CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 28 février 2019 ( 1 )

Affaire C‑644/17

Eurobolt BV

en présence de :

Staatssecretaris van Financiën

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Invalidité – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif – Portée du contrôle juridictionnel national d’un acte de l’Union – Règlement (CE) no 1225/2009 – Article 15, paragraphe 2 – Règlement (UE) no 723/2011 – Contournement de mesures antidumping – Défense contre les pratiques de dumping – Consultation des États membres – Notion d’“éléments d’information utiles” – Dépassement du délai »

I. Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne ( 2 ) (ci‑après le « règlement de base »), l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et la validité du règlement d’exécution (UE) no 723/2011 du Conseil, du 18 juillet 2011, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) no 91/2009 sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine aux importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays ( 3 ). Plus particulièrement, la question délicate soulevée par cette demande est celle de savoir si le non-respect de certaines garanties procédurales prévues à l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base peut entraîner l’annulation du règlement d’exécution.

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Eurobolt BV au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux finances, Pays-Bas) concernant l’institution de droits antidumping sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier dans l’Union européenne.

II. Le cadre juridique

A.   Le règlement de base

3.

À l’époque des faits, l’adoption de droits antidumping était régie par le règlement de base.

4.

Il convient tout d’abord d’attirer l’attention sur le contenu du considérant 12 du règlement de base :

« Il est nécessaire de déterminer de quelle manière les parties concernées devraient être avisées des renseignements que les autorités exigent et de leur ménager d’amples possibilités de présenter tous les éléments de preuve pertinents et de défendre leurs intérêts. Il est aussi souhaitable de définir clairement les règles et les procédures à suivre au cours de l’enquête et de prévoir, en particulier, que les parties concernées doivent se faire connaître, présenter leur point de vue et fournir les renseignements dans des délais déterminés afin qu’il puisse en être tenu compte. Il convient aussi d’indiquer les conditions dans lesquelles une partie concernée peut avoir accès aux informations fournies par d’autres parties concernées et les commenter. Il conviendrait aussi d’instaurer une coopération entre les États membres et la Commission en ce qui concerne la collecte des informations. »

5.

Il est également utile de rappeler que le considérant 25 du règlement de base est rédigé en ces termes :

« Les informations communiquées aux États membres dans le cadre du comité consultatif sont souvent très techniques et comportent une analyse économique et juridique complexe. Afin de laisser aux États membres suffisamment de temps pour les examiner, ces informations devraient être envoyées, en temps utile, avant la date de réunion fixée par le président du comité consultatif. »

6.

L’article 13 du règlement de base, intitulé « Contournement », disposait :

« 1.   Les droits antidumping institués en vertu du présent règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires, légèrement modifiés ou non, ainsi qu’aux importations de produits similaires légèrement modifiés en provenance du pays soumis aux mesures ou de parties de ces produits, lorsque les mesures en vigueur sont contournées. En cas de contournement des mesures en vigueur, des droits antidumping n’excédant pas le droit résiduel institué conformément à l’article 9, paragraphe 5, peuvent être étendus aux importations en provenance de sociétés bénéficiant d’un droit individuel dans les pays soumis aux mesures. Le contournement se définit comme une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et la Communauté ou entre des sociétés du pays soumis aux mesures et la Communauté, découlant de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit, en présence d’éléments attestant qu’il y a préjudice ou que les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires et d’éléments de preuve, si nécessaire fondés sur les dispositions de l’article 2, de l’existence d’un dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies pour les produits similaires.

[...]

3.   Une enquête est ouverte, en vertu du présent article, à l’initiative de la Commission ou à la demande d’un État membre ou de toute partie intéressée, sur la base d’éléments de preuve suffisants relatifs aux facteurs énumérés au paragraphe 1. L’enquête est ouverte, après consultation du comité consultatif, par un règlement de la Commission qui peut également enjoindre aux autorités douanières de rendre l’enregistrement des importations obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5, ou d’exiger des garanties. L’enquête est effectuée par la Commission avec l’aide éventuelle des autorités douanières et doit être conclue dans les neuf mois. Lorsque les faits définitivement établis justifient l’extension des mesures, celle-ci est décidée par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, après consultation du comité consultatif. La proposition est adoptée par le Conseil à moins qu’il ne décide, en statuant à la majorité simple, de la rejeter dans un délai d’un mois à partir de sa présentation par la Commission. L’extension prend effet à compter de la date à laquelle l’enregistrement a été rendu obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5, ou à laquelle les garanties ont été exigées. Les dispositions de procédure correspondantes du présent règlement concernant l’ouverture et la conduite des enquêtes s’appliquent dans le cadre du présent article.

[...] »

7.

L’article 15 du règlement de base, intitulé « Consultations », prévoyait :

« 1.   Les consultations prévues par le présent règlement se déroulent au sein d’un comité consultatif composé de représentants de chaque État membre et présidé par un représentant de la Commission. Des consultations ont lieu immédiatement, soit à la demande d’un État membre, soit à l’initiative de la Commission, et, de toute manière, dans un laps de temps permettant de respecter les délais fixés par le présent règlement.

2.   Le comité se réunit sur convocation de son président. Celui-ci communique aux États membres, dans les meilleurs délais, au plus tard dix jours ouvrables avant la réunion, tous les éléments d’information utiles.

3.   En cas de besoin, les consultations peuvent avoir lieu uniquement par écrit ; dans ce cas, la Commission informe les États membres et leur impartit un délai pendant lequel ils peuvent exprimer leur avis ou demander une consultation orale que le président organise, sous réserve que cette consultation orale puisse se dérouler dans un laps de temps permettant de respecter les délais fixés par le présent règlement.

4.   Les consultations portent notamment sur :

a)

l’existence d’un dumping et les méthodes permettant de déterminer la marge de dumping ;

b)

l’existence et l’importance du préjudice ;

c)

le lien de causalité entre les importations faisant l’objet du dumping et le préjudice ;

d)

les mesures qui, eu égard aux circonstances, sont appropriées pour prévenir le préjudice causé par le dumping ou pour y remédier, ainsi que les modalités d’application de ces mesures. »

B.   Le règlement d’exécution no 723/2011

8.

Le 26 janvier 2009, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 91/2009 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine ( 4 ).

9.

Par le règlement (UE) no 966/2010 ( 5 ), en vertu de l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission a décidé d’ouvrir une enquête sur le contournement possible des mesures antidumping instituées par le règlement no 91/2009 au moyen du transbordement en Malaisie.

10.

Conformément à l’article 2 du règlement no 966/2010, les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie devaient être enregistrées par les autorités douanières.

11.

Par le règlement d’exécution no 723/2011, le droit antidumping définitif institué sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de Chine a été étendu à certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays.

III. Les faits au principal

12.

Eurobolt est une société sise à ’s-Heerenberg (Pays-Bas). Elle commercialise des éléments de fixation en fer et en acier, qu’elle achète en provenance d’Asie en vue de les vendre dans l’Union.

13.

À la suite de l’institution, par le règlement no 91/2009, de droits antidumping sur certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine et relevant de la position 7318 de la nomenclature combinée, la requérante au principal est allée acheter des éléments de fixation similaires auprès de deux fournisseurs établis en Malaisie, à savoir TZ Fasteners (ci-après « TZ ») et HBS Fasteners Manufacturing (ci-après « HBS »).

14.

Durant la période allant du 29 octobre 2010 au 4 août 2011, la requérante au principal a fait 32 déclarations aux Pays-Bas en vue de la mise en libre pratique d’éléments de fixation en acier achetés auprès de HBS et de TZ. La Malaisie y était désignée comme pays d’origine. Conformément au règlement no 966/2010, les autorités douanières ont enregistré ces éléments de fixation et les ont mis en libre pratique sans lever de droits antidumping.

15.

Après la publication de ce règlement, la Commission européenne a décidé d’ouvrir une enquête. Les autorités chinoises et de malaisiennes en ont été officiellement informées, de même que les importateurs connus dans ces pays, parmi lesquels Eurobolt, ainsi que les secteurs concernés dans toute l’Union.

16.

HBS et TZ se sont fait connaître auprès de la Commission en vue de cette enquête et ont répondu au questionnaire antidumping. Eurobolt s’est elle aussi fait connaître comme partie intéressée.

17.

Par courrier du 26 mai 2011, la Commission a envoyé à Eurobolt ses conclusions provisoires de l’enquête. Le 13 juin 2011, la requérante au principal a répondu à cette lettre par écrit dans le délai qui lui avait été imparti. Le comité consultatif s’est réuni le 15 juin 2011.

18.

Par le règlement d’exécution no 723/2011, le droit antidumping définitif institué sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de Chine a été étendu à certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays. En conséquence, les éléments de fixation achetés par la requérante au principal n’ont pas été exemptés de droits.

19.

À la suite de l’entrée en vigueur de ce règlement, l’inspecteur a effectué un contrôle après importation auprès de la requérante au principal. Des droits antidumping à hauteur de 587802,20 euros ont été levés.

20.

Le bureau de douane de Nimègue (Pays-Bas) ayant rejeté la réclamation d’Eurobolt, celle-ci a saisi les juridictions nationales d’un recours en annulation. Ce recours a été rejeté aussi bien par le Rechtbank Noord-Holland (tribunal de Hollande du Nord, Pays-Bas) que par le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam, Pays-Bas). Eurobolt a ensuite formé un pourvoi en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas). C’est cette juridiction qui est à l’origine du présent renvoi.

21.

Dans le cadre de ce pourvoi, Eurobolt invoque d’une part l’invalidité du règlement d’exécution no 723/2011 au regard des critères visés à l’article 13 du règlement de base. D’autre part, Eurobolt soutient que la Commission a méconnu ses droits de la défense au cours de l’enquête parce que le comité consultatif n’a pas reçu tous les éléments d’information utiles envoyés par Eurobolt à la Commission au plus tard dix jours ouvrables avant sa réunion, en violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base.

22.

Dans ce contexte, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas) nourrit des doutes quant à la portée de la mission des juridictions nationales lorsqu’elles contrôlent les actes des institutions de l’Union, en particulier au regard de l’article 47 de la Charte. L’autre question qui se pose est celle de savoir si la réponse de la requérante au principal aux conclusions de l’enquête doivent être considérées comme des « éléments d’information utiles » au sens de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base et, dans l’affirmative, quelles conséquences doivent être attachées à l’allégation selon laquelle, en violation des dispositions prescrites, le comité consultatif n’a pas reçu tous les documents de la part de la Commission au plus tard dix jours ouvrables avant sa réunion.

IV. La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

23.

Dans ces circonstances, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1.a)

Convient-il d’interpréter l’article 47 de la [Charte] lu conjointement à l’article 4, paragraphe 3, TUE en ce sens qu’une personne intéressée peut invoquer la violation de formes substantielles, des traités ou de toute règle de droit relative à leur application ou le détournement de pouvoir à l’appui de sa contestation de la légalité d’un acte d’une institution de l’Union qui doit être mis en œuvre par des autorités nationales ?

1.b)

Convient-il d’interpréter l’article 47 de la [Charte] lu conjointement à l’article 4, paragraphe 3, TUE en ce sens que les institutions de l’Union ayant participé à l’élaboration d’un acte dont la validité est contestée dans une procédure devant la juridiction nationale sont tenues de communiquer à cette dernière, sur demande, toutes les informations dont elles disposent et qu’elles ont pris ou auraient dû prendre en considération lors de l’adoption de cet acte ?

1.c)

Convient-il d’interpréter l’article 47 de la [Charte] en ce sens que le droit à un recours effectif impose à la juridiction de vérifier, sans réserve, le respect des conditions d’application de l’article 13 du [règlement de base] ? Cet article 47 implique-t-il, en particulier, que cette juridiction est compétente pour apprécier pleinement si la constatation des faits a été exhaustive et si elle est en adéquation avec les conséquences juridiques qui ont été invoquées ? En particulier, cette disposition implique-t-elle également que cette juridiction est compétente pour apprécier pleinement s’il aurait fallu prendre en considération des faits qui n’ont prétendument pas été pris en considération dans le processus décisionnel, mais qui auraient pu priver de leur effet les conséquences juridiques attachées aux faits qui ont été bel et bien constatés ?

2.a)

Convient-il d’interpréter la notion d’“éléments d’informations utiles” à l’article 15, paragraphe 2, du [règlement de base] en ce sens qu’en relèvent les observations qu’un importateur indépendant, établi dans l’Union, des produits faisant l’objet de l’enquête visée dans cette disposition, a présentées en réponse aux conclusions de la Commission, si cet importateur a été informé par la Commission de cette enquête, a communiqué à la Commission les informations demandées et a répondu en temps utile aux conclusions de la Commission après avoir été mis en mesure de le faire ?

2.b)

Si la seconde question, sous a), appelle une réponse affirmative, cet importateur peut-il invoquer la violation de l’article 15, paragraphe 2, du [règlement de base] si les observations qu’il a présentées en réponse n’ont pas été mises à la disposition du comité consultatif prévu à cette disposition au moins dix jours ouvrables avant la réunion de ce dernier ?

2.c)

Si la seconde question, sous b), appelle une réponse affirmative, cette violation de l’article 15, paragraphe 2, du [règlement de base] entraîne‑t‑elle l’illégalité de cet acte et impose-t-elle d’en écarter l’application ? »

24.

Des observations écrites ont été déposées par Eurobolt, par les gouvernements néerlandais et italien ainsi que par le Conseil et la Commission européenne. Au terme de la phase écrite de la procédure, la Cour s’est estimée suffisamment informée pour statuer sans audience de plaidoiries, conformément à l’article 76, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

V. Analyse

A.   La première question

25.

Par sa première sous-question, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour de clarifier la portée de la mission des juridictions nationales lorsque la question de la validité d’un acte de l’Union est soulevée devant elles. La réponse à ces questions se trouve dans le mécanisme de contrôle juridictionnel qui prévaut dans l’Union européenne, qui se fonde sur l’État de droit.

1. Contrôle juridictionnel et État de droit

26.

Il ressort clairement de l’arrêt Les Verts/Parlement que l’Union est une union de droit, en ce que ni ses États membres ni ses institutions n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu’est le traité ni au droit qui découle de ce dernier ( 6 ). Cela implique que « les justiciables ont le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union» ( 7 ).

27.

À cette fin, le traité FUE a, par ses articles 263 et 277, d’une part, et par son article 267, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union ( 8 ).

28.

Dès lors, il ne fait aucun doute que le contrôle juridictionnel de la conformité à l’ordre juridique de l’Union européenne est assuré par la Cour et les juridictions des États membres. L’article 19 TUE, qui concrétise la valeur de l’État de droit affirmée à l’article 2 TUE, confie expressément la charge d’assurer le contrôle juridictionnel dans l’ordre juridique de l’Union non seulement à la Cour, mais également aux juridictions nationales ( 9 ).

29.

À cet égard, il convient également de rappeler, d’une part, que l’article 19 TUE et l’article 47 de la Charte sont clairement liés. En effet, la Cour a relevé que l’obligation faite aux États membres à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union correspond au droit consacré à l’article 47 de la Charte, selon lequel toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal ( 10 ). D’autre part, le renvoi en appréciation de validité constitue, au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle de la légalité des actes de l’Union ( 11 ).

2. La première question préjudicielle, sous a)

30.

Il découle de ce contexte et, surtout, du parallélisme entre le recours en annulation et le renvoi préjudiciel que, l’article 267 TFUE étant silencieux à ce sujet, les motifs de contrôle de légalité énumérés à l’article 263 TFUE peuvent être invoqués pour faire valoir l’invalidité de l’acte de l’Union européenne en cause devant une juridiction nationale en vue de provoquer un renvoi préjudiciel à la Cour ( 12 ).

31.

Il peut être ajouté que la Cour a déjà dit pour droit que « la compétence de la Cour pour statuer, en vertu de l’article [267 TFUE], sur la validité des actes pris par les institutions de [l’Union] ne comporte aucune limite quant aux causes sur la base desquelles la validité de ces actes pourrait être contestée» ( 13 ). Conformément à cette jurisprudence, il peut même être soutenu que le renvoi préjudiciel en validité ne se limite pas aux motifs énoncés pour le recours en annulation ( 14 ).

3. La première question préjudicielle, sous b)

32.

La deuxième sous-question a trait à la collaboration entre le juge national et les institutions de l’Union concernées par le litige. En effet, par cette question, la juridiction de renvoi demande à la Cour si l’article 47 de la Charte lu conjointement à l’article 4, paragraphe 3, TUE doit être interprété en ce sens que les institutions de l’Union ayant participé à l’élaboration d’un acte dont la validité est contestée dans une procédure devant la juridiction nationale sont tenues de communiquer à cette dernière, sur demande, toutes les informations dont elles disposent et qu’elles ont pris ou auraient dû prendre en considération lors de l’adoption de cet acte.

33.

Comme déjà indiqué, l’article 19 TUE confie expressément la charge d’assurer le contrôle juridictionnel dans l’ordre juridique de l’Union à la Cour et aux juridictions nationales. Ce faisant, l’article 19 TUE confirme que le juge national est le premier juge appliquant le droit de l’Union ( 15 ).

34.

À cette fin, si elles ne sont pas compétentes pour constater elles‑mêmes l’invalidité des actes de l’Union, les juridictions nationales peuvent examiner la validité d’un tel acte ( 16 ). Si elles n’estiment pas fondés les moyens d’invalidité que les parties invoquent devant elles, elles peuvent rejeter ces moyens en concluant que l’acte est pleinement valide. En revanche, lorsque de telles juridictions estiment qu’un ou plusieurs moyens d’invalidité avancés par les parties ou, le cas échéant, soulevés d’office sont fondés, il leur incombe de surseoir à statuer et de saisir la Cour d’une procédure de renvoi préjudiciel en appréciation de validité ( 17 ).

35.

Dans ce contexte, étant donné que le juge national doit disposer de toutes les informations nécessaires pour garantir l’application et l’effectivité du droit de l’Union, il doit aussi disposer de toutes celles nécessaires pour procéder à l’examen préliminaire de légalité et apprécier la nécessité d’effectuer un renvoi préjudiciel sur le fondement de l’article 267 TFUE.

36.

Pour cette raison, si une juridiction nationale a besoin d’informations que seules les institutions de l’Union peuvent apporter, le principe de coopération loyale prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE impose en principe à ces institutions de communiquer dans les meilleurs délais lesdites informations lorsqu’elles leur sont demandées par la juridiction nationale, à moins que le refus d’une telle communication ne soit justifié par des raisons impératives tenant à la nécessité d’éviter des entraves au fonctionnement et à l’indépendance de l’Union ou de sauvegarder ses intérêts ( 18 ).

37.

Cela est particulièrement vrai parce que cette règle trouve sa justification dans le fait que l’Union est une union de droit, en ce que ni ses États membres ni ses institutions n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes au traité ( 19 ), de sorte que « [l’]obligation de coopération loyale, qui s’impose aux institutions [de l’Union], revêt une importance particulière dès lors qu’elle s’établit avec les autorités judiciaires des États membres chargées de veiller à l’application et au respect du droit [de l’Union] dans l’ordre juridique national» ( 20 ).

38.

Néanmoins, il convient de rappeler que « les actes des institutions de l’Union jouissent, en principe, d’une présomption de légalité et produisent, dès lors, des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité» ( 21 ). Il résulte de cette présomption qu’il incombe au requérant invoquant l’illégalité de démontrer en premier lieu la probabilité du bien-fondé de sa thèse et de fournir toutes les informations dont il dispose.

4. La première question préjudicielle, sous c)

39.

La troisième sous-question concerne la portée du contrôle juridictionnel. Cette question de la juridiction de renvoi porte sur l’appréciation de l’exactitude des faits, mais également sur la compétence d’apprécier le caractère exhaustif et l’adéquation des faits constatés.

40.

À cet égard, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir ( 22 ).

41.

Comme la Cour l’a déjà relevé au sujet de l’examen des preuves par le Tribunal de l’Union européenne, « [i]l appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées» ( 23 ).

42.

Comme indiqué ci-dessus, si les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l’invalidité des actes de l’Union, elles peuvent examiner la validité d’un tel acte. Dès lors, aucune raison ne justifie que la jurisprudence citée au point précédent ne s’applique pas auxdites juridictions.

43.

Sous cet angle, il doit sans nul doute être loisible au juge national de vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, mais également la prise en compte de tous les faits pertinents par l’institution compétente.

44.

Ce faisant, le juge national ne substitue pas son appréciation des faits à celle de l’institution à laquelle le traité a confié cette mission, mais vérifie simplement que l’acte a été adopté sur le fondement d’informations exactes et suffisantes pour permettre une appréciation pertinente. Cela me semble concorder avec le rôle d’une juridiction compétente pour contrôler la validité d’un acte.

45.

En revanche, une fois les faits pertinents recueillis et vérifiés, dès lors que les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en matière de mesures de défense commerciale, le juge qui examine la légalité peut seulement vérifier si une erreur manifeste a été commise dans l’appréciation de ces faits ou dans l’omission d’autres faits. L’analyse des conditions de fond (en vertu du règlement de base) est soumise aux mêmes restrictions.

B.   La seconde question

46.

Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour si le règlement d’exécution no 723/2011 est invalide au regard de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base, dans la mesure où les observations présentées par Eurobolt en réponse aux conclusions de la Commission ( 24 ), si elles constituent des éléments d’information utiles au sens de cette disposition, n’ont pas été mises à la disposition du comité consultatif au plus tard dix jours ouvrables avant la réunion de celui-ci.

1. La seconde question, sous a)

47.

Le règlement de base ne comprend pas de définition de la notion d’« éléments d’information utiles ». Il ressort toutefois de l’économie du règlement de base que les termes « tous les éléments d’information utiles » figurant à l’article 15, paragraphe 2, dudit règlement incluent la réponse d’un importateur indépendant des marchandises faisant l’objet de l’enquête de la Commission.

48.

En effet, les droits antidumping et leur extension en cas de contournement sont adoptés par le Conseil, sur proposition de la Commission, après consultation du comité consultatif. La proposition de la Commission se fonde sur le résultat d’une enquête dans le cadre de laquelle les points de vue et les informations communiqués par les parties intéressées doivent être pris en compte en vertu de l’article 5, paragraphe 10, du règlement de base. L’article 6, paragraphe 7, de ce règlement ajoute que les plaignants, les importateurs et les exportateurs ainsi que leurs associations représentatives, les utilisateurs et les associations des consommateurs qui se sont fait connaître conformément à l’article 5, paragraphe 10, du même règlement peuvent, en principe, prendre connaissance de tous les renseignements fournis par toute partie concernée par l’enquête. Aux termes de cette disposition, « [c]es parties peuvent répondre à ces renseignements et leurs commentaires doivent être pris en considération dans la mesure où ils sont suffisamment étayés dans la réponse» ( 25 ). Enfin, l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base dispose que « [l]’information finale doit être donnée par écrit. Elle doit l’être […] dès que possible et, normalement, un mois au plus tard avant la décision définitive ou la transmission par la Commission d’une proposition de décision finale conformément à l’article 9 […] » et l’article 20, paragraphe 5, de ce même règlement précise que les observations faites après que l’information finale a été donnée peuvent être prises en considération si elles sont reçues dans le délai fixé par la Commission, lequel ne saurait être inférieur à dix jours.

49.

Cette interprétation est confirmée par le considérant 12 du règlement de base, qui souligne l’importance des droits de la défense et des possibilités pour les parties intéressées de présenter leur point de vue et de défendre leurs intérêts tout au long de la procédure.

50.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il apparaît clairement que les informations, observations et points de vue présentés à la Commission au cours de l’enquête ainsi que les observations formulées en réponse aux conclusions de l’enquête de la Commission sont donc nécessairement des « éléments d’information utiles » pour le comité consultatif afin qu’il puisse donner un avis pertinent sur la proposition de la Commission. Partant, les informations fournies par Eurobolt dans sa lettre du 13 juin 2011 constituaient manifestement des « éléments d’information utiles » à cette fin.

2. La seconde question, sous b) et c)

51.

Dès lors que les observations formulées en réponse aux conclusions de l’enquête de la Commission constituent des « éléments d’information utiles » au sens de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base, la question se pose de savoir si le comité consultatif n’a pas été informé en temps utile et, dans l’affirmative, quelles devraient en être les conséquences.

a) L’importance des garanties procédurales

52.

Tout d’abord, il convient de rappeler que dans les cas où une institution de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, ce qui est le cas, comme indiqué ci-dessus, dans le domaine des mesures de défense commerciale telles que les mesures antidumping ( 26 ), le contrôle du respect de certaines garanties procédurales revêt une importance fondamentale ( 27 ).

53.

L’article 15 du règlement de base vise en substance à assurer la bonne organisation de l’une des étapes obligatoires de la procédure d’adoption d’un droit antidumping, à savoir la consultation du comité consultatif. Cette disposition prévoit à cet effet une série de garanties procédurales telles que l’exigence que la communication de tous les éléments d’information utiles soit effectuée « dans les meilleurs délais, au plus tard dix jours ouvrables avant la réunion ».

54.

Il ne fait donc aucun doute que l’article 15 du règlement de base peut, du moins en principe, être invoqué comme moyen d’un recours en annulation ou dans le cadre d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité.

b) Les conséquences de la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base

55.

Pour rappel, le comité consultatif est composé de représentants de chaque État membre et présidé par un représentant de la Commission ( 28 ). Ce type de comité n’est pas inhabituel dans les procédures d’adoption des actes de l’Union.

56.

En effet, en vertu de la nouvelle législation actuellement en vigueur, le comité consultatif a simplement été remplacé par un comité au sens du règlement (UE) no 182/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission ( 29 ).

57.

Dans le contexte du règlement no 182/2011, je ferais observer que, lorsque le législateur exige que des informations soient communiquées aux représentants des États membres dans un certain délai, la Cour a déjà jugé que les délais de cette nature visent à garantir l’information des gouvernements des États membres sur les propositions de la Commission par l’intermédiaire de leur membre du comité ( 30 ). Ce type de délais garantit en outre aux États membres le temps nécessaire à l’étude des documents, qui peuvent être particulièrement complexes et nécessiter de nombreux contacts et discussions entre diverses administrations ou des consultations internes et externes ( 31 ).

58.

En l’espèce, il est indéniable que l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base poursuit précisément cet objectif, car son considérant 25 signale expressément que « [l]es informations communiquées aux États membres dans le cadre du comité consultatif sont souvent très techniques et comportent une analyse économique et juridique complexe » et ajoute que, « [a]fin de laisser aux États membres suffisamment de temps pour les examiner, ces informations devraient être envoyées, en temps utile, avant la date de réunion fixée par le président du comité consultatif ».

59.

Bien que ce considérant emploie une forme conditionnelle, l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base emploie l’indicatif. En outre, le législateur a ajouté un délai strict en adjoignant les mots « au plus tard dix jours ouvrables » après l’expression « dans les meilleurs délais ». Comme la Cour l’a déjà jugé dans d’autres contextes, « [i]l ne fait aucun doute qu’une telle formulation confère audit délai un caractère contraignant» ( 32 ).

60.

Cette interprétation concorde également avec l’un des principaux objectifs du règlement de base, lequel, selon son considérant 12, définit clairement les règles et les procédures à suivre au cours de l’enquête et prévoit, en particulier, que les parties concernées doivent se faire connaître, présenter leur point de vue et fournir les renseignements dans des délais déterminés afin qu’il puisse en être tenu compte.

61.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je me vois contraint d’appliquer la solution adoptée par la Cour dans l’arrêt Tilly-Sabco/Commission et de conclure que les exigences posées à l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base constituent « des formes substantielles de la régularité de la procédure et dont la violation entraîne la nullité de l’acte concerné» ( 33 ).

62.

Il est vrai que la violation contestée dans ce précédent consistait non pas dans la fourniture tardive d’informations, mais dans la communication tardive du projet d’acte d’exécution lui-même.

63.

Il est néanmoins permis d’observer que le principe qui sous-tend le raisonnement tenu dans l’arrêt Tilly-Sabco/Commission n’est pas fondé sur la nature du document présenté, mais se rapporte plutôt à l’objectif du délai à compter de la soumission du projet d’acte d’exécution et du projet d’ordre du jour. Comme la Cour le souligne, ce délai « vise à permettre un examen serein, avant toute réunion, par les membres du comité de gestion, du projet d’acte d’exécution» ( 34 ). Cette exigence constitue, d’après la Cour, l’une des formes substantielles de la régularité de la procédure et dont la violation entraîne la nullité de l’acte concerné ( 35 ).

64.

En l’espèce, le législateur insiste lui-même sur l’importance de laisser suffisamment de temps pour examiner non seulement la proposition de la Commission, mais aussi les éléments d’information utiles. En effet, comme déjà indiqué, le considérant 25 du règlement de base énonce que les informations communiquées aux États membres dans le cadre du comité consultatif sont souvent très techniques et comportent une analyse économique et juridique complexe. Pour cette raison, « [a]fin de laisser aux États membres suffisamment de temps pour les examiner, ces informations devraient être envoyées, en temps utile, avant la date de réunion fixée par le président du comité consultatif ».

65.

C’est dans ce contexte que l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base prévoit que le président du comité consultatif communique aux États membres tous les éléments d’information utiles dans les meilleurs délais, en ajoutant un délai strict défini par les termes « au plus tard dix jours ouvrables avant la réunion ».

66.

Dans ces circonstances, compte tenu du libellé et de l’objectif de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base, en cas de violation de cette disposition, je ne vois aucune raison de donner une solution autre que celle appliquée par la Cour dans l’arrêt Tilly-Sabco/Commission. Le délai établi par cette disposition représente une forme substantielle de la régularité de la procédure, dont la violation entraîne la nullité de l’acte concerné.

67.

Je vais maintenant aborder la question de savoir si une telle violation a effectivement été commise en l’espèce.

C.   Observations sur la validité du règlement d’exécution no 723/2011

68.

En l’espèce, il est constant que le comité consultatif n’a pas reçu tous les éléments d’information utiles dix jours avant sa réunion, contrairement à ce que l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base prévoit. Dans ces circonstances, force est de conclure qu’une violation a été commise.

69.

La conséquence de la violation de ce délai est que l’acte adopté dans le cadre de cette procédure est nul. En l’espèce, cela signifie également que le règlement d’exécution no 723/2011 est invalide.

70.

Il est vrai que la juridiction de renvoi ne remet pas directement et expressément en cause la validité du règlement d’exécution no 723/2011. Il n’en demeure pas moins qu’il ressort clairement de la formulation tant de la seconde question, sous b), que de la seconde question, sous c), que le juge national souhaite des éclaircissements sur les implications du manquement aux exigences de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base. Dès lors que, en l’occurrence, la conséquence immédiate de ce manquement est l’invalidité du règlement d’exécution, j’estime que la Cour n’a d’autre choix que de se prononcer sur ce point – ce que les questions posées par la juridiction de renvoi semblent en tout état de cause implicitement demander – afin de donner une réponse utile au présent renvoi préjudiciel.

71.

En outre, comme je l’ai déjà observé, les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour constater elles‑mêmes l’invalidité des actes de l’Union ( 36 ). Dans ce contexte particulier et compte tenu de la nature des questions posées par la juridiction de renvoi et du fait qu’il est, de façon générale, souhaitable d’éviter un second renvoi préjudiciel, je propose à la Cour de constater l’invalidité du règlement d’exécution no 723/2011.

VI. Conclusion

72.

Par conséquent, je propose à la Cour de répondre aux questions déférées par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) comme suit :

1.a)

L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lu conjointement à l’article 4, paragraphe 3, TUE, doit être interprété en ce sens que les motifs de contrôle de légalité énumérés à l’article 263 TFUE peuvent être invoqués pour faire valoir l’invalidité de l’acte de l’Union européenne en cause devant une juridiction nationale en vue de provoquer un renvoi préjudiciel à la Cour.

1.b)

Il incombe au requérant invoquant l’illégalité d’un acte de l’Union de démontrer en premier lieu la probabilité du bien-fondé de sa thèse et de fournir toutes les informations dont il dispose. Cependant, si une juridiction nationale a besoin d’informations que seules les institutions de l’Union peuvent apporter, le principe de coopération loyale prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE impose à ces dernières de communiquer dans les meilleurs délais lesdites informations lorsqu’elles leur sont demandées par la juridiction nationale, à moins que le refus d’une telle communication ne soit justifié par des raisons impératives tenant à la nécessité d’éviter des entraves au fonctionnement et à l’indépendance de l’Union ou de sauvegarder ses intérêts.

1.c)

Le juge national qui examine la légalité peut vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté ainsi que la prise en compte de tous les faits pertinents par l’institution compétente. Le juge qui examine la légalité peut également vérifier si une erreur manifeste a été commise dans l’appréciation des conditions de l’article 13 du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne.

2.a)

Les termes « tous les éléments d’information utiles » figurant à l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 1225/2009 doivent être interprétés comme incluant les observations présentées par les parties intéressées en réponse aux conclusions de l’enquête de la Commission européenne.

2.b)

Les exigences posées par l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 1225/2009 constituent des formes substantielles de la régularité de la procédure. Dès lors, un importateur peut faire valoir la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 1225/2009 si la réponse qu’il a présentée n’a pas été mise à disposition du comité consultatif au plus tard dix jours avant la réunion de ce dernier.

2.c)

L’adoption de mesures antidumping en violation du délai établi à l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 1225/2009 frappe l’acte en cause de nullité.

3)

Le règlement d’exécution (UE) no 723/2011 du Conseil, du 18 juillet 2011, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) no 91/2009 sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine aux importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays, est invalide.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2009, L 343, p. 51 et rectificatif JO 2010, L 7, p. 22.

( 3 ) JO 2011, L 194, p. 6.

( 4 ) JO 2009, L 29, p. 1.

( 5 ) Règlement de la Commission du 27 octobre 2010 portant ouverture d’une enquête sur le contournement possible des mesures antidumping instituées par le règlement (CE) no 91/2009 du Conseil sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine par des importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays, et soumettant ces importations à enregistrement (JO 2010, L 282, p. 29).

( 6 ) Arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166, point 23).

( 7 ) Arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, point 31). Voir, également, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 94).

( 8 ) Arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 92 et jurisprudence citée), et du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, point 66).

( 9 ) Voir, en ce sens, avis 1/09, du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123, point 66) ; arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 90), et du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, point 32).

( 10 ) Voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 44) et du 26 juillet 2017, Sacko (C‑348/16, EU:C:2017:591, point 30).

( 11 ) Voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452, point 16) et du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 95 et jurisprudence citée).

( 12 ) Voir Craig, P., et De Búrca, G., EU Law : Text, Cases and Materials, 6e édition, Oxford University Press, Oxford, 2015, p. 544 ; Pertek, J., Coopération entre juges nationaux et Cour de justice de l’UE – Le renvoi préjudiciel, Bruylant, Bruxelles, 2013, no 518.

( 13 ) Arrêt du 16 juin 1998, Racke (C‑162/96, EU:C:1998:293, point 26).

( 14 ) Voir, en ce sens, Lenaerts, K., Maselis, I., et Gutman, K., EU Procedural Law, Oxford University Press, 2014, p. 360.

( 15 ) Voir, en ce sens, Blumann, Cl., « L’organisation des juridictions de l’Union au lendemain du traité de Lisbonne », dans Mahieu, St., (dir.), Contentieux de l’Union européenne, questions choisies, Larcier, coll. Europe(s), Bruxelles, 2014, p. 17 à 41, en particulier p. 25 et 27 ; Hofmann, H. Ch., « Article 47 – Specific Provisions (Meaning) », dans Peers, St., Hervey, T., Kenner, J., et Ward, A. (éd.), The EU Charter of Fundamental Rights – A commentary, Hart Publishing, 2014, p. 1197 à 1275, en particulier no 47.50.

( 16 ) Arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452, point 20).

( 17 ) Voir, en ce sens, arrêt du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C‑344/04, EU:C:2006:10, point 30).

( 18 ) Voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2002, First et Franex (C‑275/00, EU:C:2002:711, point 49 et jurisprudence citée).

( 19 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a. (C‑2/88‑IMM, EU:C:1990:315, point 16).

( 20 ) Ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a. (C‑2/88‑IMM, EU:C:1990:315, point 18).

( 21 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650, point 52).

( 22 ) Voir, en ce sens, arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 63) ; du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China) (C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 68), et du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co. (C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 29).

( 23 ) Arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China) (C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 69) ; mise en italique par mes soins.

( 24 ) En l’espèce, cela concerne les conclusions provisoires de la Commission intitulées « Document d’information général R 515 » (« Procédure anticontournement concernant certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays – proposition d’extension des droits antidumping définitifs à la Malaisie »).

( 25 ) Mise en italique par mes soins.

( 26 ) Voir point 40 des présentes conclusions.

( 27 ) Voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 69), et du 11 décembre 2018, Weiss e.a. (C‑493/17, EU:C:2018:1000, point 30).

( 28 ) Voir article 15, paragraphe 1, du règlement de base.

( 29 ) JO 2011, L 55, p. 13. Voir, également, article 15, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21).

( 30 ) Voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Tilly-Sabco/Commission (C‑183/16 P, EU:C:2017:704, point 103).

( 31 ) Voir, en ce sens, arrêts du 10 février 1998, Allemagne/Commission (C‑263/95, EU:C:1998:47, point 31), et du 20 septembre 2017, Tilly-Sabco/Commission (C‑183/16 P, EU:C:2017:704, point 103).

( 32 ) Arrêt du 29 juillet 2010, Grèce/Commission (C‑54/09 P, EU:C:2010:451, point 46).

( 33 ) Arrêt du 20 septembre 2017, Tilly-Sabco/Commission (C‑183/16 P, EU:C:2017:704, point 114). Voir, également, arrêt du 10 février 1998, Allemagne/Commission (C‑263/95, EU:C:1998:47, point 32).

( 34 ) Arrêt du 20 septembre 2017, Tilly-Sabco/Commission (C‑183/16 P, EU:C:2017:704, point 102). Il est permis d’ajouter que la Cour n’a pas considéré comme pertinents les arguments de la Commission selon lesquels, premièrement, les membres du comité de gestion n’avaient pas protesté contre la manière d’agir de la Commission, deuxièmement, les règles de consultation d’un comité visent à assurer le respect des prérogatives de ses membres et ne tendent pas à la protection des droits des opérateurs économiques et, troisièmement, la partie requérante n’avait pas démontré que, en l’absence de la violation alléguée, le résultat de la procédure aurait été différent.

( 35 ) Arrêt du 20 septembre 2017, Tilly-Sabco/Commission (C‑183/16 P, EU:C:2017:704, point 114).

( 36 ) Voir arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452, point 20).