CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 28 novembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑579/16 P

Commission européenne

contre

FIH Holding A/S,

FIH Erhvervsbank A/S

« Pourvoi – Aide d’État – Secteur bancaire – Aide octroyée à la banque danoise FIH sous la forme du transfert de ses actifs dépréciés à une nouvelle filiale et du rachat ultérieur de celle-ci par l’organisme danois chargé de garantir la stabilité financière – Notion d’“aide d’État” – Critère de l’opérateur en économie de marché – Application du critère du créancier en économie de marché lorsque le bénéficiaire a déjà reçu une aide d’État »

Introduction

1.

Par son pourvoi, la Commission européenne demande à la Cour d’annuler l’arrêt rendu dans l’affaire T‑386/14 ( 2 ), par lequel le Tribunal a annulé la décision 2014/884/UE ( 3 ) concernant l’aide d’État octroyée par le Royaume de Danemark à FIH.

2.

Le Tribunal a en substance considéré que la Commission a commis une erreur de droit en choisissant un cadre d’analyse erroné pour établir l’existence d’une aide d’État et, en particulier, en n’appliquant pas le critère du créancier en économie de marché, une variante du critère de l’« opérateur en économie de marché » (ci-après l’« OEM ») ( 4 ).

3.

Ce pourvoi soulève principalement la question suivante : la Commission doit-elle appliquer le critère du créancier en économie de marché afin de tenir compte des risques financiers encourus par l’État membre en sa qualité de créancier, lorsque ces risques découlent d’une aide d’État accordée précédemment à l’entreprise concernée ?

4.

Comme cette question porte sur l’application du critère de l’OEM à une série d’aides consécutives, elle revêt une importance particulière dans le cadre de l’appréciation des aides publiques octroyées en vue de résoudre une crise financière évolutive. La Cour s’est déjà prononcée sur des questions similaires dans le passé ( 5 ), mais la présente affaire montre qu’il est nécessaire de consolider et de préciser la jurisprudence existante.

5.

L’interprétation par la Cour de la notion d’aide dans la présente affaire pourrait également revêtir une certaine importance pour la mise en œuvre de la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances, qui est liée au rôle de l’union bancaire ( 6 ).

Les antécédents du litige

6.

Les antécédents du litige, tels qu’ils sont présentés dans l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.

7.

FIH Erhvervsbank A/S (ci-après « FIH ») est une banque danoise entièrement détenue par FIH Holding A/S (ci-après « FIH Holding »).

8.

En 2009, comme d’autres banques, FIH a bénéficié de certaines mesures adoptées par le Royaume de Danemark pour stabiliser son secteur bancaire (ci‑après les « mesures de 2009 »).

9.

Aux mois de juin et juillet 2009, FIH a reçu un apport en capital hybride de catégorie 1 de 1,9 milliard de couronnes danoises (DKK) (environ 225 millions d’euros) et a obtenu une garantie d’État d’un montant de 50 milliards de DKK (environ 6,31 milliards d’euros). Ces deux mesures ont été adoptées dans le cadre de régimes d’aides d’État qui avaient été approuvés par la Commission.

10.

FIH a utilisé la totalité de la garantie pour émettre des obligations garanties par l’État pour un montant total de 41,7 milliards de DKK (environ 5,56 milliards d’euros) qui devaient arriver à échéance en 2012 et 2013. Entre 2009 et 2011, l’agence de notation Moody’s a abaissé la note de FIH, qui est passée de A2 à B1, avec une perspective négative.

11.

En 2012, le gouvernement danois a envisagé d’adopter un second paquet de mesures concernant FIH qu’il a notifiées à la Commission (ci‑après les « mesures de 2012 »).

12.

Pour résumer, ces mesures prévoyaient le transfert des actifs les plus problématiques de FIH à NewCo, une filiale nouvellement constituée de FIH Holding, qui devait être financée par la Financial Stability Company danoise (organisme danois chargé de la stabilité financière, ci-après la « FSC »). La FSC devait ensuite procéder à l’achat des actions de NewCo, qui serait alors liquidée, tandis que FIH Holding accorderait à la FSC une garantie illimitée contre les pertes.

13.

La Commission a conclu que les mesures de 2012 constituaient une aide d’État en faveur de NewCo et du groupe FIH mais elle les a approuvées provisoirement, en même temps qu’elle ouvrait la procédure formelle d’examen. Durant cette procédure d’examen, le gouvernement danois a présenté un plan de restructuration et a transmis des propositions d’engagements visant à répondre aux préoccupations exprimées par la Commission.

14.

Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les mesures en faveur de FIH et de FIH Holding constituaient une aide d’État. Elle a en particulier considéré que les mesures ne respectaient pas le principe de l’OEM dans la mesure où le Royaume de Danemark n’avait pas agi comme l’aurait fait un opérateur en économie de marché. L’accord relatif à l’achat des actions de NewCo était susceptible de générer une perte pour la FSC et la rémunération de l’investissement en capital qui était proposée était insuffisante.

15.

En ce qui concerne la compatibilité de l’aide d’État, la Commission a examiné les mesures sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ainsi qu’à la lumière des communications concernant respectivement les actifs dépréciés et les restructurations ( 7 ) et elle l’a déclarée compatible, sous réserve du respect du plan de restructuration et des engagements exposés dans l’annexe à la décision.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

16.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 mai 2014, FIH et FIH Holding ont introduit un recours ayant pour objet l’annulation de la décision attaquée.

17.

Les requérantes en première instance ont avancé trois moyens au soutien de leur demande d’annulation. Le premier moyen était tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que la décision attaquée n’aurait pas appliqué correctement le critère de l’OEM ( 8 ).

18.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le premier moyen et a annulé la décision attaquée.

19.

Après avoir rappelé les principes juridiques applicables (points 50 à 60 de l’arrêt attaqué), le Tribunal a relevé que la question qui lui était soumise portait sur le point de savoir si la Commission avait appliqué le test adéquat pour apprécier l’existence d’une aide. Les requérantes ont soutenu que la Commission aurait dû appliquer le critère du créancier en économie de marché de manière à tenir compte du risque de pertes financières découlant des dettes préexistantes de FIH envers le gouvernement danois. La Commission a fait valoir que ces dettes préexistantes ne pouvaient pas être prises en compte puisqu’elles étaient la conséquence des mesures de 2009, lesquelles constituaient elles-mêmes une aide d’État (point 61 de l’arrêt attaqué).

20.

Le Tribunal a indiqué qu’un opérateur économique qui se trouve dans une situation comme celle de l’espèce, dans laquelle il a accordé au préalable à la société concernée un apport en capital et une garantie, s’apparente à un créancier privé visant à minimiser ses pertes plutôt qu’à un investisseur privé visant à maximiser la rentabilité. Il peut être rationnel pour un opérateur économique, ayant des participations dans le capital d’une société à laquelle il a également accordé une garantie, d’adopter des mesures qui réduisent considérablement le risque de perte de son capital et d’exécution de la garantie. De même, il peut être économiquement rationnel pour le Royaume de Danemark d’accepter des mesures, telles qu’une cession d’actifs dépréciés, pour autant qu’elles aient un coût limité et impliquent des risques réduits et que, en leur absence, il serait hautement probable qu’il doive supporter des pertes d’un montant supérieur audit coût (points 64 à 66 de l’arrêt attaqué).

21.

Le Tribunal a ensuite conclu que la décision attaquée n’avait pas examiné le coût qui résulterait de l’absence d’adoption de mesures en 2012 par le Royaume de Danemark et qu’à cet égard, elle avait appliqué un test juridique incorrect, à savoir le principe de l’investisseur privé en économie de marché, au lieu d’examiner ces mesures à la lumière du principe du créancier privé en économie de marché. Le comportement du Royaume de Danemark, lorsque celui-ci a adopté les mesures de 2012, ne devait pas être comparé à celui d’un investisseur visant à maximiser son profit, mais à celui d’un créancier visant à minimiser les pertes (points 68 et 69 de l’arrêt attaqué).

22.

En conséquence, le Tribunal a rejeté les arguments de la Commission (points 72 à 81 de l’arrêt attaqué) et a accueilli le premier moyen.

Conclusions formulées par les parties

23.

La Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

24.

FIH et FIH Holding concluent à ce que la Cour rejette le pourvoi et condamne la Commission aux dépens.

Analyse

25.

La Commission s’appuie sur un moyen unique, à savoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que la Commission était tenue d’appliquer le critère du créancier privé et de tenir compte des coûts auxquels le gouvernement danois aurait été exposé s’il n’avait pas adopté les mesures de 2012.

26.

Elle fait valoir que cette conclusion du Tribunal est entachée d’une erreur de droit parce que les coûts en question découlent directement d’une aide d’État antérieure et que, conformément à la jurisprudence de la Cour – en particulier les arrêts Gröditzer Stahlwerke et Land Burgenland – la Commission ne peut pas en tenir compte lorsqu’elle applique le critère de l’OEM.

27.

FIH et FIH Holding soutiennent qu’en adoptant les mesures de 2012, le Royaume de Danemark a agi comme l’aurait fait un créancier privé prudent et rationnel, et qu’il a protégé efficacement ses intérêts économiques en tant que créancier. Elles font observer qu’avant l’adoption des mesures de 2012, le Royaume de Danemark était confronté à un risque substantiel de subir une perte nette de 3,8 milliards de DKK sur les 42 milliards de DKK d’obligations garanties par l’État et dès lors, à un risque net total d’au moins 5,7 milliards de DKK en cas de défaillance de FIH. Les mesures de 2012 ont considérablement réduit le risque de la FSC, à la fois en termes de niveau d’exposition et de montant.

28.

Selon FIH et FIH Holding, les dispositions relatives aux aides d’État ne seraient pas conformes à l’objectif du contrôle des aides d’État si elles s’opposaient à une restructuration rationnelle des risques auxquels l’État membre est exposé uniquement parce que ceux-ci découlent d’une aide d’État précédemment approuvée par la Commission. Ce résultat serait également contraire au principe de neutralité inscrit à l’article 345 TFUE, dans la mesure où les créanciers publics n’auraient pas les mêmes possibilités de protéger leurs intérêts que les créanciers privés. Au soutien de leur argument, FIH et FIH Holding invoquent l’arrêt ING sur lequel s’appuie également l’arrêt attaqué.

La logique du critère de l’OEM

29.

Le présent pourvoi offre à la Cour l’occasion d’examiner la logique qui sous-tend le critère de l’OEM.

30.

Selon la jurisprudence de la Cour, pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’aide d’État au sens des traités, il convient que les quatre conditions énoncées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE soient simultanément remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État ; deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres ; troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire ; quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence ( 9 ).

31.

À la lumière de la jurisprudence constante de la Cour, la troisième de ces conditions fait référence aux interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché ( 10 ).

32.

La notion d’« aide d’État » recouvre diverses formes d’aides, y compris celles qui découlent d’opérations entre l’État et les entreprises actives sur le marché si, lors de cette opération, l’entreprise bénéficiaire obtient un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché ( 11 ).

33.

La Commission a développé le critère de l’OEM afin de vérifier si une opération particulière confère un tel avantage économique ( 12 ). Ce critère s’applique de manières différentes selon que l’État intervient comme investisseur, créancier, vendeur, garant, acquéreur ou prêteur. Si des conditions similaires peuvent être obtenues à l’occasion d’une opération comparable sur le marché privé, l’intervention ne confère aucun avantage sélectif à l’entreprise et n’est dès lors pas constitutive d’une aide d’État.

34.

Ce critère est l’expression du principe d’égalité de traitement entre entreprises publiques et entreprises privées ou du principe, plus large, de neutralité eu égard à la législation nationale régissant la propriété (article 345 TFUE). Lorsque des autorités publiques interviennent dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché, leurs interventions ne sauraient être qualifiées d’aides d’État ( 13 ).

35.

Le critère de l’OEM est applicable lorsque l’intervention de l’État est de nature économique et non lorsqu’il agit en tant que puissance publique. Lorsqu’il est applicable, ce critère figure parmi les éléments que la Commission est tenue de prendre en compte pour établir l’existence d’une telle aide ( 14 ).

Les limites du critère de l’OEM en cas d’octroi antérieur d’une aide d’État

Les arrêts Gröditzer Stahlwerke et Land Burgenland

36.

Dans ces deux affaires relatives à la privatisation d’entreprises publiques, la Cour a exclu l’application du critère de l’OEM à une opération liée à une aide d’État précédemment octroyée à la même entreprise.

37.

Dans l’affaire Gröditzer Stahlwerke – qui portait sur la privatisation d’une entreprise publique en difficultés –, le gouvernement allemand soutenait que le prix de vente négatif était justifié au regard du critère de l’OEM, puisque les coûts de la liquidation de l’entreprise auraient été plus importants que ceux de sa privatisation à un prix négatif. Les coûts potentiellement élevés de la liquidation s’expliquaient par le fait que l’entreprise avait obtenu par le passé des garanties et des prêts de l’État.

38.

La Cour a observé qu’il faut établir une distinction entre les obligations que l’État doit assumer en tant que propriétaire actionnaire d’une société et les obligations qui peuvent lui incomber en tant que puissance publique ( 15 ). Les obligations liées aux prêts garantis par l’État résultaient de l’octroi de l’aide, et donc de l’intervention de l’État en tant que puissance publique, et ne pouvaient pas, de ce fait, être intégrées dans le calcul du coût normal de la liquidation ( 16 ). S’agissant des prêts d’associé, compte tenu des difficultés de l’entreprise et des conditions attachées aux crédits, ils constituaient des aides et, en conséquence, ne pouvaient pas être pris en compte dans le calcul du coût de la liquidation ( 17 ).

39.

La Cour a confirmé cette approche dans l’arrêt Land Burgenland. Cette affaire portait sur la privatisation d’une banque qui avait bénéficié de l’« Ausfallhaftung » – une garantie légale obligeant l’État à intervenir en cas d’insolvabilité. L’État devait en conséquence se porter garant de la banque, même après sa privatisation, pour ce qui concernait les obligations contractées avant la date de la privatisation. Les autorités autrichiennes soutenaient que, compte tenu du risque d’exécution de la garantie de l’État pour les pertes de la banque même après sa privatisation, ce dernier était en droit de s’assurer que le repreneur présentait des gages de sérieux et de solvabilité suffisants. Cet élément justifiait, selon elles, qu’elles acceptent un prix de privatisation nettement inférieur, si ce prix était associé à un risque moindre de devoir s’acquitter de l’obligation de garantie en vertu de l’Ausfallhaftung ( 18 ).

40.

La Cour a rappelé que, dans le cadre du critère de l’OEM, il convient de ne tenir compte que des obligations liées à la situation de l’État en qualité d’actionnaire et non de celles qui sont liées à sa qualité de puissance publique ( 19 ). La manière dont l’avantage est octroyé et dont l’État intervient est sans pertinence, pour autant que l’État membre intervienne en sa qualité d’actionnaire ( 20 ).

41.

La Cour a ensuite relevé que le Tribunal avait examiné s’il fallait tenir compte de l’Ausfallhaftung lors de la mise en œuvre du critère du vendeur privé et qu’il avait constaté qu’un vendeur privé n’aurait pas souscrit à une telle garantie. L’Ausfallhaftung constituait une aide d’État et avait dès lors été octroyée par l’État exerçant ses prérogatives de puissance publique ( 21 ).

42.

En conséquence, puisque l’Ausfallhaftung elle-même n’avait pas été souscrite dans des conditions normales de marché, les risques financiers qui y étaient liés ne pouvaient pas être pris en compte pour justifier la privatisation à moindre prix à la lumière du critère de l’OEM ( 22 ).

43.

Les arrêts Gröditzer Stahlwerke and Land Burgenland ont fait l’objet de critiques dans la littérature académique. Certains auteurs ont souligné qu’une approche qui exclut de tenir compte de la charge financière résultant d’une aide d’État légale limite la capacité de l’État à réduire le risque financier pour son budget et à éviter que les contribuables n’aient à supporter des coûts supplémentaires ( 23 ). FIH et FIH Holding ont invoqué des arguments similaires dans le cadre du présent pourvoi.

L’arrêt ING

44.

L’arrêt ING porte sur une question connexe concernant une mesure adoptée par l’État et modifiant les conditions de remboursement de l’aide octroyée à une banque en difficulté.

45.

La mesure en question consistait en une injection de capital en échange de titres qui devaient faire l’objet d’un remboursement. Selon les conditions de remboursement initiales, les titres devaient être, à l’initiative d’ING Groep NV (ci-après « ING »), soit rachetés au prix de 15 euros par titre (avec une prime de remboursement par rapport au prix d’émission de 10 euros), soit convertis en actions ordinaires après trois ans, avec paiement des intérêts courus.

46.

Le Royaume des Pays-Bas a ultérieurement demandé à la Commission d’approuver une modification des conditions de remboursement, en vue de permettre à ING de racheter jusqu’à 50 % des titres à leur prix d’émission (10 euros), majoré des intérêts courus et d’une pénalité de remboursement anticipé plafonnée à un certain montant. La Commission a conclu que la modification des conditions procurerait un avantage supplémentaire à ING et qu’elle constituait donc une aide, et elle a refusé d’examiner si la modification respectait le critère de l’OEM ( 24 ).

47.

Saisi d’un recours en annulation par ING, le Tribunal a considéré que la Commission avait méconnu la notion d’« aide » en omettant d’apprécier si, en acceptant la modification des conditions de remboursement, le Royaume des Pays-Bas avait agi comme l’aurait fait un investisseur privé, notamment en raison du fait que le Royaume des Pays-Bas pouvait être remboursé de manière anticipée et qu’il bénéficiait à cette occasion d’une plus grande certitude d’être rémunéré de façon satisfaisante ( 25 ). En conséquence, le Tribunal a annulé la décision de la Commission.

48.

Confirmant l’arrêt du Tribunal, la Cour a conclu que c’est à tort que la Commission avait négligé d’examiner la rationalité économique de la modification des conditions de remboursement au regard du critère de l’OEM. Le fait que l’apport en capital antérieur constitue déjà en soi une aide d’État était sans pertinence ( 26 ).

49.

La Cour a considéré que l’application de la jurisprudence relative au critère de l’OEM ne saurait être compromise par le simple fait que, en l’occurrence, était en cause l’applicabilité du critère à une modification des conditions de rachat de titres acquis moyennant une aide d’État. Un hypothétique investisseur privé pourrait également accepter de renégocier les conditions de rachat des titres. La Commission a commis une erreur en n’examinant pas si un investisseur privé aurait accepté la modification comme économiquement rationnelle, en particulier en vue d’augmenter les perspectives d’obtenir le remboursement ( 27 ).

50.

La Commission a depuis lors réexaminé la modification des conditions de remboursement au regard du critère de l’investisseur privé et elle a considéré que la mesure ne satisfaisait pas à ce critère puisque les conditions initiales de remboursement étaient financièrement plus favorables pour le gouvernement néerlandais ( 28 ).

La portée de la jurisprudence

51.

Les arrêts Land Burgenland et ING portent tous deux sur des mesures adoptées à la suite d’une précédente opération réalisée par l’État avec le bénéficiaire, mais ils parviennent à des conclusions différentes en ce qui concerne l’application du critère de l’OEM. Dans l’arrêt Land Burgenland, le critère de l’OEM ne pouvait pas être appliqué en vue d’apprécier le prix moins élevé de la privatisation en tenant compte du risque financier résultant d’une aide d’État précédente. Dans l’arrêt ING, le critère de l’OEM pouvait justifier la modification des conditions de remboursement de l’aide octroyée précédemment, en tenant compte, en particulier, de la date de rachat anticipé et de l’augmentation des perspectives d’obtenir le remboursement de l’apport de capital.

52.

Puisque les deux arrêts portent sur des situations très proches, il est important de préciser leur portée.

53.

Dans son pourvoi, la Commission interprète les arrêts Gröditzer Stahlwerke et Land Burgenland en ce sens que les coûts découlant d’une aide d’État antérieure ne peuvent pas être pris en compte dans le cadre du critère de l’OEM parce qu’ils sont liés aux obligations qui s’imposent à l’État membre en sa qualité de puissance publique.

54.

Selon moi, le principe qui découle de cette jurisprudence est un peu plus limité. Il s’oppose à la prise en compte du risque financier découlant de la mesure d’aide d’État antérieure lorsque la perspective de réduire ce risque constitue la justification économique de l’aide d’État subséquente.

55.

Ainsi, dans l’affaire Gröditzer Stahlwerke, le gouvernement allemand a soutenu que la minimisation du risque découlant de garanties et de prêts antérieurs justifiait le prix de vente négatif. Dans l’affaire Land Burgenland, les autorités autrichiennes ont soutenu que le prix moindre de la privatisation tenait compte du risque réduit d’exécution de la garantie de l’État.

56.

Tenir compte de ces objectifs – considérés comme économiquement rationnels – dans les deux situations, aurait abouti à un raisonnement trompeur. Lorsqu’il a accordé l’aide, l’État membre a agi en tant que puissance publique et non en tant qu’investisseur privé. Lorsque l’État adopte ultérieurement des mesures visant à minimiser le risque financier résultant des actions qu’il a entreprises en dehors du cadre de la concurrence, ces mesures ne peuvent pas être appréciées correctement au regard des conditions de concurrence sur le marché.

57.

Une interprétation différente pourrait affecter l’« effet utile » de l’article 107 TFUE. Cette disposition a pour objet d’éviter que les échanges entre États membres ne soient affectés par des avantages consentis par les autorités publiques qui, sous des formes diverses, faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ( 29 ). Dans une situation où l’État a octroyé l’aide légalement, le risque de perte découlant de cette mesure d’aide ne peut pas justifier qu’une nouvelle aide publique soit considérée comme neutre du point de vue de la concurrence. Dans le cas contraire, le bénéficiaire de l’aide serait traité de manière plus favorable que les autres entreprises qui n’ont pas reçu d’aide d’État.

58.

Non seulement cela restreindrait le champ d’application de l’interdiction des aides d’État, qui constitue un principe fondamental du droit de l’Union ayant une importance considérable pour le fonctionnement du marché intérieur, mais cela irait également à l’encontre de la logique qui sous-tend cette interdiction et qui est de créer des conditions de concurrence uniformes pour l’ensemble des entreprises opérant dans le marché intérieur ( 30 ).

59.

J’aimerais ajouter qu’il convient de distinguer le principe découlant de l’arrêt Land Burgenland d’autres situations dans lesquelles l’État se trouve dans la position d’un créancier à l’égard d’opérateurs de marché. La Cour a déjà confirmé que le critère du créancier en économie de marché s’applique en matière de dettes fiscales et de sécurité sociale ( 31 ).

60.

Le fait qu’une dette spécifique résulte des actions entreprises par l’État en tant que puissance publique percevant les impôts ou les cotisations de sécurité sociale ne s’oppose pas en soi à ce que le critère de l’OEM soit appliqué aux mesures ultérieures visant à recouvrer ces dettes. Lorsqu’un créancier public conclut un accord avec un débiteur, ses interventions devraient être appréciées eu égard à celles d’un créancier privé diligent en économie de marché, puisque l’État tente de parvenir à un résultat économiquement rentable en maximisant ses chances de récupérer la dette, quelle que soit son origine – publique ou privée. Ce scénario n’implique pas que les pertes potentielles découlant de mesures d’aide d’État antérieures devraient être prises en compte.

61.

Par ailleurs, lorsque, comme dans l’affaire Land Burgenland, l’État envisage d’octroyer un soutien supplémentaire afin de réduire les risques financiers auxquels il est exposé du fait de la mesure d’aide d’État antérieure, l’origine de ces risques est pertinente. Les actions de l’État visant à remédier à ces risques financiers ne peuvent pas être évaluées au regard des conditions normales de concurrence dans la mesure où l’État a accepté ces risques en agissant en dehors du cadre de la concurrence.

62.

Est-il possible de concilier cette interprétation avec l’arrêt ING ? À mon avis, la réponse dépend de la lecture qui est faite de cet arrêt.

63.

La question soulevée dans l’arrêt ING était dans une certaine mesure similaire à celle de l’arrêt Land Burgenland : il s’agissait de savoir si l’État peut être considéré comme un opérateur de marché rationnel lorsqu’il accepte de modifier les conditions d’une opération antérieure, qui constituait une aide d’État, sachant que sans cette modification, le coût financier de l’opération pourrait être plus élevé. Toutefois, à la différence de l’affaire Land Burgenland, la modification des conditions n’était pas justifiée uniquement par le risque de supporter de nouvelles pertes financières en raison d’une aide d’État octroyée antérieurement. La modification des conditions de l’injection temporaire de capital en question répondait à d’autres justifications, potentiellement économiques : dans certaines circonstances, un investisseur pourrait accepter un moindre retour sur le capital investi, si ce dernier lui est remboursé anticipativement. Dans l’affaire ING, il était dès lors au moins théoriquement possible que les conditions modifiées soient financièrement plus favorables pour le gouvernement néerlandais.

64.

D’un autre côté, si, comme le suggèrent FIH et FIH Holding, l’arrêt ING était interprété en ce sens qu’une modification apportée à un risque préexistant résultant d’une aide d’État peut être justifiée au regard du critère de l’OEM dans la mesure où elle réduit l’exposition de l’État, les arrêts Land Burgenland et ING seraient selon moi irréconciliables.

65.

Pour résumer, lorsqu’une tentative de réduire les risques financiers résultant d’une aide d’État antérieure constitue la seule justification d’une nouvelle action de l’État, le critère de l’OEM ne saurait être appliqué. Il ne peut s’appliquer que lorsque la mesure ne tend pas exclusivement à réduire les pertes mais qu’elle est globalement susceptible de viser un résultat économiquement justifié.

66.

Je pense que le raisonnement de l’arrêt Land Burgenland conforte cette interprétation. Les autorités autrichiennes invoquaient le fait que, par l’Ausfallhaftung, le Land Burgenland poursuivait des objectifs de rentabilité ou, à tout le moins, visait de tels objectifs à côté d’autres objectifs. La Cour n’a pas complètement rejeté cet argument comme infondé, mais elle a plutôt relevé qu’il appartenait aux autorités autrichiennes de démontrer qu’elles avaient agi en ce sens ( 32 ). Toutefois, étant donné les circonstances de l’affaire, il était difficile de percevoir comment l’Ausfallhaftung pouvait être considérée comme une mesure cherchant la rentabilité.

67.

D’un autre côté, dans l’arrêt ING, les conditions de remboursement du capital temporairement investi constituaient un élément crucial dans l’appréciation de l’existence d’une aide d’État du point de vue de l’État en tant qu’investisseur. C’est pourquoi il convenait d’analyser la modification de ces conditions également sur la base de ce critère. Le fait qu’il ait été considéré que l’opération initiale ne répondait pas aux conditions du marché n’excluait pas en soi la possibilité d’analyser les conditions modifiées du point de vue du marché.

68.

Conformément à cette interprétation, l’arrêt ING requiert l’application du critère de l’OEM mais il n’implique pas que, lors de cette application, il puisse être tenu compte des risques découlant d’une aide d’État précédente auxquels l’État est exposé ( 33 ). L’arrêt ING ne contredit donc pas le raisonnement de l’arrêt Land Burgenland.

Application en l’espèce

69.

Il ressort des considérations que j’ai développées précédemment que les arrêts Land Burgenland et ING portent tous deux sur une série d’aides consécutives mais qui ont été octroyées dans le cadre de scénarios différents.

70.

Dans l’affaire Land Burgenland, la seule justification du prix de privatisation moins élevé était liée à la minimisation du risque résultant d’une précédente intervention de l’État, c’est pourquoi il n’était pas possible d’appliquer le critère de l’OEM. Dans l’affaire ING, même si les modifications apportées aux conditions de remboursement pouvaient contribuer à réduire le risque auquel l’État était exposé en raison d’une aide d’État antérieure, elles pouvaient également poursuivre d’autres objectifs, de nature économique, c’est pourquoi il convenait de l’apprécier, dans cette dernière mesure, au regard du critère de l’OEM.

71.

La particularité de la présente affaire réside dans le fait qu’elle porte sur un ensemble de mesures susceptibles de relier les deux scénarios.

72.

D’une part, dans le cadre des mesures de 2012, le Royaume de Danemark a investi dans FIH et, puisque cet investissement était susceptible de répondre aux conditions normales du marché, il convenait de l’apprécier au regard du critère de l’OEM. Il ressort de la décision attaquée devant le Tribunal que la Commission a effectivement examiné ces mesures à la lumière du critère de l’investisseur privé, par rapport au rendement escompté par un hypothétique investisseur privé. Ce critère a, selon moi, été appliqué conformément à l’arrêt ING, même si les mesures de 2012 venaient s’ajouter à une aide au sauvetage antérieure.

73.

D’autre part, FIH et FIH Holding soutiennent qu’indépendamment de cette justification économique, les mesures de 2012 pouvaient également être justifiées par la nécessité de réduire les risques financiers découlant de la garantie de l’État précédemment accordée. Je suis d’avis que cette seconde justification ne pouvait pas mener à l’application du critère de l’OEM – dans cette affaire, le critère du créancier privé – en raison du principe énoncé dans l’arrêt Land Burgenland.

74.

Aux points 61 à 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné le premier moyen de droit qui soulevait la question de savoir si la Commission était tenue d’appliquer le critère du créancier privé pour vérifier si les mesures de 2012 pouvaient être justifiées rationnellement compte tenu du risque de perte financière résultant des mesures de 2009.

75.

Le Tribunal a considéré qu’un opérateur économique rationnel aurait pris en compte son exposition découlant d’un apport en capital et d’une garantie accordés à une société connaissant ultérieurement des difficultés financières et aurait envisagé d’adopter des mesures pour éviter la matérialisation de ce risque (point 63 de l’arrêt attaqué). Selon le Tribunal, il peut être rationnel pour un opérateur économique, ayant des participations dans le capital d’une société à laquelle il a également accordé une garantie, d’adopter des mesures impliquant un certain coût lorsque celles-ci permettent de réduire considérablement, voire d’éliminer, le risque de perte de son capital et d’exécution de la garantie (point 65 de l’arrêt attaqué) et, dès lors, il peut être économiquement rationnel pour le Royaume de Danemark d’accepter les mesures de 2012, telles qu’une cession d’actifs dépréciés, pour autant qu’elles aient un coût limité et impliquent des risques réduits et que, en leur absence, il serait hautement probable qu’il doive supporter des pertes d’un montant supérieur audit coût (point 66 de l’arrêt attaqué).

76.

Le raisonnement développé dans ces points est pour l’essentiel économiquement sain, sauf sur un point. La logique économique, telle qu’elle est décrite, vise uniquement à remédier au risque découlant d’une aide d’État antérieure qui avait été adoptée dans le cadre d’objectifs non économiques, dans des conditions qui n’étaient pas les conditions normales du marché, et qui, conformément à l’arrêt Land Burgenland, ne pouvait pas constituer la prémisse de l’application du critère de l’OEM dans le cadre d’une intervention ultérieure de l’État. En l’espèce, la garantie de l’État n’a pas été accordée aux conditions normales du marché et le risque qui y est associé ne pouvait pas être pris en compte, en tant que risque économique, pour justifier une intervention publique ultérieure ( 34 ). En d’autres termes, contrairement à ce qu’a affirmé le Tribunal aux points 63 à 66 de l’arrêt attaqué, le critère du créancier privé ne trouvait pas à s’appliquer puisque la seule justification qui pouvait être invoquée au regard de ce critère était la nécessité de réduire les risques financiers découlant d’une aide d’État antérieure et que, conformément à l’arrêt Land Burgenland, une telle justification ne saurait être admise.

77.

En outre, la manière dont le Tribunal interprète l’arrêt Land Burgenland aux points 79 à 82 de l’arrêt attaqué ne me convainc pas.

78.

Le tribunal observe à juste titre que, conformément à cet arrêt, lorsqu’elle a apprécié l’aide, la Commission ne pouvait pas tenir compte d’une garantie d’État antérieure, puisque lorsqu’il l’a accordée, l’État poursuivait des objectifs non économiques et qu’il a agi en tant que puissance publique ( 35 ). Le Tribunal considère ensuite – à tort selon moi – que l’arrêt Land Burgenland ne portait que sur l’application concrète du critère du vendeur privé ainsi que sur les éléments qui devaient être pris en compte dans le cadre de cette application (points 79 et 80 de l’arrêt attaqué).

79.

Cette incohérence ressort clairement de la conclusion du Tribunal. Ce dernier conclut qu’il appartient à la Commission, dans le cadre de son application du test juridique correct (le critère du créancier privé) aux mesures de 2012, de tirer éventuellement les conséquences pertinentes de l’arrêt Land Burgenland (point 81 de l’arrêt attaqué). Toutefois, si la Commission avait suivi l’arrêt Land Burgenland, le risque découlant d’une aide d’État antérieure n’aurait pas dû être pris en compte. Étant donné que, dans la présente affaire, la seule justification permettant d’invoquer le critère du créancier privé est la réduction des risques financiers, ce critère n’est, en tout état de cause, pas applicable.

80.

De manière plus générale, je ne partage pas la position du Tribunal, soutenue par FIH et FIH Holding dans leurs observations écrites, selon laquelle il convient d’interpréter le champ du critère de l’OEM parce qu’il serait illogique que l’État membre soit contraint de supporter une charge financière considérable pour son budget afin de respecter les règles sur le contrôle des aides d’État (point 67 de l’arrêt attaqué). Cette position se fonde sur la prémisse selon laquelle, si tel n’était pas le cas, la logique consistant à minimiser le risque de charge financière qui pèse sur le budget de l’État ne pourrait pas s’inscrire dans le cadre de référence du contrôle des aides d’État.

81.

Cette prémisse ne me semble pas correcte. Comme l’a fait observer la Commission au cours de l’audience, lorsqu’elle évalue la compatibilité d’aides d’État avec le marché intérieur, la Commission peut prendre en considération le caractère proportionné de l’intervention de l’État, en particulier en ce qui concerne les charges éventuelles qui auraient pu peser sur le budget si les mesures n’avaient pas été adoptées. Ce point est discutable dans la présente affaire puisque, en tout état de cause, la Commission a approuvé les mesures de 2012.

82.

Pour la même raison, je ne suis pas convaincu par l’argument soulevé par FIH et FIH Holding par lequel elles invoquent le principe de neutralité (article 345 TFUE) ( 36 ). Le principe énoncé dans l’arrêt Land Burgenland n’entraîne aucun risque de discrimination entre les secteurs public et privé, il délimite simplement le champ du critère de l’OEM dans le contexte des conséquences des actions entreprises par l’État en tant que puissance publique.

83.

En outre, je suis d’avis que la rationalité des actions de l’État liées aux charges éventuelles pour son budget qui résultent d’une aide d’État antérieure devrait être examinée dans le cadre du contrôle des aides d’État (lors de l’appréciation de la compatibilité de la mesure) – et ne devrait pas faire sortir la mesure de ce cadre de référence (en la qualifiant de mesure ne constituant pas une aide d’État).

84.

Enfin, si de telles mesures financières – qui tendent à minimiser les charges résultant d’une aide d’État antérieure – pouvaient échapper aux limites de la définition d’aide d’État et dès lors au cadre de contrôle des aides d’État, cela aurait des conséquences indésirables plus étendues.

85.

En premier lieu, cela signifierait qu’une fois que l’État a accordé une garantie, il pourrait continuer à apporter une aide supplémentaire en dehors du cadre de référence des aides d’État défini par le traité, à condition que l’entreprise bénéficiaire soit en difficultés et qu’il existe un risque d’exécution de la garantie.

86.

En second lieu, comme l’a soutenu la Commission lors de l’audience, une telle interprétation aurait pour conséquence non seulement de faire sortir certaines mesures de soutien financier du champ du contrôle des aides d’État, mais elle affecterait également le champ du cadre de référence en matière de redressement et de résolution de la directive 2014/59, qui est liée au rôle de l’union bancaire. L’application de ces mesures est notamment fondée sur le critère faisant référence à la nécessité d’un « soutien financier public exceptionnel » [article 32, paragraphe 4, sous d), lequel renvoie à son tour à la notion d’« aide d’État » (article 2, point 28)].

87.

Pour toutes ces raisons, je considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, au point 69 de l’arrêt attaqué, que la Commission a appliqué un test juridique incorrect dans la décision attaquée et qu’elle aurait dû examiner les mesures de 2012 à la lumière du principe du créancier privé en économie de marché afin de tenir compte des risques financiers résultant d’aides d’État antérieures.

88.

À la lumière de l’ensemble de ces considérations, je suis d’avis qu’il convient d’annuler l’arrêt attaqué et – en particulier parce que le Tribunal n’a pas examiné le deuxième moyen invoqué en première instance – de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

Conclusion

89.

Au vu de ce qui précède, je propose à la Cour d’accueillir le pourvoi, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, en réservant les dépens.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Arrêt du 15 septembre 2016, FIH Holding et FIH Erhvervsbank/Commission (T‑386/14, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:474).

( 3 ) Décision de la Commission du 11 mars 2014 concernant l’aide d’État SA.34445 (12/C) mise en œuvre par le Danemark en faveur de la cession des actifs de FIH liés à l’immobilier à FSC (JO 2014, L 357, p. 89, ci-après la « décision attaquée »).

( 4 ) Les expressions « opérateur en économie de marché » et « investisseur privé » sont utilisées de façon interchangeable. La Cour fait habituellement référence aux critères de l’« investisseur privé », du « créancier privé » ou du « vendeur privé ».

( 5 ) Arrêts du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission (C‑334/99, ci‑après « Gröditzer Stahlwerke », EU:C:2003:55) ; du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission (C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, ci-après « Land Burgenland », EU:C:2013:682) ; et du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep (C‑224/12 P, ci-après « ING », EU:C:2014:213).

( 6 ) Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190).

( 7 ) Communication de la Commission concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de la Communauté (JO 2009, C 72, p. 1) et communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er janvier 2012 , des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JO 2011, C 356, p. 7).

( 8 ) Les deux autres moyens, qui ne sont pas pertinents dans le cadre du présent pourvoi, étaient tirés d’erreurs dans le calcul du montant de l’aide et de la violation de l’obligation de motivation.

( 9 ) Arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415, points 74 et 75).

( 10 ) Arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post (C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 40).

( 11 ) Arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C‑39/94, EU:C:1996:285, point 60).

( 12 ) Arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (234/84, EU:C:1986:302, point 14), et du 24 septembre 1987, Acciaierie e Ferriere di Porto Nogaro/Commission (340/85, EU:C:1987:384, point 13). Voir également communication de la Commission sur la participation des autorités publiques dans les capitaux des entreprises (Bull. CE 9/1984).

( 13 ) Arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission (C‑303/88, EU:C:1991:136, point 20).

( 14 ) Voir, à cet égard, arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 79 et 103).

( 15 ) Arrêt du 14 septembre 1994, Espagne/Commission (C‑278/92 à C‑280/92, EU:C:1994:325, point 22).

( 16 ) Gröditzer Stahlwerke, point 138.

( 17 ) Gröditzer Stahlwerke, point 140, et conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Allemagne/Commission (C‑334/99, EU:C:2002:41, point 64). La République fédérale d’Allemagne avait présenté comme entrant dans le coût total de la liquidation une série de coûts d’associé qui étaient en fait des coûts pour l’État en tant que puissance publique.

( 18 ) Arrêt du 28 février 2012, Land Burgenland/Commission (T‑268/08 et T‑281/08, EU:T:2012:90, point 152).

( 19 ) Land Burgenland, point 52.

( 20 ) Arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 91 et 92) et Land Burgenland, point 53.

( 21 ) Land Burgenland, points 54 à 56.

( 22 ) Land Burgenland, point 50.

( 23 ) Voir Arnold, C., in Sacker, F., Montag, F. (éd.), European State Aid Law : A Commentary, C.H. Beck, Munich, 2016, p. 112.

( 24 ) ING, points 4 et 12.

( 25 ) Arrêt du 2 mars 2012, Pays-Bas/Commission (T‑29/10 et T‑33/10, EU:T:2012:98, point 125).

( 26 ) ING, point 37.

( 27 ) ING, points 34 à 36.

( 28 ) Voir décision de la Commission du 11 mai 2012 C(2012) 3150 final – aide d’État SA.28855 (N 373/2009) (ex C 10/2009 et ex N 528/2009) – Pays Bas/ING – aide à la restructuration.

( 29 ) Arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C‑39/94, EU:C:1996:285, point 58).

( 30 ) Conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Frucona Košice/Commission (C‑73/11 P, EU:C:2012:535, point 55).

( 31 ) Arrêts du 29 juin 1999, DM Transport (C‑256/97, EU:C:1999:332) ; du 14 septembre 2004, Espagne/Commission (C‑276/02, EU:C:2004:521), et du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission (C‑73/11 P, EU:C:2013:32).

( 32 ) Land Burgenland, point 57.

( 33 ) Ainsi, un passage de l’arrêt qui fait référence aux « perspectives d’obtenir le remboursement de cet apport » de capital (voir ING, point 36) envisage vraisemblablement la nécessité d’examiner si un investisseur privé raisonnable pourrait décider d’effectuer un investissement comparable, tel que modifié, dans la perspective d’obtenir le remboursement.

( 34 ) À cet égard, voir Land Burgenland, points 49 et 50.

( 35 ) Land Burgenland, points 54 à 56.

( 36 ) Voir point 28 des présentes conclusions.