ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

26 juillet 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 85/337/CEE – Directive 2011/92/UE – Possibilité de procéder, a posteriori, à l’évaluation des incidences sur l’environnement d’une installation de production d’énergie à partir de biogaz en service en vue de l’obtention d’une nouvelle autorisation »

Dans les affaires jointes C‑196/16 et C‑197/16,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional pour les Marches, Italie), par décisions du 22 mars 2016, parvenues à la Cour, respectivement, le 7 et le 8 avril 2016, dans les procédures

Comune di Corridonia (C‑196/16),

Comune di Loro Piceno (C‑197/16),

Marcello Bartolini (C‑197/16),

Filippo Bruè (C‑197/16),

Sergio Forti (C‑197/16),

Stefano Piatti (C‑197/16),

Gaetano Silvetti (C‑197/16),

Gianfranco Silvetti (C‑197/16),

Rocco Tirabasso (C‑197/16),

Sante Vagni (C‑197/16),

Albergo Ristorante Le Grazie Sas di Forti Sergio & Co. (C‑197/16),

Suolificio Elefante Srl (C‑197/16),

Suolificio Roxy Srl (C‑197/16),

Aldo Alessandrini (C‑197/16)

contre

Provincia di Macerata,

Provincia di Macerata Settore 10 – Ambiente,

en présence de :

VBIO1 Società Agricola Srl (C‑196/16),

Regione Marche,

Agenzia Regionale per la Protezione Ambientale delle Marche – (ARPAM) -Dipartimento Provinciale di Macerata,

ARPAM ,

VBIO2 Società Agricola Srl (C‑197/16),

Azienda Sanitaria Unica Regionale – Marche (ASUR Marche) (C‑197/16),

ASUR Marche – Area Vasta 3 (C‑197/16),

Comune di Colmurano (C‑197/16),

Comune di Loro Piceno (C‑197/16),

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. E. Regan, J.‑C. Bonichot (rapporteur), C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mars 2017,

considérant les observations présentées :

pour le Comune di Corridonia, par Me L. Forte, avvocato,

pour le Comune di Loro Piceno, par Mes L. Forte et A. Alessandrini, avvocati,

pour M. M. Bartolini e.a., par Mes A. Alessandrini et G. Contaldi, avvocati,

pour la Provincia di Macerata, par Mes S. Sopranzi et F. Gentili, avvocati,

Pour VBIO1 Società Agricola Srl, par Mes A. Piccinini et A. Santarelli, avvocati,

pour la Regione Marche, par Me P. De Bellis, avvocato,

pour VBIO2 Società Agricola Srl, par Me A. Piccinini, avvocatessa,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,

la Commission européenne, par M. C. Zadra et Mme L. Pignataro-Nolin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mars 2017,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 191 TFUE et de l’article 2 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant le Comune di Corridonia (commune de Corridonia, Italie) et le Comune di Loro Piceno (commune de Loro Piceno, Italie) ainsi que M. Marcello Bartolini et d’autres particuliers (ci-après « M. Bartolini e.a. ») à la Provincia di Macerata (province de Macerata, Italie) au sujet de décisions par lesquelles cette province a conclu au respect des exigences environnementales par des installations de production d’énergie électrique à partir de biogaz de VBIO1 Società Agricola Srl (ci-après « VBIO1 ») et de VBIO2 Società Agricola Srl (ci-après « VBIO2 »), au terme de procédures d’évaluation effectuées postérieurement à l’implantation et à la mise en service de ces installations et à la suite de l’annulation d’une première autorisation.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le sixième considérant de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 2009/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 (JO 2009, L 140, p. 114) (ci-après la « directive 85/337), énonce :

« [L]’autorisation des projets publics et privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ne devrait être accordée qu’après évaluation préalable des effets notables que ces projets sont susceptibles d’avoir sur l’environnement ; [...] »

4

L’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 est libellé comme suit :

« Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4. »

5

L’article 4, paragraphes 1 à 3, de cette directive prévoit :

« 1.   Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les projets énumérées à l’annexe I sont soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10.

2.   Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les États membres déterminent, pour les projets énumérés à l’annexe II :

a)

sur la base d’un examen cas par cas,

ou

b)

sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre,

si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10.

Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b).

3.   Pour l’examen cas par cas ou la fixation des seuils ou critères fixés en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III. »

6

La directive 2011/92, qui a remplacé la directive 85/337, prévoit des dispositions en substance identiques à celles citées aux points précédents.

Le droit italien

7

L’article 29 du decreto legislativo n. 152 – Norme in materia ambientale (décret législatif no 152 portant normes environnementales), du 3 avril 2006 (supplément ordinaire à la GURI no 88, du 14 avril 2006), prévoit :

« 1.   L’évaluation des incidences sur l’environnement, pour les projets de travaux et d’interventions auxquels s’appliquent les dispositions du présent décret, est une condition préalable ou fait partie intégrante de la procédure d’autorisation ou d’approbation. Les décisions d’autorisation et d’approbation adoptées en l’absence d’une évaluation des incidences sur l’environnement préalable lorsque celle-ci est exigée sont annulables pour violation de la loi.

[...]

4.   Dans le cas de travaux et d’interventions réalisés sans que le projet soit soumis au préalable à une vérification préliminaire ou à une évaluation, en violation des dispositions visées au présent titre III, et dans le cas d’anomalies d’application comme le prévoient les décisions finales, l’autorité compétente apprécie l’importance du préjudice environnemental causé et celui résultant de l’application de la sanction, puis ordonne la suspension des travaux et éventuellement la démolition et le rétablissement de l’état des lieux et de la situation de l’environnement à la charge et aux frais du responsable, dont elle détermine les délais et les modalités. En cas de non-respect, l’autorité compétente procède à la désignation d’office aux frais du membre défaillant. Le remboursement de ces frais a lieu selon les modalités et les effets prévus par le texte unique des dispositions de loi relatives au recouvrement des recettes en capital de l’État approuvé par l’arrêté royal no 639, du 14 avril 1910, concernant le recouvrement des recettes en capital de l’État.

5.   En cas d’annulation par voie judiciaire ou de retrait par l’administration des autorisations ou concessions délivrées après évaluation des incidences sur l’environnement ou annulation de l’avis relatif au respect des dispositions en matière d’environnement, les compétences visées au paragraphe 4 ne sont exercées qu’après qu’il a été procédé à une nouvelle évaluation des incidences sur l’environnement.

[…] »

Les litiges au principal et la question préjudicielle

L’affaire C‑196/16

8

Le 19 octobre 2011, VBIO1 a demandé à la Regione Marche (région des Marches, Italie) l’autorisation d’implanter et d’exploiter une installation de production d’énergie électrique à partir de biogaz obtenu par fermentation anaérobie de biomasse, sur le territoire de la commune de Corridonia.

9

Conformément à la legge Regione Marche n. 7/2004 (loi de la région des Marches no 7/2004), VBIO1 avait également soumis ce projet à la province de Macerata, le 4 octobre 2011, afin que cette dernière effectue un examen préliminaire de la nécessité d’une évaluation environnementale.

10

Cette procédure a toutefois été clôturée le 26 janvier 2012, après la modification de la loi de la région des Marches no 7/2004, par la legge Regione Marche n. 20/2011 (loi de la région des Marches no 20/2011), entrée en vigueur le 9 novembre 2011 et en vertu de laquelle les projets n’atteignant pas un certain seuil de puissance thermique n’étaient plus soumis à l’évaluation de leurs incidences sur l’environnement.

11

En conséquence, la région des Marches a autorisé, par une décision du 5 juin 2012, l’implantation et l’exploitation de cette installation dans la commune de Corridonia, laquelle a attaqué cette décision devant le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional pour les Marches, Italie).

12

Par un jugement du 10 octobre 2013, cette juridiction a annulé ladite décision en raison de l’inapplicabilité de la loi de la région des Marches no 20/2011 et, en tout état de cause, de l’incompatibilité des dispositions pertinentes de cette loi avec la directive 2011/92. Ce jugement a été confirmé par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie).

13

Tirant les conséquences de cette annulation, VBIO1 a mis l’installation concernée à l’arrêt et a introduit, auprès de la province de Macerata, une demande d’examen préliminaire de la nécessité d’une évaluation des incidences de cette installation sur l’environnement.

14

Le 15 novembre 2013, la province de Macerata a décidé qu’une telle évaluation s’imposait et, à la suite de celle-ci, a estimé, le 7 juillet 2014, que ladite installation respectait les exigences environnementales.

15

La commune de Corridonia a introduit un recours tendant à l’annulation de ces décisions devant le Tribunal amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional pour les Marches), en soutenant que l’évaluation réalisée n’était conforme ni à l’article 191 TFUE ni à l’article 2, paragraphes 1 à 3, de la directive 85/337, remplacée par la directive 2011/92, dès lors qu’elle avait été réalisée postérieurement à l’implantation de l’installation concernée.

L’affaire C‑197/16

16

Le 16 décembre 2011, VBIO2 a demandé à la région des Marches l’autorisation d’implanter et d’exploiter, sur le territoire de la commune de Loro Piceno, une installation de production d’énergie électrique du même type que celle en cause dans l’affaire C‑196/16.

17

Cette autorisation a été octroyée à VBIO2, le 29 juin 2012, sans avoir été précédée d’une évaluation des incidences de cette installation sur l’environnement.

18

La commune de Loro Piceno ainsi que M. Bartolini e.a. ont attaqué cette décision devant le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional pour les Marches).

19

Par un arrêt du 22 mai 2013 (no 93/2013), la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) a considéré que la legge Regione Marche n. 3/2012 (loi de la région des Marches no 3/2012), abrogeant la loi de la région des Marches no 7/2004 au 20 avril 2012, sans modifier toutefois les critères d’identification des projets soumis à évaluation des incidences environnementales, était inconstitutionnelle en raison de sa non-conformité au droit de l’Union, en ce qu’elle n’imposait pas qu’il soit tenu compte des critères fixés à l’annexe III de la directive 2011/92, conformément à l’article 4, paragraphe 3, de cette dernière.

20

Le 10 octobre 2013, le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional pour les Marches) a annulé l’autorisation accordée à VBIO2, laquelle a formé un pourvoi devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État).

21

VBIO2 a demandé à la province de Macerata qu’elle effectue un examen préliminaire de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement de l’installation concernée.

22

Par une décision du 19 novembre 2013, la province de Macerata a conclu à la nécessité de procéder à une telle évaluation.

23

La commune de Loro Piceno ainsi que M. Bartolini e.a. ont saisi le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional pour les Marches) d’une demande d’annulation de cette décision ainsi que de suspension de celle-ci à titre de mesure provisoire.

24

Cette juridiction a rejeté cette demande de suspension au motif que le simple fait que l’installation concernée soit soumise à la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement n’entraînait pas de dommage grave et irréparable pour les particuliers résidant dans la zone concernée.

25

Les autorités compétentes de la province de Macerata ont adopté, le 10 février 2015, une décision constatant que l’installation en cause au principal était conforme aux exigences environnementales.

26

La commune de Loro Piceno ainsi que M. Bartolini e.a. ont saisi le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional pour les Marches) d’une demande d’annulation de cette décision.

27

Dans les affaires C‑196/16 et C‑197/16, le Tribunal amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional pour les Marches) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Compte tenu des dispositions de l’article 191 TFUE et de l’article 2 de la directive [2011/92], peut-on considérer comme compatible avec le droit de l’Union le fait de procéder à une vérification destinée à déterminer s’il y a lieu de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement (et éventuellement de réaliser une telle évaluation des incidences) postérieurement à la réalisation de l’installation, lorsque l’autorisation a fait l’objet d’une annulation par le juge national au motif que le projet n’avait pas fait l’objet d’une vérification destinée à déterminer s’il y avait lieu de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement, parce que des dispositions du droit national contraires au droit de l’Union prévoyaient qu’il n’y avait pas lieu de procéder à cette vérification ? »

Sur la question préjudicielle

28

Dans ces deux affaires, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 191 TFUE et l’article 2 de la directive 2011/92 s’opposent, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à ce que l’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet d’installation exigée par la directive 85/337 soit régularisée, à la suite de l’annulation de l’autorisation délivrée pour cette installation, par la réalisation d’une telle évaluation, postérieurement à la construction et à la mise en service de cette installation.

29

À titre liminaire, il convient de relever que l’article 191 TFUE, dont le paragraphe 2 fixe des objectifs généraux en matière d’environnement (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2015, Fipa Group e.a., C‑534/13, EU:C:2015:140, point 39 ainsi que jurisprudence citée), n’est pas pertinent pour répondre aux questions posées.

30

Par ailleurs, la question posée par la juridiction de renvoi repose sur la prémisse selon laquelle les deux installations en cause au principal auraient dû faire l’objet d’une évaluation préalable de leurs incidences sur l’environnement, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337, ce qu’il revient à cette juridiction d’apprécier.

31

Enfin, en ce qui concerne la question de savoir s’il convient, pour répondre à la question posée, de prendre en considération la directive 85/337, en vigueur lors de la première demande d’autorisation de VBIO1 et de VBIO2, ou la directive 2011/92, en vigueur lors de leur seconde demande, à la suite de l’annulation de la première autorisation qui leur avait été accordée, il suffit de constater que les dispositions de ces deux directives, qui sont ou pourraient être pertinentes, et en particulier leur article 2, paragraphe 1, sont, en tout état de cause, en substance identiques.

32

S’agissant de la possibilité de régulariser a posteriori l’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet exigée par la directive 85/337, dans des circonstances telles que celles en cause dans les litiges au principal, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 1, de cette directive impose que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, au sens de l’article 4 de celle‑ci, lu en combinaison avec les annexes I ou II de cette même directive, soient soumis à cette évaluation avant l’octroi de l’autorisation (arrêt du 7 janvier 2004, Wells, C‑201/02, EU:C:2004:12, point 42).

33

Ainsi que la Cour l’a également souligné, le caractère préalable d’une telle évaluation se justifie par la nécessité que, dans le processus de décision, l’autorité compétente tienne compte le plus tôt possible des incidences sur l’environnement de tous les processus techniques de planification et de décision, afin d’éviter, dès l’origine, la création de pollutions ou de nuisances plutôt que de combattre ultérieurement leurs effets (arrêt du 3 juillet 2008, Commission/Irlande, C‑215/06, EU:C:2008:380, point 58).

34

En revanche, ni la directive 85/337 ni la directive 2011/92 ne prévoient de dispositions relatives aux conséquences à tirer d’une violation de cette obligation d’évaluation préalable.

35

En vertu du principe de coopération loyale, prévu à l’article 4 TUE, les États membres sont néanmoins tenus d’effacer les conséquences illicites de cette violation du droit de l’Union. Les autorités nationales compétentes sont ainsi dans l’obligation de prendre, dans le cadre de leurs compétences, toutes les mesures nécessaires afin de remédier à l’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement, par exemple en retirant ou en suspendant une autorisation déjà accordée, afin d’effectuer une telle évaluation (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Wells, C‑201/02, EU:C:2004:12, points 64 et 65 et du 3 juillet 2008, Commission/Irlande, C‑215/06, EU:C:2008:380, point 59, ainsi que du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, C‑41/11, EU:C:2012:103, points 42, 43 et 46).

36

De même, l’État membre concerné est tenu de réparer tout préjudice causé par l’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement exigée par le droit de l’Union (arrêt du 7 janvier 2004, Wells, C‑201/02, EU:C:2004:12, point 66).

37

La Cour a toutefois jugé que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que des règles nationales permettent, dans certains cas, de régulariser des opérations ou des actes irréguliers au regard du droit de l’Union (arrêts du 3 juillet 2008, Commission/Irlande, C‑215/06, EU:C:2008:380, point 57 ; du 15 janvier 2013, Križan e.a., C‑416/10, EU:C:2013:8, point 87, ainsi que du 17 novembre 2016, Stadt Wiener Neustadt, C‑348/15, EU:C:2016:882, point 36).

38

La Cour a précisé qu’une telle possibilité de régularisation devait être subordonnée à la condition qu’elle n’offre pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles du droit de l’Union ou de se dispenser de les appliquer et qu’elle demeure exceptionnelle (arrêts du 3 juillet 2008, Commission/Irlande, C‑215/06, EU:C:2008:380, point 57 ; du 15 janvier 2013, Križan e.a., C‑416/10, EU:C:2013:8, point 87, ainsi que du 17 novembre 2016, Stadt Wiener Neustadt, C‑348/15, EU:C:2016:882, point 36).

39

Partant, la Cour a jugé qu’une législation qui donne à un permis de régularisation, qui peut être délivré en dehors même de toutes circonstances exceptionnelles, les mêmes effets que ceux attachés à une autorisation d’urbanisme préalable méconnaît les exigences de la directive 85/337 (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2008, Commission/Irlande, C‑215/06, EU:C:2008:380, point 61, et du 17 novembre 2016, Stadt Wiener Neustadt, C‑348/15, EU:C:2016:882, point 37).

40

Tel serait également le cas d’une mesure législative qui permettrait, sans même imposer d’évaluation ultérieure, et en dehors de toutes circonstances exceptionnelles particulières, qu’un projet qui aurait dû faire l’objet d’une évaluation de ses incidences sur l’environnement, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337, soit réputé avoir fait l’objet d’une telle évaluation, et cela même si cette mesure ne visait que les projets dont l’autorisation n’était plus exposée à un risque de recours contentieux direct du fait de l’expiration du délai de recours prévu par la législation nationale (voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2016, Stadt Wiener Neustadt, C‑348/15, EU:C:2016:882, points 38 et 43).

41

En outre, une évaluation effectuée après l’implantation et la mise en service d’une installation ne peut se limiter aux incidences futures de celle-ci sur l’environnement, mais doit également prendre en compte les incidences environnementales intervenues depuis sa réalisation.

42

Il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier si les législations en cause au principal respectent ces exigences. Il convient toutefois d’indiquer à celle-ci que la circonstance que les sociétés concernées ont effectué les démarches nécessaires pour faire procéder, le cas échéant, à une évaluation des incidences de leur projet sur l’environnement, que le refus des autorités compétentes d’accéder à ces demandes a été fondé sur des dispositions nationales dont la contrariété avec le droit de l’Union n’a été constatée qu’ultérieurement, par un arrêt de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) et que l’activité des installations concernées a été suspendue est plutôt de nature à démontrer que les régularisations effectuées n’ont pas été permises par le droit national dans des conditions similaires à celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 3 juillet 2008, Commission/Irlande (C‑215/06, EU:C:2008:380, point 61), et n’ont pas tendu à contourner les règles du droit de l’Union.

43

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que, en cas d’omission d’une évaluation des incidences d’un projet sur l’environnement exigée par la directive 85/337, le droit de l’Union, d’une part, exige que les États membres effacent les conséquences illicites de cette omission et, d’autre part, ne s’oppose pas, à ce qu’une évaluation de ces incidences soit effectuée à titre de régularisation, après la construction et la mise en service de l’installation concernée, à condition :

que les règles nationales permettant cette régularisation n’offrent pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles du droit de l’Union ou de se dispenser de les appliquer et

que l’évaluation effectuée à titre de régularisation ne porte pas uniquement sur les incidences futures de cette installation sur l’environnement, mais prenne également en compte les incidences environnementales intervenues depuis sa réalisation.

Sur les dépens

44

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

En cas d’omission d’une évaluation des incidences d’un projet sur l’environnement exigée par la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 2009/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, le droit de l’Union, d’une part, exige que les États membres effacent les conséquences illicites de cette omission et, d’autre part, ne s’oppose pas, à ce qu’une évaluation de ces incidences soit effectuée à titre de régularisation, après la construction et la mise en service de l’installation concernée, à condition :

 

que les règles nationales permettant cette régularisation n’offrent pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles du droit de l’Union ou de se dispenser de les appliquer et

 

que l’évaluation effectuée à titre de régularisation ne porte pas uniquement sur les incidences futures de cette installation sur l’environnement, mais prenne en compte les incidences environnementales intervenues depuis sa réalisation.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’italien.