ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

14 septembre 2016 ( *1 )

«Recours en annulation — Demande d’enregistrement d’une appellation d’origine protégée (“Halloumi” ou “Hellim”) — Décision de publication au Journal officiel, série C, d’une demande d’enregistrement d’une appellation d’origine protégée en application de l’article 50, paragraphe 2, sous a), du règlement (UE) no 1151/2012 — Acte préparatoire — Acte non susceptible de recours — Irrecevabilité»

Dans l’affaire T‑584/15,

Pagkyprios organismos ageladotrofon Dimosia Ltd (POA), établie à Latsia (Chypre), représentée par Me N. Korogiannakis, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Lewis et J. Guillem Carrau, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission de publier au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2015, C 246, p. 9) la demande d’enregistrement CY/PDO/0005/01243, introduite par la République de Chypre, en ce qu’elle a considéré que cette demande remplissait les conditions définies par le règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1), telles que visées à l’article 50, paragraphe 1, dudit règlement,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni et L. Madise (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

Cadre juridique

1

Le règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1), établit, aux termes de son article 4, un système d’appellations d’origine protégées et d’indications géographiques protégées, dont peuvent bénéficier certains produits agricoles et certaines denrées alimentaires.

2

L’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012 définit une « appellation d’origine » comme une dénomination qui identifie un produit comme étant originaire d’un lieu déterminé, d’une région ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays, dont la qualité ou les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains et dont toutes les étapes de production ont lieu dans l’aire géographique délimitée.

3

L’enregistrement comme appellation d’origine protégée (AOP) de la dénomination d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire, qui doit remplir les conditions posées par le règlement no 1151/2012 et, en particulier, être conforme au cahier des charges défini à l’article 7 de ce règlement, confère à ladite dénomination une protection à l’échelle de l’Union européenne. Cette protection est définie à l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement.

4

La procédure d’enregistrement se déroule en deux phases. Dans une première phase, la demande d’enregistrement de dénominations fait l’objet d’un examen à l’échelon national. Cette phase est régie par l’article 49 du règlement no 1151/2012, qui indique ce qui suit :

« 1.   Les demandes d’enregistrement de dénominations au titre des systèmes de qualité visés à l’article 48 ne peuvent être présentées que par des groupements travaillant avec les produits dont la dénomination doit être enregistrée. […]

2.   [… L]a demande est adressée aux autorités de cet État membre.

L’État membre examine la demande par les moyens appropriés afin de vérifier qu’elle est justifiée et qu’elle remplit les conditions du système correspondant.

3.   Dans le cadre de l’examen visé au paragraphe 2, [second] alinéa, du présent article, l’État membre entame une procédure nationale d’opposition garantissant une publicité suffisante de la demande et octroyant une période raisonnable pendant laquelle toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime et établie ou résidant sur son territoire peut déclarer son opposition à la demande.

L’État membre examine la recevabilité des oppositions […].

4.   Si, après avoir évalué les déclarations d’opposition reçues, l’État membre considère que les exigences du présent règlement sont respectées, il peut rendre une décision favorable et déposer un dossier de demande auprès de la Commission. Dans ce cas, il informe la Commission des oppositions recevables déposées par une personne physique ou morale ayant légalement commercialisé les produits en question en utilisant les dénominations concernées de façon continue pendant au moins cinq ans précédant la date de publication visée au paragraphe 3.

L’État membre veille à ce que sa décision favorable soit portée à la connaissance du public et à ce que toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime dispose de voies de recours.

L’État membre veille à ce que la version du cahier des charges du produit sur laquelle il a fondé sa décision favorable soit publiée et soit accessible par voie électronique.

En ce qui concerne les appellations d’origine protégée et les indications géographiques protégées, l’État membre veille également à ce que soit publiée la version du cahier des charges du produit sur laquelle la Commission prend sa décision conformément à l’article 50, paragraphe 2. »

5

Dans une seconde phase, la demande fait l’objet d’un examen par la Commission européenne et, si les conditions définies par le règlement no 1151/2012 sont remplies, d’une publication aux fins d’opposition. Cette procédure devant la Commission, visée par le présent recours, est régie par l’article 50, intitulé « Examen par la Commission et publication aux fins d’opposition », qui dispose ce qui suit :

« 1.   La Commission examine par des moyens appropriés toute demande qu’elle reçoit conformément à l’article 49, afin de vérifier qu’elle est justifiée et qu’elle remplit les conditions du système correspondant […]

2.   Lorsque, en se fondant sur l’examen réalisé en vertu du paragraphe 1, premier alinéa, la Commission estime que les conditions définies dans le présent règlement sont remplies, elle publie au Journal officiel de l’Union européenne :

a)

pour les demandes au titre du système énoncé au titre II [Appellations d’Origine Protégées et Indications Géographiques Protégées], le document unique et la référence à la publication du cahier des charges du produit ;

[…] »

6

La publication au Journal officiel de l’Union européenne déclenche une « [p]rocédure d’opposition », conformément à l’article 51 du règlement no 1151/2012, qui précise ce qui suit :

« 1.   Dans un délai de trois mois à compter de la date de publication au Journal officiel de l’Union européenne, les autorités d’un État membre ou d’un pays tiers ou une personne physique ou morale ayant un intérêt légitime et étant établie dans un pays tiers peuvent déposer un acte d’opposition auprès de la Commission.

Toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime, établie ou résidant dans un État membre autre que celui dont émane la demande, peut déposer un acte d’opposition auprès de l’État membre dans lequel elle est établie dans des délais permettant de déposer une opposition conformément au premier alinéa.

Un acte d’opposition contient une déclaration selon laquelle la demande pourrait enfreindre les conditions fixées dans le présent règlement […]

La Commission transmet sans délai l’acte d’opposition à l’autorité ou [à] l’organisme qui avait déposé la demande.

2.   Si un acte d’opposition est déposé auprès de la Commission et est suivi dans les deux mois d’une déclaration d’opposition motivée, la Commission examine la recevabilité de ladite déclaration.

3.   Dans un délai de deux mois suivant la réception d’une déclaration d’opposition motivée recevable, la Commission invite l’autorité ou la personne à l’origine de l’opposition et l’autorité ou l’organisme qui a déposé la demande à engager des consultations appropriées pendant une période de temps raisonnable ne dépassant pas trois mois.

L’autorité ou la personne à l’origine de l’opposition et l’autorité ou l’organisme qui a déposé la demande engagent dans les meilleurs délais les consultations appropriées. Chacune des parties communique à l’autre les informations pertinentes afin d’évaluer si la demande d’enregistrement répond aux conditions du présent règlement. Si aucun accord n’a été trouvé, ces informations sont également transmises à la Commission.

[…]

4.   Si, à la suite des consultations appropriées visées au paragraphe 3 du présent article, les éléments publiés conformément à l’article 50, paragraphe 2, ont été substantiellement modifiés, la Commission procède de nouveau à l’examen visé à l’article 50 […] »

7

L’article 52 du règlement no 1151/2012, intitulé « Décision concernant l’enregistrement », prévoit ce qui suit :

« 1.   Lorsque, sur la base des informations dont elle dispose et à partir de l’examen effectué conformément à l’article 50, paragraphe 1, premier alinéa, la Commission estime que les conditions requises pour l’enregistrement ne sont pas remplies, elle adopte des actes d’exécution rejetant la demande. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 57, paragraphe 2.

2.   Si la Commission ne reçoit aucun acte d’opposition ou aucune déclaration d’opposition motivée recevable au titre de l’article 51, elle adopte des actes d’exécution sans appliquer la procédure visée à l’article 57, paragraphe 2, pour enregistrer la dénomination.

3.   Si la Commission reçoit une déclaration d’opposition motivée recevable, elle procède, à la suite des consultations appropriées visées à l’article 51, paragraphe 3, et compte tenu des résultats de ces consultations :

a)

si un accord a été trouvé, à l’enregistrement de la dénomination au moyen d’actes d’exécution adoptés sans appliquer la procédure visée à l’article 57, paragraphe 2, et, si nécessaire, à la modification des informations publiées en vertu de l’article 50, paragraphe 2, pour autant que les changements ne soient pas substantiels ; ou

b)

si aucun accord n’a pu être trouvé, à l’adoption d’actes d’exécution décidant de l’enregistrement. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 57, paragraphe 2.

4.   Les actes d’enregistrement et les décisions de rejet sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne. »

8

L’article 57 du règlement no 1151/2012 dispose ce qui suit :

« 1.   La Commission est assistée par le comité de la politique de qualité des produits agricoles. Ledit comité est un comité au sens du règlement (UE) no 182/2011.

2.   Lorsqu’il est fait référence au présent paragraphe, l’article 5 du règlement (UE) no 182/2011 s’applique.

Lorsque le comité n’émet aucun avis, la Commission n’adopte pas le projet d’acte d’exécution et l’article 5, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement (UE) no 182/2011 s’applique. »

9

L’article 5 du règlement (UE) no 182/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13), précise ce qui suit :

« 1.   Lorsque la procédure d’examen s’applique, le comité émet son avis à la majorité définie à l’article 16, paragraphes 4 et 5, du traité sur l’Union européenne et, le cas échéant, à l’article 238, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, pour les actes à adopter sur proposition de la Commission. Les votes des représentants des États membres au sein du comité sont pondérés de la manière définie auxdits articles.

2.   Lorsque le comité émet un avis favorable, la Commission adopte le projet d’acte d’exécution.

3.   Sans préjudice de l’article 7, si le comité émet un avis défavorable, la Commission n’adopte pas le projet d’acte d’exécution. Lorsqu’un acte d’exécution est jugé nécessaire, le président peut soit soumettre une version modifiée du projet d’acte d’exécution au même comité, dans un délai de deux mois à partir de l’émission de l’avis défavorable, soit soumettre le projet d’acte d’exécution, dans un délai d’un mois à compter de l’émission de cet avis, au comité d’appel pour une nouvelle délibération.

4.   Lorsque aucun avis n’est émis, la Commission peut adopter le projet d’acte d’exécution, sauf dans les cas énoncés au deuxième alinéa. Lorsque la Commission n’adopte pas le projet d’acte d’exécution, le président peut présenter au comité une version modifiée dudit projet.

[…] »

Antécédents du litige

10

La requérante, Pagkyprios organismos ageladotrofon Dimosia Ltd (POA), est une organisation d’éleveurs de bovins qui produisent du lait de vache et de la viande. Elle a été constituée et enregistrée en 2004 et compte 157 membres, ce qui correspond à environ 75 % du nombre total des producteurs chypriotes de lait de vache. En moyenne, 54 millions de litres de ce lait sont utilisés à Chypre, par an, dans le processus de production du fromage dénommé « halloumi ». Il s’agit là d’un type particulier de fromage chypriote, qui est fabriqué d’une certaine manière et possède un goût, une texture et des propriétés culinaires particulières. La requérante est le principal producteur chypriote de lait de vache utilisé dans la fabrication du halloumi. Elle exerce également une activité de production de fromage halloumi sous ses propres marques et pour des marques de distributeurs, via une filiale détenue à 100 %, Papouis Dairies Ltd.

11

Le 5 avril 2012, plusieurs sociétés et organisations chypriotes opérant dans le secteur de la production de fromages, en particulier celle du halloumi, ont introduit, auprès des autorités chypriotes, une demande d’enregistrement du halloumi en tant qu’AOP. Cette demande était fondée sur la norme de fabrication chypriote de 1985 (ci-après la « norme de 1985 ») et visait à ce que cette norme fût interprétée comme obligeant les producteurs de halloumi à utiliser plus de 50 % de lait de brebis ou de chèvre. En d’autres termes, lorsque du lait de vache serait ajouté à du lait de brebis ou de chèvre ou au mélange des deux, il ne serait pas permis d’utiliser pour la fabrication du halloumi une quantité de lait de vache supérieure à la quantité du lait de chèvre ou de brebis ou du mélange des deux.

12

En l’espèce, la demande d’enregistrement ayant été publiée le 30 novembre 2012 dans l’Episimi Efimerida tis Kypriakis Dimokratias, la requérante, conformément à l’article 49 du règlement no 1151/2012, a soulevé des objections dans le cadre de la procédure nationale d’opposition, en contestant l’interdiction d’utiliser, pour la fabrication du halloumi, une quantité de lait de vache supérieure à la quantité du lait de chèvre ou de brebis. La requérante a soutenu, à cet égard, que, en application de la norme de 1985, le halloumi pouvait être produit avec une proportion prépondérante de lait de vache, dès lors que des quantités non négligeables de lait de brebis ou de chèvre étaient utilisées.

13

Le 14 novembre 2013, une réunion s’est tenue entre les autorités chypriotes et les entités ayant soulevé une objection, sans qu’un accord ait pu être trouvé.

14

Le 9 juillet 2014, le ministère de l’Agriculture chypriote a rejeté les objections soulevées et a publié, le même jour, la demande d’enregistrement du halloumi en tant qu’AOP dans l’Episimi Efimerida tis Kypriakis Dimokratias.

15

Le 17 juillet 2014, les autorités chypriotes ont déposé auprès de la Commission la demande CY/PDO/0005/01243 visant à obtenir l’enregistrement du halloumi en tant qu’AOP (ci-après la « demande »), étant précisé que la composition du lait exigée par le cahier des charges faisait référence à une prédominance du lait de brebis ou de chèvre ou d’un mélange des deux.

16

Le 22 juillet 2014, à la suite du rejet de ses objections par le ministère de l’Agriculture chypriote, la requérante a saisi l’Anatato Dikastirio tis Kypriakis Dimokratias (Cour suprême de la République de Chypre, Chypre).

17

Par courriers des 25 mars et 25 juin 2015, la requérante a communiqué ses préoccupations à la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission. Dans son courrier du 25 mars 2015, la requérante a fait valoir que l’interprétation de la norme de 1985 dans la demande était incorrecte, en ce qu’elle était fondée sur des preuves scientifiques erronées et non étayées.

18

Par courrier du 20 juillet 2015, la Commission a informé la requérante que celle-ci ne pouvait intervenir dans la procédure d’enregistrement qu’à travers la procédure nationale d’opposition et que, dans ses conditions, le rejet de son opposition à l’échelon national ne pouvait pas être examiné par la Commission.

19

Par acte du 28 juillet 2015 (JO 2015, C 246, p. 9, ci-après l’« acte attaqué »), après avoir examiné la demande, la Commission a décidé de publier la demande en application de l’article 50, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1151/2012, en présentant un résumé du cahier des charges présenté par les autorités chypriotes aux fins de l’enregistrement du halloumi en tant qu’AOP. Par cette publication, la seconde étape de la procédure administrative devant la Commission, à savoir la procédure d’opposition transfrontalière prévue à l’article 51 du règlement no 1151/2012, a été ouverte.

Procédure et conclusions des parties

20

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2015, la requérante a introduit le présent recours. Elle a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler l’acte attaqué ;

condamner la Commission aux dépens.

21

Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 8 octobre 2015, la requérante a introduit une demande en référé, dans laquelle elle a conclu, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution de l’acte attaqué, y compris à l’ouverture de la procédure d’opposition prévue à l’article 51 du règlement no 1151/2012, ou de toute autre décision ultérieure sur l’enregistrement du halloumi en tant qu’AOP, en application de l’article 52 de ce règlement, et de réserver les dépens.

22

Par ordonnance du 7 décembre 2015, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé pour défaut d’urgence. Les dépens ont été réservés.

23

Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 15 janvier 2016, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable ;

condamner la requérante aux dépens.

24

Par acte du 9 mars 2016, la requérante a présenté des observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission. La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer le recours recevable ;

examiner le recours au fond ;

annuler l’acte attaqué ;

condamner la Commission aux dépens.

En droit

25

En vertu de l’article 130 du règlement de procédure, si une partie demande par acte séparé que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

26

En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et considère qu’il y a lieu, en conséquence, de statuer sans poursuivre la procédure.

27

La Commission soutient que le recours en annulation formé par la requérante est irrecevable, car, d’une part, l’acte attaqué n’est pas un acte attaquable, parce qu’il revêt un caractère préparatoire qui ne fixe pas définitivement la position de la Commission et, d’autre part, il n’affecte pas, à suffisance de droit, la situation juridique ou les droits procéduraux de la requérante.

28

La requérante conteste le caractère préparatoire de l’acte attaqué. Elle soutient que l’acte attaqué est susceptible de contrôle juridictionnel dès lors qu’il s’agit d’une mesure qui contient une « décision » de la Commission selon laquelle la demande d’enregistrement de la dénomination Halloumi satisfait à tous les critères d’enregistrement comme AOP, établis dans le règlement no 1151/2012, et qui revêt des effets juridiques obligatoires.

29

Aux fins de statuer sur l’exception d’irrecevabilité déposée par la Commission, il convient, tout d’abord, de déterminer si, comme le soutient la Commission, l’acte attaqué revêt un caractère préparatoire par rapport à la décision finale, de telle sorte qu’il ne serait pas attaquable.

30

À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d'exécution ».

31

Pour déterminer si les mesures attaquées constituent des actes au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, c’est à leur substance qu’il y a lieu de s’attacher (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9).

32

À cet égard, seules constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires, de nature à affecter les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (voir arrêt du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, EU:T:2010:15, point 32 et jurisprudence citée).

33

Lorsqu’il s’agit d’actes dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases d’une procédure interne, seules constituent, en principe, des actes attaquables les mesures fixant définitivement la position de l’institution au terme de la procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale et dont l’illégalité pourrait être utilement soulevée dans le cadre d’un recours dirigé contre celle-ci (voir ordonnance du 3 septembre 2015, Espagne/Commission, T‑676/14, EU:T:2015:602, point 13 et jurisprudence citée).

34

En l’espèce, d’une part, aux termes de l’article 50, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012, la décision de « publication aux fins d’opposition » a pour objet, comme l’indique son intitulé, d’ouvrir la procédure d’opposition prévue à l’article 51 de ce règlement et, ainsi, de préparer la « [d]écision concernant l’enregistrement », visée à l’article 52 dudit règlement, qui demeure la décision finale.

35

Il s’ensuit que la décision de « publication aux fins d’opposition », visée par l’article 50, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012, revêt un caractère préparatoire par rapport à la « [d]écision concernant l’enregistrement », de telle sorte que seule cette dernière décision est susceptible de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts du requérant et, partant, de faire l’objet d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 10 septembre 2014, Zentralverband des Deutschen Bäckerhandwerks/Commission, T‑354/13, non publiée, EU:T:2014:775, point 30).

36

D’autre part, les éventuelles illégalités entachant un tel acte préparatoire sont de nature à être utilement soulevées à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte définitif dont il constitue un stade d’élaboration (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 12), pour autant que la partie requérante démontre, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que les conditions de recevabilité du recours sont remplies.

37

Compte tenu de ce qui précède, la décision de « publication aux fins d’opposition », prévue par l’article 50, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012, ne constitue pas un acte attaquable.

38

Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la requérante.

39

Premièrement, la requérante fait valoir que l’acte attaqué produit des effets juridiques contraignants ainsi que des effets économiques très négatifs à son égard. Elle souligne que, d’un point de vue juridique, l’acte attaqué rend immédiatement ses produits incompatibles avec la norme de 1985, dans la mesure où, dès la publication de la demande d’enregistrement litigieuse, ceux-ci ne seront plus considérés que comme « tolérés » sur le marché et ne seront plus perçus comme des produits « traditionnels » par les consommateurs. Elle indique, à cet égard, que, même si la Commission n’enregistre pas la dénomination Halloumi en tant qu’AOP, l’acte attaqué lui aura fait grief, en ce qu’il constate que la demande d’enregistrement en cause satisfait aux critères définis par le règlement no 1151/2012. Par ailleurs, elle fait valoir un préjudice financier considérable lié, notamment, à la perte de parts de marché, de clients et de contrats relatifs à la vente de lait de vache utilisé pour la fabrication de fromage halloumi. Elle indique que, si l’acte attaqué n’est pas annulé, ce sont près de 30 millions de litres de lait produits par ses membres qui deviendront immédiatement excédentaires, ce qui conduira inévitablement à leur disparition.

40

À cet égard, il convient de constater que les arguments de la requérante ne permettent pas d’établir l’existence d’effets juridiques de nature à affecter ses intérêts. En effet, d’une part, l’acte attaqué, compte tenu de son caractère préparatoire, ne revêt aucun effet juridique obligatoire susceptible d’affecter la conformité, en droit, de ses produits par rapport à la norme de 1985. En particulier, il n’a ni pour objet ni pour effet de donner, en tant que tel, force obligatoire à l’interprétation de ladite norme qu’il retient. D’autre part, le préjudice financier invoqué par la requérante, même à le supposer établi, ne peut que demeurer sans influence sur l’analyse de la nature juridique de la décision attaquée (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 3 septembre 2015, Espagne/Commission, T‑676/14, EU:T:2015:602, point 18).

41

Deuxièmement, il convient d’écarter comme sans fondement l’analogie suggérée par la requérante entre, d’une part, la décision de rejet de la demande d’enregistrement prononcée sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012, qui interviendrait à la suite de l’examen prévu par l’article 50, paragraphe 1, dudit règlement et revêtirait un caractère définitif, et, d’autre part, la décision de « publication aux fins d’opposition », visée par l’article 50, paragraphe 2, de ce règlement, qui interviendrait, également, à la suite de cet examen.

42

En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012 et de l’article 50, paragraphe 2, dudit règlement, la décision de rejet de la demande d’enregistrement visée par le premier article clôt la procédure d’enregistrement, alors que, au contraire, la décision de « publication aux fins d’opposition », visée par le second, ouvre une nouvelle phase de ladite procédure.

43

Troisièmement, la requérante soutient que l’examen conduit par la Commission, sur le fondement de l’article 50, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012, est définitif, dans la mesure où la Commission ne peut, conformément aux principes de bonne administration, de sécurité juridique et de confiance légitime, refuser l’enregistrement, à la suite de la procédure d’opposition, que sur la base d’informations additionnelles reçues dans le cadre de cette procédure, de telle sorte que la décision prise à la suite dudit examen, en vertu de l’article 50, paragraphe 2, dudit règlement, serait elle-même définitive. La requérante tire argument, à cet égard, de ce que la décision prise sur le fondement de l’article 50, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012 ne pourrait pas être modifiée par la Commission elle‑même.

44

Toutefois, d’une part, ces éléments sont sans incidence sur le constat opéré au point 35 ci‑dessus, selon lequel la décision visée par l’article 50, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012 ne revêt qu’un caractère préparatoire. D’autre part, rien, à ce stade de la procédure d’enregistrement, n’exclut que la Commission, sur le fondement de l’article 52, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1151/2012, procède au rejet de la demande d’enregistrement, à l’issue de la procédure d’opposition, dans le cadre de la procédure d’avis du comité de la politique de qualité des produits agricoles, organisée par l’article 57, paragraphe 2, dudit règlement.

45

À cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, l’obligation d’attendre la décision finale pour contester les éventuelles illégalités entachant un acte préparatoire ne constitue pas « une perte de temps et de ressources ». Admettre un recours contre un tel acte préparatoire serait incompatible avec les systèmes de répartition des compétences entre la Commission et le juge de l’Union et des voies de recours, prévus par le traité, ainsi qu’avec les exigences d’une bonne administration de la justice et d’un déroulement régulier de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 51 et jurisprudence citée).

46

Enfin, la circonstance que la Commission ne disposerait d’aucun pouvoir d’appréciation sur le fondement de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012 ou de l’article 52, paragraphe 3, sous a), dudit règlement pour rejeter la demande d’enregistrement et serait tenue d’enregistrer la dénomination demandée ne prive pas l’acte d’enregistrement de son caractère attaquable et la requérante de son droit à une protection juridictionnelle effective, conformément à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En effet, les éventuelles illégalités entachant un acte préparatoire tel que l’acte attaqué sont de nature à être utilement soulevées à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte définitif, assurant, de ce fait, une protection juridictionnelle suffisante (voir, en ce sens, ordonnance du 27 novembre 2013, MAF/EIOPA, T‑23/12, non publiée, EU:T:2013:632, point 33 et jurisprudence citée).

47

Quatrièmement, pour autant que la requérante affirme, en se fondant sur l’arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, point 11), que l’acte attaqué est « distinct » des actes susceptibles d’être pris en vertu de l’article 52 du règlement no 1151/2012, en ce qu’il est antérieur auxdits actes pris à la suite de la procédure d’opposition et indépendant de celle-ci, il convient de constater que, contrairement aux exigences posées par le point 11 de l’arrêt précité, l’acte attaqué ne constitue pas le « terme ultime d’une procédure spéciale distincte », mais, au contraire, le terme d’une étape de la procédure, à savoir la phase d’« examen par la Commission et [de] publication aux fins d’opposition », prévue par l’article 50 du règlement no 1151/2012 (voir point 34 ci‑dessus).

48

Par conséquent, le recours doit être rejeté comme irrecevable, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la seconde fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

Sur les dépens

49

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris à ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Pagkyprios organismos ageladotrofon Dimosia Ltd (POA) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, y compris les dépens afférents à la procédure de référé.

Fait à Luxembourg, le 14 septembre 2016.

 

Le greffier

E. Coulon

Le président

M. E. Martins Ribeiro


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.