CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 9 novembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑359/16

Ömer Altun,

Abubekir Altun,

Sedrettin Maksutogullari,

Yunus Altun,

Absa NV,

M. Sedat BVBA,

Alnur BVBA

contre

Openbaar Ministerie

[demande de décision préjudicielle formée par le Hof van Cassatie (Cour de cassation, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Travailleurs migrants – Sécurité sociale – Législation applicable – Règlement (CEE) no 1408/71 – Article 14, paragraphe 1, sous a) – Travailleurs détachés – Règlement (CEE) no 574/72 – Article 11, paragraphe 1 – Certificat E 101 – Caractère contraignant – Certificat obtenu ou invoqué de manière frauduleuse »

I. Introduction

1.

« Le droit cesse où l’abus commence ». Cette formule employée par le professeur de droit français, M. Marcel Ferdinand Planiol ( 2 ), identifie bien la problématique à laquelle fait face le Hof van Cassatie (Cour de cassation, Belgique) dans la présente affaire, qui s’inscrit dans une série ayant donné lieu à une jurisprudence désormais bien établie concernant le caractère contraignant du certificat E 101, attestant de l’affiliation au régime de sécurité sociale de l’État membre dont relève l’institution émettrice, d’un travailleur qui se déplace au sein de l’Union européenne ( 3 ).

2.

En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, aussi longtemps qu’il n’est pas retiré ou déclaré invalide, le certificat E 101 délivré par l’institution compétente d’un État membre, conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 574/72 ( 4 ) fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 ( 5 ), s’impose dans l’ordre juridique interne de l’État membre dans lequel le travailleur salarié se rend pour effectuer un travail et, partant, lie les institutions de ce dernier État membre. Il en découle qu’une juridiction de l’État membre d’accueil n’est pas habilitée à vérifier la validité d’un certificat E 101 au regard des éléments sur la base desquels il a été délivré ( 6 ).

3.

Par sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi interroge, en substance, la Cour sur l’applicabilité de cette jurisprudence dans l’hypothèse où il est constaté par une juridiction de l’État membre d’accueil que le certificat E 101 a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse ( 7 ).

4.

Dans les présentes conclusions, j’expliquerai les motifs pour lesquels je considère que le certificat E 101 ne s’impose pas à une juridiction de l’État membre d’accueil, lorsque celle‑ci constate que ledit certificat a été obtenu ou invoqué frauduleusement, et que, dans une telle hypothèse, ladite juridiction peut laisser inappliqué le certificat E 101 ( 8 ).

II. Le droit de l’Union

A.  Le règlement no 1408/71

5.

Inséré au sein du titre II du règlement no 1408/71, intitulé « Détermination de la législation applicable », l’article 13, intitulé « Règles générales », dispose, à son paragraphe 1 et à son paragraphe 2, sous a) :

« 1.   Sous réserve des articles 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

2.   Sous réserve des articles 14 à 17 :

a)

la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre État membre ».

6.

L’article 14, figurant dans le même titre du règlement no 1408/71, intitulé « Règles particulières applicables aux personnes autres que les gens de mer, exerçant une activité salariée », dispose, à son paragraphe 1, sous a) :

« La règle énoncée à l’article 13, paragraphe 2, point a), est appliquée compte tenu des exceptions et particularités suivantes :

1)

a)

la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre au service d’une entreprise dont elle relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le territoire d’un autre État membre afin d’y effectuer un travail pour le compte de celle‑ci, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas douze mois et qu’elle ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne parvenue au terme de la période de son détachement ».

7.

Le règlement no 1408/71 a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 883/2004 avec effet au 1er mai 2010 ( 9 ).

B.  Le règlement no 574/72

8.

Inséré dans le titre III du règlement no 574/72, intitulé « Application des dispositions du règlement relatives à la détermination de la législation applicable », l’article 11, intitulé « Formalités en cas de détachement d’un travailleur salarié, en application de l’article 14, paragraphe 1, et de l’article 14 ter, paragraphe 1, du règlement, et en cas d’accords conclus en application de l’article 17 du règlement », dispose, à son paragraphe 1, sous a) :

« L’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre dont la législation reste applicable délivre un certificat attestant que le travailleur salarié demeure soumis à cette législation et indiquant jusqu’à quelle date :

a)

à la demande du travailleur salarié ou de son employeur dans les cas visés à l’article 14, paragraphe 1, et à l’article 14 ter, paragraphe 1, du règlement ».

9.

Le règlement no 574/72 a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 987/2009 avec effet au 1er mai 2010 ( 10 ).

III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

10.

La Sociale Inspectie (Inspection sociale, Belgique) a diligenté une enquête sur l’emploi du personnel d’Absa NV, entreprise de droit belge active dans le secteur de la construction en Belgique. Cette enquête a établi qu’à partir de l’année 2008 Absa n’employait pratiquement pas de personnel et confiait la totalité des tâches manuelles en sous‑traitance à des entreprises bulgares. Ces entreprises bulgares n’avaient, pour ainsi dire, aucune activité en Bulgarie et détachaient des travailleurs afin de les faire travailleur en sous‑traitance en Belgique pour Absa, en partie avec l’intervention et la coopération d’autres sociétés belges. L’emploi des travailleurs concernés n’était pas déclaré auprès de l’institution belge chargée de la perception des cotisations de sécurité sociale, dès lors qu’ils disposaient des certificats E 101 délivrés par l’institution bulgare compétente, attestant de leur affiliation au système de sécurité sociale bulgare.

11.

Il ressort de la demande de décision préjudicielle que les autorités belges ont introduit auprès de l’institution bulgare compétente une demande motivée de retrait desdits certificats E 101, mais que cette dernière s’est abstenue de se prononcer sur cette demande. À cet égard, le gouvernement belge a précisé que la demande de retrait des certificats E 101 avait été envoyée à l’institution bulgare compétente le 12 novembre 2012 et que cette institution avait fourni, le 9 avril 2013, une réponse comportant « simplement un récapitulatif des certificats E 101 délivrés, leur durée de validité et la notification que les conditions du détachement étaient administrativement remplies au moment de la demande des certificats E 101 en cause par les différentes entreprises bulgares, sans examen ni prise en compte des faits constatés et établis en Belgique ».

12.

Les autorités belges ont introduit des poursuites judiciaires à l’encontre des requérants au principal, M. Ömer Altun, M. Abubekir Altun, M. Sedrettin Maksutogullari, M. Yunus Altun, Absa, M. Sedat BVBA et Alnur BVBA (ci‑après, conjointement, « Altun e.a. »), en leur qualité d’employeur, préposé, ou mandataires, premièrement, pour avoir fait ou laisser travailler des ressortissant étrangers qui ne sont pas admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois en Belgique ou à s’y établir, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation d’emploi à cet égard, deuxièmement, pour s’être abstenus, lors de l’entrée en service de travailleurs, de faire auprès de l’institution chargée de la perception des cotisations de sécurité sociale la déclaration requise par la loi, et troisièmement, pour s’être abstenus d’affilier les travailleurs à l’Office national de la sécurité sociale (Belgique).

13.

Par jugement du 27 juin 2014, le correctionele rechtbank Limburg, afdeling Hasselt (tribunal correctionnel du Limbourg, section de Hasselt, Belgique) a acquitté Altun e.a. Il ressort des observations écrites du gouvernement belge que l’acquittement des intéressés se fondait sur le constat selon lequel « l’occupation des travailleurs bulgares était complètement couverte par les formulaires E 101/A1, à ce jour régulièrement et légalement délivrés ». Le ministère public a interjeté appel de ce jugement.

14.

Par arrêt du 10 septembre 2015, le Hof van beroep Antwerpen (cour d’appel d’Anvers, Belgique) a condamné les intéressés. À cet égard, la juridiction de renvoi indique que les juges d’appel ont constaté que « les certificats E 101 ont été obtenus frauduleusement au moyen d’une présentation des faits ne correspondant pas à la réalité, visant à éluder les conditions auxquelles la réglementation communautaire subordonne le détachement, et à obtenir ainsi un avantage qui n’aurait pas été consenti sans ce montage frauduleux ».

15.

Les requérants se sont pourvus en cassation contre cet arrêt devant le Hof van Cassatie (Cour de cassation) qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Un juge autre que celui de l’État membre d’envoi peut‑il annuler ou écarter un certificat E 101 délivré en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement [...] no 574/72 [...], tel qu’applicable avant son abrogation par l’article 96, paragraphe 1, du règlement [...] [no] 987/2009 [...], si les faits soumis à son appréciation permettent de constater que ledit certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse ? »

16.

Des observations écrites ont été déposées par Altun e.a., par les gouvernements belge, irlandais, français, hongrois et polonais, ainsi que par la Commission européenne. Lors de l’audience qui s’est tenue le 20 juin 2017, les mêmes parties et intéressés ont présenté des observations orales.

IV. Analyse

A.  Sur l’objet de la demande de décision préjudicielle et les dispositions du droit de l’Union à interpréter

17.

À titre liminaire, il convient de constater que la question préjudicielle concerne l’interprétation de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 574/72, « tel qu’applicable avant son abrogation par l’article 96, paragraphe 1, du règlement [...] [no] 987/2009 [...] ».

18.

Le gouvernement belge fait cependant valoir que la question préjudicielle doit être étendue à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 987/2009. Ces dispositions seraient, en effet, également applicables ratione temporis, à l’affaire au principal, puisque les faits pour lesquels les requérants au principal sont poursuivis se seraient pour partie produits après le 1er mai 2010, à savoir la date à laquelle ledit règlement a abrogé et remplacé le règlement no 574/72 ( 11 ).

19.

Or, il convient de constater que, dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi n’indique pas la période précise à laquelle les faits du litige au principal se rapportent. Dans ces conditions, je considère que la Cour ne dispose pas d’éléments factuels suffisants pour étendre sa réponse à d’autres dispositions que celles visées par la question préjudicielle ( 12 ). Dans les présentes conclusions, je me limiterai donc à interpréter les dispositions des règlements nos 1408/71 et 574/72.

20.

Je tiens toutefois à signaler que, à mon sens, la réponse que je propose d’apporter, quant à l’interprétation de l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71 et de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 574/72, est pleinement transposable à l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 883/2004 et à l’article 5, paragraphe 1, et à l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 987/2009. À cet égard, il convient de constater, d’une part, que, sous l’empire des nouveaux règlements, l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 883/2004 a remplacé, en substance, l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71, alors que l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 987/2009 a remplacé, en substance, l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 574/72 ( 13 ). D’autre part, ainsi que la Cour l’a constaté, le règlement no 987/2009, actuellement en vigueur, a codifié la jurisprudence de la Cour, en consacrant, notamment, le caractère contraignant du certificat E 101 et la compétente exclusive de l’institution émettrice quant à l’appréciation de la validité dudit certificat ( 14 ). En effet, l’article 5 du règlement no 987/2009, intitulé « Valeur juridique des documents et pièces justificatives établis dans un autre État membre », prévoit, à son paragraphe 1, que les documents établis par l’institution d’un État membre qui attestent de la situation d’une personne aux fins de l’application des règlements nos 883/2004 et 987/2009, ainsi que les pièces justificatives y afférentes, s’imposent aux institutions des autres États membres aussi longtemps qu’ils ne sont pas retirés ou déclarés invalides par l’État membre où ils ont été établis.

21.

Par ailleurs, j’estime utile d’attirer l’attention de la Cour sur la procédure législative en cours visant à modifier les règlements nos 883/2004 et 987/2009 sur la base d’une proposition présentée par la Commission le 13 décembre 2016 ( 15 ). Parmi les modifications proposées par la Commission figure, notamment, l’inclusion, à l’article 1er du règlement no 987/2009, d’une définition de la notion de « fraude » ( 16 ) ainsi que, à l’article 5, paragraphes 1 et 2, dudit règlement, des délais précis pour le réexamen par l’institution émettrice du bien‑fondé de la délivrance du certificat E 101 et, le cas échéant, le retrait ou la rectification dudit certificat, à la demande d’une institution compétente d’un autre État membre ( 17 ). Si ces travaux législatifs n’ont pas une incidence directe sur l’analyse à réaliser dans la présente affaire qui porte uniquement sur l’interprétation des dispositions des règlements nos 1408/71 et 574/72, désormais abrogées, elles se rattachent, selon moi, au contexte juridique dans lequel s’inscrit la présente affaire.

22.

Enfin, je crois utile de formuler quelques remarques concernant la proposition de « solution alternative », présentée par la Commission lors de l’audience, en ce qui concerne la problématique que soulève la présente affaire. Elle considère, en effet, que la question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi n’est pas la plus pertinente et qu’il serait préférable que la Cour détermine si les circonstances du cas d’espèce témoignent d’un « véritable détachement » au sens de l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71 et, partant, si les certificats E 101 concernés ont été correctement émis par l’institution bulgare compétente ( 18 ). Dans ce contexte, la Commission estime que, au cas où la Cour répondrait à ces questions par la négative, les institutions belges compétentes pourraient demander, sur la base de l’arrêt de la Cour, à l’institution bulgare compétente de retirer les certificats E 101 ou de les déclarer invalides, et que ladite institution serait, le cas échéant, tenue d’agir. En revanche, si la Cour devait confirmer la régularité desdits certificats, le litige au principal s’éteindrait.

23.

La solution proposée par la Commission n’emporte pas ma conviction, et ce pour les motifs suivants.

24.

En premier lieu, je considère que cette solution n’est pas conforme à l’article 267 TFUE. Pour rappel, en vertu de l’article 267 TFUE, fondé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, celle‑ci est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union, à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale et que, en revanche, il appartient à cette dernière d’appliquer les règles de droit de l’Union à un cas concret. Par conséquent, la Cour n’est pas compétente pour trancher les faits au principal ou pour appliquer à des mesures ou à des situations nationales les règles de l’Union dont elle a donné l’interprétation, ces questions relevant de la compétence exclusive de la juridiction nationale ( 19 ). Or, l’approche proposée par la Commission implique, à mes yeux, que la Cour procède à une qualification juridique des données factuelles du cas d’espèce, ce qui ne relève pas de sa compétence ( 20 ).

25.

En deuxième lieu, j’estime que la solution proposée par la Commission aboutit, en réalité, à modifier l’objet et la nature de la présente affaire. En effet, alors que la question posée par la juridiction de renvoi porte sur la compétence dont dispose une juridiction de l’État membre d’accueil en vue de laisser inappliqué un certificat E 101 en cas de fraude, la Commission suggère à la Cour de répondre à une question bien différente, à savoir celle de la régularité de l’émission des certificats E 101 concernés. Or, cette question devrait plutôt être abordée dans le cadre d’une procédure en manquement, engagée conformément aux articles 258 ou 259 TFUE.

26.

En troisième lieu, à supposer même que la Cour constate que les conditions de détachement prévues à l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71 ne sont pas satisfaites dans le cas d’espèce, la juridiction de renvoi demeure obligée, ainsi que l’admet d’ailleurs la Commission, de tenir compte des certificats E 101, avant que l’institution bulgare compétente ne les ait annulés ou retirés. La solution proposée par la Commission n’est donc pas susceptible de régler la situation à laquelle fait face la juridiction de renvoi.

27.

Je considère, dès lors, qu’il n’y a pas lieu de reformuler la question préjudicielle.

B.  Sur la question préjudicielle

28.

Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si une juridiction de l’État membre d’accueil peut annuler ou écarter un certificat E 101 délivré en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 574/72, si les faits soumis à son appréciation permettent de constater que ledit certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse. En d’autres termes, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour de préciser si l’effet contraignant que la jurisprudence de la Cour attache d’ordinaire à un certificat E 101 s’impose à une juridiction de l’État membre d’accueil dans l’hypothèse d’une fraude constatée par cette juridiction ( 21 ).

29.

Les gouvernements belge et français considèrent, à cet égard, qu’il convient de reconnaître la possibilité pour une juridiction de l’État membre d’accueil de laisser inappliqué le certificat E 101 en cas de fraude. En revanche, Altun e.a., les gouvernements irlandais, hongrois et polonais ainsi que la Commission font valoir, en substance, qu’un certificat E 101 délivré par l’institution compétente d’un autre État membre lie une juridiction de l’État membre d’accueil, même lorsqu’il est constaté par cette dernière que ledit certificat a été obtenu ou invoqué frauduleusement.

30.

Avant d’entamer l’examen de la question posée par la juridiction de renvoi, je crois utile de rappeler brièvement la jurisprudence de la Cour relative au caractère contraignant du certificat E 101 ainsi que les principes qui sous‑tendent cette jurisprudence (première section).

31.

J’examinerai ensuite la question posée par la juridiction de renvoi. Premièrement, j’expliquerai les motifs pour lesquels je considère que la jurisprudence relative au caractère contraignant du certificat E 101 ne saurait s’appliquer, lorsqu’il est constaté par une juridiction de l’État membre d’accueil que le certificat E 101 a été obtenu ou invoqué frauduleusement et que, dans une telle hypothèse, cette juridiction peut laisser inappliqué ledit certificat (deuxième section). Deuxièmement, j’exposerai quelques considérations quant à la constatation d’une fraude par une juridiction de l’État membre d’accueil (troisième section). Enfin, j’aborderai les arguments invoqués dans la présente affaire à l’encontre de la solution que je propose à la Cour d’adopter (quatrième section).

1. Sur la jurisprudence de la Cour relative au caractère contraignant du certificat E 101

32.

Le caractère contraignant du certificat E 101 ressort d’une jurisprudence bien établie de la Cour. La Cour a notamment constaté que, aussi longtemps qu’il n’est pas retiré ou déclaré invalide, le certificat E 101 s’impose dans l’ordre juridique interne de l’État membre dans lequel le travailleur salarié se rend pour effectuer un travail et, partant, lie les institutions de ce dernier État membre ( 22 ). Il s’ensuit, d’une part, que l’institution compétente de l’État membre dans lequel le travailleur effectue un travail doit tenir compte du fait que ce dernier est déjà soumis à la législation de sécurité sociale de l’État membre où est établie l’entreprise qui l’emploie et cette institution ne saurait, par conséquent, soumettre le travailleur en question à son propre régime de sécurité sociale. D’autre part, une juridiction de l’État membre d’accueil n’est pas habilitée à vérifier la validité d’un certificat E 101 au regard des éléments sur la base desquels il a été délivré ( 23 ).

33.

Or, la Cour a constaté que le principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, impose à l’institution émettrice du certificat E 101 de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents pour l’application des règles relatives à la détermination de la législation applicable en matière de sécurité sociale et, partant, de garantir l’exactitude des mentions figurant dans le certificat E 101. Dans ce contexte, il incombe à ladite institution de reconsidérer le bien‑fondé de la délivrance du certificat E 101 et, le cas échéant, de retirer ce certificat lorsque l’institution compétente de l’État membre d’accueil émet des doutes quant à l’exactitude des faits qui sont à la base dudit certificat et, partant, des mentions qui y figurent, notamment parce que celles‑ci ne correspondent pas aux exigences prévues à la disposition du règlement no 1408/71 au titre de laquelle ledit certificat a été délivré ( 24 ).

34.

Dans l’hypothèse où les institutions compétentes des États membres concernés ne parviendraient pas à se mettre d’accord sur la détermination de la législation applicable dans le cas en question, il leur est loisible d’en appeler à la commission administrative. Si cette commission ne parvient pas à concilier les points de vue des institutions concernées, il reste la possibilité, sans préjudice des éventuelles voies de recours de nature juridictionnelle existant dans l’État membre dont relève l’institution émettrice, d’engager une procédure en manquement, conformément à l’article 259 TFUE ( 25 ).

35.

Comme je l’ai exposé dans mes conclusions dans l’affaire A‑Rosa Flussschiff , le certificat E 101 a pour objectif d’assurer le respect du principe d’unicité de la législation applicable, énoncé à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, en visant à éviter, dans des cas précis, l’émergence de conflits de compétences découlant d’une appréciation divergente de la législation de sécurité sociale applicable ( 26 ). À cet égard, le certificat E 101 contribue à assurer la sécurité juridique des travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de l’Union et, partant, à faciliter la libre circulation des travailleurs et la libre prestation des services au sein de l’Union, ce qui constitue l’objectif poursuivi par le règlement no 1408/71.

36.

Selon moi, il résulte de la jurisprudence de la Cour relative au caractère contraignant du certificat E 101 que les dispositions du titre II du règlement no 1408/71 relatives à la détermination de la législation applicable établissent non seulement un système de conflit de lois, mais instaurent également un système de répartition des compétences entre les États membres, en ce sens que l’institution émettrice du certificat E 101 est seule compétente pour apprécier la validité dudit certificat et pour déterminer, soit de sa propre initiative, soit en réponse à une demande présentée par l’institution compétente d’un autre État membre, si, eu égard aux informations recueillies concernant la situation du travailleur concerné, il y a lieu de retirer ou d’annuler ledit certificat, ce qui aurait pour effet que ce certificat ne s’imposerait plus aux institutions compétentes et aux juridictions des autres États membres ( 27 ). La solution inverse impliquerait le risque de se trouver confronté à des décisions contraires quant à la législation applicable dans un cas précis et, partant, le risque d’une double couverture de sécurité sociale, avec toutes les conséquences qui en découleraient, notamment l’assujettissement du travailleur à une double cotisation ( 28 ).

37.

Le caractère contraignant du certificat E 101 repose, en outre, sur le principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE. En effet, la Cour a constaté que les obligations de coopération découlant de ladite disposition ne seraient pas respectées si l’institution compétente de l’État membre d’accueil considérait qu’elle n’est pas liée par les mentions du certificat E 101 ( 29 ).

38.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt A‑Rosa Flussschiff ( 30 ), la Cour de cassation (France) a interrogé la Cour, en substance, sur l’applicabilité de sa jurisprudence relative au caractère contraignant du certificat E 101 à des situations où il est constaté que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de la disposition au titre de laquelle le certificat E 101 a été délivré. La Cour a répondu à cette question par l’affirmative. À cet égard, elle a jugé que le fait que les travailleurs concernés ne relevaient manifestement pas du champ d’application de l’article 14 du règlement no 1408/71 ne modifiait en rien les considérations sous‑jacentes à sa jurisprudence relative au caractère contraignant du certificat E 101 ( 31 ).

39.

Il importe toutefois de relever que, dans l’affaire A‑Rosa Flussschiff ( 32 ), contrairement à la présente affaire, la Cour de cassation n’avait fourni aucune indication, dans sa demande de décision préjudicielle, en ce sens que les faits dont elle était saisie témoignaient de l’existence d’une fraude. Cela constituait un facteur déterminant pour mon analyse de l’affaire. Je suis ainsi parti de la prémisse selon laquelle la question posée par ladite juridiction ne tendait pas à obtenir des précisions concernant l’applicabilité de la jurisprudence de la Cour sur l’effet contraignant du certificat E 101 en cas de fraude ( 33 ). De même, dans l’arrêt rendu par la suite dans cette affaire, la Cour n’a pas abordé cette question, mais s’est limitée à se prononcer sur la situation dans laquelle les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application de la disposition du règlement no 1408/71 au titre de laquelle le certificat E 101 a été délivré.

40.

La question posée par la juridiction de renvoi dans la présente affaire est donc inédite. À cet égard, la Cour est invitée à déterminer si les considérations sous‑jacentes à sa jurisprudence relative au caractère contraignant du certificat E 101 valent également dans l’hypothèse d’une fraude constatée par une juridiction de l’État membre d’accueil.

41.

Je tiens à indiquer dès à présent qu’à mes yeux cette question appelle une réponse négative. Je considère, en effet, pour les motifs exposés ci‑après, que la jurisprudence existante de la Cour relative au caractère contraignant E 101 ne saurait être étendue jusqu’à couvrir une situation, telle que celle en cause au principal, où il est constaté par une juridiction de l’État membre d’accueil que ledit certificat a été obtenu ou invoqué frauduleusement, et qu’il convient de reconnaître à cette juridiction la possibilité, dans une telle situation, de laisser inappliqué le certificat E 101.

2. Sur l’impératif de la lutte contre la fraude

42.

Il est de jurisprudence constante de la Cour que les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union et que les juridictions nationales peuvent, au cas par cas, en se fondant sur des éléments objectifs, tenir compte du comportement abusif ou frauduleux des personnes concernées pour leur refuser, le cas échéant, le bénéfice des dispositions dudit droit, en prenant en considération les objectifs poursuivis par les dispositions du droit de l’Union en cause ( 34 ). Ce principe constitue, à mon avis, un principe général du droit de l’Union ( 35 ) qui s’impose indépendamment de toute mise en œuvre dans la législation européenne ou nationale ( 36 ). À mon sens, il découle de ce principe qu’un juge national qui est confronté à un usage frauduleux des dispositions du droit de l’Union a non seulement la faculté, mais également le devoir, en tant que juridiction de l’Union, de lutter contre la fraude, en refusant aux intéressés le bénéfice desdites dispositions ( 37 ).

43.

Il s’ensuit, selon moi, que, dans une situation, telle que celle en cause au principal, où il est constaté par une juridiction de l’État membre d’accueil que le certificat E 101 a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse, il incombe à cette juridiction de refuser aux intéressés le bénéfice découlant dudit certificat et, partant, de la disposition du droit de l’Union au titre de laquelle ledit certificat a été délivré, à savoir, en l’espèce, l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71. Cela implique que, dans une telle situation, les intéressés ne peuvent pas se prévaloir de l’exception prévue à ladite disposition et que la règle générale, énoncée à l’article 13, paragraphe 2, sous a), dudit règlement, en vertu duquel le travailleur est soumis à la législation de l’État membre sur le territoire duquel il exerce son activité salariée (lex loci laboris), trouve à s’appliquer ( 38 ).

44.

La solution inverse conduirait, selon moi, à un résultat inacceptable. En effet, le fait de maintenir le caractère contraignant du certificat E 101, dans l’hypothèse d’une fraude constatée par une juridiction de l’État membre d’accueil, impliquerait, d’une part, que les responsables de la fraude pourraient tirer bénéfice de leurs comportements frauduleux et, d’autre part, qu’une telle juridiction devrait, dans certains cas, tolérer, voire cautionner, la fraude.

45.

Dans ce contexte, je rappelle que, dans l’affaire FTS, l’avocat général Jacobs a relevé que, si l’État membre d’accueil « peut démontrer que le certificat a été obtenu frauduleusement, l’autorité émettrice ne devrait pas avoir de problème à retirer son certificat » ( 39 ). Il convient de constater, à cet égard, que, pour autant que l’institution émettrice procède à l’annulation ou au retrait du certificat E 101 sur la foi des éléments présentés par les autorités de l’État membre d’accueil témoignant de l’existence d’une fraude, la saisine des juridictions de cet État membre d’accueil serait effectivement superflue. Or, des situations peuvent se produire, comme l’illustre la présente affaire, dans lesquelles l’institution émettrice du certificat E 101 s’abstient, pour quelque raison que ce soit, d’annuler ou de retirer ledit certificat, bien que les autorités de sécurité sociale de l’État membre d’accueil lui aient présenté des éléments qui témoignent de l’existence d’une fraude ( 40 ). Obliger, dans de telles circonstances, une juridiction de l’État membre d’accueil à tenir compte du certificat E 101 en dépit du constat selon lequel ce certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse équivaudrait à obliger ladite juridiction à fermer les yeux sur la fraude. En tout état de cause, je considère que la possibilité éventuelle que l’institution émettrice puisse procéder à l’annulation ou au retrait du certificat E 101 ne saurait avoir d’incidence sur la compétence dont dispose une juridiction de l’État membre d’accueil pour laisser inappliqué le certificat E 101, lorsqu’elle dispose des éléments suffisants afin de constater que ledit certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse ( 41 ).

46.

En outre, des considérations d’ordre socioéconomique militent également pour accorder la priorité à la lutte contre la fraude dans une telle situation. En effet, dans le contexte du système de conflit de lois établi par les dispositions du titre II du règlement no 1408/71, la fraude liée à la délivrance des certificats E 101 représente une menace pour la cohérence des régimes de sécurité sociale des États membres ( 42 ). À cet égard, je considère que les États membres ont un intérêt légitime à prendre les mesures appropriées pour protéger leurs intérêts financiers et assurer l’équilibre financier de leurs régimes de sécurité sociale ( 43 ). En outre, l’utilisation des certificats E 101 obtenus ou invoqués de manière frauduleuse constitue, à mes yeux, une forme de concurrence déloyale et met en cause l’égalité des conditions de travail sur les marchés de travail nationaux.

47.

Il importe toutefois de souligner que le refus, par une juridiction de l’État membre d’accueil, d’accorder le bénéfice découlant d’un certificat E 101 et, partant, de la disposition au titre de laquelle ledit certificat a été délivré, ne saurait avoir lieu qu’en cas de fraude dûment établie. Il est, en effet, impératif d’éviter que la solution que je propose ne soit détournée de manière à mettre en péril l’ensemble du système de conflit de lois établi par les dispositions du titre II du règlement no 1408/71. En d’autres termes, je considère que la lutte contre la fraude ne saurait remettre en cause le caractère contraignant d’un certificat E 101 délivré par l’institution compétente d’un autre État membre, conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 574/72, que dans des circonstances bien spécifiques qui seront décrites ci‑après.

3. Sur la constatation d’une fraude

48.

Il convient de constater que les règlements nos 1408/71 et 574/72 ne contiennent pas de définition de la « fraude » aux fins de l’application desdits règlements ( 44 ). En l’absence d’une telle définition, il appartient à la Cour de délimiter les cas de fraude dans lesquels une juridiction de l’État membre d’accueil peut laisser inappliqué un certificat E 101 délivré par l’institution compétente d’un autre État membre.

49.

Selon moi, la constatation d’une fraude requiert la réunion d’un élément objectif et d’un élément subjectif. L’élément objectif consiste dans le fait que les conditions requises aux fins de l’obtention de l’avantage recherché, à savoir, dans le contexte actuel, les conditions prévues à la disposition du titre II du règlement no 1408/71 au titre de laquelle le certificat E 101 a été délivré, ne sont, en réalité, pas satisfaites ( 45 ).

50.

Ce constat n’est toutefois pas suffisant pour conclure à l’existence d’une fraude permettant à une juridiction de l’État membre d’accueil de laisser inappliqué le certificat E 101. En effet, on se souvient que la Cour a constaté, dans l’arrêt A‑Rosa Flussschiff, que le certificat E 101 s’impose aux institutions et aux juridictions de l’État membre d’accueil, même lorsqu’il est constaté que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de la disposition du règlement no 1408/71 au titre de laquelle le certificat E 101 a été délivré ( 46 ). Une telle situation peut, en effet, résulter d’une (simple) erreur, de nature factuelle ou juridique, lors de la délivrance du certificat E 101, ou d’un changement de la situation du travailleur concerné ( 47 ).

51.

Pour conclure à l’existence d’une fraude, il est également nécessaire, selon moi, qu’il soit établi que les intéressés ont eu l’intention de dissimuler le fait que les conditions de délivrance du certificat E 101 n’étaient, en réalité, pas satisfaites, en vue d’obtenir l’avantage découlant dudit certificat ( 48 ). Cette intention frauduleuse constitue à mes yeux l’élément subjectif, lequel permet de distinguer la fraude de la simple constatation selon laquelle les conditions prévues à la disposition du titre II du règlement no 1408/71 au titre de laquelle le certificat E 101 a été délivré ne sont pas satisfaites. La preuve de l’existence d’une telle intention frauduleuse peut consister en une action volontaire, notamment une présentation erronée de la situation réelle du travailleur détaché ou de l’entreprise détachant ledit travailleur, ou en une omission volontaire, telle que la non‑divulgation d’une information pertinente.

52.

Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, dans le cas d’espèce, l’inspection sociale belge a établi que les entreprises bulgares concernées détachant des travailleurs en Belgique n’avaient, pour ainsi dire, aucune activité en Bulgarie ( 49 ). Or, selon la jurisprudence de la Cour, seule une entreprise qui exerce habituellement des activités significatives sur le territoire de l’État membre d’établissement peut bénéficier de l’avantage offert par l’exception prévue à l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71 ( 50 ). Il apparaît donc, sous réserve de vérification par le juge national, qu’une des conditions prévues à l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71, au titre de laquelle les certificats E 101 concernés ont été délivrés, n’était pas satisfaite ( 51 ).

53.

Il ressort, en outre, de la demande de décision préjudicielle que les juges d’appel ont constaté que « les certificats E 101 ont été obtenus frauduleusement au moyen d’une présentation des faits ne correspondant pas à la réalité, visant à éluder les conditions auxquelles la réglementation communautaire subordonne le détachement, et à obtenir ainsi un avantage qui n’aurait pas été consenti sans ce montage frauduleux » ( 52 ). À cet égard, le gouvernement belge a précisé, lors de l’audience, qu’en l’espèce la fraude consistait en la création en Bulgarie d’entreprises « boîtes aux lettres » qui n’avaient pas ou très peu d’activité, en vue de pouvoir, au premier chef, demander des certificats E 101 et, par la suite, détacher des travailleurs salariés en Belgique, alors que les cotisations resteraient payées en Bulgarie.

54.

Il appartient au juge national de vérifier si, dans le cas d’espèce, les éléments objectif et subjectif requis pour conclure à l’existence d’une fraude sont réunis. À cet égard, il doit tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, y compris des informations éventuellement fournies par l’institution émettrice du certificat E 101 ( 53 ).

55.

Je tiens à préciser que la fraude doit être établie dans le cadre d’une procédure contradictoire assortie de garanties légales pour les intéressés et dans le respect de leurs droits fondamentaux, en particulier du droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Dans ce contexte, il appartient aux autorités compétentes d’apporter la preuve de l’existence d’une fraude, à savoir établir à suffisance de droit, d’une part, que les conditions prévues à la disposition du titre II du règlement no 1408/71, au titre de laquelle le certificat E 101 a été délivré, ne sont pas satisfaites en l’espèce (élément objectif) et, d’autre part, que les intéressés ont intentionnellement dissimulé le fait que ces conditions n’étaient pas remplies (élément subjectif). Ce n’est que dans ces circonstances spécifiques qu’une juridiction de l’État membre d’accueil peut conclure à l’existence d’une fraude, permettant à cette juridiction de laisser inappliqué le certificat E 101.

56.

Je tiens encore à préciser les conséquences juridiques de la constatation d’une fraude par une juridiction de l’État membre d’accueil. Premièrement, étant donné que le certificat E 101 constitue un document émanant d’une institution d’un autre État membre, je considère qu’une juridiction de l’État membre d’accueil ne saurait, même en cas de fraude, se voir reconnaître la compétence d’annuler ou de déclarer invalide ce certificat. Sa compétence se limite à laisser inappliqué ledit certificat. Deuxièmement, il me semble évident que la constatation d’une fraude par une juridiction de l’État membre d’accueil ne saurait produire des effets qu’à l’égard des autorités compétentes de cet État membre.

Conclusion intermédiaire

57.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je suis d’avis que, dans une situation telle que celle en cause au principal, où il est constaté par une juridiction de l’État membre d’accueil qu’un certificat E 101 délivré en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 a été obtenu ou invoqué frauduleusement, cette juridiction peut laisser inappliqué ledit certificat. Pour conclure à l’existence d’une fraude, justifiant que le certificat E 101 soit laissé inappliqué, il convient d’établir, d’une part, que les conditions prévues à la disposition du titre II du règlement no 1408/71, au titre de laquelle le certificat E 101 a été délivré, ne sont pas satisfaites en l’espèce (élément objectif) et, d’autre part, que les intéressés ont intentionnellement dissimulé le fait que ces conditions ne sont pas remplies (élément subjectif).

58.

Cette conclusion n’est, selon moi, pas susceptible d’être remise en cause par les arguments invoqués à son encontre par les parties et les intéressés ayant soumis des observations à la Cour. J’aborderai ces arguments ci‑après.

4. Sur les arguments contraires invoqués

59.

Un certain nombre d’arguments ont été invoqués, dans la présente affaire, à l’encontre de la solution que je propose à la Cour d’adopter.

60.

En premier lieu, les gouvernements irlandais, hongrois et polonais ont invoqué la codification, dans l’article 5 du règlement no 987/2009, de la jurisprudence de la Cour relative au caractère contraignant du certificat E 101 ( 54 ), en faisant valoir, en substance, que cette circonstance empêcherait la Cour de procéder à un infléchissement de ladite jurisprudence.

61.

Cet argument ne saurait prospérer.

62.

Il convient, tout d’abord, de constater que, lors de l’adoption du règlement no 987/2009, la question de la fraude n’a pas été abordée, et encore moins tranchée, par le législateur de l’Union ( 55 ). En l’absence de toute indication contraire dans le texte du règlement, il convient de supposer, selon moi, que le législateur de l’Union a simplement voulu codifier la jurisprudence existante de la Cour relative au caractère contraignant du certificat E 101 ( 56 ). Or, comme je l’ai déjà exposé ci‑dessus, la Cour n’a pas eu encore l’occasion de se prononcer sur l’effet contraignant d’un certificat E 101 dans une situation, telle que celle en cause au principal, où il est constaté par une juridiction de l’État membre d’accueil que ledit certificat a été obtenu ou invoqué frauduleusement ( 57 ). La solution que je préconise n’implique donc aucune modification de la jurisprudence antérieure de la Cour, telle que codifiée par le règlement no 987/2009, mais se limite à préciser la portée de cette jurisprudence, et, notamment, son applicabilité dans une configuration inédite, à savoir celle d’une fraude constatée par une juridiction de l’État membre d’accueil. Il s’ensuit que la codification de la jurisprudence de la Cour relative au caractère contraignant du certificat E 101, dans le règlement no 987/2009, ne fait pas obstacle à ce que la Cour reconnaisse la possibilité pour une juridiction de l’État membre d’accueil de laisser inappliqué le certificat E 101, lorsqu’il est constaté par cette juridiction que ledit certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse.

63.

En deuxième lieu, les gouvernements irlandais, hongrois et polonais ainsi que la Commission invoquent le principe d’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale, énoncé à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, et, dans ce contexte, le principe de sécurité juridique ( 58 ).

64.

En ce qui concerne, premièrement, le principe d’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale, énoncé à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, il y a lieu de reconnaître que la solution que je préconise implique, en principe, la possibilité d’une application simultanée, au moins temporairement, de plusieurs législations nationales. En effet, dans l’hypothèse où une juridiction de l’État membre d’accueil conclut à l’existence d’une fraude, conformément aux principes exposés aux points 48 à 56 des présentes conclusions, et laisse inappliqué le certificat E 101, sans que l’institution émettrice procède, en parallèle, à l’annulation ou au retrait dudit certificat, le travailleur concerné et son employeur risquent de se retrouver dans une situation de double couverture de sécurité sociale ( 59 ). Je considère cependant que ce risque est inhérent à la constatation d’une fraude. En d’autres termes, je considère que, dans une telle hypothèse, l’impératif d’assurer que les intéressés ne tirent aucun bénéfice des comportements frauduleux doit nécessairement prévaloir sur le principe d’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale ( 60 ).

65.

Dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, il incombe à l’institution émettrice du certificat E 101, conformément au principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, de reconsidérer le bien‑fondé de la délivrance dudit certificat et, le cas échéant, de le retirer lorsque l’institution compétente de l’État membre d’accueil émet des doutes quant à l’exactitude des faits qui sont à la base dudit certificat et, partant, des mentions qui y figurent, notamment parce que celles‑ci ne correspondent pas aux exigences prévues à la disposition du règlement no 1408/71 en vertu de laquelle ledit certificat a été délivré ( 61 ). Je considère que cela vaut à plus forte raison encore dans l’hypothèse où est constaté par une juridiction de l’État membre d’accueil que le certificat E 101 a été obtenu ou invoqué frauduleusement ( 62 ). Or, dans l’hypothèse où l’institution émettrice du certificat E 101 procède à l’annulation ou au retrait dudit certificat, l’unicité de la législation applicable en matière de sécurité social sera (à nouveau) assurée.

66.

En ce qui concerne, deuxièmement, le principe de sécurité juridique, je considère que, dans l’hypothèse où il est constaté par une juridiction de l’État membre d’accueil que le certificat E 101 a été obtenu ou invoqué frauduleusement, les auteurs et/ou les bénéficiaires de la fraude ne sauraient se prévaloir du principe de protection de sécurité juridique afin de s’opposer au refus d’octroi du bénéfice dudit certificat et de l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71 ( 63 ). Dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, un tel refus ne revient pas à imposer ex nihilo une obligation au particulier concerné, mais n’est que la simple conséquence de la constatation selon laquelle les conditions objectives requises aux fins de l’obtention de l’avantage recherché ne sont, en réalité, pas satisfaites ( 64 ).

67.

Enfin, en troisième lieu, Altun e.a., les gouvernements irlandais, hongrois et polonais, ainsi que la Commission invoquent le principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, et l’existence d’une procédure particulière pour régler les différends concernant la détermination de la législation applicable, en vertu des dispositions du titre II du règlement no 1408/71, dans un cas précis ( 65 ), en faisant valoir, en substance, que la possibilité pour une juridiction de l’État membre d’accueil de laisser inappliqué le certificat E 101 en cas de fraude serait inconciliable avec le respect dudit principe et de ladite procédure.

68.

Cet argument n’emporte pas ma conviction.

69.

Comme je l’ai déjà exposé, je considère que, dans l’hypothèse d’une fraude constatée par une juridiction de l’État membre d’accueil, cette juridiction est tenue, en tant que juridiction de l’Union, de refuser le bénéfice découlant du certificat E 101 ( 66 ). À cet égard, sa capacité de satisfaire à ce devoir ne saurait dépendre ni de la volonté de l’institution émettrice de procéder à l’annulation ou au retrait dudit certificat ni du déroulement d’une procédure particulière qui a, au reste, été conçue, me semble‑t‑il, pour traiter des situations bien différentes ( 67 ). Cela aboutirait, en effet, à des résultats inacceptables ( 68 ).

70.

Je rappelle, dans ce contexte, que la Cour n’a pas eu encore l’occasion de se prononcer sur l’applicabilité de sa jurisprudence relative au caractère contraignant du certificat E 101 ou à la procédure à suivre pour régler des différends concernant la détermination de la législation applicable, en vertu des dispositions du titre II du règlement no 1408/71, dans l’hypothèse d’une fraude constatée par une juridiction de l’État membre d’accueil ( 69 ). À cet égard, il convient de considérer, selon moi, que le principe de coopération loyale n’a pas de caractère absolu et que des limitations audit principe peuvent être apportées dans des circonstances exceptionnelles, notamment en cas de constatation d’une fraude ( 70 ). Il est, en effet, impératif d’éviter que le principe de coopération loyale entre les États membres se transforme en une confiance aveugle qui faciliterait des comportements frauduleux.

71.

Toutefois, je considère que le principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, impose aux autorités de sécurité sociale de l’État membre d’accueil de s’adresser, d’abord, à l’institution émettrice du certificat E 101, lorsqu’elles disposent d’éléments témoignant de l’existence d’une fraude, ce qui permettrait à cette institution de reconsidérer le bien‑fondé de la délivrance du certificat E 101 et de déterminer si, eu égard à ces éléments, il y a lieu de retirer ou d’annuler ledit certificat. Une telle consultation permettrait, en pratique, de dissiper d’éventuels doutes concernant les circonstances factuelles du cas en question ( 71 ). En outre, dans l’hypothèse où l’institution émettrice procède à l’annulation ou au retrait du certificat E 101, à la suite de cette consultation, la saisine des juridictions de l’État membre d’accueil serait effectivement superflue ( 72 ). À cet égard, la consultation de l’institution émettrice pourrait assurer une économie de procédure. Je tiens cependant à souligner que cette consultation ne saurait avoir d’incidence sur la compétence dont dispose une juridiction de l’État membre d’accueil en vue de laisser inappliqué le certificat E 101, lorsqu’elle dispose des éléments suffisants afin de constater que ledit certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse ( 73 ).

V. Conclusion

72.

Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante à la question préjudicielle posée par le Hof van Cassatie (Cour de cassation, Belgique) :

L’article 11, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CEE) no 3795/81 du Conseil, du 8 décembre 1981, doit être interprété en ce sens qu’une juridiction de l’État membre d’accueil peut laisser inappliqué un certificat E 101 délivré par l’institution désignée par l’autorité compétente d’un État membre, au titre de l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71, tel que modifié par le règlement (CEE) no 1390/81 du Conseil, du 12 mai 1981, lorsqu’il est constaté par cette juridiction que ledit certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Planiol, M., Traité élémentaire de droit civil, tome deuxième, neuvième édition, Librairie générale de droit & de jurisprudence, Paris, 1923, p. 287.

( 3 ) Le certificat E 101, intitulé « attestation concernant la législation applicable », correspond à un formulaire‑type rédigé par la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants (ci‑après la « commission administrative »). Voir décision no 202 de la commission administrative, du 17 mars 2005, concernant les modèles de formulaires nécessaires à l’application des règlements (CEE) no 1408/71 et (CEE) no 574/72 du Conseil (E 001, E 101, E 102, E 103, E 104, E 106, E 107, E 108, E 109, E 112, E 115, E 116, E 117, E 118, E 120, E 121, E 123, E 124, E 125, E 126, E 127) (2006/203/CE) (JO 2006, L 77, p. 1). À partir du 1er mai 2010, le certificat E 101 est devenu le document portable A1, sous l’empire des règlements (CE) nos 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1) et 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO 2009, L 284, p. 1).

( 4 ) Règlement du Conseil du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71 (JO 1972, L 74, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) no 3795/81 du Conseil, du 8 décembre 1981 (JO 1981, L 378, p. 1) (ci‑après le « règlement no 574/72 »).

( 5 ) Règlement du Conseil du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO 1971, L 149, p. 2), tel que modifié par le règlement (CEE) no 1390/81 du Conseil, du 12 mai 1981 (JO 1981, L 143, p. 1), et par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (JO 1998, L 209, p. 1) (ci‑après le « règlement no 1408/71 »).

( 6 ) Voir, récemment, arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, points 48 et 49). Sur la jurisprudence de la Cour relative au caractère contraignant du certificat E 101, voir points 32 à 39 des présentes conclusions.

( 7 ) Cette question fait également l’objet de l’affaire pendante CRPNPAC (C‑370/17).

( 8 ) Voir, sur la constatation d’une fraude, points 48 à 56 des présentes conclusions.

( 9 ) Voir articles 90 et 91 du règlement no 883/2004. Voir points 17 à 21 des présentes conclusions concernant les dispositions à interpréter dans la présente affaire.

( 10 ) Voir articles 96 et 97 du règlement no 987/2009. Voir points 17 à 21 des présentes conclusions concernant les dispositions à interpréter dans la présente affaire.

( 11 ) Voir point 9 des présentes conclusions.

( 12 ) Pour rappel, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale. Voir ordonnance du 4 mai 2017, Svobodová (C‑653/16, non publiée, EU:C:2017:371, point 18 et jurisprudence citée).

( 13 ) Aux termes de l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, la personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt‑quatre mois et que la personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne. L’article 14, paragraphe 1), sous a), du règlement no 1408/71 est cité au point 6 des présentes conclusions. Selon l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 987/2009, à la demande de la personne concernée ou de l’employeur, l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en vertu d’une disposition du titre II du règlement de base (à savoir le règlement no 883/2004) atteste que cette législation est applicable et indique, le cas échéant, jusqu’à quelle date et à quelles conditions. L’article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement no 574/72 est cité au point 8 des présentes conclusions.

( 14 ) Voir arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, point 59).

( 15 ) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et le règlement (CE) no 987/2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 [COM(2016) 815 final].

( 16 ) Selon la définition proposée par la Commission, aux fins du règlement no 987/2009, on entend par « “fraude”, le fait de poser, ou de s’abstenir de poser, volontairement certains actes, en vue d’obtenir des prestations de sécurité sociale ou de tourner l’obligation de cotiser à la sécurité sociale, en violation du droit interne d’un État membre ». Voir article 2, point 4, de la proposition de la Commission du 13 décembre 2016, susmentionnée, et explications y afférentes dans l’exposé des motifs, section 5.

( 17 ) Voir article 2, point 7, de la proposition de la Commission du 13 décembre 2016, susmentionnée, et explications y afférentes dans l’exposé des motifs, section 5. Dans ce contexte, la Commission propose que, lorsque l’institution émettrice constate un cas de fraude irréfutable commise par le demandeur du document, elle retire ou rectifie immédiatement le document, avec effet rétroactif. Voir, s’agissant du réexamen par l’institution émettrice, point 33 des présentes conclusions.

( 18 ) L’applicabilité de l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71 dépend, notamment, du point de savoir, d’une part, s’il existe un lien organique entre le travailleur et l’entreprise détachant le travailleur et, d’autre part, si cette entreprise exerce habituellement des activités significatives sur le territoire de l’État membre d’établissement. Voir arrêts du 10 février 2000, FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75, points 24 et 40 à 45) ; du 9 novembre 2000, Plum (C‑404/98, EU:C:2000:607, points 21 et 22), et du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere (C‑2/05, EU:C:2006:69, point 19). Voir, également, première partie, points 2 à 4, du guide pratique de la commission administrative, du mois de décembre 2013, sur la législation applicable dans l’Union européenne (UE), dans l’Espace économique européen (EEE) et en Suisse. Voir, en outre, point 52 des présentes conclusions.

( 19 ) Arrêt du 11 septembre 2008, CEPSA (C‑279/06, EU:C:2008:485, point 28 et jurisprudence citée).

( 20 ) À cet égard, la présente affaire se distingue, à mon sens, de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 9 septembre 2015, X et van Dijk (C‑72/14 et C‑197/14, EU:C:2015:564). Pour rappel, aux points 43 à 51 dudit arrêt, la Cour a constaté qu’un certificat délivré, sous la forme d’un certificat E 101, à l’égard de bateliers rhénans ne relevant pas du champ d’application du règlement no 1408/71 ne saurait être considéré comme étant un certificat E 101 et ne saurait donc produire les effets propres à ce certificat, parmi lesquels figure l’effet contraignant à l’égard des institutions des États membres autres que celui dont relève l’institution qui a délivré un tel certificat. Dans ladite affaire, il s’agissait ainsi non pas de déterminer l’applicabilité des dispositions du règlement no 1408/71 dans le cas en question, mais plutôt de préciser les effets d’un certificat délivré à l’égard des personnes qui ne relevaient pas du champ d’application de ce règlement. À cet égard, la Cour a précisé, au point 36 de l’arrêt, que celui‑ci ne comportait aucune appréciation sur la qualification des requérants au principal en tant que bateliers rhénans ni sur la législation nationale qui leur était applicable.

( 21 ) Sur la jurisprudence de la Cour relative au caractère contraignant du certificat E 101, voir points 32 à 39 des présentes conclusions.

( 22 ) Voir, récemment, arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, point 48 et jurisprudence citée).

( 23 ) Voir, récemment, arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, points 43 et 49). Je tiens à noter que la nature, civile ou pénale, de la procédure engagée n’a aucune influence sur le caractère contraignant du certificat E 101, celui‑ci liant l’ensemble des juridictions des États membres. Voir ordonnance du 24 octobre 2017, Belu Dienstleistung et Nikless (C‑474/16, non publiée, EU:C:2017:812, point 17).

( 24 ) Voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, points 39 et 44, et jurisprudence citée). Voir, en outre, point 7, sous a) et c), de la décision no 181 de la commission administrative, du 13 décembre 2000, concernant l’interprétation des articles 14, paragraphe 1, 14 bis, paragraphe 1, et 14 ter, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1408/71 (2001/891/CE) (JO 2001, L 329, p. 73) (ci‑après la « décision no 181 de la commission administrative »). Voir, enfin, article 5, paragraphes 2 et 3, du règlement no 987/2009. Pour rappel, le dernier article n’est pas applicable ratione temporis dans le cas d’espèce.

( 25 ) Voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, points 45 et 46 ainsi que jurisprudence citée). Voir, également, article 84 bis, paragraphe 3, du règlement no 1408/71, inséré par le règlement (CE) no 631/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, modifiant le règlement nos 1408/71 et 574/72, en ce qui concerne l’alignement des droits et la simplification des procédures (JO 2004, L 100, p. 1). Voir, en outre, point 9 de la décision no 181 de la commission administrative, susmentionnée. Voir, enfin, article 5, paragraphe 4, du règlement no 987/2009. Sur la composition, le fonctionnement et les tâches de la commission administrative, voir les dispositions du titre IV du règlement no 1408/71.

( 26 ) Conclusions dans l’affaire A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:12, point 47). Voir, en outre, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, Hoogstad (C‑269/15, EU:C:2016:802, point 36 et jurisprudence citée). L’article 13, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 est cité au point 5 des présentes conclusions.

( 27 ) Voir mes conclusions dans l’affaire A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:12, point 49) et, en ce sens, arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, point 59).

( 28 ) Voir mes conclusions dans l’affaire A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:12, point 50) et, en ce sens, arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, point 42 et jurisprudence citée).

( 29 ) Voir, récemment, arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, point 40 et jurisprudence citée).

( 30 ) Arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309).

( 31 ) Voir arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, point 52).

( 32 ) Arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309).

( 33 ) Voir mes conclusions dans l’affaire A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:12, point 36).

( 34 ) Voir arrêts du 21 février 2006, Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, point 68 et jurisprudence citée), et du 21 juillet 2011, Oguz (C‑186/10, EU:C:2011:509, point 25 et jurisprudence citée).

( 35 ) Voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2007, Kofoed (C‑321/05, EU:C:2007:408, point 38), et du 18 décembre 2014, Schoenimport  Italmoda  Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, points 43 et 46). Voir, en outre, conclusions de l’avocat général La Pergola dans l’affaire Centros (C‑212/97, EU:C:1998:380, point 20) et conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2005:200, point 64).

( 36 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Schoenimport  Italmoda  Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, point 59).

( 37 ) Voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 2005, Fini H (C‑32/03, EU:C:2005:128, point 34), et du 18 décembre 2014, Schoenimport  Italmoda  Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, point 44 et jurisprudence citée), d’où il ressort qu’il appartient aux autorités et aux juridictions nationales de refuser le bénéfice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) prévu par la sixième directive s’il est établi, au vu d’éléments objectifs, que ce dernier est invoqué frauduleusement ou abusivement.

( 38 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Calle Grenzshop Andresen (C‑425/93, EU:C:1995:12, point 63), relevant que, dans l’hypothèse d’un certificat E 101 obtenu de manière frauduleuse, on ne saurait admettre que celui‑ci ait la priorité sur les dispositions du règlement no 1408/71. Voir, dans un sens analogue à propos d’autres types d’attestations, conclusions de l’avocat général Darmon dans l’affaire van de Bijl (130/88, non publiées, EU:C:1989:157, point 17), conclusions de l’avocat général Mischo dans l’affaire Paletta (C‑45/90, non publiées, EU:C:1991:234, point 34) et conclusions de l’avocat général Cosmas dans l’affaire Paletta (C‑206/94, EU:C:1996:20, point 51). L’article 13, paragraphe 2, sous a), et l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71 sont cités aux points 5 et 6 des présentes conclusions.

( 39 ) Conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire FTS (C‑202/97, EU:C:1999:33, point 58).

( 40 ) Voir point 11 des présentes conclusions. Voir, s’agissant de l’obligation de l’institution émettrice de reconsidérer le bien‑fondé de la délivrance d’un certificat E 101 et, le cas échéant, le retirer, point 33 des présentes conclusions. Le gouvernement bulgare n’a pas présenté d’observations, orales ou écrites, devant la Cour dans la présente affaire.

( 41 ) Voir, également, point 69 des présentes conclusions.

( 42 ) Dans ses observations écrites, le gouvernement français indique que, selon une évaluation réalisée par la Cour des comptes française, la fraude liée aux travailleurs détachés non déclarés entraînerait, pour le seul régime de sécurité sociale français, une perte de recettes sociales de 380 millions d’euros. Voir, sur la problématique de documents portables A1 obtenus de manière frauduleuse, Jorens, Y., Lhernould, J.‑P., Procedures related to the granting of Portable Document A1 : an overview of country pratices, point 3.3.3, rapport élaboré à l’initiative de la Commission au mois de mai 2014.

( 43 ) Voir, dans un sens analogue à propos du domaine de la TVA, arrêt du 29 juin 2017, Commission/Portugal (C‑126/15, EU:C:2017:504, point 59 et jurisprudence citée). Je tiens, en outre, à rappeler que, dans le contexte des libertés fondamentales garanties par le traité, la Cour a jugé que la lutte contre la fraude, notamment sociale, et la prévention des abus, en particulier la lutte contre le travail dissimulé, figurent parmi les raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction auxdites libertés, dans la mesure où cet objectif peut se rattacher notamment à l’objectif de protection de l’équilibre financier des régimes de sécurité sociale. Voir arrêt du 3 décembre 2014, De Clercq e.a. (C‑315/13, EU:C:2014:2408, point 65 et jurisprudence citée). Voir, également, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Commission/Belgique (C‑577/10, EU:C:2012:814, point 45).

( 44 ) Il en va de même pour les règlements nos 883/2004 et 987/2009 qui ont remplacé les règlements nos 1408/71 et 574/72. En revanche, la proposition de la Commission, du 13 décembre 2016, susmentionnée, vise à introduire, dans le règlement no 987/2009, une définition de la « fraude ». Voir point 21 et note en bas de page 16 des présentes conclusions.

( 45 ) À cet égard, la fraude se distingue de l’abus du droit. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, la preuve d’une pratique abusive nécessite, d’une part, un ensemble de circonstances objectives d’où il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint et, d’autre part, un élément subjectif consistant en la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation de l’Union en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention. Voir arrêt du 16 octobre 2012, Hongrie/Slovaquie (C‑364/10, EU:C:2012:630, point 58 et jurisprudence citée). Voir, s’agissant de la distinction entre la fraude et l’abus de droit, Bouveresse, A., « La fraude dans l’abus de droit », La fraude et le droit de l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2017, p. 18.

( 46 ) Arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309). Voir aussi point 38 des présentes conclusions.

( 47 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Calle Grenzshop Andresen (C‑425/93, EU:C:1995:12, point 51). Ainsi que la Cour l’a constaté, dès lors que le certificat E 101 a vocation à être délivré, en règle générale, avant ou au début de la période qu’il vise, l’appréciation des faits pertinents pour l’application des règles relatives à la détermination de la législation applicable en matière de sécurité sociale est le plus souvent effectuée, à ce moment, sur la base de la situation de travail anticipée du travailleur salarié concerné. Voir arrêt du 4 octobre 2012, Format Urządzenia i Montaże Przemysłowe (C‑115/11, EU:C:2012:606, point 43).

( 48 ) Je trouve confirmation de cette supposition dans la législation européenne. Voir, notamment, article 1er, paragraphe 1, de la convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, établie par l’acte du Conseil, du 26 juillet 1995, établissant la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO 1995, C 316, p. 48) (« tout acte ou omission intentionnel »). Voir, en outre, article 3 de la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2017, relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal (JO 2017, L 198, p. 29). Voir, enfin, la définition de la « fraude » proposée par la Commission dans sa proposition du 13 décembre 2016, susmentionnée.

( 49 ) Voir point 10 des présentes conclusions.

( 50 ) Voir arrêts du 10 février 2000, FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75, point 40), et du 9 novembre 2000, Plum (C‑404/98, EU:C:2000:607, points 21 et 22). Voir, en outre, note en bas de page 18 des présentes conclusions.

( 51 ) Pour rappel, conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement no 574/72, le certificat E 101 est délivré à la demande du travailleur salarié ou de son employeur, notamment, « dans les cas visés à l’article 14, paragraphe 1 [du règlement no 1408/71] ». L’article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement no 574/72 est cité au point 8 des présentes conclusions.

( 52 ) Voir point 14 des présentes conclusions.

( 53 ) Voir, au sujet de l’obligation d’informer l’institution émettrice de la constatation d’une fraude, point 71 des présentes conclusions.

( 54 ) Voir, s’agissant de cette codification, point 20 des présentes conclusions.

( 55 ) En revanche, la question de la fraude fait l’objet du processus législatif en cours visant à modifier le cadre réglementaire existant sur la base d’une proposition présentée par la Commission le 13 décembre 2016 (voir point 21 des présentes conclusions).

( 56 ) Voir, à cet égard, considérant 12 du règlement no 987/2009, où il est fait référence à la jurisprudence de la Cour. Voir, en outre, arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, point 59).

( 57 ) Voir points 39 et 40 des présentes conclusions.

( 58 ) L’article 13, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 est cité au point 5 des présentes conclusions.

( 59 ) Voir, à cet égard, point 36 des présentes conclusions.

( 60 ) Voir, s’agissant du principe général de la lutte contre la fraude, point 42 des présentes conclusions.

( 61 ) Voir point 33 des présentes conclusions.

( 62 ) Voir, s’agissant de l’obligation d’informer l’institution émettrice de la constatation d’une fraude, point 71 des présentes conclusions.

( 63 ) Voir, dans un sens analogue à propos des droits à déduction, à exonération et à remboursement de la TVA, arrêt du 18 décembre 2014, Schoenimport  Italmoda  Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, point 60), d’où il ressort qu’un assujetti qui n’a créé les conditions afférentes à l’obtention d’un droit qu’en participant à des opérations frauduleuses n’est manifestement pas fondé à se prévaloir des principes de protection de la confiance légitime ou de sécurité juridique afin de s’opposer au refus d’octroi du droit concerné.

( 64 ) Voir, dans un sens analogue à propos du domaine de la TVA, arrêt du 18 décembre 2014, Schoenimport  Italmoda  Mariano Previti e.a. (C‑131/13, C‑163/13 et C‑164/13, EU:C:2014:2455, point 57 et jurisprudence citée).

( 65 ) Voir, s’agissant de cette procédure, article 84 bis, paragraphe 3, du règlement no 1408/71 et arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, points 44 à 46 et jurisprudence citée). Voir, en outre, points 7 et 9 de la décision no 181 de la commission administrative, susmentionnée. Sous l’empire des règlements nos 883/2004 et 987/2009, ladite procédure a été développée davantage dans la décision A1 de la commission administrative, du 12 juin 2009, concernant l’établissement d’une procédure de dialogue et de conciliation relative à la validité des documents, à la détermination de la législation applicable et au service des prestations au titre du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil (JO 2010, C 106, p. 1). Voir, également, article 76, paragraphe 6, du règlement no 883/2004 et article 5, paragraphes 2 à 4, du règlement no 987/2009, qui ne sont pas applicables ratione temporis au cas d’espèce. Voir, en outre, mes conclusions dans l’affaire A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:12, points 59 à 66).

( 66 ) Voir points 42 et 43 des présentes conclusions. Sur la constatation d’une fraude, voir points 48 à 56 des présentes conclusions.

( 67 ) En effet, à mon sens, ladite procédure vise notamment deux types de situations. D’une part, celle où les autorités compétentes de l’État membre d’accueil ont des doutes concernant la validité du certificat E 101 ou concernant l’exactitude des pièces justificatives ou des faits sur la base desquelles ledit certificat a été délivré et, d’autre part, celle où les États membres concernés sont en désaccord en ce qui concerne la détermination, dans un cas précis, de la législation applicable, en vertu des dispositions du titre II du règlement no 1408/71. Voir, à cet égard, article 84 bis, paragraphe 3, du règlement no 1408/71 ; point 7, sous c), et point 9 de la décision no 181 de la commission administrative, susmentionnée, et arrêt du 27 avril 2017, A‑Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, points 44 à 46 et jurisprudence citée), Voir, en outre, article 76, paragraphe 6, du règlement no 883/2004, article 5, paragraphes 2 à 4, du règlement no 987/2009, ainsi que point 1 de la décision A1 de la commission administrative, susmentionnée. Pour rappel, les règlements nos 883/2004 et 987/2009 ainsi que la décision A1 ne sont pas applicables ratione temporis dans le cas d’espèce.

( 68 ) Voir, à cet égard, point 44 des présentes conclusions.

( 69 ) Voir, à cet égard, points 39 et 40 des présentes conclusions.

( 70 ) Voir, dans un sens analogue à propos du principe de confiance mutuelle entre les États membres, arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 82 et jurisprudence citée), d’où il ressort que des limitations aux principes de reconnaissance et de confiance mutuelle entre les États membres puissent être apportées « dans des circonstances exceptionnelles ». Voir, en outre, Lenaerts, K., « La vie après l’avis : Exploring the principle of mutual (yet not blind) trust », Common Market Law Review, vol. 54, no 3, juin 2017, p. 805 à 840.

( 71 ) En effet, la constatation d’une fraude relative à la délivrance d’un certificat E 101 nécessite souvent, me semble‑t‑il, une appréciation des éléments factuels dans l’État membre dans lequel ledit certificat a été délivré. Or, il convient de considérer que l’institution émettrice du certificat E 101 est, en règle générale, la mieux placée pour apprécier de tels éléments.

( 72 ) Voir, également, point 45 des présentes conclusions. Je considère qu’il n’est pas utile que la Cour aborde, dans le cadre de la présente affaire, les conséquences juridiques ou les possibles conséquences financières, pour les intéressés, de l’annulation ou du retrait, par l’institution émettrice, du certificat E 101, dans l’hypothèse d’une fraude. En effet, ces questions ne se posent pas dans l’affaire au principal. Voir, néanmoins, à cet égard, première partie, point 7, du guide pratique de la commission administrative, susmentionné, d’où il ressort que, en cas de fraude, le retrait du document portable A1 (le successeur du certificat E 101) peut aussi être effectué à titre rétroactif.

( 73 ) Voir, sur la constatation d’une fraude, points 48 à 56 des présentes conclusions.