ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

26 octobre 2017 ( *1 )

« Fonction publique – Fonctionnaires – Cedefop – Promotion – Exercice de promotion 2015 – Décision de ne pas promouvoir le requérant au grade AD 12 – Articles 44 et 45 du statut – Comparaison des mérites – Obligation de motivation – Rejet implicite de la réclamation – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑601/16,

Georges Paraskevaidis, demeurant à Auderghem (Belgique), représenté par Me S. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), représenté par Mme M. Fuchs, en qualité d’agent, assistée de Me A. Duron, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du directeur du Cedefop du 4 novembre 2015 de ne pas promouvoir le requérant au grade AD 12 au titre de l’exercice de promotion 2015 et, d’autre part, à la réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et R. da Silva Passos (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le requérant, M. Georges Paraskevaidis, a été titularisé au sein du secrétariat général du Conseil de l’Union européenne le 1er juillet 1988, en tant que fonctionnaire de grade A 7. Le 15 juillet 1996, il a été détaché au sein du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), qu’il a intégré en tant qu’agent temporaire afin d’y occuper les fonctions d’administrateur, puis le poste de chef de l’administration.

2

À compter du 1er janvier 1999, le requérant a été transféré au Cedefop, où il est devenu fonctionnaire titulaire, au grade A 5, échelon 2. En 2002, il a été réaffecté au poste de conseiller pour la réforme administrative.

3

Lors de la modification du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »), entrée en vigueur le 1er mai 2004, le requérant a été classé dans le groupe de fonctions des administrateurs (AD), au grade AD 11.

4

Après avoir été détaché au sein de l’Agence européenne pour la reconstruction (AER) le 1er septembre 2003, le requérant a, le 16 janvier 2007, réintégré le Cedefop en tant que chef du service des finances et des marchés publics. Il était à cette époque classé au grade AD 11, échelon 5.

5

Le 1er mars 2011, le requérant a atteint l’échelon 8, soit l’échelon le plus élevé du grade AD 11. Il a alors demandé à être promu au grade AD 12, tout d’abord pour l’exercice de promotion 2010, par courrier électronique du 18 mai 2011, puis pour l’exercice de promotion 2011, par courrier du 3 octobre 2011. Il n’a toutefois pas été satisfait à ces demandes.

6

Parallèlement, le requérant a, par courrier du 18 mai 2011, demandé la prise en compte de sa période d’activité au sein de l’AER et des points de mérite qu’il y avait obtenus, en vue de favoriser son avancement au sein du Cedefop. Cette demande a été rejetée, en substance, au motif que le requérant avait été détaché au sein de l’AER non pas dans l’intérêt du service, et donc en qualité de fonctionnaire, mais à sa demande et dans son propre intérêt, et dès lors en qualité d’agent temporaire, et qu’il n’était pas d’usage au sein du Cedefop de prendre en compte une telle expérience en vue d’apprécier les mérites du candidat à la promotion.

7

Le 9 janvier 2014, le requérant a introduit une demande auprès du directeur du Cedefop, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, afin de contester le fait qu’il n’ait bénéficié d’aucune promotion pendant 20 ans. Il n’a pas été donné de suite favorable à cette demande.

8

Le 31 mars 2015, le supérieur hiérarchique du requérant a adressé au département des ressources humaines la liste des fonctionnaires dont la promotion était proposée. Le nom du requérant figurait sur cette liste, bien qu’il ait été précisé que la promotion de celui-ci constituait une seconde priorité.

9

Le 6 août 2015, le chef du département « Ressources et support » du Cedefop a publié une liste des fonctionnaires susceptibles d’être promus. Le nom du requérant y figurait parmi les fonctionnaires pouvant aspirer au grade AD 12.

10

En revanche, le nom du requérant ne figurait pas sur la liste de fonctionnaires établie par le comité de direction le 14 octobre 2015 et dont la promotion était proposée à l’AIPN.

11

Le 4 novembre 2015, l’AIPN a établi la liste des fonctionnaires promus, sur laquelle ne figurait pas le nom du requérant (ci-après la « décision attaquée »).

12

Le 29 janvier 2016, le requérant a, sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision attaquée, notifiée à l’AIPN le 3 février 2016. Il y faisait valoir que la décision attaquée était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, qu’elle méconnaissait les articles 44 et 45 du statut, ainsi que les principes d’égalité et de confiance légitime. La réclamation comportait également une demande en indemnité.

13

Le 19 avril 2016, le requérant a présenté oralement au comité d’appel les arguments avancés au soutien de sa réclamation.

14

Le Cedefop n’a pas donné de réponse explicite à cette demande, ni dans le délai de quatre mois prévu par le statut, ni après.

15

Le requérant a réintégré le Conseil le 1er février 2016.

Procédure et conclusions des parties

16

Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 22 juin 2016, le requérant a introduit le présent recours, initialement enregistré sous le numéro F‑31/16.

17

En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016 et doit désormais être traitée conformément au règlement de procédure du Tribunal. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro T‑601/16 et attribuée à la neuvième chambre.

18

Les parties n’ayant pas demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, au titre de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal (neuvième chambre), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

19

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner le Cedefop à l’indemniser en raison de ses préjudices matériel et moral ;

condamner le Cedefop aux dépens.

20

Le Cedefop conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer le recours partiellement irrecevable ;

rejeter le recours comme non fondé dans sa totalité ;

rejeter la demande de réparation du prétendu préjudice subi ;

condamner le requérant aux dépens.

En droit

Sur la demande en annulation

21

Le requérant invoque trois moyens à l’appui de sa demande d’annulation de la décision attaquée. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des articles 44 et 45 du statut ainsi que des principes d’égalité de traitement et de vocation à la carrière. Le troisième moyen est tiré d’une violation du devoir de sollicitude et du principe de confiance légitime.

22

Dans le cadre de son premier moyen, le requérant soutient que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation. En ce sens, il souligne, d’une part, que ladite décision se résume à une liste de noms des fonctionnaires promus et, d’autre part, que, la décision portant rejet de sa réclamation étant implicite, elle ne comporte pas le moindre élément de motivation.

23

Aucune motivation sérieuse de la décision attaquée n’aurait ainsi été avancée, ni durant la phase précontentieuse, ni s’agissant de ses demandes de promotion précédentes. Par conséquent, le requérant estime ne pas avoir été en mesure de comprendre les raisons qui avaient justifié que son nom ne figure pas parmi ceux des fonctionnaires promus.

24

Le requérant fait valoir que le seul élément d’information dont il a disposé à cet égard résidait dans de simples échos, selon lesquels sa promotion au grade AD 12 lui avait été refusée, car elle aurait eu pour conséquence qu’il fût classé à un grade supérieur à celui tant de son supérieur hiérarchique direct que du directeur adjoint du Cedefop. Il précise que, même à les supposer établies, de telles considérations ne sauraient valablement justifier un refus de promotion.

25

Par ailleurs, le requérant souligne que, lorsque la décision en cause est, comme en l’espèce, dépourvue de toute motivation, il ressortirait des arrêts du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes (T‑171/05, EU:T:2006:288, points 41 à 47), et du 8 octobre 2008, Barbin/Parlement (F‑81/07, EU:F:2008:125, point 28), que la motivation ne peut être régularisée au stade de la procédure juridictionnelle. La décision attaquée devrait dès lors être annulée sur ce fondement, en dépit des explications fournies par le Cedefop dans le mémoire en défense.

26

Le requérant ajoute que la règle de concordance entre la réclamation et la requête corrobore l’impossibilité de régulariser la motivation d’un acte faisant grief au stade de la procédure juridictionnelle, dès lors qu’une telle règle lui interdit de développer de nouveaux moyens au cours de ladite procédure, alors qu’il ignore la motivation de la décision dont il conteste la légalité. Il estime qu’une telle situation entraîne une rupture d’égalité, l’administration étant de fait placée dans une situation plus favorable que la sienne.

27

Par ailleurs, le requérant conteste l’argumentation du Cedefop selon laquelle la connaissance qu’il avait de ses rapports d’évaluation, de remarques sur son rendement et d’une note interne datée du 19 juillet 2013 suffirait pour considérer que la décision attaquée était suffisamment motivée. Selon lui, accueillir en l’espèce une telle argumentation reviendrait en effet à priver de tout effet utile l’article 296 TFUE ainsi que son droit à un recours effectif, tel que prévu par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

28

En outre, si le requérant admet que sa candidature à un poste au sein du Conseil a précédé l’adoption de la décision attaquée, il fait néanmoins valoir que cette candidature anticipée était motivée par un souci de précaution, afin de remédier à l’éventualité d’une nouvelle décision de non-promotion le concernant.

29

Le requérant souligne qu’il pouvait d’autant moins connaître la motivation de la décision attaquée qu’il avait été inclus dans la liste des fonctionnaires ou agents dont la promotion avait été proposée par le comité de direction du Cedefop.

30

Pour sa part, le Cedefop considère que, si une absence totale de motivation ne peut être régularisée par une motivation en cours d’instance, la décision attaquée est intervenue dans un contexte connu du requérant et qui permettait à celui-ci d’en apprécier le bien-fondé, de sorte que ladite décision doit être considérée comme étant suffisamment motivée, conformément aux principes dégagés par la jurisprudence. Ces principes seraient d’ailleurs rappelés dans l’arrêt du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes (T‑171/05, EU:T:2006:288), que le requérant lui-même cite à l’appui de son argumentation.

31

Premièrement, le Cedefop rappelle que l’exercice de promotion repose sur des règles procédurales que le requérant, compte tenu de ses fonctions, ne pouvait ignorer et qui ont été appliquées objectivement et exactement en l’espèce.

32

Deuxièmement, le Cedefop soutient que le requérant avait connaissance du contenu et du niveau des évaluations le concernant, des multiples remarques dont il avait fait l’objet quant à la façon de gérer son équipe ainsi que d’autres manquements et irrégularités mentionnés dans une note interne du 19 juillet 2013 figurant dans son dossier personnel. À cet égard, le Cedefop insiste sur le fait que le requérant a, au paragraphe 19 de sa réclamation, clairement identifié les critiques qui lui avaient été adressées, de sorte qu’il ne pourrait valablement soutenir ne pas être en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles son nom ne figurait pas parmi ceux des fonctionnaires promus.

33

Troisièmement, l’incompréhension alléguée du requérant quant au sens de la décision attaquée, qui aurait prétendument engendré une frustration pour lui et l’aurait encouragé à retourner au Conseil, serait contredite par le fait que la date limite pour la présentation des candidatures pour le poste occupé par le requérant au Conseil était antérieure à la date à laquelle ladite décision a été adoptée. Il s’ensuivrait que le requérant a bien été en mesure d’anticiper la teneur de cette décision, suggérant ainsi qu’il avait une connaissance suffisante du contexte ayant entouré l’adoption de celle-ci.

34

Par ailleurs, s’agissant de l’inclusion du nom du requérant dans la liste des fonctionnaires dont la promotion était proposée par son comité de direction, le Cedefop rappelle que la procédure prévue par ses dispositions générales d’exécution (Cedefop/DGE/10/2011 et Cedefop/DGE/11/2011) a été correctement suivie en l’espèce et que, si le nom du requérant apparaissait dans la liste consolidée de tous les fonctionnaires susceptibles d’être promus, établie par ledit comité de direction, son nom ne figurait pas dans la liste dudit comité relative aux fonctionnaires dont la promotion a finalement été proposée à l’AIPN.

35

Le Cedefop conclut qu’il ressort de l’ensemble de ces circonstances, et non uniquement du contenu du dossier personnel du requérant, que ce dernier avait connaissance du contexte ayant entouré la décision attaquée.

36

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée par l’article 296 TFUE, a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge de l’Union européenne et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (voir arrêts du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 57 et jurisprudence citée ; du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05, EU:T:2006:288, point 36 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 77 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que l’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union, auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses (arrêts du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 57 ; du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05, EU:T:2006:288, point 36, et du 4 juillet 2007, Lopparelli/Commission, T‑502/04, EU:T:2007:197, point 74). Cette obligation, qui fait partie intégrante du principe de bonne administration, ainsi que cela ressort de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux, a vu son importance renforcée à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, par l’insertion de l’article 15, paragraphe 1, et de l’article 298, paragraphe 1, TFUE. En effet, une administration européenne ouverte et efficace se doit de respecter scrupuleusement les dispositions du statut. En particulier, la motivation de tout acte faisant grief aux agents de l’Union est une condition indispensable pour assurer un climat de travail serein au sein de l’administration de l’Union, en évitant de créer la suspicion que la gestion du personnel de celle-ci repose sur l’arbitraire ou le favoritisme.

37

Selon une jurisprudence également constante, si l’AIPN n’est tenue de motiver une décision de promotion ni à l’égard de son destinataire ni à l’égard des candidats non promus, elle a, en revanche, l’obligation de motiver sa décision portant rejet d’une réclamation introduite en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut par un candidat non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (voir arrêts du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 41 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 79 et jurisprudence citée).

38

Ainsi, la motivation doit intervenir, au plus tard, lors du rejet de la réclamation (arrêts du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, EU:T:2002:35, point 26, et du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 41).

39

En outre, le caractère suffisant de la motivation de l’acte attaqué doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi du contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de celui-ci (voir arrêts du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, EU:C:1990:71, point 16 et jurisprudence citée ; du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 78, et du 19 janvier 2017, Commission/Frieberger et Vallin, T‑232/16 P, non publié, EU:T:2017:15, point 41). Les promotions se faisant au choix, conformément à l’article 45 du statut, il suffit que la motivation du rejet de la réclamation se rapporte à l’application des conditions légales et statutaires de promotion qui a été faite à la situation individuelle du fonctionnaire (voir arrêts du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, EU:T:2002:35, point 27 et jurisprudence citée, et du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 60).

40

Par ailleurs, en cas d’absence totale de motivation avant l’introduction d’un recours, il est de jurisprudence constante que ladite absence ne peut être couverte par des explications fournies par l’AIPN après l’introduction du recours. À ce stade, de telles explications ne rempliraient en effet plus leur fonction, si bien que l’introduction d’un recours met un terme à la possibilité pour l’AIPN de régulariser sa décision par une réponse portant rejet de la réclamation (arrêt du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C‑115/92 P, EU:C:1993:922, point 23 ; voir, également, arrêts du 7 février 2007, Caló/Commission, T‑118/04 et T‑134/04, EU:T:2007:37, point 268 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 80 et jurisprudence citée).

41

La possibilité de régulariser l’absence totale de motivation après la formation d’un recours porterait au demeurant atteinte aux droits de la défense, puisque le requérant disposerait uniquement de la réplique pour présenter ses moyens à l’encontre de la motivation, dont il ne prendrait connaissance qu’après l’introduction du recours. Le principe d’égalité des parties devant le juge de l’Union s’en trouverait ainsi affecté (arrêts du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, EU:T:2004:207, point 109, et du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 62 ; voir, également, ordonnance du 8 mars 2012, Marcuccio/Commission, T‑126/11 P, EU:T:2012:115, point 47 et jurisprudence citée).

42

Dans le cas d’un rejet implicite et donc non formellement motivé d’une réclamation, c’est le comportement de l’administration qui contribue de façon déterminante à la genèse du litige dans la mesure où l’intéressé se voit contraint, en l’absence de réaction à sa réclamation dans les délais prévus à l’article 90, paragraphe 2, du statut, de saisir le Tribunal afin d’obtenir une motivation en bonne et due forme de la décision adoptée à son égard. Or, cette façon de procéder de l’AIPN, contraire aux exigences d’une bonne administration, conduit à remettre en cause la répartition des fonctions respectives entre, d’une part, l’administration et, d’autre part, le juge de l’Union, en ce que ce dernier devient la seule et première instance devant laquelle l’intéressé est à même d’obtenir une motivation en conformité avec l’article 25 du statut. Cela est d’autant plus regrettable que le respect par l’administration de son obligation de motivation durant la phase précontentieuse a pour objet de permettre à l’intéressé de comprendre la portée de la décision prise à son égard et, le cas échéant, est susceptible de le convaincre du bien‑fondé de celle-ci et, partant, de ne pas déclencher un contentieux juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, EU:T:2005:324, point 34).

43

En revanche, il a été jugé qu’une simple insuffisance de la motivation fournie dans le cadre de la phase précontentieuse n’est pas de nature à justifier l’annulation de la décision contestée lorsque des précisions complémentaires sont apportées par l’AIPN en cours d’instance (arrêts du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑338/00 et T‑376/00, EU:T:2002:314, point 55 et jurisprudence citée, et du 4 mai 2005, Sena/AESA, T‑30/04, EU:T:2005:161, point 71), étant entendu toutefois que, pour des raisons comparables à celles rappelées aux points 40 à 42 ci-dessus, l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale erronée (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 63 et jurisprudence citée).

44

Ainsi, le Tribunal a admis que l’insuffisance initiale de la motivation peut être palliée par des précisions complémentaires apportées, même en cours d’instance, lorsque, avant l’introduction de son recours, l’intéressé disposait déjà d’éléments constituant un début de motivation (voir arrêts du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, EU:T:2002:35, point 30 et jurisprudence citée ; du 3 février 2005, Heurtaux/Commission, T‑172/03, EU:T:2005:34, point 44 et jurisprudence citée, et du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05, EU:T:2006:288, point 45 et jurisprudence citée).

45

Par ailleurs, il a été jugé, s’agissant, notamment, du rejet implicite d’une réclamation concernant un refus de promotion, qu’une décision doit être regardée comme suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêts du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, EU:T:2005:324, point 36 et jurisprudence citée ; du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 64 et jurisprudence citée, et du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05, EU:T:2006:288, point 45 et jurisprudence citée).

46

Eu égard toutefois à l’importance de l’obligation de motivation au regard des droits de la défense, ce n’est qu’à titre exceptionnel que le contexte dans lequel est intervenue une décision de non-promotion confirmée implicitement sur réclamation est susceptible de constituer un début de motivation de ladite décision (arrêt du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 79 ; voir également, en ce sens, arrêts du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T‑10/99, EU:T:2000:60, point 44, et du 3 février 2005, Heurtaux/Commission, T‑172/03, EU:T:2005:34, point 47). Ainsi, dans des circonstances telles que celles de la présente affaire, un début de motivation ne peut exister en l’absence de toute indication de l’AIPN concernant la situation spécifique du requérant et la comparaison de ses mérites avec les autres fonctionnaires ayant vocation à la promotion, au regard des critères de l’article 45 du statut (voir, en ce sens, arrêts du 3 février 2005, Heurtaux/Commission, T‑172/03, EU:T:2005:34, points 46 à 50, et du 23 octobre 2013, Verstreken/Conseil, F‑98/12, EU:F:2013:156, points 31 et 32 ; voir également, par analogie, arrêt du 10 septembre 2009, Behmer/Parlement, F‑16/08, EU:F:2009:107, point 32).

47

En l’espèce, il est constant que l’AIPN n’a pas répondu explicitement à la réclamation, rejetant celle-ci par décision implicite.

48

Il convient dès lors d’examiner les divers éléments avancés par le Cedefop en vue de déterminer si le contexte dans lequel est intervenue la décision attaquée permettait au requérant de comprendre la portée de celle-ci et, partant, d’en évaluer le bien-fondé au regard des critères établis à l’article 45 du statut.

49

À cet égard, il y a lieu de rappeler à titre liminaire que le requérant a, le 19 avril 2016, présenté oralement au comité d’appel les arguments invoqués au soutien de la réclamation (voir point 13 ci-dessus). Toutefois, le Cedefop ne soutient pas que des éléments d’explication, même incomplets, quant aux motifs de la décision attaquée aient été fournis au requérant à cette occasion.

50

Par ailleurs, premièrement, le Cedefop soutient que le requérant occupait des fonctions telles qu’il avait nécessairement connaissance des règles applicables en matière de promotion et qu’il devait comprendre que ces règles avaient été appliquées correctement et objectivement à son cas au titre de l’exercice de promotion 2015. Toutefois, cet élément n’est pas pertinent puisque la seule connaissance qu’a pu avoir le requérant des critères à prendre en compte pour être promu ne saurait être confondue avec la connaissance de la façon dont ces critères ont été appliqués à sa situation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 septembre 2009, Behmer/Parlement, F‑16/08, EU:F:2009:107, point 33 et jurisprudence citée).

51

Il en va de même de la note du directeur du Cedefop du 9 mars 2015, adressée à l’ensemble des membres du personnel du Cedefop et à laquelle se réfère ce dernier dans la présente affaire. Dans cette note, ledit directeur s’est en effet limité à décrire, en des termes généraux, les critères qui seraient appliqués dans le cadre de l’exercice de promotion 2015, tant en faveur de la promotion de fonctionnaires qu’en défaveur de celle-ci. Il s’ensuit que ladite note n’était nullement de nature à permettre au requérant de comprendre comment lesdits critères avaient été appliqués à sa situation.

52

Deuxièmement, le Cedefop fait valoir que le requérant avait connaissance des nombreuses critiques dont il faisait l’objet sur le plan professionnel, s’agissant non seulement de la gestion de son équipe, mais aussi de diverses irrégularités commises dans des procédures d’attribution de marchés publics.

53

À cet égard, il ressort certes des rapports d’évaluation du requérant pour les années 2012 à 2014 que ce dernier a pu faire l’objet d’appréciations critiques, en particulier concernant la gestion de ses équipes. En effet, dans le rapport d’évaluation 2012, l’évaluateur a relevé, notamment, qu’il attendait au cours de cette année un « mode de travail plus serein et plus coordonné de la part [du requérant] et des membres de son équipe », mais que « [cela] ne s’était pas pleinement réalisé au cours du premier semestre, certaines tensions étant apparues de temps à autres au sein du service ». Ce même rapport indique que, en dépit des progrès constatés, « [le requérant] avait encore des difficultés à distribuer de façon optimale son temps de travail [...] et à déléguer aux membres de son équipe », l’évaluateur ayant relevé que le requérant demeurait « trop occupé à refaire, améliorer ou parfaire le travail de ses subordonnés » au détriment du temps consacré à « la poursuite des priorités et objectifs généraux auxquels son service [faisait] face, à la gestion directe de son équipe et à la gestion des conflits ». Dans le rapport d’évaluation 2013, l’évaluateur a notamment relevé que « certains progrès étaient encore nécessaires [de la part du requérant] afin d’assurer une communication adéquate avec les membres de ses services, de gérer de manière effective les conflits et d’appliquer sans heurts les rapports, la planification ainsi que les échéances administratives ». Enfin, dans le rapport d’évaluation 2014, à savoir le dernier rapport d’évaluation du requérant adopté avant la décision attaquée, l’évaluateur a observé que le requérant était « bien plus à l’aise dans la rédaction de règles et la révision de documents que dans la gestion du personnel » et qu’il consacrait encore une partie trop importante de son temps de travail à « refaire, améliorer ou parfaire des documents lorsqu’il [était] sollicité pour des avis techniques ». L’évaluateur déplorait à nouveau que ce temps n’ait pas pu être consacré « aux priorités et objectifs généraux auxquels son service [faisait] face ainsi qu’à la gestion directe de son équipe » et exprimait attendre du requérant, en 2015, une « méthode de travail plus sereine et coordonnée pour lui et son équipe ».

54

Les rapports d’évaluation du requérant pour les années 2012 à 2014 contenaient toutefois aussi certaines appréciations positives sur le travail du requérant.

55

En effet, il ressort notamment du rapport d’évaluation 2014 que le requérant était « investi », « travaillait de longues journées » et était « une personne avec qui il était agréable de travailler », le directeur adjoint du Cedefop ayant souligné dans ce même rapport que le requérant avait « atteint l’ensemble des objectifs qui lui [avaient] été assignés avec un bon niveau de qualité » et souligné son degré élevé « d’investissement et de sens du devoir ».

56

Plus généralement, ainsi qu’il ressort des rapports d’évaluation 2012 à 2014, l’évaluation globale du requérant a été considérée comme satisfaisante, sa performance ayant été évaluée au cours de chacune de ces années à un niveau III, soit une performance « bonne et correspondant au niveau requis pour le poste occupé ».

57

En outre, les rapports d’évaluation 2012 et 2013 font état d’une amélioration des capacités de gestion du requérant. En effet, il ressort du rapport d’évaluation 2012 que le requérant a suivi une formation en gestion afin d’améliorer ses capacités dans ce domaine et qu’il a, dès cette année-là, « rédigé un plan d’action et commencé à mettre en œuvre les enseignements reçus ». Ce même rapport relevait toutefois la perfectibilité du requérant sur cet aspect. L’année suivante, l’évaluateur notait dans le rapport d’évaluation 2013 des « progrès [du requérant] en ce qui concerne la gestion d’équipe » et, en particulier, « l’organisation de réunions de service régulières ». Tout en soulignant que « certains progrès restaient encore à faire », l’évaluateur relevait que le requérant avait « délégué davantage de ses fonctions de contrôle [...] en vue de libérer du temps pour ses tâches de gestion plus directes et organisationnelles » et admettait ainsi « l’effort [accompli par le requérant] pour améliorer sa [capacité de] gestion ».

58

Enfin, le validateur a, dans le rapport d’évaluation 2014, relevé que le requérant avait, en substance, « rempli l’ensemble des objectifs qui lui avaient été fixés avec un bon niveau de qualité » et que son « degré élevé d’investissement et son sens du devoir étaient très appréciés ».

59

Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la seule présence d’éléments critiques dans les rapports d’évaluation du requérant pour les années 2012 à 2014 ne permettait pas à ce dernier de comprendre la manière dont les critères édictés à l’article 45 du statut avaient été appliqués à sa situation, justifiant, au terme d’une comparaison par le Cedefop des mérites des fonctionnaires promouvables pour l’exercice de promotion 2015, la décision de ne pas promouvoir le requérant à l’occasion dudit exercice.

60

Par ailleurs, aucun des onze courriers et courriels auxquels se réfère le Cedefop dans le cadre du premier moyen, figurant aux annexes B.15 et B.19 à B.28, n’est susceptible de constituer une explication, fût-elle insuffisante, quant à la manière dont l’AIPN a apprécié les mérites du requérant lors de l’exercice de promotion 2015, au regard des critères édictés à l’article 45 du statut.

61

En effet, s’agissant tout d’abord de deux courriels échangés le 9 janvier 2015 entre des membres du personnel du Cedefop impliqués dans l’évaluation du requérant, figurant à l’annexe B.26, il suffit de constater qu’ils n’ont pas été adressés au requérant. Dès lors qu’aucun élément du dossier n’indique qu’une copie de ces courriels lui a été communiquée au cours de la procédure administrative, ces documents ne sont en aucun cas susceptibles de constituer un début de motivation.

62

S’agissant, par ailleurs, des autres documents auxquels se réfère le Cedefop, dont la plupart sont antérieurs de plus de un an à la date d’adoption de la décision attaquée et certains mêmes antérieurs de plus de cinq ans, voire de sept ans, à celle-ci, ils établissent certes que le requérant avait connaissance de certaines critiques émises à son sujet quant à ses aptitudes en matière de gestion ainsi qu’à son traitement de certains dossiers de marchés publics.

63

Toutefois, admettre que de simples appréciations négatives portées sur un agent puissent suffire à constituer un début de motivation, dans des circonstances telles que celle de la présente affaire, risquerait de compromettre l’objectif visé par la procédure précontentieuse prévue à l’article 90, paragraphe 2, du statut, à savoir, selon une jurisprudence constante, le règlement amiable de litiges qui naissent au moment de la réclamation (arrêts du 7 mars 1996, Williams/Cour des comptes, T‑146/94, EU:T:1996:34, point 44, et du 3 décembre 2015, Cuallado Martorell/Commission, T‑506/12 P, EU:T:2015:931, point 64).

64

En effet, une telle approche permettrait à l’AIPN de prendre appui sur tout élément d’appréciation négatif concernant le candidat non promu et dont ce dernier a été informé pour s’exonérer de l’obligation de lui notifier une décision motivée rejetant sa réclamation, découlant de l’article 90, paragraphe 2, second alinéa, du statut et qui constitue une expression particulière, d’une part, de l’exigence de motivation de toute décision faisant grief prévue à l’article 25, deuxième alinéa, du statut et, d’autre part, du droit à une bonne administration garanti par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.

65

Or, une telle omission de répondre à la réclamation, introduite de surcroît contre une décision de non-promotion elle-même dépourvue de motivation, est susceptible de créer ou de renforcer auprès de l’intéressé des sentiments d’incompréhension, voire de frustration, et de créer ainsi un climat propice à l’introduction d’un recours devant le juge de l’Union, qui, si l’AIPN avait agi avec la diligence requise, aurait éventuellement pu être évité.

66

Troisièmement, le Cedefop ne saurait être suivi lorsqu’il soutient que l’existence d’un début de motivation de la décision attaquée est attestée par le paragraphe 19 de la réclamation, dans lequel le requérant a indiqué que « [s]on supérieur hiérarchique [...] tenait des discours et des écrits qui faisaient acte de son insatisfaction de la façon dont [il] gérai[t] [s]on équipe ».

67

Cette constatation reflète en effet tout au plus une supputation du requérant quant à un élément qui a pu être pris en compte par le Cedefop lors de l’évaluation de ses mérites au cours de l’exercice de promotion 2015. Pour les raisons exposées aux points 63 à 65 ci-dessus, toutefois, la seule connaissance par le candidat non promu d’appréciations négatives portées sur lui ne saurait en principe se substituer à la motivation de la décision de non-promotion que ledit candidat est en droit d’attendre de l’AIPN en réponse à sa réclamation.

68

Le Cedefop ne saurait tirer sur ce point argument de l’arrêt du 24 février 2010, P/Parlement (F‑89/08, EU:F:2010:11), dans lequel le Tribunal de la fonction publique a estimé, s’agissant d’une décision de licenciement, qu’il ressortait « des termes mêmes de la réclamation [...] introduite par la requérante que celle-ci, en consultant son dossier personnel, avait pu prendre connaissance de la demande de licenciement » et « était ainsi en mesure de savoir que ladite demande et, par suite, la décision litigieuse, étaient fondées sur une “rupture de confiance, tant personnelle que politique, entre [elle] et M. [A.M.], membre [non i]nscrit et son responsable administratif direct” ». En effet, la situation en cause dans la présente affaire n’est pas comparable, dès lors qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que le requérant aurait pu prendre connaissance, au cours de la procédure administrative, d’un quelconque document émanant du Cedefop exposant en quoi les critiques émises à l’encontre de ses capacités en matière de gestion d’équipe avaient justifié la décision de ne pas le promouvoir, au terme de l’examen comparatif des mérites prévu à l’article 45 du statut.

69

Quatrièmement enfin, la seule circonstance, invoquée par le Cedefop, que le requérant avait déposé une candidature à un poste au sein du Conseil plus d’un mois avant l’adoption de la décision attaquée est tout au plus susceptible d’indiquer, ainsi qu’il ressort des propres explications du requérant, qu’il craignait de ne pas être promu et souhaitait de cette façon se ménager une possibilité de quitter le Cedefop s’il n’obtenait pas satisfaction. En revanche, cette circonstance n’établit nullement que le requérant avait acquis la certitude, dès ce moment, qu’il ne serait pas promu ni, à plus forte raison, qu’il avait connaissance des motifs qui justifieraient la décision de non-promotion.

70

Il ressort de ce qui précède que le requérant, avant d’avoir pris connaissance du mémoire en défense, pouvait tout au plus se douter que les critiques dont il avait fait l’objet quant à ses capacités en matière de gestion au sein du Cedefop ainsi qu’à certains manquements dans son traitement de certains dossiers de marchés publics étaient susceptibles d’avoir eu une incidence sur l’évaluation de ses mérites au titre de l’exercice de promotion 2015.

71

En revanche, aucun des éléments avancés par le Cedefop ne permet d’établir que le requérant a été en mesure de comprendre, avant l’introduction du présent recours, la manière dont ces critiques avaient été prises en compte dans le cadre de l’application à sa situation des critères d’évaluation des mérites en matière de promotion prévus à l’article 45 du statut. Il s’ensuit que le contexte dans lequel est intervenue la décision attaquée ne saurait être regardé comme une motivation, fût‑elle insuffisante, de ladite décision.

72

Partant, il y a lieu d’accueillir le premier moyen et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deuxième et troisième moyens invoqués par le requérant. Il n’est pas davantage nécessaire dans ces circonstances de se prononcer sur la contestation par le Cedefop de la recevabilité d’un certain nombre d’éléments présentés dans la requête et qui, selon lui, dépassent largement le cadre du présent litige et sont donc sans pertinence pour la résolution de celui‑ci.

Sur la demande en indemnité

73

Le requérant sollicite l’indemnisation des préjudices moral et matériel qu’il allègue avoir subis du fait de l’adoption de la décision attaquée.

74

À cet égard, le requérant soutient tout d’abord, s’agissant de son préjudice moral, que l’absence totale de motivation de la décision attaquée a constitué une faute particulièrement grave de l’AIPN, qui a pu occasionner pour lui, outre le paiement de frais d’action en justice, un surcroît de stress et de frustration. Selon lui, une telle faute ne trouverait pas sa juste réparation dans la seule annulation de ladite décision.

75

Par ailleurs, le requérant fait valoir que son préjudice moral découle également du comportement du Cedefop, qui, sans avoir procédé à un véritable examen des mérites au sens de l’article 45 du statut, a indûment refusé de le promouvoir en dépit de ses efforts et des résultats concrets qu’il avait obtenus durant seize ans au sein de cette organisme de l’Union. Il indique que les sentiments d’injustice, de frustration et de découragement ainsi provoqués chez lui l’ont décidé à réintégrer le Conseil, ce qui a eu pour conséquence un déménagement de sa famille et l’adaptation de celle-ci à un nouveau lieu de vie. Cette partie du préjudice moral, évaluée à 16000 euros, correspondant à 1000 euros par année d’ancienneté, serait également détachable de la décision attaquée et devrait donc être réparée indépendamment de la question de savoir si cette décision est annulée ou non.

76

S’agissant du préjudice matériel, le requérant fait valoir un préjudice financier à hauteur de la perte de revenus subie par rapport à la situation dans laquelle il se serait trouvé en cas de promotion, ce montant devant être majoré des intérêts de retard au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE).

77

Le Cedefop s’oppose à cette demande en indemnité. Selon lui, la décision attaquée n’étant entachée d’aucune illégalité, le requérant n’établit aucune faute susceptible d’entraîner la mise en œuvre de la responsabilité non contractuelle de l’Union. Il souligne à cet égard que, dans la mesure où les fonctionnaires ne disposent d’aucun droit à promotion, le requérant n’est pas fondé à réclamer la réparation du préjudice financier qu’il allègue avoir subi. De même, il estime que le préjudice prétendument subi par le requérant du fait de son retour au Conseil ne lui est pas imputable, dès lors que le requérant a opéré ce choix de son propre chef. Cela serait attesté par les démarches entreprises par le requérant pour quitter le Cedefop déjà avant l’adoption de ladite décision. Enfin, le Cedefop souligne que l’évaluation par le requérant de son prétendu préjudice moral ne repose sur aucune base de calcul ni sur aucun fondement juridique.

78

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante dans le domaine de la fonction publique, l’engagement de la responsabilité de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Ces trois conditions sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une d’elles n’est pas remplie, la responsabilité de l’Union ne peut être retenue (arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42 ; voir, également, arrêts du 16 décembre 2010, Commission/Petrilli, T‑143/09 P, EU:T:2010:531, point 45 et jurisprudence citée, et du 17 mai 2017, PG/Frontex, T‑583/16, non publié, EU:T:2017:344, point 97 et jurisprudence citée).

79

Il s’ensuit que, même dans l’hypothèse où une faute d’une institution ou d’un organe ou organisme de l’Union est établie, la responsabilité de l’Union ne peut être effectivement engagée que si, notamment, le requérant est parvenu à démontrer la réalité de son préjudice (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 2004, Montalto/Conseil, T‑116/03, EU:T:2004:325, point 126 et jurisprudence citée, et du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 98 et jurisprudence citée).

80

S’agissant du préjudice matériel invoqué par le requérant, ainsi que de la partie du préjudice moral dont il allègue avoir souffert en raison du refus du Cedefop de le promouvoir, sans avoir opéré un véritable examen de ses mérites au sens de l’article 45 du statut, il convient de souligner que ces préjudices allégués résultent, en substance, des illégalités de fond invoquées au titre des deuxième et troisième moyens de la demande en annulation.

81

Or, dès lors que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation et doit être annulée pour ce motif (voir point 72 ci-dessus), il y a lieu de considérer que le Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier son bien-fondé au terme d’un examen de ses moyens (voir, par analogie, arrêt du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 99). Il y a lieu en effet de rappeler, sur ce point, que l’une des fonctions de la motivation consiste précisément à permettre au juge de l’Union d’exercer un contrôle de légalité des actes dont il est saisi (voir point 36 ci-dessus).

82

Il incombe ainsi au Cedefop, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, de déterminer les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt et d’adopter, le cas échéant, une nouvelle décision pourvue d’une motivation (voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, EU:T:2005:343, point 100, et du 18 novembre 2015, Diamantopoulos/SEAE, F‑30/15, EU:F:2015:138, point 33). À ce stade, le Tribunal ne peut conclure à l’existence d’un préjudice matériel certain résultant du refus de promotion du requérant, vu qu’une nouvelle décision du directeur du Cedefop doit intervenir.

83

S’agissant de la partie du préjudice moral résultant du défaut de motivation de la décision attaquée, il y a lieu de prendre en considération le fait que, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen, ce n’est qu’à la lecture du mémoire en défense, signifié au requérant plus de neuf mois après l’introduction de la réclamation, que celui-ci a pris pour la première fois connaissance d’éléments d’explication quant aux raisons de sa non-promotion lors de l’exercice de promotion 2015. Ainsi, il est établi que l’absence totale de motivation de la décision attaquée a, d’une part, placé le requérant dans une situation d’incertitude quant aux raisons de sa non-promotion bien au-delà du délai dans lequel devait intervenir la réponse à la réclamation et, d’autre part, l’a contraint à introduire une procédure judiciaire pour obtenir des éléments d’explication à ce sujet.

84

Or, les sentiments d’injustice, d’incompréhension voire de frustration ainsi occasionnés au requérant (voir point 64 ci-dessus) sont imputables au seul comportement de l’AIPN au cours de la phase précontentieuse. Ce comportement a ainsi causé au requérant un préjudice moral particulier, qui ne saurait être adéquatement réparé par la seule annulation de la décision attaquée (voir, par analogie, arrêts du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑181/00, EU:T:2002:313, points 131 et 132, et du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, EU:T:2005:324, point102).

85

Dans ces circonstances, le Tribunal, évaluant le préjudice subi ex æquo et bono, estime que l’allocation d’un montant de 2000 euros constitue une indemnisation adéquate de la partie du préjudice moral résultant du défaut de motivation de la décision attaquée allégué par le requérant et qu’il y a dès lors lieu d’accueillir la demande en indemnité dans cette seule mesure.

Sur les dépens

86

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, selon l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal décide du partage des dépens si plusieurs parties succombent. Enfin, conformément à l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement, aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires.

87

En l’espèce, le requérant a certes succombé s’agissant d’une partie de ses conclusions en indemnité, si bien que le Cedefop peut être considéré comme gagnant en ce qui concerne cette partie du litige. Néanmoins, il convient de tenir compte du fait que la décision attaquée était entachée d’un défaut de motivation, que le Cedefop s’est, à tort, abstenu de répondre à la réclamation du requérant et que, de surcroît, aucun début de motivation ne permettait à ce dernier, avant l’introduction du présent recours, de comprendre les motifs ayant justifié sa non‑promotion. Ainsi, c’est l’attitude même du Cedefop au cours de la procédure administrative qui a contraint le requérant à introduire le présent recours, afin de connaître lesdits motifs. Il est dès lors fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en condamnant le Cedefop à supporter l’ensemble des dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

La décision du directeur du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) du 4 novembre 2015 de ne pas promouvoir M. Georges Paraskevaidis au grade AD 12 au titre de l’exercice de promotion 2015 est annulée.

 

2)

Le Cedefop est condamné à verser à M. Paraskevaidis une somme de 2000 euros en réparation du dommage qu’il a subi.

 

3)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

4)

Le Cedefop est condamné aux dépens.

 

Gervasoni

Madise

Da Silva Passos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 octobre 2017.

Le greffier

E. Coulon

Le président

S. Gervasoni


( *1 ) Langue de procédure : le français.