ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

8 juin 2017 ( *1 )

«Pourvoi — Protection communautaire des obtentions végétales — Demande de protection communautaire — Variété de pommes ‟Gala Schnitzer” — Examen technique — Principes directeurs formulés par le conseil d’administration de l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV) — Règlement (CE) no 1239/95 — Article 23, paragraphe 1 — Pouvoirs du président de l’OCVV — Ajout d’un caractère distinctif à l’issue de l’examen technique — Stabilité du caractère sur deux cycles de culture»

Dans l’affaire C‑625/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 novembre 2015,

Schniga GmbH, établie à Bolzano (Italie), représentée par Mes R. Kunze et G. Würtenberger, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office communautaire des variétés végétales (OCVV), représenté par MM. M. Ekvad et F. Mattina, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Brookfield New Zealand Ltd, établie à Havelbock North (Nouvelle‑Zélande),

Elaris SNC, établie à Angers (France),

représentées par Me M. Eller, avvocato,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, Mme M. Berger, MM. A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur) et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 novembre 2016,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 janvier 2017,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Schniga GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 septembre 2015, Schniga/OCVV – Brookfield New Zealand et Elaris (Gala Schnitzer) (T‑91/14 et T‑92/14, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:624), par lequel celui-ci a rejeté ses recours tendant à l’annulation de deux décisions de la chambre de recours de l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV) du 20 septembre 2013, relatives à l’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales pour la variété de pommes Gala Schnitzer (affaires A 003/2007 et A 004/2007, ci-après les « décisions litigieuses »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2

Aux termes de l’article 6 du règlement (CE) no 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO 1994, L 227, p. 1, ci-après le « règlement de base »), la protection communautaire des obtentions végétales est accordée pour des variétés qui sont distinctes, homogènes, stables et nouvelles.

3

Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, une variété est considérée comme distincte si elle se distingue nettement, par référence à l’expression des caractères qui résultent d’un génotype ou d’une combinaison de génotypes donnés, de toute autre variété dont l’existence est notoirement connue à la date de dépôt de la demande.

4

Quant aux critères d’homogénéité, de stabilité et de nouveauté, ils sont définis respectivement aux articles 8, 9 et 10 dudit règlement.

5

L’article 50, paragraphe 1, sous f), de ce même règlement précise que la demande de protection communautaire doit comporter une description technique de la variété.

6

La question de savoir si les critères de distinction, d’homogénéité et de stabilité (ci-après les « critères DUS ») sont remplis dans un cas d’espèce est examinée dans le cadre d’un examen technique mené conformément aux articles 55 et 56 du règlement de base.

7

En vertu de l’article 55, paragraphe 1, de ce règlement :

« Si, à la suite de l’examen visé aux articles 53 et 54, l’[OCVV] constate qu’aucun obstacle ne s’oppose à l’octroi d’une protection communautaire des obtentions végétales, il prend les dispositions voulues pour que l’examen technique visant à contrôler le respect des [critères DUS] soit effectué, dans au moins un des États membres, par le ou les organismes compétents qui ont été chargés par le conseil d’administration [de l’OCVV] de l’examen technique des variétés de l’espèce concernée (offices d’examen). »

8

Aux termes de l’article 56, paragraphe 2, dudit règlement, les examens techniques sont menés conformément aux principes directeurs formulés par le conseil d’administration de l’OCVV (ci-après le « conseil d’administration ») et aux instructions données par l’OCVV. Ces principes directeurs décrivent, notamment, le matériel végétal exigé pour l’examen technique, les modalités des tests, les méthodes à appliquer, les observations à présenter, le regroupement des variétés incluses dans le test, ainsi que le tableau des caractères à examiner. Dans le cadre de l’examen technique, les plantes de la variété concernée sont cultivées au côté de celles des variétés que l’OCVV et le centre d’examen désigné tiennent comme étant les variétés dont la variété candidate est la plus proche, selon la description de celle-ci dans la description technique qui fait partie de la demande de protection communautaire des obtentions végétales.

9

L’article 59, paragraphe 3, sous a), de ce même règlement précise :

« Les objections [à l’octroi de la protection communautaire] ne peuvent invoquer que les motifs suivants :

a)

les conditions visées aux articles 7 à 11 ne sont pas remplies ».

10

En vertu de l’article 72 du règlement de base :

« La chambre de recours statue sur le recours sur la base de l’examen effectué conformément à l’article 71. Elle peut soit exercer les compétences de [l’OCVV], soit renvoyer l’affaire au service compétent de [l’OCVV] pour suite à donner au recours. Ce service est lié par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours, pour autant que les faits de la cause [sont] les mêmes. »

11

En vertu de l’article 19, paragraphe 2, sous c), du règlement (CE) no 1239/95 de la Commission, du 31 mai 1995, établissant les règles d’exécution du règlement no 2100/94 en ce qui concerne la procédure devant l’Office communautaire des variétés végétales (JO 1995, L 121, p. 37, ci-après le « règlement d’application »), la demande de protection communautaire comporte, entre autres informations, l’expression des caractères de la variété, en particulier, qui, selon le demandeur, la distingue clairement d’autres variétés, ces dernières pouvant être nommées afin de servir de référence pour les essais.

12

L’article 22 de ce règlement, intitulé « Décision concernant les principes directeurs », précise :

« 1.   Le conseil d’administration arrête, sur proposition du président de l’[OCVV], les principes directeurs. La date de la décision et les noms des espèces concernées par celle-ci sont publiés au Bulletin officiel prévu à l’article 87 du présent règlement.

2.   À défaut pour le conseil d’administration d’arrêter les principes directeurs, le président de l’[OCVV] peut prendre une décision provisoire en la matière. Celle-ci cesse de produire ses effets le jour où le conseil d’administration arrête les principes directeurs. Tout examen technique entrepris avant que le conseil d’administration n’ait arrêté les principes directeurs n’est pas affecté par le fait que ces principes diffèrent de ceux qui ont été arrêtés, à titre provisoire, par le président de l’[OCVV]. Le conseil d’administration peut décider autrement si les circonstances le justifient. »

13

Aux termes de l’article 23 dudit règlement, intitulé « Habilitation du président de l’[OCVV] » :

« 1.   Lorsque le conseil d’administration arrête les principes directeurs, il habilite le président de l’[OCVV] à ajouter de nouveaux caractères et leurs expressions pour une variété.

2.   Au cas où le président fait usage de l’habilitation visée au paragraphe 1, l’article 22, paragraphe 2, s’applique mutatis mutandis. »

14

Le protocole TP/14/1 de l’OCVV, du 27 mars 2003, relatif aux examens de la distinction, de l’homogénéité et de la stabilité (Pomme), (ci-après le « protocole OCVV TP/14/1 »), établit les principes directeurs concernant l’examen technique des variétés de pommes de l’espèce Malus Mill. Avant son adoption, il n’existait pas de principes directeurs ni d’instructions générales, au sens du règlement de base, concernant lesdites variétés. Conformément à une pratique constante en matière d’examens techniques, l’OCVV procédait alors à l’examen des critères DUS des variétés en question en se fondant sur les principes directeurs généraux et techniques arrêtés par l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), une organisation intergouvernementale établie par la convention internationale pour la protection des obtentions végétales, adoptée à Paris le 2 décembre 1961 (ci-après la « convention UPOV »).

15

Aux termes du point III 3 du protocole OCVV TP/14/1, « les caractères à utiliser dans les tests DUS et dans les préparations de description sont ceux mentionnés à l’annexe 1 ».

16

Selon le point III 5 du protocole OCVV TP/14/1, « [l]a durée minimale du test (cycles de végétation indépendants) correspond normalement à au moins deux récoltes satisfaisantes de fruits ». Le point IV dudit protocole ajoute que « [l]es variétés candidates peuvent satisfaire aux critères DUS après deux périodes de fructification mais, dans certains cas, trois périodes de fructification peuvent être nécessaires ».

17

Ainsi que l’énonce le point III 6 du protocole OCVV TP/14/1 :

« [...] un demandeur peut faire valoir, soit dans le questionnaire technique soit au cours du test, qu’une variété candidate présente un caractère qui serait utile pour établir la distinction. Si une telle demande est introduite et est étayée par des données techniques fiables, on peut procéder à un examen à condition qu’une procédure de test techniquement acceptable puisse être élaborée. Des tests spéciaux seront menés avec l’accord du président de l’OCVV, lorsqu’il est peu probable que la distinction puisse être démontrée en recourant aux caractères énumérés dans le protocole. »

Le droit international

18

L’UPOV, dont la Communauté européenne est devenue membre le 29 juillet 2005, a adopté un certain nombre de principes directeurs, figurant dans des protocoles, qui sont pertinents aux fins du présent litige.

19

Il s’agit, tout d’abord, des principes directeurs TG/14/8 pour la conduite de l’examen de la distinction, de l’homogénéité et de la stabilité, du 20 octobre 1995, qui ont été établis par l’UPOV pour les variétés de pommes de l’espèce Malus Mill (ci-après le « protocole UPOV TG/14/8 »).

20

Il s’agit, ensuite, du document UPOV TG/1/3, intitulé « Introduction générale à l’examen de la distinction, de l’homogénéité et de la stabilité et à l’harmonisation des descriptions des variétés végétales », établi par l’UPOV le 19 avril 2002 (ci‑après le « protocole UPOV TG/1/3 »), qui constitue la base de l’ensemble des principes directeurs de l’UPOV concernant l’examen des critères DUS (ci-après l’« examen DUS »).

21

En vertu du point 1.3 du protocole UPOV TG/1/3, « [l]es seules obligations s’imposant aux membres de l’[UPOV] sont celles qui sont énoncées dans le texte même de la convention UPOV, et le présent document ne doit pas être interprété de façon incompatible avec la loi applicable au membre de l’[UPOV] concerné ». Ce protocole se donne pour objet « d’énoncer les principes sur lesquels repose l’examen DUS » et énonce que « l’examen des nouvelles variétés végétales peut être harmonisé dans tous les membres de l’[UPOV] ».

22

Aux termes du point 4.2.3 du protocole UPOV TG/1/3, « [l]es caractères figurant dans les principes directeurs d’examen ne sont pas nécessairement exhaustifs et d’autres caractères peuvent y être ajoutés si cela se révèle utile et si ces caractères répondent aux conditions énoncées plus haut ».

23

Selon le point 5.3.3.1.1 du protocole UPOV TG/1/3 :

« L’un des moyens de s’assurer qu’une différence dans un caractère observée dans un essai en culture est suffisamment reproductible consiste à examiner le caractère dans au moins deux situations indépendantes. Cela est possible pour des variétés annuelles et pérennes grâce aux observations faites sur les plantations pendant deux saisons différentes ou dans le cas d’autres variétés pérennes grâce à des observations faites pendant deux saisons différentes sur la base d’une seule plantation. Des indications sur la possibilité de recourir à d’autres solutions, en procédant par exemple aux essais dans deux milieux différents au cours de la même année, sont données dans le document TGP/9 “Examen de la distinction”. »

24

Aux termes du point 6.2 du protocole UPOV TG/1/3 :

« [...] Les caractères pertinents d’une variété comprennent au moins tous les caractères qui ont été utilisés pour l’examen DUS ou qui figurent dans la description variétale établie à la date d’octroi de la protection pour cette variété. Par conséquent, tous les caractères évidents peuvent être considérés comme pertinents, qu’ils figurent ou non dans les principes directeurs d’examen. »

25

Le point 7.2 du protocole UPOV TG/1/3 ajoute :

« Les caractères pertinents ou essentiels comprennent au moins tous les caractères utilisés pour l’examen DUS ou figurant dans la description variétale établie à la date d’octroi de la protection de cette variété. Tous les caractères évidents peuvent donc être pris en considération, qu’ils figurent ou non dans les principes directeurs d’examen. »

26

Enfin, de nouveaux principes directeurs pour la conduite de l’examen de la distinction, de l’homogénéité et de la stabilité pour les variétés fruitières de pommes ont été adoptés par l’UPOV dans le document UPOV TG/14/9 du 6 avril 2005 (ci-après le « protocole UPOV TG/14/9 »). Le tableau des caractères incorporé dans le protocole UPOV TG/14/9 comprend un caractère no 40, intitulé « Fruit : largeur des rayures », qui ne figurait pas dans le tableau des caractères incorporé dans le protocole UPOV TG/14/8.

Les antécédents du litige

27

Le Tribunal a résumé les antécédents du litige aux points 22 à 43 de l’arrêt attaqué comme suit :

« 22

Le 18 janvier 1999, le Konsortium Südtiroler Baumschuler, aux droits duquel vient [Schniga], a déposé une demande de protection des obtentions végétales auprès de l’OCVV, en vertu du [règlement de base] [...] Cette demande a été enregistrée sous le numéro 1999/0033. L’obtention végétale pour laquelle la protection a ainsi été demandée est la variété de pommes de l’espèce Malus Mill dénommée Gala Schnitzer (ci-après la “variété candidate”).

23

[Au mois de] février 1999, l’OCVV a chargé le centre d’examen du Bundessortenamt (Office fédéral des variétés végétales allemand, ci-après le “BSA”) établi à Wurzen (Allemagne) de procéder à l’examen technique de la variété candidate, conformément à l’article 55, paragraphe 1, du [règlement de base]. Aux fins de cet examen, la variété Baigent (ci-après la “variété de référence”), considérée comme étant la plus proche de la variété candidate, a été utilisée comme variété de comparaison.

24

Il s’est avéré, [au cours de l’année] 2001, que le matériel végétal présenté par Schniga aux fins de l’examen technique était porteur de virus. L’examen technique a dès lors été suspendu, puis repris, au printemps 2002, après que Schniga a été autorisée par l’OCVV à présenter un nouveau matériel, non infecté, de la variété candidate. Il s’est poursuivi au cours des années 2003 et 2004 [...]

25

Par lettre du 18 janvier 2005, le BSA a indiqué ce qui suit à l’OCVV :

“Le 13 janvier 2005, nous vous avons envoyé le rapport intermédiaire relatif à l’examen DUS de la variété [candidate] au nom de l’[OCVV]. Nous considérons que la variété candidate est distincte de la variété [de référence] sur la base d’un caractère qui, actuellement, n’est pas repris dans le [protocole] OCVV TP/14/1 : ‘fleur : coloration de la base des filaments (après déhiscence de l’anthère)’ [...]

[...] Des éléments de preuve ont été avancés pour soutenir que ce caractère est suffisamment homogène et reproductible, et témoigne de variations suffisantes entre les variétés et, dès lors, permet d’établir la distinction [...]

Dans ce contexte, l’inclusion du caractère en cause a été proposée pendant la révision du [protocole UPOV TG/14/9], mais cette proposition a été rejetée pour réduire le nombre des caractères à un nombre raisonnable.

Notre intention a reçu un soutien et il nous a été recommandé d’envoyer, ensemble avec le rapport intermédiaire, une demande d’autorisation d’utiliser ce caractère en tant que nouveau caractère, conformément au [protocole] OCVV TP/14/1, point [III 3]”.

26

Un nouveau rapport intermédiaire complémentaire a été transmis par l’OCVV à Schniga le 7 février 2005, avec la mention “pas de remarque particulière”.

27

Le 19 décembre 2005, le BSA a adressé son rapport final d’examen technique à l’OCVV et à Schniga (ci-après le “rapport final d’examen”), concluant que la variété candidate était homogène, stable et distincte de la variété de référence, sur la base du caractère “Fruit : largeur des stries”.

28

Le rapport final d’examen indique, au point 9, sous la rubrique “Date et/ou numéro de document des principes directeurs pour l’examen national”, la mention “2003-03-27 OCVV TP/14/1”.

29

Il ressort des points 16 et 17 du rapport final d’examen, concernant la comparaison de la variété candidate avec la variété de référence, que la variété candidate présente des stries larges (note 7), alors que la variété de référence présente des stries étroites à moyennes (note 4), cette appréciation étant fondée sur l’évaluation d’un caractère additionnel “Fruit : largeur des stries”, correspondant au caractère no 40 du protocole UPOV TG/14/9 du 6 avril 2005 (ci-après le “caractère additionnel litigieux”). L’OCVV fait observer, à cet égard, que ledit caractère additionnel litigieux ne figurait ni dans le protocole [OCVV TP/14/1] ni dans le protocole [UPOV TG/14/8] [...]

30

Par lettre du 24 janvier 2006, l’OCVV a informé le BSA que des principes directeurs incorrects avaient été cités dans le rapport final d’examen et qu’il ne fallait pas utiliser comme base du rapport d’examen le protocole OCVV TP/14/1 (adopté [au mois de] mars 2003), mais le protocole UPOV TG/14/8 (adopté [au cours de l’année] 1995), car c’est ce dernier qui était en vigueur à la date d’adoption de la décision de tester la variété candidate, [au mois de] janvier 1999.

31

Le 9 février 2006, le BSA a transmis à l’OCVV une version modifiée du rapport final d’examen. Le point 17 de cette version indique :

“[L]a variété a été testée conformément au [protocole UPOV TG/14/8]. La description de la variété a été réalisée sur la base du tableau des caractères du [protocole] OCVV TP/14/1, du 27 mars 2003, qui est entré en vigueur pendant la période de test. Cela permet à la variété [candidate] de faire partie de la collection de référence des variétés avec une priorité postérieure. La variété est distincte, stable et homogène au sens des deux [protocoles]”.

32

Le 5 mai 2006, les intervenantes, Brookfield New Zealand Ltd et Elaris SNC, respectivement titulaire d’une licence afférente au droit de protection de la variété de référence et titulaire de ce droit, ont adressé à l’OCVV des objections, au titre de l’article 59 du [règlement de base], à l’octroi de la protection demandée pour la variété candidate. Ces objections étaient fondées sur le droit de protection antérieur de la variété de référence.

33

Les motifs invoqués à l’appui des objections étaient, d’une part, celui visé à l’article 61, paragraphe 1, sous b), du règlement ?de base?, en ce que le non-respect, par Schniga, des conditions relatives à la présentation de matériel destiné à l’examen technique, telles que définies par l’OCVV, aurait dû conduire celui-ci à rejeter la demande de protection et, d’autre part, celui visé à l’article 7 dudit règlement, en ce que la variété candidate ne se distinguerait pas de la variété de référence.

34

Par décision du 14 décembre 2006, suivie d’un corrigendum du 5 février 2007, le président de l’OCVV a approuvé l’utilisation du caractère additionnel litigieux, en vue d’établir la distinction entre la variété candidate et la variété de référence. En revanche, cette décision ne mentionne pas le caractère additionnel “coloration de l’anthocyane à la base du filet”, également mentionné dans le rapport final d’examen. La décision en question est expressément fondée sur l’article 23 du [règlement d’application].

35

Par décisions du 26 février 2007, le comité de l’OCVV compétent pour se prononcer sur les objections à l’octroi d’une protection communautaire des obtentions végétales a accordé la protection demandée à la variété candidate (ci-après la “décision d’octroi de protection”) et a rejeté les objections (ci‑après les “décisions de rejet des objections”). Il s’est, notamment, fondé sur la circonstance que, “pour des raisons techniques”, la prise en compte du caractère additionnel litigieux était justifiée, bien que celui-ci n’ait pas été mentionné dans les protocoles en vigueur à la date de la demande de protection.

36

Le 11 avril 2007, les intervenantes ont formé chacune un recours auprès de la chambre de recours de l’OCVV [(ci-après la “chambre de recours”)], au titre des articles 67 à 72 du [règlement de base], contre les décisions d’octroi de protection et de rejet des objections.

37

Par décision du 21 novembre 2007 dans les affaires jointes A 003/2007 et A 004/2007, la chambre de recours a fait droit à ces recours, a annulé les décisions d’octroi de protection et de rejet des objections et a rejeté la demande de protection, en ne se prononçant que sur le premier des deux moyens résumés au point 33 ci-dessus [...]

38

À la suite d’un recours en annulation formé par Schniga devant le Tribunal, la décision de la chambre de recours du 21 novembre 2007 a été annulée par l’arrêt du 13 septembre 2010, Schniga/OCVV – Elaris et Brookfield New Zealand (Gala Schnitzer) (T‑135/08, [...] EU:T:2010:397). Le pourvoi formé contre ledit arrêt a été rejeté par l’arrêt du 19 décembre 2012, Brookfield New Zealand et Elaris/OCVV et Schniga (C‑534/10 P, [...] EU:C:2012:813).

39

La chambre de recours a dès lors repris l’examen des recours formés par les intervenantes, au regard du second moyen résumé au point 33 ci-dessus, faisant grief à l’OCVV d’avoir accordé la protection demandée à une variété non distincte. Par [...] les décisions [litigieuses] [...], elle a de nouveau annulé les décisions d’octroi de protection et de rejet des objections et a rejeté la demande de protection.

40

D’une part, en se fondant sur l’article 56, paragraphe 2, du [règlement de base] et sur les articles 22 et 23 du [règlement d’application], la chambre de recours a considéré, en substance :

que le protocole et les principes directeurs d’examen en vigueur aux fins de l’examen technique étaient, de tout temps, le protocole UPOV TG/14/8 [...] et le protocole OCVV TP/14/1 [...] (point 19 des décisions [litigieuses]) ;

que lesdits protocoles ne mentionnaient pas le caractère additionnel litigieux ;

que ni dans le questionnaire technique ni au cours de la période d’examen Schniga n’avait présenté de demande de prise en compte du caractère additionnel litigieux au titre du point III 6 du protocole OCVV TP/14/1 (point 21 des décisions [litigieuses]) ;

que le caractère additionnel litigieux n’était pas mentionné dans la lettre du BSA du 18 janvier 2005 à l’OCVV et que le BSA n’avait adressé aucune demande à l’OCVV le concernant, celui-ci ayant été mentionné pour la première fois dans le rapport final d’examen, puis dans la décision du président de l’OCVV du 14 décembre 2006 approuvant son utilisation (point 22 des décisions [litigieuses]) ;

que, dans ces conditions, la prise en compte par le BSA, aux fins de l’examen technique, d’un caractère additionnel non prévu par le protocole OCVV TP/14/1, alors en vigueur, constituait une violation du point III 3 dudit protocole (point 25 des décisions [litigieuses]) ;

que la décision du président de l’OCVV du 14 décembre 2006 d’autoriser rétroactivement l’utilisation dudit caractère additionnel dans le cadre de l’examen technique était entachée d’une erreur fondamentale, dès lors que ladite décision était intervenue quelque 12 mois après le rapport final d’examen, et que cette décision ne saurait être justifiée, notamment au regard de l’article 22, paragraphe 2, du [règlement d’application] (point 26 des décisions [litigieuses]).

41

Au point 27 des décisions [litigieuses], la chambre de recours a invoqué, en ce sens, sa décision du 8 octobre 2009 dans l’affaire A 010/2008 (JEWEL), aux termes de laquelle l’utilisation d’un caractère additionnel doit être approuvée au préalable par le président de l’OCVV, de façon à garantir la sécurité juridique, l’objectivité dans le traitement des demandes de protection et la prévisibilité du comportement de tous les acteurs concernés.

42

D’autre part, la chambre de recours a considéré, aux points 28 et 29 des décisions [litigieuses], que l’examen technique au regard du caractère additionnel litigieux avait été de surcroît et en tout état de cause vicié par le fait qu’il s’était déroulé sur une période d’une année seulement, à savoir [l’année] 2005, comme l’avait reconnu le BSA, alors que tous les autres caractères avaient été examinés au cours des deux cycles de végétation consécutifs 2004 et 2005. Cela constituait, selon elle, une violation manifeste des protocoles et principes directeurs applicables en l’espèce, notamment les protocoles UPOV TG/1/3 et UPOV TG/14/8, qui exigent, pour les variétés de pommes, un examen portant sur au moins deux cycles de végétation aux fins d’établir l’homogénéité et la stabilité.

43

En conséquence, la chambre de recours a considéré, aux points 30 et 31 des décisions [litigieuses], que la variété candidate ne pouvait être tenue légalement pour distincte de la variété de référence. »

Les recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

28

Par deux requêtes déposées au greffe du Tribunal le 10 février 2014, Schniga a introduit des recours tendant à l’annulation des décisions litigieuses.

29

À l’appui de ses recours, Schniga a soulevé un moyen unique, subdivisé en deux branches, la première étant tirée de ce que, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré, l’OCVV pouvait se fonder sur le caractère additionnel litigieux dans le cadre de l’examen technique, la seconde, de ce que c’est à tort que la chambre de recours a estimé que les résultats de cet examen technique avaient été viciés du seul fait qu’il avait porté, s’agissant de ce caractère additionnel litigieux, sur un seul cycle de culture, en violation des principes directeurs applicables.

30

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les recours.

31

S’agissant de la première branche du moyen unique, le Tribunal a, tout d’abord, au point 76 de l’arrêt attaqué, jugé que les dispositions procédurales du protocole OCVV TP/14/1 étaient applicables à la demande d’octroi de la protection communautaire à la variété candidate. Ensuite, le Tribunal a reconnu, au point 80 dudit arrêt, la primauté des protocoles adoptés par l’OCVV sur ceux adoptés par l’UPOV.

32

Le Tribunal a en outre rappelé, aux points 81 et 82 de l’arrêt attaqué, que l’OCVV dispose d’un large pouvoir d’appréciation aux fins de la réalisation de l’examen technique d’une variété et que, en particulier, le règlement d’application confère au président de l’OCVV le pouvoir d’ajouter de nouveaux caractères et leurs expressions pour une variété, lorsque le conseil d’administration arrête les principes directeurs. Il a ajouté, en substance, au point 83 dudit arrêt, que ce pouvoir d’appréciation est encadré par les protocoles et les principes directeurs d’examen arrêtés par le conseil d’administration qui ont un caractère contraignant à son égard.

33

Le Tribunal en a finalement conclu, en substance, au point 86 de l’arrêt attaqué, que le président de l’OCVV n’est pas habilité à autoriser la prise en compte, lors de l’examen technique d’une variété, d’un caractère non prévu par le protocole OCVV TP/14/1 et, par suite, a écarté la première branche du moyen unique.

34

Quant à la seconde branche du moyen unique, le Tribunal l’a rejetée comme inopérante, après avoir relevé que le premier motif retenu par la chambre de recours dans les décisions litigieuses, à savoir que l’OCVV ne pouvait à bon droit se fonder sur le caractère additionnel litigieux dans le cadre de l’examen technique de la variété candidate, n’était pas entaché d’illégalité et suffisait à justifier légalement ces décisions. Toutefois, le Tribunal a souligné que cet examen technique s’était déroulé sur une période d’une année seulement, à savoir l’année 2005, en violation manifeste du protocole OCVV TP/14/1 ainsi que du protocole UPOV TG/1/3, de telle sorte qu’il convenait, en tout état de cause, de rejeter le recours.

Les conclusions des parties

35

Schniga demande à la Cour :

d’annuler l’arrêt attaqué et

de condamner l’OCVV et les parties intervenantes aux dépens.

36

L’OCVV demande à la Cour :

d’accueillir le pourvoi et

de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

37

Brookfield New Zealand et Elaris demandent à la Cour :

de rejeter le pourvoi et

de condamner Schniga aux dépens.

Sur le pourvoi

Argumentation des parties

38

Le pourvoi introduit par Schniga est fondé sur un moyen unique tiré de la violation, par l’arrêt attaqué, des articles 7 et 56 du règlement de base, lu en combinaison avec les articles 22 et 23 du règlement d’application.

39

Dans un premier grief, Schniga, soutenue en substance par l’OCVV, fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a considéré que les protocoles et les principes directeurs en matière d’octroi de protection des variétés végétales ont une force contraignante à l’égard de l’OCVV.

40

Brookfield New Zealand et Elaris estiment que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que les règles de procédure que l’OCVV s’impose à lui-même sont nécessairement contraignantes et qu’elles priment sur celles de l’UPOV. Le caractère obligatoire de règles de comportement qu’un organe administratif s’impose à lui-même serait d’autant plus impératif lorsque cet organe bénéficie de larges pouvoirs discrétionnaires.

41

Dans un second grief, Schniga fait valoir, d’une part, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le protocole OCVV TP/14/1 était applicable à une demande de protection déposée antérieurement à son entrée en vigueur.

42

S’agissant, d’autre part, de la faculté du président de l’OCVV d’ajouter un caractère nouveau pour une variété, Schniga soutient que ni les dispositions du règlement de base ni celles du règlement d’application ne font obstacle à un tel ajout à l’issue de la réalisation de l’examen technique.

43

Ainsi, en vertu de l’article 23, paragraphe 1, du règlement d’application, le président de l’OCVV disposerait du pouvoir de tenir compte de tout caractère distinctif de la variété examinée, même si ce caractère n’est pas mentionné dans la demande de protection.

44

Selon Brookfield New Zealand et Elaris, le moment déterminant qui fixe le cadre procédural applicable à une demande d’octroi de la protection communautaire est non pas la date de dépôt de la demande, mais le moment où il est véritablement procédé à l’examen technique. Or, pour garantir la sécurité juridique, l’examen DUS ne saurait tenir compte de caractères distinctifs introduits postérieurement à l’examen technique.

Appréciation de la Cour

45

Il convient, d’emblée, d’examiner le second grief du moyen unique, et plus particulièrement l’argument tiré de ce que le Tribunal aurait, à tort, considéré, aux points 87 à 93 de l’arrêt attaqué, que le président de l’OCVV n’était pas en droit d’ajouter le caractère additionnel litigieux pour la variété candidate.

46

À titre liminaire, il importe, premièrement, de rappeler que la tâche de l’OCVV est caractérisée par une complexité scientifique et technique des conditions d’examen des demandes de protection communautaire, de telle sorte qu’il y a lieu de lui reconnaître un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice de ses fonctions (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Brookfield New Zealand et Elaris/OCVV et Schniga, C‑534/10 P, EU:C:2012:813, point 50). Ce large pouvoir d’appréciation s’étend, notamment, à la vérification du caractère distinctif d’une variété, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2010, Schräder/OCVV, C‑38/09 P, EU:C:2010:196, point 77).

47

Deuxièmement, l’OCVV, en tant qu’organe de l’Union européenne, est soumis au principe de bonne administration en vertu duquel il lui appartient d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents d’une demande de protection communautaire et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Il se doit, en outre, d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’il met en œuvre (arrêt du 19 décembre 2012, Brookfield New Zealand et Elaris/OCVV et Schniga, C‑534/10 P, EU:C:2012:813, point 51).

48

C’est dans ce contexte qu’il y a lieu d’apprécier si le Tribunal a interprété de façon erronée, ainsi que le soutiennent Schniga et l’OCVV, les dispositions du règlement de base et du règlement d’application relatives aux pouvoirs du président de l’OCVV.

49

En vertu de l’article 56, paragraphe 2, du règlement de base, les examens techniques sont menés conformément aux principes directeurs formulés par le conseil d’administration et aux instructions données par l’OCVV.

50

À cet égard, tout d’abord, en vertu de l’article 22, paragraphe 1, du règlement d’application, le conseil d’administration arrête, sur proposition du président de l’OCVV, les principes directeurs. L’article 22, paragraphe 2, de ce règlement précise que, à défaut pour ledit conseil d’arrêter ces principes directeurs, le président de l’OCVV peut prendre une décision provisoire en la matière.

51

Par ailleurs, selon l’article 23, paragraphe 1, du règlement d’application, lorsque le conseil d’administration arrête les principes directeurs, il habilite le président de l’OCVV à ajouter de nouveaux caractères et leurs expressions pour une variété.

52

Par conséquent, à supposer même que le protocole OCVV TP/14/1 ait été applicable à la procédure litigieuse, le président de l’OCVV était, en tout état de cause, habilité à ajouter un nouveau caractère, en l’occurrence la « largeur des stries », pour l’examen technique de la variété candidate.

53

Seule une telle interprétation des pouvoirs du président de l’OCVV, tels qu’ils ressortent, notamment, de l’article 23 du règlement d’application, est susceptible de rendre compte des particularités de l’objet et de la procédure d’octroi de la protection communautaire des variétés végétales.

54

En effet, et ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 97 de ses conclusions, l’appréciation des caractères d’une variété végétale emporte nécessairement un certain aléa du fait de la nature même de l’objet sur lequel porte l’examen technique, à savoir une variété végétale, ainsi que de la durée requise pour un tel examen.

55

Dans ces circonstances, seule la flexibilité que permet la faculté reconnue au président de l’OCVV, en vertu de l’article 23, paragraphe 1, du règlement d’application, d’ajouter des nouveaux caractères pour une variété est à même de garantir l’objectivité de la procédure d’octroi de la protection communautaire. Ainsi, une demande de protection communautaire ne saurait être rejetée au seul motif que le caractère d’une variété examinée, constaté lors de l’examen technique et déterminant pour en apprécier le caractère distinctif par rapport à d’autres variétés, n’était mentionné ni dans le questionnaire d’ordre technique rempli par le demandeur ni par les principes directeurs et les protocoles pertinents.

56

À cet égard, il importe de rappeler que, eu égard au large pouvoir d’appréciation reconnu à l’OCVV, celui-ci peut prendre en considération, s’il le juge nécessaire, des faits et des preuves tardivement invoqués ou produits par les parties (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Brookfield New Zealand et Elaris/OCVV et Schniga, C‑534/10 P, EU:C:2012:813, point 50).

57

Une telle faculté doit pouvoir lui être reconnue a fortiori lorsque, comme en l’espèce, les éléments pertinents pour l’examen du caractère distinctif d’une variété sont constatés au cours de la procédure objective que constitue l’examen technique diligenté par l’OCVV et réalisé par un office d’examen national.

58

Au demeurant, une telle compréhension des pouvoirs du président de l’OCVV est étayée par le protocole UPOV TG/1/3, dont le point 4.2.3 indique en particulier que les caractères figurant dans les principes directeurs d’examen ne sont pas exhaustifs et que d’autres caractères peuvent y être ajoutés si cela se révèle utile.

59

De plus, les pouvoirs du président de l’OCVV étant fixées par le règlement de base et le règlement d’application, les principes directeurs et les protocoles de l’OCVV arrêtés par le conseil d’administration ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de restreindre ces prérogatives.

60

Pour cette raison, la procédure prévue au point III 6 du protocole OCVV TP/14/1, mentionnée par le Tribunal au point 93 de l’arrêt attaqué, qui concerne les cas dans lesquels l’ajout d’un nouveau caractère est sollicité par le demandeur de la protection communautaire, ne saurait empêcher le président de l’OCVV d’ajouter d’office un nouveau caractère dans le cadre de l’examen technique d’une variété.

61

Quant au moment auquel le président de l’OCVV peut exercer le pouvoir qu’il tient de l’article 23, paragraphe 1, du règlement d’application, ni les dispositions de ce règlement ni celles du règlement de base ne s’opposent à ce que l’ajout d’un nouveau caractère intervienne postérieurement à l’issue de l’examen technique, dès lors qu’un tel caractère a été constaté à l’occasion de cet examen.

62

Ainsi, d’une part, en vertu des points 6.2 et 7.2 du protocole UPOV TG/1/3, cités par le Tribunal au point 77 de l’arrêt attaqué, les caractères pertinents aux fins de l’examen des critères DUS se déterminent par référence à la description variétale établie « à la date d’octroi de la protection » demandée, et non par référence à la description variétale établie à la date d’introduction de la demande.

63

C’est pourquoi la description technique de la variété candidate requise par l’article 50, paragraphe 1, sous f), du règlement de base et l’article 19, paragraphe 2, sous c), du règlement d’application ne saurait avoir, à l’égard du président de l’OCVV dans l’exercice de la prérogative qu’il tire de l’article 23, paragraphe 1, du règlement de base, qu’une valeur indicative.

64

D’autre part, une telle solution n’est pas incompatible avec le principe de sécurité juridique.

65

En effet, s’il est loisible au tiers, dont la variété protégée a été retenue en tant que variété devant servir de référence en vue de l’examen technique, d’adresser des objections à l’octroi de la protection communautaire, ces objections doivent viser, conformément à l’article 59, paragraphe 3, sous a), du règlement de base, à démontrer que les critères DUS ne sont pas remplis.

66

Partant, le fait que le président de l’OCVV ajoute un nouveau caractère dont la présence n’a été constatée que lors de l’examen technique d’une variété ne saurait, en tant que tel, constituer une violation du principe de sécurité juridique à l’égard du tiers dont la variété protégée a été retenue en tant que variété de référence en vue de cet examen. En effet, celui-ci ne peut invoquer des attentes légitimes quant à l’étendue dudit examen et à la nature des caractères distinctifs examinés.

67

Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l’article 23, paragraphe 1, du règlement d’application ne confère pas au président de l’OCVV la compétence pour ajouter, à l’issue de l’examen technique d’une variété, un nouveau caractère pour cette variété lorsque ce caractère n’était mentionné ni dans le questionnaire d’ordre technique rempli par le demandeur ni dans les principes directeurs et les protocoles applicables.

68

Par conséquent, il convient d’accueillir l’argument de Schniga et, sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres griefs du pourvoi, d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il a confirmé l’annulation de la décision de l’OCVV par la chambre de recours au motif que le caractère distinctif retenu « largeur des stries » a été ajouté par le président de l’OCVV.

Sur les recours devant le Tribunal

69

Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

70

En l’espèce, la Cour considère que les recours introduits par Schniga aux fins de l’annulation des décisions litigieuses sont en l’état d’être jugés et qu’il convient, dès lors, de statuer définitivement sur ces recours.

71

À cet égard, la circonstance que le Tribunal n’a répondu à la seconde branche du moyen unique de Schniga, aux points 103 et 104 de l’arrêt attaqué, qu’à titre surabondant n’est pas déterminante, dans la mesure où les parties ont eu l’opportunité de présenter de façon détaillée, devant cette juridiction et devant la Cour, leurs arguments relatifs à cette seconde branche.

72

Cela étant, il convient, tout d’abord, d’accueillir la première branche du moyen unique invoquée par la requérante au soutien de ses recours, pour les raisons exposées aux points 46 à 68 du présent arrêt.

73

S’agissant, ensuite, de la seconde branche dudit moyen unique, la chambre de recours a annulé les décisions d’octroi de protection et de rejet des objections au motif que l’examen technique au regard du caractère additionnel litigieux s’était déroulé sur une période d’une année seulement, à savoir l’année 2005, et non au cours de deux cycles de végétation consécutifs.

74

Schniga et l’OCVV font valoir que, en pratique, le BSA a lui-même constaté que le caractère additionnel litigieux avait été examiné postérieurement à l’année 2005, à savoir au cours des années 2006 et 2007. En tout état de cause, confrontée à une erreur de procédure susceptible d’être rectifiée, la chambre de recours aurait dû renvoyer l’affaire devant les services compétents de l’OCVV pour qu’ils adoptent les mesures nécessaires.

75

Brookfield New Zealand et Elaris soutiennent que, à aucun moment de la procédure, Schniga n’a demandé une correction de l’irrégularité constatée.

76

À cet égard, il importe de rappeler que, par la décision du 14 décembre 2006, le président de l’OCVV a approuvé l’utilisation du caractère additionnel litigieux en vue d’établir la distinction entre la variété candidate et la variété de référence et que, par la décision du 26 février 2007, l’OCVV a accordé à Schniga la protection communautaire pour la variété candidate.

77

Or, il n’est pas contesté que, à la date à laquelle ont été adoptées les décisions d’octroi de protection et de rejet des objections, soit le 26 février 2007, l’OCVV ne disposait que du rapport final d’examen adopté par le BSA le 19 décembre 2005 et modifié le 9 février 2006, lequel indiquait que ce caractère avait été constaté durant le cycle végétal de l’année 2005. Ce n’est que le 8 août 2008 que le BSA a informé l’OCVV que ledit caractère avait été constaté également lors des cycles de végétation des années 2006 et 2007.

78

Partant, la protection communautaire a été octroyée à Schniga pour la variété candidate sans que l’OCVV ne dispose d’éléments établissant que le caractère additionnel litigieux avait été examiné au cours de deux cycles de végétation, en violation tant du protocole OCVV TP/14/1 que du protocole UPOV TG/1/3.

79

À cet égard, le large pouvoir d’appréciation dont dispose l’OCVV dans l’exercice de ses fonctions, rappelé au point 46 du présent arrêt, ne saurait lui permettre de s’affranchir des règles techniques qui encadrent le déroulement des examens techniques, sans contrevenir au devoir de bonne administration ainsi qu’à l’obligation de soin et d’impartialité qui lui incombe. De surcroît, le caractère contraignant, y compris pour l’OCVV, de ces règles est confirmé par l’article 56, paragraphe 2, du règlement de base, lequel impose que les examens techniques soient menés conformément à celles-ci.

80

Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que l’OCVV avait octroyé la protection communautaire pour la variété candidate sur le fondement d’un examen technique irrégulier.

81

Il s’ensuit que la seconde branche du moyen unique de première instance n’est pas fondée.

82

Par voie de conséquence, les décisions litigieuses devraient être confirmées.

83

Toutefois, en vertu de l’article 72 du règlement de base, la chambre de recours peut soit exercer les compétences de l’OCVV, soit renvoyer l’affaire au service compétent de l’OCVV pour suite à donner au recours.

84

S’il est vrai que la chambre de recours dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de statuer elle-même sur la demande ou de renvoyer l’affaire au service compétent de l’OCVV, il n’en demeure pas moins que, dès lors qu’elle décide d’exercer les compétences de l’OCVV, il lui incombe d’examiner avec soin et impartialité toutes les circonstances pertinentes d’une demande de protection communautaire et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation, ainsi qu’il a été rappelé au point 47 du présent arrêt.

85

Or, la chambre de recours, exerçant les compétences de l’OCVV, a considéré que la variété candidate ne pouvait se voir octroyer la protection communautaire demandée, alors même qu’elle ne disposait pas de la certitude que le caractère « largeur de stries » n’était pas reproductible sur deux cycles de culture.

86

Eu égard, d’une part, au fait que l’erreur ayant conduit à l’annulation par la chambre de recours des décisions d’octroi de protection et de rejet des objections n’était pas imputable au demandeur et, d’autre part, que cette irrégularité, en tout état de cause, ne conditionne pas en soi le bien-fondé de la demande de protection, un renvoi au service compétent de l’OCVV pour poursuite de l’examen technique aux fins de s’assurer que le caractère additionnel litigieux satisfaisait à l’exigence de reproductibilité aurait permis à l’OCVV de disposer de l’ensemble des éléments pertinents pour apprécier la validité de l’octroi de la protection communautaire au profit de la variété candidate et aurait été mieux à même de garantir les droits du demandeur.

87

La circonstance que Schniga n’a pas sollicité une telle régularisation ne peut être utilement invoquée pour justifier l’abstention de la chambre de recours de renvoyer l’affaire au service compétent de l’OCVV, dès lors qu’il ne saurait être exigé d’un demandeur d’une protection communautaire qui s’est vu octroyer une telle protection qu’il remette en cause de son propre chef la validité même du droit qui lui a été reconnu.

88

Partant, il y a lieu d’annuler les décisions litigieuses en ce que, par celles-ci, la chambre de recours a, d’une part, considéré que l’article 23, paragraphe 1, du règlement d’application ne confère pas au président de l’OCVV la compétence pour ajouter, à l’issue de l’examen technique d’une variété, un nouveau caractère pour cette variété lorsque ce caractère n’est mentionné ni dans le questionnaire d’ordre technique de la demande ni par les principes directeurs et les protocoles applicables, et, d’autre part, annulé les décisions d’octroi de protection et de rejet des objections sans avoir préalablement, en application de l’article 72 du règlement de base, renvoyé l’affaire au service compétent de l’OCVV afin de disposer de l’ensemble des éléments pertinents pour apprécier la validité de la protection communautaire octroyée.

Sur les dépens

89

Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Enfin, l’article 140, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, dispose notamment que la Cour peut décider qu’une partie intervenante autre qu’un État membre ou une institution supportera ses propres dépens.

90

En l’espèce, Schniga ayant conclu à la condamnation de l’OCVV aux dépens et celui-ci ayant en partie succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Schniga, dans la mesure où le litige est né d’une erreur qui lui est imputable. Par ailleurs, il y a lieu de dire que Brookfield New Zealand et Elaris supporteront leurs propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

 

1)

L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 septembre 2015, Schniga/OCVV – Brookfield New Zealand et Elaris (Gala Schnitzer) (T‑91/14 et T‑92/14, non publié, EU:T:2015:624), est annulé.

 

2)

Les décisions de la chambre de recours de l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV) du 20 septembre 2013, relatives à l’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales pour la variété de pommes Gala Schnitzer (affaires A 003/2007 et A 004/2007), sont annulées.

 

3)

L’Office communautaire des variétés végétales supporte ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Schniga GmbH.

 

4)

Brookfield New Zealand Ltd et Elaris SNC supportent leurs propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.