ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

22 novembre 2017 ( *1 )

« Pourvoi – Environnement – Règlement (CE) no 1272/2008 – Classification, étiquetage et emballage de certaines substances et de certains mélanges – Règlement (UE) no 944/2013 – Classification du brai de goudron de houille à haute température – Catégories de toxicité aquatique aiguë (H400) et de toxicité aquatique chronique (H410) – Obligation de diligence – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire C‑691/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 17 décembre 2015,

Commission européenne, représentée par Mme K. Talabér-Ritz et M. P.-J. Loewenthal, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par :

Royaume de Danemark, représenté par MM. C. Thorning et M. N. Lyshøj, en qualité d’agents,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze, J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,

Royaume des Pays-Bas, représentée par Mmes M. Bulterman et C. S. Schillemans ainsi que par M. J. Langer, en qualité d’agents,

parties intervenantes au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant :

Bilbaína de Alquitranes SA, établie à Luchana-Baracaldo (Espagne),

Deza a.s., établie à Valašské Meziříčí (République tchèque),

Industrial Química del Nalón SA, établie à Oviedo (Espagne),

Koppers Denmark A/S, établie à Nyborg (Danemark),

Koppers UK Ltd, établie à Scunthorpe (Royaume-Uni),

Koppers Netherlands BV, établie à Uithoorn (Pays-Bas),

Rütgers basic aromatics GmbH, établie à Castrop-Rauxel (Allemagne),

Rütgers Belgium NV, établie à Zelzate (Belgique),

Rütgers Poland sp. z o.o., établie à Kędzierzyn-Koźle (Pologne),

Bawtry Carbon International Ltd, établie à Doncaster (Royaume-Uni),

Grupo Ferroatlántica SA, établie à Madrid (Espagne),

SGL Carbon GmbH, établie à Meitingen (Allemagne),

SGL Carbon GmbH, établie à Bad Goisern am Hallstättersee (Autriche),

SGL Carbon, établie à Passy (France),

SGL Carbon SA, établie à La Corogne (Espagne),

SGL Carbon Polska S.A., établie à Racibórz (Pologne),

ThyssenKrupp Steel Europe AG, établie à Duisbourg (Allemagne),

Tokai erftcarbon GmbH, établie à Grevenbroich (Allemagne),

représentées par Mes K. Van Maldegem, C. Mereu et M. Grunchard, avocats, ainsi que par M. P. Sellar, advocate,

parties demanderesses en première instance,

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par MM. N. Herbatschek et W. Broere ainsi que par Mme M. Heikkilä, en qualité d’agents,

GrafTech Iberica SL, établie à Pampelune (Espagne), représentée par Mes C. Mereu, K. Van Maldegem et M. Grunchard, avocats, ainsi que par M. P. Sellar, advocate,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. C. G. Fernlund (rapporteur), président de chambre, MM. A. Arabadjiev et E. Regan, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 juin 2017,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 septembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 octobre 2015, Bilbaína de Alquitranes e.a./Commission (T‑689/13, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:767), par lequel celui-ci a annulé le règlement (UE) no 944/2013 de la Commission, du 2 octobre 2013, modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique et scientifique, le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (JO 2013, L 261, p. 5, ci-après le « règlement litigieux »), dans la mesure où il classifie le brai de goudron de houille à haute température (CE no 266-028-2, ci-après le « BGHHT ») parmi les substances de toxicité aquatique aiguë de catégorie 1 (H400) et de toxicité aquatique chronique de catégorie 1 (H410).

Le cadre juridique

2

Le règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 286/2011 de la Commission, du 10 mars 2011 (JO 2011, L 83, p. 1) (ci-après le « règlement no 1272/2008 »), énonce, à ses considérants 4 à 8 :

« (4)

Le commerce des substances et des mélanges concerne non seulement le marché intérieur, mais également le marché mondial. Les entreprises devraient donc tirer avantage de l’harmonisation générale des règles applicables à la classification et à l’étiquetage et de la cohérence entre, d’une part, les règles de classification et d’étiquetage pour la fourniture et l’utilisation et, d’autre part, celles pour le transport.

(5)

En vue de faciliter les échanges internationaux tout en protégeant la santé humaine et l’environnement, des critères harmonisés de classification et d’étiquetage ont fait l’objet, pendant douze ans, d’une mise au point minutieuse au sein de la structure des Nations unies et ont abouti au système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques (ci-après dénommé “le SGH”).

(6)

Le présent règlement fait suite à diverses déclarations par lesquelles la Communauté a confirmé son intention de contribuer à l’harmonisation générale des critères de classification et d’étiquetage, non seulement au niveau des Nations unies, mais aussi en intégrant dans le droit communautaire les critères du SGH établis au niveau international.

(7)

Plus il y aura de pays dans le monde qui intégreront les critères du SGH dans leur législation, plus les avantages pour les entreprises seront importants. Il convient que la Communauté joue un rôle de premier plan dans ce processus afin d’encourager d’autres pays à la suivre et de donner un avantage concurrentiel aux entreprises de la Communauté.

(8)

Il est donc essentiel d’harmoniser les dispositions et les critères relatifs à la classification et à l’étiquetage des substances, des mélanges et de certains articles spécifiques dans la Communauté, en tenant compte des critères de classification et des règles d’étiquetage du SGH, mais aussi en se fondant sur l’expérience acquise pendant quarante ans grâce à la mise en œuvre de la législation communautaire dans le domaine des produits chimiques et en maintenant le niveau de protection atteint grâce au système d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage, aux classes communautaires de danger qui ne font pas encore partie du SGH et aux règles actuelles en matière d’étiquetage et d’emballage. »

3

L’annexe I du règlement no 1272/2008, qui présente notamment les critères de classification dans les classes de danger, et leurs différenciations, est composée de cinq parties. Sous la partie 4 de cette annexe, le point 4.1.3, intitulé « Critères de classification des mélanges », est libellé comme suit :

« 4.1.3.1.

Le système de classification des mélanges reprend toutes les catégories de classification utilisées pour les substances, c’est-à-dire la catégorie de toxicité aiguë 1 et les catégories de toxicité chronique 1 à 4. L’approche qui suit est appliquée, le cas échéant, pour exploiter toutes les données disponibles aux fins de la classification des dangers du mélange pour le milieu aquatique.

Les “composants à prendre en compte” dans un mélange sont ceux qui sont classés comme ayant une toxicité aiguë – catégorie 1 ou une toxicité chronique – catégorie 1 et qui sont présents à une concentration égale ou supérieure à 0,1 % (poids/poids), et ceux qui sont classés comme ayant une toxicité chronique – catégorie 2, une toxicité chronique – catégorie 3 ou une toxicité chronique – catégorie 4 et qui sont présents à une concentration égale ou supérieure à 1 % (poids/poids), sauf s’il y a lieu de penser (comme dans le cas des composants fortement toxiques, voir section 4.1.3.5.5.5) qu’un composant présent à une concentration inférieure peut malgré tout avoir une influence sur la classification d’un mélange comme dangereux pour le milieu aquatique. D’une manière générale, pour les substances classées “toxicité aiguë catégorie 1” ou “toxicité chronique catégorie 1”, la concentration à prendre en compte est (0,1/M) % (le facteur M fait l’objet d’une explication à la section 4.1.3.5.5.5.).

4.1.3.2.

La classification des mélanges dangereux pour le milieu aquatique s’effectue selon une démarche par étapes et dépend du type d’informations disponibles sur le mélange proprement dit et ses composants. La figure 4.1.2 décrit la marche à suivre.

La démarche par étapes comprend :

une classification fondée sur des mélanges testés,

une classification fondée sur des principes d’extrapolation,

la méthode de la “somme des composants classés” et/ou l’application d’une “formule d’additivité” ».

4

Le point 4.1.3.5.5 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, intitulé « Méthode de la somme des composants », énonce :

« 4.1.3.5.5.1.1.

Dans le cas des catégories de toxicité chronique 1 à 3, les critères de toxicité sous-jacents diffèrent d’un facteur 10 d’une catégorie à l’autre. Des substances classées dans une plage de toxicité élevée contribuent donc à la classification d’un mélange dans une plage de toxicité inférieure. Dans le calcul de ces catégories de classification, il convient donc de tenir compte de la contribution de toute substance classée dans la catégorie de toxicité chronique 1, 2 ou 3.

4.1.3.5.5.1.2.

Si un mélange contient des composants classés dans la catégorie de toxicité aiguë 1 ou de toxicité chronique 1, il convient d’être attentif au fait que, lorsque leur toxicité aiguë est inférieure à 1 mg/l et/ou leur toxicité chronique est inférieure à 0,1 mg/l (s’ils ne se dégradent pas rapidement) et à 0,01 mg/l (s’ils se dégradent rapidement), ces composants contribuent à la toxicité du mélange, même s’ils ne sont présents qu’à une faible concentration. Les composants actifs des pesticides sont souvent très toxiques pour le milieu aquatique, mais il en va de même pour d’autres substances, telles que les composés organométalliques. Dans ces conditions, l’application des limites de concentration génériques normales entraîne une “sous-classification” du mélange. Il convient dès lors d’appliquer des facteurs de multiplication pour tenir compte des composants très toxiques, conformément au point 4.1.3.5.5.5. »

5

S’agissant des mélanges de composants hautement toxiques, le point 4.1.3.5.5.5.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 prévoit :

« Les composants relevant de la catégorie de toxicité aiguë 1 et de la catégorie de toxicité chronique 1 dont la toxicité est inférieure à 1 mg/l et/ou dont la toxicité chronique est inférieure à 0,1 mg/l (s’ils ne sont pas rapidement dégradables) ou à 0,01 mg/l (s’ils sont rapidement dégradables) contribuent à la toxicité du mélange, même à une faible concentration, et doivent normalement se voir attribuer un poids plus important dans la méthode de la somme, appliquée en vue de la classification. Lorsqu’un mélange contient des composants classés dans les catégories de toxicité aiguë 1 ou de toxicité chronique 1, l’une des méthodes suivantes est appliquée :

la méthode par étapes décrite aux sections 4.1.3.5.5.3 et 4.1.3.5.5.4, en multipliant les concentrations des composants relevant des catégories de toxicité aiguë 1 et de toxicité chronique 1 par un facteur de façon à obtenir une somme pondérée, au lieu d’additionner les pourcentages tels quels. Autrement dit, la concentration de composants classés en “toxicité aiguë 1” dans la colonne de gauche du tableau 4.1.1 et la concentration de composants classés en “toxicité chronique 1” dans la colonne de gauche du tableau 4.1.2 sont multipliées par le facteur approprié. [...]

[...] »

Les antécédents du litige

6

Il ressort des antécédents du litige exposés aux points 1 à 8 de l’arrêt attaqué que le BGHHT est le résidu de la distillation du goudron de houille à haute température. Cette substance fait partie des substances de composition inconnue ou variable, produits de réactions complexes ou matières biologiques (ci-après les « substances UVCB »).

7

Au mois de septembre 2010, le Royaume des Pays-Bas a soumis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un dossier proposant la classification du BGHHT parmi les substances cancérogènes de catégorie 1A (H350), mutagènes de catégorie 1B (H340), toxiques pour la reproduction de catégorie 1B (H360FD), de toxicité aquatique aiguë de catégorie 1 (H400) et de toxicité aquatique chronique de catégorie 1 (H410).

8

Le 2 octobre 2013, la Commission a adopté le règlement litigieux. En vertu de l’article 1er, point 2, sous a), i), et sous b), i), de ce règlement, lu en combinaison avec les annexes II et IV de celui-ci, le BGHHT a notamment été classifié parmi les substances de toxicité aquatique aiguë de catégorie 1 (H400) et de toxicité aquatique chronique de catégorie 1 (H410). En vertu de l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement, cette classification est applicable depuis le 1er avril 2016.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

9

Bilbaína de Alquitranes SA, Deza a.s., Industrial Química del Nalón SA, Koppers Denmark A/S, Koppers UK Ltd, Koppers Netherlands BV, Rütgers basic aromatics GmbH, Rütgers Belgium NV, Rütgers Poland sp. z o.o., Bawtry Carbon International Ltd, Grupo Ferroatlántica SA, SGL Carbon GmbH (Allemagne), SGL Carbon GmbH (Autriche), SGL Carbon, SGL Carbon SA, SGL Carbon Polska S.A., ThyssenKrupp Steel Europe AG et Tokai erftcarbon GmbH (ci-après « Bilbaína e.a. ») ont introduit un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux, à l’appui duquel elles ont soulevé trois moyens, dont le deuxième est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission quant au niveau de toxicité du BGHHT.

10

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, en substance, que la Commission avait commis une telle erreur en ce qu’elle avait manqué à son obligation de prendre en considération tous les éléments et toutes les circonstances pertinentes afin de prendre dûment en compte le taux de présence de seize constituants hydrocarbures aromatiques polycycliques dans le BGHHT et leurs effets chimiques.

11

Le Tribunal a dès lors accueilli la deuxième branche du deuxième moyen du recours et a annulé le règlement litigieux en tant qu’il classifie le BGHHT parmi les substances de toxicité aquatique aiguë de catégorie 1 (H400) et de toxicité aquatique chronique de catégorie 1 (H410).

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

12

La Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens de la présente instance.

13

Bilbaína e.a. demandent à la Cour de rejeter le pourvoi ou de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de condamner la Commission aux dépens du pourvoi, même dans l’hypothèse où ce dernier serait partiellement accueilli.

14

L’ECHA demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens de la présente instance.

15

Le gouvernement danois demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

16

Le gouvernement allemand demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens de la présente instance.

17

Le gouvernement néerlandais demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué.

18

Par ordonnance du vice-président de la Cour du 7 juillet 2016, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a. (C‑691/15 P–R, non publiée, EU:C:2016:597), la demande de sursis à l’exécution du règlement litigieux introduite le 24 mars 2016 par Bilbaína e.a. a été rejetée.

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen, pris d’un défaut de motivation

Argumentation des parties

19

La Commission soutient que les motifs exposés aux points 31 à 34 de l’arrêt attaqué sont entachés d’un défaut de motivation en raison de leur caractère contradictoire ou ambigu. Elle fait valoir que ces motifs ne permettent pas de comprendre si le Tribunal a annulé le règlement litigieux parce que la Commission a eu recours à la méthode de la somme ou parce qu’elle a commis une erreur dans l’application de cette méthode.

20

Au point 34 de l’arrêt attaqué, le Tribunal semblerait avoir reproché à la Commission de s’être appuyée sur les caractéristiques des constituants du BGHHT plutôt que sur les caractéristiques de cette substance prise dans son ensemble, suggérant ainsi que le recours à la méthode de la somme était erroné. En revanche, au point 22 de cet arrêt, le Tribunal aurait indiqué que le moyen formulé par Bilbaína e.a. concernait le principe de l’application de cette méthode. En outre, aux points 32 et 33 dudit arrêt, le Tribunal aurait indiqué que la Commission aurait dû prendre en compte la faible solubilité de la substance prise dans son ensemble lorsqu’elle a appliqué la méthode de la somme.

21

Bilbaína e.a. contestent l’argumentation de la Commission.

Appréciation de la Cour

22

Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal lui impose de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (voir, notamment, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 372, ainsi que ordonnance du 1er juin 2017, Universidad Internacional de la Rioja/EUIPO, C‑50/17 P, non publiée, EU:C:2017:415, point 12).

23

Au point 30 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé « que la Commission [avait] commis une erreur manifeste d’appréciation en ce que, en classifiant le BGHHT parmi les substances de toxicité aquatique aiguë de catégorie 1 (H400) et de toxicité aquatique chronique de catégorie 1 (H410) sur la base de ses constituants, elle [avait] manqué à son obligation de prendre en considération tous les éléments et circonstances pertinents afin de prendre dûment en compte le taux de présence des seize constituants [hydrocarbures aromatiques polycycliques] dans le BGHHT et leurs effets chimiques ».

24

Il ressort des points 31 à 34 de cet arrêt que le Tribunal a jugé que ni la Commission ni l’ECHA n’avaient été en mesure d’établir que « la Commission [avait] pris en considération le fait que, selon le point 1.3, intitulé “Propriétés physicochimiques”, du document d’information [annexé à l’avis du comité d’évaluation des risques de l’ECHA] les constituants du BGHHT ne pouvaient être extraits du BGHHT que dans une mesure limitée et que cette substance présentait une grande stabilité ».

25

Cette appréciation repose sur deux éléments. Le premier, exposé au point 33 de l’arrêt attaqué, tient à la circonstance qu’il ne ressortait ni de l’avis du comité d’évaluation des risques de l’ECHA (ci-après l’« avis du CER » ni du document d’information annexé à cet avis qu’il a été tenu compte de la faible solubilité dans l’eau du BGHHT. Le second élément, exposé au point 34 de cet arrêt, est la constatation que la classification du BGHHT reposait sur la présomption selon laquelle seize constituants représentant 9,2 % du BGHHT pouvaient se dissoudre dans l’eau, alors même que, selon le document d’information annexé à l’avis du CER, le taux maximal de solubilité dans l’eau de cette substance est 0,0014 %.

26

Les points 31 à 34 de l’arrêt attaqué reposent sur une motivation qui fait ainsi apparaître de façon claire et univoque que le Tribunal n’a pas considéré que la Commission, en adoptant le règlement litigieux, avait recouru, à tort, à la méthode de la somme. En jugeant, par les motifs exposés aux points 31 à 34 de cet arrêt, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’application de la méthode de la somme, le Tribunal a motivé sa décision à suffisance de droit.

27

Dès lors, le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur le deuxième moyen, pris de la violation du règlement no 1272/2008

28

Le deuxième moyen du pourvoi est composé de deux branches. La première branche de ce moyen repose sur la prémisse selon laquelle le Tribunal a jugé que la Commission avait recouru, à tort, à la méthode de la somme. Toutefois, cette prémisse étant erronée, ainsi qu’il a été jugé au point 26 du présent arrêt, cette première branche doit d’emblée être rejetée. Il convient donc d’examiner le deuxième moyen pris en sa seconde branche.

Argumentation des parties

29

Par la seconde branche du deuxième moyen, la Commission critique les motifs par lesquels le Tribunal, aux points 31 à 34 de l’arrêt attaqué, a jugé que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation.

30

La Commission soutient que le fait de prendre en considération la solubilité du BGHHT dans son ensemble est incompatible avec la méthode de la somme qui repose sur l’analyse des constituants de cette substance. Elle fait valoir que l’hypothèse selon laquelle les constituants d’une substance se dissolvent dans l’eau est inhérente à la méthode de la somme. En application de cette méthode, il serait ainsi présumé que les constituants sont entièrement solubles, car leur solubilité serait déjà intégrée en amont lors de l’évaluation de leur toxicité. Le fait que les seize constituants pris en compte en l’occurrence ne représenteraient que 9,2 % du BGHHT serait dénué de pertinence, dès lors qu’il ne serait requis, lors de l’application de cette méthode, ni de prendre en compte un grand nombre de constituants ni que les constituants pris en compte représentent une importante proportion de la substance. Il importerait uniquement de vérifier, par la méthode de la somme, si les seuils fixés par le règlement no 1272/2008 sont atteints, sans que la Commission dispose à cet égard de la moindre marge d’appréciation. Le Tribunal aurait donc commis une erreur de droit en reprochant à la Commission de ne pas avoir pris en considération des éléments qui ne sont pas prévus par la méthode de la somme visée au point 4.1.3.5.5 de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

31

Selon Bilbaína e.a., dès lors que le BGHHT présente une faible solubilité dans l’eau, le Tribunal se serait, à juste titre, interrogé sur le point de savoir si la méthode de la somme parvenait à la bonne solution. L’idée selon laquelle la Commission serait prise dans le carcan d’une procédure lui interdisant de prendre en considération des éléments factuels qui infirment l’hypothèse théorique qu’elle persiste à suivre risquerait d’aboutir à des résultats absurdes, injustes et scientifiquement non fondés.

32

Les gouvernements danois et allemand approuvent la méthodologie suivie par la Commission. Le point 4.1.3.5.5 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 n’exigerait pas de tenir compte de la solubilité du mélange dans son ensemble, contrairement à ce que le Tribunal a jugé dans l’arrêt attaqué.

Appréciation de la Cour

33

La seconde branche du deuxième moyen du pourvoi pose la question de savoir si la Commission, lorsqu’elle applique la méthode de la somme pour déterminer si une substance UVCB relève des catégories de toxicité aiguë et de toxicité chronique pour le milieu aquatique, est tenue de limiter son appréciation aux seuls éléments expressément visés au point 4.1.3.5.5 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, à l’exclusion de tout autre, ou, au contraire, si elle doit, au titre de son obligation de diligence, examiner avec soin et impartialité d’autres éléments qui, bien que non expressément visés par lesdites dispositions, sont néanmoins pertinents.

34

Il convient de rappeler à cet égard, ainsi que l’a jugé, en substance, le Tribunal au point 23 de l’arrêt attaqué, que, afin de pouvoir procéder à la classification d’une substance au titre du règlement no 1272/2008, et en considération des évaluations scientifiques et techniques complexes qu’elle doit opérer, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission (arrêts du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 75, et du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60).

35

L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. En particulier, lorsqu’une partie invoque une erreur manifeste d’appréciation qui aurait été commise par l’institution compétente, le juge de l’Union européenne doit contrôler si cette institution a examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce sur lesquels cette appréciation est fondée (voir, notamment, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14 ; du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 77 ; du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission, C‑405/07 P, EU:C:2008:613, point 56, ainsi que du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 57). Cette obligation de diligence est en effet inhérente au principe de bonne administration et s’applique de manière générale à l’action de l’administration de l’Union (arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 34 ; voir également, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Commission/Estonie, C‑505/09 P, EU:C:2012:179, point 95).

36

En l’occurrence, il est constant que la classification d’une substance UVCB au regard des dangers pour le milieu aquatique qu’elle comporte doit être établie conformément aux dispositions du règlement no 1272/2008 régissant la classification des mélanges. Il ressort du point 4.1.3.2 de l’annexe I de ce règlement ce qui suit :

« La classification des mélanges dangereux pour le milieu aquatique s’effectue selon une démarche par étapes et dépend du type d’information disponible sur le mélange proprement dit et ses composants. [...]

La démarche par étapes comprend :

une classification fondée sur des mélanges testés,

une classification fondée sur des principes d’extrapolation,

la méthode de la “somme des composants classés” et/ou l’application d’une “formule d’additivité”. »

37

Ce point établit un ordre de priorité décroissant entre ces trois méthodes. Lorsque, comme en l’espèce, les données disponibles ne permettent pas de recourir aux deux premières méthodes, la classification d’une substance UVCB doit ainsi être déterminée sur la base de la méthode de la somme, selon les modalités définies au point 4.1.3.5.5 de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

38

Pour les catégories de toxicité aiguë 1 et de toxicité chronique 1, cette méthode consiste, en substance, à calculer la somme des concentrations des constituants classés dans ces catégories, multipliées par un facteur M. Ce facteur M augmente d’un ordre de magnitude de manière inversement proportionnelle au niveau de toxicité de la substance en question, et ce afin de refléter le fait que les substances relevant de ces catégories de danger « contribuent à la toxicité du mélange, même à une faible concentration, et doivent normalement se voir attribuer un poids plus important dans la méthode de la somme », aux termes du point 4.1.3.5.5.5.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008. Si la somme des concentrations pondérées du facteur M est supérieure ou égale à 25 %, la substance considérée est classée en toxicité aiguë catégorie 1 ou en toxicité chronique catégorie 1.

39

Il est vrai que le point 4.1.3.5.5 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 n’envisage pas le recours à d’autres critères que ceux expressément visés à cette disposition. Toutefois, il y a lieu de constater qu’aucune disposition n’interdit expressément la prise en considération d’autres éléments susceptibles d’être pertinents pour la classification d’une substance UVCB.

40

Il convient, en outre, de replacer ce point 4.1.3.5.5 dans son contexte.

41

Selon le point 4.1.3.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, l’approche suivie pour la classification des mélanges, précédemment décrite sommairement au point 38 du présent arrêt, « est appliquée, le cas échéant, pour exploiter toutes les données disponibles aux fins de la classification des dangers du mélange pour le milieu aquatique ». Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 73 de ses conclusions, l’emploi des expressions « le cas échéant » (« where appropriate » dans la version en langue anglaise de ce point) et « toutes les données disponibles », tend à infirmer l’interprétation selon laquelle la prise en considération d’informations autres que celles expressément retenues dans le cadre de la méthode de la somme devrait, en toutes circonstances, être exclue.

42

Par ailleurs, il ressort des considérants 4 à 8 du règlement no 1272/2008 que le législateur de l’Union a entendu « contribuer à l’harmonisation générale des critères de classification et d’étiquetage, non seulement au niveau des Nations unies, mais aussi en intégrant dans le droit communautaire les critères du SGH établis au niveau international ». À cet effet, l’annexe I de ce règlement reproduit à l’identique la quasi-totalité des dispositions du SGH.

43

Or, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 79 de ses conclusions, il ressort du texte même du SGH, en particulier de son annexe 9, intitulée « Document guide sur les dangers pour le milieu aquatique », que l’approche méthodologique indiquée pour déterminer la classification des dangers pour le milieu aquatique de substances est délicate en raison, notamment, du fait que « le terme substance couvre une large palette de produits chimiques, dont un grand nombre est très difficile à classer selon un système reposant sur des critères rigides ». Ce document souligne ainsi « les problèmes d’interprétation complexes, même pour des experts » que suscite la classification, notamment des substances dites « complexes ou à multi composants » dont « les caractéristiques de biodégradation, de bioaccumulation, de coefficient de partage et de solubilité dans l’eau posent tous des problèmes d’interprétation, dans la mesure où chaque composant du mélange peut se comporter différemment ».

44

Les auteurs de ce document ont donc ainsi entendu attirer l’attention sur les limitations inhérentes aux critères méthodologiques, prévus par le SGH, de classification des dangers pour le milieu aquatique, à l’égard de certaines substances caractérisées, notamment, par leur complexité, leur stabilité ou leur faible hydrosolubilité.

45

Le législateur de l’Union a intégré les dispositions du SGH dans l’annexe I du règlement no 1272/2008, sans manifester l’intention de s’écarter de cette approche. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le législateur de l’Union a, en intégrant ainsi le SGH dans le règlement no 1272/2008, fait abstraction de ces limitations méthodologiques.

46

L’application stricte et automatique de la méthode de la somme en toutes circonstances est susceptible de conduire à sous-évaluer la toxicité pour le milieu aquatique d’une substance UVCB dont peu de constituants seraient connus. Un tel résultat ne saurait être considéré comme compatible avec la finalité de protection de l’environnement et de la santé humaine poursuivie par le règlement no 1272/2008.

47

Il convient donc de considérer que, lorsqu’elle applique la méthode de la somme pour déterminer si une substance UVCB relève des catégories de toxicité aiguë et de toxicité chronique pour le milieu aquatique, la Commission n’est pas tenue de limiter son appréciation aux seuls éléments expressément visés au point 4.1.3.5.5 de l’annexe I du règlement no 1272/2008, à l’exclusion de tout autre. Conformément à son obligation de diligence, la Commission est tenue d’examiner avec soin et impartialité d’autres éléments qui, bien que non expressément visés par lesdites dispositions, sont néanmoins pertinents.

48

En l’occurrence, la Commission, soutenue par l’ECHA et les gouvernements danois et allemand, fait valoir que la faible solubilité du BGHHT est dénuée de pertinence aux fins de l’application de la méthode de la somme. Elle estime en effet que la méthode de la somme prend indirectement en compte la solubilité des constituants relevant des catégories de dangers pour le milieu aquatique « toxicité aiguë » et « toxicité chronique ».

49

Le point de savoir si la faible solubilité du BGHHT peut être considérée comme pertinente et doit, à ce titre, être prise en considération aux fins de la classification des dangers pour le milieu aquatique posés par cette substance est une question de qualification juridique de faits qui relève de la compétence de la Cour dans le cadre de son contrôle sur pourvoi.

50

Le motif de l’arrêt attaqué figurant au point 28 de celui-ci, selon lequel, « afin de considérer qu’une substance entre dans les catégories de toxicité aiguë ou chronique, c’est cette substance, et non [pas] seulement ses constituants, qui doit satisfaire aux critères de classification », n’est pas contesté.

51

La méthode de classification visée au point 4.1.3.5.5 de l’annexe I du règlement no 1272/2008 repose sur l’hypothèse selon laquelle les constituants pris en considération sont 100 % solubles. Sur la base de cette hypothèse, cette méthode de la somme implique qu’il existe un niveau de concentration des constituants en deçà duquel le seuil de 25 % ne peut être atteint et consiste ainsi à calculer la somme des concentrations des constituants relevant des catégories de toxicité aiguë ou chronique, pondérées, chacune, du facteur M correspondant à leur profil de toxicité.

52

Il est toutefois inhérent à cette méthode que celle-ci perd en fiabilité dans des situations dans lesquelles la somme pondérée des constituants excède le niveau de concentration correspondant au seuil de 25 % dans une proportion inférieure au rapport entre le taux de solubilité observé au niveau de la substance considérée prise dans son ensemble et le taux de solubilité hypothétique de 100 %. En effet, dans de telles situations, il devient alors possible que la méthode de la somme aboutisse, dans des cas particuliers, à un résultat supérieur ou inférieur au niveau correspondant au seuil réglementaire de 25 %, selon qu’est pris en considération le taux de solubilité hypothétique des constituants ou celui de la substance prise dans son ensemble.

53

Il est constant qu’il ressort du tableau 7.6.2 de l’annexe I du rapport joint à l’avis du CER que, d’une part, la méthode de la somme aboutit au résultat de 14521 % et que, d’autre part, ce résultat est 581 fois supérieur au niveau minimal requis pour que le seuil de 25 %, après pondération par les facteurs M, soit atteint. Il n’est pas non plus contesté qu’il ressort en outre du point 1.3 de ce document, intitulé « Propriétés physicochimiques », que le taux maximal de solubilité dans l’eau du BGHHT était de 0,0014 %, soit un taux environ 71000 fois inférieur au taux de solubilité hypothétique de 100 % utilisé pour les constituants pris en considération.

54

C’est donc sans commettre de dénaturation ni d’erreur de qualification juridique des faits que le Tribunal a jugé, au point 34 de l’arrêt attaqué, que, « en partant de l’hypothèse que tous ces [constituants] se dissolvent dans l’eau, la Commission a donc, en substance, fondé la classification en cause sur l’hypothèse que 9,2 % du BGHHT pouvait se dissoudre dans l’eau. Cependant, ainsi qu’il ressort du point 1.3. du document d’information [annexé à l’avis du CER], une telle valeur n’est pas réaliste, le taux maximal étant de 0,0014 % ».

55

Ayant constaté, au point 32 de cet arrêt, que « ni la Commission ni l’ECHA n’[avaient] été en mesure d’établir [...] que [...] la Commission [avait] pris en considération le fait que, selon le point 1.3., intitulé “Propriété physicochimiques”, du document d’information [annexé à l’avis du CER], les constituants du BGHHT ne pouvaient être extraits du BGHHT que dans une mesure limitée et que cette substance présentait une grande stabilité », le Tribunal a, sans commettre d’erreur de droit, jugé au point 30 dudit arrêt que « la Commission [avait] commis une erreur manifeste d’appréciation en ce que, en classifiant le BGHHT parmi les substances de toxicité aquatique aiguë de catégorie 1 (H400) et de toxicité aquatique chronique de catégorie 1 (H410) sur la base de ses constituants, elle [avait] manqué à son obligation de prendre en considération tous les éléments et circonstances pertinents afin de prendre dûment en compte le taux de présence des seize constituants [...] dans le BGHHT et leurs effets chimiques ».

56

Le deuxième moyen du pourvoi doit donc être rejeté comme étant non fondé.

Sur le troisième moyen, pris de la violation des limites du contrôle juridictionnel et d’une dénaturation des éléments de preuve

57

La Commission déclare avoir adopté le règlement litigieux sur la base d’un large éventail d’éléments scientifiques. Il s’agirait d’éléments très complexes et qui justifieraient l’application de la méthode de la somme. Le Tribunal, au point 34 de l’arrêt attaqué, n’aurait retenu de ce vaste ensemble d’éléments scientifiques et techniques que la phrase selon laquelle 9,2 % du BGHHT pouvait se dissoudre dans l’eau pour infirmer l’évaluation de la Commission. Or, cet élément serait inhérent à la méthode de la somme. En jugeant, à ce point 34, que le taux maximal de solubilité du BGHHT dans son ensemble est de 0,0014 %, le Tribunal aurait substitué sa propre appréciation à celle de la Commission. En outre, en agissant de la sorte, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve sur la base desquels le règlement litigieux a été adopté.

58

Toutefois, il convient de constater que ce troisième moyen du pourvoi repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Le Tribunal n’a pas, au point 34 de l’arrêt attaqué, substitué sa propre appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union. En application de la jurisprudence constante relative à l’étendue du contrôle juridictionnel, rappelée au point 35 ci-dessus, l’appréciation du Tribunal, fondée sur les données issues du document d’information annexé à l’avis du CER, a exclusivement porté sur la question de nature procédurale consistant à déterminer si la Commission, en procédant à la classification du BGHHT, a respecté son obligation de prendre en considération tous les éléments et les circonstances pertinents.

59

Dès lors, il convient d’écarter le troisième moyen comme étant non fondé.

60

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

61

En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62

L’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

63

L’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit que lorsqu’une partie intervenante en première instance participe à la procédure, la Cour peut décider qu’elle supporte ses propres dépens.

64

Bilbaína e.a. ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Bilbaína e.a., y compris ceux afférents à la procédure en référé ayant donné lieu à l’ordonnance du vice-président de la Cour du 7 juillet 2016, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a. (C‑691/15 P–R, non publiée, EU:C:2016:597).

65

Le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne et le Royaume des Pays-Bas, parties intervenantes au pourvoi, supporteront leurs propres dépens.

66

L’ECHA, partie intervenante en première instance, supportera ses propres dépens.

67

GrafTech Iberica SL, partie intervenante en première instance, ayant participé à la procédure orale sans avoir conclu à la condamnation de la Commission aux dépens, supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Bilbaína de Alquitranes SA, Deza a.s., Industrial Química del Nalón SA, Koppers Denmark A/S, Koppers UK Ltd, Koppers Netherlands BV, Rütgers basic aromatics GmbH, Rütgers Belgium NV, Rütgers Poland sp. z o.o., Bawtry Carbon International Ltd, Grupo Ferroatlántica SA, SGL Carbon GmbH (Allemagne), SGL Carbon GmbH (Autriche), SGL Carbon, SGL Carbon SA, SGL Carbon Polska S.A., ThyssenKrupp Steel Europe AG et Tokai erftcarbon GmbH, y compris ceux afférents à la procédure en référé ayant donné lieu à l’ordonnance du vice-président de la Cour du 7 juillet 2016, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a. (C‑691/15 P-R, non publiée, EU:C:2016:597).

 

3)

Le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne et le Royaume des Pays-Bas supportent leurs propres dépens.

 

4)

GrafTech Iberica SL et l’Agence européenne pour les produits chimiques supportent leurs propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.