ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

14 février 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Médicaments à usage humain – Directive 2001/83/CE – Article 11 – Médicaments génériques – Résumé des caractéristiques du produit – Exclusion de références renvoyant à des indications ou à des formes de dosage encore protégées par le droit des brevets au moment où le médicament générique a été mis sur le marché »

Dans l’affaire C‑423/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Gerechtshof Den Haag (cour d’appel de La Haye, Pays-Bas), par décision du 4 juillet 2017, parvenue à la Cour le 13 juillet 2017, dans la procédure

Staat der Nederlanden

contre

Warner-Lambert Company LLC,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. C. G. Fernlund (rapporteur) et S. Rodin, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juin 2018,

considérant les observations présentées :

pour Warner-Lambert Company LLC, par Me C. Schoonderbeek, avocate, ainsi que par Mes S. Dack, J.A. Dullaart et P. van Schijndel, advocaten,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Gijzen et M. K. Bulterman, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. E. Manhaeve et A. Sipos, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 4 octobre 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11 et de l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2012/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012 (JO 2012, L 299, p. 1) (ci-après la « directive 2001/83 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Staat der Nederlanden (État néerlandais) à Warner-Lambert Company LLC (ci-après « WLC ») au sujet de la publication d’informations relatives à des usages brevetés d’un médicament de référence lors de la procédure décentralisée d’autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM »), prévue à l’article 28 de la directive 2001/83, d’un médicament générique.

Le cadre juridique

La directive 2001/83

3

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83 prévoit :

« Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’’un État membre sans qu’une [AMM] ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à la présente directive, ou qu’une autorisation ait été délivrée conformément aux dispositions du règlement (CE) no 726/2004 [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1),] [...]

Lorsqu’un médicament a obtenu une première [AMM] conformément au premier alinéa, tout dosage, forme pharmaceutique, voie d’administration et présentation supplémentaires, ainsi que toute modification et extension, doivent également obtenir une autorisation conformément au premier alinéa ou être inclus dans l’[AMM] initiale. Toutes ces [AMM] sont considérées comme faisant partie d’une même autorisation globale, notamment aux fins de l’application de l’article 10, paragraphe 1. »

4

L’article 8, paragraphe 3, sous i) et j), de cette directive est libellé comme suit :

« À la demande doivent être joints les renseignements et les documents suivants, présentés conformément à l’annexe I :

[...]

i)

résultat des essais :

pharmaceutiques (physico-chimiques, biologiques ou microbiologiques),

précliniques (toxicologiques et pharmacologiques),

cliniques ;

[...]

j)

un résumé des caractéristiques du produit, conformément à l’article 11, une maquette de l’emballage extérieur comportant les mentions prévues à l’article 54 et du conditionnement primaire du médicament comportant les mentions prévues à l’article 55 ainsi que la notice conformément à l’article 59 ».

5

Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, de ladite directive :

« Par dérogation à l’article 8, paragraphe 3, point i), et sans préjudice de la législation relative à la protection de la propriété industrielle et commerciale, le demandeur n’est pas tenu de fournir les résultats des essais précliniques et cliniques s’il peut démontrer que le médicament est un générique d’un médicament de référence qui est ou a été autorisé au sens de l’article 6 depuis au moins huit ans dans un État membre ou dans la Communauté.

Un médicament générique autorisé en vertu de la présente disposition ne peut être commercialisé avant le terme de la période de dix ans suivant l’autorisation initiale du médicament de référence.

Le premier alinéa est aussi applicable lorsque le médicament de référence n’a pas été autorisé dans l’État membre où la demande concernant le médicament générique est déposée. Dans un tel cas, le demandeur mentionne dans la demande l’État membre où le médicament de référence est ou a été autorisé. À la demande de l’autorité compétente de l’État membre où la demande est déposée, l’autorité compétente de l’autre État membre lui fait parvenir, dans un délai d’un mois, une confirmation que le médicament de référence est ou a été autorisé, accompagnée de sa composition complète et, le cas échéant, de toute autre documentation pertinente.

[...] »

6

L’article 10, paragraphe 2, de la directive 2001/83 définit la notion de « médicament générique » comme un médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en substances actives et la même forme pharmaceutique que le médicament de référence et dont la bioéquivalence avec le médicament de référence a été démontrée.

7

L’article 11, premier alinéa, de cette directive énumère les renseignements dont la connaissance est nécessaire à une bonne administration du médicament et qui doivent figurer dans le résumé des caractéristiques du produit pharmaceutique. Le deuxième alinéa de cet article prévoit :

« Pour les autorisations au titre de l’article 10, ne doivent pas être incluses les parties du résumé des caractéristiques du produit d’un médicament de référence renvoyant à des indications ou à des formes de dosage qui étaient encore protégées par le droit des brevets au moment où le médicament générique a été mis sur le marché. »

8

L’article 21, paragraphes 2 et 3, de ladite directive dispose :

« 2.   L’autorité compétente doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que les informations contenues dans le résumé sont conformes à celles acceptées lors de l’octroi de l’[AMM] ou ultérieurement.

3.   Les autorités nationales compétentes rendent publiquement accessible sans retard, pour chaque médicament qu’elles ont autorisé, l’[AMM], la notice, le résumé des caractéristiques du produit ainsi que toute condition fixée en application des articles 21 bis, 22 et 22 bis et les délais définis pour la réalisation de ces conditions. »

9

L’article 59, paragraphe 1, de la directive 2001/83 prévoit que la notice est établie en conformité avec le résumé des caractéristiques du produit.

Le règlement no 726/2004

10

L’article 3, paragraphe 3, du règlement no 726/2004, tel que modifié par le règlement (UE) no 1027/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012 (JO 2012, L 316, p. 38) (ci-après le « règlement no 726/2004 »), prévoit :

« Un médicament générique d’un médicament de référence autorisé par la Communauté peut être autorisé par les autorités compétentes des États membres conformément aux directives 2001/83/CE et 2001/82/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires (JO 2001, L 311, p. 1), dans les conditions suivantes :

a)

la demande d’autorisation est présentée conformément à l’article 10 de la directive 2001/83/CE ou de l’article 13 de la directive 2001/82/CE ;

b)

le résumé des caractéristiques du produit est conforme, sur tous les points pertinents, à celui du médicament autorisé par la Communauté, sauf pour certaines parties du résumé des caractéristiques du produit renvoyant à des indications ou à des formes de dosage qui sont encore protégées par le droit des brevets au moment où le médicament générique a été mis sur le marché, [...]

[...] »

Le règlement (CE) no 1234/2008

11

L’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2008 de la Commission, du 24 novembre 2008, concernant l’examen des modifications des termes d’une autorisation de mise sur le marché de médicaments à usage humain et de médicaments vétérinaires (JO 2008, L 334, p. 7), tel que modifié par le règlement (UE) no 712/2012 de la Commission, du 3 août 2012 (JO 2012, L 209, p. 4) (ci‑après le « règlement no 1234/2008 »), prévoit que la Commission européenne établit des lignes directrices concernant les caractéristiques des différentes catégories de modifications, le déroulement des procédures visées aux chapitres II, II bis, III et IV dudit règlement, ainsi que la documentation à soumettre en application de ces procédures.

12

L’article 9 du règlement no 1234/2008, figurant au chapitre II de celui-ci, définit la procédure de notification applicable aux modifications mineures de type IB. L’article 10 de ce règlement, figurant au même chapitre, définit la procédure de notification applicable aux modifications majeures de type II.

13

Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1234/2008, la Commission a adopté des lignes directrices relatives aux caractéristiques des différentes catégories de modifications, au déroulement des procédures prévues aux chapitres II, II bis, III et IV du règlement no 1234/2008 et à la documentation à soumettre en vertu de ces procédures (JO 2013, C 223, p. 1). Il ressort de l’annexe, point C.I.6, sous a) et b), de ces lignes directrices, d’une part, que l’ajout d’une nouvelle indication thérapeutique ou la modification d’une indication approuvée constitue une modification majeure de type II et, d’autre part, que la suppression d’une indication thérapeutique constitue une modification mineure de type IB.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14

Il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi que WLC est une société du groupe pharmaceutique Pfizer, lequel commercialise le médicament Lyrica dont le principe actif est la Prégabaline. Ce médicament est destiné au traitement de l’épilepsie, des troubles anxieux généralisés et des douleurs neuropathiques.

15

Le 6 juillet 2004, le Lyrica a obtenu une AMM par la procédure centralisée.

16

À la date des faits au principal, l’utilisation de la Prégabaline pour le traitement de l’épilepsie et des troubles anxieux généralisés n’était plus protégée par un brevet. WLC était cependant titulaire du brevet européen EP 0 934061 B3, délivré le 28 mai 2003 (ci-après le « brevet EP 061 »), lequel portait sur l’utilisation de la Prégabaline pour le traitement des douleurs notamment neuropathiques. Ce brevet a expiré le 17 juillet 2017.

17

Aux Pays-Bas, le College ter Beoordeling van Geneesmiddelen (conseil d’évaluation des médicaments, ci-après le « CBG ») est l’autorité administrative indépendante chargée de surveiller et d’évaluer l’efficacité, les risques et la qualité des médicaments. Le CBG publie sur son site Internet, notamment, les termes de l’AMM, la notice et le résumé des caractéristiques du produit de chaque médicament.

18

La juridiction de renvoi fait observer que les producteurs de médicaments génériques omettent parfois de mentionner, dans la notice et le résumé des caractéristiques du produit, les informations du produit de référence relatives à des indications ou à des dosages encore protégés par un brevet. Jusqu’à l’année 2009, le CBG avait pour pratique de publier sur son site Internet les notices et les résumés des caractéristiques du produit ainsi expurgés par les titulaires ou les demandeurs de l’AMM de médicaments génériques.

19

Au cours de l’année 2009, le CBG a abandonné cette pratique et décidé de publier systématiquement l’intégralité des informations relatives au médicament de référence, même lorsque le demandeur l’informe de son intention d’omettre certaines informations.

20

Au cours de l’année 2015, plusieurs producteurs de médicaments génériques ont obtenu des AMM pour la Prégabaline auprès du CBG, au titre de la procédure décentralisée. L’un de ces producteurs, Aurobindo, a informé le CBG, avant de mettre son médicament sur le marché, qu’il allait expurger la notice et le résumé des caractéristiques du produit des informations relatives au traitement des douleurs neuropathiques. Cette entreprise a sollicité la publication partielle de la notice et du résumé des caractéristiques du produit, ce que le CBG a refusé.

21

WLC a saisi le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye, Pays-Bas) d’une action visant, en substance, à enjoindre au CBG d’abandonner sa pratique de publication intégrale sur son site Internet des notices et des résumés des caractéristiques de produits génériques au profit d’une publication de ces documents dans leurs versions expurgées. WLC soutenait, notamment, que la politique de publication intégrale du CBG constituait, directement, une contrefaçon du brevet EP 061 en ce qu’il propose la Prégabaline à la vente pour une indication brevetée et, indirectement, incitait les tiers à des pratiques de contrefaçon. WLC prétendait également que cette politique du CBG était contraire à l’article 11 de la directive 2001/83.

22

Par jugement du 15 janvier 2016, le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye) a accueilli le recours de WLC concernant la Prégabaline et rejeté pour défaut d’intérêt les demandes relatives à d’autres médicaments. Cette juridiction a considéré que la publication intégrale de la notice et du résumé des caractéristiques du produit ne constitue pas une contrefaçon du brevet EP 061, mais est incompatible avec l’obligation de diligence du CBG.

23

Le 11 février 2017, l’État néerlandais a interjeté appel de ce jugement auprès de la juridiction de renvoi. WLC a également saisi cette juridiction d’un appel incident.

24

Après le prononcé dudit jugement, le CBG a modifié sa pratique administrative. Ce dernier publie sur sa base de données relative aux médicaments la version intégrale de la notice et du résumé des caractéristiques du produit. Cependant, lorsque le titulaire de l’AMM du médicament générique l’informe de l’exclusion de certaines indications, le CBG le signale, au moyen d’un astérisque, accompagné du texte suivant :

« * Cette application est protégée par le brevet [...] d’un autre titulaire d’une [AMM]. Vous pouvez trouver plus d’informations à ce sujet sur le site web du CBG, www.cbg-meb.nl. »

25

La juridiction de renvoi estime que la solution du litige au principal dépend de l’interprétation de la réglementation de l’Union en matière de médicaments et notamment de celle de l’article 11 de la directive 2001/83.

26

Les parties au principal s’accordent à considérer que cette disposition permet au demandeur d’AMM d’un médicament générique de ne pas mentionner dans la notice et le résumé des caractéristiques du produit des indications encore couvertes par un brevet. En revanche, leurs positions divergent sur le point de savoir quelles sont les conséquences, pour l’autorité nationale, d’une déclaration par laquelle le demandeur d’AMM entend se prévaloir de cette faculté et opter pour une publication expurgée.

27

En premier lieu, les parties au principal s’opposent sur la question de savoir si la communication de l’intention de recourir à une publication expurgée vise à limiter l’AMM, en ce que celle-ci ne s’étendrait pas aux indications ou aux formes de dosage brevetées. Si tel est le cas, alors le CBG devrait limiter l’AMM et publier la notice et le résumé des caractéristiques du produit conformément au souhait du demandeur, dans leur version expurgée.

28

En second lieu, WLC soutient que, en tout état de cause, la communication de l’intention de recourir à une publication expurgée oblige l’autorité nationale à publier la notice et le résumé des caractéristiques du produit en omettant les informations occultées, car leur publication intégrale est contraire à l’objectif du législateur de l’Union consistant à protéger les intérêts des titulaires de brevets. La publication intégrale inciterait en effet les médecins à prescrire les versions génériques de médicaments pour des indications ou des formes de dosage encore brevetées.

29

Dans ces conditions, le Gerechtshof Den Haag (cour d’appel de La Haye, Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 11 de la directive [2001/83] ou toute autre disposition du droit de l’Union doivent–ils être interprétés en ce sens qu’une communication, par laquelle le demandeur ou le titulaire d’une [AMM] pour un médicament générique au sens de l’article 10 de [cette directive] informe l’autorité compétente qu’il ne mentionne ni dans le résumé des caractéristiques du produit ni dans la notice les parties du résumé des caractéristiques du médicament de référence renvoyant aux indications ou aux formes de dosage relevant du brevet d’un tiers, doit être considérée comme une demande de limitation de l’[AMM], qui doit aboutir à ce que cette autorisation ne soit pas ou plus valable pour les indications ou les formes de dosage brevetées ?

2)

En cas de réponse négative à la première question, l’article 11 et l’article 21, paragraphe 3, de la directive [2001/83], ou toute autre disposition du droit de l’Union, s’opposent–ils à ce que, dans le cadre d’une autorisation délivrée en vertu des dispositions combinées de l’article 6 et de l’article 10 de [cette directive], l’autorité compétente rende publics le résumé des caractéristiques du produit et la notice, en ce compris les parties qui renvoient à des indications ou à des formes de dosage relevant du brevet d’un tiers, alors que le demandeur ou le titulaire de l’[AMM] a informé ladite autorité qu’il ne mentionne ni dans le résumé des caractéristiques du produit ni dans la notice les parties du résumé des caractéristiques du médicament de référence renvoyant aux indications ou aux formes de dosage relevant du brevet d’un tiers ?

3)

Pour la réponse à la deuxième question, est–il important que l’autorité compétente exige du titulaire de l’autorisation qu’il reprenne, dans la notice qu’il doit insérer dans l’emballage du médicament, un renvoi vers le site web de ladite autorité sur lequel est publié le résumé des caractéristiques du produit, en ce compris les passages renvoyant aux indications ou aux formes de dosage relevant du brevet d’un tiers, alors que, en application de l’article 11 de la directive 2001/83, ces passages ne sont pas mentionnés dans la notice ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

30

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11, deuxième alinéa, de la directive 2001/83 doit être interprété en ce sens que, dans une procédure d’AMM telle que celle en cause au principal, la communication à l’autorité nationale compétente par le demandeur ou le titulaire d’une AMM d’un médicament générique de la notice ou d’un résumé des caractéristiques du produit de ce médicament qui n’inclut pas de référence renvoyant à des indications ou à des formes de dosage qui étaient encore protégées par le droit des brevets au moment où ledit médicament a été mis sur le marché constitue une demande de limitation du champ de l’AMM du médicament générique en cause.

31

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément aux objectifs essentiels de la directive 2001/83, notamment celui tenant à la sauvegarde de la santé publique, l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive prévoit qu’aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une AMM ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à ladite directive, ou qu’une autorisation ait été délivrée conformément à la procédure centralisée prévue par le règlement no 726/2004 pour les médicaments visés à l’annexe de celui-ci (arrêts du 29 mars 2012, Commission/Pologne, C‑185/10, EU:C:2012:181, point 26, ainsi que du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a., C‑179/16, EU:C:2018:25, point 53).

32

Ce principe de l’AMM obligatoire s’applique également, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, lorsqu’un médicament a obtenu une première AMM conformément au premier alinéa de cette disposition, dès lors que, dans ce cas, tout dosage, forme pharmaceutique, voie d’administration et présentation supplémentaires ainsi que toute modification et extension, doivent également obtenir une autorisation conformément à ce premier alinéa ou être inclus dans l’AMM initiale (arrêt du 21 novembre 2018, Novartis Farma, C‑29/17, EU:C:2018:931, point 70).

33

Par ailleurs, afin de vérifier qu’un médicament réponde aux besoins d’information des patients et des professionnels de la santé, l’article 8, paragraphe 3, sous j), de la directive 2001/83 exige que la demande d’AMM soit accompagnée, notamment, d’un résumé des caractéristiques du produit dont le contenu est défini à l’article 11 de cette directive ainsi que de la notice du médicament concerné, cette dernière devant, aux termes de l’article 59, paragraphe 1, de ladite directive, être établie en conformité avec le résumé des caractéristiques du produit. À cet égard, l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2001/83 prévoit que « l’autorité compétente doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que les informations contenues dans le résumé sont conformes à celles acceptées lors de l’octroi de [l’AMM] ou ultérieurement ».

34

Il découle de ces dispositions, premièrement, que la notice et le résumé des caractéristiques du produit font partie de l’AMM, deuxièmement, que le médicament mis sur le marché doit correspondre aux conditions de l’AMM, lesquelles doivent être reflétées dans le résumé des caractéristiques du produit, et, troisièmement, que le titulaire de l’AMM ne peut pas modifier la notice ni le résumé des caractéristiques du produit sans le notifier à l’autorité compétente afin d’obtenir l’approbation de cette dernière.

35

Par ailleurs, afin de favoriser l’entrée sur le marché de médicaments génériques, l’article 10 de la directive 2001/83 prévoit une procédure d’AMM abrégée, dispensant, moyennant le respect de certaines conditions, les demandeurs d’AMM de médicaments génériques de l’obligation de présenter des résultats d’essais cliniques et précliniques.

36

L’article 10, paragraphe 2, de la directive 2001/83 exige que le médicament générique ait la même composition qualitative et quantitative en substances actives et la même forme pharmaceutique que le médicament de référence et que sa bioéquivalence avec le médicament de référence ait été démontrée.

37

Compte tenu de cette exigence d’identité entre le médicament de référence et le médicament générique relevant de la procédure d’AMM abrégée, la demande d’AMM d’un médicament générique ne peut excéder les indications couvertes par l’AMM du médicament de référence, mais doit, en principe, se limiter à celles-ci. Par voie de conséquence, le résumé des caractéristiques du produit joint à la demande d’AMM d’un médicament générique ne peut couvrir des indications ou des formes de dosage qui ne sont pas conformes à celles couvertes par les termes de l’AMM du médicament de référence.

38

Ces éléments sont corroborés par le fait que, lorsque, comme dans l’affaire au principal, la procédure d’AMM d’un médicament générique prévue à l’article 10 de la directive 2001/83 concerne un médicament de référence autorisé par la procédure centralisée prévue par le règlement no 726/2004, l’article 3, paragraphe 3, sous b), de ce règlement prévoit expressément que « le résumé des caractéristiques du produit est conforme, sur tous les points pertinents, à celui du médicament autorisé par [l’Union] ».

39

À titre d’exception à ce principe de la correspondance entre l’AMM du médicament générique et celle du médicament de référence, l’article 11, deuxième alinéa, de la directive 2001/83 prévoit, s’agissant des demandes d’AMM de médicaments génériques, que « ne doivent pas être incluses les parties du résumé des caractéristiques du produit d’un médicament de référence renvoyant à des indications ou à des formes de dosage qui étaient encore protégées par le droit des brevets au moment où le médicament générique a été mis sur le marché ».

40

Cette disposition confère ainsi au demandeur d’une AMM d’un médicament générique la faculté de déroger au principe de la correspondance entre l’AMM du médicament générique et celle du médicament de référence en réduisant la portée de sa demande à des indications ou à des formes de dosage qui ne sont pas protégées par le droit des brevets.

41

La raison d’être de cette exception est de ne pas retarder l’entrée sur le marché des médicaments génériques jusqu’à l’expiration de tous les brevets pouvant couvrir les multiples indications ou formes de dosage du médicament de référence, sans pour autant assouplir les normes de sécurité et d’efficacité auxquelles doivent satisfaire les médicaments génériques (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2014, Olainfarm, C‑104/13, EU:C:2014:2316, points 27 et 28).

42

Dans le cadre d’une procédure décentralisée telle que celle en cause au principal, si le demandeur ou le titulaire d’une AMM pour un produit générique fait usage de la faculté prévue à l’article 11 de la directive 2001/83, alors l’AMM de ce produit ne couvre que les indications et les formes de dosage qui ne sont pas brevetées.

43

Il ressort d’une lecture combinée de l’article 8, paragraphe 3, sous j), et de l’article 11, deuxième alinéa, de la directive 2001/83 que le fait de ne pas inclure dans le résumé des caractéristiques du produit d’un médicament générique certaines indications ou formes de dosage de l’AMM du médicament de référence signifie que ces indications ou formes de dosage ne font pas partie de l’objet de la demande d’AMM. En recourant à la faculté ouverte par cet article 11, deuxième alinéa, le demandeur d’AMM limite ainsi la portée de sa demande, sans que l’autorité nationale compétente dispose, à cet égard, d’une marge d’appréciation, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 57 de ses conclusions.

44

Bien que l’ensemble des parties ayant soumis des observations à la Cour s’accordent sur ce point, le gouvernement néerlandais fait valoir que si le titulaire d’une AMM pour un produit générique décide de recourir à la faculté prévue à l’article 11, deuxième alinéa, de la directive 2001/83, cette décision serait sans effet sur la portée de l’AMM du médicament générique.

45

Toutefois, une telle interprétation de la directive 2001/83 est incompatible avec le principe rappelé au point 34 du présent arrêt, selon lequel tout médicament mis sur le marché doit être conforme aux conditions de l’AMM, lesquelles doivent être reflétées dans le résumé des caractéristiques du produit. Conformément à ce principe, dans une situation telle que celle envisagée par le gouvernement néerlandais, il incombe à l’autorité nationale compétente de modifier l’AMM afin d’assurer sa concordance avec le résumé des caractéristiques du produit. La communication d’un résumé des caractéristiques du produit qui n’inclurait pas certaines indications de l’AMM constitue en effet une suppression d’indications thérapeutiques relevant des modifications mineures de type IB soumise à la procédure prévue à l’article 9 du règlement no 1234/2008.

46

Contrairement à ce que prétend le gouvernement néerlandais, cette interprétation n’est pas infirmée par le fait qu’elle reviendrait à imposer au titulaire de l’AMM la charge de demander une nouvelle modification de celle-ci lorsque, à l’échéance du terme de la période de protection par un brevet d’une indication couverte par l’AMM du médicament de référence, il souhaiterait ajouter cette indication à celles déjà autorisées pour le médicament générique. En effet, dans une telle situation, le titulaire de l’AMM peut demander une modification de type II, conformément à la procédure prévue à l’article 10 du règlement no 1234/2008.

47

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 11, deuxième alinéa, de la directive 2001/83 doit être interprété en ce sens que, dans une procédure d’AMM telle que celle en cause au principal, la communication à l’autorité nationale compétente par le demandeur ou le titulaire d’une AMM d’un médicament générique de la notice ou d’un résumé des caractéristiques du produit de ce médicament qui n’inclut pas de référence renvoyant à des indications ou à des formes de dosage qui étaient encore protégées par le droit des brevets au moment où ledit médicament a été mis sur le marché constitue une demande de limitation du champ de l’AMM du médicament générique en cause.

Sur les deuxième et troisième questions

48

Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande, en cas de réponse négative à la première question, si l’article 11 de la directive 2001/83 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la publication par une autorité nationale d’une version intégrale de la notice ou du résumé des caractéristiques du produit d’un médicament générique pour lequel le titulaire de l’AMM a fait usage de la faculté reconnue par cette disposition de ne pas inclure certaines indications ou formes de dosage dans la notice ou le résumé des caractéristiques du produit du médicament en cause.

49

Compte tenu de la réponse positive apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à ces questions.

Sur les dépens

50

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

 

L’article 11, deuxième alinéa, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2012/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, doit être interprété en ce sens que, dans une procédure d’autorisation de mise sur le marché telle que celle en cause au principal, la communication à l’autorité nationale compétente par le demandeur ou le titulaire d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament générique de la notice ou d’un résumé des caractéristiques du produit de ce médicament qui n’inclut pas de référence renvoyant à des indications ou à des formes de dosage qui étaient encore protégées par le droit des brevets au moment où ledit médicament a été mis sur le marché constitue une demande de limitation du champ de l’autorisation de mise sur le marché du médicament générique en cause.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.