ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

16 mars 2017 ( 1 )

«Renvoi préjudiciel — Fiscalité — Taxe sur la valeur ajoutée — Article 4, paragraphe 3, TUE — Sixième directive — Aides d’État — Procédure de libération des dettes des personnes physiques en faillite (esdebitazione) — Inexigibilité des dettes de TVA»

Dans l’affaire C‑493/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), par décision du 6 mai 2015, parvenue à la Cour le 21 septembre 2015, dans la procédure

Agenzia delle Entrate

contre

Marco Identi,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme A. Prechal, président de chambre, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. De Bellis, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement espagnol, par M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par M. A. Caeiros ainsi que par Mmes L. Lozano Palacios et F. Tomat, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, TUE et des articles 2 et 22 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Agenzia delle Entrate (Agence des impôts et des taxes, ci-après l’« administration fiscale ») à M. Marco Identi au sujet d’un avis d’imposition relatif à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et à l’impôt régional sur les activités productives pour l’exercice 2003.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

En vertu de l’article 2 de la sixième directive, sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel ainsi que les importations de biens.

4

L’article 22 de la sixième directive dispose :

« [...]

4.   Tout assujetti doit déposer une déclaration dans un délai à fixer par les États membres [...]

[...]

5.   Tout assujetti doit payer le montant net de la [TVA] lors du dépôt de la déclaration périodique. Toutefois, les États membres peuvent fixer une autre échéance pour le paiement de ce montant ou percevoir des acomptes provisionnels.

[...]

8.   [...] Les États membres ont la faculté de prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude.

[...] »

Le droit italien

5

Le decreto legislativo n. 5 (décret législatif no 5), du 9 janvier 2006 (supplément ordinaire à la GURI no 13, du 16 janvier 2006), a instauré la procédure de libération des dettes (esdebitazione), en modifiant les articles 142 à 144 de la legge fallimentare (loi sur les faillites), approuvée par le regio decreto n. 267 (décret royal no 267), du 16 mars 1942 (GURI no 81, du 6 avril 1942), et modifiée par le decreto legislativo n. 169 (décret législatif no 169), du 12 septembre 2007 (GURI no 241, du 16 octobre 2007) (ci-après la « loi sur les faillites »).

6

Aux termes de l’article 142 de la loi sur les faillites, intitulé « Libération des dettes » :

« Le débiteur personne physique est admis à la libération des dettes résiduelles, à l’égard de créanciers déclarés dans le cadre de la procédure collective qui n’ont pas été satisfaits, à condition que :

1)

il ait coopéré avec les organes chargés de la procédure, en fournissant toutes les informations et la documentation utile à l’établissement du passif et en agissant avec diligence aux fins du bon déroulement des opérations ;

2)

il n’ait en aucune manière retardé ou contribué à retarder le déroulement de la procédure ;

3)

il n’ait pas violé les dispositions de l’article 48 ;

4)

il n’ait pas déjà bénéficié du dispositif de libération des dettes dans les dix années précédant la demande ;

5)

il n’ait pas détourné l’actif ou fait valoir un passif inexistant, provoqué ou aggravé le déséquilibre, compromettant ainsi la reconstruction du patrimoine et la situation des affaires, ni recouru de manière abusive au crédit ;

6)

il n’ait pas été condamné, aux termes d’un arrêt devenu exécutoire, pour faillite frauduleuse, délit à l’encontre de l’économie publique, l’industrie et le commerce, ou pour tout autre délit commis en relation avec l’exercice de l’activité de l’entreprise, sauf si de tels délits ont été couverts par la réhabilitation. Dans l’hypothèse où une procédure pénale est en cours pour l’un de ces délits, le tribunal suspend l’instance jusqu’à l’issue de la procédure pénale.

La libération des dettes ne saurait être accordée si les créanciers déclarés dans le cadre de la procédure collective n’ont pas été au moins partiellement satisfaits.

Restent exclus de la libération des dettes :

a)

les obligations d’entretien et alimentaires et, en tout état de cause, les obligations découlant de relations étrangères à l’activité de l’entreprise,

b)

les dettes liées à la réparation de dommages relevant de la responsabilité extracontractuelle, aux sanctions pénales et administratives de nature pécuniaire n’étant pas accessoires à des dettes éteintes.

Les droits détenus par des créanciers à l’égard de codébiteurs, de garants du débiteur, et de débiteurs à titre récursoire, ne sont pas affectés par le dispositif. »

7

L’article 143 de la loi sur les faillites, intitulé « Procédure de libération des dettes », prévoit :

« [L]e Tribunal, par ordonnance de clôture de la procédure collective ou sur demande du débiteur présentée au cours de l’année qui suit, après avoir vérifié les conditions visées à l’article 142 et compte tenu du comportement collaboratif du débiteur, après avoir consulté l’administrateur judiciaire et le comité des créanciers, déclare inexigibles auprès du débiteur déclaré failli les dettes qui n’ont pas été honorées intégralement dans le cadre de la procédure collective. [...]

Le débiteur, les créanciers qui n’ont pas été pleinement satisfaits, le ministère public et toute autre personne concernée ont la faculté d’introduire une réclamation contre l’ordonnance précitée, conformément à l’article 26. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

8

Par une ordonnance du 14 avril 2008, le Tribunale di Mondovì (tribunal de Mondovi, Italie) a accordé à M. Identi, associé commandité de la société PVA di Identi Marco e C. Sas en faillite, lui-même déclaré failli à titre personnel, une libération des dettes. Postérieurement à cette ordonnance, l’administration fiscale a adressé à M. Identi un avis d’imposition au titre de la TVA et de l’impôt régional sur les activités productives pour l’exercice 2003.

9

Devant la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), l’administration fiscale demande la cassation de l’arrêt de la Commissione tributaria regionale del Piemonte (commission fiscale régionale du Piémont, Italie), du 26 mars 2012, qui a confirmé une décision de première instance constatant l’illégalité de cet avis d’imposition et rejeté l’appel formé par l’administration fiscale contre cette décision.

10

La juridiction de renvoi expose que la procédure de libération des dettes, applicable au débiteur, personne physique, entrepreneur commercial déclaré failli, a pour objectif de permettre à son bénéficiaire « de repartir à zéro » après une annulation de toutes ses dettes antérieures à l’égard des créanciers déclarés dans le cadre de la procédure collective, qui n’ont pas été honorées au terme de celle-ci, afin que ce débiteur redevienne un acteur économique actif sans être limité dans ses initiatives ou sa capacité à créer de la richesse par la charge de ces dettes. Le juge des faillites, en formation collégiale, prend la décision d’admettre le débiteur au bénéfice de cette procédure après avoir recueilli les avis non contraignants de l’administrateur judiciaire et du comité des créanciers et vérifié notamment si les conditions prévues à l’article 142, premier alinéa, de la loi sur les faillites sont réunies.

11

La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de la procédure de libération des dettes avec le droit de l’Union. Selon cette juridiction, se pose la question de savoir si, comme dans le cadre de la procédure de concordat préventif en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 avril 2016, Degano Trasporti (C‑546/14, EU:C:2016:206), des considérations d’ordre pratique, constatées par voie judiciaire, comme l’insolvabilité du débiteur méritant ou la possibilité de recouvrer seulement partiellement la créance de TVA, peuvent justifier de renoncer totalement ou partiellement à cette créance.

12

La juridiction de renvoi estime que, en énumérant de manière exhaustive, à l’article 142, troisième alinéa, de la loi sur les faillites, les dettes dont le débiteur ne peut être libéré, sans mentionner les créances fiscales, le législateur national a considéré que la personne pouvant bénéficier de la procédure de libération des dettes doit être déchargée également des dettes fiscales. Il y a cependant lieu, selon elle, de vérifier si l’application de cette procédure aux dettes de TVA n’est pas contraire au droit de l’Union.

13

Elle ajoute que se pose également la question de savoir si la réglementation nationale en cause au principal est compatible avec les règles de l’Union européenne en matière de concurrence, dès lors que cette réglementation favorise le retour dans la vie économique des personnes admises au bénéfice de ladite procédure par rapport à d’autres personnes déclarées en faillite, inéligibles ex lege.

14

C’est dans ces conditions que la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 4, paragraphe 3, TUE et les articles 2 et 22 de la sixième directive doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à l’application, en matière de TVA, d’une disposition nationale prévoyant l’extinction des dettes de TVA dans le chef des personnes admises à la procédure de libération des dettes régie par les articles 142 et 143 [de la loi sur les faillites] ? »

Sur la question préjudicielle

15

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union, en particulier l’article 4, paragraphe 3, TUE et les articles 2 et 22 de la sixième directive ainsi que les règles en matière d’aides d’État, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que des dettes de TVA soient déclarées inexigibles en application d’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant une procédure de libération des dettes par laquelle une juridiction peut, sous certaines conditions, déclarer inexigibles les dettes d’une personne physique ne se trouvant pas apurées à l’issue de la procédure de faillite dont cette personne a fait l’objet.

16

Il convient de rappeler qu’il découle des articles 2 et 22 de la sixième directive ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, TUE que les États membres ont l’obligation de prendre toutes les mesures législatives et administratives propres à garantir la perception de l’intégralité de la TVA due sur leur territoire (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Degano Trasporti, C‑546/14, EU:C:2016:206, point 19 et jurisprudence citée).

17

Dans le cadre du système commun de TVA, les États membres sont tenus de garantir le respect des obligations auxquelles les assujettis sont soumis et bénéficient, à cet égard, d’une certaine latitude en ce qui concerne, notamment, la manière d’utiliser les moyens dont ils disposent (arrêt du 7 avril 2016, Degano Trasporti, C‑546/14, EU:C:2016:206, point 20 et jurisprudence citée).

18

Cette latitude est néanmoins limitée par l’obligation de garantir un prélèvement efficace des ressources propres de l’Union et par celle de ne pas créer de différences significatives dans la manière dont sont traités les assujettis, que ce soit au sein de l’un des États membres ou dans l’ensemble de ceux-ci. La directive TVA doit être interprétée conformément au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA, selon lequel des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations ne doivent pas être traités différemment en matière de perception de la TVA. Toute action des États membres concernant le prélèvement de la TVA doit respecter ce principe (arrêt du 7 avril 2016, Degano Trasporti, C‑546/14, EU:C:2016:206 point 21 et jurisprudence citée).

19

Les ressources propres de l’Union comprennent, notamment, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2007, L 163, p. 17), les recettes provenant de l’application d’un taux uniforme à l’assiette harmonisée de la TVA déterminée selon les règles de l’Union. Un lien direct existe ainsi entre la perception des recettes provenant de la TVA dans le respect du droit de l’Union applicable et la mise à disposition du budget de l’Union des ressources TVA correspondantes, dès lors que toute lacune dans la perception des premières se trouve potentiellement à l’origine d’une réduction des secondes (arrêt du 7 avril 2016, Degano Trasporti, C‑546/14, EU:C:2016:206, point 22 et jurisprudence citée).

20

Au regard de ces éléments, il convient de déterminer si la possibilité, sous certaines conditions, de déclarer inexigibles des dettes de TVA en application de la procédure de libération des dettes en cause au principal est contraire à l’obligation des États membres de garantir la perception de l’intégralité de la TVA due sur leur territoire de même que le prélèvement efficace des ressources propres de l’Union. Il y a lieu, pour ce faire, d’examiner les conditions d’application de ladite procédure.

21

Il apparaît, tout d’abord, que la procédure de libération des dettes, telle que décrite par la juridiction de renvoi et exposée aux points 5 à 7 du présent arrêt, vise à permettre à une personne physique déclarée faillie d’être libérée des dettes qui, à l’issue de la procédure de faillite dont cette personne a fait l’objet, ne se trouvent pas apurées, afin que celle-ci puisse reprendre une activité entrepreneuriale. Concomitante ou postérieure à la procédure de faillite, l’application de la procédure de libération des dettes suppose donc que le patrimoine du débiteur ait été totalement liquidé et que la répartition entre les créanciers de l’actif résultant de cette liquidation n’ait pas permis d’apurer l’intégralité des dettes. En outre, la libération des dettes n’est accordée, selon l’article 142, deuxième alinéa, de la loi sur les faillites, que si les créanciers déclarés dans le cadre de la procédure de faillite ont été au moins partiellement satisfaits.

22

Ensuite, la procédure de libération des dettes s’applique uniquement aux personnes physiques remplissant certaines conditions, énoncées à l’article 142, premier alinéa, de la loi sur les faillites, qui sont relatives au comportement du débiteur antérieurement à l’ouverture de la procédure collective et au cours de celle-ci. Il ressort notamment de ces conditions que le débiteur, d’une part, ne doit pas avoir déjà bénéficié d’une telle procédure au cours des dix années précédant la demande, qu’il ne doit pas avoir fait l’objet de condamnations pour faillite frauduleuse, délit économique ou en relation avec l’exercice de l’activité entrepreneuriale, ni avoir détourné l’actif de l’entreprise, organisé son insolvabilité ou aggravé celle-ci par un recours abusif au crédit et, d’autre part, doit avoir été coopératif et diligent au cours de la procédure collective. Ces conditions paraissent donc tenir, pour l’essentiel, à la probité et à la loyauté du débiteur, et être ainsi de nature à réserver le bénéfice de la procédure de libération des dettes aux débiteurs de bonne foi.

23

Enfin, s’agissant du déroulement de la procédure, l’article 143 de la loi sur les faillites prévoit, premièrement, que la juridiction saisie doit vérifier que les conditions visées à l’article 142 de ladite loi sont réunies, deuxièmement, que l’administrateur judiciaire et le comité des créanciers doivent être consultés et, enfin, troisièmement, que les créanciers qui n’ont pas été pleinement satisfaits, le ministère public et toute autre personne concernée peuvent former un recours contre la décision de ladite juridiction déclarant inexigibles les dettes qui n’ont pas été honorées intégralement dans le cadre de la procédure collective. Ainsi, la procédure de libération des dettes implique un examen au cas par cas, effectué par un organe juridictionnel. Elle permet en outre à l’État membre concerné, détenteur d’une créance de TVA, d’une part, d’émettre un avis sur la demande du débiteur qui sollicite le bénéfice de cette procédure, préalablement à la décision statuant sur cette demande, et, d’autre part, de former un recours, le cas échéant, contre la décision déclarant inexigibles des dettes de TVA non intégralement honorées, conduisant à un second contrôle juridictionnel.

24

Il ressort de ces constatations que, à l’instar de la procédure de concordat préventif examinée dans l’arrêt du 7 avril 2013, Degano Trasporti (C‑546/14, EU:C:2016:206, point 28), la procédure de libération des dettes en cause au principal est soumise à des conditions d’application strictes offrant des garanties en ce qui concerne notamment le recouvrement des créances de TVA et que, compte tenu de ces conditions, elle ne constitue pas une renonciation générale et indifférenciée à la perception de la TVA et n’est pas contraire à l’obligation des États membres de garantir la perception de l’intégralité de la TVA due sur leur territoire de même que le prélèvement efficace des ressources propres de l’Union (voir arrêt du 7 avril 2016, Degano Trasporti, C‑546/14, EU:C:2016:206, point 28).

25

S’agissant des règles en matière d’aides d’État, il convient de rappeler que la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État » requiert, selon une jurisprudence constante, que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources de l’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêts du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 40, ainsi que du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group SA e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 53 et jurisprudence citée).

26

En ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l’avantage qui est constitutive de la notion d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il résulte d’une jurisprudence tout aussi constante de la Cour que l’appréciation de cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group SA e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

27

Par ailleurs, il convient de rappeler que le fait que seuls les contribuables remplissant les conditions pour l’application d’une mesure peuvent bénéficier de celle-ci ne saurait, en soi, conférer à cette mesure un caractère sélectif (voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2012, 3M Italia, C‑417/10, EU:C:2012:184, point 42, ainsi que du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group SA e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 59).

28

En l’occurrence, il suffit de constater que, dans le cadre des dispositions de la loi sur les faillites régissant la procédure de libération des dettes, les personnes auxquelles le bénéfice de cette procédure n’est pas accordé soit parce qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de cette procédure, soit parce que les conditions prévues à l’article 142 de ladite loi ne sont pas remplies ne se trouvent pas dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des personnes auxquelles ledit bénéfice est accordé au regard de l’objectif poursuivi par ces dispositions, qui est, ainsi que cela ressort des points 10 et 12 ainsi que des points 21 et 22 du présent arrêt, de permettre à une personne physique déclarée faillie, débiteur de bonne foi, de reprendre une activité entrepreneuriale en étant déchargée des dettes qui, à l’issue de la procédure de faillite dont cette personne a fait l’objet, ne se trouvent pas apurées.

29

Il s’ensuit, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres conditions rappelées au point 25 du présent arrêt, qu’une libération des dettes telle que prévue par la loi sur les faillites n’est pas susceptible d’être qualifiée d’aide d’État.

30

Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de répondre à la question posée que le droit de l’Union, en particulier l’article 4, paragraphe 3, TUE et les articles 2 et 22 de la sixième directive ainsi que les règles en matière d’aides d’État, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que des dettes de TVA soient déclarées inexigibles en application d’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant une procédure de libération des dettes par laquelle une juridiction peut, sous certaines conditions, déclarer inexigibles les dettes d’une personne physique ne se trouvant pas apurées à l’issue de la procédure de faillite dont cette personne a fait l’objet.

Sur les dépens

31

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

Le droit de l’Union, en particulier l’article 4, paragraphe 3, TUE et les articles 2 et 22 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, ainsi que les règles en matière d’aides d’État, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que des dettes de taxe sur la valeur ajoutée soient déclarées inexigibles en application d’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant une procédure de libération des dettes par laquelle une juridiction peut, sous certaines conditions, déclarer inexigibles les dettes d’une personne physique ne se trouvant pas apurées à l’issue de la procédure de faillite dont cette personne a fait l’objet.

 

Signatures


( 1 ) Langue de procédure : l’italien.