérant de celui de l’autre fonctionnaire. Le recours du requérant a alors été enregistré sous le numéro F‑91/14 DISS.

26      À la suite de la suppression du Tribunal de la fonction publique, l’affaire F‑91/14 DISS a été transférée, le 31 août 2016, au greffe du Tribunal et enregistrée sous le numéro T‑519/16.

27      Devant le Tribunal, le requérant a soulevé trois moyens tirés, premièrement, d’une erreur de droit dans l’application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, deuxièmement, d’une application rétroactive illégale du coefficient de conversion prévu par les DGE 2011 pour les transferts IN, troisièmement, de l’illégalité, par voie d’exception, de la CP no 113/11 et des DGE 2011 en raison d’une violation du principe d’égalité de traitement.

28      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours comme étant non fondé et a condamné le requérant aux dépens.

29      S’agissant du premier moyen, aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, si l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut ne prévoit pas la prise en compte du taux d’intérêt visé à l’article 8 de cette annexe, de telle sorte que la modification de ce taux, à laquelle a procédé le règlement no 1324/2008, n’entraînait pas ipso jure l’obligation pour l’AIPN de modifier les DGE 2004, il n’en demeure pas moins que l’AIPN pouvait décider de tenir compte de cette modification afin d’assurer l’équilibre actuariel du régime de pensions de l’Union et procéder, en conséquence, à l’adoption de nouvelles dispositions générales d’exécution.

30      Pour ce qui est du deuxième moyen, le Tribunal l’a écarté au motif que l’application rétroactive du coefficient de conversion prévu par les DGE 2011 à la demande de transfert IN des droits à pension du requérant n’était pas illégale. En effet, tant que le capital représentant les droits à pension obtenus par le requérant dans les régimes nationaux de pensions n’avait pas été transféré vers le régime de pensions de l’Union, celui-ci n’aurait disposé d’aucun droit acquis.

31      À cet égard, le Tribunal a indiqué, au point 53 de l’arrêt attaqué, que, « [d]ans la mesure où ni une proposition de bonification d’annuités, transmise à un fonctionnaire ou agent par son institution à la suite d’une demande de transfert au régime de pensions de l’Union des droits à pension qu’il avait acquis dans le cadre d’un autre régime [...], ni a fortiori la simple introduction d’une telle demande [...] ne produisent d’effets juridiques obligatoires, [...] aussi longtemps que le transfert demandé n’aura pas été effectué par l’organisme national chargé des pensions, il serait question, dans une telle hypothèse, d’une “situation à naître” ou, tout au plus, d’une “situation née sans être cependant entièrement constituée” ».

32      En ce qui concerne le troisième moyen, le Tribunal a examiné, en premier lieu, aux points 57 à 72 de l’arrêt attaqué, l’exception d’illégalité visant la CP no 113/11, tirée de ce que cette dernière avait instauré, à son point 2, sous b) et c), des différences de traitement injustifiées.

33      Pour ce qui est du point 2, sous b), de la CP no 113/11, le Tribunal a jugé, au point 63 de l’arrêt attaqué, « s’agissant des demandes de transfert de droits à pension introduites à partir du 1er janvier 2009, mais qui avaient été traitées et clôturées par des décisions de l’AIPN à la date d’adoption des DGE 2011, à savoir celles faisant l’objet de la première dérogation à l’article 9 [de celles-ci], que c’est à juste titre, au regard de la protection de la confiance légitime et des droits acquis des intéressés, que l’AIPN a décidé, à titre dérogatoire au régime transitoire de l’article 9 des DGE 2011, que ces demandes restaient régies par le taux de conversion prévu dans les DGE 2004 et que, partant, elle n’envisageait pas de retirer de telles décisions devenues définitives ».

34      Quant au point 2, sous c), de la CP no 113/11, qui vise la situation faisant l’objet de la seconde dérogation à l’article 9 des DGE 2011, à savoir la situation dans laquelle, en lien avec une demande de transfert introduite postérieurement au 31 décembre 2008, « l’administration a notifié à l’intéressé un projet de décision (“offre de transfert”) sur le nombre des annuités bonifiées dans le régime de pensions de l’Union et l’intéressé y a donné son consentement avant l’entrée en vigueur des nouvelles DGE [2011] », le Tribunal a, tout d’abord, relevé, au point 68 de l’arrêt attaqué, que « le critère retenu [par cette disposition], dépendant de la question de savoir si l’intéressé avait, avant l’entrée en vigueur des DGE 2011, marqué son accord sur une proposition de bonification d’annuités faite par l’AIPN, [celui-ci] constitue un critère objectif applicable à une catégorie de fonctionnaires et agents distincte de [...] celle des agents ayant déposé une demande à partir du 1er janvier 2009, mais qui, d’une part, n’avaient pas encore, à la date d’entrée en vigueur des DGE 2011, à savoir le 1er décembre 2011, reçu de l’AIPN de proposition de bonification [...] et, d’autre part, n’avaient nécessairement pas pu marquer leur accord sur une telle proposition ».

35      Ensuite, au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que « l’accord donné par l’intéressé à une telle proposition de bonification [a constitué] une confirmation irrévocable de sa volonté de transférer ses droits à pension vers le régime de pensions de l’Union et [obligeait], subséquemment, l’organisme national chargé de ces droits à procéder dans un délai raisonnable au transfert du capital représentant ces droits vers ledit régime de pensions de l’Union ».

36      Il en a déduit, au point 70 de cet arrêt, que, « dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation en la matière, l’AIPN pouvait [...] assimiler, de manière anticipée, une telle situation à celle des fonctionnaires et agents ayant demandé le transfert de leurs droits à pension nationaux et dont le capital avait déjà été transféré au régime de pensions de l’Union à la date d’entrée en vigueur des DGE 2011 ».

37      Enfin, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté ce qui suit :

« En l’espèce, il est constant que la proposition de bonification initiale et la proposition de bonification acceptée sont intervenues postérieurement à l’entrée en vigueur des DGE 2011. Or, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne saurait être imputé à l’AIPN un retard dans l’établissement de la proposition de bonification initiale, tant il est constant que c’est en raison de l’exercice, par le requérant, de son droit de contester, au titre du droit national, l’évaluation chiffrée établie initialement par l’ONP que les chiffres définitifs n’ont pu être transmis par cet organisme à l’AIPN qu’en janvier 2013, ce qui, subséquemment, n’a pas permis à l’AIPN de formuler sa proposition initiale avant cette date, avec pour conséquence l’impossibilité pour le requérant de se prévaloir [du point 2, sous c), de la CP no 113/11] ».

38      En second lieu, le Tribunal a examiné, aux points 73 à 101 de l’arrêt attaqué, l’exception d’illégalité visant l’article 9, troisième alinéa, seconde phrase, des DGE 2011. À cet égard, aux points 73 à 81 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que cette exception devait être comprise comme étant tirée de ce que, en méconnaissance des principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime, l’AIPN se serait illégalement référée, dans cette disposition, à la date d’introduction de la demande de transfert des droits à pension comme critère d’application ratione temporis des DGE 2011.

39      S’agissant du bien-fondé de ladite exception, le Tribunal a jugé, au point 82 de l’arrêt attaqué, tout d’abord, que « l’AIPN pouvait, postérieurement à l’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008, décider de modifier les DGE 2004 afin de répercuter le nouveau taux d’intérêt dans le calcul du taux de conversion, notamment parce que la prise en considération de ce taux d’intérêt aux fins de la fixation de coefficients de conversion pour l’application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut pourrait paraître logique, voire nécessaire, pour assurer l’équilibre actuariel du régime de pensions de l’Union [...] et, ainsi que cela a été prévu dans les DGE 2011, décider que ces nouvelles dispositions générales d’exécution seraient d’application à partir du 1er janvier 2009, date d’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008 ».

40      Ensuite, le Tribunal a examiné la dérogation à cette date de prise d’effet, énoncée à l’article 9, troisième alinéa, seconde phrase, des DGE 2011, en faveur des fonctionnaires et agents ayant introduit leurs demandes de transfert avant le 1er janvier 2009.

41      À cet égard, le Tribunal a considéré, au point 86 de l’arrêt attaqué, que « l’AIPN pouvait valablement décider, au titre des dispositions transitoires de l’article 9 des DGE 2011, que, afin d’éviter une modification inattendue des modalités de liquidation des pensions, les demandes introduites sous l’empire des DGE 2004, mais avant la date d’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008, […] pou[vaient] continuer d’être traitées selon les DGE 2004 ».

42      Après avoir rappelé l’objectif poursuivi par ladite dérogation, le Tribunal a examiné, à partir du point 87 de l’arrêt attaqué, si, en substance, la situation des fonctionnaires ayant présenté une demande de transfert avant la date d’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008 et celle des fonctionnaires ayant introduit pareille demande postérieurement à cette date sont comparables au regard du principe de protection de la confiance légitime.

43      Au point 94 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, « à la date d’introduction par le requérant de sa demande de transfert de droits à pension, l’AIPN avait déjà manifesté son intention [...] de modifier les DGE 2004 afin de prendre dûment en compte le taux d’intérêt ayant été modifié par le règlement no 1324/2008 et qui avait été utilisé dans le calcul du taux de conversion prévu dans les DGE 2004 ». Il en a déduit, au point 97 de cet arrêt, que, « contrairement à ce que soutient le requérant, les fonctionnaires et agents ayant introduit leurs demandes de transfert de droits à pension postérieurement à la date du 1er janvier 2009 ou à tout le moins à la date à laquelle le requérant lui-même a introduit sa propre demande ne pouvaient pas escompter une application inconditionnelle du taux de conversion prévu dans les DGE 2004 et ne pouvaient donc pas fonder une confiance légitime dans l’application de celles-ci à leurs demandes ».

44      Le Tribunal en a conclu, au point 98 dudit arrêt, que, « s’agissant des fonctionnaires et agents ayant présenté de telles demandes avant le 1er janvier 2009, [...] ceux-ci [...] n’étaient pas dans une situation analogue à celle des fonctionnaires tels que le requérant, puisque, antérieurement à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2009, du règlement no 1324/2008, rien ne présageait qu’il serait envisagé, voire nécessaire, de modifier le taux d’intérêt entrant, selon le choix de l’AIPN, dans la formule de calcul des taux de conversion prévus dans les DGE 2004 ».

45      Enfin, au point 99 du même arrêt, le Tribunal a exposé les raisons pour lesquelles l’arrêt du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes (T‑121/97, EU:T:1998:232), invoqué par le requérant dans son recours, était sans pertinence en l’espèce :

« D’une part, l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt ne mettait pas en cause des dispositions statutaires. D’autre part, la situation propre à ce cas d’espèce était caractérisée par une absence de motivation, par l’institution défenderesse, des raisons l’ayant conduite à distinguer, en vue du montant de leurs pensions, les situations d’anciens membres de ladite institution selon la date à laquelle ils avaient cessé leurs activités auprès de l’institution. Or, cette hypothèse ne présente pas d’analogie avec le cas d’espèce dans la présente affaire. »

46      Par voie de conséquence, au point 100 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu au rejet de l’exception d’illégalité visant l’article 9, troisième alinéa, des DGE 2011.

 Les conclusions des parties

47      Le requérant conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de lui allouer le bénéfice des conclusions qu’il a présentées devant le Tribunal, et

–        de condamner le Conseil aux dépens.

48      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner le requérant aux dépens.

 Sur le pourvoi

49      Au soutien de son pourvoi, le requérant soulève deux moyens. Le premier, divisé en trois branches, est dirigé contre le raisonnement ayant conduit le Tribunal à rejeter, dans le cadre de l’examen du troisième moyen d’annulation, l’exception d’illégalité visant la CP no 113/11. Le second de ces moyens, divisé également en trois branches, est dirigé contre le raisonnement par lequel le Tribunal a rejeté, à l’occasion de l’examen du troisième moyen d’annulation, l’exception d’illégalité dirigée contre l’article 9, paragraphe 3, des DGE 2011.

50      Il convient de préciser qu’aucun des deux moyens du pourvoi ne vise à remettre en cause le raisonnement du Tribunal par lequel celui-ci a rejeté, dans le cadre de l’examen du deuxième moyen d’annulation, les arguments du requérant visant à contester la possibilité, pour le Conseil, d’assortir l’adoption des DGE 2011 d’un effet rétroactif.

 Sur le premier moyen

 Sur la première branche

51      Le requérant allègue que l’arrêt attaqué est insuffisamment motivé dans la mesure où le Tribunal n’a pas explicité, au point 68 de celui-ci, les motifs pour lesquels le critère retenu au point 2, sous c), de la CP no 113/11 pour justifier que certains fonctionnaires continuent de bénéficier des DGE 2004 doit être considéré comme objectif.

52      À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et que la motivation peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 7 juin 2018, Equipolymers e.a./Conseil, C‑363/17 P, non publié, EU:C:2018:402, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

53      En l’espèce, il y a lieu de relever que le critère retenu au point 2, sous c), de la CP no 113/11 consiste dans le fait, pour le fonctionnaire ou l’agent concerné, d’avoir accepté la proposition de bonification lui ayant été adressée par l’AIPN avant la date d’entrée en vigueur des DGE 2011

54      Un tel critère est destiné à opérer une distinction au sein de la catégorie des fonctionnaires ou des agents ayant introduit une demande de transfert IN en fonction de l’état d’avancement dans lequel se trouve la procédure de traitement de leur demande. Il s’applique directement à tous les intéressés et sa mise en œuvre se limite à déterminer le fait objectif que ces derniers ont marqué leur accord à la proposition de l’AIPN avant la date d’entrée en vigueur des DGE 2011.

55      Par conséquent, un tel critère est, à l’évidence, objectif, de sorte que le Tribunal pouvait, sans violer l’obligation de motivation, se limiter à constater son caractère objectif.

56      Dès lors, il y a lieu d’écarter la première branche comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche

57      Le requérant soutient que le Tribunal a méconnu l’article 77 du statut ainsi que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de ce dernier. En effet, dès lors que ces dispositions poseraient un droit à bénéficier d’une pension calculée correctement, il en découlerait, en substance, un droit, pour les fonctionnaires ou les agents concernés, en cas d’annulation par les juridictions nationales compétentes de l’évaluation chiffrée ayant été établie par l’organisme national de pensions concerné, de bénéficier des dispositions juridiques qui leur auraient été applicables si cette évaluation avait été correctement établie ab initio. Par conséquent, contrairement au raisonnement tenu par le Tribunal au point 71 de l’arrêt attaqué, il ne serait pas possible de tirer argument de ce que le requérant avait exercé son droit de contester, au titre du droit national, l’évaluation chiffrée établie initialement par l’organisme national de pensions considéré pour justifier que les DGE 2011 lui aient été appliquées.

58      À cet égard, il incombe, certes, aux États membres, afin de permettre à l’article 77 du statut ainsi qu’à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de celui-ci de déployer tous leurs effets, de prévoir des voies de recours visant à sauvegarder les droits que les fonctionnaires et les agents concernés tirent de ces dispositions.

59      Toutefois, il ne saurait être déduit desdites dispositions que l’AIPN doit être tenue pour responsable de la tardiveté avec laquelle un organisme de pensions national lui a transmis les informations nécessaires à l’établissement d’une proposition de bonification et, par suite, est dans l’obligation d’effacer spontanément toutes les conséquences qui découlent du comportement fautif dudit organisme national.

60      Par conséquent, aucune violation de l’article 77 du statut ni de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de celui-ci ne saurait être constatée.

61      La deuxième branche doit, dès lors, être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche

62      Le requérant affirme que l’arrêt attaqué est entaché d’une contradiction de motifs. En effet, au point 53 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait estimé en substance que, aussi longtemps que le capital actualisé des droits à pension acquis par un fonctionnaire dans un régime national de pensions n’a pas été transféré au régime de pensions de l’Union, l’intéressé n’a aucun droit à bénéficier d’une bonification d’annuité précise. Par conséquent, le Tribunal ne pouvait affirmer, au point 69 dudit arrêt, sans se contredire, que l’accord donné par un fonctionnaire à la proposition de bonification fait naître une situation définitive, et encore moins considérer, au point 70 dudit arrêt, que l’AIPN peut traiter de manière identique un fonctionnaire ayant donné son accord à une telle proposition et un fonctionnaire dont le capital a déjà été transféré, car le pouvoir d’appréciation dont dispose l’AIPN ne pourrait pas, en tout état de cause, justifier une distinction arbitraire ou manifestement inadéquate.

63      À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que, au point 53 de l’arrêt attaqué, dont le bien-fondé n’est pas contesté par le requérant, le Tribunal a rappelé que, dans son arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji (T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 153), il avait jugé que, « aussi longtemps que le transfert [du capital représentant le capital actualisé des droits à pension acquis dans un régime national de pensions] n’a pas encore été effectué, il est question, dans une telle hypothèse, d’une “situation à naître” ou, tout au plus, d’une “situation née sans être cependant entièrement constituée” ».

64      Ensuite, au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que l’accord donné par un fonctionnaire ou un agent à une proposition de bonification d’annuité « constitue une confirmation irrévocable de sa volonté de transférer ses droits à pension vers le régime de pensions de l’Union et oblige, subséquemment, l’organisme national chargé de ces droits à procéder dans un délai raisonnable au transfert du capital représentant ces droits vers ledit régime de pensions de l’Union ».

65      Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue le requérant, le Tribunal n’a affirmé, ni au point 69 ni au point 70 de l’arrêt attaqué, qu’une proposition de bonification communiquée à un fonctionnaire ou à un agent ayant demandé le transfert de ses droits à pension acquis dans un système national fait naître une situation définitive.

66      Les considérations énoncées dans l’arrêt attaqué, telles que rappelées aux points 64 et 65 du présent arrêt, mettent au contraire en évidence que le Tribunal est parvenu à la conclusion que les fonctionnaires ayant déjà accepté la proposition de bonification qui leur a été faite, mais dont le capital actualisé n’a pas encore été transféré ne se trouvent pas dans une situation identique à celle des fonctionnaires dont ledit capital a déjà été transféré.

67      Toutefois, étant donné que, ainsi qu’il ressort du point 69 de l’arrêt attaqué, l’acceptation d’une proposition de bonification par un fonctionnaire constitue, pour le Tribunal, une « confirmation irrévocable de sa volonté » de procéder au transfert du capital représentant ses droits à pension, la situation « à naître » ou « née », mais non encore « entièrement constituée », dans laquelle l’intéressé se trouve du fait de son acceptation, est appelée à évoluer et à se transformer nécessairement en une situation définitivement et entièrement constituée lorsqu’intervient le transfert à proprement parler.

68      Il s’ensuit que, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont, selon le Tribunal, elle dispose, l’AIPN pouvait, ainsi que cette juridiction l’a rappelé à bon droit au point 70 de l’arrêt attaqué, assimiler, « de manière anticipée », la situation des fonctionnaires et des agents ayant irrévocablement accepté la proposition de bonification qui leur a été faite à celle des fonctionnaires dont le capital a déjà été transféré. Il n’existe donc aucune contradiction entre, d’une part, le point 53 de l’arrêt attaqué et, d’autre part, les points 69 et 70 de cet arrêt.

69      Par ailleurs, contrairement à ce qu’allègue le requérant, l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’AIPN dans le sens indiqué au point précédent ne saurait être qualifié d’arbitraire ou de manifestement inadéquat.

70      Par voie de conséquence, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

71      Aucune des trois branches du premier moyen n’ayant été accueillie, celui-ci doit être rejeté intégralement.

 Sur le second moyen

 Sur la première branche

72      Le requérant soutient que le Tribunal a dénaturé son argumentation, car, contrairement à ce que ce dernier a indiqué dans sa requête de première instance, il ne s’est jamais prévalu, au soutien de l’exception d’illégalité dirigée contre l’article 9, troisième alinéa, seconde phrase, des DGE 2011, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, mais a uniquement invoqué une violation du principe d’égalité de traitement.

73      À cet égard, il ressort du point 81 de l’arrêt attaqué que, si le Tribunal a relevé que, dans la requête, le requérant n’avait formellement évoqué une violation du principe de protection de la confiance légitime qu’en lien avec le deuxième et non avec le troisième moyen de son recours, il a néanmoins considéré que les développements de ladite requête consacrés à ce troisième moyen concernaient également ce principe.

74      Par ailleurs, il ressort des points 82 et suivants de l’arrêt attaqué que le Tribunal a recouru au principe de protection de la confiance légitime dans le seul cadre de son analyse visant à déterminer si l’AIPN avait méconnu le principe d’égalité de traitement, tel qu’invoqué par le requérant dans sa requête.

75      Or, un tel recours, non autonome, au principe de protection de la confiance légitime ne saurait être qualifié de dénaturation de l’argumentation du requérant.

76      Par conséquent, cette première branche doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche

77      Le requérant affirme que l’arrêt attaqué est entaché d’une insuffisance de motivation, car le Tribunal n’a pas exposé les motifs l’ayant conduit à écarter, au point 100 de l’arrêt attaqué, l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 9, troisième alinéa, seconde phrase, des DGE 2011, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement. D’ailleurs, les termes « principe d’égalité de traitement » ne seraient mentionnés que deux fois, à savoir au point 73 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal aurait présenté de manière incorrecte son argumentation, et au point 100, où l’analyse du Tribunal a abouti au rejet de celle-ci.

78      À cet égard, il convient de rappeler que l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement suppose que deux catégories de personnes dont les situations juridiques et factuelles ne présentent pas de différences essentielles se voient appliquer un traitement différent ou que des situations différentes soient traitées de manière identique, sans qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 23).

79      Or, selon une jurisprudence constante, pour pouvoir déterminer s’il y a ou non une telle violation dudit principe, il convient notamment de s’en remettre à l’objet et au but poursuivi par la disposition dont il est allégué qu’elle le violerait (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2017, RPO, C‑390/15, EU:C:2017:174, point 42).

80      Il s’ensuit que, pour motiver à suffisance de droit le rejet de l’argumentation exposée par le requérant en vue d’établir l’existence d’une violation, par l’article 9, troisième alinéa, seconde phrase, des DGE 2011, du principe d’égalité de traitement, il appartenait au Tribunal d’indiquer quels étaient l’objet et le but poursuivis par cette disposition, puis de préciser les raisons pour lesquelles, au regard de cet objet et de ce but, les situations auxquelles se référait le requérant ne pouvaient être considérées comme comparables ou, à défaut, d’indiquer les motifs justifiant un traitement différent de ces situations.

81      À cet égard, dans la mesure où l’article 9, troisième alinéa, seconde phrase, des DGE 2011 institue une dérogation à l’application rétroactive des nouveaux coefficients de conversion, le Tribunal s’est attaché, à titre liminaire, à préciser, aux points 82 et 83 de l’arrêt attaqué, l’objectif justifiant cette application rétroactive, puis a exposé, aux points 86 et 87 de cet arrêt, l’objectif spécifique poursuivi par ladite disposition dérogatoire. Enfin, le Tribunal a conclu, au point 98 dudit arrêt, que, au regard d’un tel objectif spécifique, la situation des fonctionnaires et des agents ayant introduit une demande de transfert IN avant le 1er janvier 2009 et celle des fonctionnaires et des agents ayant introduit une telle demande à compter de cette date n’étaient pas comparables.

82      Il s’ensuit que le Tribunal a suffisamment exposé les motifs pour lesquels il a écarté l’exception d’illégalité dirigée contre l’article 9, troisième alinéa, seconde phrase, des DGE 2011, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement.

83      Par conséquent, il convient de rejeter la deuxième branche du second moyen comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche

84      La troisième branche du second moyen, formellement présentée comme étant tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement, se compose de quatre griefs.

85      Par son premier grief, le requérant allègue que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a justifié, aux points 82 et suivants de l’arrêt attaqué, la différence de traitement ayant résulté de la modification, avec effet rétroactif, du coefficient de conversion applicable aux transferts IN, par la référence à la date d’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008. En effet, ce même Tribunal aurait jugé, dans son arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji (T‑104/14 P, EU:T:2015:776), que, si ce règlement avait modifié plusieurs taux prévus dans le statut, il n’avait eu en revanche aucune incidence sur le coefficient de conversion applicable au transfert IN.

86      Ce grief, qui repose sur la prémisse que le Tribunal a jugé, dans son arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji (T‑104/14 P, EU:T:2015:776), que l’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008 n’avait eu aucune incidence sur le coefficient de conversion applicable à un transfert IN, repose toutefois sur une lecture erronée dudit arrêt.

87      En effet, le Tribunal n’a, dans cet arrêt, nullement exclu que l’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008 puisse avoir une incidence sur ledit coefficient. Bien au contraire, il a admis l’existence d’une telle incidence, puisque, au point 148 dudit arrêt, il a considéré que, à la suite de cette entrée en vigueur, la modification de ce coefficient « pourrait paraître logique, voire nécessaire, pour assurer l’équilibre actuariel du régime des pensions de l’Union ».

88      Dans ces conditions, le Tribunal pouvait considérer, sans contredire sa propre jurisprudence résultant de l’arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji (T‑104/14 P, EU:T:2015:776), dont les enseignements ne sont pas contestés par le requérant, et, ainsi, sans entacher, pour ce seul motif, sa décision d’une erreur de droit, que l’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008 justifiait la modification rétroactive du coefficient de conversion applicable aux transferts IN.

89      Dès lors, le premier grief doit être rejeté comme étant non fondé.

90      Par son deuxième grief, le requérant soutient que l’identification opérée par le Tribunal, au point 86 de l’arrêt attaqué, de l’objectif poursuivi par la dérogation établie à l’article 9, troisième alinéa, seconde phrase, des DGE 2011 est entachée d’une erreur de droit. En effet, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, les DGE 2011 concerneraient non pas les modalités de liquidation des pensions acquises, mais la détermination du nombre d’annuités à bonifier dans le régime de pensions de l’Union pour les fonctionnaires qui font transférer leurs droits à pension.

91      En tout état de cause, la poursuite d’un tel objectif n’aurait pas été justifiée. En effet, selon le requérant, dès lors qu’il n’existerait aucun lien d’automaticité entre la révision du taux d’intérêt prévu à l’article 8 de l’annexe VIII du statut et la modification du coefficient de conversion applicable en cas de transfert IN, les modifications apportées par les DGE 2011 auraient été tout aussi inattendues pour les fonctionnaires et les agents ayant introduit leur demande avant la date de prise d’effet de l’article 2 du règlement no 1324/2008, c’est-à-dire avant le 1er janvier 2009, que pour ceux l’ayant introduite à compter de cette date. En outre, cette modification aurait été d’autant plus imprévisible pour les fonctionnaires et les agents appartenant à ce dernier groupe que pas même les organisations syndicales ne pouvaient en prévoir la survenance et que, lors de sa précédente modification, le coefficient de conversion nouvellement adopté n’avait pas été appliqué rétroactivement.

92      À cet égard, s’agissant, tout d’abord, de l’argument tiré du caractère prétendument inattendu de la modification des coefficients de conversion, celui-ci doit être écarté comme étant irrecevable, les constatations opérées à ce sujet par le Tribunal au point 86 de l’arrêt attaqué relevant du cadre factuel dont l’appréciation, selon une jurisprudence constante, échappe au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi, sauf en cas de dénaturation des faits et des éléments de preuve, non alléguée en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2017, Panrico/EUIPO, C‑655/15 P, non publié, EU:C:2017:155, point 67).

93      Concernant, ensuite, l’argument relatif à une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, dont témoignerait la référence, au point 86 de l’arrêt attaqué, à la « liquidation des pensions », il est vrai que l’article 9, troisième alinéa, seconde phrase, des DGE 2011 concerne non pas la liquidation des pensions, telle que visée par l’arrêt du 29 novembre 2006, Campoli/Commission (T‑135/05, EU:T:2006:366), cité au point 85 de l’arrêt attaqué, mais les modalités d’application dans le temps des coefficients de conversion applicables aux transferts IN.

94      Toutefois, il ressort d’une lecture d’ensemble des points 86 et 87 de l’arrêt attaqué que, malgré la référence incorrecte à une « modification inattendue des modalités de liquidation des pensions », le Tribunal a, en substance, considéré que l’article 9, troisième alinéa, seconde phrase, des DGE 2011 visait la protection de la confiance légitime des fonctionnaires ayant introduit des demandes de transferts IN sous l’empire des DGE 2004 et avant la date d’entrée en vigueur du règlement no 1324/2008. Ayant ainsi identifié l’objectif poursuivi par cette disposition, le Tribunal a procédé, à juste titre, à l’examen du caractère comparable des situations en cause au regard de cet objectif et a justifié sa conclusion au regard de celui-ci.

95      Dès lors, l’allégation relative à l’existence d’une erreur de droit doit être écartée comme étant non fondée.

96      Dans ces conditions, le deuxième grief doit être rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

97      Par son troisième grief, le requérant reproche au Tribunal d’avoir commis une omission à statuer. En effet, cette juridiction n’aurait pas répondu à l’argument selon lequel les fonctionnaires ayant introduit une demande de transfert antérieurement au 1er janvier 2009 et ceux l’ayant introduite postérieurement à cette date se trouvaient dans une situation identique, à savoir une situation non entièrement constituée sous l’empire des DGE 2004.

98      À cet égard, il suffit de relever que, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, le Tribunal n’a pas omis de répondre audit argument. En effet, au point 98 de l’arrêt attaqué, il a constaté que les « fonctionnaires et agents ayant présenté [leurs] demandes [de transfert IN] avant le 1er janvier 2009 [...] n’étaient pas dans une situation analogue à celle des fonctionnaires tels que le requérant, puisque, antérieurement à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2009, du règlement no 1324/2008, rien ne présageait qu’il serait envisagé, voire nécessaire, de modifier le taux d’intérêt entrant, selon le choix de l’AIPN, dans la formule de calcul des taux de conversion prévus dans les DGE 2004 ».

99      Par suite, le troisième grief doit être rejeté comme étant non fondé.

100    Par son quatrième et dernier grief, le requérant allègue que, en ayant considéré, au point 99 de l’arrêt attaqué, que la solution dégagée dans l’arrêt du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes (T‑121/97, EU:T:1998:232), était dénuée de pertinence, le Tribunal a méconnu la portée de cet arrêt. En effet, s’il est vrai que ce dernier arrêt a concerné la situation d’un membre de la Cour des comptes de l’Union européenne, les considérations qui y figurent seraient néanmoins transposables à la situation d’un fonctionnaire.

101    À cet égard, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes (T‑121/97, EU:T:1998:232), peut, certes, être considérée comme présentant une certaine similitude avec la présente affaire, dans la mesure où le Tribunal y a fait également application du principe d’égalité de traitement.

102    Toutefois, il convient de faire observer que, au point 89 de cet arrêt, auquel se réfère spécifiquement le requérant, le Tribunal a constaté, après avoir relevé que des situations comparables avaient été traitées différemment, que cette différence de traitement ne pouvait être considérée comme justifiée au regard du motif avancé, ce dernier n’étant pas de nature à expliquer cette différence.

103    Or, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 78 du présent arrêt, pour rejeter un grief tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, l’examen d’une justification, y compris celui du caractère pertinent de cette dernière, ne s’avère nécessaire que s’il a été préalablement constaté que des situations comparables ont été traitées de manière différente ou que des situations différentes ont été traitées de manière identique.

104    Étant donné que, contrairement à l’arrêt du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes (T‑121/97, EU:T:1998:232), le Tribunal a constaté, au point 98 de l’arrêt attaqué, qu’il n’existait en l’espèce ni traitement différent de situations analogues ni traitement identique de situations différentes, les considérations faites par le Tribunal au point 89 du premier arrêt n’étaient pas transposables à la solution de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt attaqué.

105    C’est donc à juste titre que le Tribunal a considéré que la solution dégagée dans l’arrêt du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes (T‑121/97, EU:T:1998:232), était dénuée de pertinence.

106    Par conséquent, le quatrième grief et, par suite, la troisième branche du second moyen ne sauraient prospérer.

107    Il s’ensuit que le second moyen pris en ses deux branches doit être écarté.

108    Aucun des deux moyens du pourvoi n’ayant été accueilli, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

109    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi, en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

110    Le Conseil ayant conclu à la condamnation du requérant et ce dernier ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens et ceux exposés par le Conseil.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Vincent Piessevaux supporte ses propres dépens et ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.


Malenovský

Šváby

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2018.

Le greffier

Le président de la VIIIème chambre

A. Calot Escobar

 

J. Malenovský



*      Langue de procédure : le français.