Affaire T‑849/16
PGNiG Supply & Trading GmbH
contre
Commission européenne
« Recours en annulation – Marché intérieur du gaz naturel – Directive 2009/73/CE – Décision de la Commission portant modification des conditions d’exemption aux règles de l’Union des modalités d’exploitation du gazoduc OPAL concernant l’accès des tiers et la réglementation tarifaire – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »
Sommaire – Ordonnance du Tribunal (première chambre) du 14 décembre 2017
Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Affectation directe – Critères – Décision de la Commission portant modification des conditions d’exemption aux règles de l’Union des modalités d’exploitation d’un gazoduc – Recours d’une société concurrente de la société destinataire de la décision – Absence d’affectation directe – Irrecevabilité
(Art. 263, al. 4, TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2009/73, art. 36)
Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Possibilité d’être individuellement concerné par une décision de caractère général – Conditions – Décision de la Commission portant modification des conditions d’exemption aux règles de l’Union des modalités d’exploitation d’un gazoduc – Recours d’une société concurrente de la société destinataire de la décision – Absence d’affectation individuelle – Irrecevabilité
(Art. 263, al. 4, TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2009/73, art. 36)
Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Notion d’acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE – Tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs – Décision de la Commission portant modification des conditions d’exemption aux règles de l’Union des modalités d’exploitation d’un gazoduc – Exclusion
(Art. 263, al. 4, TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2009/73, art. 36)
Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes réglementaires – Actes ne comportant pas de mesures d’exécution et concernant le requérant directement – Acte ne modifiant pas par lui-même la situation du requérant – Irrecevabilité
(Art. 263, al. 4, TFUE)
Le critère de l’affectation directe requiert que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation incriminée sans application d’autres règles intermédiaires. Il en va de même lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner suite à l’acte de l’Union européenne est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute.
S’agissant d’une décision de la Commission modifiant les conditions d’exemption des modalités d’exploitation d’un gazoduc, en particulier en ce qui concerne l’accès des tiers, à la suite d’une proposition de l’autorité nationale compétente au titre de l’article 36 de la directive 2009/73, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, une société concurrente de la société destinataire de cette décision ne saurait être directement affectée par ladite décision. En effet, la condition relative à l’absence de pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires n’est pas remplie car la décision de l’autorité nationale mettant en œuvre la décision de la Commission n’est pas automatique étant donné la possibilité tant pour l’autorité nationale que pour le destinataire de la décision de cette dernière de renoncer à la mesure proposée.
(voir points 31-33)
Les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait. En outre, lorsque la décision affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques.
S’agissant d’une décision de la Commission au titre de l’article 36 de la directive 2009/73, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, qui modifie les conditions sous lesquelles l’exploitant d’un gazoduc doit mettre à disposition de tiers du gaz, même à supposer que, dans un cas spécifique, ladite modification puisse avoir des répercussions économiques, notamment à la suite d’une augmentation des flux de gaz acheminés par ce gazoduc, sur les activités d’une société tierce active dans le domaine de la commercialisation et du transport de gaz naturel, et ainsi réduire la compétitivité de la société en question à l’égard des entreprises liées à l’exploitation du gazoduc, sur les marchés de gros et de détail de gaz d’un État membre, cela devrait toucher la totalité des acteurs économiques actifs dans ce secteur et non uniquement ladite société.
Par ailleurs, le fait d’appartenir au prétendu cercle fermé des acteurs du marché du négoce et du transport de gaz d’un État membre ne saurait individualiser ladite société par rapport aux conditions d’exploitation d’un gazoduc acheminant du gaz à travers cet État membre vers un autre État membre.
Par conséquent, cette société n’est pas individuellement affectée par la décision de la Commission.
(voir points 37-39, 42, 44, 46)
Pour déterminer la portée d’un acte, il convient de rechercher si l’acte en question concerne individuellement des sujets déterminés. À cet égard, le juge de l’Union ne saurait se contenter de la dénomination officielle de l’acte, mais doit tenir compte en premier lieu de son objet et de son contenu. Ainsi, une décision ayant pour destinataire un État membre revêt une portée générale si elle s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite.
S’agissant d’une décision de la Commission au titre de l’article 36 de la directive 2009/73, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, qui modifie les conditions sous lesquelles l’exploitant d’un gazoduc doit mettre à disposition de tiers du gaz, cette décision ne saurait être un acte de portée générale et, dès lors, n’est pas un acte réglementaire, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
En effet, la décision ne concerne qu’un cas de figure individuel et défini, à savoir, les conditions d’exploitation d’une partie de la capacité du gazoduc par une société. En particulier, les éventuelles conséquences économiques que cette décision pourrait avoir pour des acteurs du secteur du transport et du commerce de gaz autres que ladite société ne constituent pas des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite.
(voir points 49, 50, 53)
Il convient d’interpréter la notion d’actes réglementaires qui concernent directement toute personne physique ou morale et qui ne comportent pas de mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième branche, TFUE, à la lumière de l’objectif de cette disposition qui consiste, ainsi qu’il ressort de sa genèse, à éviter qu’un particulier, dont la situation juridique est pourtant directement modifiée par un acte, soit dépourvu d’une protection juridictionnelle effective à l’égard de cet acte.
Or, à la lumière de cet objectif, il apparaît que la troisième branche de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’a vocation à s’appliquer que lorsque l’acte contesté modifie, par lui-même, c’est-à-dire indépendamment de toute mesure d’exécution, la situation juridique de la partie requérante. Par suite, lorsque tel n’est pas le cas, cette constatation est suffisante pour conclure à l’inapplicabilité de la troisième branche de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, et ce sans qu’il soit nécessaire, dans ce cas, de vérifier si cet acte comporte des mesures d’exécution à l’égard de la partie requérante.
(voir point 54)