Affaire C‑517/16

Stefan Czerwiński

contre

Zakład Ubezpieczeń Społecznych Oddział w Gdańsku

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Sąd Apelacyjny w Gdańsku III Wydział Pracy i Ubezpieczeń Społecznych)

« Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Coordination des systèmes de sécurité sociale – Règlement (CE) no 883/2004 – Champ d’application matériel – Article 3 – Déclaration des États membres conformément à l’article 9 – Pension de transition – Qualification – Régimes légaux de préretraite – Exclusion de la règle de la totalisation des périodes en vertu de l’article 66 »

Sommaire – Arrêt de la Cour (dixième chambre) du 30 mai 2018

  1. Sécurité sociale–Travailleurs migrants–Réglementation de l’Union–Champ d’application matériel–Déclaration faite par l’État membre au titre de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 883/2004–Effets–Obligations des États membres par rapport auxdites déclarations–Qualification d’une prestation sociale par la juridiction nationale de manière autonome et en fonction des éléments constitutifs de ladite prestation

    (Règlement du Parlement européen et du Conseil no 883/2004, art. 3 et 9, § 1)

  2. Sécurité sociale–Travailleurs migrants–Réglementation de l’Union–Champ d’application matériel–Prestations de vieillesse–Pension de transition–Inclusion–Critères de distinction par rapport aux prestations de préretraite

    [Règlement du Parlement européen et du Conseil no 883/2004, art. 1er, x), et 3, § 1, d)]

  1.  La classification d’une prestation sociale sous l’une des branches de sécurité sociale énumérées à l’article 3 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, opérée par l’autorité nationale compétente dans la déclaration faite par l’État membre au titre de l’article 9, paragraphe 1, dudit règlement, ne revêt pas un caractère définitif. La qualification d’une prestation sociale est susceptible d’être effectuée par la juridiction nationale concernée, de manière autonome et en fonction des éléments constitutifs de la prestation sociale en cause, en saisissant, le cas échéant, la Cour d’une question préjudicielle.

    En effet, la Cour a itérativement jugé que la distinction entre prestations exclues du champ d’application du règlement no 883/2004 et prestations qui en relèvent repose essentiellement sur les éléments constitutifs de chaque prestation, notamment ses finalités et ses conditions d’octroi, et non pas sur le fait qu’une prestation est qualifiée ou non par une législation nationale de prestation de sécurité sociale (arrêts du 27 mars 1985, Scrivner et Cole, 122/84, EU:C:1985:145, point 18 ; du 11 juillet 1996, Otte, C‑25/95, EU:C:1996:295, point 21, ainsi que du 5 mars 1998, Molenaar, C‑160/96, EU:C:1998:84, point 19 et jurisprudence citée).

    En tout état de cause, pour relever du champ d’application du règlement no 883/2004, une législation nationale doit se rapporter à l’un des risques énumérés expressément à l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement (voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 1985, Scrivner et Cole, 122/84, EU:C:1985:145, point 19, ainsi que du 11 juillet 1996, Otte, C‑25/95, EU:C:1996:295, point 22).

    Toutefois, lorsqu’il existe des doutes quant à la qualification de la prestation sociale opérée par l’autorité nationale compétente dans sa déclaration faite au titre de l’article 9 du règlement no 883/2004, il incombe à l’État membre qui a fait cette déclaration de reconsidérer le bien-fondé de celle-ci et, le cas échéant, de la modifier (voir, par analogie, arrêt du 3 mars 2016, Commission/Malte, C‑12/14, EU:C:2016:135, point 39).

    (voir points 33, 34, 36, 40, disp. 1)

  2.  Une prestation, telle que celle en cause au principal, doit être considérée comme une « prestation de vieillesse », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004.

    Lorsqu’il y a lieu de distinguer entre les différentes catégories de prestations de sécurité sociale, la Cour a précisé qu’il convient de prendre en considération le risque couvert par chaque prestation (arrêts du 18 juillet 2006, De Cuyper, C‑406/04, EU:C:2006:491, point 27, ainsi que du 19 septembre 2013, Hliddal et Bornand, C‑216/12 et C‑217/12, EU:C:2013:568, point 52).

    Ainsi, les prestations de vieillesse visées à l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004 sont caractérisées essentiellement par le fait qu’elles tendent à assurer les moyens de subsistance de personnes qui quittent, lorsqu’elles atteignent un certain âge, leur emploi et ne sont plus obligées de se mettre à la disposition de l’administration de l’emploi (arrêt du 5 juillet 1983, Valentini, 171/82, EU:C:1983:189, point 14).

    En revanche, les prestations de préretraite, même si elles présentent certaines similarités avec les prestations de vieillesse en ce qui concerne leur objet et leur finalité, à savoir, entre autres, assurer les moyens de subsistance de personnes ayant atteint un certain âge, elles en diffèrent notamment dans la mesure où elles poursuivent un objectif lié à la politique de l’emploi, en contribuant à libérer des places de travail occupées par des salariés proches de la retraite, au profit de personnes plus jeunes sans emploi, objectif qui est apparu dans un contexte de crise économique qui a frappé l’Europe (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 1983, Valentini, 171/82, EU:C:1983:189, points 16 et 17). De même, en cas d’arrêt de l’activité économique d’une entreprise, l’octroi d’une telle prestation contribue à diminuer le nombre de travailleurs licenciés soumis au régime de l’assurance chômage (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 1996, Otte, C‑25/95, EU:C:1996:295, point 31).

    Il s’ensuit que les prestations de préretraite sont davantage liées au contexte de crise économique, de restructuration, de licenciements et de rationalisation.

    Même si, a priori, le bénéficiaire de la pension de transition a, comme le travailleur bénéficiant d’une prestation de préretraite au sens de l’article 1er, sous x), du règlement no 883/2004, cessé ou suspendu ses activités professionnelles jusqu’à l’âge auquel il peut être admis à la pension de vieillesse, il n’en demeure pas moins que la pension de transition est liée non pas à la situation du marché du travail dans un contexte de crise économique, ni à la capacité économique de l’entreprise dans le cadre d’une restructuration, mais uniquement à la nature de l’emploi, lequel présente un caractère particulier ou est exercé dans des conditions particulières.

    En outre, dans la mesure où la législation nationale en cause se réfère expressément au processus de vieillissement des travailleurs et ne fait aucune mention d’un objectif de libération de postes de travail au profit de personnes plus jeunes, la prestation en cause au principal apparaît davantage présenter de lien avec les prestations de vieillesse.

    (voir points 44-47, 52, 53, 58, disp. 2)