CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 25 juillet 2018 ( 1 )

Affaires jointes C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17

Bashar Ibrahim (C‑297/17),

Mahmud Ibrahim (C‑318/17),

Fadwa Ibrahim (C‑318/17),

Bushra Ibrahim (C‑318/17),

Mohammad Ibrahim, légalement représenté par Fadwa et Mahmud Ibrahim (C‑318/17),

Ahmad Ibrahim, légalement représenté par Fadwa et Mahmud Ibrahim (C‑318/17),

Nisreen Sharqawi (C‑319/17),

Yazan Fattayrji, légalement représenté par Nisreen Sharqawi (C‑319/17),

Hosam Fattayrji, légalement représenté par Nisreen Sharqawi (C‑319/17)

contre

Bundesrepublik Deutschland

et

Bundesrepublik Deutschland

contre

Taus Magamadov (C‑438/17)

[demandes de décision préjudicielle formées par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2013/32/UE – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – Article 52 – Champ d’application ratione temporis de cette directive – Article 33, paragraphe 2, sous a) – Rejet d’une demande d’asile comme irrecevable au motif de l’octroi préalable d’une protection subsidiaire dans un autre État membre – Articles 4 et 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Défaillances systémiques de la procédure d’asile dans cet autre État membre – Directive 2011/95/UE – Articles 20 et suivants – Conditions de vie des bénéficiaires d’une protection subsidiaire dans ce dernier État – Risque réel et avéré d’un traitement inhumain ou dégradant »

1. 

Les demandes de décision préjudicielle dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17 portent sur l’interprétation, d’une part, de l’article 33, paragraphe 2, sous a), et de l’article 52, paragraphe 1, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale ( 2 ) ainsi que de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et, d’autre part, des articles 20 et suivants de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ( 3 ).

2. 

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de trois litiges opposant M. Bashar Ibrahim (affaire C‑297/17), M. Mahmud Ibrahim, Mme Fadwa Ibrahim, M. Bushra Ibrahim, les enfants mineurs Mohammad et Ahmad Ibrahim (affaire C‑318/17), ainsi que Mme Nisreen Sharqawi et ses enfants mineurs Yazan et Hosam Fattayrji (affaire C‑319/17), demandeurs d’asile palestiniens apatrides ayant résidé en Syrie, à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne), au sujet des décisions adoptées par le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral de la migration et des réfugiés, Allemagne, ci-après l’« Office ») leur refusant un droit d’asile au motif qu’ils arrivaient d’un pays tiers sûr.

3. 

La demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑438/17 porte sur l’interprétation de l’article 33, paragraphe 2, sous a), et de l’article 52, paragraphe 1, de la directive 2013/32.

4. 

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la République fédérale d’Allemagne à M. Taus Magamadov, demandeur d’asile de nationalité russe se disant tchétchène, ayant résidé en Pologne, au sujet d’une décision adoptée par l’Office lui refusant le droit d’asile au motif qu’il arrivait d’un pays tiers sûr.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit international

1. La convention de Genève

5.

L’article 21 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 ( 4 ), entrée en vigueur le 22 avril 1954, telle que complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, entré en vigueur le 4 octobre 1967, (ci–après la « convention de Genève »), intitulé « Logement », stipule :

« En ce qui concerne le logement, les États contractants accorderont, dans la mesure où cette question tombe sous le coup des lois et règlements ou est soumise au contrôle des autorités publiques, aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire un traitement aussi favorable que possible ; ce traitement ne saurait être, en tout cas, moins favorable que celui qui est accordé, dans les mêmes circonstances, aux étrangers en général ».

2. La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

6.

Sous l’intitulé « Interdiction de la torture », l’article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), stipule :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

B.   Le droit de l’Union

1. La Charte

7.

Aux termes de l’article 1er de la Charte, intitulé « Dignité humaine » :

« La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée. »

8.

L’article 4 de la Charte, intitulé « Interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants », énonce :

« Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

L’article 18 de la Charte, intitulé « Droit d’asile », dispose :

« Le droit d’asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne […]. »

9.

L’article 51 de la Charte, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union telles qu’elles lui sont conférées dans les traités. »

10.

L’article 52 de la Charte, intitulé « Portée et interprétation des droits et des principes », énonce, à son paragraphe 3 :

« Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la [CEDH], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue. »

2. La directive 2013/32

11.

L’article 33 de la directive 2013/32, intitulé « Demandes irrecevables », dispose :

« 1.   Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement (UE) no 604/2013, les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la directive 2011/95/UE, lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.

2.   Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

a)

une protection internationale a été accordée par un autre État membre ;

[…] »

12.

L’article 40 de cette directive, intitulé « Demandes ultérieures », prévoit :

« […]

2.   […] une demande de protection internationale ultérieure est tout d’abord soumise à un examen préliminaire visant à déterminer si des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur, qui se rapportent à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE.

3.   Si l’examen préliminaire visé au paragraphe 2 aboutit à la conclusion que des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE, l’examen de la demande est poursuivi conformément au chapitre II. Les États membres peuvent également prévoir d’autres raisons de poursuivre l’examen d’une demande ultérieure.

4.   Les États membres peuvent prévoir de ne poursuivre l’examen de la demande que si le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de faire valoir, au cours de la précédente procédure, les situations exposées aux paragraphes 2 et 3 du présent article, en particulier en exerçant son droit à un recours effectif en vertu de l’article 46.

[…] »

13.

L’article 51, paragraphe 1, de ladite directive énonce :

« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 1er à 30, à l’article 31, paragraphes 1, 2 et 6 à 9, aux articles 32 à 46, aux articles 49 et 50 ainsi qu’à l’annexe I au plus tard le 20 juillet 2015. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions. »

14.

Aux termes de l’article 52, premier alinéa, de la directive 2013/32 :

« Les États membres appliquent les dispositions législatives, réglementaires et administratives visées à l’article 51, paragraphe 1, aux demandes de protection internationale introduites et aux procédures de retrait de la protection internationale entamées après le 20 juillet 2015 ou à une date antérieure. Les demandes introduites avant le 20 juillet 2015 ainsi que les procédures de retrait du statut de réfugié entamées avant cette date sont régies par les dispositions législatives, réglementaires et administratives adoptées en vertu de la directive 2005/85/CE [du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ( 5 )]. »

C.   Le droit allemand

15.

L’article 29 de l’Asylgesetz (loi relative au droit d’asile), du 2 septembre 2008, telle que modifiée par l’Integrationsgesetz (loi sur l’intégration), du 31 juillet 2016 (BGBl. I, S., p. 1939) (ci-après l’« AsylG »), dispose :

« (1)   Une demande d’asile est irrecevable lorsque

1.

un autre État est responsable de l’examen de la demande d’asile

a)

au titre du règlement [Dublin III ( 6 )] ou

b)

au titre d’autres règles de l’Union européenne ou d’un accord international

2.

un autre État membre de l’Union européenne a déjà accordé à l’étranger la protection internationale visée à l’article 1 er, paragraphe 1, point 2, […] »

16.

L’article 77, paragraphe 1, de l’AsylG prévoit :

« Dans les litiges régis par la présente loi, le tribunal se fonde sur la situation en fait et en droit existant au moment de la dernière audience ; s’il statue sans audience préalable, le moment déterminant est celui où la décision est rendue. […] »

II. Les litiges au principal et les questions préjudicielles

A.   Les affaires C‑297/17, C– 318/17 et C– 319/17

17.

Le requérant dans l’affaire C‑297/17 ( 7 ), M. Bashar Ibrahim, est le fils de M. Mahmud Ibrahim et de Mme Fadwa Ibrahim ainsi que le frère des trois autres requérants ( 8 ), qui, à l’instar de leurs parents, sont les requérants dans l’affaire C‑318/17.

18.

Les requérants au principal dans ces affaires ont quitté la Syrie au cours de l’année 2012 pour arriver en Bulgarie où, par décisions des 26 février et 7 mai 2013, leur a été accordée une protection subsidiaire. Au mois de novembre 2013, ils ont poursuivi leur route à travers la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche pour arriver en Allemagne où, le 29 novembre 2013, ils ont introduit une nouvelle demande d’asile.

19.

Le 22 janvier 2014, l’Office a adressé à l’administration nationale bulgare des requêtes aux fins de reprise en charge des intéressés. Cette administration les a rejetées par lettres des 28 janvier et 10 février 2014 au motif que la protection subsidiaire déjà accordée aux requérants au principal dans les affaires C‑297/17 et C‑318/17 en Bulgarie rendait inapplicable en l’espèce le régime de reprise en charge du règlement Dublin III. En outre, l’autorité bulgare compétente serait la police locale des frontières.

20.

Par décisions des 27 février et 19 mars 2014, l’Office a refusé un droit d’asile aux requérants au principal dans les affaires C‑297/17 et C‑318/17, sans examen au fond de leurs demandes, au motif qu’ils étaient arrivés d’un pays tiers sûr et a ordonné leur reconduite à la frontière bulgare.

21.

Par arrêts rendus respectivement les 20 mai et 22 juillet 2014, le Verwaltungsgericht (tribunal administratif, Allemagne) a rejeté les recours introduits contre ces décisions.

22.

Par arrêts du 18 février 2016, l’Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur, Allemagne) a annulé les ordres de reconduite à la frontière bulgare mais a rejeté le surplus des demandes. Selon cette juridiction, le droit à l’asile en Allemagne a été refusé à bon droit aux requérants au principal dans les affaires C‑297/17 et C‑318/17 dès lors que ces derniers y sont arrivés en provenance d’un pays tiers sûr. Les ordres de reconduite à la frontière bulgare seraient cependant illégaux en ce qu’il n’aurait pas été établi que la République de Bulgarie était toujours disposée à prendre en charge les requérants au principal dans les affaires C‑297/17 et C‑318/17.

23.

Ces requérants ont formé un pourvoi en Revision, devant le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne), contre ces décisions de rejet partiel de leurs demandes. Ils soutiennent, notamment, que le régime institué par le règlement Dublin III reste applicable après l’octroi d’une protection subsidiaire. En revanche, l’Office estime que les demandes d’asile sont désormais irrecevables en application de l’article 29, paragraphe 1, point 2, de l’AsylG, dont le contenu correspond à celui de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32.

24.

Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La disposition transitoire de l’article 52, premier alinéa, de la directive 2013/32 s’oppose-t-elle à l’application d’une réglementation nationale aux termes de laquelle, dans la mise en œuvre de l’habilitation, plus étendue que la précédente, conférée par l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, une demande de protection internationale est irrecevable lorsque le demandeur s’est vu reconnaître une protection subsidiaire dans un autre État membre, dans la mesure où, faute de dispositions transitoires nationales, cette réglementation nationale s’applique également aux demandes introduites avant le 20 juillet 2015 ?

La disposition transitoire de l’article 52, premier alinéa, de la directive 2013/32 permet-elle aux États membres, en particulier, de mettre en œuvre rétroactivement l’habilitation plus étendue de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, en sorte que même des demandes d’asile introduites avant la transposition en droit interne de cette habilitation plus étendue, mais qui n’avaient pas encore été définitivement tranchées au moment de la transposition, sont irrecevables ?

2)

L’article 33 de la directive 2013/32 confère-t-il aux États membres le droit de choisir de rejeter une demande d’asile pour irrecevabilité au titre d’une autre responsabilité internationale (règlement de Dublin) ou au titre de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 ?

3)

Si la deuxième question appelle une réponse affirmative : le droit de l’Union s’oppose-t-il à ce que, dans la mise en œuvre de l’habilitation conférée par l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, un État membre rejette une demande de protection internationale pour irrecevabilité en raison d’une protection subsidiaire qui a été accordée par un autre État membre, lorsque :

a)

le demandeur sollicite le renforcement de la protection subsidiaire qui lui a été accordée dans un autre État membre (reconnaissance de la qualité de réfugié) et que la procédure d’asile dans l’autre État membre était et est encore entachée de défaillances systémiques ;

b)

la consistance de la protection internationale, et plus précisément les conditions d’existence des bénéficiaires d’une protection subsidiaire, dans l’autre État membre qui a déjà accordé au demandeur une protection subsidiaire,

est contraire à l’article 4 de la [Charte] et à l’article 3 de la CEDH, ou bien

ne satisfait pas aux conditions des articles 20 et suivants de la directive 2011/95, sans aller pourtant jusqu’à enfreindre l’article 4 de la [Charte] et l’article 3 de la CEDH ?

4)

Si la troisième question, sous b), appelle une réponse affirmative, en va-t-il de même lorsque les bénéficiaires d’une protection subsidiaire ne reçoivent aucune prestation de subsistance, ou dans une mesure nettement moindre par rapport à d’autres États membres, sans toutefois être traités différemment, à cet égard, des ressortissants de l’État membre en cause ?

5)

Si la deuxième question appelle une réponse négative :

a)

Le règlement Dublin III s’applique-t-il, dans une procédure d’octroi d’une protection internationale, lorsque la demande d’asile a été introduite avant le 1er janvier 2014, mais que la requête aux fins de reprise en charge a été adressée après cette date et que le demandeur avait déjà obtenu auparavant (en février 2013) une protection subsidiaire dans l’État membre requis ?

b)

Les règlements Dublin emportent-t-ils dévolution – implicite – de la responsabilité à l’État membre requérant la reprise en charge d’un demandeur, lorsque l’État membre responsable requis a rejeté la requête aux fins de reprise en charge, introduite dans le délai, au titre des dispositions de Dublin, et a invoqué, à la place, un accord international de réadmission ? »

B.   L’affaire C‑438/17

25.

En 2007, M. Magamadov a introduit une demande d’asile en Pologne où, par une décision du 13 octobre 2008, il s’est vu accorder la protection subsidiaire. Au mois de juin 2012, avec son épouse et son enfant, il est entré en Allemagne, où il a introduit, le 19 juin 2012, une demande d’asile.

26.

Le 13 février 2013, l’Office a adressé une requête aux fins de reprise en charge aux autorités polonaises, lesquelles ont déclaré, le 18 février 2013, être disposées à reprendre en charge M. Magamadov et sa famille.

27.

Par décision du 13 mars 2013, l’Office a estimé, sans examen au fond, que les demandes d’asile de M. Magamadov et de sa famille étaient irrecevables du fait que la République de Pologne était l’État membre responsable de l’examen de ces demandes et a ordonné leur transfert en Pologne. Le transfert n’étant pas intervenu dans le délai imparti en raison de problèmes médicaux rencontrés par l’épouse de M. Magamadov, l’Office a, par décision du 24 septembre 2013, retiré sa décision du 13 mars 2013, au motif que la République fédérale d’Allemagne était devenue l’État membre responsable en raison de l’expiration de ce délai.

28.

Par décision du 23 juin 2014, l’Office a refusé au requérant la protection internationale et le droit d’asile, au motif qu’il était arrivé de Pologne et a ordonné sa reconduite dans cet État membre.

29.

Par jugement du 19 mai 2015, le Verwaltungsgericht (tribunal administratif, Allemagne) a rejeté le recours introduit contre cette décision.

30.

Par arrêt du 21 avril 2016, l’Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur) a annulé la décision de l’Office du 23 juin 2014.

31.

L’Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur) a considéré que la règle prévue à l’article 16 bis, paragraphe 2, première phrase, du Grundgesetz (loi fondamentale allemande) selon laquelle le droit d’asile ne doit pas être accordé à un ressortissant étranger venu d’un pays sûr n’était pas applicable dans l’affaire au principal en raison de la dérogation prévue à l’article 26 bis, paragraphe 1, troisième phrase, point 2, de l’AsylG, aux termes duquel la règle du pays tiers sûr ne joue pas lorsque, comme en l’occurrence, la République fédérale d’Allemagne est devenue l’État membre responsable au titre du droit de l’Union. La demande d’asile en cause dans l’affaire au principal ayant été introduite avant le 20 juillet 2015, ce serait la directive 2005/85, qui serait applicable. Or, l’article 25, paragraphe 2, de cette directive n’admettrait le rejet d’une demande d’asile sans examen au fond que lorsqu’un autre État membre a reconnu la qualité de réfugié à la personne concernée.

32.

La République fédérale d’Allemagne a formé un pourvoi en Revision contre cet arrêt devant le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale). Elle soutient notamment que la demande d’asile en cause dans l’affaire au principal est irrecevable en vertu de l’article 29, paragraphe 1, point 2, de l’AsylG, dont le contenu correspond à celui de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, dès lors que le requérant s’est vu accorder une protection internationale en Pologne.

33.

M. Magamadov considère que sa demande d’asile introduite le 19 juin 2012 n’est pas irrecevable, puisque la République de Pologne ne lui a pas accordé le statut de réfugié mais une simple protection subsidiaire.

34.

La juridiction de renvoi relève que la décision du 23 juin 2014 de l’Office a été adoptée avant l’entrée en vigueur de la directive 2013/32 et que le règlement Dublin II et non le règlement Dublin III est applicable aux faits en cause dans l’affaire au principal.

35.

Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La disposition transitoire de l’article 52, premier alinéa, de la directive 2013/32 s’oppose-t-elle à l’application d’une réglementation nationale aux termes de laquelle, dans la mise en œuvre de l’habilitation, plus étendue que la précédente, conférée par l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, une demande de protection internationale est irrecevable lorsque le demandeur s’est vu reconnaître une protection subsidiaire dans un autre État membre, dans la mesure où, faute de dispositions transitoires nationales, cette réglementation nationale s’applique également aux demandes introduites avant le 20 juillet 2015 ?

En va-t-il en tout cas ainsi lorsque la demande d’asile relève encore pleinement du champ d’application du règlement [Dublin II] conformément à l’article 49 du règlement [Dublin III] ?

2)

La disposition transitoire de l’article 52, premier alinéa, de la directive 2013/32 permet-elle, en particulier, aux États membres, de mettre en œuvre rétroactivement l’habilitation plus étendue de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, de sorte que même des demandes d’asile introduites avant l’entrée en vigueur de la directive 2013/32 et avant la transposition en droit interne de cette habilitation plus étendue, mais qui n’avaient pas encore été définitivement tranchées au moment de la transposition, sont irrecevables ? »

III. La procédure devant la Cour

36.

Par décision du président de la Cour du 9 juin 2017, les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt ; les questions préjudicielles dans ces trois affaires étant identiques.

37.

La juridiction de renvoi a demandé à la Cour de soumettre ces affaires à une procédure accélérée en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de celle-ci. Le 14 juillet 2017, le président de la Cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu de donner suite à cette demande.

38.

La juridiction de renvoi a également demandé à la Cour de soumettre l’affaire C‑438/17 à une procédure accélérée en application de l’article 105, paragraphe l, du règlement de procédure de celle-ci. Le 19 septembre 2017, le président de la Cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à cette demande.

39.

Par décision de la Cour du 30 janvier 2018, les affaires C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.

40.

Des observations écrites ont été déposées par les requérants au principal, les gouvernements allemand, français et polonais ainsi que par la Commission européenne dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17.

41.

Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements allemand, polonais et hongrois, ainsi que par la Commission européenne dans l’affaire C‑438/17.

42.

Lors de l’audience commune, qui s’est tenue le 8 mai 2018, dans l’affaire C‑163/17 et les affaires jointes C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, les requérants au principal dans ces affaires, l’Office, les gouvernements allemand, belge, italien, néerlandais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission ont formulé des observations orales.

IV. Analyse

A.   Sur la première question préjudicielle dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17 et les deux questions dans l’affaire C‑438/17

43.

La première question préjudicielle dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17 et les deux questions préjudicielles dans l’affaire C‑438/17 portent sur l’interprétation de la disposition transitoire de la directive 2013/32, à savoir son article 52, premier alinéa. Elles visent à déterminer, en substance, laquelle des deux directives 2013/32 ou 2005/85 est applicable à la demande d’asile du 29 novembre 2013 des requérants au principal dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17, et à la demande d’asile du 19 juin 2012 du requérant au principal dans l’affaire C‑438/17 ( 9 ).

44.

Selon la juridiction de renvoi, aux termes de l’article 29, paragraphe 1, point 2, de l’AsylG, qui transpose l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, une demande d’asile sera irrecevable lorsqu’un autre État membre de l’Union a déjà accordé au ressortissant étranger une protection internationale. Elle ajoute que l’article 77, paragraphe 1, de l’AsylG « commande en lui-même d’appliquer l’article 29, paragraphe 1, point 2, de l’AsylG aux demandes introduites avant son entrée en vigueur pour autant qu’elles n’aient pas encore fait l’objet d’une décision non susceptible de recours. […]. La confiance des intéressés dans la persistance du régime juridique ancien pèse moins lourd, aux yeux de la chambre de céans, que l’objectif poursuivi par le nouveau régime d’éviter une migration secondaire après l’obtention d’une protection conformément à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 ». (Voir point 20 de la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑297/17).

45.

Il importe de relever que selon l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, les États membres peuvent considérer comme irrecevable une demande de protection internationale, à savoir une demande visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire lorsqu’une protection internationale a été accordée par un autre État membre ( 10 ).

46.

En revanche, conformément à l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85 ( 11 ), les États membres pouvaient considérer comme irrecevable une demande de protection internationale lorsque le statut de réfugié avait été accordé par un autre État membre. Par conséquent, selon cette disposition, une demande du statut de réfugié ne pouvait être considérée comme irrecevable si le statut conféré par la protection subsidiaire avait été accordé par un autre État membre ( 12 ).

47.

Il s’ensuit qu’il y a une distinction claire et nette entre la portée de ces deux dispositions, les États membres disposant de pouvoirs plus étendus pour déclarer irrecevable une demande de protection internationale en application de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 qu’en application de l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85 ( 13 ). Par conséquent, s’agissant de la recevabilité des demandes de protection internationale, il est important de savoir laquelle de ces deux directives est applicable dans les affaires au principal.

48.

À cet égard, l’article 52, premier alinéa, première phrase, de la directive 2013/32 dispose que les États membres appliquent les dispositions nationales transposant notamment l’article 33 de ladite directive aux demandes de protection internationale introduites et aux procédures de retrait de la protection internationale entamées après le 20 juillet 2015 ( 14 )« ou à une date antérieure ».

49.

Il ressort des travaux préparatoires de la directive 2013/32 que les termes « ou à une date antérieure », qui ne figuraient pas dans le texte de la proposition de la Commission (COM (2009) 554), ont été ajoutés à la fin de l’article 52, premier alinéa, première phrase, de la directive 2013/32 par le Conseil en première lecture ( 15 ).

50.

Cette inclusion est à l’origine des présentes demandes de décisions préjudicielles. Force est de constater que cette disposition est un exemple classique de mauvaise rédaction législative ou d’indécision qui est à l’origine de plusieurs recours judicaires entraînant ainsi des gaspillages considérables de ressources tant au niveau national qu’au niveau européen sans compter les épreuves imposées, ne fût-ce qu’en termes de délais, aux justiciables en cause déjà soumis à d’autres difficultés par ailleurs.

51.

En effet, en l’absence de ces termes, l’article 52, premier alinéa, première phrase, de la directive 2013/32 serait parfaitement clair et le 20 juillet 2015, serait la seule date pertinente pour décider quelle directive serait applicable. De plus, à quoi sert-il de maintenir les mots « après le 20 juillet 2015 », si c’est pour viser également les demandes introduites avant cette date ?

52.

Pour trancher le point de savoir si la date du 20 juillet 2015 reste pertinente pour déterminer l’application ratione temporis de la directive 2013/32, je considère conformément aux observations du gouvernement polonais et de la Commission, que l’article 52, premier alinéa, de la directive 2013/32 doit être lu dans son ensemble.

53.

Selon l’article 52, premier alinéa, deuxième phrase, de la directive 2013/32, les demandes introduites avant le 20 juillet 2015 ainsi que les procédures de retrait du statut de réfugié entamées avant cette date sont régies par les dispositions législatives, réglementaires et administratives adoptées en vertu de la directive 2005/85.

54.

De cette disposition parfaitement claire et impérative, il découle que les demandes d’asile des requérants au principal, qui ont toutes été introduites avant le 20 juillet 2015, sont régies par les dispositions législatives, réglementaires et administratives adoptées en vertu de la directive 2005/85 ( 16 ). Si l’on devait interpréter les termes « ou à une date antérieure » à la fin de l’article 52, premier alinéa, première phrase, de la directive 2013/32 comme laissant aux États membres la possibilité d’appliquer les dispositions nationales transposant la directive 2013/32 aux demandes introduites avant le 20 juillet 2015, une telle interprétation irait diamétralement à l’encontre de l’article 52, premier alinéa, deuxième phrase, de la directive 2013/32 en déformant le sens clair.

55.

Or, je ne vois pas pourquoi nous devrions « sacrifier » le sens clair de l’article 52, premier alinéa, deuxième phrase, de la directive 2013/32 pour donner un sens aux termes « ou à une date antérieure » qui ont introduit une ambigüité, voire une contradiction dans la première phrase, du même alinéa. Comme sur le point en débat, la directive 2013/32 est plus restrictive que la directive 2005/85, l’argument de la Commission selon lequel l’article 52, premier alinéa, première phrase, de la directive 2013/32 permet une application rétroactive des dispositions de ladite directive qui seraient plus favorables au demandeur d’asile ( 17 ) ne doit même pas être examiné.

56.

Par conséquent, la seule interprétation logique de l’article 52, premier alinéa, première phrase, de la directive 2013/32 est que les demandes introduites après le 20 juillet 2015 ainsi que les procédures de retrait du statut de réfugié entamées après cette date sont régies par les dispositions législatives, réglementaires et administratives adoptées pour transposer la directive 2013/32.

57.

Par sa première question dans l’affaire C‑438/17, la juridiction de renvoi s’interroge, également, sur la question de savoir si le fait que la demande d’asile du requérant au principal dans cette affaire déposée au mois de juin 2012 relève encore pleinement du règlement Dublin II ( 18 ) est pertinent pour l’interprétation de l’article 52, premier alinéa, première phrase, de la directive 2013/32. En effet, la juridiction de renvoi estime que l’applicabilité du règlement Dublin II en l’espèce, peut s’opposer à l’application rétroactive de la règle nationale ( 19 ) adoptée dans la mise en œuvre de l’habilitation plus étendue conférée par l’article 33, paragraphe 2, sous a), de ladite directive ( 20 ).

58.

Étant donné qu’il ressort de ma réponse au point 54 des présentes conclusions que l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 ne s’applique pas avant la date du 20 juillet 2015 date à laquelle le règlement Dublin III était déjà en vigueur, la question de savoir si le règlement Dublin II s’oppose à l’application rétroactive de la règle nationale adoptée dans la mise en œuvre de l’habilitation plus étendue conférée par l’article 33, paragraphe 2, sous a), de ladite directive ne se pose pas.

59.

Par sa seconde question dans l’affaire C‑438/17, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si l’article 52, premier alinéa, de la directive 2013/32 permet de mettre en œuvre rétroactivement l’habilitation plus étendue de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, à l’égard des demandes d’asile non encore tranchées au moment de cette mise en œuvre et déjà introduites avant l’entrée en vigueur de la directive 2013/32 ( 21 ).

60.

Étant donné qu’il ressort de ma réponse au point 54 des présentes conclusions que l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 ne s’applique pas avant la date du 20 juillet 2015, la question de savoir si l’article 52, premier alinéa, première phrase, de la directive 2013/32 permet de mettre en œuvre rétroactivement l’habilitation plus étendue de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, à l’égard des demandes d’asile non encore tranchées au moment de cette mise en œuvre et déjà introduites avant l’entrée en vigueur de ladite directive ne se pose pas non plus.

61.

Au vu de ce qui précède, je considère que l’article 52, premier alinéa, de la directive 2013/32 s’oppose à l’application aux demandes de protection internationale introduites avant le 20 juillet 2015 d’une réglementation nationale transposant l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 et créant un motif d’irrecevabilité, alors que le demandeur s’est vu reconnaître une protection subsidiaire dans un autre État membre. Le fait que la demande d’asile relève encore pleinement du champ d’application du règlement Dublin II conformément à l’article 49 du règlement Dublin III ou que la demande d’asile a été introduite avant l’entrée en vigueur de la directive 2013/32 et avant sa transposition en droit interne n’est pas pertinent.

62.

Il importe de constater que ma réponse à la première question préjudicielle dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17 et aux deux questions dans l’affaire C‑438/17 prive d’objet les autres questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17. Je ne les examinerai donc que dans l’hypothèse où la Cour ne suivrait pas la réponse proposée pour la première question.

B.   Sur la deuxième question dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17

63.

Par cette question préjudicielle, qui porte spécifiquement sur l’interprétation de l’article 33 de la directive 2013/32, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si les États membres disposent du droit de choisir soit de ne pas examiner une demande d’asile en application du règlement Dublin II et du règlement Dublin III, au motif que ces règlements désignent un autre État membre comme responsable pour l’examen de la demande de protection internationale ( 22 ), soit de la rejeter comme irrecevable au titre de l’article 33, paragraphe 2, point a), de la directive 2013/32 ( 23 ).

64.

Je considère qu’il ressort clairement du libellé même de l’article 33, paragraphe 1, de la directive 2013/32 et en particulier des termes « [o]utre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement [Dublin III] » qu’un État membre a le droit de choisir soit de ne pas examiner une demande d’asile, car un autre État membre est responsable, soit de la rejeter comme irrecevable au titre de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32.

65.

À cet égard, je considère, conformément aux observations de la Commission ( 24 ), que l’article 33, paragraphe 1, de la directive 2013/32 n’établit aucune priorité ou hiérarchie entre les règles sur la détermination de l’État membre responsable et les motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32. Il s’ensuit qu’un État membre n’est pas obligé d’examiner en priorité s’il est responsable ou non pour l’examen de la demande de protection internationale et peut rejeter cette demande pour un des motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32. En l’absence d’aucune priorité ou hiérarchie entre les règles en question, ce libre choix s’impose également pour des raisons d’économie de la procédure.

C.   Sur les troisième et quatrième questions dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17

66.

Par sa troisième question dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 s’oppose à ce qu’un État membre rejette comme irrecevable une demande d’asile qui lui a été présentée par un demandeur à qui la protection subsidiaire a déjà été accordée par un autre État membre, d’une part, lorsque la procédure d’asile dans cet autre État membre était et est encore entachée de défaillances systémiques, et, d’autre part, lorsque les conditions d’existence des bénéficiaires d’une protection subsidiaire dans cet autre État membre sont contraires à l’article 4 de la Charte et à l’article 3 de la CEDH ou ne satisfont pas aux conditions des articles 20 et suivants de la directive 2011/95, sans aller pourtant jusqu’à enfreindre l’article 4 de la Charte.

67.

Par sa quatrième question dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si le droit de l’Union s’oppose à l’application par un État membre du motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 à une demande de protection internationale lorsque les bénéficiaires de cette protection internationale ne reçoivent aucune prestation de subsistance ou une prestation de subsistance nettement moindre à celles prévues dans d’autres États membres, sans toutefois être traités différemment, à cet égard, des ressortissants de l’État membre en cause et sans aller jusqu’à enfreindre l’article 4 de la Charte.

68.

Il convient de noter que la demande de décision préjudicielle ne contient aucune information ni sur la procédure d’octroi de la protection internationale en Bulgarie ni sur les conditions de vie des bénéficiaires de protection internationale dans cet État membre.

69.

J’examinerai la seconde partie de la troisième question dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17 avec la quatrième question et ensuite la première partie de la troisième question.

1. Sur la seconde partie de la troisième question et la quatrième question

70.

Par cette question préjudicielle, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si « le droit de l’Union requiert d’examiner la demande ultérieure d’une personne reconnue bénéficiaire de protection subsidiaire dans un autre État membre en dépit d’une règle interne de mise en œuvre de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, lorsque les conditions d’existence qui y règnent pour les bénéficiaires de protection subsidiaire enfreignent les articles 3 […] de la CEDH [et l’article 4 de la Charte] ou ne répondent pas aux conditions requises par les articles 20 et suivants de la directive 2011/95 en étant au-dessous de ce seuil ».

a) Observations liminaires sur l’article 4 de la Charte

71.

Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, les règles du droit dérivé de l’Union doivent être interprétées et appliquées dans le respect des droits fondamentaux garantis par la Charte. L’interdiction des peines ou des traitements inhumains ou dégradants, prévue à l’article 4 de la Charte, est, à cet égard, d’une importance fondamentale, dans la mesure où elle revêt un caractère absolu en tant qu’elle est étroitement liée au respect de la dignité humaine visée à l’article 1er de celle-ci ( 25 ).

72.

Le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des États y participant, qu’ils soient États membres ou États tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la convention de Genève et le protocole de 1967, ainsi que dans la CEDH, et que les États membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard. Dans ces conditions, la Cour a jugé qu’il devait être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d’asile dans chaque État membre était conforme aux exigences de la Charte, à la convention de Genève ainsi qu’à la CEDH ( 26 ).

73.

Nonobstant cette présomption de conformité, la Cour a aussi dit pour droit qu’il ne saurait être exclu que le système européen commun d’asile rencontre, en pratique, des difficultés majeures de fonctionnement dans un État membre déterminé, de sorte qu’il y existerait un risque sérieux que des demandeurs d’asile soient, en cas de transfert vers cet État membre, traités d’une manière incompatible avec leurs droits fondamentaux ( 27 ).

74.

Au point 99 de l’arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865), la Cour précise clairement « qu’une application du règlement [Dublin III] sur la base d’une présomption irréfragable que les droits fondamentaux du demandeur d’asile seront respectés dans l’État membre normalement compétent pour connaître de sa demande est incompatible avec l’obligation des États membres d’interpréter et d’appliquer le règlement [Dublin III] d’une manière conforme aux droits fondamentaux ». Il s’agit par conséquent d’une présomption de conformité réfragable.

75.

La Cour a aussi noté aux points 86 à 94 et 106 dans son arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865), que le transfert de demandeurs d’asile dans le cadre du système de Dublin pouvait, dans certaines circonstances, être incompatible avec l’interdiction prévue à l’article 4 de la Charte. Elle a ainsi jugé qu’un demandeur d’asile courrait un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de cet article, en cas de transfert vers un État membre dans lequel il serait possible de sérieusement craindre qu’il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs. Par conséquent, conformément à l’interdiction prévue audit article, dans le cadre du système de Dublin, il incombe alors aux États membres de ne pas effectuer de transferts vers un État membre lorsqu’ils ne peuvent ignorer l’existence, au sein de celui-ci, de pareilles défaillances ( 28 ).

76.

L’arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865), est intervenu dans une situation analogue à celle visée dans l’arrêt de la Cour EDH du 21 janvier 2011, M. S. S. c. Belgique et Grèce ( 29 ), et relative à l’article 3 de la CEDH, à savoir le transfert par les autorités belges d’un demandeur d’asile vers la Grèce qui était l’État membre responsable pour l’examen de sa demande ( 30 ). Au point 88 de l’arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865), la Cour a constaté que la Cour EDH avait jugé, notamment, que le Royaume de Belgique avait violé l’article 3 de la CEDH, d’une part, en exposant le requérant aux risques résultant des défaillances de la procédure d’asile en Grèce dès lors que les autorités belges savaient ou devaient savoir que ce requérant n’avait aucune garantie de voir sa demande d’asile examinée sérieusement par les autorités grecques et, d’autre part, en exposant le requérant en pleine connaissance de cause à des conditions de détention et d’existence constitutives de traitements dégradants ( 31 ).

77.

Si la jurisprudence issue de l’arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865), relative à l’existence dans l’État membre requis de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs a été codifiée en 2013 à l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III, la Cour a cependant dit pour droit qu’il ne pouvait en être conclu que toute violation d’un droit fondamental par l’État membre responsable affecterait les obligations des autres États membres de respecter les dispositions du règlement Dublin III ( 32 ). En effet, il ne serait pas compatible avec les objectifs et le système du règlement Dublin III que la moindre violation des règles régissant le système commun d’asile suffise à empêcher tout transfert d’un demandeur d’asile vers l’État membre normalement compétent ( 33 ).

78.

S’agissant des risques associés au transfert proprement dit d’un demandeur de protection internationale, la Cour a jugé au point 65 de l’arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127), qu’il ne pouvait être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte. À cet égard, la Cour a pris en considération l’état de santé particulièrement grave de l’intéressé ( 34 ) qui pouvait conduire à ne pouvoir le transférer vers un autre État membre et ce même en l’absence de défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’État membre responsable.

79.

En effet, au point 91 de l’arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127), la Cour a explicitement rejeté l’argument de la Commission selon lequel il découlerait de l’article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement Dublin III que seule l’existence de défaillances systémiques dans l’État membre responsable serait susceptible d’affecter l’obligation de transfert d’un demandeur d’asile vers l’État membre responsable ( 35 ).

80.

À cet égard, la Cour a mis l’accent sur le caractère général de l’article 4 de la Charte, qui interdit les traitements inhumains ou dégradants sous toutes leurs formes et le fait qu’il serait manifestement incompatible avec le caractère absolu de cette interdiction que les États membres puissent méconnaître un risque réel et avéré de traitements inhumains ou dégradants affectant un demandeur d’asile sous prétexte qu’il ne résulterait pas d’une défaillance systémique dans l’État membre responsable ( 36 ).

81.

Le point 95 de l’arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127), précise que l’impossibilité de procéder au transfert dans les circonstances en cause dans cette affaire « respecte pleinement le principe de confiance mutuelle dès lors que, loin d’affecter l’existence d’une présomption de respect des droits fondamentaux dans chaque État membre, elle assure que les situations exceptionnelles envisagées dans le présent arrêt sont dûment prises en compte par les États membres. Au demeurant, si un État membre procédait au transfert d’un demandeur d’asile dans de telles situations, le traitement inhumain et dégradant qui en résulterait ne serait pas imputable, directement ou indirectement, aux autorités de l’État membre responsable, mais au seul premier État membre» ( 37 ).

82.

Cette approche prudente, qui met l’accent sur la protection des principes fondamentaux et des droits de l’homme, reflète également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, au point 126 de son arrêt du 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, CE:ECHR:2014:1104JUD002921712, la Cour européenne des droits de l’homme rappelle que « le grief d’une personne selon lequel son renvoi vers un État tiers l’exposerait à des traitements prohibés par l’article 3 de la [CEDH] doit impérativement faire l’objet d’un contrôle attentif par une instance nationale ».

83.

Contrairement aux circonstances présentes dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865), et du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127), qui portaient, dans le premier cas, sur les défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs et, dans le second cas, sur le transfert en tant que tel d’un demandeur de protection internationale, les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17 portent sur la prise en compte de la situation qui pourrait intervenir après l’octroi de la protection internationale dans l’État membre responsable.

84.

En outre, les présentes questions préjudicielles portent non pas sur le règlement Dublin III mais sur le motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32.

85.

Ces circonstances inédites n’ont pas encore été traitées par la Cour.

b) Application de l’article 4 de la Charte

86.

L’article 51, paragraphe 1, de la Charte prévoit que ses dispositions ne s’adressent aux États membres que lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.

87.

À mon avis, le respect de l’article 4 de la Charte, relatif à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, qui a un caractère absolu, s’impose aux États membres lorsqu’ils appliquent le motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 ( 38 ).

88.

Conformément au principe de confiance mutuelle, il doit être présumé que le traitement réservé aux bénéficiaires de protection internationale dans chaque État membre est conforme aux exigences de la Charte, de la convention de Genève ainsi que de la CEDH ( 39 ). Cette présomption de conformité est renforcée si l’État membre transpose de jure ( 40 ) mais aussi de facto les dispositions du chapitre VII, intitulé « Contenu de la protection internationale », de la directive 2011/95 qui prévoit un niveau de protection sociale du bénéficiaire en cause qui est équivalent, voire supérieur à celui prévu par la convention de Genève.

89.

Toutefois, comme je l’ai déjà indiqué au point 73 des présentes conclusions, cette présomption de conformité, notamment à l’article 4 de la Charte, n’est pas irréfragable.

90.

Je considère qu’il ressort par analogie des points 253 et 254 de l’arrêt de la Cour EDH du 21 janvier 2011, M.S. S. c. Belgique et Grèce (CE:ECHR:2011:0121JUD003069609), et du point 80 de l’arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865), qu’un État membre violerait l’article 4 de la Charte si des bénéficiaires de protection internationale, totalement dépendants de l’aide publique, étaient confrontés à l’indifférence des autorités d’une manière telle qu’ils se trouveraient dans une situation de privation ou de manque à ce point grave qu’elle serait incompatible avec la dignité humaine.

91.

Autrement dit, afin de considérer qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que les bénéficiaires de protection internationale courront un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte, en raison de leurs conditions de vie dans l’État membre responsable en application du règlement Dublin III, ils doivent se trouver dans une situation d’une particulière gravité ( 41 ) qui résulterait des défaillances systémiques à leur égard dans cet État membre.

92.

Dans une telle situation totalement exceptionnelle, un État membre ne peut pas appliquer le motif d’irrecevabilité prévu par l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 à une demande de protection internationale et doit examiner la demande de protection internationale qui lui a été présentée.

93.

Au vu de ce qui précède et, en particulier, le caractère absolu de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, prévue à l’article 4 de la Charte, je considère que le droit de l’Union s’oppose à l’application par un État membre du motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 à une demande de protection internationale lorsque les conditions d’existence des bénéficiaires d’une protection subsidiaire accordée par un autre État membre sont contraires à l’article 4 de la Charte.

c) Application des articles 20 et suivants de la directive 2011/95

94.

Le chapitre VII de la directive 2011/95 sur le contenu de la protection internationale prévoit notamment des dispositions relatives à l’accès des bénéficiaires de protection internationale à l’emploi ( 42 ), à l’éducation ( 43 ), à la protection sociale ( 44 ) et aux soins de santé ( 45 ) qui imposent un traitement identique à celui réservé aux ressortissants de l’État membre.

95.

En outre, selon l’article 32 de la directive 2011/95, les bénéficiaires doivent avoir accès à un logement dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficient les ressortissants d’autres pays tiers résidant légalement sur leur territoire ( 46 ).

96.

Il s’ensuit que les dispositions du chapitre VII de la directive 2011/95 ne prévoient pas un niveau ou un seuil minimum de bénéfices sociaux qui doivent être accordés aux bénéficiaires de la protection internationale, outre le traitement national ou exceptionnellement un traitement équivalent à celui dont bénéficient les ressortissants d’autres pays tiers résidant légalement sur le territoire d’un État membre ( 47 ).

97.

En l’absence d’une véritable politique sur la protection internationale au sein de l’Union, financée par son propre budget, qui garantirait des conditions de vie minimales et uniformes aux bénéficiaires de cette protection, les dispositions du chapitre VII de la directive 2011/95 reflètent le principe de subsidiarité consacré par l’article 5, paragraphe 3, TUE dans la mesure où elles prennent clairement en compte l’existence de niveaux divergents des bénéfices sociaux dans les États membres.

98.

S’agissant des situations où une violation des articles 20 et suivants de la directive 2011/95 est alléguée, sans aller pourtant jusqu’à enfreindre l’article 4 de la Charte, je considère comme le gouvernement français, qu’imposer aux autorités compétentes en matière d’asile d’apprécier le niveau et les conditions d’accès de la protection internationale, serait contraire au principe de confiance mutuelle qui sous-tend le système européen commun d’asile, y compris les dispositions de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 ( 48 ).

99.

De surcroît, le droit de l’Union ne s’oppose pas à l’application par un État membre du motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 à une demande de protection internationale, lorsque les bénéficiaires de la protection internationale ne reçoivent aucune prestation de subsistance ou des prestations nettement moindres que dans d’autres États membres, sans toutefois être traités différemment, à cet égard, des ressortissants de l’État membre en cause, sans aller pourtant jusqu’à enfreindre l’article 4 de la Charte. Le considérant 41 de la directive 2011/95 prévoit qu’ « [a]fin de rendre plus effectif l’exercice par les bénéficiaires d’une protection internationale des droits et avantages prévus dans la présente directive, il est nécessaire de tenir compte de leurs besoins spécifiques et des difficultés d’intégration particulières auxquelles ils sont confrontés. Cette prise en compte ne devrait normalement pas aboutir à un traitement plus favorable que celui accordé par les États membres à leurs propres ressortissants, sans préjudice de la possibilité qu’ont les États membres de mettre en place ou de maintenir des normes plus favorables» ( 49 ).

100.

Autrement, les États membres qui respectent effectivement leurs obligations découlant de la directive 2011/95 quant au contenu de la protection internationale ou qui accordent des bénéfices sociaux relativement généreux seraient pénalisés.

101.

Au vu de ce qui précède, je considère que le droit de l’Union ne s’oppose pas à l’application par un État membre du motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 à une demande de protection internationale lorsque l’État membre qui a déjà accordé au demandeur une protection subsidiaire ne satisfait pas aux conditions des articles 20 et suivants de la directive 2011/95 ( 50 ), sans aller pourtant jusqu’à enfreindre l’article 4 de la Charte ou lorsque les bénéficiaires de la protection internationale ne reçoivent aucune prestation de subsistance, ou des prestations nettement moindres que celles prévues dans d’autres États membres, sans toutefois être traités différemment, à cet égard, des ressortissants de l’État membre en cause.

2. Sur la première partie de la troisième question

102.

La juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir « si, et à quelles conditions, les dispositions combinées de l’article 18 de la Charte et de l’article 78 TFUE pourraient commander qu’un État membre examine une demande de protection internationale en dépit d’une règle interne de mise en œuvre de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 lorsque le demandeur s’est déjà vu reconnaître dans un autre État membre le statut de protection subsidiaire mais pas la qualité de réfugié » en raison des défaillances dans la procédure d’asile dans ce dernier État membre.

103.

Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi fait allusion aux défaillances dans la procédure d’asile en Bulgarie, qui accorde la « protection subsidiaire, refuse la reconnaissance, plus appréciable, de la qualité de réfugié d’une manière (prévisible) […] ou […] n’examine pas plus avant des demandes ultérieures en dépit d’éléments ou de faits nouveaux qui augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié [conformément à l’article 40, paragraphe 3, de la directive 2013/32] ». (Point 32 de la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑297/17).

a) Observations des parties

104.

Le gouvernement allemand considère que dans la mesure où « existerait une obligation d’examiner les défaillances systémiques de la procédure d’asile d’un autre État membre, elle devrait à tout le moins être évoquée dans la directive 2013/32. [Il relève que] tel n’est cependant pas le cas et [qu’au contraire,] la décision d’un État membre statuant sur l’octroi d’une protection internationale revêt une certaine autorité », (point 62 de ses observations). Selon ce gouvernement, seul le législateur de l’Union peut établir une telle obligation en droit positif et le manquement à cette obligation imposée par le droit de l’Union ne peut être constaté qu’à l’issue d’une procédure en manquement contre cet État.

105.

Le gouvernement français considère que ce n’est que s’il apparaît que la protection internationale déjà accordée par un autre État membre n’est pas effective, c’est-à-dire si l’intéressé risque dans l’État membre qui lui a accordé une protection d’être exposé à des persécutions ou à des atteintes graves ( 51 ) au sens de la directive 2011/95, que l’État membre saisi de la nouvelle demande devra vérifier si le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut de réfugié avant d’examiner son éligibilité à la protection subsidiaire.

106.

Selon le gouvernement polonais, l’article 33 de la directive 2013/32 prévoit que le demandeur qui bénéficie d’une protection internationale dans un autre État membre y est adéquatement protégé, de sorte que les autres États membres peuvent considérer sa demande comme irrecevable et la rejeter sans l’examiner au fond. Il estime que le fait pour une autorité nationale compétente de constater qu’un demandeur bénéficie d’une protection internationale dans un autre État membre doit en principe lui permettre de ne pas examiner la demande sur le fond. Il ajoute que ce n’est que dans des circonstances très exceptionnelles que l’autorité nationale compétente est tenue d’engager une procédure visant à examiner la demande sur le fond. Selon ce gouvernement, c’est à l’autorité nationale compétente ou à la juridiction nationale qu’il appartient de déterminer si un cas concret de défaillances systémiques dans les procédures d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans un État membre donné constitue une violation de l’article 4 de la Charte, qui justifierait une obligation d’examiner au fond une demande de renforcement de la protection internationale.

107.

La Commission estime que les défaillances dans les procédures d’asile de l’autre État membre peuvent être ignorées dans l’analyse du premier État membre (c’est-à-dire, en l’espèce, la République fédérale d’Allemagne). Elle considère qu’après l’octroi de la protection subsidiaire dans l’État B et le rejet de la demande de renforcement comme irrecevable dans l’État A, la procédure d’asile est arrivée à son terme. Selon la Commission, l’intéressé doit dès lors être traité conformément à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ( 52 ). Elle estime que l’intéressé est en séjour irrégulier dans l’État membre A, mais bénéficie dans l’État membre B d’une autorisation de séjour en tant que bénéficiaire d’une protection subsidiaire.

b) Analyse

108.

La présente question préjudicielle concerne la recevabilité d’une demande de « renforcement » de la protection subsidiaire accordée par un État membre par la reconnaissance du statut de réfugié dans un autre État membre. Force est de rappeler que conformément à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, les États membres peuvent ( 53 ) considérer comme irrecevable une demande visant à obtenir le statut de réfugié, lorsque le statut conféré par la protection subsidiaire a été accordé par un autre membre.

109.

À cet égard, outre le fait que les conditions pour être considéré comme réfugié (chapitre III de la directive 2011/95) sont nettement différentes des conditions de la protection subsidiaire (chapitre V de la directive 2011/95), le statut conféré par la protection subsidiaire est, en principe ( 54 ), inférieur à celui du statut de réfugié notamment s’agissant du droit de séjour ( 55 ) et de la protection sociale ( 56 ). Cette distinction entre les deux statuts de protection internationale est renforcée par le libellé même de l’article 78 TFUE ( 57 ).

110.

Je relève que, au vu de cette distinction entre les deux statuts, l’article 46, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2013/32 prévoit que le demandeur de protection internationale dispose, dans l’État membre responsable, d’un droit à un recours effectif, devant une juridiction de cet État membre lui permettant de contester les décisions considérant comme infondée une demande d’octroi du statut de réfugié et/ou du statut conféré par la protection subsidiaire ( 58 ).

111.

En effet, l’article 46, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2013/32 prévoit que « lorsque le statut de protection subsidiaire accordé par un État membre offre les mêmes droits et avantages que ceux offerts par le statut de réfugié au titre du droit de l’Union et du droit national, cet État membre peut considérer comme irrecevable un recours contre une décision considérant une demande infondée quant au statut de réfugié, en raison de l’intérêt insuffisant du demandeur à ce que la procédure soit poursuivie» ( 59 ).

112.

Il s’ensuit que le statut de réfugié n’est qu’exceptionnellement interchangeable avec le statut conféré par la protection subsidiaire.

113.

Le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des États y participant, qu’ils soient États membres ou États tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris le droit d’asile consacré à l’article 18 de la Charte et que les États membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard ( 60 ).

114.

À mon avis, l’adoption par le législateur de l’Union des dispositions comme l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 est basée sur ce principe de confiance mutuelle. Cette disposition vise à éviter le gaspillage des ressources et « l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des États, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, […] et d’éviter le forum shopping, l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes dans l’intérêt tant des demandeurs d’asile que des États participants» ( 61 ).

115.

Dans les circonstances particulières des présentes affaires, la confiance mutuelle implique que les États membres ont le droit de présumer que les autres États membres traitent les demandes de protection internationale conformément au droit de l’Union et aux règles de la convention de Genève et accordent soit le statut de réfugié, soit le statut conféré par la protection subsidiaire, lorsque les conditions spécifiques de ces statuts l’exigent au regard des critères communs prévus par la directive 2011/95. Par conséquent, les États membres ont le droit de présumer que les autres États membres accordent le statut (supérieur) de réfugié et non le statut (inférieur) conféré par la protection subsidiaire lorsque les circonstances le méritent et l’exigent et vice versa.

116.

J’ai toutefois déjà noté que la présomption était réfragable. En effet, il importe de souligner que le droit d’asile est un droit fondamental garanti par l’article 18 de la Charte « dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ». Il s’ensuit que, nonobstant l’obligation de confiance mutuelle entre les États membres, l’intéressé doit avoir la possibilité de démontrer qu’il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile consistant notamment en une pratique répandue d’accorder injustement le statut conféré par la protection subsidiaire plutôt que le statut de réfugié. En effet, l’existence de défaillances systémiques de la procédure d’asile ne peut être limitée au fait que l’intéressé risque d’être exposé à des persécutions ou à des atteintes graves, comme le prétend le gouvernement français ( 62 ).

117.

La vérification de l’existence ou non des défaillances systémiques de la procédure d’asile dans l’État membre responsable repose uniquement sur une évaluation concrète des faits et des circonstances. À cet égard, la juridiction de renvoi doit prendre en considération toutes les preuves apportées par l’intéressé sur tous les faits pertinents concernant de prétendues défaillances systémiques de la procédure d’asile.

118.

Des violations isolées ne sont en aucun cas suffisantes pour remettre en cause le système européen commun d’asile ( 63 ), en particulier, l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 et obliger ainsi les États membres à considérer une demande visant à obtenir le statut de réfugié comme recevable, même si le statut conféré par la protection subsidiaire a été accordé par un autre État membre.

119.

De surcroît, étant donné que conformément à l’article 46, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2013/32, le demandeur de protection internationale dispose, dans l’État membre responsable, d’un droit à un recours effectif, devant une juridiction de cet État membre lui permettant de contester notamment les décisions considérant comme infondée une demande quant au statut de réfugié, il doit également démontrer que ce droit à un recours effectif est inexistant ou entaché de défaillances systémiques.

120.

Au vu de ce qui précède, je considère que le droit de l’Union et, en particulier, l’article 18 de la Charte s’opposent à l’application par un État membre du motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 à une demande de protection internationale, lorsque le demandeur par une demande de reconnaissance du statut de réfugié dans un État membre sollicite le renforcement de la protection subsidiaire qui lui a été accordée dans un autre État membre et que la procédure d’asile dans ce dernier État membre était et est encore entachée de défaillances systémiques.

D.   Sur la cinquième question dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17

121.

La cinquième question dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17 n’est posée que dans l’hypothèse où la deuxième question appellerait une réponse négative ( 64 ). Par cette question, qui se décline en deux sous-questions, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si, d’une part, les circonstances en cause dans l’affaire au principal relèvent ratione temporis du règlement Dublin II ou du règlement Dublin III et si, d’autre part, le règlement Dublin II et/ou le règlement Dublin III s’appliquent lorsqu’une protection subsidiaire a déjà été accordée au demandeur dans un autre État membre.

122.

Étant donné que sur la base de ma réponse à la deuxième question, un État membre n’est pas obligé d’examiner en priorité s’il est responsable ou non pour l’examen de la demande de protection internationale et peut rejeter cette demande pour un des motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32, la cinquième question est devenue sans objet.

V. Conclusion

123.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) de la manière suivante :

1)

L’article 52, premier alinéa, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, s’oppose à l’application aux demandes de protection internationale introduites avant le 20 juillet 2015 d’une réglementation nationale transposant l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 qui crée un motif d’irrecevabilité lorsque le demandeur s’est vu reconnaître une protection subsidiaire dans un autre État membre. Le fait que la demande d’asile relève encore pleinement du champ d’application du règlement Dublin II conformément à l’article 49 du règlement Dublin III ou que la demande d’asile a été introduite avant l’entrée en vigueur de la directive 2013/32 et avant sa transposition en droit interne n’est pas pertinent.

2)

L’article 33, paragraphe 1, de la directive 2013/32 n’établit aucune priorité ou hiérarchie entre les règles sur la détermination de l’État membre responsable et les motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32. Il s’ensuit qu’un État membre n’est pas obligé d’examiner en priorité s’il est responsable ou non pour l’examen de la demande de protection internationale et peut rejeter cette demande pour un des motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32. En l’absence d’aucune priorité ou hiérarchie entre les règles en question, ce libre choix s’impose également pour des raisons d’économie de la procédure.

3)

Le droit de l’Union s’oppose à l’application par un État membre du motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 à une demande de protection internationale lorsque les conditions d’existence des bénéficiaires d’une protection subsidiaire accordée par un autre État membre sont contraires à l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

4)

Le droit de l’Union ne s’oppose pas à l’application par un État membre du motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 à une demande de protection internationale lorsque l’État membre qui a déjà accordé au demandeur une protection subsidiaire ne satisfait pas aux conditions des articles 20 et suivants de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, sans aller pourtant jusqu’à enfreindre l’article 4 de la charte des droits fondamentaux ou lorsque les bénéficiaires de la protection internationale ne reçoivent aucune prestation de subsistance ou des prestations nettement moindres que celles prévues dans d’autres États membres, sans toutefois être traités différemment, à cet égard, des ressortissants de l’État membre en cause.

5)

Le droit de l’Union et, en particulier, l’article 18 de la charte des droits fondamentaux s’opposent à l’application par un État membre du motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 à une demande de protection internationale, lorsque le demandeur par une demande de reconnaissance du statut de réfugié dans un État membre sollicite le renforcement de la protection subsidiaire qui lui a été accordée dans un autre État membre et que la procédure d’asile dans ce dernier État membre était et est encore entachée de défaillances systémiques.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2013, L 180, p. 60.

( 3 ) JO 2011, L 337, p. 9.

( 4 ) Recueil des traités de Nations unies, vol. 189, p. 50, no 2545 (1954).

( 5 ) JO 2005, L 326, p. 13.

( 6 ) Le règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31). Voir, également, règlement (CE) no 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 50, p. 1, ci–après le « règlement Dublin II »).

( 7 ) Les circonstances de fait dans l’affaire C‑319/17 sont, en substance, analogues à celles dans lesquelles s’inscrit la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑297/17. En outre, la motivation et les questions préjudicielles sont identiques à celles de la demande de décision préjudicielle C‑297/17.

( 8 ) À savoir Bushra, Mohammad et Ahmad Ibrahim.

( 9 ) La juridiction de renvoi observe que « [d]ans l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, le législateur de l’Union a en effet élargi la faculté que prévoyait déjà l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85 de rejeter une demande d’asile pour irrecevabilité, en permettant à présent aux États membres de considérer une demande d’asile comme irrecevable lorsqu’un autre État membre a accordé une protection subsidiaire ». (Voir point 15 de la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑297/17). Lors de l’audience commune du 8 mai 2018, le gouvernement du Royaume-Uni a contesté l’interprétation de la juridiction de renvoi de l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85. Il a soutenu notamment que, selon l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2005/85, lorsqu’un État membre utilise une procédure commune pour les demandes d’asile et les demandes de protection subsidiaire, il doit appliquer cette directive pendant toute la procédure. Dans ces circonstances, le gouvernement du Royaume-Uni a fait valoir que l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85 doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut considérer une demande d’asile comme irrecevable lorsqu’un autre État membre a accordé une protection subsidiaire. Je ne souscris pas à cette interprétation. Outre, le fait que l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85 vise expressément le statut de réfugié, je considère que le gouvernement du Royaume-Uni confond la procédure d’octroi du statut de réfugié ou de protection subsidiaire dans les États membres avec le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire.

( 10 ) Aux termes du point 43 de l’arrêt du 17 mars 2016, Mirza (C‑695/15 PPU, EU:C:2016:188), l’article 33 de la directive 2013/32 « vise à assouplir l’obligation de l’État membre responsable d’examiner une demande de protection internationale en définissant des cas dans lesquels une telle demande est considérée comme irrecevable ». Le motif d’irrecevabilité énoncé à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, permet aux États membres de rejeter, sans examen au fond, des demandes de protection internationale.

( 11 ) La directive 2005/85 a été abrogée avec effet au 21 juillet 2015 par l’article 53 de la directive 2013/32.

( 12 ) La juridiction de renvoi observe que si l’article 29, paragraphe 1, point 2, de l’AsylG répond aux conditions requises à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, « il est inconciliable » sur ce point avec l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85. Selon cette dernière disposition « [l]es États membres peuvent considérer une demande comme irrecevable […] lorsque […] le statut de réfugié a été accordé par un autre État membre ».

( 13 ) Le gouvernement polonais soutient qu’il résulte expressément d’une comparaison des deux dispositions, à savoir, l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 et l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85 que la directive 2013/32 a élargi le champ des pouvoirs dont dispose un État membre pour considérer une demande comme irrecevable. Il relève, qu’actuellement, une demande peut être déclarée irrecevable non seulement lorsque le demandeur s’est vu accorder le statut de réfugié dans un autre État membre, mais aussi lorsqu’il y bénéficie d’une protection subsidiaire. En revanche, selon ce même gouvernement, en vertu de la directive 2005/85, une demande ne pouvait être considérée comme irrecevable que si le demandeur s’était vu accorder le statut de réfugié dans un autre État membre.

( 14 ) Il convient de noter que conformément à l’article 51, paragraphe 1, de la directive 2013/32, l’article 33 de ladite directive devait être transposé au plus tard le 20 juillet 2015. En outre, conformément à l’article 53 de la même directive, la directive 2005/85 a été abrogée avec effet au 21 juillet 2015. Dans les affaires au principal, la protection subsidiaire a été accordée et les demandes de statut de réfugié ont été introduites avant le 20 juillet 2015.

( 15 ) Voir article 52 de la position (UE) no 7/2013 du Conseil en première lecture, en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte), adopté par le Conseil le 6 juin 2013 (C 179 E, p. 27).

( 16 ) Au vu du caractère obligatoire de l’article 52, premier alinéa, deuxième phrase, de la directive 2013/32, les dispositions nationales comme l’article 77, paragraphe 1, de l’AsylG ne peuvent pas déterminer la portée ratione temporis de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 et de l’article 25, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/85.

( 17 ) La Commission estime que les dispositions de la directive 2013/32 et les mesures nationales de sa transposition ne pourraient s’appliquer à des demandes introduites avant le 20 juillet 2015 que si elles sont plus favorables au demandeur d’asile que celles de la directive 2005/85 et qu’elles étaient donc de ce fait conformes au principe du traitement le plus favorable prévu à l’article 5 de la directive 2005/85. Selon la Commission, c’est donc uniquement dans ces cas-là que les termes « ou à une date antérieure » pourraient avoir une signification pratique. Lors de l’audience du 8 mai 2018, l’avocat de M. Magamadov (C‑438/17) a indiqué que les termes « ou à une date antérieure » visaient la transposition précoce de la directive 2013/32.

( 18 ) Le règlement Dublin III est entré en vigueur le 1er janvier 2014.

( 19 ) À savoir l’article 29, paragraphe 1, point 2, de l’AsylG.

( 20 ) Selon la juridiction de renvoi, la « République fédérale d’Allemagne pourrait en effet alors être (devenir) internationalement responsable au titre des règles de Dublin pour examiner au fond et trancher une (nouvelle) demande d’asile visant à obtenir une protection (renforcée) de réfugié, demande qu’elle n’aurait pas à examiner au fond ni à trancher d’après la disposition transposant rétroactivement l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32/UE. Les termes de l’article 33, paragraphe 1, de la directive 2013/32/UE, qui visent uniquement le règlement Dublin III, pourraient militer en ce sens que la disposition ne peut en tout cas pas trouver application dans des cas relevant encore intégralement du règlement Dublin II ». (Point 16 de la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑438/17).

( 21 ) La juridiction de renvoi a posé cette question au vu du fait que, contrairement aux demandes d’asile dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17 qui ont été introduites le 29 novembre 2013, la demande d’asile de M. Magamadov du 19 juin 2012 a été introduite avant l’entrée en vigueur de la directive 2013/32. Conformément à l’article 54 de la directive 2013/32, ladite directive « entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne ». La directive 2013/32 a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 29 juin 2013.

( 22 ) Je relève au point 42 de l’ordonnance du 5 avril 2017, Ahmed (C‑36/17, EU:C:2017:273), que la Cour a dit pour droit que « les dispositions et les principes du règlement [Dublin III] régissant, de manière directe ou indirecte, les délais de présentation d’une requête aux fins de reprise en charge n’étaient pas applicables dans une situation […] où un ressortissant d’un pays tiers a introduit une demande de protection internationale dans un État membre après s’être vu octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire par un autre État membre ». Toutefois, la Cour n’a pas tranché dans cette ordonnance si les États membres disposent du droit de choisir soit de ne pas examiner une demande d’asile en application du règlement Dublin III, soit de la rejeter comme irrecevable au titre de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32.

( 23 ) Selon la Commission, la question « s’explique par le fait que le droit allemand prévoit, à l’article 29, paragraphe 1, point 1 a), de l’AsylG, un motif d’irrecevabilité lorsqu’un autre État membre est responsable, en vertu des dispositions du règlement [Dublin III], de l’examen de la demande d’asile », (point 22 des observations de la Commission et c’est moi qui souligne).

( 24 ) Les requérants au principal dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17 considèrent que le règlement Dublin ne peut plus être applicable lorsque, comme en l’espèce, l’État membre responsable, au titre du règlement Dublin II, a refusé de prendre en charge l’intéressé. Le gouvernement allemand estime que le règlement Dublin III n’est plus applicable lorsque les réfugiés se sont déjà vu accorder une protection internationale. Il estime que l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32 établit une distinction entre les deux cas de figure dans lesquels une demande d’asile n’est pas examinée au fond : d’une part, l’irrecevabilité au titre des dispositions du règlement Dublin III et, d’autre part, l’irrecevabilité tirée de motifs énoncés à l’article 33, paragraphe 2, de cette directive. Selon ce gouvernement, il n’y a dès lors pas de concurrence entre les réglementations ni de faculté de choix.

( 25 ) Voir arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a., (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, point 59 et jurisprudence citée). Selon la Cour, l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants prévue à l’article 4 de la Charte correspond à celle énoncée à l’article 3 de la CEDH et dans cette mesure, son sens et sa portée sont, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, les mêmes que ceux que lui confère cette convention (arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a., C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, point 67). En outre, il ressort de l’article 15, paragraphe 2, de la CEDH, qu’aucune dérogation n’est possible à l’article 3 de la CEDH et la Cour a confirmé que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 3 de la CEDH devait être prise en compte pour interpréter l’article 4 de la Charte (arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a., C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, point 68).

( 26 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 78 à 80).

( 27 ) Voir arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 81).

( 28 ) Voir, également, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, point 60 et jurisprudence citée).

( 29 ) CE:ECHR:2011:0121JUD003069609.

( 30 ) Il convient de noter que, lors de son examen des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Grèce, la Cour européenne des droits de l’homme a pris en compte les obligations pesant sur les autorités grecques en vertu de la directive 2003/9/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres (JO 2003, L 31, p. 18), qui établit des normes pour l’accueil des demandeurs de protection internationale (Cour EDH, 21 janvier 2011, M.S. S. c. Belgique et Grèce, CE:ECHR:2011:0121JUD003069609, point 263).

( 31 ) Dans son arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé qu’une situation de dénuement matériel extrême pouvait soulever un problème au regard de l’article 3 de la CEDH. Elle a ensuite constaté que la situation dans laquelle s’était trouvé le requérant en cause était d’une particulière gravité. La Cour européenne des droits de l’homme a relevé que « [le requérant avait expliqué] avoir vécu pendant des mois dans le dénuement le plus total et n’avoir pu faire face à aucun de ses besoins les plus élémentaires : se nourrir, se laver et se loger. À cela s’ajoutait l’angoisse permanente d’être attaqué et volé ainsi que l’absence totale de perspective de voir sa situation s’améliorer » (Cour EDH, 21 janvier 2011, M.S. S. c. Belgique et Grèce, CE:ECHR:2011:0121JUD003069609, § 252 à 254). Au paragraphe 263 de cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme juge que les autorités grecques « n’ont pas dûment tenu compte de la vulnérabilité du requérant comme demandeur d’asile et doivent être tenues pour responsables, en raison de leur passivité, des conditions dans lesquelles il s’est trouvé pendant des mois, vivant dans la rue, sans ressources, sans accès à des sanitaires, ne disposant d’aucun moyen de subvenir à ses besoins essentiels. La Cour estime que le requérant a été victime d’un traitement humiliant témoignant d’un manque de respect pour sa dignité et que cette situation a, sans aucun doute, suscité chez lui des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité propres à conduire au désespoir. Elle considère que de telles conditions d’existence, combinées avec l’incertitude prolongée dans laquelle il est resté et l’absence totale de perspective de voir sa situation s’améliorer, ont atteint le seuil de gravité requis par l’article 3 de la [CEDH] ».

( 32 ) Voir arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 82).

( 33 ) Arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 84).

( 34 ) Dans cette affaire, la Cour a jugé qu’il n’y avait pas de sérieuses raisons de croire à l’existence de défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’État membre responsable. Toutefois, la Cour a dit pour droit qu’il ne saurait être exclu que le transfert proprement dit d’un demandeur d’asile dont l’état de santé était particulièrement grave puisse, en lui-même, entraîner, pour l’intéressé, un risque réel de traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte, et ce indépendamment de la qualité de l’accueil et des soins disponibles dans l’État membre responsable de l’examen de sa demande. La Cour a considéré que dans des circonstances où le transfert d’un demandeur d’asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d’une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens dudit article. La Cour a ajouté qu’il incombait aux autorités de l’État membre devant procéder au transfert et, le cas échéant, à ses juridictions, d’éliminer tout doute sérieux sur l’impact du transfert sur l’état de santé de l’intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de cette personne. Dans l’hypothèse où, compte tenu de la particulière gravité de l’affection du demandeur d’asile concerné, la prise desdites précautions ne suffirait pas à assurer que son transfert n’entraînera pas de risque réel d’une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, il incombe aux autorités de l’État membre concerné de suspendre l’exécution du transfert de l’intéressé et ce, aussi longtemps que son état ne le rend pas apte à un tel transfert. Arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, points 71, 73 et 96).

( 35 ) Je relève que dans son arrêt du 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, CE:ECHR:2014:1104JUD002921712, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé qu’afin de vérifier si le transfert d’un demandeur de protection internationale en application du système de Dublin constituait un traitement inhumain ou dégradant, il y avait lieu de rechercher si, au vu de la situation générale du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile dans l’État membre responsable et de la situation particulière des requérants, existent des motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de renvoi vers l’Italie les requérants risqueraient de subir des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé qu’à l’époque pertinente, la situation de l’Italie ne pouvait aucunement être comparée à la situation de la Grèce à l’époque de l’arrêt de la Cour EDH, du 21 janvier 2011, M.S. S. c. Belgique et Grèce, CE:ECHR:2011:0121JUD003069609 et que l’approche dans cette affaire ne saurait être la même que celle ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour EDH, du 21 janvier 2011, M.S. S. c. Belgique et Grèce, CE:ECHR:2011:0121JUD003069609. Toutefois, la Cour européenne des droits de l’homme a dit pour droit que si les requérants (un couple avec six enfants mineurs dont ces derniers bénéficient d’une protection spéciale eu égard à leurs besoins particuliers et à leur extrême vulnérabilité), devaient être renvoyés en Italie sans que les autorités suisses aient, au préalable, obtenu des autorités italiennes une garantie individuelle concernant, d’une part, une prise en charge adaptée à l’âge des enfants et, d’autre part, la préservation de l’unité familiale, il y aurait violation de l’article 3 de la CEDH.

( 36 ) Voir arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, point 93).

( 37 ) C’est moi qui souligne.

( 38 ) Voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 64 à 69).

( 39 ) Arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 78 à 80).

( 40 ) En effet, conformément à l’article 288 TFUE, l’État membre est lié quant au résultat à atteindre.

( 41 ) Voir Cour EDH, 21 janvier 2011, M.S. S. c. Belgique et Grèce, CE:ECHR:2011:0121JUD003069609, § 254.

( 42 ) Voir article 26 de la directive 2011/95. Voir, également, articles 17 à 19 de la convention de Genève.

( 43 ) Voir article 27 de la directive 2011/95 et article 22 de la convention de Genève.

( 44 ) Voir article 29 de la directive 2011/95. Conformément à l’article 29, paragraphe 2, de la directive 2011/95 « [p]ar dérogation à la règle générale énoncée au paragraphe 1, les États membres peuvent limiter aux prestations essentielles l’assistance sociale accordée aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire, ces prestations essentielles étant servies au même niveau et dans les mêmes conditions d’accès que ceux applicables à leurs propres ressortissants ». Voir, également, articles 23 et 24 de la convention de Genève.

( 45 ) Voir article 30 de la directive 2011/95. Voir, également, article 24 de la convention de Genève.

( 46 ) Voir, également, article 21 de la convention de Genève.

( 47 ) Dans le cas de l’accès au logement.

( 48 ) Il convient de noter que la juridiction de renvoi ne fournit aucune information sur le fait que des bénéficiaires de protection internationale en Bulgarie seraient discriminés par rapport aux ressortissants nationaux, notamment en ce qui concerne des prestations d’assistance sociale.

( 49 ) C’est moi qui souligne.

( 50 ) Il importe de souligner que des violations des articles 20 et suivants de la directive 2011/95 peuvent donner lieu à des recours en manquement contre l’État membre concerné en vertu de l’article 258 TFUE. En outre, les intéressés peuvent faire valoir les droits qu’ils tirent des articles 20 et suivants de la directive 2011/95 devant les juridictions et administrations nationales.

( 51 ) Voir article 15 de la directive 2011/95.

( 52 ) JO 2008, L 348, p. 98.

( 53 ) Il s’agit d’une faculté.

( 54 ) En effet, l’article 3 de la directive 2011/95, intitulé « Normes plus favorables », dispose que « [l]es États membres peuvent adopter ou maintenir des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d’octroi du statut de réfugié ou de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire et, pour déterminer le contenu de la protection internationale, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec la présente directive ».

( 55 ) Voir article 24 de la directive 2011/95.

( 56 ) Voir article 29 de la directive 2011/95.

( 57 ) L’article 78, paragraphe 1, TFUE dispose que « [l]’Union développe une politique commune en matière d’asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement. Cette politique doit être conforme à la convention de Genève du 28 juillet 1951 et au protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés, ainsi qu’aux autres traités pertinents ». C’est moi qui souligne. En outre, il convient de noter que l’article 78, paragraphe 2, TFUE prévoit qu’« [a]ux fins du paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures relatives à un système européen commun d’asile comportant : a) un statut uniforme d’asile en faveur de ressortissants de pays tiers, valable dans toute l’Union ; b) un statut uniforme de protection subsidiaire pour les ressortissants des pays tiers qui, sans obtenir l’asile européen, ont besoin d’une protection internationale ». C’est moi qui souligne.

( 58 ) Au point 51 de l’arrêt du 17 décembre 2015, Tall (C‑239/14, EU:C:2015:824), la Cour a dit pour droit que « les caractéristiques du recours prévu à l’article [46 de directive 2013/32] doivent être déterminées en conformité avec l’article 47 de la Charte qui constitue une réaffirmation du principe de protection juridictionnelle effective et aux termes duquel toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues audit article ».

( 59 ) C’est moi qui souligne.

( 60 ) Voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 78).

( 61 ) Voir arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 79).

( 62 ) En outre, il importe de souligner que le droit d’asile ne se limite pas au respect du principe de non-refoulement comme en témoignent les droits accordés par les articles 20 et suivants de la directive 2011/95.

( 63 ) Voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 82 et 84).

( 64 ) Les requérants au principal dans les affaires C‑297/17, C‑318/17 et C‑319/17 considèrent qu’« il ressort de l’article 49, paragraphe 2, du règlement Dublin III, que celui-ci n’est applicable qu’aux demandes de protection internationale introduites après le 1er janvier 2014. La réserve voulant que le règlement Dublin III s’applique à toutes les requêtes aux fins de reprise en charge adressées après le 1er janvier 2014, indépendamment du moment auquel la demande a été introduite, ne veut pas dire […] que le règlement Dublin III s’impose alors dans son ensemble, ce qui serait contraire à la disposition claire de l’article 49, paragraphe 2, ni que, si le règlement Dublin II s’impose encore au reste, les délais pour présenter une requête aux fins de reprise en charge doivent être respectés. Le règlement Dublin II ne prévoyait aucun délai à cet égard ». Le gouvernement allemand estime que, au vu de ses réponses aux autres questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi, il n’y a pas lieu de répondre à la cinquième question. La Commission estime qu’étant « donné que la cinquième question préjudicielle, au vu [de ses réponses] aux première et deuxième questions, devient doublement sans objet, la Commission considère qu’il est très improbable que la Cour doive l’examiner ». Les gouvernements français et polonais n’ont pas fait d‘observations sur la présente question préjudicielle.