Affaire T‑56/15

Raimund Schmitt Verpachtungsgesellschaft mbH & Co. KG

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle

«Marque de l’Union européenne — Demande de marque de l’Union européenne verbale BRAUWELT — Motifs absolus de refus — Caractère descriptif — Absence de caractère distinctif — Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) no 207/2009 — Caractère distinctif acquis par l’usage — Article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 — Droit d’être entendu — Obligation de motivation — Article 75 du règlement no 207/2009»

Sommaire – Arrêt du Tribunal (première chambre) du 18 octobre 2016

  1. Marque de l’Union européenne – Procédure de recours – Recours devant le juge de l’Union – Compétence du Tribunal – Réformation d’une décision de l’Office – Appréciation au regard des compétences conférées à la chambre de recours

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 45, 64, § 1, et 65, § 3)

  2. Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs absolus de refus – Examen séparé des motifs de refus au regard de chacun des produits ou des services visés par la demande d’enregistrement – Obligation de motivation du refus d’enregistrement – Portée

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 7, § 1, et 75, 1re phrase)

  3. Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs absolus de refus – Marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir à désigner les caractéristiques d’un produit ou d’un service – Objectif – Impératif de disponibilité

    [Règlement du Conseil no 207/2009, art. 7, § 1, c)]

  4. Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs absolus de refus – Marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir à désigner les caractéristiques d’un produit ou d’un service – Notion – Marque constituée d’un mot ou d’un néologisme résultant d’une combinaison d’éléments

    [Règlement du Conseil no 207/2009, art. 7, § 1, c)]

  5. Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs absolus de refus – Marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir à désigner les caractéristiques d’un produit ou d’un service – Marque verbale BRAUWELT

    [Règlement du Conseil no 207/2009, art. 7, § 1, c)]

  6. Marque de l’Union européenne – Décisions de l’Office – Principe d’égalité de traitement – Principe de bonne administration – Pratique décisionnelle antérieure de l’Office – Principe de légalité – Nécessité d’un examen strict et complet dans chaque cas concret

    (Règlement du Conseil no 207/2009)

  7. Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs absolus de refus – Chevauchement des champs d’application des motifs énoncés sous b) et c) de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009

    [Règlement du Conseil no 207/2009, art. 7, § 1, b) et c)]

  8. Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs absolus de refus – Marques dépourvues de caractère distinctif, descriptives ou de caractère usuel – Exception – Acquisition du caractère distinctif par l’usage

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 7, § 3)

  9. Marque de l’Union européenne – Procédure de recours – Recours devant le juge de l’Union – Limitation de la liste des produits et services postérieure à la décision de la chambre de recours – Spécifications susceptibles d’influer sur la détermination du public ciblé – Modification de l’objet du litige – Exclusion

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 43, § 1 ; règlement de procédure du Tribunal, art. 188)

  10. Marque de l’Union européenne – Procédure de recours – Recours devant les chambres de recours – Compétence des chambres de recours – Nouvel examen complet du fond

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 64, § 1)

  1.  Est irrecevable un chef de conclusions visant à obtenir du Tribunal qu’il modifie la décision d’une chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, attaquée devant lui, en ce sens que l’enregistrement de la marque demandée en tant que marque de l’Union auprès de l’Office soit ordonné ou que ladite marque soit enregistrée.

    À cet égard, le Tribunal est, certes, compétent, en vertu de l’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 sur la marque de l’Union européenne, pour réformer la décision de la chambre de recours. Cela étant, ce pouvoir de réformation vise à ce que le Tribunal adopte la décision que la chambre de recours aurait dû prendre, conformément aux dispositions du règlement no 207/2009, ce qui implique que la recevabilité d’une demande en réformation doit être appréciée au regard des compétences qui sont conférées à ladite chambre de recours.

    Or, si l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne découle de la constatation que l’ensemble des conditions prévues par l’article 45 du règlement no 207/2009 sont remplies, les instances de l’Office compétentes en matière d’enregistrement de marques de l’Union n’adoptent pas, à cet égard, de décision formelle qui pourrait faire l’objet d’un recours. Dès lors, la chambre de recours, qui peut, en vertu de l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance pour qu’elle y donne suite, n’est pas compétente pour connaître d’une demande visant à ce qu’elle enregistre une marque de l’Union. Partant, il n’appartient pas davantage au Tribunal de connaître d’une demande de réformation visant à ce qu’il modifie la décision d’une chambre de recours en ce sens.

    (voir points 11-14)

  2.  Lorsque l’enregistrement d’une marque est demandé pour divers produits ou services, la chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle doit vérifier in concreto que la marque en cause ne relève d’aucun des motifs de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 sur la marque de l’Union européenne à l’égard de chacun de ces produits ou services et peut aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou les services considérés. Dès lors, la chambre de recours, lorsqu’elle refuse l’enregistrement d’une marque, est tenue d’indiquer dans sa décision la conclusion à laquelle elle aboutit pour chacun des produits et des services visés dans la demande d’enregistrement, indépendamment de la manière dont cette demande a été formulée.

    Toutefois, lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, la chambre de recours peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés, à condition que l’ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent la motivation de la décision en cause, d’une part, explicitent à suffisance le raisonnement suivi par la chambre de recours pour chacun des produits et des services appartenant à cette catégorie et, d’autre part, puisse être appliqué indifféremment à chacun des produits et des services concernés. Or, le seul fait que les produits ou les services en cause relèvent de la même classe au sens de l’arrangement de Nice n’est pas suffisant à cet effet.

    (voir points 21, 22)

  3.  Voir le texte de la décision.

    (voir point 29)

  4.  Voir le texte de la décision.

    (voir points 30-34)

  5.  Voir le texte de la décision.

    (voir points 52, 53, 58)

  6.  Voir le texte de la décision.

    (voir points 81, 82)

  7.  Voir le texte de la décision.

    (voir point 92)

  8.  Selon l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 sur la marque de l’Union européenne, les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du même règlement ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci a acquis un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé.

    Par conséquent, en principe, l’acquisition du caractère distinctif par l’usage doit être établie pour la catégorie entière des produits ou services à laquelle s’appliquait le motif de refus concerné, telle qu’elle figure dans la liste des produits et services visés par la marque demandée, et non pas par rapport à une sous-catégorie.

    Cette règle est sans préjudice de ce que, selon l’article 43, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, le demandeur d’une marque peut à tout moment retirer sa demande de marque de l’Union européenne ou limiter la liste des produits ou services qu’elle contient.

    (voir points 107-109)

  9.  Une limitation, au sens de l’article 43, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 sur la marque de l’Union européenne, de la liste des produits ou services contenus dans une demande de marque de l’Union européenne, opérée postérieurement à l’adoption de la décision attaquée peut être prise en considération par le Tribunal lorsque le demandeur se borne strictement à réduire l’objet du litige en retirant certaines catégories de produits ou de services de la liste des produits et des services désignés dans la demande de marque.

    Lorsque, en revanche, cette limitation conduit à une modification de l’objet du litige, en ce qu’il en résulte l’introduction d’éléments nouveaux qui n’avaient pas été soumis à l’examen de la chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle aux fins de l’adoption de la décision attaquée, elle ne peut pas, en principe, être prise en compte par le Tribunal. Tel est, notamment, le cas lorsque la limitation des produits et des services consiste en des spécifications susceptibles d’influer sur la détermination du public ciblé et de modifier, par conséquent, le cadre factuel qui avait été présenté devant la chambre de recours.

    (voir point 113)

  10.  Aux termes de l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 sur la marque de l’Union européenne, à la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle statue sur le recours et peut, ce faisant, exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée. Il résulte de cette disposition que, par l’effet du recours contre une décision de refus d’enregistrement par l’examinateur, la chambre de recours peut procéder à un nouvel examen complet du fond de la demande d’enregistrement, tant en droit qu’en fait. Par conséquent, la chambre de recours est, notamment, compétente pour statuer sur une revendication du caractère distinctif de la marque demandée acquis par son usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009.

    Or, la chambre de recours ne saurait être dessaisie de cette compétence du simple fait que le demandeur de la marque a choisi de revendiquer le caractère distinctif acquis par l’usage, pour la première fois, dans le cadre de la procédure de recours. En effet, dans ce cas de figure, la perte de l’instance découle uniquement du comportement propre du demandeur de la marque, et non pas d’une quelconque violation de ses droits procéduraux commise par les instances de l’Office.

    (voir points 119, 120)