CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 28 février 2018 ( 1 )

Affaire C‑618/16

Rafal Prefeta

contre

Secretary of State for Work and Pensions

[demande de décision préjudicielle formée par l’Upper Tribunal (Administrative Appeals Chamber) [tribunal supérieur (chambre des appels administratifs), Royaume-Uni]]

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Article 45 TFUE – Chapitre 2 de l’annexe XII de l’acte relatif aux conditions d’adhésion de 2003 – Possibilité pour le Royaume-Uni de déroger à l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 492/2011 et à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38/CE – Dérogations visant un ressortissant polonais n’ayant pas accompli une période de douze mois de travail enregistré dans l’État membre d’accueil »

I. Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle, déposée au greffe de la Cour le 29 novembre 2016 par l’Upper Tribunal (Administrative Appeals Chamber) [tribunal supérieur (chambre des appels administratifs), Royaume-Uni], porte sur l’interprétation tout d’abord de l’annexe XII de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne ( 2 ) (ci-après l’« acte d’adhésion de 2003 »), ensuite de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union ( 3 ), et enfin de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE ( 4 ).

2.

Cette demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant M. Rafal Prefeta, ressortissant polonais, au Secretary of State for Work and Pensions (secrétaire d’État au travail et aux retraites, Royaume-Uni) (ci-après le « SSWP »), au sujet du refus de ce dernier d’accorder à M. Prefeta une allocation complémentaire et de soutien à l’emploi, liée au revenu (income-related Employment and Support Allowance)(ci-après l’« allocation »).

3.

La décision du SSWP refusant à M. Prefeta l’accès à l’allocation était basée sur le fait qu’il n’avait pas le statut de travailleur et, partant, le droit corollaire de séjour, une des conditions d’éligibilité à l’allocation.

4.

En effet, les mesures nationales adoptées sur la base des dispositions dérogatoires prévues au chapitre 2 de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 empêchaient les ressortissants polonais n’ayant pas travaillé pendant une période ininterrompue de douze mois en tant que travailleur enregistré conformément aux dispositions nationales de se prévaloir des dispositions nationales transposant l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 aux fins de conserver leur statut de « travailleur » et le droit de séjour conféré par ce statut.

5.

La demande de décision préjudicielle porte sur les conditions dans lesquelles les dispositions du chapitre 2 de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003, qui dérogent à l’article 45 TFUE et à l’article 56, premier alinéa, TFUE, pendant une période provisoire, autorisent les États membres actuels ( 5 ) à exclure les ressortissants polonais du bénéfice de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 et de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 et, par conséquent, autorisent des limitations au droit d’accès des ressortissants polonais à l’allocation.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. L’acte d’adhésion de 2003

6.

L’acte d’adhésion de 2003 fixe les conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie, de la République slovaque et prévoit des adaptations des traités.

7.

Aux termes de la première partie, article 1er, deuxième et cinquième tirets, de cet acte :

« […]

l’expression “États membres actuels” vise le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, la République italienne, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ;

[…]

l’expression “nouveaux États membres” vise la République tchèque, la République d’Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie et la République slovaque ;

[…] »

8.

La quatrième partie de l’acte d’adhésion de 2003 contient les dispositions temporaires applicables aux « nouveaux États membres ». Sous le titre I de cette partie, l’article 24 dudit acte dispose :

« Les mesures énumérées dans la liste figurant aux annexes V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII et XIV du présent acte sont applicables en ce qui concerne les nouveaux États membres dans les conditions définies par lesdites annexes. »

9.

L’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 est intitulée « Liste visée à l’article 24 de l’acte d’adhésion : Pologne ». Au chapitre 2 de cette annexe, relatif à la libre circulation des personnes, les paragraphes 1, 2, 5 et 9 sont libellés comme suit :

« 1.   L’article [45] et l’article [56], premier alinéa, [TFUE] ne s’appliquent pleinement que sous réserve des dispositions transitoires prévues aux paragraphes 2 à 14 pour ce qui est de la libre circulation des travailleurs et de la libre prestation de services impliquant une circulation temporaire de travailleurs, telle qu’elle est définie à l’article 1er de la directive 96/71/CE, entre la Pologne, d’une part, et la Belgique, la République tchèque, le Danemark, l’Allemagne, l’Estonie, la Grèce, l’Espagne, la France, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Hongrie, les Pays-Bas, l’Autriche, le Portugal, la Slovénie, la Slovaquie, la Finlande, la Suède et le Royaume-Uni, d’autre part.

2.   Par dérogation aux articles 1er à 6 du règlement (CEE) no 1612/68 [règlement du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO 1968, L 257, p. 2)] et jusqu’à la fin de la période de deux ans suivant la date de l’adhésion, les États membres actuels appliqueront des mesures nationales ou les mesures résultant d’accords bilatéraux qui réglementent l’accès des ressortissants polonais à leur marché du travail. Les États membres actuels peuvent continuer à appliquer ces mesures jusqu’à la fin de la période de cinq ans suivant la date de l’adhésion.

Les ressortissants polonais qui travaillent légalement dans un État membre actuel à la date de l’adhésion et qui sont admis sur le marché du travail de cet État membre pour une période ininterrompue égale ou supérieure à [douze] mois pourront bénéficier de l’accès au marché du travail de cet État membre, mais non au marché du travail d’autres États membres qui appliquent des mesures nationales.

Les ressortissants polonais admis sur le marché du travail d’un État membre actuel à la suite de l’adhésion pendant une période ininterrompue égale ou supérieure à [douze] mois bénéficient également des mêmes droits. Les ressortissants polonais visés aux deuxième et troisième alinéas ci-dessus cessent de bénéficier des droits prévus dans lesdits alinéas s’ils quittent volontairement le marché du travail de l’État membre actuel en question.

Les ressortissants polonais qui travaillent légalement dans un État membre actuel à la date de l’adhésion, ou pendant une période où des mesures nationales sont appliquées, et qui sont admis sur le marché du travail de cet État membre pour une période inférieure à [douze] mois ne bénéficient pas de ces droits.

[…]

5.   Un État membre ayant maintenu des mesures nationales ou des mesures résultant d’accords bilatéraux à la fin de la période de cinq ans visée au paragraphe 2 peut les proroger jusqu’à la fin de la période de sept ans suivant la date de l’adhésion après en avoir averti la Commission si son marché du travail subit ou est menacé de subir des perturbations graves. À défaut de cette notification, les articles 1er à 6 du règlement no 1612/68 s’appliquent.

[…]

9.   Dans la mesure où certaines dispositions de la directive 68/360/CEE [directive du Conseil du 15 octobre 1968 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté (JO 1968, L 257, p. 13)] ne peuvent pas être dissociées de celles du règlement no 1612/68 dont l’application est différée en vertu des paragraphes 2 à 5 et 7 et 8, la Pologne et les États membres actuels peuvent déroger à ces dispositions dans la mesure nécessaire à l’application des paragraphes 2 à 5 et 7 et 8. »

2. Le règlement no 492/2011

10.

Le règlement no 492/2011 a abrogé et remplacé, avec effet au 16 juin 2011, le règlement no 1612/68 .

11.

Le chapitre I du règlement no 492/2011 est intitulé « De l’emploi, de l’égalité de traitement et de la famille des travailleurs ».

12.

Sous la section 1 de ce chapitre, intitulée « De l’accès à l’emploi », les articles 1er à 6 interdisent, en substance, les dispositions législatives, réglementaires ou administratives, ainsi que les pratiques administratives d’un État membre qui limitent ou subordonnent à des conditions non prévues pour les nationaux la demande et l’offre de l’emploi, l’accès à l’emploi et son exercice par les ressortissants des autres États membres.

13.

Sous la section 2 dudit chapitre, intitulée « De l’exercice de l’emploi et de l’égalité de traitement », l’article 7 dispose :

« 1.   Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2.   Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

[…] »

3. La directive 2004/38

14.

Le directive 2004/38 a abrogé et remplacé, avec effet au 30 avril 2006, la directive 68/360 .

15.

L’article 7 de la directive 2004/38, intitulé « Droit de séjour de plus de trois mois », dispose, à son paragraphe 1, sous a), et à son paragraphe 3, sous a) à c) :

« 1.   Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

a)

s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil ; ou

[...]

3.   Aux fins du paragraphe 1, point a), le citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée conserve la qualité de travailleur salarié ou de non salarié dans les cas suivants :

a)

s’il a été frappé par une incapacité de travail temporaire résultant d’une maladie ou d’un accident ;

b)

s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employé pendant plus d’un an et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent ;

c)

s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent ; dans ce cas, il conserve le statut de travailleur pendant au moins six mois ;

[…] »

16.

L’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38, intitulé « Égalité de traitement », prévoit :

« 1.   Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité. […] »

B.   Le droit du Royaume-Uni

17.

Par l’Accession (Immigration and Worker Registration) Regulations 2004/1219 [règlement 2004/1219 sur les adhésions (immigration et enregistrement des travailleurs)] (ci-après le « règlement de 2004 »), le Royaume-Uni avait différé l’application des règles de l’Union en matière de libre circulation des travailleurs au regard des ressortissants de huit des dix États membres qui ont adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004 ( 6 ). Ces mesures dérogatoires avaient été adoptées sur le fondement de l’article 24 de l’acte d’adhésion de 2003 et sont restées en vigueur jusqu’au 30 avril 2011 ( 7 ).

18.

À l’époque des faits à l’origine de l’affaire au principal, le règlement de 2004 avait été modifié, notamment, par l’Immigration (European Economic Area) Regulations 2006/1003 [règlements 2006/1003 sur l’immigration (Espace économique européen)] (ci-après le « règlement de 2006 »).

19.

Le règlement de 2004, dans sa version en vigueur à la date des faits au principal, prévoyait un système d’enregistrement [Accession State Worker Registration Scheme (système d’enregistrement pour les travailleurs des États membres adhérents)] applicable aux ressortissants des huit États adhérents visés, qui auraient travaillé au Royaume-Uni pendant la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2011.

20.

L’article 2 du règlement de 2004, intitulé « Travailleur d’un État adhérent soumis à l’enregistrement », disposait :

« (1)   [s]ous réserve des paragraphes suivants de cet article, “un travailleur d’un État adhérent soumis à l’enregistrement” est un ressortissant d’un État adhérent concerné, travaillant au Royaume-Uni pendant la période d’adhésion.

[…]

(4)   Un ressortissant d’un État adhérent concerné, qui travaille légalement au Royaume-Uni pendant une période ininterrompue de douze mois se situant pour tout ou partie après le 30 avril 2004, cesse d’être un travailleur d’un État adhérent soumis à l’enregistrement à l’issue de cette période de douze mois.

[…]

(8)   Aux fins des paragraphes 3 et 4, une personne est considérée comme ayant travaillé au Royaume-Uni pendant une période ininterrompue de douze mois si elle a travaillé légalement au Royaume-Uni au début et à la fin de cette période et si toute période intermédiaire au cours de laquelle elle n’a pas travaillé légalement au Royaume-Uni n’excède pas [trente] jours au total.

[…] »

21.

L’article 4, paragraphe 2, du règlement de 2004 énonçait :

« [u]n ressortissant d’un État adhérent concerné, qui aurait le statut de travailleur d’un État adhérent tenu de se faire enregistrer s’il commençait à travailler au Royaume-Uni, n’a pas le droit de séjourner au Royaume-Uni en sa qualité de demandeur d’emploi aux fins d’y chercher du travail. »

22.

En outre, l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement de 2004, dans sa version applicable à l’affaire au principal, disposait :

« (3)   sous réserve du paragraphe 4, l’article 6, paragraphe 2, du règlement de 2006 ne s’applique pas à un travailleur d’un État adhérent, soumis à l’obligation d’enregistrement, qui cesse de travailler.

(4)   lorsqu’un travailleur d’un État adhérent, soumis à l’obligation d’enregistrement, cesse de travailler pour un employeur autorisé dans les circonstances mentionnées à l’article 6, paragraphe 2, [du règlement de 2006] pendant la période d’un mois à compter de la date à laquelle il a commencé à travailler, cet article s’applique à ce travailleur durant le reste de cette période d’un mois. »

23.

Le règlement de 2006 a transposé en droit britannique la directive 2004/38.

24.

Dans sa version applicable à l’affaire au principal, l’article 6, paragraphe 1, du règlement de 2006, relatif aux hypothèses selon lesquelles un ressortissant d’un État membre de l’Espace économique européen (EEE) peut bénéficier d’un droit de séjour étendu sur le territoire du Royaume-Uni , était libellé comme suit :

« 1)

[a]ux fins de la présente réglementation, l’expression “personne éligible” s’entend de tout ressortissant de l’EEE établi au Royaume-Uni en tant que :

[…] ;

b)

travailleur salarié ;

[...] »

25.

L’article 6, paragraphe 2, du règlement de 2006 précisait les conditions auxquelles une personne en arrêt de travail doit satisfaire pour conserver la qualité de travailleur au sens du paragraphe 1, sous b), de ce même article et disposait :

« (2)   [s]ous réserve de l’article 7A, paragraphe 4, une personne qui ne travaille plus ne cesse pas d’être considérée comme un travailleur aux fins du paragraphe 1, sous b), si

a)

elle a été frappée par une incapacité de travail temporaire résultant d’une maladie ou d’un accident ;

b)

elle est en situation de chômage involontaire dûment constatée après avoir été employée au Royaume-Uni, à la condition qu’elle se soit fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent et qu’elle

i)

a[it] été employée pendant un an ou plus avant de se retrouver au chômage ;

ii)

ne se trouve pas au chômage depuis plus de six mois ; ou

iii)

[puisse] apporter la preuve qu’elle cherche un emploi au Royaume-Uni et a une chance réelle d’être recrutée ;

[…] »

26.

L’article 7A, paragraphe 4, du règlement de 2006 énonçait :

« L’article 6, paragraphe 2, s’applique à un travailleur d’un État adhérent si

a)

il était une personne à laquelle l’article 5, paragraphe 4, du [règlement de 2004] était applicable au 30 avril 2011; ou

b)

il a été frappé par une incapacité de travail, s’est retrouvé au chômage ou a cessé de travailler, selon le cas, après le 1er mai 2011. »

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

27.

M. Prefeta est un ressortissant polonais. Il est arrivé au Royaume-Uni en 2008 et y a effectué une période ininterrompue de travail pour la période allant du 7 juillet 2009 au 11 mars 2011, date à laquelle son emploi a pris fin en raison d’une blessure étrangère à son travail.

28.

Le 5 janvier 2011, M. Prefeta a obtenu, en application de la réglementation nationale, un certificat d’enregistrement en tant que travailleur. Il s’ensuit qu’il a effectué une période ininterrompue de deux mois et six jours de travail enregistré, à savoir, pour la période allant du 5 janvier 2011 au 11 mars 2011.

29.

Après avoir quitté son emploi, M. Prefeta s’est trouvé en chômage involontaire dûment constaté, puisqu’il s’était inscrit en tant que demandeur d’emploi (jobseeker) auprès du service de l’emploi compétent et que des indemnités de chômage (jobseeker’s allowance) lui furent versées à compter du 20 mars 2011.

30.

Le 20 octobre 2011, M. Prefeta a demandé à bénéficier de l’allocation. Selon la juridiction de renvoi, l’allocation est destinée à des catégories de personnes dont la capacité à travailler est limitée par leur état physique ou mental. Ladite juridiction relève que l’allocation ne peut être accordée aux demandeurs d’emploi en vertu du droit de l’Union ou du droit du Royaume-Uni. Elle ajoute que, selon le droit britannique, c’est aux travailleurs, tels que définis à l’article 6, paragraphe 1, sous b), et à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de 2006, que l’allocation peut être accordée.

31.

La demande de M. Prefeta a été rejetée par le SSWP parce que le droit britannique ne reconnaissait pas M. Prefeta comme travailleur dans la mesure où ce dernier était un ressortissant polonais et n’avait pas effectué une période ininterrompue de douze mois de travail enregistré.

32.

M. Prefeta a formé un recours devant le First-tier Tribunal (Social Entitlement Chamber) [tribunal de première instance (chambre des prestations sociales), Royaume-Uni], qui a confirmé la décision du SSWP. M. Prefeta a alors interjeté appel contre la décision du First-tier Tribunal (Social Entitlement Chamber) [tribunal de première instance (chambre des prestations sociales)] devant la juridiction de renvoi.

33.

Devant la juridiction de renvoi, M. Prefeta a fait valoir, en substance, que l’article 5, paragraphe 3, du règlement de 2004 était contraire à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 ainsi qu’à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011.

34.

En effet, l’article 5, paragraphe 3, du règlement de 2004 aurait empêché les ressortissants des États adhérents concernés, qui n’ont pas travaillé au Royaume-Uni avec un certificat d’enregistrement pendant une période ininterrompue de douze mois, de conserver le statut de travailleur au sens de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 et de bénéficier de l’égalité de traitement visée à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011. Or, cette limitation ne pouvait pas être justifiée sur le fondement de l’acte d’adhésion de 2003, celui-ci n’autorisant pas de dérogations à ces dispositions.

35.

Selon le SSWP, le règlement de 2004 est compatible avec l’acte d’adhésion de 2003 qui prévoit au chapitre 2, paragraphe 2 de l’annexe XII que « [l]es ressortissants polonais qui travaillent légalement […] pendant une période où des mesures nationales sont appliquées, et qui sont admis sur le marché du travail de cet État membre pour une période inférieure à [douze] mois ne bénéficient pas de ces droits ». D’après le SSWP, « ces droits » incluent les droits tirés du traité dont jouissent les « travailleurs » conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 et à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011.

36.

La juridiction de renvoi estime que l’interprétation de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 est une question complexe et inédite du droit de l’Union. Dans ces conditions, elle a estimé nécessaire, afin de trancher le litige au principal, de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’annexe XII de [l’acte d’adhésion de 2003] autorisait-elle les États membres [actuels] à exclure les ressortissants polonais du bénéfice de l’article 7, paragraphe 2, du règlement [no 492/2011] et de l’article 7, paragraphe 3, de la directive [2004/38] lorsque le travailleur, bien que s’étant tardivement soumis à l’obligation d’enregistrement de son emploi prévue par le droit national, n’avait pas encore travaillé pendant une période ininterrompue de douze mois en étant enregistré ?

2)

Si la réponse à la première question est négative, un travailleur de nationalité polonaise peut-il, dans les circonstances de la première question, invoquer l’article 7, paragraphe 3, de la directive [2004/38] en ce qui concerne la conservation du statut de travailleur ? »

IV. Analyse

37.

Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi s’interroge en substance sur la question de savoir si le chapitre 2 de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003, relatif à la libre circulation des personnes, autorise les États membres actuels à exclure les ressortissants polonais du bénéfice de deux dispositions, à savoir de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 ( 8 ) et de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 ( 9 ), lorsque le travailleur, bien que s’étant tardivement soumis à l’obligation d’enregistrement de son emploi prévue par le droit national, n’a pas encore travaillé pendant une période ininterrompue de douze mois en étant enregistré. Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction s’interroge sur la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelles circonstances un ressortissant polonais peut invoquer l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38, alors que, s’étant tardivement soumis à l’obligation d’enregistrement de son emploi prévue par le droit national, il n’a pas encore travaillé pendant une période ininterrompue de douze mois en étant enregistré.

38.

Étant donné qu’il existe un chevauchement important entre les questions posées par la juridiction de renvoi, je considère qu’il est opportun de les traiter ensemble.

A.   Observations préliminaires

39.

Il ressort du chapitre 2, paragraphe 1, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 que l’article 45 TFUE et l’article 56, premier alinéa, TFUE ne s’appliquent pleinement que sous réserve des dispositions transitoires, prévues aux paragraphes 2 à 14 du même chapitre, pour ce qui est de la libre circulation des travailleurs et de la libre prestation de services impliquant une circulation temporaire de travailleurs entre la Pologne et les États membres actuels, tels que définis aux termes de l’article 1er, deuxième tiret, de cet acte d’adhésion ( 10 ).

40.

En effet, ces dispositions prévoient des dérogations aux articles 1er à 6 du règlement no 1612/68 ainsi qu’aux dispositions de la directive 68/360 qui ne peuvent être dissociées de celles du règlement no 1612/68 dont l’application est différée en vertu des paragraphes 2 à 5 et 7 et 8 du chapitre 2, dans la mesure nécessaire à l’application de ces paragraphes ( 11 ).

41.

Ces dérogations à l’article 45 TFUE et à l’article 56, premier alinéa, TFUE, relatives aux principes de la libre circulation des travailleurs et de la libre prestation de services impliquant une circulation temporaire de travailleurs, sont évidemment d’interprétation stricte ( 12 ).

B.   L’existence d’une autorisation d’exclure des ressortissants polonais du bénéfice de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011

42.

Il convient de relever que les paragraphes 1 à 14 du chapitre 2 de l’annexe XII de l’acte d’adhésion 2003 ne font aucune référence au règlement no 492/2011, qui est visé par la première question préjudicielle de la juridiction de renvoi et dont l’adoption est postérieure audit acte d’adhésion.

43.

Toutefois, le règlement no 1612/68, qui est spécifiquement visé par ces dispositions, a été abrogé par le règlement no 492/2011 ( 13 ), dont considérant 1 indique que « [l]e règlement [no 1612/68] a été modifié à plusieurs reprises et de façon substantielle [et qu’il convient], dans un souci de clarté et de rationalité, de procéder à la codification dudit règlement ». Je note que les articles 1er à 7 des deux règlements sont quasiment identiques.

44.

Or, s’agissant des dispositions du règlement n 1612/68, le chapitre 2, paragraphes 1 à 14, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003, relatif à la libre circulation des personnes ( 14 ), ne prévoit que des dérogations aux articles 1er à 6 dudit règlement qui portent sur l’« accès à l’emploi ».

45.

Par conséquent, sans préjudice de l’applicabilité ratione temporis du règlement no 492/2011 ( 15 ), les références aux dispositions en cause aux articles 1er à 6 du règlement no 1612/68 doivent être mutatis mutandis comprises comme des références aux articles 1er à 6 du règlement no 492/2011, et ce même en interprétant de manière stricte les dispositions en cause de l’acte d’adhésion de 2003.

46.

Les autres dispositions du règlement no 1612/68, notamment son article 7, paragraphe 2, qui figure au titre II de la première partie dudit règlement, qui est intitulé « De l’exercice de l’emploi et de l’égalité de traitement », et qui prévoit que le travailleur ressortissant d’un État membre bénéficie sur le territoire des autres États membres « des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux », ne sont donc pas visées par les dérogations relatives à la libre circulation des personnes prévues au chapitre 2, paragraphes 1 à 14, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003.

47.

Il s’ensuit que, dès l’adhésion de la République de Pologne à l’Union européenne, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 ainsi que, le cas échéant, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 s’appliquaient pleinement aux travailleurs ( 16 ) polonais qui devaient dès lors bénéficier des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux ( 17 ), le chapitre 2, paragraphes 1 à 14, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 n’ayant prévu aucune dérogation à l’article 45 TFUE et à l’article 56, premier alinéa, TFUE.

48.

Par conséquent, le fait que M. Prefeta se soit tardivement soumis à l’obligation d’enregistrement de son emploi prévue par le droit national et n’ait pas encore effectué une période ininterrompue de douze mois de travail enregistré ne peut justifier que le Royaume-Uni ait exclu M. Prefeta du bénéfice de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 ou, le cas échéant, de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 lorsqu’il avait le statut de travailleur.

49.

Au vu de ce qui précède, je considère que l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 n’autorise pas les États membres actuels à exclure les ressortissants polonais du bénéfice de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 ou, le cas échéant, de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, lorsqu’ils ont la qualité de travailleurs, c’est-à-dire lorsqu’ils exercent une activité salariée ou non salariée.

C.   L’existence d’une autorisation d’exclure des ressortissants polonais du bénéfice de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38

1. Arguments des parties

50.

M. Prefeta estime que l’article 7 de la directive 68/360 et l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 prévoient que, si un travailleur a la malchance d’être frappé, par exemple, par une maladie passagère, il a le droit de rester sur le territoire de l’État où il a travaillé. Premièrement, il soutient que ce droit n’affecte pas le degré d’ouverture du marché du travail à l’égard du travailleur, deuxièmement, que ce droit n’est invocable qu’une fois que le travailleur a déjà été autorisé à accéder au marché de l’emploi et, troisièmement, que ce droit n’empêcherait pas un État membre de mettre en œuvre un régime selon lequel certains emplois seraient interdits aux ressortissants des États adhérents ( 18 ). Selon M. Prefeta, « [p]lutôt que de réglementer l’accès à l’emploi pour un particulier, l’article 7 de la directive 68/360 et l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 précisent les conditions dont un travailleur de l’[Union] est en droit de bénéficier dans son État d’accueil. Ces conditions peuvent être dissociées du titre I du règlement no 1612/68. En effet, elles se rapprochent en substance des dispositions du titre II, du règlement no 1612/68, “ [d]e l’exercice de l’emploi et de l’égalité de traitement ”, en particulier l’article 7 du titre II ».

51.

D’après M. Prefeta, « donner effet à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 n’affecte pas l’objectif général des restrictions à l’adhésion ». Celui-ci estime que « les restrictions à l’adhésion permettent à un État, de manière temporaire, de contrôler les conditions d’accès à son marché du travail afin d’éviter sa perturbation pendant la période d’adhésion […]. D’où l’autorisation de déroger au titre I du règlement no 1612/68. […] Le droit pour un particulier de conserver son droit de résider dans l’État d’accueil lorsqu’il a cessé temporairement de travailler n’est pas en lui-même un facteur susceptible de perturber le marché du travail de cet État, puisque le “travailleur”, à ce moment-là, ne travaille pas. Il n’est donc pas nécessaire, pour atteindre l’objectif des restrictions à l’adhésion, d’inférer un pouvoir de restreindre le droit de conserver le statut de travailleur ».

52.

Le gouvernement du Royaume-Uni considère que le chapitre 2, paragraphe 2, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 n’imposerait pas qu’un particulier, qui a travaillé pendant une période ininterrompue de douze mois, mais qui n’a pas obtenu un certificat d’enregistrement en tant que travailleur pour cette période, ait accès à l’éventail complet des droits et prestations auxquels peut prétendre un ressortissant d’un État membre en raison de son statut de travailleur. En outre, ledit acte n’exigerait pas non plus qu’il soit permis à un particulier de jouir de l’intégralité de ces droits lorsqu’il a obtenu, à un moment donné, un certificat d’enregistrement en tant que travailleur, mais qu’il n’est pas en possession dudit certificat pour l’entière période de travail.

53.

Le gouvernement du Royaume-Uni affirme que, si un ressortissant polonais tel que M. Prefeta, qui n’a pas travaillé pendant une période ininterrompue de douze mois en étant enregistré, avait accès à l’éventail complet des droits et prestations dont bénéficient les ressortissants d’un État membre en raison du statut de travailleur, la précision faite au chapitre 2, paragraphe 2, de l’annexe XII de l’acte adhésion de 2003, selon laquelle un particulier doit avoir été admis pour une période douze mois pour bénéficier de ces droits, serait rendue superflue. De même, cela compromettrait la réalisation des objectifs poursuivis par l’obligation d’enregistrement, celle-ci visant, d’une part, à permettre au Royaume-Uni d’évaluer les conditions d’accès à son marché du travail, afin de vérifier si d’autres mesures sont nécessaires, et, d’autre part, à encourager les ressortissants des États adhérents à régulariser leur situation et à contribuer à l’économie formelle ( 19 ).

54.

La Commission estime que, si un travailleur d’un État adhérent avait pu se prévaloir de l’article 7, paragraphe 3, sous b) et c), de la directive 2004/38, le Royaume-Uni aurait été empêché de donner effet à la substance même des dérogations prévues par le règlement de 2004, qui visait à limiter l’accès à son marché du travail, par une restriction du droit des ressortissants d’un État adhérent économiquement inactifs de séjourner sur son sol aux fins d’y chercher un emploi. Toutefois, s’agissant de l’article 7, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/38, la Commission considère que l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 ne pouvait servir de base à une limitation du droit de conserver le statut de travailleur, cette disposition n’ayant, en substance, pas de lien avec les mesures britanniques réglementant l’accès au marché du travail ( 20 ).

2. L’applicabilité de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38

55.

Il y a lieu de relever que le chapitre 2, paragraphes 1 à 14, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 ne fait aucune référence à la directive 2004/38 ( 21 ), dont l’adoption et l’entrée en vigueur lui sont postérieures.

56.

Or, le paragraphe 9, du chapitre 2, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 prévoit la possibilité pour les États membres actuels de déroger aux dispositions de la directive 68/360 qui ne peuvent être dissociées de celles des articles 1er à 6 du règlement no 1612/68 dont l’application est différée en vertu notamment du chapitre 2, paragraphe 2 ( 22 ), de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003, dans la mesure nécessaire à l’application de ce paragraphe.

57.

Or, le libellé de l’article 7 de la directive 68/360 ( 23 ) est en substance très proche du libellé de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38. En effet, ces deux dispositions prévoient les circonstances dans lesquelles le citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée conserve la qualité de travailleur.

58.

À cet égard, il convient de signaler que, dans sa proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ( 24 ), la Commission a indiqué, dans son commentaire sur l’article 8, paragraphe 7 (devenu article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38), que les dispositions en cause ( 25 )« reprennent, dans l’essentiel, certaines dispositions de la directive [68/360]/ tout en les clarifiant et en intégrant dans le texte la jurisprudence de la Cour de justice concernant le maintien de la qualité de travailleur lorsque le travailleur n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée ».

59.

Par conséquent, je considère que, nonobstant le fait que le chapitre 2, paragraphe 9, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 ne fasse aucune référence explicite à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38, il y a lieu d’examiner la question de savoir si cette dernière disposition ne peut pas être dissociée de celles des articles 1er à 6 du règlement no 1612/68, dont l’application est différée en vertu du paragraphe 2 du même texte, et, le cas échéant, dans quelle mesure il est nécessaire de déroger à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 pour l’application de cette disposition de l’acte d’adhésion de 2003 ( 26 ).

3. L’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 peut-il être dissocié des articles 1 er à 6 du règlement no 1612/68, qui portent sur l’accès au travail ?

60.

Dans l’arrêt du 21 février 2013, N. (C‑46/12, EU:C:2013:97, point 47), la Cour a dit pour droit que « la définition de la notion de “travailleur” au sens de l’article 45 TFUE exprime l’exigence, inhérente au principe même de la libre circulation des travailleurs, que les avantages que le droit de l’Union confère au titre de cette liberté ne puissent être invoqués que par des personnes exerçant véritablement ou souhaitant sérieusement exercer une activité salariée» ( 27 ).

61.

Bien que l’article 7 de la directive 2004/38 soit intitulé « Droit de séjour de plus de trois mois », son paragraphe 3 prévoit de manière non exhaustive ( 28 ) les circonstances dans lesquelles un citoyen européen, qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée pour des raisons indépendantes de sa volonté, telles que le chômage involontaire et l’incapacité de travail temporaire résultant d’une maladie ou d’un accident, conserve, outre le droit de séjour qui lui correspond, sa qualité de travailleur dans la perspective notamment qu’il puisse accéder à une nouvelle activité salariée ou non salariée ( 29 ).

62.

La possibilité pour un citoyen européen ( 30 ) de conserver le statut de travailleur est donc liée à la démonstration que ledit citoyen est disponible ou apte à exercer une activité professionnelle et donc à réintégrer le marché du travail dans un délai raisonnable. Je relève que l’article 7, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/38 vise uniquement une incapacité de travail temporaire et que l’article 7, paragraphe 3, sous b) et c), de la même directive exige que le travailleur soit enregistré en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent.

63.

Au vu de ce qui précède, je considère que l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 vise des situations dans lesquelles la réintégration du citoyen européen au marché du travail est envisageable, ce qui implique que cette disposition ne peut être dissociée des articles 1er à 6 du règlement no 1612/68 ( 31 ), qui réglementent l’accès au travail.

4. Dans quelle mesure est-il nécessaire de déroger à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 pour l’application du chapitre 2, paragraphe 2, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 ?

64.

L’article 7, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/38 n’impose aucune condition spécifique à la durée de l’activité salariée ou non salariée effectuée par le citoyen de l’Union, qui serait exigée afin de conserver le statut de travailleur. Il suffit que le citoyen exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires ( 32 ).

65.

En revanche, l’article 7, paragraphe 3, sous b), de la directive 2004/38 impose que la durée de l’activité salariée ou non salariée effectuée soit de « plus d’un an ». En outre, le paragraphe 3, sous c), du même texte prévoit que le citoyen européen conserve le statut de travailleur pendant au moins six mois, s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois.

66.

Le chapitre 2, paragraphe 2, premier alinéa, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 prévoit en substance que, pendant une période transitoire, les États membres actuels peuvent déroger aux articles 1er à 6 du règlement no 1612/68 en adoptant des mesures nationales qui réglementent l’accès des ressortissants polonais à leur marché du travail. Le troisième alinéa du même paragraphe limite ou qualifie cette possibilité en prévoyant en substance que les ressortissants polonais admis pendant une période ininterrompue égale ou supérieure à douze mois sur le marché du travail d’un État membre actuel à la suite de l’adhésion pourront bénéficier de l’accès au marché du travail de cet État membre. En outre, le quatrième alinéa confirme ( 33 ) que les ressortissants polonais qui travaillent légalement dans un État membre actuel pendant une période où des mesures nationales sont appliquées, et qui sont admis sur le marché du travail de cet État membre pour une période inférieure à douze mois ne bénéficient pas de ces droits. (mise en italique par mes soins).

67.

Selon la Cour, la finalité du chapitre 2, paragraphe 2, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 est d’éviter que, à la suite de l’adhésion à l’Union de nouveaux États membres, ne se produisent des perturbations sur le marché du travail des anciens États membres, dues à l’arrivée immédiate d’un nombre élevé de travailleurs ressortissants de ces nouveaux États ( 34 ). Selon la Cour encore, les articles 56 et 57 TFUE ( 35 ) ne s’opposent pas à ce qu’un État membre subordonne, pendant la période transitoire prévue au chapitre 2, paragraphe 2, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003, le détachement de travailleurs ressortissants polonais sur son territoire à l’obtention d’une autorisation de travail ( 36 ).

68.

Je considère donc que les dispositions du chapitre 2, paragraphe 2, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 instituent un régime spécial ( 37 ) qui prévoit la possibilité pour les États membres actuels de réglementer l’accès des ressortissants polonais à leur marché du travail.

69.

À cet égard, il ressort clairement des troisième et quatrième alinéas de ce texte que des États membres actuels peuvent soumettre l’accès des ressortissants polonais au marché du travail à deux conditions cumulatives, à savoir, premièrement, l’obligation d’être admis sur ce marché du travail et, deuxièmement, après avoir été admis sur le marché du travail, l’obligation d’y travailler pendant une période ininterrompue d’au moins douze mois. En effet, il ressort du libellé du chapitre 2, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 qu’un ressortissant polonais doit être admis sur le marché du travail pendant une période de douze mois, ce qui implique, à mon avis, que le travail effectué doit être consécutif à l’admission.

70.

Selon moi, le terme « admis » suppose ou implique nécessairement une action tierce par rapport au citoyen concerné. Il ne suffit pas pour lui de travailler. Ledit citoyen doit avoir été admis à le faire. Cela suppose donc une procédure qui réglemente l’admission ou l’accès au marché du travail, telle que l’obtention d’une autorisation de travail, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 février 2011, Vicoplus e.a. (C‑307/09 à C‑309/09, EU:C:2011:64), ou un système d’enregistrement comme celui en cause dans l’affaire au principal ( 38 ).

71.

Dans ces circonstances ( 39 ), c’est uniquement après avoir satisfait aux deux conditions cumulatives précitées que les ressortissants polonais bénéficient du libre accès au marché du travail conformément aux articles 45 et 56 TFUE. Par conséquent, les ressortissants polonais qui ont été admis sur le marché du travail mais qui ont cessé de travailler avant l’expiration de la période de douze mois ( 40 ) consécutive à cette admission et ceux qui ont travaillé plus de douze mois sans avoir été admis à le faire sont dans la même situation que ceux qui sont à la recherche d’un emploi sans encore avoir jamais travaillé dans un État membre actuel.

72.

En effet, le fait qu’un ressortissant polonais admis sur le marché du travail pour une période inférieure à douze mois ou ayant travaillé plus de douze mois sans y avoir été admis puisse bénéficier du statut de travailleur, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38, et, en conséquence, bénéficier du libre accès au marché du travail des États membres actuels, conformément aux articles 45 et 56 TFUE, irait à l’encontre du libellé même du chapitre 2, paragraphe 2, troisième et quatrième alinéas, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 et porterait atteinte à la finalité de ces dispositions ( 41 ).

73.

Par conséquent, je considère qu’afin d’appliquer le chapitre 2, paragraphe 2, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003, il est nécessaire de déroger à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 en exigeant, pendant la période transitoire prévue par ledit acte d’adhésion, que les ressortissants polonais soient admis sur le marché du travail d’un État membre actuel pendant une période ininterrompue égale ou supérieure à douze mois consécutive à cette admission ( 42 ).

74.

Au vu de ce qui précède, je considère que l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 autorisait les États membres actuels à exclure les ressortissants polonais du bénéfice de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 lorsque le travailleur, bien que s’étant soumis à l’obligation d’enregistrement de son emploi prévue par le droit national, n’avait pas encore travaillé pendant une période ininterrompue de douze mois depuis l’accomplissement de cette formalité. Dans pareilles circonstances, les ressortissants polonais ne peuvent invoquer l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38.

V. Conclusion

75.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose que la Cour réponde aux questions préjudicielles posées par l’Upper Tribunal (Administrative Appeals Chamber) [tribunal supérieur (chambre des appels administratifs), Royaume-Uni] de la manière suivante :

L’annexe XII de l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne n’autorisait pas les États membres actuels à exclure les ressortissants polonais du bénéfice de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté ou, le cas échéant, de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, lorsque ces derniers ont la qualité de travailleur, c’est-à-dire qu’ils exercent une activité salariée ou non salariée.

L’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 autorisait les États membres actuels à exclure les ressortissants polonais du bénéfice de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE), lorsque les travailleurs, bien que s’étant soumis à l’obligation d’enregistrement de leur emploi prévue par le droit national, n’avaient pas encore travaillé pendant une période ininterrompue de douze mois depuis l’accomplissement de cette formalité. Dans ces circonstances, les ressortissants polonais ne peuvent pas invoquer l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2003, L 236, p. 33.

( 3 ) JO 2011, L 141, p. 1.

( 4 ) JO 2004, L 158, p. 77.

( 5 ) Voir point 7 des présentes conclusions.

( 6 ) À savoir la République tchèque, la République d’Estonie, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la Hongrie, la République de Pologne, la République de Slovénie, ainsi que la République slovaque.

( 7 ) Ces limitations étaient initialement prévues pour la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2009. Toutefois, il ressort du dossier devant la Cour que, par lettre du 8 avril 2009, le Royaume-Uni a notifié à la Commission son intention de proroger de deux années supplémentaires (c’est-à-dire jusqu’au 30 avril 2011) l’application de ses mesures dérogatoires nationales, en application de la disposition prévue au chapitre 2, paragraphe 5, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003. Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi signale que la légalité de cette prorogation fait l’objet d’un recours devant les juridictions britanniques. Dans ses observations écrites, le gouvernement du Royaume-Uni indique que la question de la légalité de cette prorogation est actuellement pendante devant la Court of Appeal (Cour d’appel, Royaume-Uni) dans l’affaire Gubeladze / Secretary of State for Work and Pensions. Lors de l’audience, le gouvernement du Royaume-Uni a confirmé que la Court of Appeal (Cour d’appel) avait rendu son arrêt dans cette affaire le 7 novembre 2017 et avait conclu que l’extension par le Royaume-Uni du régime d’enregistrement des travailleurs était disproportionnée et, de ce fait, incompatible avec le droit de l’Union. Cet arrêt n’est cependant pas encore définitif, puisque le gouvernement du Royaume-Uni a indiqué lors de l’audience qu’il avait introduit la procédure de pourvoi devant la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni).

( 8 ) Qui prévoit une règle de non-discrimination en matière d’avantages sociaux et fiscaux.

( 9 ) Qui porte sur la conservation du statut de travailleur et le droit de séjour correspondant.

( 10 ) Au point 24 de l’arrêt du 10 février 2011, Vicoplus e.a. (C‑307/09 à C‑309/09, EU:C:2011:64), la Cour a jugé que « si une réglementation nationale est justifiée en vertu de l’une des mesures transitoires visées à l’article 24 de l’acte d’adhésion de 2003, en l’occurrence celle prévue au chapitre 2, paragraphe 2, de l’annexe XII de cet acte, la question de la compatibilité de cette réglementation avec les articles 56 TFUE et 57 TFUE ne saurait plus se poser ».

( 11 ) Voir, notamment, chapitre 2, paragraphe 9, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003.

( 12 ) Voir, par analogie, arrêts du 23 mars 1983, Peskeloglou (77/82, EU:C:1983:92, point 12), et du 3 décembre 1998, KappAhl (C‑233/97, EU:C:1998:585, point 18). Au point 18 de l’arrêt du 3 décembre 1998, KappAhl (C‑233/97, EU:C:1998:585), la Cour a dit pour droit que « les dérogations permises par l’acte d’adhésion aux règles prévues par le traité doivent être interprétées en vue d’une réalisation plus facile des objectifs du traité et d’une application intégrale de ses règles ». Au point 33 de l’arrêt du 28 avril 2009, Apostolides (C‑420/07, EU:C:2009:271), la Cour a jugé que « l’acte d’adhésion d’un nouvel État membre est fondé essentiellement sur le principe général de l’application immédiate et intégrale des dispositions du droit [de l’Union] audit État, des dérogations n’étant admises que dans la mesure où elles sont prévues expressément par des dispositions transitoires ».

( 13 ) Voir article 41 du règlement no 492/2011.

( 14 ) Notamment paragraphes 2 à 5 ainsi que 7 et 8.

( 15 ) Voir note en bas de page 7 des présentes conclusions.

( 16 ) Cela implique que, pendant toute la période où M. Prefeta a effectivement travaillé au Royaume-Uni et y avait donc le statut de travailleur, à savoir entre le 7 juillet 2009 et le 11 mars 2011, il devait bénéficier des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

( 17 ) Voir, par analogie, arrêt du 30 mai 1989, Commission/Grèce (305/87, EU:C:1989:218, points 15 et 16).

( 18 ) Selon M. Prefeta, « [c]ela est dû au fait que, jusqu’à ce qu’un ressortissant d’un État adhérent ait travaillé pendant douze mois en tant que salarié, un État pouvait contrôler son accès permanent au marché du travail. Par exemple, si M. Prefeta avait accepté un nouvel emploi, il aurait été tenu de le faire enregistrer auprès des autorités du Royaume-Uni, une condition qui aurait été sinon interdite par l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1612/68 ».

( 19 ) Selon le gouvernement du Royaume-Uni, si lesdits ressortissants avaient pu obtenir un seul certificat d’admission sur le marché du travail du Royaume-Uni afin d’acquérir le droit de bénéficier de l’aide sociale, cela aurait alourdi les charges qui pèsent sur le système de sécurité sociale de cet État membre et n’aurait pas encouragé lesdits ressortissants à maintenir à jour le certificat d’enregistrement. Il fallait donc s’enregistrer pour chaque emploi spécifique.

( 20 ) En outre, la Commission relève qu’elle avait ouvert une procédure d’infraction à l’encontre du Royaume-Uni concernant le champ d’application des mesures dérogatoires appliquées aux travailleurs d’un État adhérent, parmi lesquelles figurait notamment la dérogation à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38. Cette procédure n’a cependant pas abouti à une saisine de la Cour, la Commission ayant considéré, à la suite de l’abrogation de ces mesures nationales le 1er mai 2011, qu’un recours serait devenu sans objet.

( 21 ) Et plus particulièrement à son article 7, paragraphe 3, qui est visé par la première question préjudicielle de la juridiction de renvoi.

( 22 ) Même si le paragraphe 9 évoque aussi les paragraphes 3, 4, 5, 7 et 8 qui le précèdent, je considère que seules les dispositions du paragraphe 2, qui autorise les États membres actuels à limiter le droit d’accès des ressortissants polonais au marché du travail pour une période de douze mois, sont directement pertinentes dans l’affaire au principal.

( 23 ) En effet, en vertu de son article 7, paragraphe 1, la circonstance faisant qu’un ressortissant d’un État membre bénéficiaire d’un droit de séjour en vue d’exercer un emploi salarié dans un autre État membre soit frappé d’une incapacité temporaire de travail résultant d’une maladie ou d’un accident, ou se trouve en situation de chômage involontaire dûment constatée, n’entraîne pas le retrait de la carte de séjour délivrée conformément à l’article 4 de ladite directive. En outre, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 68/360, lors du premier renouvellement, la durée de validité de la carte de séjour peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à douze mois, lorsque le travailleur se trouve dans une situation de chômage involontaire dans l’État membre d’accueil depuis plus de douze mois consécutifs. Arrêt du 26 mai 1993, Tsiotras (C‑171/91, EU:C:1993:215, point 10).

( 24 ) COM(2001) 257 final (JO 2001, C 270 E, p. 150), présentée par la Commission le 29 juin 2001.

( 25 ) À savoir, article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38.

( 26 ) Il y a lieu de rappeler que l’article 45 TFUE accorde aux ressortissants des États membres un droit de séjour sur le territoire des autres États membres afin d’y exercer [voir article 45, paragraphe 3, sous c), TFUE] ou d’y rechercher un emploi salarié. Arrêt du 26 mai 1993, Tsiotras (C‑171/91, EU:C:1993:215, point 8). Voir, également, arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, point 14), qui porte non seulement sur l’article 45, paragraphe 3, TFUE, mais également sur les articles 1er et 5 du règlement no 1612/68. En effet, ce droit de séjour est inhérent au droit de libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union.

( 27 ) C’est moi qui souligne. Voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2014, Saint Prix (C‑507/12, EU:C:2014:2007). Comme l’indiquent, respectivement, les points 28, 40 et 41 de cet arrêt, « l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 n’envisage pas expressément la situation d’une femme se trouvant dans une situation particulière en raison des contraintes physiques liées aux derniers stades de sa grossesse et aux suites de l’accouchement ». Toutefois, « le fait que lesdites contraintes obligent une femme à cesser d’exercer une activité salariée pendant la période nécessaire à son rétablissement n’est, en principe, pas de nature à priver cette personne de la qualité de “travailleur” au sens de l’article 45 TFUE ». « En effet, la circonstance qu’une telle personne n’a pas été effectivement présente sur le marché de l’emploi de l’État membre d’accueil pendant quelques mois n’implique pas que cette personne a cessé d’appartenir à ce marché pendant cette période, pourvu qu’elle reprenne son travail ou trouve un autre emploi dans un délai raisonnable après l’accouchement »(c’est moi qui souligne). Voir, également, arrêt du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262, point 50), où la Cour a dit pour droit que « pour ce qui est plus spécialement des détenus ayant exercé un emploi avant leur détention, le fait que la personne concernée n’a pas été présente sur le marché de l’emploi pendant ladite détention n’implique pas, en principe, qu’elle n’aurait pas continué d’appartenir au marché régulier de l’emploi de l’État membre d’accueil pendant cette période, à condition qu’elle retrouve un emploi dans un temps raisonnable après sa libération ». C’est moi qui souligne.

( 28 ) Voir arrêt du 19 juin 2014, Saint Prix (C‑507/12, EU:C:2014:2007, points 31 et 38), ainsi que mes conclusions présentées le 26 juillet 2017 dans l’affaire Gusa (C‑442/16, EU:C:2017:607, point 72).

( 29 ) Voir mes conclusions présentées le 26 juillet 2017 dans l’affaire Gusa (C‑442/16, EU:C:2017:607, point 77). En effet, dès l’année 1964, la Cour a jugé que l’article 45 TFUE ainsi que les dispositions législatives portant sur la sécurité sociale des travailleurs migrants en vigueur à l’époque « n’ont […] pas entendu protéger restrictivement le seul travailleur actuel mais qu’ils tendent logiquement à protéger aussi celui qui, ayant quitté son emploi, est susceptible d’en occuper un autre » C’est moi qui souligne. Voir arrêt du 19 mars 1964, Unger (75/63, EU:C:1964:19).

( 30 ) Qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée.

( 31 ) Cela dit, je considère que l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38 ne peut pas non plus être dissocié de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 ni de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011. En effet, à condition de conserver son statut de travailleur, une personne bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux. Dans l’arrêt Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 32), la Cour a jugé que des citoyens de l’Union ayant conservé le statut de travailleur sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/38 avaient droit à des prestations destinées à faciliter l’accès au marché du travail.

( 32 ) Voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 26 et jurisprudence citée).

( 33 ) J’estime donc que le législateur de l’Union ne laisse pas de doute sur l’interprétation en faisant référence à une période de travail de douze mois tant au troisième alinéa qu’au quatrième alinéa du chapitre 2, paragraphe 2, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003.

( 34 ) Arrêt du 10 février 2011, Vicoplus e.a. (C‑307/09 à C‑309/09, EU:C:2011:64, point 34 et jurisprudence citée). Le point 26 de cet arrêt précise que le « chapitre 2, paragraphe 2, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 déroge à la libre circulation des travailleurs en écartant, à titre transitoire, l’application des articles 1er à 6 du règlement no 1612/68 aux ressortissants polonais. En effet, cette disposition prévoit que, pour une période de deux ans à compter du 1er mai 2004, date d’adhésion de cet État à l’Union, les États membres appliquent les mesures nationales ou les mesures résultant d’accords bilatéraux qui réglementent l’accès des ressortissants polonais à leur marché du travail. Ladite disposition prévoit également que les États membres peuvent continuer à appliquer ces mesures jusqu’à la fin de la période de cinq ans suivant la date de l’adhésion à l’Union de la République de Pologne ».

( 35 ) Je considère que le même raisonnement s’applique à l’article 45 TFUE, vu le lien étroit entre cette disposition et l’article 56 TFUE au chapitre 2, paragraphe 2, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003.

( 36 ) Arrêt du 10 février 2011, Vicoplus e.a. (C‑307/09 à C‑309/09, EU:C:2011:64, point 41). Voir, par analogie, arrêt du 18 juin 2015, Martin Meat (C‑586/13, EU:C:2015:405, points 23 à 26).

( 37 ) Et circonscrit.

( 38 ) Je relève que rien dans le dossier devant la Cour n’indique que le système d’enregistrement en cause dans l’affaire au principal était plus onéreux qu’un système d’autorisation.

( 39 ) Où un État membre actuel a fait usage de la possibilité, prévue au chapitre 2 de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003, de déroger à la libre circulation.

( 40 ) Soit pour des raisons énumérées à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38, soit parce qu’ils ont quitté volontairement le marché du travail de l’État membre actuel. Voir chapitre 2, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003.

( 41 ) Voir point 65 des présentes conclusions.

( 42 ) Il ressort de la demande de décision préjudicielle que le Royaume-Uni a fait usage de cette possibilité en adoptant notamment le règlement de 2004, qui prévoyait un système d’enregistrement applicable aux huit États adhérents visés. Voir points 17 et 19 des présentes conclusions. Il ressort de l’article 2, paragraphe 4, du règlement de 2004 qu’un ressortissant polonais qui travaille légalement au Royaume-Uni pendant une période ininterrompue de douze mois notamment après l’adhésion cesse d’être soumis à l’enregistrement. En outre, l’article 5, paragraphe 3, du règlement de 2004 limite la possibilité pour un travailleur soumis à l’enregistrement de conserver la qualité de travailleur.