Affaires jointes T‑133/16 à T‑136/16
Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence e.a.
contre
Banque centrale européenne
« Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Article 4, paragraphe 1, sous e), et paragraphe 3, du règlement (UE) no 1024/2013 – Personne dirigeant effectivement les activités d’un établissement de crédit – Article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36/UE et article L. 511‑13, second alinéa, du code monétaire et financier français – Principe de non‑cumul de la présidence de l’organe de direction d’un établissement de crédit dans sa fonction de surveillance avec la fonction de directeur général dans le même établissement – Article 88, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36 et article L. 511‑58 du code monétaire et financier français »
Sommaire – Arrêt du Tribunal (deuxième chambre élargie) du 24 avril 2018
Politique économique et monétaire – Politique économique – Surveillance du secteur financier de l’Union – Mécanisme de surveillance unique – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Cumul des fonctions du président de l’organe de direction d’un établissement de crédit et du directeur général de celui-ci – Refus d’autorisation de la Banque centrale européenne – Contrôle juridictionnel – Portée
(Règlement du Conseil no 1024/2013, art. 4, § 3 ; directive du Parlement européen et du Conseil 2013/36, art. 13, § 1)
Droit de l’Union européenne – Interprétation – Méthodes – Interprétation littérale, systématique, historique et téléologique
Politique économique et monétaire – Politique économique – Surveillance du secteur financier de l’Union – Mécanisme de surveillance unique – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Nécessité de disposer d’au moins deux personnes dirigeant effectivement les activités de l’établissement de crédit – Notion
(Directive du Parlement européen et du Conseil 2013/36, art. 13, § 1)
Droit national – Interprétation – Prise en compte de l’interprétation retenue par les juridictions de l’État membre en cause – Prise en compte d’un arrêt d’une juridiction nationale rendu postérieurement à la décision contestée devant le juge de l’Union – Admissibilité
S’agissant d’une décision relative à la désignation du président d’un conseil d’administration d’un établissement de crédit en tant que dirigeant effectif dudit établissement, la Banque centrale européenne est tenue, en application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit, de faire application non seulement de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, mais également de la disposition de droit national en constituant la transposition.
En effet, en application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013, aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par ledit règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la Banque applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives. Par conséquent, l’article 4, paragraphe 3, dudit règlement implique nécessairement que le juge de l’Union apprécie la légalité des décisions refusant que le président d’un conseil d’administration soit également approuvé en tant que dirigeant effectif d’un établissement de crédit au regard tant de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 que de la disposition pertinente du droit national en cause.
(voir points 47-49)
Voir le texte de la décision.
(voir points 54, 55)
Il ressort des interprétations littérale, historique, téléologique et contextuelle de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, que l’expression « deux personnes [qui] dirigent effectivement les activités de l’établissement » vise les membres de l’organe de direction qui relèvent également de la direction générale de l’établissement de crédit.
En effet, il découle nécessairement que, dans l’économie de la directive 2013/36, la finalité relative à la bonne gouvernance des établissements de crédit passe par la recherche d’une supervision efficace de la direction générale par les membres non exécutifs de l’organe de direction, laquelle implique un équilibre des pouvoirs au sein de l’organe de direction. Or, force est de constater que l’efficacité d’une telle supervision pourrait être compromise dans l’éventualité où le président de l’organe de direction dans sa fonction de surveillance, tout en n’occupant pas formellement de la fonction de directeur général, serait conjointement chargé de la direction effective de l’activité de l’établissement de crédit.
(voir points 79, 83)
La portée des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales doit s’apprécier compte tenu de l’interprétation qu’en donnent les juridictions nationales. À cet égard, la circonstance que l’arrêt d’une juridiction nationale soit postérieur à la décision contestée devant le juge de l’Union n’empêche pas sa prise en compte aux fins d’interpréter la disposition nationale en cause, dès lors que le requérant a eu, devant le juge de l’Union, la possibilité de présenter ses observations.
(voir points 84, 87)