ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

22 mai 2019 ( *1 )

« Aides d’État – Aide octroyée par les autorités espagnoles en faveur d’un club de football professionnel – Règlement visant à compenser l’absence d’un transfert foncier initialement convenu entre une municipalité et un club de football – Montant excessif de la compensation accordée en faveur du club de football – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Avantage »

Dans l’affaire T‑791/16,

Real Madrid Club de Fútbol, établi à Madrid (Espagne), représenté par Mes J. Pérez-Bustamante Köster et F. Löwhagen, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P.-J. Loewenthal, G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2016/2393 de la Commission, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.33754 (2013/C) (ex 2013/NN) accordée par l’Espagne au Real Madrid CF (JO 2016, L 358, p. 3),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 20 décembre 1991, l’Ayuntamiento de Madrid (municipalité de Madrid, Espagne), la Gerencia Municipal de Urbanismo de cette municipalité (direction municipale d’urbanisme) et le requérant, Real Madrid Club de Fútbol, ont signé une convention relative à la rénovation du stade Santiago Bernabéu à Madrid (ci-après la « convention de 1991 »).

2

Le 29 novembre 1996, le requérant et la Comunidad autonoma de Madrid (communauté autonome de Madrid) ont signé une convention d’échange de terrains (ci-après la « convention de 1996 »).

3

Le 29 mai 1998, le requérant et la municipalité de Madrid ont signé une convention visant à exécuter l’échange prévu par la convention de 1996 (ci-après la « convention d’exécution de 1998 »). Aux termes de la convention d’exécution de 1998, il était prévu que le requérant cède certains terrains à ladite municipalité et que, en contrepartie, cette dernière cède au requérant des terrains pour un montant équivalant à ses obligations contractées à l’égard du requérant, à savoir la cession de parcelles dont la valeur avoisinait 13,5 millions d’euros. Il a été prévu que cette municipalité cèderait les parcelles situées dans la zone de Julián Camarillo Sur (parcelles 33 et 34) et la parcelle B‑32 de Las Tablas à Madrid (ci-après la « parcelle B‑32 »). Aux fins de cet échange, les services techniques de la même municipalité ont estimé la valeur de cette dernière parcelle à 595194 euros.

4

Le 29 juillet 2011, le requérant et la municipalité de Madrid ont signé un accord dans le but de résoudre un différend d’ordre juridique les opposant, concernant la convention de 1991 et l’échange des biens immobiliers ayant fait l’objet de la convention de 1996 et de la convention d’exécution de 1998 (ci-après l’« accord transactionnel de 2011 »). Aux termes de cet accord, les parties ont reconnu l’impossibilité juridique de céder la parcelle B‑32 en l’état actuel au requérant. Considérant impossible d’exécuter ses obligations prévues dans la convention d’exécution de 1998, ladite municipalité a décidé d’indemniser le requérant, en lui versant un montant correspondant à la valeur de ladite parcelle en 2011. Dans un rapport de 2011, les services techniques de cette municipalité de Madrid ont estimé cette valeur à 22693054,44 euros. Les parties sont convenues que l’indemnité serait réglée en remplaçant la cession de cette parcelle par la cession d’autres parcelles au requérant. Ces dernières parcelles ont été identifiées comme une propriété de 3600 m2, divers terrains d’une superficie totale de 7966 m2 et une zone de 3035 m2 dont la valeur totale a été estimée à 19972348,96 euros. Les parties sont aussi convenues de compenser leurs dettes mutuelles. Le résultat a été un crédit net restant de 8,04 euros en faveur du requérant, dû par la même municipalité.

5

En vertu d’une convention d’urbanisme conclue en septembre 2011 entre la municipalité de Madrid et le requérant, ce dernier s’est engagé à restituer certains biens immobiliers. Dans le cadre de la transaction, ladite municipalité et la communauté autonome de Madrid ont modifié le plan général d’aménagement urbain de Madrid (ci-après le « PGOU »).

6

Informée en 2011 de l’existence d’aides d’État présumées en faveur du requérant, octroyées sous la forme d’une cession avantageuse de biens immobiliers, la Commission européenne a, le 20 décembre 2011, invité le Royaume d’Espagne à formuler des observations sur ces informations. Cet État membre a, le 23 décembre 2011 et le 20 février 2012, répondu à la demande de la Commission, qui a, le 2 avril 2012, transmis une nouvelle demande, à laquelle il a répondu le 18 juin 2012.

7

Par lettre du 18 décembre 2013, la Commission a notifié au Royaume d’Espagne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Elle est parvenue à la conclusion préliminaire que l’indemnisation accordée au requérant par la municipalité de Madrid en vertu de l’accord transactionnel de 2011 constituait une aide d’État en faveur du requérant au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle a invité le Royaume d’Espagne et les parties intéressées à fournir des informations pertinentes afin de déterminer si la cession de la parcelle B‑32 au requérant était effectivement impossible en vertu de la convention d’exécution de 1998 pour ladite municipalité et d’étudier les conséquences potentielles de cette impossibilité au regard du droit espagnol. Elle a demandé des précisions sur la valeur des parcelles incluses dans l’accord transactionnel de 2011 et dans la convention d’urbanisme visée au point 5 ci-dessus. Le Royaume d’Espagne a, le 16 janvier 2014, présenté ses observations sur cette décision d’ouvrir la procédure.

8

Par décision (UE) 2016/2393, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.33754 (2013/C) (ex 2013/NN) accordée par l’Espagne au Real Madrid CF (JO 2016, L 358, p. 3, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a retenu, aux termes de l’article 1er de cette décision, que l’aide d’État d’un montant de 18418054,44 euros, octroyée illégalement par le Royaume d’Espagne au requérant le 29 juillet 2011 en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, n’était pas compatible avec le marché intérieur.

9

Dans la décision attaquée, la Commission a considéré qu’un opérateur en économie de marché, dans des circonstances similaires à celles dans lesquelles se trouvait la municipalité de Madrid, n’aurait pas signé l’accord transactionnel de 2011. Elle a estimé en premier lieu que, au vu des incertitudes juridiques existantes en 2011 concernant la question de savoir si ladite municipalité avait la responsabilité d’indemniser le requérant pour n’avoir pas pu lui céder la parcelle B‑32 en vertu de la convention d’exécution de 1998, un opérateur en économie de marché se trouvant dans la même situation aurait commandé une expertise juridique avant de signer ledit accord, afin d’établir la probabilité qu’il soit effectivement tenu responsable d’un tel manquement. La Commission a précisé que cette municipalité n’avait pas procédé à une telle expertise. En second lieu, elle a considéré qu’un opérateur en économie de marché se trouvant dans une situation similaire à celle de la même municipalité n’aurait pas accepté de payer au requérant une indemnisation de 22693054,44 euros en vertu d’un tel accord, puisque ce montant excèderait largement son niveau maximal de responsabilité juridique découlant du non-respect de l’obligation de céder ladite parcelle.

10

La Commission a examiné, dans la décision attaquée, l’évaluation des terrains réalisée par les services techniques de la municipalité de Madrid, celle contenue dans un rapport du ministère des Finances espagnol de 2011, celle du rapport communiqué par le requérant et commandé à un cabinet de conseil immobilier (ci-après le « rapport du cabinet de conseil immobilier ») et celle du rapport commandé par la Commission au cabinet d’expertise immobilière (ci-après le « rapport du cabinet d’expertise immobilière »). Elle a notamment estimé que ce dernier rapport proposait une comparaison détaillée et minutieuse et a retenu la valeur de la parcelle B‑32 en 2011 évaluée dans ce rapport à hauteur de 4275000 euros.

Procédure et conclusions des parties

11

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 novembre 2016, le requérant a introduit le présent recours et conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer le recours recevable ;

annuler, dans son intégralité, la décision attaquée ;

condamner la Commission aux dépens.

12

La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 2 mars 2017 et conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme non fondé ;

condamner le requérant aux dépens.

13

Le requérant a déposé au greffe du Tribunal la réplique le 25 avril 2017 et la Commission la duplique le 6 juin 2017.

14

Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre par écrit. Les parties ont répondu à ces questions dans les délais impartis.

15

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 5 septembre 2018.

En droit

Sur les demandes d’audition de témoins et de communication de pièces

16

Dans la requête, le requérant formule une demande d’audition des auteurs du rapport du cabinet de conseil immobilier, en invoquant les articles 85, 88 et 91, sous d), du règlement de procédure, aux fins d’obtenir les observations de ces personnes sur la méthode d’évaluation de la parcelle B-32 utilisée par la Commission et sur les erreurs commises, selon lui, dans le rapport du cabinet d’expertise immobilière. Il formule aussi une demande, en invoquant l’article 89, paragraphe 3, dudit règlement, aux fins d’obtenir de la Commission la communication d’une copie du contrat conclu avec ce cabinet d’expertise immobilière.

17

La Commission considère que l’audition demandée n’est pas nécessaire dans la mesure où elle a motivé dans le détail les raisons pour lesquelles elle a rejeté l’évaluation contenue dans le rapport du cabinet de conseil immobilier, dont une copie de la version intégrale a été jointe à la requête et qui reflète de manière complète l’analyse et les conclusions des auteurs du rapport. S’agissant de la demande de communication de pièce, la Commission a joint au mémoire en défense une version non confidentielle du contrat signé avec le cabinet d’expertise immobilière.

18

S’agissant de la demande d’audition formulée par le requérant, il convient de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 280 et jurisprudence citée).

19

Il ressort de la jurisprudence que, si le Tribunal peut se prononcer utilement sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés au cours de la phase tant écrite qu’orale de la procédure et au vu des documents produits, il y a lieu de rejeter la demande d’audition d’un témoin, présentée par le requérant, sans que le Tribunal ait à justifier par une motivation spécifique son appréciation de l’inutilité de rechercher des éléments de preuve supplémentaires (voir arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 285 et jurisprudence citée).

20

En l’espèce, il suffit de relever qu’une copie du rapport du cabinet de conseil immobilier a été communiquée en annexe à la requête et que ce rapport contient déjà tous les éléments permettant de comprendre l’analyse et les conclusions de ses auteurs. De plus, aux considérants 47 et 54 de la décision attaquée, la Commission a repris les arguments du requérant tirés des conclusions dudit rapport. Au considérant 64 de ladite décision, elle a indiqué les résultats de ce rapport et en quoi il se distinguait des évaluations retenues dans le cadre de la convention d’exécution de 1998. Au considérant 66 de cette décision, elle a rappelé la méthode du rapport du cabinet de conseil immobilier pour évaluer la parcelle B‑32, telle qu’indiquée par le requérant. Aux considérants 107 et 110 de la même décision, elle a rappelé respectivement l’estimation et la méthode retenues dans ledit rapport. Elle a par ailleurs motivé dans le détail les raisons pour lesquelles elle avait rejeté l’évaluation contenue dans le rapport du cabinet de conseil immobilier. Il n’est donc pas nécessaire de faire droit à la demande d’audition de témoins présentée par le requérant.

21

S’agissant de la demande de communication de pièce présentée par le requérant, il suffit de relever que la Commission a communiqué, en annexe au mémoire en défense, la version non confidentielle du contrat signé avec le cabinet d’expertise immobilière. Il n’y a donc plus lieu de se prononcer sur ladite demande.

Sur le fond

22

À titre liminaire, il importe de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a en premier lieu retenu qu’un opérateur en économie de marché se trouvant dans la même situation que la municipalité de Madrid aurait commandé une expertise juridique avant de signer l’accord transactionnel de 2011 et que, faute d’une telle expertise, ladite municipalité n’aurait pas dû accepter d’être considérée comme responsable pour le non-respect de l’obligation de céder la parcelle B‑32.

23

En second lieu, pour déterminer l’existence et le montant de l’aide octroyée, la Commission est partie de l’hypothèse selon laquelle la municipalité de Madrid avait été tenue totalement responsable du non-transfert de la parcelle B‑32 et elle a examiné la valeur de cette seule parcelle qui fondait la reconnaissance de dette de ladite municipalité au profit du requérant dans le cadre de l’accord transactionnel de 2011.

24

À l’appui du recours, le requérant invoque trois moyens. Dans le cadre du premier moyen, il soutient que la Commission a déterminé de manière erronée l’existence d’un avantage en sa faveur. Dans le cadre du deuxième moyen, il combine la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE avec celle du principe général de bonne administration pour soutenir que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation en fondant sa décision sur une expertise dépourvue de valeur probante et en rejetant, sans justification, les autres estimations de la parcelle B‑32. Dans le cadre du troisième moyen, il invoque la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE avec celle de l’obligation de motivation et du principe de bonne administration et il argue que la décision attaquée contient des contradictions dans la détermination de la valeur de l’indemnisation octroyée au requérant.

25

Dans le cadre du premier moyen, le requérant invoque trois griefs. Par le premier, il reproche à la Commission d’avoir à tort remplacé la condition tirée du principe de l’opérateur en économie de marché par un test formel d’expertise juridique externe. Par le deuxième, il prétend qu’il incombait à la Commission de démontrer que la municipalité de Madrid n’avait pas l’obligation de réparer le préjudice causé par l’inexécution de ses obligations contractuelles et que la Commission n’a pas déterminé correctement le niveau maximal de la responsabilité de cette municipalité. Par le troisième, il fait valoir que la valeur de la parcelle B‑32 telle qu’arrêtée dans l’accord transactionnel de 2011 est bien inférieure à l’exposition financière de ladite municipalité pour qu’elle puisse se libérer de sa responsabilité du fait du non-respect de la convention d’exécution de 1998.

26

En substance, par les premier et deuxième griefs du premier moyen, le requérant critique la décision attaquée en ce qui concerne les motifs selon lesquels la responsabilité de la municipalité de Madrid pour le non-transfert de la parcelle B‑32 a été à tort retenue, compte tenu notamment de la non-production d’une expertise externe établissant cette responsabilité. En outre, le requérant conteste, par le troisième grief du premier moyen et les deuxième et troisième moyens, l’existence de l’aide d’État et l’évaluation de son montant.

27

Le Tribunal analysera d’abord les premier et deuxième griefs du premier moyen, puis, ensemble, le troisième grief de ce moyen et le deuxième moyen et, enfin, le troisième moyen.

Sur les premier et deuxième griefs du premier moyen

28

Selon le requérant, d’une part, la Commission ne peut pas remplacer la condition tirée du principe de l’opérateur en économie de marché par un test formel d’expertise juridique externe, selon lequel, en l’absence d’une telle expertise, l’hypothétique opérateur en économie de marché dans une situation similaire n’aurait pas à assumer la pleine responsabilité juridique du non-respect d’une obligation contractuelle.

29

La municipalité de Madrid aurait reçu une expertise juridique effectuée par ses services juridiques, avant de conclure l’accord transactionnel de 2011, et elle n’aurait eu aucune obligation de recourir à une expertise externe avant de conclure ledit accord.

30

Le requérant conteste en outre l’argument de la Commission selon lequel la municipalité de Madrid n’avait pas eu l’obligation de conclure l’accord transactionnel de 2011 avant qu’une telle obligation ait été constatée par une juridiction. Il conteste notamment l’interprétation que ferait la Commission de l’arrêt du 27 septembre 1988, Asteris e.a. (106/87 à 120/87, EU:C:1988:457).

31

D’autre part, le requérant soutient que, pour établir l’existence d’une aide d’État au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il incombait à la Commission de démontrer que la municipalité de Madrid n’avait pas l’obligation de réparer le préjudice causé par l’inexécution de ses obligations contractuelles. La Commission n’aurait en outre pas déterminé correctement le niveau maximal de responsabilité de ladite municipalité. Cela étant, il n’y aurait aucune incertitude juridique quant à la responsabilité de cette municipalité pour le non-respect de la convention d’exécution de 1998. Selon le droit espagnol, la même municipalité n’aurait pu échapper à toute responsabilité pour ne pas avoir cédé la parcelle B‑32 que dans deux hypothèses, à savoir si ladite convention d’exécution avait été nulle parce qu’elle avait stipulé une obligation de cession initialement impossible ou si l’obligation de cession avait été valable à l’origine, mais, avant que celle-ci ne soit exigible, un obstacle susceptible d’exonérer la municipalité en question de l’exécution de son obligation était survenu. Or, les conditions relatives à ces deux hypothèses ne seraient pas réunies en l’espèce.

32

La Commission conteste l’argumentation du requérant.

33

À cet égard, il convient, à titre liminaire, d’indiquer en premier lieu que, au soutien du premier grief du premier moyen, le requérant a invoqué, dans la réplique, un argument relatif à la prétendue application du critère de sélectivité. En réponse à une question du Tribunal à l’audience, le requérant a précisé qu’il n’y avait pas lieu de comprendre cet argument comme un moyen tiré de l’absence de sélectivité, mais seulement comme l’expression de l’absence d’un avantage économique dans le cadre de l’analyse de la condition tirée du principe de l’opérateur en économie de marché. Il n’y a donc pas lieu de se prononcer sur la question soulevée par la Commission de la recevabilité de l’argument tiré de l’absence de caractère sélectif de la mesure.

34

En second lieu, comme il a été relevé, la Commission est partie, pour déterminer en l’espèce l’existence d’une aide et évaluer son montant, de l’hypothèse selon laquelle la municipalité de Madrid avait été tenue totalement responsable du non-transfert de la parcelle B‑32. Ce faisant, la Commission n’a pas porté une appréciation différente de celle de ladite municipalité et du requérant, qui, en concluant l’accord transactionnel de 2011 avec la reconnaissance de dette au profit du requérant correspondant à la valeur de ladite parcelle, ont aussi considéré que cette municipalité devait supporter la pleine responsabilité du non-transfert de cette parcelle.

35

Indépendamment de la question de savoir si les premier et deuxième griefs du premier moyen ne sont pas, en définitif, inopérants, dès lors qu’ils tendent à s’interroger sur la réalité et l’étendue de la responsabilité de la municipalité de Madrid que la Commission a retenue à l’instar de cette municipalité et du requérant, il convient de relever que la Commission a souligné, dans la décision attaquée, qu’un opérateur en économie de marché se trouvant dans la même situation que ladite municipalité aurait dû commander une expertise juridique avant de signer l’accord transactionnel de 2011.

36

Il importe de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

37

Selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’une mesure d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 43 et jurisprudence citée).

38

Selon une jurisprudence aussi constante, la notion d’ « aide » est plus générale que celle de « subvention », étant donné qu’elle comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions d’État qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, de ce fait, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir arrêts du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission, C‑328/99 et C‑399/00, EU:C:2003:252, point 35 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 40 et jurisprudence citée).

39

Il découle de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que la notion d’aide est une notion objective qui est fonction, notamment, de la question de savoir si une mesure étatique confère ou non un avantage à une ou à certaines entreprises.

40

Ainsi, afin d’apprécier si une mesure étatique constitue une aide, il convient notamment de déterminer si l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêts du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C‑39/94, EU:C:1996:285, point 60, et du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C‑342/96, EU:C:1999:210, point 41 ; voir, également, arrêt du 12 juin 2014, Sarc/Commission, T‑488/11, non publié, EU:T:2014:497, point 90 et jurisprudence citée). C’est ainsi que, selon une jurisprudence désormais constante, la fourniture de biens ou de services à des conditions préférentielles est susceptible de constituer une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêts du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C‑39/94, EU:C:1996:285, point 59 et jurisprudence citée ; du 1er juillet 2010, ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, T‑62/08, EU:T:2010:268, point 57 et jurisprudence citée, et du 28 février 2012, Land Burgenland/Commission, T‑268/08 et T‑281/08, EU:T:2012:90, point 47 et jurisprudence citée).

41

La mise en œuvre du critère de l’opérateur privé en économie de marché consiste à comparer le comportement des pouvoirs publics à celui qu’aurait eu un opérateur privé d’une taille comparable dans les mêmes circonstances. Dans l’hypothèse où l’État ne fait, en réalité, que se comporter comme le ferait tout opérateur privé agissant dans des conditions normales de marché (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2015, Electrabel et Dunamenti Erőmű/Commission, C‑357/14 P, EU:C:2015:642, point 144 et jurisprudence citée), il n’existe pas d’avantage lié à l’intervention de l’État, car l’entité bénéficiaire aurait pu en principe tirer les mêmes bénéfices du simple fonctionnement du marché (voir arrêt du 30 avril 2014, Tisza Erőmű/Commission, T‑468/08, non publié, EU:T:2014:235, point 85 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 28 février 2012, Land Burgenland/Commission, T‑268/08 et T‑281/08, EU:T:2012:90, point 48 et jurisprudence citée).

42

En l’espèce, il convient de déterminer si le requérant a obtenu un avantage qu’il n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché.

43

Plus précisément, et comme l’a relevé à juste titre la Commission au considérant 86 de la décision attaquée, il convient de déterminer si l’accord transactionnel de 2011 a conféré un avantage économique au requérant, dans le cadre de l’application du principe de l’opérateur en économie de marché.

44

S’agissant de la question de savoir si, d’une part, la Commission a remplacé la condition tirée du principe de l’opérateur en économie de marché par un test formel d’expertise juridique externe et, d’autre part, il n’y avait pas d’obligation de conclure l’accord transactionnel de 2011 avant qu’une telle obligation ait été constatée par une juridiction (voir point 30 ci-dessus), il est utile de rappeler ce que la Commission a retenu, dans la décision attaquée, s’agissant de l’absence d’expertise juridique sur la responsabilité de la municipalité de Madrid du fait du non-transfert de la parcelle B‑32.

45

Au considérant 93 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, au vu des incertitudes juridiques existantes en 2011 concernant la question de savoir si la municipalité de Madrid avait la responsabilité d’indemniser le requérant pour ne pas avoir pu lui céder la parcelle B‑32, un opérateur en économie de marché se trouvant dans la même situation que ladite municipalité aurait commandé une expertise juridique avant de signer l’accord transactionnel de 2011 et elle a souligné que cette municipalité n’avait pas procédé à une telle expertise. La Commission a ajouté, au considérant 94 de la décision attaquée, avoir demandé au Royaume d’Espagne qu’il lui fournisse « toute expertise juridique potentiellement demandée par la [même municipalité] avant de conclure [ledit accord transactionnel] ». Elle a indiqué, à la note en bas de page no 23 de la décision attaquée, que le Royaume d’Espagne avait confirmé l’absence de « ce type d’expertise externe ».

46

Ainsi, hormis dans ladite note en bas de page où la Commission fait expressément référence à une expertise « externe », il ressort des différents considérants concernés de la décision attaquée, à savoir les considérants 93, 94, 105 et 108, qu’il n’est pas précisé ce que la Commission a entendu par expertise juridique et il n’est pas davantage indiqué qu’elle reproche l’absence d’une expertise faite par un organisme indépendant.

47

Interrogée à l’audience, la Commission a confirmé que, si elle avait reçu tout autre rapport d’expertise, elle l’aurait pris en compte.

48

En outre, il ressort des pièces communiquées par les parties lors de la phase écrite de la procédure, ainsi que des réponses des parties aux questions posées lors de l’audience, que la Commission a bien demandé au Royaume d’Espagne, par courriel en date du 2 mars 2016, pendant la procédure administrative, si la municipalité de Madrid avait sollicité un avis juridique indépendant sur ses obligations et les différentes options qui s’ouvraient à elle.

49

Or, c’est le Royaume d’Espagne qui a indiqué, dans son courriel de réponse du 9 mars 2016, que, si, par avis juridique indépendant, il fallait comprendre une expertise externe, les autorités compétentes avaient indiqué qu’aucune consultation de la sorte n’avait été faite.

50

Il n’a pas été produit de document établissant une quelconque réponse de la Commission à ce dernier courriel qui aurait précisé que l’avis juridique indépendant ne signifiait pas seulement une expertise externe.

51

Toutefois, comme le rappelle en substance la Commission, l’applicabilité du critère de l’investisseur privé suppose d’établir, sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables, une évaluation comparable à celle à laquelle un opérateur privé aurait eu accès avant ou au moment de l’adoption de la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 81 à 83, et du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, points 57 et 58).

52

Pour répondre à la demande de la Commission, le Royaume d’Espagne aurait pu se prévaloir de toute analyse juridique que la municipalité de Madrid aurait fait établir dans les conditions indiquées au point 51 ci-dessus.

53

En l’espèce, le requérant a soutenu à l’audience que la municipalité de Madrid avait reçu deux rapports d’expertise technique de ses propres services municipaux avant de conclure l’accord transactionnel de 2011. La preuve de l’expertise serait apportée par la lecture de l’exposé des motifs dudit accord, qui reprendrait les conclusions de ladite municipalité à ce propos.

54

Or, il convient de constater, d’une part, que, ni au cours de la procédure devant la Commission ni devant le Tribunal, il n’a été communiqué les rapports d’expertise des services municipaux qui auraient été prétendument reçus par la municipalité de Madrid. Malgré les multiples contacts qui ont pu avoir lieu entre le Royaume d’Espagne et la Commission pendant la procédure administrative, mais aussi les possibilités qui étaient offertes à ladite municipalité de participer à cette procédure, aucune analyse juridique sur la responsabilité de cette municipalité concernant le non-transfert de la parcelle B‑32 n’a été communiquée à la Commission.

55

D’autre part, si l’exposé des motifs de l’accord transactionnel de 2011 contient bien quelques indications, de nature factuelle, sur la réglementation applicable à la parcelle B‑32 et l’obligation de transférer cette parcelle pesant sur la municipalité de Madrid, un tel exposé ne saurait être regardé comme une véritable analyse juridique des causes conduisant à reconnaître la responsabilité de cette municipalité pour le non-transfert de ladite parcelle. Il n’est notamment pas indiqué, dans le détail, l’évolution de la réglementation applicable à la même parcelle depuis la convention de 1991 jusqu’à l’accord transactionnel de 2011. Il n’est pas davantage analysé qui serait responsable, et pour quelles raisons, du non-transfert de la parcelle en question. Il est en revanche juste constaté, comme le relève la Commission, que la cession de la parcelle concernée n’était pas possible et il est souligné la bonne volonté des parties pour parvenir à un accord dans un contexte où les responsabilités de chacune d’elles manquaient de clarté.

56

S’agissant de la contestation par le requérant du prétendu argument de la Commission selon lequel la municipalité de Madrid n’avait pas l’obligation de conclure l’accord transactionnel de 2011 avant qu’une telle obligation ait été constatée par une juridiction, il suffit de relever qu’une telle contestation manque en fait, dès lors que, dans la décision attaquée, la Commission n’a à aucun moment considéré que l’obligation de conclure ledit accord transactionnel aurait dû résulter d’une décision de justice.

57

Il importe d’ajouter que, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 septembre 1988, Asteris e.a. (106/87 à 120/87, EU:C:1988:457), dans laquelle les autorités nationales avaient été condamnées à réparer un préjudice résultant d’une illégalité constatée par une décision de justice, la responsabilité de la municipalité de Madrid, dans la présente affaire, n’a pas été constatée par la voie judiciaire et la compensation octroyée au requérant résulte de l’accord transactionnel de 2011 visant à mettre un terme à un différend entre les parties et aux termes duquel seule ladite municipalité supportait la responsabilité du non-transfert de la parcelle B‑32.

58

La Commission n’a pas commis d’erreur en concluant, au considérant 105 de la décision attaquée, qu’un opérateur prudent en économie de marché conforté à une situation telle que celle en l’espèce aurait demandé une expertise juridique avant de signer l’accord transactionnel de 2011 et d’accepter la pleine responsabilité juridique de l’impossibilité de céder la parcelle B‑32 en vertu de la convention d’exécution de 1998.

59

Une telle conclusion est d’autant plus justifiée compte tenu du cadre juridique applicable à la parcelle B‑32 de la date de la convention d’exécution de 1998 à celle de la conclusion de l’accord transactionnel de 2011 et considérant les compétences partagées en matière urbanistique de la communauté autonome de Madrid et de la municipalité de Madrid ainsi que des connaissances de ce contexte juridique par le requérant.

60

À cet égard, il est utile de préciser qu’il ressort des pièces du dossier que, dès la convention de 1996 jusqu’à l’accord transactionnel de 2011, le régime juridique applicable à la parcelle B‑32 ne facilitait pas la cession de cette dernière.

61

Selon les faits tels que retenus dans la décision attaquée et qui ne sont pas contestés, lorsque le requérant et la communauté autonome de Madrid ont signé la convention de 1996, les parcelles et les droits à céder devaient être déterminés ultérieurement et les parties ont fixé le montant de la transaction à 27 millions d’euros. Lors de la signature de la convention d’exécution de 1998, il a été notamment convenu la cession de la parcelle B‑32 au requérant et la valeur de cette parcelle a été estimée, par les services techniques de la municipalité de Madrid, à 595194 euros. Il avait été tenu compte du fait que seul l’aménagement urbain de la zone dans laquelle se trouvait ladite parcelle avait été réalisé, mais non son urbanisation, et qu’aucune construction n’y avait encore été lancée.

62

Selon les faits retenus également dans la décision attaquée et qui ne sont pas non plus contestés, pendant l’année 1998, la parcelle B‑32 n’a pas été transférée de la municipalité de Madrid au requérant, car cette dernière n’en possédait pas encore la propriété légale. Dans la convention d’exécution de 1998, il était prévu que la cession deviendrait effective sept jours après l’inscription de cette parcelle au registre de la propriété au nom de ladite municipalité. Le 28 juillet 2000, cette dernière est devenue propriétaire de ladite parcelle, mais celle-ci n’a été inscrite au registre que le 11 février 2003. La même parcelle n’a pas été transférée. Elle était considérée, selon le plan local d’urbanisme du 28 juillet 1995, comme un équipement sportif de base et a été intégrée au PGOU, approuvé le 17 avril 1997 par cette municipalité et la communauté autonome de Madrid.

63

Il ressort de la décision attaquée que, selon la Ley 9/2001, de 17 de julio 2001, del Suelo de la Comunidad de Madrid (loi 9/2001 du 17 juillet 2001 concernant l’aménagement urbain de la communauté autonome de Madrid), l’ensemble des terrains, des installations, des constructions et des bâtiments doivent respecter la destination qui résulte de leur qualification et de leur affectation urbanistique correspondante et, selon l’article 7.7.2, sous a), du PGOU, les parcelles relevant de la catégorie « équipement sportif » sont des parcelles de propriété publique. Ladite loi était en vigueur quand la municipalité de Madrid a été inscrite comme propriétaire de la parcelle B‑32 en 2003. La même loi retient une obligation de propriété publique pour les terrains considérés comme des équipements sportifs de base et toute cession doit être écartée, dès lors que la nature publique de la parcelle proscrit son aliénation.

64

Le requérant ne conteste pas que, lors de la conclusion de la convention d’exécution de 1998, la parcelle B‑32 était affectée, selon le PGOU, à un usage sportif de base. Il n’a pas non plus contesté que, en 2003, lorsque la municipalité de Madrid a dû exécuter son obligation de cession, ladite parcelle était dans le domaine public municipal et était inaliénable.

65

Il importe d’observer que le requérant savait donc, à la date de conclusion de la convention d’exécution de 1998, que la municipalité de Madrid n’était pas propriétaire de la parcelle B‑32, que cette dernière relevait d’une catégorie particulière, à savoir celle des équipements sportifs de base, et qu’il fallait, à tout le moins, que ladite municipalité s’en porte acquéreuse et qu’il y ait l’inscription de cette parcelle au registre avant de pouvoir envisager son transfert au profit du requérant.

66

Le requérant n’a pas contesté non plus que c’est aux termes de l’article 7.7.2, sous a), du PGOU, approuvé le 17 avril 1997 et donc applicable à la date de convention d’exécution de 1998, que les parcelles relevant de la catégorie « équipement sportif de base » étaient des parcelles de propriété publique. En concluant ladite convention d’exécution, il savait donc que, avant le transfert de propriété à son profit de la parcelle B‑32, cette dernière devrait faire l’objet d’un déclassement pour pouvoir être transférée, les parcelles de propriété publique ne pouvant pas, en tant que telles, selon le droit espagnol, être cédées.

67

Il ressort de la décision attaquée et des réponses aux questions posées par le Tribunal que le PGOU est un document qui ne relève pas de la seule compétence de la municipalité de Madrid, mais aussi de celle de la communauté autonome de Madrid. Ladite municipalité ne peut pas procéder à une modification du PGOU motu proprio, mais doit proposer cette modification à ladite communauté autonome.

68

Il convient d’ajouter que le cadre légal applicable à la parcelle B‑32 a changé entre la date de la conclusion de la convention d’exécution de 1998 et celle de la conclusion de l’accord transactionnel de 2011. La loi 9/2001 du 17 juillet 2001 concernant l’aménagement urbain de la communauté autonome de Madrid a prescrit que l’ensemble des terrains, des installations, des constructions et des bâtiments devaient respecter la destination qui résultait de leur qualification et de leur affectation urbanistique correspondante.

69

Les parties s’accordent à considérer que, bien que les parcelles relevant de la catégorie « équipement sportif de base » étaient déjà des parcelles de propriété publique en vertu de l’article 7.7.2, sous a), du PGOU, la loi 9/2001 du 17 juillet 2001 concernant l’aménagement urbain de la communauté autonome de Madrid a rendu encore plus difficile la possibilité de transfert de la parcelle B‑32.

70

Il importe d’ajouter que, dans la mesure où ni le Royaume d’Espagne ni la municipalité de Madrid ni le requérant n’ont fait parvenir à la Commission d’analyse juridique détaillée relative à la responsabilité de cette municipalité pour le non-transfert de la parcelle B‑32, il n’appartenait pas à cette dernière d’effectuer elle-même cette analyse et de procéder à une appréciation globale prenant en compte, outre les éléments fournis, tout autre élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si la mesure en cause ressortirait à la qualité d’opérateur en économie de marché ou à celle de puissance publique du Royaume d’Espagne (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 86, et du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, point 60). La Commission ne saurait supporter la charge de la preuve tendant à démontrer que ladite municipalité n’avait pas l’obligation de réparer le préjudice causé par l’inexécution de ses obligations contractuelles et à déterminer le niveau maximal de responsabilité de la même municipalité.

71

Il résulte de tout ce qui précède que les premier et deuxième griefs du premier moyen doivent être rejetés.

Sur le troisième grief du premier moyen et le deuxième moyen

72

Par le troisième grief du premier moyen et le deuxième moyen, le requérant conteste, en substance, l’évaluation du montant de l’avantage et, notamment, la valeur de la parcelle B‑32 telle qu’arrêtée par la Commission.

73

Le requérant soutient que la municipalité de Madrid n’aurait pas pu se libérer de sa responsabilité du fait du non-respect de la convention d’exécution de 1998 et que l’exposition financière de cette municipalité n’était pas équivalente au prix qu’avait la parcelle B‑32 pour ladite municipalité. La valeur de marché de ladite parcelle, telle que promise au requérant, serait la valeur du droit de recevoir cette parcelle en pleine propriété, sans restriction quant à sa revente.

74

Le degré maximal d’exposition financière de la municipalité de Madrid dans le cas d’un litige avec le requérant et si elle était juridiquement responsable du non-respect de la convention d’exécution de 1998 serait entre 33 et 240 millions d’euros, selon les estimations du rapport du cabinet de conseil immobilier. L’exposition financière serait supérieure, dans tous les cas, à 4275000 euros. Le requérant soutient que la Commission n’a pas contesté qu’il aurait été possible de changer l’affectation de la parcelle B‑32 afin de la rendre cessible.

75

Le requérant ajoute que l’exposition financière de la municipalité de Madrid, même dans l’hypothèse où elle ne serait pas tenue responsable du non-respect du contrat (dans une hypothèse d’impossibilité initiale ou d’impossibilité survenue ultérieurement de transfert avec un effet libératoire), ne serait pas nulle mais nettement supérieure à la valeur de la parcelle B‑32. Le degré maximal de l’exposition financière de ladite municipalité correspondrait à 40 millions d’euros, si la convention d’exécution de 1998 était considérée comme nulle, ou à 33 millions d’euros, s’il était décidé la résolution de cette convention d’exécution du fait d’une impossibilité d’exécution survenue ultérieurement.

76

Le requérant ajoute que la Commission a retenu une estimation manifestement erronée de la valeur marchande de la parcelle B‑32 et il se fonde sur trois autres estimations qui attribuent à cette parcelle une valeur oscillant entre 22 et 25 millions d’euros.

77

Après avoir rappelé les différents scénarios contenus dans le rapport du cabinet d’expertise immobilière, à savoir les scénarios SE‑00, SE‑01, SE‑02 et SE‑03, le requérant soutient que le scénario SE‑03, selon lequel la parcelle B‑32 fait l’objet d’un droit de superficie, évalué à 4275000 euros, permettant une exploitation pendant 30 ans en tant qu’équipement sportif, est dénué de valeur probante.

78

Le scénario SE‑03 ne permettrait pas de déterminer la valeur de marché de la parcelle B‑32, mais seulement une valeur d’investissement.

79

Par ailleurs, l’estimation de la valeur de marché effectuée par le cabinet d’expertise immobilière serait viciée d’erreurs méthodologiques évidentes. D’une part, seul un droit de superficie aurait été pris en considération, lequel aurait été évalué de manière incorrecte. L’estimation ne respecterait pas les règles applicables à l’évaluation des droits de superficie prévues à l’Orden Ministerial ECO/805/2003, de 27 de marzo, sobre normas de valoración de bienes inmuebles y de determinados derechos para ciertas finalidades financieras (arrêté ministériel ECO/805/2003, du 27 mars 2003, relatif aux règles d’évaluation des biens immeubles et de certains droits à finalités financières). Selon les estimations produites par le requérant, la valeur du droit de superficie aurait oscillé entre 23 et 24 millions d’euros, selon sa durée. D’autre part, le projet d’investissement retenu dans le rapport du cabinet d’expertise immobilière ne respecterait pas le critère d’une utilisation maximale et optimale et serait inapproprié pour maximiser la valeur de la parcelle B‑32.

80

La pertinence des autres évaluations disponibles en plus de celle du rapport du cabinet d’expertise immobilière n’aurait pas été suffisamment réfutée.

81

La Commission conteste l’argumentation du requérant.

82

À titre liminaire, il y a lieu d’indiquer que, selon le requérant, l’exposition financière de la municipalité de Madrid à la suite du non-respect de la convention d’exécution de 1998 dépassait en toute hypothèse, que ladite municipalité soit ou non tenue responsable de ce non-respect, la valeur marchande de la parcelle B‑32. Ainsi, il ne serait même pas nécessaire que le Tribunal se prononce sur cette valeur.

83

À cet égard, il importe de rappeler d’une part que la municipalité de Madrid n’a pas apporté la preuve qu’elle ait fait effectuer une expertise juridique avant la conclusion de l’accord transactionnel de 2011 pour clarifier qui devait supporter, au regard du droit espagnol, la responsabilité du non-transfert de la parcelle B‑32. D’autre part, dans ledit accord transactionnel, ce sont le requérant et ladite municipalité qui se sont fondés sur la valeur de ladite parcelle, estimée par les services techniques de cette municipalité, pour indemniser le requérant du fait de l’impossibilité de lui céder cette parcelle, conformément à la convention d’exécution de 1998.

84

Dans ces conditions, nonobstant la conclusion à laquelle la Commission a pu aboutir préalablement, à savoir qu’un opérateur prudent en économie de marché n’aurait pas, dans les mêmes conditions qu’en l’espèce, signé l’accord transactionnel de 2011 sans une expertise juridique, il ne saurait être reproché à ladite institution, concernant l’appréciation de l’existence d’un avantage et de son montant, de s’être intéressée à la valeur de la parcelle B‑32 après avoir pris comme prémisse la responsabilité de la municipalité de Madrid.

85

Cela étant indiqué, il est utile de rappeler que le comportement de l’investisseur privé, qui doit être comparé à celui d’un investisseur public, n’est pas nécessairement celui de l’investisseur ordinaire plaçant des capitaux en vue de leur rentabilisation à plus ou moins court terme. Ce comportement doit, au moins, être celui d’un holding privé ou d’un groupe privé d’entreprises poursuivant une politique structurelle, globale ou sectorielle et être guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme (arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑305/89, EU:C:1991:142, point 20).

86

Dans ces conditions, l’application du critère de l’investisseur privé ne vise pas à déterminer quelle pourrait être la rentabilité maximale obtenue par un investisseur dans un secteur particulier ou dans l’ensemble de l’économie, mais à déterminer si un investisseur privé comparable aurait pu procéder, dans les circonstances de l’espèce, à l’investissement concerné. Il s’agit donc de déterminer si l’investissement concerné procède d’une certaine rationalité économique, au moins sur le long terme (arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 42).

87

Selon cette jurisprudence, il convient donc d’apprécier si, compte tenu de l’intention initiale des parties à la convention d’exécution de 1998, mais aussi de la réglementation applicable à la parcelle B‑32, au moment de la conclusion de ladite convention d’exécution ainsi que lors de la conclusion de l’accord transactionnel de 2011, il est raisonnable de penser qu’un opérateur en économie de marché aurait accepté de prendre en charge la totalité de la compensation pour le non-transfert de la parcelle en question, qui a été estimée à la valeur de ladite parcelle à hauteur de 22690000 euros.

88

Il convient d’ajouter que, en ce qui concerne l’étendue du contrôle du Tribunal, au vu de la jurisprudence, si ce contrôle est en principe un contrôle entier en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Cour a jugé qu’un tel contrôle juridictionnel était limité lorsque les appréciations portées par la Commission présentaient un caractère technique ou complexe [voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 114 et jurisprudence citée ; arrêt du 28 octobre 2015, Hammar Nordic Plugg/Commission, T‑253/12, EU:T:2015:811, point 30 (non publié)].

89

Le contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission est un contrôle restreint qui se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 66).

90

Il a été déjà jugé que, pour vérifier si la vente d’un terrain par une autorité publique à une personne privée constitue une aide d’État, il y a lieu, pour la Commission, d’appliquer le critère de l’investisseur privé dans une économie de marché, afin de vérifier si le prix payé par le présumé bénéficiaire de l’aide correspond au prix qu’un investisseur privé, agissant dans des conditions de concurrence normales, aurait pu fixer. En général, l’usage de ce critère implique de la part de la Commission une appréciation économique complexe (arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 68).

91

Il importe d’ajouter que, la parcelle B‑32 n’ayant pas été transférée, il a été prévu une compensation dont l’évaluation est caractérisée par l’absence d’une procédure d’offre inconditionnelle. Une telle circonstance peut rendre également complexe la tâche de la Commission (voir, par analogie, arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 70).

92

Seule une erreur manifeste de la détermination de la valeur de la parcelle B-32 est donc de nature à entacher d’illégalité la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2015, Hammar Nordic Plugg/Commission, T‑253/12, EU:T:2015:811, point 34 (non publié)].

93

En l’espèce, il ressort de la décision attaquée et des autres éléments du dossier que les différentes estimations réalisées pour déterminer la valeur de la parcelle B‑32 divergent fortement.

94

Pour la convention d’exécution de 1998, la valeur supposée de la parcelle B‑32 a été évaluée par des fonctionnaires de la direction municipale de l’urbanisme à hauteur de 595194 euros. Il est indiqué que cette évaluation a été réalisée « selon la méthode d’évaluation prévue par le droit espagnol », sans davantage de précisions.

95

Pour l’accord transactionnel de 2011, les services de la municipalité de Madrid se sont basés sur la valeur cadastrale, qui, selon le requérant, tient compte de facteurs tels que la valeur du terrain, la valeur de la construction, la localisation et le marché en cause. Dans le rapport publié le 27 juillet 2011, lesdits services ont évalué la valeur de la parcelle B‑32 à 22693054,44 euros. Le détail de l’évaluation est exposé au point 36 de la décision attaquée et il n’a pas été contesté par les parties. C’est cette valeur qui a été retenue dans l’accord transactionnel de 2011.

96

Après la conclusion de l’accord transactionnel de 2011, les fonctionnaires du cadastre foncier espagnol, qui dépendent du ministère de l’Économie et des Finances espagnol, ont mis à jour la valeur de la parcelle B‑32 et l’ont estimée comme ne pouvant pas être inférieure à 25776296 euros. Selon le requérant, ce genre de mise à jour sert à rapprocher la valeur cadastrale de celle du marché, sans que cette dernière puisse être dépassée. La valeur cadastrale s’appuie, par exemple, sur les données relatives aux transactions réelles du marché. Lesdits fonctionnaires seraient indépendants de ceux de la municipalité de Madrid.

97

Le requérant a commandé et produit le rapport du cabinet de conseil immobilier dans lequel la valeur marchande de la parcelle B‑32 en 1998 a été évaluée à 574000 euros, qui diffère donc assez peu de la valeur retenue pour la convention d’exécution de 1998. Dans le même rapport, la valeur marchande de la même parcelle en 2011 a été évaluée à 22690000 euros, ce qui correspond aussi à peu près à la valeur retenue dans l’accord transactionnel de 2011. Le requérant indique que le rapport du cabinet de conseil immobilier a utilisé la méthode d’évaluation résiduelle statique, sur une hypothèse de vente des diverses unités peu après la construction d’une infrastructure sportive sur le terrain concerné. Il a été pris en compte le transfert en pleine propriété sans restrictions quant à la revente et l’objectif d’indemnisation dudit accord transactionnel.

98

Dans le rapport du cabinet d’expertise immobilière, commandé par la Commission, enfin, quatre scénarios ont été envisagés : le scénario SE-00, selon lequel le terrain est une propriété publique et n’a aucune valeur de marché, mais seulement un prix coûtant, soit 3930000 euros ; le scénario SE‑01, selon lequel le terrain est destiné à la construction de logements sociaux et est évalué à 18000000 euros ; le scénario SE‑02, selon lequel la valeur marchande du terrain correspond à 10 % de la valeur dans le secteur, soit 12245000 euros ; le scénario SE‑03, selon lequel la parcelle B‑32 ne peut pas être transférée, mais peut seulement faire l’objet d’un droit de superficie, qui permettrait une exploitation pendant 30 ans en tant qu’équipement sportif, toute revente ultérieure étant exclue, ce qui conduirait à une valeur de 4275000 euros.

99

La Commission a indiqué avoir retenu, en l’espèce, la valeur telle qu’elle résultait du scénario SE‑03 du rapport du cabinet d’expertise immobilière, compte tenu de l’affectation urbanistique du terrain déterminant son utilisation et excluant sa revente.

100

Tout d’abord, il convient de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste en retenant la valeur résultant d’un tel scénario et qui a été estimée en prenant en compte le droit de superficie de la parcelle B‑32.

101

En effet, il n’a pas été contesté qu’il convenait de se situer à la date de l’accord transactionnel de 2011 pour évaluer la valeur de la parcelle B‑32. Cette date correspond en effet à celle de la compensation et de l’indemnisation telles que décidées dans ledit accord transactionnel et qui sont à l’origine de la présente procédure.

102

Or, ainsi qu’il ressort du régime juridique applicable à la parcelle B‑32, à cette date, une telle parcelle faisait partie du domaine public et ne pouvait pas être transférée, seul un droit de superficie pouvant être octroyé.

103

Comme la Commission l’a relevé à juste titre au considérant 123 de la décision attaquée, dans le cas où une indemnisation était demandée à la municipalité de Madrid, la valeur de la parcelle B‑32 devait correspondre à la valeur qu’elle avait pour ladite municipalité, et donc au droit de superficie de cette parcelle et non à la valeur hypothétique qu’elle aurait eue si elle avait été transférable.

104

Ensuite, s’agissant du droit de superficie, le requérant a soutenu que ce droit n’avait pas été évalué de manière correcte et que son estimation ne respectait pas les règles applicables à l’évaluation des droits de superficie en Espagne.

105

Or, sur ce point, il convient de considérer que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant le scénario SE‑03 du rapport du cabinet d’expertise immobilière.

106

En effet, les autres scénarios du rapport du cabinet d’expertise immobilière ainsi que les autres estimations sur lesquelles se fonde le requérant sont beaucoup plus éloignés des circonstances de l’espèce, en ce qu’ils ne se basent pas sur l’hypothèse d’une estimation d’un droit de superficie d’une parcelle faisant partie du domaine public, mais sur la valeur d’un bien pouvant être vendu en pleine propriété.

107

Avec le scénario SE‑03 du rapport du cabinet d’expertise immobilière, la Commission disposait de la seule hypothèse visant à estimer le droit de superficie de la parcelle B‑32.

108

Le requérant soutient par ailleurs que la Commission est partie de l’hypothèse erronée que le droit de superficie ne pourrait pas être vendu.

109

Il est certes indiqué, au considérant 111 de la décision attaquée, que l’affectation urbanistique du terrain détermine son utilisation et exclut sa revente. En réponse à une question du Tribunal, la Commission a indiqué avoir privilégié l’hypothèse consistant à retenir la valeur d’investissement et une exploitation du droit de superficie pendant 30 ans en tant qu’équipement sportif.

110

Or une telle hypothèse est là aussi la plus proche de ce que le requérant avait à l’esprit en 1996, dans son opération d’échange de terrains avec la municipalité de Madrid, dès lors que cet échange était fait initialement pour que le requérant exploite lui-même les terrains qu’il recevrait de ladite municipalité.

111

Enfin, s’agissant du grief tiré d’une violation du principe de bonne administration, il convient de relever que la Commission a demandé un rapport d’expertise élaboré sur la base de plusieurs scénarios, qu’elle a procédé à une analyse de ces différents scénarios ainsi que des autres évaluations produites et qu’elle n’a donc pas, purement et simplement, accepté les conclusions du rapport du cabinet d’expertise immobilière.

112

Quant à l’argument du requérant fondé sur les différences qui existeraient entre les versions initiale et finale du rapport du cabinet d’expertise immobilière, il suffit de souligner que les valeurs retenues dans ces deux versions pour le scénario SE‑03 sont pratiquement identiques, comme l’a relevé à juste titre la Commission, à savoir 4270000 euros pour le rapport initial et 4275000 euros pour le rapport final.

113

Il résulte de tout ce qui précède que le troisième grief du premier moyen et le deuxième moyen doivent être rejetés comme non fondés.

Sur le troisième moyen

114

Le requérant fait valoir que la Commission a enfreint l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’article 296 TFUE, l’obligation de motivation et le principe de bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dès lors que la Commission a contesté la valeur de la parcelle B‑32 pour déterminer l’existence d’un avantage tout en reconnaissant que la valeur des autres parcelles cédées au requérant au titre d’indemnisation dans le cadre de l’accord transactionnel de 2011 était correcte. Or cette valeur aurait été calculée avec la même méthode d’évaluation que celle utilisée par la municipalité de Madrid pour la parcelle B‑32. En invoquant différentes affaires, le requérant soutient que la Commission avait la charge de la preuve de l’existence de l’aide d’État et qu’elle ne pouvait se borner à évaluer de manière sélective et isolée certaines prestations de la transaction. Par ailleurs, il indique qu’il était tenu d’accepter l’évaluation des terrains effectuée par ladite municipalité, en dépit de la minoration de leur valeur. En vertu du droit espagnol, il n’aurait disposé d’aucune voie de recours qui lui aurait permis de contester l’évaluation aux fins de réclamer la différence entre l’évaluation contractuelle et la valeur de marché. Si la Commission avait examiné si les prestations étaient équilibrées, elle aurait conclu que le montant de l’aide d’État prétendument octroyée n’aurait excédé en aucun cas 10931835 euros.

115

La Commission rappelle que l’objet de l’enquête dans la présente affaire consistait à examiner l’éventuelle existence d’une aide d’État découlant de l’indemnisation accordée par la municipalité de Madrid à la suite du non-respect, par cette dernière, de la convention d’exécution de 1998 et à déterminer si un opérateur en économie de marché prudent aurait accepté pleinement sa responsabilité sans conseils juridiques préalables, compte tenu des multiples incertitudes juridiques, ainsi qu’à vérifier si la dette contractée par ladite municipalité correspondait à l’exposition financière que cet opérateur aurait accepté pour la valeur spécifique de la parcelle B‑32 en 2011. La décision d’ouverture de la procédure et la décision attaquée auraient été claires à cet égard. Selon la Commission, il faut aussi apprécier la motivation de ladite décision au regard de son contexte et elle n’était pas tenue de répondre à tous les arguments invoqués au cours de la procédure administrative par une partie intéressée. Elle affirme avoir, conformément à la jurisprudence, suffisamment motivé cette décision. Elle ajoute que l’objet de l’enquête ne consistait pas à déterminer si le requérant avait reçu une aide illégale au regard de l’ensemble des engagements pris dans le cadre de l’accord transactionnel de 2011. Les affaires invoquées par le requérant ne seraient pas pertinentes et, si le requérant avait reçu une prestation inférieure à ce qui avait été convenu, il aurait pu réclamer la valeur fixée dans l’accord transactionnel de 2011, ce qu’il n’aurait pas fait.

116

À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, afin d’apprécier si l’avantage aurait pu être obtenu dans des conditions normales de marché, la Commission est tenue de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte (voir arrêt du 30 juin 2015, Pays-Bas e.a./Commission, T‑186/13, T‑190/13 et T‑193/13, non publié, EU:T:2015:447, point 88 et jurisprudence citée).

117

Il a également été jugé que, s’agissant de l’appréciation de la valeur d’une aide sous la forme d’une vente d’un terrain par une entité publique à une personne privée à un prix prétendument préférentiel, le principe de l’investisseur privé opérant dans une économie de marché s’appliquait et que la valeur de l’aide était égale à la différence entre ce que le bénéficiaire a en fait payé et ce qu’il aurait dû payer à l’époque dans des conditions normales de marché pour acheter un terrain équivalent auprès d’un vendeur du secteur privé (voir arrêt du 30 juin 2015, Pays-Bas e.a./Commission, T‑186/13, T‑190/13 et T‑193/13, non publié, EU:T:2015:447, point 77 et jurisprudence citée).

118

Il convient de préciser que, selon la jurisprudence, pour apprécier la légalité de la décision attaquée, il y a lieu de tenir compte des éléments d’information dont la Commission disposait ou pouvait disposer à la date à laquelle elle a adopté cette décision. À cet égard, s’il s’avère que l’appréciation de la Commission se trouverait contredite ou mise en doute par des éléments d’information dont elle n’aurait pas eu connaissance lors de la procédure administrative, il y aurait lieu de vérifier si de tels éléments pouvaient être connus et pris en considération d’elle en temps utile et, le cas échéant, de savoir si ces éléments d’information auraient dû normalement être pris en considération par la Commission, à tout le moins en tant que données pertinentes pour appliquer le critère de l’investisseur privé (voir arrêt du 30 juin 2015, Pays-Bas e.a./Commission, T‑186/13, T‑190/13 et T‑193/13, non publié, EU:T:2015:447, point 90 et jurisprudence citée).

119

En l’espèce, il convient de souligner que la Commission a reconnu avoir examiné l’éventuelle existence d’une aide d’État découlant de l’indemnisation accordée par la municipalité de Madrid dans le cadre de l’accord transactionnel de 2011.

120

Il est important de relever que, selon l’accord transactionnel de 2011, les parties étaient convenues que l’indemnité serait réglée en remplaçant la cession de la parcelle B‑32 par la cession d’autres parcelles au requérant par la municipalité de Madrid ainsi que par la compensation de leurs dettes mutuelles. Le résultat avait été un crédit net restant de 8,04 euros en faveur du requérant, dû par ladite municipalité.

121

L’accord transactionnel de 2011 ne portait donc pas uniquement sur la reconnaissance de dette découlant du non-transfert de la parcelle B‑32, mais il visait à indemniser le requérant de ce non-transfert en lui transférant d’autres parcelles et en compensant des dettes mutuelles.

122

Or, il est constant que les parcelles cédées, au lieu de la parcelle B‑32, n’ont pas fait l’objet d’une évaluation par la Commission. Cette dernière a repris les valeurs retenues dans l’accord transactionnel de 2011.

123

En réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, le requérant a confirmé, sans que cela soit contesté par la Commission, que, au cours de la procédure administrative, il avait fait part de l’existence d’une différence entre les valeurs des parcelles transférées aux termes de l’accord transactionnel de 2011 et la valeur de ces parcelles indiqué dans le rapport du cabinet de conseil immobilier et donc de la possible surestimation de ces parcelles.

124

En outre, le requérant avait souligné, aussi au cours de la procédure administrative, que le rapport du cabinet d’expertise immobilière ne contenait aucune évaluation des parcelles transférées en vertu de l’accord transactionnel de 2011.

125

En examinant uniquement la valeur de la parcelle B-32, la Commission n’a donc pas pris en considération tous les éléments de l’opération litigieuse et de son contexte. Elle n’a donc pas pu, contrairement à ce qu’elle était tenue de faire, procéder à une analyse complète de tous les éléments pertinents, aux fins de démontrer non seulement la question de l’évaluation du montant de l’aide, mais aussi et surtout celle de l’existence même d’un avantage découlant de la mesure en cause considérée dans tous ses éléments.

126

Il convient de préciser que, en réponse aux questions posées par le Tribunal, la Commission a invoqué le fait qu’elle n’était pas tenue de prendre en compte des faits postérieurs à ceux ayant fait l’objet de la procédure d’examen ainsi que des avantages sans rapport avec la mesure examinée en tant que telle.

127

Toutefois, il suffit de rappeler qu’une estimation des parcelles transférées aux termes de l’accord transactionnel de 2011 figurait dans le rapport du cabinet de conseil immobilier communiqué au cours de la procédure administrative. Par ailleurs, la mesure examinée ne se limitait pas à la seule reconnaissance de dette issue du non-transfert de la parcelle B-32, mais à l’éventuelle existence d’une aide d’État découlant de l’indemnisation accordée par la municipalité de Madrid dans le cadre de l’accord transactionnel de 2011.

128

La Commission n’a donc pas suffisamment démontré que la mesure en cause conférait un avantage au requérant. Au moins une des conditions cumulatives visées au point 37 ci-dessus n’étant pas remplie, la Commission ne pouvait pas qualifier la mesure en cause d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

129

Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être déclaré fondé. Partant, la décision attaquée doit être annulée.

Sur les dépens

130

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le requérant, conformément aux conclusions de ceux-ci.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

La décision (UE) 2016/2393 de la Commission, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.33754 (2013/C) (ex 2013/NN) accordée par l’Espagne au Real Madrid CF, est annulée.

 

2)

La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Real Madrid Club de Fútbol.

 

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mai 2019.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.